Disponible au format PDF Acrobat


Vous pouvez également consulter le compte rendu intégral de cette séance.


Table des matières



Questions d'actualité

Épisode de gel destructeur (I)

M. Daniel Salmon

M. Julien Denormandie, ministre de l'agriculture et de l'alimentation

Nouvelle carte d'identité numérique

M. Dany Wattebled

M. Gérald Darmanin, ministre de l'intérieur

Épisode de gel destructeur (II)

M. Gilbert Bouchet

M. Julien Denormandie, ministre de l'agriculture et de l'alimentation

Épisode de gel destructeur (III)

M. Alain Duffourg

M. Julien Denormandie, ministre de l'agriculture et de l'alimentation

Accord entre Suez et Veolia

Mme Michelle Gréaume

M. Olivier Dussopt, ministre délégué chargé des comptes publics

Reconstruction de Notre-Dame

M. Julien Bargeton

Mme Roselyne Bachelot, ministre de la culture

Épisode de gel destructeur (IV)

M. Denis Bouad

M. Julien Denormandie, ministre de l'agriculture et de l'alimentation

Épisode de gel destructeur (V)

Mme Nathalie Delattre

M. Julien Denormandie, ministre de l'agriculture et de l'alimentation

Épisode de gel destructeur (VI)

Mme Anne Ventalon

M. Julien Denormandie, ministre de l'agriculture et de l'alimentation

Situation des services de pédopsychiatrie

M. Jean-Luc Fichet

Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée chargée de l'autonomie

Conseil des ministres en distanciel

M. Philippe Bas

M. Jean Castex, Premier ministre

Sanctions contre la junte birmane

M. François Bonneau

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État chargé du tourisme, des Français de l'étranger et de la francophonie

Courrier du Président de la République aux Français de l'étranger

M. Stéphane Le Rudulier

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État chargé du tourisme, des Français de l'étranger et de la francophonie

Revalorisations salariales pour les professionnels de santé

Mme Michelle Meunier

Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée chargée de l'autonomie

Attribution des créneaux libérés par Air France

Mme Catherine Procaccia

Mme Bérangère Abba, secrétaire d'État chargée de la biodiversité

Rémunération des professionnels de santé participant à la vaccination

Mme Jocelyne Guidez

Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée chargée de l'autonomie

Organisation des prochaines élections départementales et régionales

M. Jean Castex, Premier ministre

M. François-Noël Buffet

Mme Vanina Paoli-Gagin

M. Guillaume Gontard

M. François Patriat

M. Jean-Claude Requier

Mme Cécile Cukierman

M. Olivier Henno

M. Éric Kerrouche

M. Jean Louis Masson

M. Gérald Darmanin, ministre de l'intérieur

M. Jean Castex, Premier ministre

Lutte contre l'illectronisme et pour l'inclusion numérique

Discussion générale

M. Éric Gold, auteur de la proposition de loi

M. Thani Mohamed Soilihi, rapporteur de la commission des lois

Mme Olivia Gregoire, secrétaire d'État chargée de l'économie sociale, solidaire et responsable

Mme Guylène Pantel

M. Pierre Ouzoulias

M. Jean-Pierre Moga

Mme Martine Filleul

Mme Céline Boulay-Espéronnier

M. Pierre-Jean Verzelen

M. Guy Benarroche

M. Xavier Iacovelli

M. Patrick Chaize

Mme Martine Berthet

Discussion des articles

ARTICLE PREMIER

M. Jacques Fernique

ARTICLE 2

ARTICLE 3

ARTICLE 4

ARTICLE 5

ARTICLE ADDITIONNEL après l'article 5

ARTICLE 6

ARTICLE 7

ARTICLE 8

ARTICLE 9

ARTICLE 10

ARTICLE ADDITIONNEL après l'article 10

ARTICLE 11

ARTICLE ADDITIONNEL après l'article 11

ARTICLE 12

ARTICLE ADDITIONNEL après l'article 12

ARTICLE 13

ARTICLE ADDITIONNEL après l'article 13

ARTICLE 14

ARTICLE 15

Explications de vote

M. Guy Benarroche

M. Jean-Claude Requier

Mme Cécile Cukierman

Mme Angèle Préville

Expropriation de biens en état d'abandon manifeste

Discussion générale

M. Jean-Claude Requier, auteur de la proposition de loi

M. François Bonhomme, rapporteur de la commission des lois

M. Joël Giraud, secrétaire d'État auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la ruralité

M. Bernard Fialaire

Mme Cécile Cukierman

M. Jean-Pierre Moga

M. Hussein Bourgi

M. Pierre-Jean Verzelen

M. Guy Benarroche

M. Ludovic Haye

Mme Dominique Estrosi Sassone

Mme Nadia Sollogoub

Mme Catherine Belrhiti

M. Antoine Lefèvre

Discussion de l'article unique

M. Patrick Chaize

M. Marc Laménie

M. Daniel Gremillet

Ordre du jour du jeudi 15 avril 2021




SÉANCE

du mercredi 14 avril 2021

86e séance de la session ordinaire 2020-2021

présidence de M. Gérard Larcher

Secrétaires : Mme Esther Benbassa, M. Daniel Gremillet.

La séance est ouverte à 15 heures.

Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.

Questions d'actualité

M. le président.  - L'ordre du jour appelle les questions d'actualité au Gouvernement.

La séance est retransmise en direct sur Public Sénat et sur notre site internet.

J'appelle chacun de vous à observer au cours de nos échanges l'une des valeurs essentielles du Sénat : le respect des uns et des autres et celui du temps de parole.

Épisode de gel destructeur (I)

M. Daniel Salmon .  - (Applaudissements sur les travées du GEST) Face à l'épisode de gel d'une ampleur sans précédent qui frappe la France, toute notre solidarité va à nos paysannes et paysans qui ont perdu en une nuit les fruits d'une année de travail. Des vignobles du Chablis aux vergers de la Drôme, en passant par les semis de betteraves de Seine-et-Marne, c'est la désolation.

Cette catastrophe est liée au dérèglement climatique ; ce type d'aléa se reproduira.

Le système de calamité agricole, même déplafonné, n'est plus adapté face à des épisodes climatiques extrêmes à répétition. L'indemnisation se fait attendre de longs mois, les critères d'éligibilité drastiques évincent nombre de petites exploitations - quand elles ne sont pas tout bonnement exclues. Les viticulteurs doivent recourir à des assurances privées, inadaptées et coûteuses.

Il faut engager maintenant des mesures structurantes pour couvrir tous les risques climatiques, pour toutes les cultures. Le rapport de Nicole Bonnefoy est une bonne base de réflexion.

Didier Guillaume s'était engagé il y a plus de deux ans à remettre à plat le régime de calamité agricole. Les travaux ont-ils avancé depuis ? (Applaudissements sur les travées du GEST)

M. Julien Denormandie, ministre de l'agriculture et de l'alimentation .  - Cet épisode d'une violence extrême est tout à fait exceptionnel - Météo France l'a confirmé. En quelques jours, on a atteint des records de chaleur, puis des records de froid. Dix des treize régions métropolitaines ont été touchées.

Cela a entraîné la plus grande catastrophe agronomique de ce début de XXIe siècle. Des centaines de milliers d'hectares sont frappés. Avec le Premier ministre et Olivier Dussopt, nous avons vu, dans la Drôme et en Ardèche, des champs entiers d'arbres fruitiers - nos beaux abricots, nos belles cerises - « cramés » par le gel, en dépit des vaillants efforts des arboriculteurs.

Le propre du gel est qu'il est invisible ; s'il s'était agi d'un incendie, l'émotion aurait été encore plus forte. Mais la détresse des agriculteurs est totale : ils perdent le revenu de toute une saison.

La réponse doit être à la hauteur de l'événement. Il faut des mesures de court terme - j'y reviendrai - comme de long terme. En effet, le système d'assurance n'est plus gréé pour faire face à ces épisodes.

M. Daniel Salmon.  - Notre modèle hyperspécialisé, monoculturel, est fragile face aux changements climatiques.

La future PAC, la loi Climat sont des opportunités pour favoriser l'émergence de modèles agricoles plus résilients.

Il est nécessaire de réagir dans l'instant, mais aussi de voir plus loin ! (Applaudissements sur les travées du GEST ; Mme Émilienne Poumirol applaudit également.)

Nouvelle carte d'identité numérique

M. Dany Wattebled .  - (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP) Monsieur le ministre de l'Intérieur, les start-up ont réussi à terrasser  les grands de l'industrie pharmaceutique. Alors que Sanofi licencie, Valneva a fui le territoire et prospère, aidée par les capitaux anglais.

Où est la France ?

La carte nationale d'identité numérique qui se veut sécuritaire est un miroir aux alouettes. Les techniques retenues sont vieilles de dix ans en moyenne. L'encre suisse choisie a plus de trente ans d'ancienneté et peut être achetée sur Aliexpress. Pourquoi une photo en noir et blanc issue d'une entreprise américaine, plutôt qu'une photo couleur du leader mondial français ?

Pourquoi n'avoir pas retenu, pour la reconnaissance physique du document, le procédé innovant d'une société de la French Tech, soutenue par la Banque publique d'investissement (BPI) ?

Comment l'Imprimerie nationale peut-elle préférer des technologies étrangères dépassées à des technologies françaises innovantes ?

Toutes les garanties de compétitivité technologique et économique sont-elles prises ? Comment mieux prendre en compte les start-up françaises dans la commande publique ? (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP ; M. Loïc Hervé applaudit également.)

M. Gérald Darmanin, ministre de l'intérieur .  - La loi définit les critères et donne le monopole à l'Imprimerie nationale, laquelle a refusé la société qui se trouve derrière votre question. Il ne m'appartient pas d'intervenir dans le choix des sociétés. (On s'amuse, sur les travées du groupe Les Républicains, de la concision de la réponse.)

M. Dany Wattebled.  - Nos voisins allemands, mais aussi l'Estonie, n'ont pas hésité à choisir nos technologies françaises innovantes. Il n'est pas trop tard car nous sommes en phase d'expérimentation dans deux départements.

Épisode de gel destructeur (II)

M. Gilbert Bouchet .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Les dégâts dus au gel sont exceptionnels : dans la Drôme, les arboriculteurs ont perdu l'intégralité de leur récolte. La viticulture et les céréales sont elles aussi touchées.

Je vous adresse deux cartons, monsieur le ministre : un carton bleu pour votre réactivité, car vous êtes venu dans la Drôme dans les 48 heures ; un carton rouge car les aides liées au gel de 2020 n'ont pas été encore versées. Les agriculteurs sont à genoux, sans trésorerie. Les bougies de protection contre le gel coûtent 4 000 euros à l'hectare - non amortissables, car il ne s'agit pas d'un investissement.

L'État va débloquer une enveloppe exceptionnelle - c'est indispensable, mais insuffisant. Il faut des mesures pérennes, une aide à l'adaptation des exploitations au changement climatique pour les faire évoluer vers des cultures moins fragiles et moins précoces, et faire évoluer l'assurance.

Sous quel délai les aides promises seront-elles versées ? Quelles mesures de long terme comptez-vous prendre ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Julien Denormandie, ministre de l'agriculture et de l'alimentation .  - Vous savez à quel point je mesure les attentes de nos agriculteurs. Vous savez aussi que ce que je dis, je le fais.

Dans le cadre du plan France Relance, nous avons dégagé dès septembre 100 millions d'euros pour des tours antigel et des filets paragrêle. Hélas, les braseros, l'aspersion, les bougies n'ont pas suffi : les cultures ont quand même gelé, la Drôme en est le terrible exemple.

Le dispositif de calamité agricole, cela prend neuf mois en moyenne. En sus des dispositifs habituels, nous créons donc un fonds exceptionnel basé sur les pertes d'excédent brut d'exploitation. Ces aides seront disponibles pour les abricotiers de la Drôme dès cet été ; pour les viticulteurs, plus tard.

Vous dites que l'enveloppe est insuffisante ? Nous sommes en train de gréer le dispositif. Nous en reparlerons plus tard. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

M. Gilbert Bouchet.  - Il faut aussi parler des saisonniers (M. le ministre opine) et de ceux qui transforment les fruits. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Épisode de gel destructeur (III)

M. Alain Duffourg .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Mes collègues ont évoqué les conséquences dramatiques du gel sur les arbres fruitiers, mais les vignobles aussi ont été touchés, notamment dans le Gers. Les viticulteurs subissent des pertes de 50 % à 100 % de leur récolte.

Vous avez activé le régime des calamités agricoles. Quand les viticulteurs seront-ils indemnisés ? Quel sera le rôle des banques et assurances dans le dispositif complémentaire annoncé par le Premier ministre ? La nouvelle PAC sera-t-elle sollicitée ?

Nos agriculteurs ont besoin d'être rassurés par des réponses précises. (Applaudissements sur les travées du groupe UC)

M. Julien Denormandie, ministre de l'agriculture et de l'alimentation .  - Nos dispositifs d'aide sont mal gréés. Pour preuve : la viticulture n'est pas éligible au régime des calamités agricoles. Nous allons prendre des mesures d'accompagnement social, par exemple en matière de chômage partiel. À la demande du Premier ministre, j'ai réuni lundi une cellule de crise interministérielle.

Un fonds exceptionnel viendra soutenir les viticulteurs, qui subiront une perte de revenus l'an prochain ; des abricotiers, eux, sont concernés dès cet été. Il faut donc imaginer un dispositif qui tienne compte de ce décalage. J'y travaille avec Olivier Dussopt.

La mobilisation doit être générale. C'est pourquoi nous avons demandé aux assureurs que les polices déjà souscrites - c'est le cas d'un viticulteur sur trois - soient activées. Les jeunes agriculteurs, fortement endettés, doivent aussi bénéficier de facilités de la part des banques. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

M. Alain Duffourg.  - Merci pour ces précisions, mais je note que, prudent, vous ne vous engagez pas sur des délais... En janvier dernier, vous aviez promis une indemnité sous quinze jours aux aviculteurs gersois, qui n'ont toujours rien touché.

M. Julien Denormandie, ministre.  - Ce n'est pas vrai !

M. Alain Duffourg.  - Vous avez sans doute raison d'être plus prudent cette fois-ci ! (Applaudissements sur les travées du groupe UC)

Accord entre Suez et Veolia

Mme Michelle Gréaume .  - Veolia et Suez ont annoncé un accord, qui préserverait l'intégrité de Suez sur le plan social et industriel tout en lui permettant de se recentrer sur l'eau et les déchets.

Le nouveau Suez serait détenu par des actionnaires majoritairement français ; Meridiam, Ardian et l'américain GIP s'engagent à maintenir l'emploi et les acquis sociaux.

Bref, tout va bien. Le Gouvernement se félicite du transfert de ce fleuron à des acteurs qui n'ont ni le savoir-faire ni les capacités financières adéquates.

Qu'en sera-t-il de l'emploi dans quatre ans ? Quid de la recherche et développement, filière d'excellence de Suez ?

Vous laissez se créer un monopole privé dans un secteur essentiel, sans vous soucier des conséquences pour les collectivités locales et les usagers.

Quelles garanties pour la pérennité des emplois et des activités dans le nouveau Suez ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE et sur plusieurs travées du groupe SER)

M. Olivier Dussopt, ministre délégué chargé des comptes publics .  - Le Gouvernement se félicite de l'accord intervenu, après plusieurs mois d'affrontements. Le Premier ministre voulait un accord ayant une logique industrielle, une logique de souveraineté, respectueux de la concurrence au bénéfice des collectivités territoriales et de l'emploi. Ces critères sont remplis.

Nous assistons à la naissance d'un leader mondial dans l'eau et les déchets autour de Veolia, avec un chiffre d'affaires de 37 milliards d'euros. Le nouveau Suez aura un chiffre d'affaires prévisionnel de 7 milliards d'euros et des investisseurs de long terme, majoritairement français, ce qui est gage de sécurité pour l'emploi.

Veolia a réitéré sa volonté de tenir ses engagements sociaux - nous y veillerons.

Cet accord consacre aussi l'arrêt des procédures en justice, l'arrêt de la cession accélérée des actifs de Suez ou encore la désactivation du projet de fondation néerlandaise.

Le périmètre du nouveau Suez est préservé, ce qui garantit les conditions de concurrence pour les collectivités locales.

Nous veillerons à ce que cet accord soit respecté. (M. François Patriat applaudit.)

Mme Michelle Gréaume.  - Ce n'est pas un accord amiable : c'est une trahison ! Une trahison à l'égard de l'intersyndicale de Suez, tenue à l'écart des négociations ; à l'égard de l'État, qui n'a plus prise sur ces entreprises stratégiques.

Il y a urgence à avoir un droit effectif de l'eau, comme nous le proposerons demain dans l'hémicycle. Encourageons la gestion de l'eau en régie, rendons les premiers litres gratuits, maintenons l'emploi et les filières d'excellence ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE et sur plusieurs travées du groupe SER)

M. Fabien Gay.  - Très bien.

Reconstruction de Notre-Dame

M. Julien Bargeton .  - Madame la ministre de la Culture, au nom de tous, je veux dire le plaisir que nous avons à vous retrouver. (Applaudissements)

Il y a deux ans presque jour pour jour, la cathédrale Notre-Dame de Paris flambait, déclenchant une émotion mondiale. La souscription annoncée par le Président de la République a recueilli les dons de 300 000 particuliers et de 6 000 entreprises de 140 pays.

