Accord France-Luxembourg (Procédure accélérée)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, autorisant l'approbation de l'avenant entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Grand-Duché de Luxembourg au protocole d'accord du 20 mars 2018 relatif au renforcement de la coopération en matière de transports transfrontaliers et à la convention du 23 octobre 2020 relative au financement d'aménagements visant à renforcer la desserte ferroviaire et favoriser les mobilités durables.

Mme Chrysoula Zacharopoulou, secrétaire d'État chargée du développement, de la francophonie et des partenariats internationaux .  - La coopération transfrontalière entre la France et le Luxembourg est un volet essentiel de nos relations bilatérales pour faciliter le quotidien des transfrontaliers. Les sénateurs des départements frontaliers ne me contrediront pas.

En 2018, 90 000 travailleurs transfrontaliers traversaient la frontière par la route ou le rail chaque jour. En 2023, ils sont 122 000, ce qui pourrait doubler d'ici à 2050. Les axes sont régulièrement saturés. Cette situation difficile à vivre...

M. Jean-Marie Mizzon.  - Très difficile !

Mme Chrysoula Zacharopoulou, secrétaire d'État.  - Il est essentiel de poursuivre le renforcement de la coopération sur les mobilités, afin de réduire les nuisances.

Lors de la commission intergouvernementale de 2021, nos deux pays se sont engagés à augmenter chacun à hauteur de 110 millions d'euros leur contribution. L'objectif est de renforcer les actions engagées dans le protocole de 2018. Ces nouveaux financements permettront de poursuivre les investissements sur la voie entre Metz et Luxembourg, dont les capacités passeront de 8 000 places aujourd'hui à 14 000 en 2025 et 22 000 entre 2028 et 2030.

Les actions conjointes de nos deux pays amélioreront la qualité de vie des transfrontaliers, en accord avec nos engagements environnementaux.

Voilà l'essentiel de cet avenant, qui fait l'objet de ce projet de loi.

M. Ludovic Haye, rapporteur de la commission des affaires étrangères .  - Quelque 123 000 Français traversent la frontière chaque jour pour se rendre à leur travail, 3 000 de plus chaque année. L'autoroute A 31 est congestionnée et la voie ferrée est sujette à des incidents fréquents.

En 2009, un schéma transfrontalier a été développé pour faire passer à 25 % la part du train et du bus d'ici à 2030.

Le protocole d'accord de 2018 vise à mettre en oeuvre une politique de transport multimodal, en accord avec les objectifs de développement durable. Il s'agit par exemple de construire des parkings relais et de doubler le nombre de rames. Les investissements permettront de financer de nouvelles infrastructures, adaptées au covoiturage et aux bus : élargissement de l'A31 et contournement de Thionville côté français, troisième voie sur l'A3 côté luxembourgeois. Pas moins de 220 millions d'euros ont été alloués au volet ferré et 10 millions au volet routier, à parité entre la France et le Luxembourg.

La plupart des aménagements ferroviaires ont déjà été réalisés. La région Grand Est devra ensuite acquérir des trains à trois unités mobiles, contre deux actuellement, et construire un centre de maintenance à Montigny-lès-Metz.

Dans le domaine routier, aucune avancée n'a eu lieu. Seule une concertation a été organisée pour le contournement de Thionville. La situation s'aggrave : le parcours des frontaliers s'est allongé de moitié aux heures de pointe.

Cet avenant doit permettre d'atteindre les objectifs fixés. Le Premier ministre luxembourgeois a annoncé une contribution supplémentaire de 115 millions d'euros, complétée par une contribution identique de la France.

Environ 135 000 Français travailleront au Luxembourg en 2030, peut-être plus : ces investissements ne devraient sans doute pas suffire. Conseiller régional de la région Grand Est - je salue à cette occasion Véronique Guillotin - je m'en inquiète de la participation de la Région, qui financera, entre autres, l'intégralité du centre de Montigny-lès-Metz.