Dans le roman de Victor Hugo, l'archidiacre Claude Frollo refuse de prêter de l'argent à son frère cadet, qu'il chérit pourtant, de peur qu'il le dépense à mauvais escient. La Cour des comptes vous a alertée sur la traçabilité des dons. Je sais la difficile mission de l'établissement public, et l'efficacité du dispositif. Pouvez-vous nous éclairer sur la transparence ?

Les fonds récoltés seront-ils suffisants, alors que déjà 165 millions d'euros ont été dépensés en deux ans pour la sécurisation de l'édifice ? L'engagement du Président de la République de rouvrir la cathédrale en avril 2024 sera-t-il tenu ? (Applaudissements sur les travées du RDPI)

Mme Roselyne Bachelot, ministre de la culture .  - Merci pour les très nombreux messages de soutien venus de tous les bancs. J'en ai été profondément touchée. (Applaudissements)

L'émotion a été considérable en France et dans le monde à la nouvelle de l'incendie qui a ravagé Notre-Dame. Elle s'est concrétisée à travers une souscription qui a réuni 830 millions d'euros de dons. Je suis garante de leur bonne utilisation.

Nous avons suivi, voire anticipé, les préconisations de la Cour des comptes, qui a demandé une comptabilité analytique. Nous avons un point de divergence sur l'établissement public, indispensable pour une maîtrise d'ouvrage performante. Nous avons pris en charge son loyer.

Certains pensent qu'il y aura trop d'argent, d'autres pas assez. Je pense que nous pouvons envisager sereinement la suite des travaux. La sécurisation sera terminée à la fin de l'été, puis nous entamerons la phase de restauration. Je me rendrai demain sur le chantier avec le Président de la République. Notre-Dame sera rouverte en 2024. (Applaudissements sur les travées du RDPI, ainsi que sur plusieurs travées des groupes UC et Les Républicains)

Épisode de gel destructeur (IV)

M. Denis Bouad .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Les premières nuits d'avril ont été dramatiques pour les paysans français, déjà en pleine détresse psychologique. La solidarité nationale s'impose. Il faut répondre à l'urgence, mais aussi imaginer des solutions pérennes car ces épisodes extrêmes sont de plus en plus fréquents et intenses.

Alors que seulement 30 % de la ferme France est assurée, il faut repenser l'assurance récolte et la rendre accessible à tous les agriculteurs. Nous pourrions baisser la franchise à 20 % et augmenter le niveau de subvention à 70 %, comme le prévoit le règlement Omnibus. Les pools d'assurance pratiqués en Espagne sont une piste intéressante.

Les Français sont prêts à se montrer solidaires pour défendre notre agriculture et notre souveraineté alimentaire. Êtes-vous prêt à mettre sur la table l'assurance récolte obligatoire et la réassurance publique ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER)

M. Julien Denormandie, ministre de l'agriculture et de l'alimentation .  - Oui, d'autant que j'y travaille depuis de longs mois. Baisser le niveau de franchise de 30 % à 20 %, augmenter le taux de subventionnement de la police d'assurance de 65 % à 70 %, je suis pour - mais qui paiera ce surcoût ? Le monde agricole doit-il, à travers la PAC, payer pour assurer des risques non assurables ? À lui seul, il ne le peut pas.

Le coût d'une assurance automobile dépend du comportement du conducteur ; celui de l'assurance récolte dépend du climat - l'agriculteur n'y est pour rien !

Il s'agit donc de savoir comment la solidarité nationale doit accompagner les agriculteurs face à ces aléas climatiques.

Monsieur Duffourg, vous ne dites pas la vérité. Au 9 avril, 11,5 millions d'euros avaient été versés aux agriculteurs victimes de la grippe aviaire et 7,5 millions d'euros étaient en cours de versement. Vos propos sont scandaleux. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

M. Denis Bouad.  - Nos agriculteurs vivent dans l'angoisse. Aujourd'hui, les aléas climatiques ne sont plus aléatoires, mais certains ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER)

Épisode de gel destructeur (V)

Mme Nathalie Delattre .  - L'hiver est brutalement revenu : braseros, bougies, arrosage préventif n'auront pas suffi. L'arboriculture, la viticulture mais aussi le maraîchage et les grandes cultures ont été dévastés.

Les dégâts, immenses, s'ajoutent à de multiples crises structurelles et conjoncturelles qu'a traversé la viticulture, au risque de faire disparaître ce qui fait la France, son patrimoine, ses paysages, son économie.

Il faut un véritable plan de sauvetage de la filière vitivinicole : à court terme, des aides exceptionnelles pour renflouer la trésorerie ; à moyen terme, un différé de deux ans sur le remboursement des prêts garantis par l'État.

À long terme, nous avons besoin de votre appui sur l'assurantiel. Avec Yvon Collin et Henri Cabanel, nous avions présenté une proposition de résolution. Aidez-nous à concrétiser cette réforme face à l'Europe et face aux assureurs. Il faut baisser le seuil de déclenchement, augmenter le taux de subvention et surtout, revoir la méthode de calcul de la base assurable fixée sur la moyenne olympique.

L'Association des élus de la vigne et du vin souhaitait organiser un Grenelle de la viticulture il y a un an. Relançons-le, car il y a urgence. (Applaudissements sur les travées du RDSE ; M. Antoine Lefèvre applaudit également.)

M. Julien Denormandie, ministre de l'agriculture et de l'alimentation .  - Je salue votre engagement pour ce beau secteur. Cette année a été en tout point dramatique pour la viticulture.

Le Gouvernement a répondu présent pendant le Covid, avec un renforcement des aides -  ce fut l'objet d'un des premiers déplacements du Premier ministre Jean Castex.

Petite lueur d'espoir, nous avons obtenu, grâce à l'action diplomatique, un moratoire sur les taxes Trump.

Il faut prendre des mesures sociales, débattre des PGE.

Sept viticulteurs sur dix ne sont pas assurés, non qu'ils soient irresponsables, mais en raison des conditions d'accès à l'assurance. Le système de la moyenne olympique des cinq dernières années est dramatique : le montant indemnisé s'étiole année après année, et l'assurance cesse d'être intéressante. Cela doit être revu, mais le monde agricole ne fera pas tout. Il faut aussi que la solidarité nationale s'empare du sujet. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

Épisode de gel destructeur (VI)

Mme Anne Ventalon .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Monsieur le ministre de l'agriculture, vous avez bien décrit la dimension historique de la catastrophe provoquée par le gel. En Ardèche, où vous êtes venu avec le Premier ministre, ce sont de 90 à 100 % de pertes, en particulier pour la viticulture et les arbres fruitiers - cerises, abricots.

Le Gouvernement doit donc organiser la solidarité nationale en s'écartant du dispositif habituel, fait de lenteurs, de tracasseries et d'injustices. Dans le passé, la France a su réagir en quelques jours pour sauvegarder ses banques ou nationaliser les entreprises stratégiques. Elle doit sauver ceux qui nous nourrissent, en incluant toutes les filières frappées, et en assurant une indemnisation rapide.

Les exploitations ont souffert de la sécheresse de 2020, des taxes américaines sur le vin et de la crise du Covid. Allez-vous engager la course contre la mort économique ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Julien Denormandie, ministre de l'agriculture et de l'alimentation .  - Oui, oui, et archi-oui, nous le devons à toutes celles et ceux qui se sont battus avec force contre cette vague de froid.

Nous avons déjà réagi, pour réenclencher tous les dispositifs de crise existants : aides sociales, assurances, fonds des calamités agricoles. Mais ils ne sont pas gréés pour faire face à l'ampleur de la catastrophe.

Chacun reconnaît que les solutions pour faire face à la crise Covid ont été pragmatiques et simples. Nous nous en inspirons.

Les arboriculteurs en ont besoin tout de suite ; les pertes de revenus des viticulteurs apparaîtront dans un an. Dans la grande culture, où 10 à 20 % des assolements de betteraves ont été « cramés », la question est : comment ressemer ? Voilà le genre de questions auxquelles nous travaillons, avec beaucoup de détermination. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

Mme Anne Ventalon.  - J'insiste sur la rapidité. Pourquoi, en Ardèche, les agriculteurs touchés par la grêle en 2019 n'ont-ils pas encore été indemnisés ? (On renchérit à droite.)

Il est temps de déclarer l'état d'urgence agricole. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Situation des services de pédopsychiatrie

M. Jean-Luc Fichet .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Les professionnels alertent sur la souffrance psychique de nombreux enfants et adolescents, qui subissent de plein fouet les effets, sanitaires et familiaux, de la crise et du confinement. Les moyens manquent pour faire face, les centres médico-psychologiques sont saturés, le nombre de lits à l'hôpital est insuffisant, les pédopsychiatres ne sont pas assez nombreux.

En conséquence, il y a de graves défaillances dans la prise en charge. Et les professionnels sont bien seuls...

Addictions, violences, tentatives de suicide : face à cette détresse grandissante, il faut une prise en charge renforcée et pluridisciplinaire. Que compte faire le Gouvernement ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER)

Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée chargée de l'autonomie .  - Les difficultés de la psychiatrie infantile sont anciennes. La crise en cours a exacerbé la saturation. À défaut de données consolidées, les signes sont nombreux : les troubles se multiplient. Les pouvoirs publics se mobilisent, notamment autour d'Adrien Taquet et du délégué interministériel à la santé mentale et à la psychiatrie, Frank Bellivier.

La pédopsychiatrie reçoit toute notre attention. Le Président de la République s'est entretenu avec les pédopsychiatres le 10 janvier dernier pour évoquer cette dégradation. C'est ce qui a conduit à maintenir ouvertes les écoles et les lieux d'accueil de la petite enfance.

Angèle Consoli, psychiatre de l'enfant et de l'adolescent à la Pitié-Salpêtrière, a été nommée au Conseil scientifique afin que cette dimension de la crise sanitaire soit bien prise en compte.

Cet après-midi, le Président de la République rencontre les professionnels d'un service de pédopsychiatrie à Reims pour un retour d'expérience et pour répondre aux besoins de ce secteur clé.

Mme Laurence Rossignol.  - Formidable.

M. Bernard Jomier.  - Discours creux !

M. Jean-Luc Fichet.  - Vous n'avez pas répondu à ma question. J'espère que, cet après-midi, le Président de la République prendra conscience des difficultés du secteur et de l'urgence à agir pour prendre en charge des situations de grande souffrance. (Applaudissements sur les travées du groupe SER)

Conseil des ministres en distanciel

M. Philippe Bas .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Monsieur le Premier ministre, je vous interpelle sur le fonctionnement actuel du Conseil des ministres, organe constitutionnel de la délibération gouvernementale. Il n'est plus réuni à l'Élysée en ce moment.

Cette situation pose un problème constitutionnel, la collégialité de la délibération gouvernementale n'étant pas assurée ; un problème de sécurité et de confidentialité - notamment si des personnes se trouvent autour des ministres connectés à distance - et un problème juridique, le Conseil constitutionnel n'acceptant pas les délibérations à distance - l'Assemblée nationale en a fait l'expérience - et censurant depuis 2003 les lois non valablement délibérées par le Conseil des ministres avant leur examen parlementaire.

Allez-vous demander au Président de la République de rétablir le fonctionnement normal du Conseil des ministres ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; Mme Laurence Rossignol et M. Patrice Joly applaudissent également.)

M. Jean Castex, Premier ministre .  - En pleine crise sanitaire, je n'imaginais pas devoir répondre à ce type de question... (Applaudissements sur les travées du RDPI ; protestations indignées à droite) Mais je vais m'y employer.

Le nombre de membres du Gouvernement présents en Conseil des ministres a en effet été limité, en application des règles sanitaires en vigueur pour toutes les réunions dans l'administration et ailleurs.

Mme Laurence Rossignol.  - La preuve ici, aujourd'hui !

M. Jean Castex, Premier ministre.  - La seule exigence est que le Conseil des ministres soit en mesure de délibérer sur les projets de loi, c'est l'article 39 de la Constitution, sur les projets d'ordonnances, l'article 38, et sur certains projets de décret, l'article 13.

La délibération, c'est la possibilité d'échanges de vues et de prises de paroles. Le critère vise donc les modalités d'organisation assurant la délibération, non la réunion physique. La visioconférence est assurée par un système sécurisé de niveau confidentiel défense, opéré par l'État, de parfaite qualité et confidentialité.

M. Pierre Cuypers.  - Pas possible à 100 % !

M. Jean Castex, Premier ministre.  - Vous voilà, je l'espère, rassuré.

Monsieur le questeur Bas, nous connaissons vos grandes compétences juridiques et votre grande révérence pour la règle de droit. Mais il y a plus de vingt siècles, Cicéron nous a mis en garde contre un excès de cette révérence : Summum jus, summa injuria ! (Sourires ; applaudissements sur les travées du RDPI)

M. Philippe Bas.  - Je vous le dis avec solennité : l'argument sanitaire ne tient pas. Sinon, vous ne seriez pas ici pour nous répondre !

Votre sécurité sanitaire, et celle de vos ministres, est assurée au Parlement. L'Élysée dispose de salles suffisamment grandes pour garantir la sécurité sanitaire des ministres.

Vous prenez un grand risque, monsieur le Premier ministre, en altérant et dénaturant les conditions de délibération du Conseil des ministres ! (Vifs applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Sanctions contre la junte birmane

M. François Bonneau .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) « La liberté des autres étend la mienne à l'infini », dit-on. Depuis le coup d'État du 1er février, Aung San Suu Kyi est sous le coup de poursuites pénales et plus de 700 civils ont été tués par une junte mortifère, hélas de plus en plus organisée.

Le culte de la personnalité se déchaîne autour du chef, les militaires n'hésitent plus à tirer, via des snipers, sur les manifestants qui luttent pour la liberté : 82 personnes ont encore été tuées ce week-end.

L'ambassadrice de l'ONU n'a pas été admise à entrer dans le pays. La communauté internationale peine à s'affirmer, en raison des vetos russe et chinois. Aung San Suu Kyi est détenue dans un lieu secret et visée par six chefs d'inculpation dont celui de corruption.

Face à ce silence assourdissant, la France, pays des droits de l'homme, ne peut plus rester sans rien dire. La non-reconnaissance de la junte ne suffit plus. Quelles sanctions prendrez-vous pour ne plus laisser les Birmans désespérément seuls face à leurs tortionnaires ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur plusieurs travées du RDSE)

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État chargé du tourisme, des Français de l'étranger et de la francophonie .  - Veuillez excuser l'absence de Jean-Yves Le Drian, actuellement en Inde.

Oui, la situation est grave : 710 personnes tuées, 3 000 personnes arrêtées, dont le Président de la République et la conseillère d'État Aung San Suu Kyi.

Onze membres de la junte, dont le commandant en chef des forces de sécurité, font depuis le 22 mars l'objet de sanctions personnelles. De nouvelles sanctions seront prises dès demain lors du Conseil européen des affaires étrangères.

Il ne faut pas s'interdire de regarder de plus près les préférences commerciales, tout en maintenant l'aide humanitaire à la société civile.

Nous encouragerons toutes les démarches de l'Association des nations de l'Asie du sud-est (Asean) et des Nations unies. Ce régime doit être condamné dans les faits. (M. Alain Richard applaudit.)

Courrier du Président de la République aux Français de l'étranger

M. Stéphane Le Rudulier .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Le Président de la République s'est adressé le 7 avril dernier aux 3,5 millions de Français de l'étranger dans un courrier envoyé, fortuitement, juste après le dépôt des listes aux élections consulaires de mai...

Il est évident que le Président a confondu communication institutionnelle et communication politique. C'est moralement condamnable car il utilise un registre réservé à des fins administratives. C'est politiquement déloyal parce que ce courrier plein d'autosatisfaction est un plaidoyer en faveur des candidats LREM.

Comment justifier l'utilisation de moyens étatiques à cette fin de propagande ? (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et SER)

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État chargé du tourisme, des Français de l'étranger et de la francophonie .  - Le Président de la République est particulièrement attentif à la situation de nos compatriotes de l'étranger, qu'il voit comme des Français à part entière, non comme des Français à part.

Mme Laurence Rossignol.  - Et surtout comme des électeurs.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État.  - Dans ce courrier, il salue l'action de tous les élus des Français de l'étranger, y compris les parlementaires.

Il y a la lettre et les chiffres : 220 millions d'euros ont été déployés depuis le début de la pandémie pour soutenir nos compatriotes à l'étranger : S.O.S Covid, bourses d'éducation, postes d'oxygénothérapie (indignation à droite et sur les travées du groupe SER), sans compter les 370 000 Français rapatriés.

Un Président de la République s'était adressé directement à l'Assemblée des Français de l'étranger, il y a quelques années. C'était une première. En voici une autre. Vous allez devoir vous habituer à quelques premières. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Stéphane Le Rudulier.  - Je ne suis pas du tout convaincu. Il appartiendra au juge de l'élection, le Conseil d'État, de déterminer si vos agissements ont altéré la sincérité du scrutin. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Revalorisations salariales pour les professionnels de santé

Mme Michelle Meunier .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Indispensables, essentiels, applaudis à 20 heures : il y a un an nous saluions les professionnels de soins en Ehpad et à l'hôpital. Le Ségur de la santé a revalorisé les salaires de l'hôpital, mais le secteur social et médico-social a été oublié, il a dû se battre de longs mois pour arracher une juste reconnaissance. Je songe notamment aux professionnels de soins à domicile.

Madame la ministre, vous semblez avoir ouvert lundi dernier la revalorisation à ces catégories. Enfin ! Mais qu'en est-il des nouveaux oubliés : professionnels de l'aide sociale à l'enfance (ASE), travailleurs sociaux, salariés des instituts médico-éducatifs (IME), psychologues d'hôpital, sages-femmes, infirmiers-anesthésistes ?

Et comment financerez-vous ces promesses, si vous repoussez encore la discussion sur le grand âge et l'autonomie ? Allez-vous envoyer la facture aux départements ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER)

Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée chargée de l'autonomie .  - Je connais votre engagement de longue date sur ces sujets, mais reconnaissez qu'un pas important a été franchi : plus de 9 milliards d'euros, pour 160 euros à 185 euros de revalorisation mensuelle, au bénéfice de 1,6 million de professionnels. Sans compter les indemnités des internes et étudiants stagiaires et les revalorisations de 500 000 professionnels de santé paramédicaux, pour un total de 740 millions d'euros.

Ainsi les aides-soignants, dont l'emploi est physique et exigeant, passeront de 1 532 euros à 1 760 euros nets mensuels après un an de carrière. L'augmentation se poursuivra sur toute leur carrière et leur retraite passera de 2 300 euros à près de 3 000 euros. C'est historique, mérité et ils le reconnaissent.

Je comprends l'impatience des professionnels mais les discussions se poursuivent, personne n'est oublié.

Si la situation est aujourd'hui exacerbée, c'est en raison de l'inaction de ces dix dernières années - je pense que vous en conviendrez avec moi.

Attribution des créneaux libérés par Air France

Mme Catherine Procaccia .  - (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe Les Républicains) M. Djebbari a annoncé que le choix du repreneur des dix-huit créneaux qu'Air France doit céder à Orly respecterait des critères sociaux, en évitant tout dumping social et fiscal. Mais quid des critères environnementaux ? La Commission européenne précise seulement que la cession doit se faire « au bénéfice du consommateur ».

Je n'ai rien contre les compagnies low cost, mais elles utilisent en général un seul type d'avion, plus ancien, plus polluant et plus bruyant mais moins cher à entretenir.

Plusieurs villes du Val-de-Marne se plaignent des pollutions dues à Orly. Elles n'accepteront pas que les nuisances s'aggravent. Pouvez-vous nous assurer que vous veillerez à éviter toute aggravation ? (Applaudissements sur quelques travées du groupe Les Républicains)

Mme Bérangère Abba, secrétaire d'État chargée de la biodiversité .  - Le trafic aérien a baissé de 70 % en 2020, les chaînes de production ont dû être arrêtées ou ralenties. Le Gouvernement a consenti des aides à hauteur de 7 milliards d'euros en prêts garantis et avances d'actionnaires, en échange d'efforts environnementaux et industriels, notamment à travers la réorganisation des réseaux domestiques.

L'accord avec la Commission européenne intervenu le 6 avril dernier a prévu la libération de dix-huit créneaux. Ils devront être repris par une entreprise basant ses avions et ses équipages à Orly et respectant le droit du travail français et européen, avec des mécanismes de contrôle.

Le choix du repreneur sera soumis à l'approbation de la Commission. Nous serons vigilants sur le chapitre des nuisances sonores. Le plafonnement des mouvements et le couvre-feu demeureront inchangés.

Mme Catherine Procaccia.  - Vous ne me confirmez pas que l'accord exclut des avions plus polluants. C'est totalement contraire aux intentions de la politique prétendument environnementale que vous menez dans le secteur aérien.

Pourquoi ne pas essayer de faire mieux, alors que vous imposez toutes ces contraintes aux compagnies et aéroports français ? (Applaudissements sur quelques travées du groupe Les Républicains)

Rémunération des professionnels de santé participant à la vaccination

Mme Jocelyne Guidez .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Tout travail mérite salaire. Pourtant, il a fallu attendre trois mois pour que les interventions des personnels dans les centres Covid soient reconnues. Depuis le 1er avril, c'est l'assurance maladie qui fait le versement, mais certaines vacations ne sont toujours pas payées : les infirmiers retraités n'ont rien obtenu, en particulier. Agences régionales de santé (ARS) et centres de vaccination se renvoient la balle.

Quid des cotisations sociales pour les retraités ? Quand les structures qui ont avancé le versement seront-elles remboursées ? Que comptez-vous faire pour accélérer la rémunération des retraités ? (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe UC)

Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée chargée de l'autonomie .  - La mobilisation exceptionnelle des retraités doit être saluée. C'est une nouvelle illustration de la solidarité spontanée qui s'est manifestée depuis un an dans tout le pays.

Oui, tout travail mérite rétribution. Nous avons fait le nécessaire. Le paiement direct est en vigueur depuis le 1er avril, géré par la CPAM. Les professionnels retraités doivent simplement se rapprocher de leur caisse. Ils n'ont aucune démarche à effectuer pour les cotisations, les Urssaf les prennent en charge ; il en va de même pour les étudiants.

Par ailleurs, le nombre de doses livrées dans les centres augmente, notamment chez vous, dans l'Essonne : plus de 21 000 doses disponibles cette semaine contre 5 000 doses hebdomadaires en janvier. Et les ARS veillent à améliorer la répartition entre les centres, au sein de chaque département. (M. Alain Richard applaudit.)

Mme Jocelyne Guidez.  - Madame la ministre, nous n'avons pas les mêmes renseignements...

Les infirmiers retraités n'ont pas été rémunérés par la CPAM, je vous le garantis. Et le nombre de doses n'est pas au rendez-vous dans nos centres !

Comprenez donc mon coup de gueule : les infirmiers se déplacent à leurs frais jusqu'aux centres de vaccination mobiles, loin de chez eux, et le nombre de vaccins n'est pas au rendez-vous. (Applaudissements sur les travées du groupe UC)

La séance, suspendue à 16 h 20, reprend à 16 h 30.

La séance reprend à 16 h 30.

Organisation des prochaines élections départementales et régionales

M. le président.  - L'ordre du jour appelle une déclaration du Gouvernement, suivie d'un débat et d'un vote, en application de l'article 50-1 de la Constitution, relative à l'organisation des prochaines élections départementales et régionales.

M. Jean Castex, Premier ministre .  - Le 1er avril, je suis venu vous présenter la situation sanitaire, marquée par une troisième vague et un nouveau variant dominant, et les dispositifs de lutte que cette situation appelait.

Les mesures décidées il y a dix jours commencent à montrer leurs effets sur l'incidence, avec cependant une hétérogénéité entre les régions, mais pas encore sur la pression hospitalière. Les soignants se mobilisent avec compétence et courage ; ils ont tout notre soutien et notre reconnaissance.

J'avais alors évoqué le calendrier des élections régionales et départementales, prévues les 13 et 20 juin prochains, et les questions soulevées par le rapport du Conseil scientifique. Je vous avais proposé une orientation, une méthode et un rendez-vous.

Mon orientation est constante. Elle repose sur un principe simple : le maintien des élections, d'autant qu'elles ont déjà été reportées. Seules des conditions sanitaires particulières pourraient nous conduire à déroger à ce principe ou à en aménager l'application.

Décider du maintien suppose aussi d'identifier les contraintes que la situation sanitaire pourrait faire peser sur le déroulement de la campagne et des opérations de vote. Les difficultés d'organisation dépendent aussi de notre capacité à appliquer les recommandations du Conseil scientifique dans l'ensemble des communes, d'autant que deux scrutins se tiendront le même jour, ce qui nécessitera le double de bureaux de vote, de présidents et d'assesseurs par rapport aux municipales de 2020.

En outre, après l'avis du Conseil scientifique, nous avons, à compter du 4 avril et pour quatre semaines, renforcé les mesures de freinage, avec un effet sur la pré-campagne électorale.

Ma méthode reposait sur une large consultation. J'ai saisi les présidents des assemblées, des groupes parlementaires, des associations d'élus locaux et les responsables des partis politiques représentés au Parlement.

Quelque trente-neuf contributions me sont parvenues, dont la vôtre, monsieur le Président. Une majorité - vingt-cinq contributions - était favorable au maintien, onze ne prenaient pas position et trois prônaient le report. Beaucoup sont restées sur des positions de principe ; quelques-unes étaient accompagnées de propositions précises.

L'importance du sujet et la précision des recommandations du Conseil scientifique m'ont incité à procéder également à une consultation directe des maires, qui a étonné certains. (Marques d'ironie sur les travées des groupes Les Républicains, UC, CRCE et SER)

Je m'étonne qu'on puisse s'étonner d'une telle consultation, sachant que l'organisation du scrutin repose sur les maires. (Rires sur les travées des groupes Les Républicains et UC)

Je les remercie d'avoir saisi l'importance de l'enjeu ; 69% ont répondu, dans des délais très courts. (Brouhaha sur les travées du groupe Les Républicains) Je souhaitais, en effet, disposer de leur retour avant le débat parlementaire. Je les remercie également pour la qualité de leurs réponses. Les maires sont disponibles en permanence ! (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains ; Mme Marie Mercier applaudit.) Je salue leur engagement exemplaire depuis le début de la crise sanitaire.

Les préconisations, contributions, interrogations soulevées par les maires enrichissent considérablement l'information du Gouvernement et du Parlement. Ce n'est pas surprenant puisqu'elles émanent de ceux qui organisent les opérations de vote.

Les élus municipaux sont agents de l'État dans le processus électoral. L'État manquerait de loyauté s'il ne les consultait pas et s'il ne les accompagnait pas au plus près. (Protestations amusées sur les travées du groupe Les Républicains)

Contrairement à certains commentaires, cette consultation n'était dirigée contre personne (on feint le soulagement sur les travées des groupes Les Républicains et SER) et certainement pas contre les associations d'élus, pour lesquelles j'ai le plus profond respect. (Exclamations sur les travées des groupes Les Républicains et SER)

Il s'agissait de compléter les avis des associations d'élus : 56 % des maires se sont déclarés pour le maintien, 40 % pour le report et 4 % n'ont pas souhaité prendre position. Cela montre combien le sujet est complexe - beaucoup plus que je ne l'ai entendu dire. (Marques d'ironie sur les travées du groupe Les Républicains)

Mme Laurence Rossignol.  - On peut les comprendre !

M. Jean Castex, Premier ministre.  - Mais combien cette consultation était nécessaire pour comprendre les motivations et les inquiétudes !

Le rendez-vous qui nous réunit vise à ce que chacun s'exprime et s'engage pour concilier deux principes : liberté du suffrage et protection sanitaire de nos concitoyens.

Le débat et le vote portent sur la proposition de maintenir en juin les élections départementales et régionales et de les assortir de conditions précises s'agissant de l'organisation de la campagne et du vote, en prenant en compte à la fois l'avis du Conseil scientifique du 29 mars et la consultation des maires.

La campagne électorale devra être adaptée. Elle pourrait, en effet, accroître les risques sanitaires en multipliant les occasions de contact ; son organisation sera donc différente - la quasi-totalité des forces politiques en convient. Nous allons encourager l'usage d'outils dématérialisés. Le ministère de l'Intérieur mettra en place un site internet pour permettre la consultation des professions de foi ; un débat télévisé sera organisé avant chaque tour des élections régionales. Le Gouvernement lancera aussi une campagne de sensibilisation au vote et d'information sur les rôles des conseils régionaux et départementaux. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains)

Le Conseil scientifique recommande l'interdiction des meetings physiques et des réunions publiques. Cette règle me semble de bon sens, mais nous pourrons y revenir si l'amélioration de la situation sanitaire le permet, avec la reprise progressive de certaines activités et l'ouverture des établissements recevant du public (ERP).

Nous présenterons bientôt les scenarii de levée des restrictions ; il est raisonnable de penser que cela ouvrira de nouvelles possibilités aux candidats avant le premier tour des élections.

La règle des dix kilomètres constitue un obstacle à la liberté de déplacement des candidats et des équipes de campagne. Elle sera aménagée pour autoriser les déplacements dans le ressort de la circonscription électorale, sur la base d'une attestation du candidat ou de son mandataire financier.

Nous augmenterons la durée des prêts accordés par des personnes physiques, afin de tenir compte de l'allongement de la durée de la campagne.

D'autres questions concrètes se posent sur la distribution de tracts dans les boîtes aux lettres, le porte à porte, le collage des affiches. Une circulaire du ministère de l'Intérieur sera publiée cette semaine pour y apporter des réponses précises.

S'agissant du scrutin lui-même, il nous appartient de prendre les dispositions pour assurer la sécurité sanitaire des électeurs et des personnes qui concourent aux opérations de vote. Comme pour le second tour des élections municipales du mois de juin, un protocole sanitaire sera établi. Le vote par procuration sera facilité avec deux procurations possibles et la dématérialisation sur le site Maprocuration.gouv.fr, créé le 11 mars dernier.

Le Conseil scientifique recommande la vaccination, ou à tout le moins le dépistage, des membres du bureau de vote. Cette préconisation pourrait être difficile à mettre en oeuvre dans les petites communes où les membres sont identifiés seulement quelques jours, voire quelques heures, avant. Rappelons toutefois qu'à la mi-juin, trente millions de nos concitoyens auront été vaccinés. Peut-être pas avec les deux doses ni depuis dix jours, mais la moitié des plus de 18 ans sera protégée.

Les communes seront également invitées à transmettre la liste des membres des bureaux de vote et des fonctionnaires mobilisés trois semaines avant le vote, afin qu'une vaccination leur soit proposée. Ils pourront, à défaut, réaliser un test PCR, antigénique ou un autotest. Des lots d'autotests seront, à cet effet, fournis par l'État aux communes.

Afin de limiter les flux d'électeurs, les préfets pourront étendre les horaires des bureaux de vote de 8 heures à 20 heures dans les communes où cela semblera pertinent. Dans celles où les deux bureaux de vote sont installés dans la même salle, des textes seront publiés pour la mutualisation des équipements et de certaines fonctions des membres du bureau de vote.

Afin de limiter le nombre de personnes mobilisées pour le dépouillement, celui-ci pourra se tenir simultanément dans une grande salle ou dans deux salles différentes, ou successivement dans la même salle. Si besoin, les assesseurs pourraient y participer. Nous pourrions aussi autoriser que les opérations se déroulent à l'extérieur sous certaines conditions, dans la cour de l'école par exemple. (Marques d'amusement sur les travées du groupe Les Républicains)

Les maires de petites communes s'interrogent légitimement. Préfets et sous-préfets les accompagneront dans la préparation des scrutins. L'État ne les laissera pas seuls. Cet accompagnement débutera le plus tôt possible.

Certaines mesures relèvent de la loi. Un projet de loi sur la gestion de la crise sanitaire sera donc présenté d'ici la fin du mois en Conseil des ministres.

Voilà le cadre général que je soumets à votre approbation. Pour la déclinaison opérationnelle, des actes juridiques et réglementaires importants et nombreux doivent être adoptés rapidement. C'est un défi ! Voter une loi, déployer des moyens inédits, accompagner les mairies, compter sur le bon avancement de la campagne de vaccination : les semaines qui nous séparent du scrutin ne seront pas de trop.

C'est pourquoi nous avons décidé de décaler d'une semaine les dates des élections (murmures réprobateurs sur les travées du groupe Les Républicains) pour avoir deux à trois millions d'électeurs vaccinés supplémentaires. Oui ! Hier, la France a vacciné plus de 450 000 personnes. Si vous multipliez cela par sept jours, vous parvenez à un total non négligeable.

Un décret en Conseil des ministres sera signé la semaine prochaine pour fixer la date des élections.

Je sollicite donc votre approbation sur cette stratégie, ses modalités opératoires et sa mise en oeuvre, à laquelle vous serez associés. (Marques d'ironie sur les travées du groupe Les Républicains)

Un comité de suivi permanent, dirigé par Jean-Denis Combrexelle, ancien président de la section du contentieux du Conseil d'État, associera, en effet, groupes parlementaires et associations d'élus pour examiner les conditions juridiques et d'organisation de la campagne. Un préfet sera désigné pour accompagner les maires dans l'organisation du scrutin.

Le ministère de l'Intérieur sera chargé de mettre en oeuvre les orientations exposées, sur lesquelles j'ai l'honneur de vous demander de débattre avant de vous déterminer sur leur bien-fondé. (Applaudissements sur les travées du RDPI et du groupe Indep)

M. François-Noël Buffet .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Il y a un an, notre pays entrait dans une crise sanitaire sans précédent qui a engendré des drames dans les familles et nous a contraints à organiser nos vies au gré des circonstances sanitaires.

Il y a un an, nous étions surpris, sans connaissance de la pandémie ; nous étions dans le doute. Fallait-il ou non porter des masques ? Ce premier doute a engendré les premières polémiques.

Au même moment, les élections municipales ont été maintenues pour le premier tour et reportées en juin pour le second - le Conseil constitutionnel ayant prévenu qu'il n'était pas possible de reporter au-delà.

Durant l'été, il y eut un relâchement qui fit naître l'espoir, avant un reconfinement à l'automne, avec ses nouveaux doutes, cette fois sur les tests : faut-il tester tous les Français ? Avons-nous les moyens de le faire ?

À l'automne, des discussions sont ouvertes. L'échéance de mars approche et le Gouvernement charge Jean-Louis Debré, ancien président du Conseil constitutionnel, d'un rapport sur la tenue des élections.

M. Debré dira devant la commission des lois du Sénat : l'élection peut être reportée en juin, au plus tard à l'automne - mais pas au-delà. Il nous révèle que « l'on » aimerait un report au-delà des élections présidentielles... (Murmures indignés sur les travées du groupe Les Républicains) Voilà un nouveau doute.