Le Gouvernement a pris le problème en main. Vendredi dernier, un protocole d'accord du contrat de plan État-Région (CPER) a été signé. Mais pour l'heure, aucun résultat : une fois rénovées, les voies ferrées ne pourront remédier seules à la hausse des flux ; le transport routier est incontournable, à condition de développer les cars et le covoiturage - depuis 2010, les émissions de dioxyde d'azote ont baissé de moitié, grâce aux nouveaux moteurs, alors que le trafic n'a cessé d'augmenter.

Le télétravail peut constituer une réponse intéressante. La France a accepté de rehausser le seuil de tolérance fiscale de 29 à 34 jours.

Une solution pérenne devra être trouvée sur le partage de l'impôt sur le revenu du télétravail, à l'image de l'accord trouvé avec la Suisse. Il faut nous inspirer de l'accord entre la Belgique et le Luxembourg, qui a versé 48 millions d'euros de compensations fiscales à son voisin en 2022, les impôts des transfrontaliers étant perçus au Luxembourg. La France compte 123 000 travailleurs frontaliers au Luxembourg, soit le quart de la population active du Grand-Duché.

Xavier Bettel, Premier ministre du Luxembourg, disait qu'il ne souhaitait pas que cet argent serve à installer des décorations de Noël, mais à améliorer la vie des frontaliers. Ancien maire de Rixheim, je peux vous dire que c'est bien le cas.

Le fonctionnement actuel n'est pas acceptable : les projets dépendent de la bonne volonté luxembourgeoise. Les rétrocessions fiscales pourraient financer des projets identifiés par la commission intergouvernementale, par exemple en matière d'infrastructures ou de formation professionnelle.

Je vous invite donc à adopter ce projet de loi, qui améliorera le quotidien des travailleurs transfrontaliers. (Applaudissements sur les travées du RDPI et du groupe INDEP ; M. Jacques Fernique applaudit également.)

M. Jean-Luc Brault .  - (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP) La liaison Metz-Thionville-Luxembourg est sans doute la plus utilisée du corridor ferroviaire Mer du Nord-Méditerranée ; c'est un signe du dynamisme économique de la région.

Mais la situation est préoccupante, sur l'axe routier comme sur l'axe ferroviaire, pour l'environnement comme pour la qualité de vie des frontaliers. L'entretien du réseau SNCF est déficient. Les flux de voyageurs et de marchandises croissent d'année en année.

Il faut investir davantage dans de nouvelles infrastructures. Cela signifie créer des emplois, et développer les lignes. L'avenant concerne surtout la ligne ferroviaire, avec l'automatisation de la ligne et le nouveau centre de maintenance. Groupe pro-européen, nous ne pouvons que nous réjouir de cette coopération.

Le choix autoroutier est certes nécessaire, mais le choix ferroviaire l'est encore plus : le trafic routier représente 95 % des émissions de gaz à effet de serre (GES) dans notre pays ! Cette coopération réduira l'empreinte carbone de nos deux pays et améliorera la santé des habitants de ce couloir. Nous bâtissons aussi les capacités économiques de nos deux pays et de l'Union européenne.

Cette union est une chance : assurons-nous qu'elle le reste. Nous devons faire prévaloir la coopération, sans qu'aucune partie ne puisse imposer son point de vue à l'autre. Nous voterons ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP ; M. Ludovic Haye applaudit également.)

M. Jean-Marie Mizzon .  - Ce texte va dans le bon sens : nous soutenons cet avenant à 100 % !

Mais va-t-il régler les problèmes du quotidien et mettre fin aux sempiternels bouchons ? Tout est saturé : réseau ferroviaire, autoroutier, réseau secondaire. C'est l'asphyxie généralisée !

La vie va-t-elle changer ? À la lecture de l'étude d'impact, on peut en douter. L'étude indique que, sur la même période, il y aura 21 000 voyageurs transfrontaliers de plus, et seulement 22 000 places de train, covoiturage et car supplémentaires... Mais toutes les voies de circulation sont déjà saturées !

Encore un effort ! Ces 100 millions ne seront pas suffisants. Je note que cette somme est payée à 100 % par l'État, côté Luxembourg, mais, côté français, aussi par la région Grand Est et d'autres collectivités territoriales - or celles-ci sont toutes à la recherche de financements.

Aux termes du décret tertiaire, ces collectivités devront faire face au mur d'investissements de la rénovation énergétique des bâtiments. Des études parlent de 55 milliards d'euros pour atteindre le premier niveau du décret, soit 40 % de réduction des émissions d'ici à 2030.

La France tente de convaincre le Luxembourg de contribuer plus. La plupart des équipements que nous construisons ne sont pas détachables de l'emploi au Luxembourg. De plus, la résidence de ces travailleurs en France affecte le « zéro artificialisation nette » (ZAN).

Jules Ferry le disait bien : on n'a pas inventé l'art de faire des grandes choses sans argent. Et même lorsque les projets ne nécessitent pas d'argent, cela ne fonctionne pas plus ! Pour preuve, le conseil départemental de la Moselle travaille depuis douze ans pour construire un collège franco-luxembourgeois. Les Luxembourgeois sont d'accord ; tout le monde est d'accord ; il ne faut qu'un accord de l'État, sans financement ! Et je ne vous parle pas du statut de l'élu... (Mme Véronique Guillotin et M. Ludovic Haye applaudissent.)

M. Jacques Fernique .  - (Applaudissements sur les travées du GEST et du groupe SER) Cet avenant vise à accélérer les investissements de mobilité entre le sillon lorrain et ce pôle massif d'emplois que représente le Luxembourg.

En 2018, les voyageurs étaient au nombre de 90 000, contre 120 000 aujourd'hui. On parle d'un doublement d'ici à 2050.

Saturation des voies, TER bondés, allongement des temps de trajet de 53 %... Un frontalier habitant à Metz et travaillant à Luxembourg me le disait : retards et suppressions de trains l'obligent à se lever à six heures du matin, juste pour trouver une place debout dans le train !

M. Jean-Marie Mizzon.  - Voilà la vérité !

M. Jacques Fernique.  - Si l'A31 nécessite des aménagements dans sa partie sud et centre, il est contre-productif d'investir dans la partie nord : mieux vaudrait investir dans les cars express et dans le covoiturage.

Il s'agit de mettre en oeuvre un service express eurométropolitain. On souhaite que 25 % - au lieu de 10 % - des travailleurs transfrontaliers voyagent par le train. L'article 4 fixe un objectif de 22 000 places dans le train en 2030... Il aurait fallu essayer d'atteindre 40 000.

Les contributions sont doublées, mais la parité pose question.

Le protocole de 2018 prévoyait des crédits, mais peu ont été engagés. Tout est bien lent ; par rapport à nos voisins, la modernisation a pris du retard. Il faut aller plus fort et plus vite ! Il faut une troisième voie ferroviaire ! Nous voterons ce texte. (Applaudissements à gauche ; M. Jean-Marie Mizzon applaudit également.)

M. Olivier Jacquin.  - Très bien !

Mme Silvana Silvani .  - (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K et du GEST) Ce débat est l'occasion d'alerter sur la situation des travailleurs transfrontaliers lorrains. Quelque 117 000 de nos compatriotes travaillent au Luxembourg, ils devraient être 160 000 en 2040. TER bondés, usagers entassés, automobilistes bloqués : telle est la réalité.

Les modalités de mise en oeuvre du projet sont injustes : dans l'attente d'une relation nouvelle avec le Luxembourg, tous les moyens supplémentaires sont concentrés sur le seuil sillon lorrain, délaissant le Pays-Haut de Meurthe-et-Moselle, où pourtant 30 000 voitures franchissent la frontière chaque jour.

Notre pays continue de garantir des droits aux travailleurs. Or les territoires où vivent ces personnes supportent des coûts sans retirer d'avantages financiers. Nous devons mettre fin au modèle du cofinancement. La participation du Luxembourg devrait être plus élevée. La convention de 2018 doit être révisée au profit d'un mécanisme de rétrocession fiscale plus respectueux de la libre administration des communes. Il faut mettre fin à notre dépendance à l'égard du bon vouloir du Luxembourg.