À la veille des fêtes, le vaccin commence à être évoqué. La question des élections revient à l'agenda au mois de janvier, alors que l'incertitude plane encore sur la vaccination. Un report est alors décidé, sur la foi du rapport Debré.

L'Assemblée nationale et le Sénat votent une loi en février, en acceptant le principe ; les organisations d'élus locaux également, mais en posant une condition claire : un report en juin, pas davantage. Un avis du Conseil scientifique est aussi prévu.

La campagne vaccinale se complique et le doute demeure, cette fois sur l'utilité de certains vaccins et sur l'arrivée d'un nouveau variant. Vous n'y êtes pour rien monsieur le Premier ministre !

M. Jean Castex, Premier ministre.  - Merci !

M. François-Noël Buffet, président de la commission des lois.  - Se repose alors la question du maintien des élections. Des bruits circulent. À l'automne ? Dans un an ? Le Conseil scientifique, dans son avis du 29 mars, se prononce non pas sur la date des élections, qui est acquise depuis le mois de février, mais sur les conditions de leur tenue. Le doute n'est toujours pas levé...

Vous dites que la situation sera meilleure en mai. Il y aura, selon le Conseil scientifique, vingt millions de vaccinés à la mi-mai, trente millions à la mi-juin. Nous irions vers une réouverture des restaurants et de certains lieux culturels. L'espoir renaît...

Le doute disparaît-il enfin ? Non : les maires sont consultés vendredi dernier à 17 heures. N'y aurait-il pas ici les germes d'un nouveau report ? Les maires ont répondu majoritairement que les élections ne devaient pas être encore reportées. Ils ont ainsi libéré le Gouvernement. (M. le Premier ministre en doute.)

Vous venez maintenant nous confirmer ce maintien, monsieur le Premier ministre. Notre vote ne sera pas un vote d'approbation, puisque la loi votée en février 2021 nous engage.

Quant aux conditions d'organisation, la commission des lois a débattu et émis des propositions qui vous ont été adressées le 8 avril par le Président Larcher. Je note avec plaisir que vous les reprenez en quasi-totalité dans vos annonces. Le travail parlementaire a été utile.

Voilà donc le doute levé ; mais il est dommage qu'il ait été nourri à maintes occasions de rumeurs et de vérités, qui ont mis à mal la confiance dans la tenue de ce rendez-vous démocratique indispensable.

Nous avons progressé depuis juin dernier : ces élections se tiendront dans des conditions beaucoup plus favorables que le second tour des municipales.

Le rythme démocratique est essentiel et l'on ne pouvait priver les Français de ces élections. Quoi qu'il en coûte, il faut qu'ils se mobilisent comme ils l'ont fait dans le Gard le week-end dernier. Leur mobilisation dépendra de notre capacité à les rassurer et à mettre en oeuvre rapidement les mesures réglementaires qui permettront la campagne.

Les dates des 13 et 20 juin nous semblaient plus adaptées qu'un décalage d'une semaine ; j'espère qu'il nous donnera le bénéfice d'une plus grande participation.

La mutualisation des bureaux de vote est à la main des maires aux termes du décret du 4 février 2021 ; il conviendra de les y sensibiliser. La commission des lois avait proposé que les préfets édictent des mesures sanitaires pour les rassurer.

Notre débat aura peut-être la vertu, sinon de changer notre point de vue, du moins de contribuer à lever tous les doutes. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP)

Mme Vanina Paoli-Gagin .  - (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP) Voilà plus d'un an que nous vivons avec le virus, au rythme des confinements et des déconfinements. Les Français se sont adaptés : ils ont changé leur façon de travailler, leurs relations sociales, leur mode de vie, leurs loisirs ; leurs proches n'ont jamais été si loin. Ces chambardements ont dessiné un nouveau quotidien.

La vie démocratique, elle aussi, a évolué au gré de la situation, mais elle continue son cours, bon gré mal gré.

Tout avait commencé sous de sombres auspices avec le maintien du premier tour des élections municipales le 14 mars 2021, à la veille du confinement, grâce à l'engagement sans faille des maires, des présidents de bureau de vote et des assesseurs. Depuis, toutes les élections se sont tenues, avec les aménagements significatifs - sans entamer, au contraire, la légitimité des élus. Je pense en particulier aux élections sénatoriales de septembre dernier, dont je suis issue, mais aussi aux élections des conseils communautaires et aux élections professionnelles.

Au Parlement, comme dans les exécutifs locaux, la vie démocratique s'est adaptée en composant avec les contraintes sanitaires. Nous pouvons tous en témoigner.

La deuxième vague nous a obligés à reporter une première fois les élections départementales et régionales. La troisième vague interroge désormais sur un nouveau report. Mais la situation a évolué depuis : la vaccination permet d'envisager une accalmie aux beaux jours, même si les variants invitent à la prudence. En outre, nul ne peut assurer que la situation sera nettement meilleure en juin - mais pas plus en septembre ou en octobre. (M. le Premier ministre acquiesce.)

Les prochains mois seront placés sous le signe de l'incertitude. Le scrutin, cependant, peut être sereinement envisagé en juin : nous avons acquis une précieuse expérience en matière d'organisation d'élections en temps de pandémie et avons adapté nos comportements.

Dernier élément : les trente millions de vaccinés d'ici mi-juin laissent envisager une participation plus sereine, malgré les mauvaises nouvelles concernant le vaccin Johnson & Johnson. D'où, sans doute, la réponse des maires en faveur du maintien des élections au mois de juin.

Il faut tout faire pour sécuriser les opérations de vote. Il était essentiel, à cet égard, d'écouter les maires, même si la consultation aurait pu se dérouler dans de meilleures conditions.

Peut-être faudra-t-il vacciner en priorité les assesseurs ? L'essentiel est que le Gouvernement décide en connaissance de cause.

Enfin, de nombreux pays ont respecté leur calendrier électoral malgré la pandémie, à commencer par les États-Unis. Le vote par correspondance et par anticipation s'est développé. En Espagne, des plages horaires spécifiques ont été établies. Aux Pays-Bas, certains votes se sont tenus en extérieur. Des pays ont étalé les scrutins sur plusieurs jours. La démocratie s'adapte, elle innove.

La démocratie est aussi précieuse qu'exigeante. Si elle n'est pas régulièrement exercée, elle s'anémie.

M. Bruno Sido.  - Très bien !

Mme Vanina Paoli-Gagin.  - Seules des raisons graves, exceptionnelles justifient un report. Nous considérons qu'elles ne sont pas réunies. C'est pourquoi le groupe INDEP votera le maintien des élections avec un report d'une semaine. Cela nous semble constituer un bon compromis. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP)

M. Guillaume Gontard .  - (Applaudissements sur les travées du GEST) Nous vous avons demandé à maintes reprises d'associer la représentation nationale et les élus locaux à la prise de décision, mais nous n'imaginions pas la confusion des derniers jours...

Il y a un léger mieux, mais ce n'est pas encore ça. Même si vous faites des efforts. (M. le Premier ministre s'en amuse.) Ce quatrième débat « 50-1 » est sans doute le plus inutile, après la mascarade d'il y a quinze jours. Vous avez repris certaines de nos idées ; c'est une première !

La consultation de vendredi était louable mais cavalière : les associations d'élus ont été contournées, et avec un délai de 48 heures pour y répondre, les maires n'ont pas pu consulter leur conseil municipal. Pourquoi être si expéditif ? La consultation semble, comme souvent, sortie de votre chapeau à la dernière minute. Vous verrez, on gagne en sérénité à solliciter l'intelligence collective. Vous le direz au Président de la République...

L'avis du Conseil scientifique a été rendu le 29 mars : vous auriez pu consulter avant. De plus, la formulation interroge. Je vous retourne la question : les conditions sanitaires seront-elles réunies ? Tous les agents, assesseurs, présidents seront-ils vaccinés ? Les équipements de protection seront-ils financés ? Y aura-t-il un protocole sanitaire précis ? Enfin, faciliterez-vous l'accès rapide des candidates et des candidats à la vaccination et aux autotests ?

Nous aurions voulu disposer de ces éléments pour nous prononcer. Qu'attendiez-vous de cette consultation ? Un moyen de reporter à nouveau les élections ? La réponse des maires de France à cette consultation aussi expresse qu'un sondage sur Twitch confirme leur foi en notre démocratie. Celle-ci doit vivre avec le virus, ne pas être confinée : beaucoup de nos voisins ont voté et voteront. Il serait inquiétant et déshonorant que la France n'en soit pas capable. Sauf cataclysme sanitaire, ces élections doivent se tenir.

Nous voterons donc cette proposition. D'autant que les modalités prévues nous conviennent pour la plupart, avec des procurations facilitées -  toutefois moins que le Sénat ne l'a proposé -, des votes en extérieur quand cela est possible, l'élargissement des horaires d'ouverture des bureaux de vote et des plages horaires privilégiées pour les personnes à risque. Tout cela est frappé au coin du bon sens.

Il faut graver au plus vite ce protocole dans le marbre, afin de laisser aux maires le temps de s'organiser. J'attire cependant votre attention sur le recrutement des scrutateurs.

L'organisation de la campagne électorale pose un défi logistique plus important encore que le scrutin. Vous avez autorisé les déplacements des candidats sans limite de kilométrage : très bien. Il faut concentrer les efforts sur la dématérialisation, doubler l'envoi de la propagande électorale et porter à quatre pages la taille des professions de foi. Assouplissez aussi la production des clips de campagne et élargissez leur diffusion. Il faut au moins un débat par département.

Peut-être faudrait-il que le Gouvernement précise par circulaire ce qui relève, dans les exécutifs locaux, des moyens alloués à la campagne électorale.

Pour éviter que le problème ne se reproduise en 2022, allez-vous vous battre pour lever les brevets des vaccins, et nous faire voir le bout de ce tunnel ? (Applaudissements sur les travées du GEST)

M. François Patriat .  - (Acclamation ironique sur les travées du groupe Les Républicains) Merci de m'accueillir avec tant d'honneurs...

Monsieur le président Buffet, je vais vous ôter d'un doute : le groupe RDPI votera en faveur de la tenue des élections régionales en juin... (Exclamations amusées à droite)

Cette séance a pour objet de placer chacun devant ses responsabilités. Le 1er avril, monsieur le Premier ministre, vous confirmiez la date du mois de juin, sauf motif impérieux. J'ai dit à l'époque que le débat ne devait pas être binaire. Pourquoi autant de pression et de procès d'intention ? (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains)

Le débat est désormais plus apaisé. J'entends ceux qui disent que la démocratie ne peut être confinée, mais la Constitution nous enjoint de protéger les Français. En 2015, les régionales ont été reportées de neuf mois, sans que la démocratie en souffre.

D'aucuns critiquent le manque de dialogue et la verticalité. Jamais le Parlement n'a été autant consulté ! (Mme Céline Brulin s'esclaffe.)

Reporter les élections de six mois serait une manipulation, une manoeuvre sournoise ? La majorité ne redoute pas plus ces élections que vous celles de 2022 !

Les Français attendent avant tout la sortie de crise ; ils veulent retrouver leur vie d'avant, pas aller voter plus souvent.

Quant au déroulement de la campagne, nous sommes dans des conditions qui nous interdisent les réunions, le porte-à-porte. Comment peut s'exercer la confrontation des idées sans contact ?

Beaucoup se moquent du taux de participation. Ce n'est pas mon cas et je ne me satisfais pas d'un taux de 14%, comme parfois aux dernières municipales dans des grandes villes. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Philippe Bas.  - Et les législatives de 2017 ?

M. François Patriat.  - Une campagne numérique n'est pas partout possible, notamment en milieu rural. Tous les candidats n'auront pas droit à un débat télévisé.

Bien sûr, la France ne peut pas être le seul pays à ne pas voter, mais le Conseil scientifique demande un protocole renforcé.

La consultation des maires n'était pas une manoeuvre ; elle a été utile - même si certains grands élus ont fait pression lourdement pour un refus du report. (Exclamations à droite) Que redoutaient-ils donc ?

Les propositions pertinentes des maires seront prises en compte. Nous ne sommes pas insensibles aux arguments en faveur du maintien. Oui, la démocratie doit être respectée. Mais il faut aussi protéger les Français.

Il n'y a pas deux camps dans notre pays : ceux qui défendent la démocratie et ceux qui craignent l'expression du peuple. Notre seul souci est que les Français puissent participer en toute sécurité à un scrutin loyal pour élire des assemblées représentatives.

Les modalités prévues vont dans ce sens. Elles permettront la confiance, la transparence et la sincérité du scrutin. Dans ces conditions, oui, maintenons les élections en juin ! (Applaudissements sur les travées du RDPI)

M. Jean-Claude Requier .  - Les juristes affectionnent les locutions latines. Je vous dirai donc, monsieur le Premier ministre : non bis in idem ! (M. Philippe Bas apprécie la formule.) Vous recourez à nouveau à l'article 50-1 de la Constitution. Ne servons-nous qu'à entériner des décisions prises ailleurs ou sommes-nous les excipients servant à diluer des responsabilités que l'exécutif ne veut pas assumer en intégralité ?

Sans doute, votre tâche est difficile, d'autant que l'opinion est fatiguée et que les élus sont parfois versatiles - y compris parmi vos proches soutiens...

La continuité démocratique est essentielle, même dans des circonstances exceptionnelles. Toutes les options relatives au calendrier électoral auraient dû être mises sur la table depuis le début.

Nous aurions aimé éviter cette consultation précipitée des maires en un week-end, même si elle a eu le mérite d'exister. Je salue la réactivité des maires et l'implication des associations d'élus.

Mon groupe est indéniablement attaché aux principes fondateurs de notre démocratie.

Il n'y a pas de solution idéale, dès lors que les conditions sanitaires en juin restent incertaines. Faut-il lâcher la proie pour l'ombre ? Nous ne le pensons pas. La majorité du RDSE votera pour le maintien des élections au mois de juin.

C'est en toute responsabilité que nous nous prononçons, en ayant à l'esprit l'état inquiétant de notre économie : nos restaurateurs n'en peuvent plus d'attendre, le monde de la culture est en train de se nécroser, notre système de santé frôle trop souvent la rupture. L'urgence d'un retour à une vie normale se fait sentir partout. Nous y incluons l'urgence de la continuité démocratique : si l'on peut maintenir les entreprises ouvertes, les bureaux de vote peuvent l'être aussi. Nous y attachons d'autant plus d'importance que le plus grand risque est celui d'une abstention massive. Agissons pour la combattre !

Les mesures annoncées sont satisfaisantes même si elles n'apportent pas de garanties absolues : report d'une semaine du scrutin, qui coïncidera avec le départ du Tour de France (Sourires), aménagement des bureaux de vote, extension des horaires de vote, double procuration, vaccination des assesseurs, sachant les difficultés qu'il y a déjà à en trouver habituellement.

Environ 40 % des maires souhaitent un report. En tout cas, l'égalité entre les candidats doit être assurée mais l'interdiction des réunions en intérieur comme en extérieur donnera à cette campagne électorale une nature singulière, comme un air de démocratie en quarantaine.

La centralisation des professions de foi sur internet soulève la question de l'égal accès à cette information. Le RDSE a du reste déposé une proposition de loi pour l'inclusion numérique que nous allons examiner tout à l'heure.

Un vote à l'extérieur ? Craignons qu'un vent malin ne disperse les bulletins... (Sourires) Il faudra réfléchir à des solutions opérationnelles avec le concours de l'État.

La majorité du groupe RDSE approuvera votre déclaration. (Applaudissements sur les travées du RDSE)

Mme Cécile Cukierman .  - Les élections départementales et régionales ont été reportées de mars à juin par la loi. Aussi pouvons-nous être surpris de l'organisation d'un tel débat suivi d'un vote au titre de l'article 50-1 de la Constitution.

Les compétences départementales et régionales sont au coeur de la vie quotidienne des Français.

La démocratie est exigeante. Le Gouvernement et l'État doivent tout faire pour qu'elle puisse être mise en oeuvre. Vous en êtes garant, monsieur le Premier ministre.

Soyons clairs : nous ne minimisons pas la situation sanitaire. La vaccination se développe, à un rythme trop lent. Mais personne ne découvre qu'il y aura cette année deux scrutins le même jour !

Consulter les maires, c'est très bien. Mais vous auriez dû le faire dès février dernier... Nous aurions apprécié de disposer de ces retours avant de formuler nos propositions le 8 avril. Le référendum express de ce week-end ne peut tenir lieu de consultation.

Mais nous nous souviendrons de votre capacité à consulter en urgence les maires de notre pays. Les difficultés de ces dernières années rencontrées avec les élus locaux, qui ont souvent été placés devant le fait accompli, ne se reproduiront donc plus...

Vous pourrez renouveler l'exercice pour les évolutions du protocole sanitaire dans les écoles, par exemple... Les maires sont demandeurs ! (Vifs applaudissements sur les travées des groupeCRCE, SER et Les Républicains)

Campagne, scrutin, dépouillement : il faudra sécuriser ces trois temps. Au-delà de la crise sanitaire, il y a une crise politique dont l'abstention témoigne. Il faut aussi une vraie campagne électorale, avec des relations humaines et de l'écoute. Le numérique ne peut pas être l'alpha et l'oméga de cette campagne.

Un débat télévisé par région, oui, mais nous serons attentifs à ses conditions d'organisation - on pourrait prévoir des rediffusions. Pourquoi pas des clips de campagne diffusés au moment des décrochages régionaux ?

Demeure la question des élections départementales tout aussi importantes que les régionales.

Mme Jacqueline Gourault, ministre.  - C'est vrai !

Mme Cécile Cukierman.  - Là encore, les médias devront jouer tout leur rôle au sein de chaque canton.

Les habitudes de votes sont des repères pour chacun : les élargissements d'horaires doivent donc rester l'exception. Pour le dépouillement, il faut un appel national pour mobiliser les scrutateurs et prévoir des lieux aérés.

Nous avons toujours défendu le maintien de ces élections. Le temps du report aurait pu être mis à profit pour préparer la campagne et le scrutin, mais vous avez perdu du temps avant d'agir aujourd'hui dans la précipitation.

Vouliez-vous vraiment tenir ces élections en juin ?

Nous ne soutenons ni votre stratégie, ni votre politique, mais nous voterons majoritairement pour le maintien du scrutin, parce que nous avons le souci de la démocratie locale ; et nous vous demandons solennellement de tout mettre en oeuvre pour en assurer la réussite démocratique. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE et sur diverses travées des groupes SER et Les Républicains)

M. Olivier Henno .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Monsieur le Premier ministre, je vous ai écouté attentivement et vous m'avez semblé soulagé ! Soulagé que le calendrier voté par le Parlement soit respecté, soulagé que cette consultation des maires ait été conforme à vos attentes, soulagé, en somme, que les échéances démocratiques soient respectées. Nous le sommes aussi, pour la démocratie française. Certains n'avaient-ils pas le secret espoir que les maires se prononceraient pour un nouveau report (exclamations à droite), grâce à quoi il aurait été possible de contourner la majorité des corps constitués, groupes politiques, partis ou associations d'élus ? Au plus haut rang de l'État, j'ai la faiblesse de penser qu'on souhaitait un report de ces élections territoriales après la présidentielle.

Avec cette consultation, « Caramba, encore raté ! ». (Sourires) La grandeur de la politique, c'est d'exprimer des choses fortes, graves, de faire fi des aléas et des sondages. Sommes-nous toujours capables en ces temps difficiles de faire vivre, voire même soigner, notre démocratie ?

Aujourd'hui, nous vivons au quotidien avec le virus, les gestes barrières et les restrictions de liberté. La vie ne peut pas s'arrêter. La vie démocratique non plus !

Une démocratie en bonne santé, c'est le meilleur vaccin contre le populisme, l'extrémisme, contre les passions tristes, comme le disait Spinoza.

Une démocratie en bonne santé, c'est le respect de nos institutions. Le Gouvernement doit écouter les parlementaires et les élus locaux. Pour exemple, l'utilisation abusive du Conseil de défense n'est pas une preuve de bonne santé démocratique. Vous avez écarté le Parlement de la gestion de la crise. Les élus sont toujours informés après-coup. Le président Marseille l'a dit avec humour : le meilleur outil du parlementaire, c'est son poste de télévision. Je souris, mais je m'afflige. La démocratie, ce n'est pas seulement choisir un Jupiter une fois tous les cinq ans. (Sourires) Nos élus locaux et nos institutions méritent plus de respect, de même que nos corps intermédiaires, trop souvent enjambés.

Les élus font de la politique, mais leur avis mérite d'être écouté - surtout quand on l'a sollicité. Dominique Bussereau est capable d'objectivité et de saluer les bonnes décisions tout en dénonçant les mauvaises.

Mme Jacqueline Gourault, ministre.  - Tout à fait !

M. Olivier Henno.  - Une démocratie en bonne santé suppose l'exercice du droit de vote ; le président Larcher l'a rappelé à juste titre. Décidément, je cite de bons auteurs ! (On s'amuse.)

Nos voisins européens, nos alliés historiques outre-Atlantique organisent des élections. Je n'imagine pas que nous n'y parvenions pas.

Le train de la démocratie ne doit pas s'arrêter

Monsieur le Premier ministre, vous êtes de longue date favorable au maintien de ces échéances et je vous en remercie. Votre rôle est aussi de veiller au respect des institutions et principes qui régissent notre République. Au Vietnam, un guide à qui j'avais demandé la différence entre un régime démocratique et un régime autoritaire m'a répondu : dans un régime autoritaire, on a toutes les libertés, sauf celle de critiquer le Gouvernement. (Marques d'indignation au banc du Gouvernement)

Si la seule différence entre un régime militaire et une démocratie est la capacité à critiquer le Gouvernement, alors c'est que la démocratie est en danger ! La démocratie, c'est beaucoup plus. C'est faire face ensemble malgré les difficultés. Faisons vivre son supplément d'âme, aussi et surtout par gros temps.

Impliquons davantage les médias audiovisuels et la presse quotidienne régionale, donnons des autotests aux maires. Fixons des règles claires pour le dépouillement.

Nous voterons majoritairement pour le maintien. Notre démocratie a besoin de calme et de stabilité, bref, de sagesse. Ce qui n'exclut pas le frisson de l'élection, que nous connaissons bien...

Au nom du groupe UC, je voulais vous faire partager mon amour de la démocratie et les raisons pour lesquelles nous souhaitons que les élections départementales et régionales aient lieu en juin. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains)

M. Éric Kerrouche .  - (Applaudissement sur les travées du groupe SER) Y a-t-il une stratégie générale en matière d'élections depuis un an ? On croit souvent que les décisions politiques reflètent une volonté, mais la sociologie nous apprend aussi la notion d'anarchie organisée, dans laquelle les décisions sont le produit d'une combinaison aléatoire et non d'un processus rationnel. Dans cette perspective, il n'est pas de problème dont une absence de solution ne finisse par venir à bout. Votre comportement en matière électorale illustre parfaitement cette maxime.

La séquence a été étonnante, voire incongrue : après « Y a-t-il un pilote dans l'avion ? » lors des municipales, on est passé à « La Grande illusion » avec la loi sur le report des élections départementales et régionales ; puis à « La vérité si je mens » avec ce poker menteur du maintien des élections en juin.

Depuis un an, la question électorale relève d'un autre film : c'est « L'histoire sans fin ».

Mais vous êtes tombé sur plus joueur que vous avec le Conseil scientifique qui a réalisé ce magnifique mouvement rugbystique que vous appréciez tant, celui du cadrage-débordement, qui vous a laissé un peu démuni ! (Rires et applaudissements sur les travées du groupe SER et sur diverses travées du groupe Les Républicains)

J'entends la difficulté des sujets à traiter pendant une période aussi particulière.

M. Jean Castex, Premier ministre.  - J'en doute...

M. Éric Kerrouche.  - Mais les élections sont-elles un sujet véniel ou substantiel ? Le groupe SER choisit la deuxième solution.

Le Président de la République l'a déclaré le 13 avril 2020 - pas 2021 : « L'épidémie ne saurait affaiblir notre démocratie. » Dans le discours de Gettysburg, Abraham Lincoln définissait la démocratie comme « le gouvernement du peuple, par le peuple, pour le peuple ». Il considérait ce dernier comme l'unique source et arbitre du pouvoir. Reporter des élections, c'est suspendre l'essence de la vie démocratique.

Si la démocratie ne se réduit pas au vote, il n'y a pas de démocratie sans vote. Or vous semblez ne pas vous en préoccuper. Les droits et libertés publiques ont reculé dans le monde en 2020 ; The Economist a classé notre pays parmi les démocraties défaillantes. Il était temps de maintenir ces élections...

Votre gestion électorale est à l'image de votre gestion de crise : erratique. On aurait espéré qu'il en aille autrement. Si que l'on perdait en liberté publique, on l'avait au moins gagné en efficacité... Cela n'a pas été le cas. Je serais cependant injuste en ne reconnaissant pas la nécessité du soutien à l'activité sans lequel notre économie se serait effondrée. Mais vous n'avez toujours pas pris la mesure des difficultés sociales, notamment celle des plus jeunes, et notre plan de relance est l'un des plus limités des pays occidentaux (M. le Premier ministre lève les bras au ciel). Et vous reviendrez vite aux réformes d'austérité, comme en 2008.

Sanitairement, vous êtes le gouvernement du train d'après : masques, tests, campagne vaccinale à contre-courant... Un homme seul décide de tout, dans une opacité qui défie l'entendement. Les oppositions n'auraient pas fait mieux, dites-vous.

M. Jean Castex, Premier ministre.  - Je ne l'ai jamais dit !

M. Éric Kerrouche.  - C'est se payer de mots. Vous n'avez du reste jamais pris en compte nos propositions.

Pour vous, ces élections seraient accessoires, encombrantes, un peu comme les corps intermédiaires ou le Parlement, d'où le feuilleton du report.

Vous auriez préféré décaler les élections à l'après 2022. Vous avez choisi juin plutôt que septembre, tout en perdant un temps qui aurait été mieux employé à préparer l'élection.

Vous devez tout au Président de la République, et la seule échéance qui compte, c'est son élection, puisque votre Gouvernement et sa majorité ne procèdent de rien, ni d'un parti ni de convictions ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER)

Les élections locales sont pour vous une péripétie aménageable, voire des élections de second ordre - c'est ce qui explique votre désinvolture.

Saluons l'esprit de responsabilité des maires que vous avez consultés, dans la précipitation. La façon de faire laisse songeur et cette opération était orientée.

Sauf exception ou alliance, vous n'existez pas ou peu sur les territoires. LREM est un concept, un parti politique furtif. On comprendra que l'impréparation de cette campagne n'est pas une bévue, mais une stratégie.

Le décalage d'une semaine - sous couvert de souci sanitaire - aura des conséquences notables en taux de participation. Il n'est pas possible de dire aux Français qu'ils peuvent travailler et consommer, mais qu'ils ne peuvent pas voter, alors que cet acte prend si peu de temps. II n'est pas possible de ne pas adapter les campagnes électorales et le vote alors que d'autres pays l'ont fait.

Nous vous avons proposé très souvent de préparer ces scrutins, par nos amendements - je n'en rappellerai pas le nombre  - mais l'élection présidentielle est sans doute plus importante pour vous.

Selon la ministre Marlène Schiappa, ce n'est pas parce que des aménagements se font ailleurs que c'est forcément bien. Soit. Mais ni le vote sur trois jours, ni l'extension des procurations n'ont trouvé grâce à vos yeux.

La diversion fonctionne au détriment du fond. S'agissant de la consultation, « il n'était pas trop tôt pour savoir s'il était trop tard », comme disait Pierre Dac. Nous voterons en faveur de ces élections en juin, tout en regrettant un inexplicable manque d'anticipation. (Applaudissements sur les travées du groupe SER et sur plusieurs travées des groupes CRCE et Les Républicains)

M. Jean Louis Masson .  - Les associations d'élus étaient toutes opposées à un nouveau report de ces élections.

Le Gouvernement a cherché à passer outre en organisant une pseudo-consultation dans le plus grand secret. Le mail a été envoyé le vendredi à 19 heures, quand toutes les mairies étaient fermées, pour une réponse le lundi avant 11 heures. Cette manoeuvre est digne d'une République bananière. (Exclamations sur diverses travées)

Le Gouvernement espérait que faute d'information et de débat, les maires se laisseraient abuser. Mais ils ont bien réagi, en faveur du respect de la démocratie, comme partout ailleurs en Europe.

Quel désaveu à l'encontre des auteurs de cette incroyable manipulation ! Je remercie les élus qui ne se sont pas laissé prendre au piège.

M. Jean Castex, Premier ministre.  - Quel piège ?

M. Jean Louis Masson.  - Je regrette que la commission des lois n'ait pas retenu mes amendements en faveur de l'envoi des propositions de foi et des bulletins de vote par les préfectures : en effet, un des deux prestataires prévus, Adrexo, craint de ne pouvoir faire les envois à temps.

Tout en étant favorable au maintien des élections en juin, je m'abstiendrai sur votre déclaration. J'aurais d'ailleurs préféré que le Gouvernement nous interroge sur un texte et non sur une question verbale.

M. Gérald Darmanin, ministre de l'intérieur .  - Je vais répondre aux questions posées sur les modalités d'organisation de ces élections.

Nous serions le seul pays à nous poser la question du maintien ou non des élections ? C'est faux ! Les élections nationales ont pu se tenir chez nos voisins, mais pas toutes les élections locales : ainsi l'Italie a récemment repoussé des échéances locales importantes.

Comparaison n'est pas raison car les systèmes de vote sont différents. Un vote par anticipation et un vote par correspondance y sont autorisés, comme le vote électronique, à présent remis en cause chez nous par l'Agence nationale de la sécurité des systèmes d'information (Anssi).

Je regrette les attaques politiques, pour ne pas dire politiciennes, du sénateur Kerrouche. (Exclamations sur les travées du groupe SER) Il est aisé d'organiser une élection, dites-vous : il y a dans ces paroles beaucoup de croyance mais peu de pratique... Moi qui ai été maire, je le sais : cet élu ne peut réquisitionner les agents publics, il ne fixe pas le lieu du bureau de vote mais le propose au préfet, qui décide. Quant aux scrutateurs, ils ne peuvent être pris parmi les employés de la mairie. Vos philippiques n'étaient donc pas indispensables...

La France a été classée comme démocratie défaillante, oui, mais pas à cause de son État de droit : c'est en raison de la faible participation aux élections, qui devrait vous préoccuper autant que nous.

Le décalage d'une semaine peut s'opérer par décret, car la loi ne fixe que le mois de juin pour l'élection.

Pour les élections régionales, la déclaration de candidature doit se faire six semaines avant le premier tour. Le dépôt de candidature sera donc décalé du 10 au 17 mai. Le décret en fixera les modalités, faute de loi.

S'il y a une difficulté pour les maires, il y en a une aussi pour les préfets, qui doivent organiser deux élections en même temps sur tout le territoire, pour la première fois depuis 1986, où les législatives se tenaient en même temps que les régionales. (Murmures prolongés à droite)

Le prêt de matériel sera compliqué. Et 70 000 bureaux de vote multipliés par deux, soit 140 000 bureaux, cela signifie 600 000 personnes mobilisées pour les tenir, sans compter les scrutateurs. Toutes ces personnes devront être testées trois fois, voire vaccinées. Nous devons donc connaître les présidents, assesseurs et secrétaires des bureaux de vote un mois avant les scrutins.

La semaine de décalage n'est donc pas une facétie du Premier ministre... Parmi les 22 000 maires ayant répondu, presque tous ont pointé ces difficultés, notamment dans les communes les plus rurales.

En cas de force majeure le préfet peut fixer le lieu du bureau de vote dans un espace nouveau, éventuellement à l'extérieur. Les horaires sont fixés réglementairement dans chaque commune. Le mieux pourrait être l'ennemi du bien : les assesseurs et scrutateurs risquent d'être rebutés par des horaires trop tardifs. Je préfère donc que les derniers bureaux de vote ne ferment pas après 20 heures, les préfets étant chargés de trouver un consensus dans leur département. Soit dit en passant, je doute que les citoyens qui n'ont pas rempli leur devoir civique avant 18 heures le fassent à 20 heures...

Il nous semble nécessaire de proposer que le président puisse participer au dépouillement.

Mais il serait inconstitutionnel de procéder à deux élections différentes dans un seul bureau, avec un seul président. Nous essaierons néanmoins de mutualiser les opérations de dépouillement.

Il n'y aurait rien de pire qu'une QPC venant invalider le résultat.

Parlons désormais de la campagne. Le couvre-feu va durer jusqu'à mi-mai. Après le 24 mai, début de la campagne officielle, les réunions seront normalement possibles. Nous prévoirons donc une autorisation de déplacement spécifique pour les candidats et les militants.

La loi autorise deux procurations maximum par personne. Je salue le travail mené sur la procuration numérique, qui fera gagner du temps. Autre nouveauté, le certificat médical ne sera plus exigé. Une simple demande de procuration suffira pour choisir un mandataire.

Je remercie l'Association des maires de France pour sa coopération. Nous ne demandons plus de motif de procuration, ce qui simplifiera très largement l'exercice de la démocratie les 20 et 27 juin.

Je suis à votre disposition, après le vote, pour préparer le projet de loi au plus vite.

M. Jean Castex, Premier ministre .  - Je vous remercie très vivement de vos contributions, certaines parfois caricaturales, mais toutes constructives.

Quelques clarifications - supplémentaires.

Je partage avec vous un profond attachement à la démocratie, locale en particulier. Le Gouvernement a toujours voulu maintenir les élections, sauf si des motifs d'ordre strictement sanitaire empêchaient leur tenue. Je respecte ceux qui ont pu exprimer des doutes.

On me prête des arrière-pensées, des intentions cachées... (Dénégations amusées sur les travées des groupes Les Républicains et UC) Vous êtes invités à voter sur le maintien des élections dans des conditions extrêmement strictes de sécurité. Pas sur autre chose.

Je sais l'importance de ces élections départementales et régionales, qui sont loin d'être des élections secondaires (murmures sur les travées du groupe Les Républicains) : j'ai été conseiller régional pendant cinq ans, conseiller départemental pendant cinq ans.

D'un côté la vaccination progresse, de l'autre, le variant anglais, plus contagieux et dangereux, progresse lui aussi, y compris depuis la loi de février. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains) Nous devons prendre en compte le virus, qui est toujours là.

Si nous les interrogions sur le sujet qui nous occupe, nos concitoyens exprimeraient aussi des doutes. Les 40 % de maires qui se sont prononcés en faveur du report des élections n'ont pas subi de pressions ! Ce ne sont pas non plus des antidémocrates. Ils ont des doutes ! Il est salutaire d'en débattre car c'est dans le débat que l'équilibre peut se trouver.