La complaisance du Gouvernement avec le Luxembourg m'interroge. La contribution des frontaliers aux finances publiques du Luxembourg s'élève à 2 milliards d'euros -  ce manque à gagner pèse lourd pour les communes du Nord lorrain.

De plus, je m'interroge : pourquoi le Gouvernement facilite-t-il le logement des fonctionnaires près de la frontière suisse, et pas en Lorraine ? Les prix y avoisinent ceux du marché parisien. Nos collectivités doivent offrir des salaires attractifs, sans parler des surcoûts, comme l'amplitude horaire plus grande des services publics, à l'instar des crèches.

Il est injuste que le Luxembourg ne paie que la moitié de ce projet. Aucune démarche diplomatique n'est lancée pour faire bouger les choses. Nous nous abstiendrons.

Mme Véronique Guillotin .  - (MM. Ludovic Haye et Jean-Marie Mizzon applaudissent.) Cinq ans après le protocole de 2018, les travailleurs transfrontaliers sont au nombre de 120 000. C'est un enjeu majeur pour le territoire. La congestion ferroviaire et routière est un problème quotidien. La saturation justifie l'augmentation de l'enveloppe prévue par cet avenant. Nous souscrivons à ce projet à 100 %, qui augmentera la fréquence des trains.

Mais cela réglera-t-il tous les problèmes ? Bien sûr que non ! II signe néanmoins la mobilisation inédite de l'État et des collectivités territoriales en matière de mobilités durables.

La semaine dernière, la région a signé le volet mobilité du CPER : 70 % des crédits sont destinés au ferroviaire, en faveur notamment du projet Lorraine-Luxembourg.

Lorsqu'on habite ce territoire, on mesure combien nos deux pays sont interdépendants. Ce projet s'inscrit dans un processus de coopération renforcée. La dernière conférence intergouvernementale (CIG) s'est tenue en avril : elle a fait avancer les choses, par exemple pour le télétravail.

Il faut une implication ministérielle, voire interministérielle, plus forte, comme l'a dit Jean-Marie Mizzon, lorsque nous traitons avec le Luxembourg. Pourquoi ne pas créer un délégué dédié ? On ne peut laisser le préfet seul face au ministre luxembourgeois.

Au-delà de la mobilité, il y a des problèmes de santé et de sécurité. En outre, les deux États doivent s'engager auprès des collectivités territoriales, qui font face à des surcoûts, liés notamment à la gestion des crèches, comme cela a été dit.

La formation est aussi essentielle. La France forme des infirmiers, qui partent travailler au Luxembourg. Nous avions pensé à une solution transfrontalière, mais là encore, nous avons besoin des ministres et du Gouvernement !

Notre groupe votera sans réserve ce projet de loi. (MM. Jean-Marie Mizzon, Ludovic Haye et Marc Laménie applaudissent.)

Mme Nicole Duranton .  - Quelque 123 000 Français travaillent au Luxembourg, ils occupent un quart des emplois salariés du pays. Ils sont 3 000 de plus chaque année, et seront 135 000 en 2030, d'où des problèmes de transport. L'A31 est régulièrement congestionnée et l'axe ferroviaire Metz-Thionville-Luxembourg est saturé.

Voilà quatre ans, le Parlement approuvait le protocole d'accord entre les deux pays : ce texte visait à instaurer une politique de transport multimodal, concertée entre les deux pays. Dans le domaine ferroviaire, l'objectif était de tripler le nombre de voyageurs quotidiens. Dans le domaine routier, il s'agissait de développer le covoiturage et les cars transfrontaliers, par la création de voies dédiées, de parkings de regroupement et de gares routières.

Les infrastructures routières existantes devaient être adaptées. L'A31 devait être élargie à trois voies entre Thionville et le Luxembourg. Côté Luxembourg, une troisième voie de circulation était prévue sur l'A3. La solution retenue est donc multimodale. Le coût total de ces travaux était estimé à 220 millions d'euros pour le volet ferroviaire et à 20 millions d'euros pour le volet routier, financés à parité par la France et le Luxembourg.