Je veux vous assurer du profond respect du Gouvernement pour les maires. Il est paradoxal de s'entendre dire, ici au Sénat, que les consulter constitue une manipulation ou une manoeuvre ! (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains)

Je vous ai expliqué pourquoi je l'ai fait si rapidement. J'attendais que les maires me disent ce qu'ils pensent. Le rapport du Conseil scientifique ne préconise ni de reporter, ni de maintenir les élections, mais fixe les conditions de mise en oeuvre, qui reposent sur les maires.

Il n'y avait pas d'arrière-pensées (protestations sur les travées du groupe Les Républicains), mais une volonté d'éclairer le Gouvernement et la représentation nationale. Il faut respecter la démocratie, les maires, les associations d'élus, les corps intermédiaires.

Nous n'avons jamais autant contractualisé avec les maires. La ministre de la cohésion des territoires (exclamations sur les travées du groupe Les Républicains) travaille inlassablement avec les associations d'élus.

Certes, il appartient in fine à l'État de décider. Je mets en oeuvre la Constitution, qui est bonne. Ce n'est pas parce que je consulte que je fuis mes responsabilités. (MM. François Patriat et André Gattolin applaudissent.) Je respecte les corps intermédiaires. Si je suis devant vous, c'est parce que je respecte le Parlement. (Murmures approbateurs sur les travées du groupe Les Républicains) J'y ai toujours veillé, dans le cadre de l'équilibre constitutionnel des institutions de la Ve République, dont j'ai toujours soutenu les principes.

Je vous demande de vous prononcer souverainement sur ce que je propose et non sur ce que vous pensez que j'aurais éventuellement voulu...

Vous pouvez améliorer nos propositions pour que l'abstention soit la plus faible possible. C'est un enjeu national.

La crise sanitaire est toujours là. (Mouvements sur les travées du groupe Les Républicains) Ce qui m'obsède, monsieur Kerrouche, c'est la protection de nos concitoyens. C'est tout, mais c'est essentiel. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et UC ; quelques membres du RDSE applaudissent également.)

Mme Françoise Gatel.  - Très bien !

La déclaration du Gouvernement est mise aux voix par scrutin public de droit.

M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°113 :

Nombre de votants 342
Nombre de suffrages exprimés 327
Pour l'adoption 319
Contre     8

Le Sénat a adopté.

(Exclamations sur diverses travées ; M. François Patriat et Mme Denise Saint-Pé applaudissent.)

La séance est suspendue à 18 h 40.

présidence de Mme Valérie Létard, vice-présidente

La séance reprend à 18 h 50.

Lutte contre l'illectronisme et pour l'inclusion numérique

Mme la présidente.  - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi relative à la lutte contre l'illectronisme et pour l'inclusion numérique, à la demande du groupe RDSE.

Discussion générale

M. Éric Gold, auteur de la proposition de loi .  - Carte d'identité, permis de conduire, certificat d'immatriculation font désormais l'objet d'une démarche exclusivement dématérialisée. Cette modernisation répond à la demande de nombreux usagers, qui n'ont ainsi plus besoin de se rendre en préfecture.

Mais l'évolution n'est pas perçue de la même manière par tous. Quatorze millions de Français ne maîtrisent pas le numérique. L'illectronisme touche surtout les personnes en situation de handicap, illettrées, sans abri ou étrangères, comme l'a signalé Raymond Vall dans le rapport de la mission d'information présidée par Jean-Marie Mizzon.

Outre l'équipement, la couverture numérique est insuffisante : seulement 50 % de la population ultramarine est raccordée.

Les déserts administratifs correspondent le plus souvent aux zones blanches et les Maisons de services au public sont insuffisantes.

L'objectif de dématérialiser d'ici 2022 les 250 démarches indispensables inquiète, à juste titre. Dans son rapport de 2019, le Défenseur des droits a dénoncé un recul de l'accès aux droits. Selon l'Insee, 60 % de la population est incapable d'effectuer des démarches administratives en ligne. Ce sera davantage si rien n'est fait.

La modernisation de l'État par la dématérialisation est une conséquence du principe d'adaptabilité et de mutabilité du service public. Il implique pour l'État de réaliser des efforts considérables en matière de formation au numérique à tous les niveaux pour développer l'autonomie des usagers.

Les initiatives, nombreuses, sont insuffisantes. Les pass numériques qui financent la formation sont déployés trop lentement, l'organisation des lieux de formation manque de visibilité. Nous déplorons un empilement des structures, développées de manière non coordonnée.

L'égalité d'accès aux services publics nécessite un accueil de tous, physique si nécessaire. Il faut une intervention humaine et un véritable maillage.

Notre proposition de loi traduit les préconisations de la mission d'information du Sénat.

L'article premier prévoit une évaluation biannuelle des capacités numériques de nos concitoyens.

Afin de détecter les plus fragiles, l'article 2 introduit une évaluation des compétences numériques lors de la Journée défense et citoyenneté, basée sur un référentiel commun.

Le chapitre 2 vise des services publics 100 % accessibles, reprenant les recommandations du Défenseur des droits. Nous sommes favorables à cette démocratisation - nul ne songerait à réclamer le retour au papier - mais les supports traditionnels doivent venir en complémentarité.

Les Maisons France Services ne peuvent pas toujours apporter une solution pour des dossiers de fond. L'article 3 crée donc un droit au guichet, avec un délai maximal de deux mois pour obtenir une réponse.

L'article 4 instaure pour les usagers une liberté de choix du moyen de correspondance et de paiement. Pour les attributions et révisions de droits, les informations sur les voies de recours devront pouvoir être notifiées sur papier.

L'article 5 reconnaît un droit à l'erreur de saisie.

L'article 6 impose un renforcement de l'ergonomie des sites administratifs, avec un référentiel, la correction possible jusqu'au dépôt définitif du dossier et la délivrance d'un accusé de connexion.

L'article 7 porte sur l'accès des sites aux personnes en situation de handicap, théorique depuis 2012, qui doit devenir effectif. Ce retard est inacceptable.

Le chapitre 3 aborde le financement : l'article 8 crée un fonds de lutte contre l'exclusion numérique doté d'au moins 500 millions d'euros. Les 250 millions d'euros du plan de relance ne suffisent pas : la mission d'information a évalué les besoins à un milliard d'euros. L'article 9 prévoit qu'il sera abondé par la taxe GAFA ainsi que par le budget général de l'État.

Le chapitre 4 traite de l'accompagnement des exclus de la dématérialisation. L'article 10 confie notamment à l'Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) une cartographie des lieux d'accompagnement des usagers. Cela complète la stratégie nationale d'orientation de l'action publique.

L'article 11 dispose que les EPCI désignent un référent pour l'inclusion numérique, qui sera aussi un point de contact pour le monde associatif.

Le chapitre 5 renforce la formation des élèves. L'article 12 fait de la lutte contre l'illectronisme une priorité nationale prise en compte par le service public de l'éducation.

L'article 13 prévoit une formation continue obligatoire des enseignants.

L'article 14 crée un crédit d'impôt pour les PME au titre de la formation des salariés. Nous craignons que l'enveloppe du plan de relance ne soit entièrement absorbée par la transformation numérique des entreprises et la vente en ligne...

L'article 15 prévoit une entrée en vigueur dans les six mois suivant la publication de la loi.

L'article 16 gage la proposition de loi.

Nous nous accordons tous pour juger essentielle la lutte contre l'illectronisme. Je vous invite donc à adopter ce texte ! (Applaudissements sur les travées du RDSE ; M. Jean Hingray applaudit également.)

M. Thani Mohamed Soilihi, rapporteur de la commission des lois .  - La proposition de loi déposée par Éric Gold fait suite au rapport du 17 septembre 2020 de la mission d'information sénatoriale sur la lutte contre l'illectronisme.

Mes travaux ont largement corroboré le constat de ce rapport : l'ancrage du numérique dans notre société pose problème, quand quatorze millions de Français ne le maîtrisent pas et qu'un sur deux ne se sent pas à l'aise. Les personnes en situation de handicap représentent un exclu du numérique sur cinq. Seulement 13 % des démarches administratives leur étaient accessibles en avril 2020. C'est la double peine.

Le rapport d'information formulait 45 propositions, parmi lesquelles l'évaluation de l'exclusion numérique, le passage à une logique 100 % accessible, la construction d'une Éducation nationale 2.0.

Le Gouvernement traite le sujet avec 120 millions d'euros du plan de relance consacrés à l'inclusion numérique dans les PME et TPE.

Le réseau des maisons France Service, structures labellisées qui remplacent les maisons de services au public, accueille les démarches administratives relevant du ministère de l'Intérieur, de la caisse nationale d'allocations familiales ou de l'assurance maladie. Un accompagnement numérique y est assuré. Il y avait 1 123 maisons au 1er février 2021 ; le Gouvernement veut atteindre les 2 000 début 2022.

Le Gouvernement a également développé une plateforme « Aidants Connect » facilitant l'intervention d'un tiers pour les démarches en ligne.

J'ai proposé à notre commission des lois, qui m'a suivi, de ne pas adopter ce texte en commission. Ce rejet constructif est destiné à laisser le groupe RDSE présenter un texte conforme à ses attentes. Il aurait fallu, en effet, le modifier profondément. Plusieurs mesures ne relevaient pas de la loi ; d'autres n'apportaient pas de garanties. Les coups de baguette législative n'existent pas et il est parfois plus efficace de contrôler que de légiférer.

Je présenterai plusieurs amendements pour sécuriser cette proposition de loi comme instrument de droit.

Les nombreuses suppressions que je proposerai n'ont pas vocation à occulter le débat, mais fourniront l'occasion de discuter des conclusions de la mission d'information et, pour le Gouvernement, de présenter les mesures qu'il compte mettre en oeuvre.

Je remercie chaleureusement Éric Gold et le RDSE de nous donner l'occasion de ce débat. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

Mme Olivia Gregoire, secrétaire d'État chargée de l'économie sociale, solidaire et responsable .  - (M. Philippe Folliot applaudit.) L'action du Gouvernement en faveur de l'inclusion numérique est constante.

Le Sénat a donné une visibilité à la lutte, trop souvent oubliée, contre l'illectronisme. Nul besoin de rappeler la place croissante du numérique dans nos vies de citoyens, de consommateurs, de travailleurs, de parents, d'étudiants. Songeons au télétravail, puissant rempart contre la pandémie.

Le numérique présente de nombreuses opportunités, si l'on donne les moyens à chacun de s'y acclimater. Nous connaissons tous des personnes qui s'y sont adaptées avec agilité, seules ou accompagnées.

Notre ambition découle d'un constat partagé : l'absence de maîtrise du numérique est un handicap majeur.

Face à cela, nous agissons. D'abord par la dématérialisation. Celle-ci ne suffit pas : Amélie de Montchalin travaille à une refonte des outils administratifs pour les adapter au numérique. Un taux de satisfaction de 74 %, c'est bien mais nous devons faire mieux. Le Gouvernement construit une stratégie partenariale avec les collectivités territoriales, les opérateurs du service public, les acteurs de la médiation numérique et les entreprises. Le plan de relance consacre 500 millions d'euros à la numérisation des administrations. Quelque 250 millions sont mobilisés pour les maisons France Service : plus de lieux, plus d'outils pour les aidants, 4 000 conseillers numériques recrutés, la plateforme « Aidants Connect » grâce à laquelle un travailleur social peut se substituer à un usager pour une démarche administrative...

La numérisation des TPME est l'une des priorités du plan de relance, avec 120 millions d'euros dédiés. Nous encourageons aussi la création de plateformes de commerce local. Nous aidons toutes les entreprises de moins de onze salariés avec le chèque numérique de 500 euros.

Enfin, il faut éduquer les futures générations d'où PIX, qui évalue les compétences numériques des élèves de troisième et de terminale.

Merci de me donner cette occasion de réaffirmer notre ambition sur un sujet d'aujourd'hui et de demain. (Applaudissements sur les travées du RDPI ; M. Jean-Claude Requier applaudit également.)

Mme Guylène Pantel .  - (Applaudissements sur les travées du RDSE) Un regret d'abord : l'expérience du premier confinement n'a pu éviter les nombreux dysfonctionnements de l'école à distance la semaine dernière.

Pour quatorze millions de Français, l'absence de compétences numériques se double de l'absence d'accès à une connexion ou à un équipement. Pour les ruraux, cette fracture s'ajoute à la fracture territoriale, alimentant la défiance et le sentiment qu'il y a deux France : une urbaine connectée, une rurale exclue.

Nous avons besoin de justice et d'équité. Cette proposition de loi y contribue, participant ainsi à la promesse républicaine.

Certes, une formation est assurée au collège et au lycée, mais maîtriser les réseaux sociaux ne signifie pas maîtriser les démarches administratives en ligne.

Les articles 3 à 7 de cette proposition de loi nous font passer d'une logique 100 % dématérialisée à une logique 100 % accessible. Il faut de la complémentarité et de la subsidiarité. N'opposons pas dématérialisation et papier, mais mettons-nous au niveau de nos concitoyens. J'ai inauguré deux maisons France Service à Meyrueis et Florac ; je puis témoigner de leur utilité. Mais elles ne résolvent pas tout.

Quel est le meilleur niveau pour agir ? La dématérialisation ne doit pas se faire aux dépens de l'accessibilité, comme cela a été le cas pour la carte grise.

Elle doit s'accompagner d'un droit à l'erreur - c'est l'article 5 - et être rendue plus accessible aux personnes en situation de handicap. Les articles 6 et 7 vont dans ce sens.

Le RDSE votera ce texte, étape essentielle dans la lutte contre l'illectronisme. (Applaudissements sur les travées du RDSE et sur le banc de la commission)

M. Pierre Ouzoulias .  - Nous remercions vivement le RDSE de la mission d'information sur ce sujet et de cette proposition de loi qui la prolonge.

Le groupe CRCE partage le constat : dématérialisation ne doit pas signifier suppression du contact physique à un guichet. Élus de terrain, nous sommes nombreux à avoir apporté une aide à nos citoyens, dont beaucoup de personnes âgées qui ne sont toujours pas vaccinées faute de maîtriser le numérique.

Plus la dématérialisation progresse, plus elle laisse de personnes à la marge, par manque de compétences, de matériel ou de réseau. Cette éviction de fait entraîne un développement des intermédiaires qui font payer leurs services : c'est le retour de l'écrivain public...

De plus en plus, les collectivités territoriales apportent, elles, ce service gratuitement à leurs administrés : c'est un transfert de charges de fait.

Ce texte a le mérite d'alerter sur les difficultés de nos concitoyens et de rappeler l'importance du droit au guichet, avancé par le Défenseur des droits en 2019.

Mais on ne peut contraindre l'État à cesser sa dérive générale. Assurer une mission de service public, ce n'est pas délivrer une prestation technique. L'État met le service public en concurrence avec le privé, qui n'a pas les mêmes obligations. Or l'État a le devoir d'apporter une aide adaptée à chaque citoyen pour honorer sa part du contrat social.

Le groupe CRCE votera ce texte, en attendant un débat plus global sur le rôle des services publics dématérialisés dans le pacte républicain. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE, SER et RDSE et sur quelques travées du groupe UC.)

M. Jean-Pierre Moga .  - Toute proposition de loi a ses points forts et ses points faibles. Celle-ci aggrave la situation des finances publiques et comporte de nombreuses dispositions réglementaires, comme l'a souligné le rapporteur. Mais elle a le mérite d'exister.

Elle arrive dans le sillage d'une mission d'information, présidée par Jean-Marie Mizzon, qui dresse un constat alarmant : quatorze millions de Français ne maîtrisent pas le numérique. Les plus âgés, les plus fragiles et nombre de ruraux sont laissés pour compte par une société de plus en plus numérisée. Pas moins de 50 % des non-internautes résident dans une commune de moins de 20 000 habitants.

Selon la Cour des comptes, en mai 2018, le plan France Très Haut Débit s'élevait à 34 milliards d'euros. Les prévisions de raccordement ont été trop optimistes et l'objectif de 2022 ne sera pas tenu. La dématérialisation de 250 démarches, elle, l'a été, laissant trois Français sur cinq sur le bord de la route.

Passer d'une logique 100 % dématérialisée à une logique 100 % accessible semble compromis.

Notre ancien collègue Raymond Vall avait tenu à approfondir l'analyse de ce phénomène. L'illectronisme résulte parfois d'un manque de compétences informatiques. La dématérialisation est alors facteur de rupture d'égalité et d'exclusion sociale.

L'inclusion numérique doit être déclarée priorité nationale. M. Vall avait demandé 1 milliard d'euros - quatre fois plus que ce qui est prévu dans la loi de finances pour 2021.

Pour améliorer le niveau d'inclusion numérique, l'argent reste le nerf de la guerre. La professionnalisation des médiateurs numériques est un vivier d'emplois, encore faut-il prévoir des rémunérations correctes.

Nos territoires ruraux sont brutalement confrontés à une dématérialisation massive des services publics : ils attendent une action ambitieuse. La société numérique ne doit pas être facteur d'exclusion. Cet outil de progrès ne saurait constituer une atteinte au principe d'égalité.

C'est bien d'une lutte qu'il s'agit : donnons-nous les moyens de vaincre le fléau de l'illectronisme ! (Applaudissements sur les travées du groupe UC)

Mme Martine Filleul .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Le confinement a jeté une lumière crue sur la détresse des quatorze millions de personnes en situation d'illectronisme. La digitalisation croissante a exacerbé les injustices et entraîné des ruptures d'égalité. Travailler, étudier, accéder aux droits, se soigner devient un défi insurmontable.

Lionel Jospin nous alertait dès 1999 sur ce risque. Faute de maîtriser les codes, près d'un Français sur deux n'est toujours pas entièrement à l'aise avec le numérique et un sur cinq reste totalement exclu.

Cet échec tient à l'absence de véritable politique publique dans ce domaine. Il faudrait envisager l'inclusion numérique comme un service public à part entière, structuré et organisé. La difficulté à repérer les publics qui ont besoin d'accompagnement, l'atomisation des initiatives et la multiplication des niveaux de décision rend les actions peu visibles.

La compétence devrait être explicitement dévolue aux départements, au nom de leur mission de lutte contre les inégalités. C'est l'échelon adapté pour dresser un bilan, coordonner et développer les actions. La Poste, grâce à son maillage, couvre toutes les zones, même les plus reculées. Une politique départementale de lutte contre l'illectronisme sera plus efficace, et plus équitable.

Ce service public devra bénéficier d'investissements à la hauteur de l'enjeu. Je salue l'article 8, qui instaure un fonds de lutte contre l'exclusion numérique, ainsi que l'article 9, sur le chèque équipement pour l'acquisition de matériel informatique. Il faudrait surtout réfléchir à des aides à l'abonnement.

Le développement de la médiation numérique est encore insuffisant ; la formation est primordiale, et nous soutenons les mesures de la proposition de loi à cet égard.

Une évaluation régulière des compétences de nos concitoyens est loin d'être superflue. L'évaluation de la lecture lors de la Journée de défense et citoyenneté montre son utilité.

Enfin, le numérique ne doit pas être un facteur d'isolement pour les personnes en situation de handicap. Seuls 13 % des sites leur sont accessibles : il faut accélérer la mise en conformité.

Cette proposition de loi ne résoudra pas tout, mais elle comporte des mesures de bon sens et mérite d'être soutenue. (Applaudissements sur les travées du groupe SER ; M. Pierre Ouzoulias et Mme Esther Benbassa applaudissent également.)

Mme Céline Boulay-Espéronnier .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Le vent de la révolution numérique est porteur de nombreuses promesses, mais des inégalités perdurent. L'illectronisme touche quatorze millions de personnes. Handicap, précarité, niveau d'instruction : les causes sont multiples.

La moitié des plus de 75 ans n'ont pas d'accès à internet à leur domicile, 67 % sont dépourvus des compétences numériques élémentaires. Il n'est pas acceptable que nos aînés soient ainsi exclus de la marche du progrès.

L'égal accès de tous les Français aux services publics est un principe fondamental.

Bien qu'imparfait juridiquement, ce texte a le mérite de proposer des solutions concrètes contre l'ostracisme numérique des plus fragiles.

Les seniors sont 27 % à souffrir de solitude ; gare à ce que la dématérialisation n'accentue pas leur isolement.

Je salue la création des maisons France Services et de la plateforme « Aidants Connect », outil précieux pour les aidants familiaux, ces anges gardiens du quotidien. Je soutiens également la création d'un référent en charge de l'inclusion au sein de chaque EPCI.

Les personnes en situation de handicap doivent faire l'objet d'une attention particulière ; j'ai cosigné les amendements de M. Mouiller en ce sens. Aucun citoyen ne doit être sacrifié sur l'autel de la modernité ! Le numérique pour tous est une question d'égalité et d'humanité. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Pierre-Jean Verzelen .  - (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP) Trois Français sur cinq rencontrent beaucoup de difficultés pour effectuer des démarches en ligne et 50 % de nos concitoyens ne sont pas pleinement à l'aise avec le numérique.

Les personnes handicapées, les personnes âgées, celles qui parlent mal le français et les personnes illettrées sont les plus touchées par l'illectronisme.

Avec la dématérialisation des services publics, la maîtrise du numérique est devenue la condition sine qua non de l'accès aux droits. Le numérique a remplacé les guichets physiques : il peut être ressenti comme une entrave et entraîner un renoncement aux droits.

Cette proposition de loi reprend une partie des propositions du rapport d'information de Raymond Vall. Les objectifs sont louables, même si certaines mesures sont satisfaites, de niveau réglementaire, comme l'article 13 qui traite de la formation continue des enseignants, ou relèvent de la loi de finances.

Je salue le travail de qualité du rapporteur.

L'année écoulée a illustré la place prise par le numérique dans notre vie quotidienne. Il faut donc agir pour l'inclusion numérique, y compris via un soutien financier à destination des TPE, PME, collectivités territoriales et chambres de commerce et d'industrie.

Nous réservons notre vote, qui dépendra des modifications qui seront apportées au texte en séance. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP)

M. Guy Benarroche .  - Contraventions, impôts, sécurité sociale, télétravail, école à domicile : le numérique s'est emparé, avec succès, des relations entre citoyens et administration, et plus généralement d'un grand nombre de domaines.

Reste que les dysfonctionnements ne sont pas rares et que les disparités et inégalités ont cru en parallèle. Qui n'a pas connu ces situations kafkaïennes où l'on se retrouve seul face à une réponse automatique, sans possibilité de joindre un interlocuteur ?

Les détenus, les étrangers, les personnes illettrées sont particulièrement touchés ; la précarité et l'âge creusent encore la fracture. Manque de moyens financiers pour s'équiper, coût des connexions, zones blanches, manque de formation, difficultés de compréhension... Quelle qu'en soit la cause, l'illectronisme est souvent honteux, et les personnes éloignées du numérique peinent à demander de l'aide.

Je salue cette proposition de loi inspirée d'un rapport d'information sénatorial qui préconisait d'allouer un milliard d'euros à l'inclusion numérique - quatre fois ce que prévoit le plan de relance...

Je regrette que la commission des lois ne l'ait pas adoptée. Nous soutenions le droit au guichet, le droit à l'erreur, notamment pour les aidants, la labellisation des lieux d'accompagnement par l'ANCT, l'article 8 créant un fonds de lutte contre l'exclusion numérique, doté de 500 millions d'euros,

Nous sommes plus circonspects devant les chèques numériques ; d'autres formes d'aide sont sans doute plus adaptées.

Nous pourrions demander aux grandes entreprises de donner ou vendre à bas coût leurs anciens équipements, dans un esprit de développement durable. Nous proposons également de former les travailleurs sociaux à la médiation numérique.

Le GEST comptait voter ce texte, mais la commission des lois l'a vidé de son contenu. Nous voterons donc contre s'il est privé de toute substance. (Applaudissements sur les travées du GEST)

M. Xavier Iacovelli .  - Nos sociétés sont de plus en plus dématérialisées, mais la fracture numérique continue de toucher un large public - les personnes âgées en premier lieu, les moins diplômés et les plus modestes, et même une partie de la jeunesse, dont on oublie trop souvent la diversité.

Offres d'emploi, accès aux services publics et à l'information, saisine des administrations : la voie électronique est devenue la norme. L'illectronisme éloigne nos concitoyens du monde du travail, freine leur émancipation et l'accès à leurs droits.

Tendre vers une société numérisée tout en préservant notre pacte social suppose des moyens, pour la formation, pour accompagner nos concitoyens vers l'autonomie, pour épauler les collectivités territoriales.

Depuis 2018, l'État met en oeuvre la stratégie nationale pour un numérique inclusif. Le plan de relance mobilisera 250 millions d'euros pour accélérer l'appropriation des nouveaux usages et services.

Cette proposition de loi comporte des pistes intéressantes : droit à l'erreur pour les aidants, meilleure ergonomie des sites, renforcement de l'information des usagers et de l'accessibilité pour les personnes en situation de handicap, avec sanctions à la clé.

La crise sanitaire a bouleversé nos modes d'enseignement et mis en lumière la nécessité de former les enseignants aux outils numériques pour garantir la continuité pédagogique. C'est le sens de l'article 13.

Je salue le travail de M. Gold et du rapporteur, Thani Mohamed Soilihi, qui propose utilement de recentrer le texte sur les dispositions de nature législative. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

M. Patrick Chaize .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) L'inclusion numérique, ce sont des liens et des lieux. L'humain prime pour les 17 % de nos concitoyens qui restent éloignés des usages du numérique.

Les fracturés du numérique sont souvent des personnes isolées, vivant en milieu rural, jeunes ou moins jeunes. Essayez donc de remplir un formulaire administratif sur un smartphone, fortiori en zone blanche ! Certains croyaient que le suréquipement de nos concitoyens en téléphones dits intelligents réduirait la fracture numérique ; il n'en est rien.

Les collectivités ont accompagné les usages, créé des lieux - cybercafés, points d'accès dans les mairies ou les médiathèques, cyberbus - et rémunéré des animateurs.

Une stratégie nationale d'inclusion numérique est à l'ordre du jour, dotée de vrais moyens - il était temps. Nous nous associons volontiers à cette grande cause nationale.

Il faut mieux détecter les publics en difficulté, en élaborant un indice partagé plutôt qu'une classification stigmatisante. À cet égard, le rapport sénatorial sur l'avenir de La Poste ouvre des perspectives.

Il faut passer du 100 % dématérialisé au 100% accessible ; offrir des modes d'accès alternatifs, via les maisons France Service ou un accueil téléphonique effectif.

Le financement de cette politique publique ne peut se satisfaire d'un stop and go incessant. De « Aidant connect » à ABC Pix, le Gouvernement et l'ANCT multiplient les actions, mais l'ensemble n'est guère lisible. Le fonctionnement par appels à projets favorise les collectivités territoriales les mieux dotées.

Les associations d'élus come l'Avicca appellent de leurs voeux une politique publique d'inclusion durable depuis des années. Cela ne passe pas que par des appels à projets, comme semble le croire l'ANCT. Il faut des liens humains, des lieux nombreux, équitablement répartis, pour la résilience numérique de nos territoires.

Mme Martine Berthet .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) L'illectronisme fragilise notre société. Trois Français sur cinq sont laissés de côté. Dans un monde toujours plus connecté, avec des confinements successifs qui ont accéléré le développement du télétravail, de l'école à domicile et de la télémédecine, réduire cette fracture est une priorité.

Cette proposition de loi reprend une partie des 45 propositions de la mission d'information sénatoriale. Malgré quelques faiblesses juridiques, c'est une première pierre.

Les mesures existantes ont montré leurs limites et il reste des freins à lever. Je pense au pass numérique, à la formation gratuite, devenue payante avec le principe du chèque, aux difficultés de labellisation, source de lenteur.

La proposition de loi prend en compte les personnes en situation de handicap et je salue à cet égard les amendements de Philippe Mouiller.

Je me félicite de l'article 14 qui crée un crédit d'impôt au bénéfice des PME pour la formation aux outils numériques : la transformation numérique des entreprises est une clé de la relance de leur activité.

Haut débit, aide financière à l'équipement, ergonomie des sites, droit à l'erreur ne sont rien si les utilisateurs n'ont pas la maîtrise des outils. Cette proposition de loi propose des éléments pour avancer et aborder la relance dans de meilleures conditions. (M. Philippe Mouiller applaudit.)

La discussion générale est close.

La séance est suspendue à 20 h 5.

présidence de M. Roger Karoutchi, vice-président

La séance reprend à 21 h 35.

Discussion des articles

ARTICLE PREMIER

M. Jacques Fernique .  - Je m'exprime au nom de Mme Benbassa.

L'illectronisme est lié à la fracture numérique qui se révèle dans l'inégale couverture numérique dont souffrent les territoires ruraux et ultramarins. Ainsi, la Guyane, d'où partent des fusées européennes, souffre pourtant de nombreuses zones blanches. Le vice-président Patient a interpellé le Gouvernement l'an dernier sur ce point.

La préconisation d'une cartographie locale de l'exclusion numérique prend tout son sens. Je regrette que le rapporteur fasse l'inexplicable choix de détricoter un texte qui aurait pu traiter cet enjeu sociétal majeur. (Marques d'approbation sur les travées du GEST)

M. le président.  - Amendement n°41, présenté par M. Mohamed Soilihi, au nom de la commission.

Supprimer cet article.

M. Thani Mohamed Soilihi, rapporteur.  - L'article premier est satisfait par la pratique et le droit existant. Il prévoit en effet une étude biannuelle aux fins d'évaluer l'exclusion numérique et les usages de leurs compétences numériques par les citoyens et enjoint le Gouvernement de déterminer un « référentiel commun des compétences numériques » par décret en Conseil d'État.

Or le cadre de référence des compétences numériques (CRCN) constitue déjà le référentiel commun desdites compétences. De plus, des études relatives à l'exclusion numérique existent déjà, comme celle, annuelle, du Centre de recherche pour l'étude et l'observation des conditions de vie (Credoc) qui l'appréhende tant sous l'angle de l'équipement que des usages des ménages.

Que Mme Benbassa se rassure : je suis favorable à une couverture égale du territoire, mais cet article n'apporte pas de solution.

M. Joël Giraud, secrétaire d'État.  - L'Agence nationale de cohésion des territoires (ANCT) conduit déjà des études comme le baromètre du numérique ou, au niveau européen, DigComp. Avis favorable.

L'amendement n°41 est adopté et l'article premier est supprimé.

L'amendement n°3 n'a plus d'objet.

ARTICLE 2

M. le président.  - Amendement n°42, présenté par M. Mohamed Soilihi, au nom de la commission.

Supprimer cet article.

M. Thani Mohamed Soilihi, rapporteur.  - Pour des raisons déjà détaillées en commission et en séance, je propose également la suppression de l'article 2 qui ajoute un test de compétences numériques au programme de la Journée Défense Citoyenneté (JDC).

Ces compétences sont déjà évaluées par l'Éducation nationale en fin de collège et de lycée par le groupement d'intérêt public PIX.

En outre, le programme de la JDC a régulièrement été modifié et densifié au détriment de sa cohérence et de sa réceptivité. Ajouter un tel test alourdirait un programme déjà chargé.

M. Joël Giraud, secrétaire d'État.  - Avis favorable. La généralisation du groupement PIX pour les élèves de 3e et de Terminale est effective.

L'amendement n°42 est adopté et l'article 2 est supprimé.

ARTICLE 3

M. le président.  - Amendement n°43, présenté par M. Mohamed Soilihi, au nom de la commission.

Supprimer cet article.

M. Thani Mohamed Soilihi, rapporteur.  - Cet article est satisfait par les maisons France Services et la plateforme « Aidants Connect ».

M. Joël Giraud, secrétaire d'État.  - Même avis.

M. Guillaume Gontard.  - Il n'est en rien satisfait ! Les maisons France Services ne mettent pas les usagers en contact direct avec l'administration. Je ne comprends pas cet amendement de suppression.

Mme Martine Filleul.  - Le basculement de l'administration vers le tout numérique se traduit par des fermetures de services publics dans tous les territoires. Le seul impératif devrait être l'amélioration du service rendu aux usagers. Le groupe SER votera contre cet amendement.

L'amendement n°43 est adopté et l'article 3 est supprimé.

ARTICLE 4

M. le président.  - Amendement n°44, présenté par M. Mohamed Soilihi, au nom de la commission.

Supprimer cet article.

M. Thani Mohamed Soilihi, rapporteur.  - L'article 4 permet aux usagers des services publics de choisir la façon de correspondre avec l'administration.

L'inscription de principes généraux dans la loi n'apporte pas de véritables garanties : les avancées passent d'abord par des actions concrètes.

La plupart des administrations proposent déjà plusieurs modalités de paiement et de correspondance, notamment pour la déclaration de revenus.

Il y a des efforts à faire, mais les coups de baguette magique législative n'y suffiront pas. Cela se joue sur le terrain, en adaptant les pratiques des administrations aux demandes de nos concitoyens.

M. Joël Giraud, secrétaire d'État.  - Tout à fait d'accord. Avis favorable.

Mme Martine Filleul.  - Nos grandes lois sont truffées de principes généraux, dont l'égalité des usagers devant le service public. Le groupe SER votera contre cet amendement. (Applaudissements sur les travées du GEST)

M. Marc Laménie.  - J'irai dans le sens du rapporteur. (On feint de s'en désoler à gauche.) À titre personnel, je reste très attaché à la déclaration papier, comme beaucoup. Conservons des interlocuteurs de proximité dans nos services publics, par respect pour les usagers, quels qu'ils soient. (Applaudissements sur les travées du GEST ; M. Philippe Mouiller applaudit également.)

M. Jean-Claude Requier.  - Tout le monde est d'accord pour lutter contre l'illectronisme... Mais quand il faut agir, on nous détricote le texte. Un autre projet de loi est-il prévu pour reprendre ces dispositions ? Terminons vite l'examen de ce texte pour avoir le temps d'examiner le suivant ! (Sourires et applaudissements)

M. le président.  - Vous pouvez à tout moment retirer ce texte...

M. Jean-Claude Requier.  - Continuons, mais ne perdons pas de temps !

L'amendement n°44 est adopté et l'article 4 est supprimé.

ARTICLE 5

M. le président.  - Amendement n°45, présenté par M. Mohamed Soilihi, au nom de la commission.

I.  -  Alinéa 1

Remplacer les mots :

l'administration et le public

par les mots :

le public et l'administration

II.  -  Alinéa 2

Supprimer cet alinéa.

III.  -  Alinéa 4

Rédiger ainsi cet alinéa :

« Le premier alinéa est applicable lorsque la méconnaissance ou l'erreur matérielle qu'il vise est commise par un tiers agissant dans l'intérêt ou pour le compte de la personne en cause. »

M. Thani Mohamed Soilihi, rapporteur.  - Je propose de conserver cet article (marques de satisfaction sur les travées du RDSE)... en l'amendant. Le droit à l'erreur existe déjà. Il convient cependant de prévoir explicitement qu'il s'applique également lorsque celle-ci est commise par un tiers agissant dans l'intérêt ou pour le compte de la personne en cause.