Quel bilan tirer, quatre ans après ? Les aménagements ferroviaires sont en passe d'être entièrement réalisés. Sur le volet routier, aucune avancée ne s'est concrétisée : une concertation sur le contournement de Thionville vient d'être lancée.

Le présent avenant vise à renforcer les mobilités durables. En juin 2021, le Premier ministre luxembourgeois a annoncé une nouvelle contribution financière à hauteur de 110 millions d'euros pour les infrastructures ferroviaires d'intérêt commun entre la France et le Grand-Duché. La France versera la même somme, notamment pour deux projets, la construction d'un centre de maintenance à Montigny-lès-Metz et l'automatisation ou la semi-automatisation de la ligne.

Certains collègues étaient inquiets en commission : mais la France défend bien ses intérêts. Ce texte est essentiel pour améliorer la liaison ferroviaire entre la France et le Luxembourg. Le groupe RDPI vous invite à adopter ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

M. Olivier Jacquin .  - Il y a beaucoup à dire sur la mobilité entre la France et le Luxembourg. Nous devons nous prononcer sur les efforts budgétaires annoncés. Or, je le regrette, pour les Lorrains, 100 millions, plus 110 millions, cela fait moins que 210 millions. Un peu comme si deux et deux faisaient trois... Le Luxembourg ne met pas assez d'argent sur la table. Comment se satisfaire de 210 millions dans une zone sursaturée ? Le volet mobilité du CPER Grand Est, c'est 2 milliards d'euros, dont 600 millions d'euros pour nos territoires !

La vérité, c'est que le Luxembourg fait son marché dans les projets à soutenir. Il refuse d'investir dans le routier et privilégie le ferroviaire. Pourquoi refuse-t-il de cofinancer l'achat de nouvelles rames, comme cela est pourtant prévu depuis 2018 ? Monsieur le rapporteur, je regrette que vous n'ayez pas insisté sur ce point.

L'objectif de 20 000 passagers en 2030 supposerait 600 millions d'euros. Pourquoi cette somme serait-elle majoritairement financée par les collectivités territoriales françaises ?

La préfiguration du service express régional métropolitain (Serm) du sillon lorrain doit être renforcée. Il faudrait une troisième voie : pourquoi cette option n'est-elle pas envisagée, comme pour le Léman Express ? Ni la convention ni le CPER ne résoudront le problème.

On compte plus de 100 000 passagers par la route : attaquons-nous aux bouchons quotidiens de l'A31. Certes, l'A31 bis est enfin confirmée, mais sous concession, avec un péage de 8 euros par jour. Une autre solution était possible : la région Grand Est aurait pu lever une contribution sur les poids lourds, qui pénaliserait les flux étrangers.

Comment accepter que le pays détenant le record du PIB par habitant contribue aussi peu ? N'oublions pas ce que l'afflux de frontaliers apporte à notre voisin, en témoignent les 800 millions d'impôts annuels prélevés à la source sur les revenus des frontaliers - soit 4,8 milliards d'euros de gain sur six ans.

Quand le Luxembourg met 100 millions sur les TER, la région Grand Est répartit ses crédits, mais fait des économies budgétaires sur le dos de la Lorraine. L'État ne flèche pas les recettes vers les territoires : tant mieux pour eux, dommage pour le Nord lorrain.

Intensifions les rapports entre l'État et le Luxembourg. L'exemple suisse est intéressant. Mais une rétrocession fiscale resterait à Bercy. Je plaide pour un fonds de développement alimenté par le Luxembourg. Il reste beaucoup de travail pour améliorer la vie des Lorrains. Ne traînons pas ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER et du GEST)

Mme Catherine Belrhiti .  - C'est toujours une grande fierté pour une Mosellane de s'exprimer ici sur son département. Plus de 120 000 Français travaillent au Luxembourg et leur nombre ne cesse de croître. Les déplacements posent problème : l'A31 cristallise les tensions. Face à une autoroute congestionnée et des lignes ferroviaires saturées, il fallait une solution bilatérale pour endiguer le phénomène et anticiper l'avenir.

En 2018, le Parlement a voté le protocole d'accord entre nos deux pays. Ce texte envisageait une politique de transport multimodal. Malheureusement, ses résultats sont insuffisants face à l'ampleur du problème. Le présent avenant vise à renforcer les mobilités durables.

En juin 2021, le Premier ministre luxembourgeois a annoncé une contribution de 110 millions, complétée à parité par l'État français. Mais elle porte sur le ferroviaire. Les aménagements sont en cours de réalisation. De nouveaux projets sont envisagés : construction d'un centre de maintenance à Montigny-lès-Metz, semi-automatisation ou automatisation de la conduite des trains. Cela réduira les nuisances, mais rien ne garantit que ces efforts seront suffisants. Le développement des lignes de car ou le covoiturage ne pourront régler le problème.

La concrétisation de l'A31 bis, serpent de mer, a enfin été annoncée. Elle limitera l'impact environnemental le long des vallées de la Fensch. La construction d'un tunnel au niveau de Florange améliorera les choses.

La signature de cet avenant est indispensable. Toutefois, je regrette que le Luxembourg investisse si peu dans des infrastructures routières dont il est le premier bénéficiaire. De plus, compte tenu de l'augmentation du nombre de frontaliers, les objectifs fixés seront-ils suffisants ? Les efforts de la France pour favoriser le ferroviaire se heurtent à la réalité de nos territoires : le ferroviaire ne saurait seul résoudre les problèmes. Les Mosellans attendent de l'État des efforts supplémentaires.

Le groupe Les Républicains votera cet avenant. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Marc Laménie .  - Je suis heureux de m'exprimer sur ce texte, en tant que représentant des Ardennes : je suis aussi familier des problèmes de transport transfrontalier entre la France et la Belgique. Des problèmes touchent la ligne Charleville-Mézières - Givet - Namur, tronçon de 22 kilomètres.

Lorsque je faisais mon service militaire à Nancy, j'utilisais la ligne Thionville-Metz-Luxembourg. À l'époque, il y avait le Métrolor, mais les déplacements étaient moins nombreux. Le temps a passé, il faut s'adapter. Je suis un infatigable défenseur du ferroviaire.

Se pose le problème du financement : les contributions de l'État envers les collectivités territoriales s'élèvent à 108 milliards d'euros. N'oublions pas la région Grand Est et le Luxembourg, en tant qu'État.

Beaucoup de travailleurs sont concernés. Or les flux ne feront qu'augmenter, tant pour le train que pour les autres modes de transport : l'A31 est totalement saturée.

Il faut soutenir ce projet de loi : je le voterai. (Mme Véronique Guillotin applaudit.)

M. Michaël Weber.  - Ce projet de loi ne suffira pas à répondre à l'augmentation du nombre de frontaliers travaillant au Luxembourg.

Il faut aller plus loin, vers de nouveaux mécanismes de solidarité financière. La question de la fiscalité ne doit pas être absente de ce débat. Nous présenterons un projet de compensation fiscale au profit des territoires.

Le Grand-Duché est l'un des seuls États à ne pas prendre en compte la fiscalité. Un mécanisme de compensation existe avec Genève, par exemple.

En cinq ans, le Luxembourg n'a engagé que 21 millions d'euros de dépenses sur des projets de codéveloppement, choisis par lui, soit 35 euros par an et par frontalier. L'inaction aura un coût ! Le Luxembourg doit prendre à sa charge une partie du service transfrontalier et faire un effort en matière de fiscalité.

Nous continuerons à nous battre pour obtenir des mécanismes de reversement et de compensation. (Applaudissements sur les travées du groupe SER et du GEST)

M. Olivier Jacquin.  - Très bien !

Le projet de loi est définitivement adopté.

La séance est suspendue quelques instants.