M. le président.  - Amendement n°29, présenté par M. Durain et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Alinéa 2

Après le mot :

alinéa,

insérer les mots :

les mots : « pour la première fois » sont supprimés et

Mme Martine Filleul.  - Il convient d'élargir le champ du droit à l'erreur pour prendre en compte les erreurs répétées. Ne faisons pas des personnes qui ont du mal avec le numérique des usagers de seconde zone.

M. Thani Mohamed Soilihi, rapporteur.  - Il n'est pas opportun d'être clément pour les erreurs répétées. Retrait ou avis défavorable.

M. Joël Giraud, secrétaire d'État.  - Le droit à l'erreur a été prévu par la loi du 10 août 2018, pour tenir compte des erreurs de bonne foi, y compris à l'occasion de démarches numériques. Quant à l'amendement de la commission, la doctrine administrative pourrait régler la question sans passer par la loi. Retrait, sinon sagesse sur l'amendement n°45. Avis défavorable à l'amendement n°29.

L'amendement n°45 est adopté.

L'amendement n°29 n'a plus d'objet.

L'article 5, modifié, est adopté.

ARTICLE ADDITIONNEL après l'article 5

M. le président.  - Amendement n°1, présenté par M. Bonhomme.

Après l'article 5

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Les collégiens et lycéens peuvent avoir recours à une banque de ressources numériques préalablement validée par l'Éducation nationale leur permettant d'accéder sans frais supplémentaire à des services éducatifs et ressources pédagogiques, en complément du forfait individuel de leur mobile, quel que soit le volume initial de données prévu à la souscription dudit forfait.

M. François Bonhomme.  - Les départements sont favorables à l'établissement d'une « liste blanche pédagogique » consistant en une mise à disposition d'un volume de données dédié à des services éducatifs en complément des forfaits individuels mobiles des élèves, leur permettant d'accéder, sans surcoût, à des ressources pédagogiques et aux services de vie scolaire.

Cela réduirait les différences socio-économiques entre élèves et garantirait un accès à la ressource pédagogique nécessaire à la réussite de leur scolarité.

M. Thani Mohamed Soilihi, rapporteur.  - L'objectif est louable mais il serait difficile de mettre en place une telle norme sans consulter les professeurs, les opérateurs téléphoniques et l'Arcep.

De plus, sans indemnités de prévues pour les opérateurs, cet amendement risquerait une censure du Conseil constitutionnel. Retrait ou avis défavorable.

M. Joël Giraud, secrétaire d'État.  - Cela contraindrait tous les opérateurs à revoir leurs politiques de gestion des forfaits et ouvrirait une brèche dans la protection des données personnelles, puisque ces opérateurs devraient retracer la nature des usages et l'âge de leurs clients. Avis défavorable.

Mme Cécile Cukierman.  - En raison de la pandémie, la question se pose réellement.

J'ai proposé à mon président de région une prise en charge d'une partie des forfaits pour les lycéens, afin d'assurer la continuité pédagogique. J'entends les arguments de notre rapporteur et de M. le ministre.

Pour les jeunes, l'accès au numérique passe essentiellement par le téléphone. Nous avons vécu ces galères familiales pour savoir qui allait bénéficier du réseau dans la journée. Je ne sais ce qu'il est possible d'imposer aux opérateurs, mais nous devons résoudre la question du partage des abonnements téléphoniques.

M. François Bonhomme.  - S'il fallait consulter tous les professeurs, nous en aurions pour longtemps ! De plus, je ne voudrais pas ruiner les opérateurs... (Protestations véhémentes sur les travées du groupe CRCE) Je retire l'amendement.

L'amendement n°1 est retiré.

ARTICLE 6

M. le président.  - Amendement n°12, présenté par Mme Préville.

I.  -  Alinéa 2

Après le mot :

ergonomie

insérer les mots :

et d'écoconception

II.  -  Après l'alinéa 3

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Elle s'appuie sur un référentiel général d'écoconception des services numériques précisé par décret.

Mme Angèle Préville.  - Lancé en 2019, le programme tech.gouv vise à accélérer la transformation numérique de l'État.

La feuille de route « Numérique et environnement » propose une stratégie de maîtrise de l'impact environnemental du numérique, et rappelle l'exigence d'exemplarité de l'État pour la mise en oeuvre d'un numérique responsable à l'échelle du territoire. Le plan de relance prévoit de poursuivre et d'amplifier ces actions.

L'écoconception des services numériques maximise l'impact positif du numérique sur notre société, et doit contribuer à une meilleure maîtrise de l'empreinte environnementale.

La stratégie nationale bas carbone doit s'appliquer partout, tout le temps, afin de réduire nos émissions, pour un numérique plus durable.

M. le président.  - Amendement identique n°26, présenté par MM. Dossus et Benarroche, Mmes de Marco et Benbassa, MM. Dantec, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme Taillé-Polian.

M. Guy Benarroche.  - Nous souscrivons aux objectifs d'inclusion mais aussi de protection de l'environnement.

Selon l'Ademe, le numérique est responsable de 4 % des émissions de gaz à effet de serre, pour moitié à travers les infrastructures numériques, en particulier les data centers. C'est une question de souveraineté nationale. Chaque donnée numérique parcourt en moyenne 15 000 kilomètres, et nous n'avons aucune maîtrise sur les serveurs étrangers.

L'impact environnemental n'est pas une lubie des écologistes puisque le Gouvernement le reprend dans la feuille de route « Numérique et environnement » et la stratégie Green Tech. Inclusivité et respect de l'environnement vont de pair. Un référentiel d'écoconception est donc nécessaire.

M. Thani Mohamed Soilihi, rapporteur.  - Si je partage l'objectif de réduire l'empreinte environnementale du numérique, le seul terme d'écoconception ne suffit pas à fixer de réels objectifs. Cette disposition risquerait d'être censurée pour incompétence négative. Retrait ou avis défavorable.

M. Joël Giraud, secrétaire d'État.  - Même avis. Ces amendements sont satisfaits. Un guide de l'écoconception sera mis à disposition de tous les porteurs de projet en cours d'année. Retrait ?

M. Patrick Chaize.  - Ces amendements seront satisfaits car, début janvier, nous avons voté une proposition de loi sur l'empreinte environnementale du numérique, inscrite à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale fin mai.

Les amendements identiques nos12 et 26 ne sont pas adoptés.

M. le président.  - Amendement n°46, présenté par M. Mohamed Soilihi, au nom de la commission.

I. - Alinéa 2

Remplacer les mots :

sites internet publics des administrations

par les mots :

services de communication au public en ligne des administrations de l'État et de ses établissements publics administratifs

II. - Alinéa 3

1° Remplacer les mots :

sites internet publics des administrations et des téléprocédures

par les mots :

services de communication au public en ligne

2° Après le mot :

téléprocédures

insérer les mots :

de ces administrations et établissements publics

III. - Alinéas 5 et 8

Supprimer ces alinéas.

M. Thani Mohamed Soilihi, rapporteur.  - Cet amendement limite le champ d'application du référentiel aux administrations de l'État, et non à celles des collectivités territoriales.

Il convient aussi de supprimer les dispositions pénales prévues puisque le montant des pénalités aurait été reversé au budget général de l'État, ainsi que la référence aux modalités de saisine alternative : ce principe sera satisfait par le développement des maisons France Services et la généralisation d'une voie de contact téléphonique.

M. Joël Giraud, secrétaire d'État.  - Le Gouvernement veut développer la qualité et l'ergonomie des services en ligne. Tous les trimestres, la ministre de la fonction publique publie un état des lieux sur les 250 démarches en ligne les plus fréquentes, avec une série de critères, dont l'accessibilité pour les personnes en situation de handicap.

Dans le plan de relance, 500 millions d'euros sont dédiés à la numérisation du service public. Un référentiel ergonomie n'est pas utile. C'est une question d'écoute des usagers et de management interne. Retrait ?

L'amendement n°46 est adopté.

M. le président.  - Amendement n°8 rectifié, présenté par MM. Mouiller et Favreau, Mme Micouleau, MM. Cambon, Charon, Rapin, Calvet, D. Laurent et Bouloux, Mmes Dumont, Bonfanti-Dossat et Boulay-Espéronnier, MM. Sautarel, Pointereau et Babary, Mmes Imbert et Drexler, MM. Laménie, Sol, Burgoa, Chaize et Mandelli, Mmes Chauvin, Deromedi et Berthet, M. Tabarot, Mmes L. Darcos et Raimond-Pavero, M. Bascher, Mme Garriaud-Maylam, M. Cuypers, Mmes Belrhiti et M. Mercier, M. Regnard, Mmes Di Folco et Chain-Larché, MM. Perrin, Rietmann, Savin, Daubresse et Savary, Mmes Demas, Lassarade, Ventalon et Puissat, MM. Houpert et Lefèvre, Mmes Richer et Gruny, MM. Bouchet, Bonhomme, Saury et Le Gleut, Mme Joseph, MM. Milon et B. Fournier, Mmes Schalck et Borchio Fontimp et M. Sido.

Alinéa 3

Compléter cet alinéa par deux phrases ainsi rédigées :

L'accessibilité des sites aux personnes en situation de handicap est une obligation. Leurs besoins sont pris en compte tout au long de la conception et de l'exploitation du site.

M. Philippe Mouiller.  - Malgré la loi, de trop nombreux sites publics sont encore inaccessibles pour une partie des personnes en situation de handicap, notamment pour les personnes présentant une déficience visuelle ou mentale. L'association de personnes en situation de handicap lors de la conception des sites, dans les phases de test et tout au long de la vie du site, éviterait de telles discriminations.

M. Thani Mohamed Soilihi, rapporteur.  - Retrait ou avis défavorable. Cet amendement est satisfait par l'article 47 de la loi Égalité des droits et des chances. L'article 7 de cette proposition de loi renforce également ce dispositif.

M. Joël Giraud, secrétaire d'État.  - Cet amendement est satisfait : 32 millions d'euros du plan de relance sont dédiés à l'amélioration de l'accessibilité des démarches. Retrait ?

M. Philippe Mouiller.  - La loi est peu ou pas appliquée. Les sites sont souvent inadaptés au handicap mental car créés par des personnes qui ne sont pas en situation de handicap. Appliquez réellement les textes de loi !

L'amendement n°8 rectifié est retiré.

L'article 6, modifié, est adopté.

ARTICLE 7

M. le président.  - Amendement n°47, présenté par M. Mohamed Soilihi, au nom de la commission.

Alinéa 4, première phrase :

remplacer le montant :

100 000 €

par le montant :

25 000 €

M. Thani Mohamed Soilihi, rapporteur.  - Le montant de la sanction pour défaut d'accessibilité d'un site internet doit demeurer fixé à 25 000 euros. Il est déjà passé de 5 000 euros à 25 000 euros en 2018.

L'article 7 sanctionne en outre les manquements aux règles relatives à l'accessibilité numérique autres que l'absence de mention visible sur la page d'accueil.

M. Joël Giraud, secrétaire d'État.  - Je suis réservé sur cet article du fait de l'existence du référentiel d'accessibilité. Sagesse sur votre amendement qui réduit le montant des sanctions.

M. Philippe Mouiller.  - Combien de sanctions ont-elles été prononcées en deux ans, monsieur le ministre ? Aucune, sans doute. Les intentions sont bonnes, mais la volonté de les appliquer fait défaut.

M. Joël Giraud, secrétaire d'État.  - Je m'engage à vous apporter la réponse cette semaine.

L'amendement n°47 est adopté.

L'article 7, modifié, est adopté.

ARTICLE 8

M. le président.  - Amendement n°48, présenté par M. Mohamed Soilihi, au nom de la commission.

Supprimer cet article.

M. Thani Mohamed Soilihi, rapporteur.  - L'article 8 crée un chèque-équipement numérique pour les ménages démunis ainsi qu'un fonds de lutte contre l'exclusion numérique géré l'ANCT.

Le Gouvernement traite déjà ce sujet dans le cadre de sa stratégie de dématérialisation des services publics et y consacre 250 millions d'euros dans le plan de relance.

Les dispositifs proposés risquent d'être des coquilles vides, en l'absence de garanties de financement et d'articulation avec les mesures existantes.

De plus, la centralisation des moyens destinés à la lutte contre l'exclusion numérique dans un fonds géré uniquement par l'ANCT pourrait nuire aux nombreuses initiatives locales et nationales.

M. Joël Giraud, secrétaire d'État.  - Avis favorable. Nous préférons la logique partenariale de soutien aux initiatives locales à un chèque national. Je suis également sceptique sur le fonds proposé : son objectif est satisfait par les 250 millions d'euros de France Relance, qui s'ajoutent aux 30 millions d'euros mobilisés en 2019 et en 2020.

Mme Martine Filleul.  - Nous soutenons l'équipement numérique des personnes en difficulté. Ce n'est pas une coquille vide, mais un cadre à créer. Il faut y mettre les moyens. Nous y veillerons lors du projet de loi de finances.

Mme Angèle Préville.  - Durant cette pandémie, nous nous sommes aperçus que les familles en difficulté n'avaient pas d'équipement numérique. Certaines n'ont pas accès à des terminaux compatibles avec le télétravail ou l'école à la maison. Des enfants sont contraints de travailler sur de petits téléphones ou sur des tablettes récupérées. Le chèque numérique serait une bonne chose.

L'amendement n°48 est adopté et l'article 8 est supprimé.

Les amendements nos13, 5 rectifié, 9 rectifié et 32 n'ont plus d'objet.

ARTICLE 9

M. le président.  - Amendement n°49, présenté par M. Mohamed Soilihi, au nom de la commission.

Supprimer cet article.

M. Thani Mohamed Soilihi, rapporteur.  - Les modalités de financement du fonds de lutte contre l'exclusion numérique créé à l'article 8 relèvent d'une loi de finances, conformément aux articles 34 de la Constitution et 34 de la LOLF. En conséquence, cet amendement supprime l'article 9.

M. Joël Giraud, secrétaire d'État.  - Avis favorable. Nous venons de supprimer le fonds...

L'amendement n°49 est adopté et l'article 9 est supprimé.

L'amendement n°14 n'a plus d'objet.

ARTICLE 10

M. le président.  - Amendement n°50, présenté par M. Mohamed Soilihi, au nom de la commission.

Supprimer cet article.

M. Thani Mohamed Soilihi, rapporteur.  - Cet amendement supprime l'article 10 dont les précisions ne relèvent pas du domaine de la loi.

M. Joël Giraud, secrétaire d'État.  - Avis favorable. Les outils proposés existent déjà à l'ANCT.

L'amendement n°50 est adopté et l'article 10 est supprimé.

L'amendement n°10 rectifié n'a plus d'objet.

ARTICLE ADDITIONNEL après l'article 10

M. le président.  - Amendement n°34, présenté par Mme M. Filleul et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Après l'article 10

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le Gouvernement remet au Parlement, dans un délai de quatre mois à compter de la promulgation de la présente loi, un rapport relatif aux bénéficies sociaux et aux conséquences environnementales des services d'accès gratuits à l'internet haut débit proposés par les collectivités territoriales, ainsi qu'à l'opportunité de leur généralisation.

Mme Martine Filleul.  - Pour remédier aux difficultés d'accès au haut débit en raison d'une localisation en zone blanche ou du coût trop élevé de l'abonnement, des collectivités territoriales ont mis en place des points d'accès wifi gratuits. Il serait intéressant de disposer d'un rapport sur les bénéfices sociaux et les conséquences environnementales de ces installations.

M. Thani Mohamed Soilihi, rapporteur.  - Retrait ou avis défavorable. Le Sénat a coutume de refuser les demandes de rapports.

M. Joël Giraud, secrétaire d'État.  - La feuille de route « Numérique et environnement » a déjà confié une mission sur le sujet à l'Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse (Arcep) et à l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe). Retrait ?

L'amendement n°34 n'est pas adopté.

ARTICLE 11

M. le président.  - Amendement n°51, présenté par M. Mohamed Soilihi, au nom de la commission.

Supprimer cet article.

M. Thani Mohamed Soilihi, rapporteur.  - L'article 11 prévoit la désignation au sein de chaque EPCI d'un référent en charge de l'inclusion numérique. Plutôt que d'en faire une obligation, laissons les collectivités territoriales et leurs groupements décider en fonction de leurs besoins.

M. Joël Giraud, secrétaire d'État.  - Avis favorable. Dans le cadre du plan de relance, 4 000 conseillers numériques France Service seront déployés, souvent sous l'égide des conseils départementaux.

L'amendement n°51 est adopté et l'article 11 est supprimé.

Les amendements nos2, 35 et 16 n'ont plus d'objet.

ARTICLE ADDITIONNEL après l'article 11

M. le président.  - Amendement n°4, présenté par M. Benarroche, Mme Benbassa, M. Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme Taillé-Polian.

Après l'article 11

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Les établissements publics ou privés préparant à un diplôme de travail social délivrent une formation à la médiation numérique aux professionnels engagés dans la lutte contre les exclusions mentionnés à l'article L. 451-1 du code de l'action sociale et des familles.

Un décret définit les conditions d'application du présent article.

M. Guy Benarroche.  - Le rapport de la mission d'information sénatoriale décrivait une fracture numérique tant sociale que territoriale et générationnelle. Cet amendement reprend l'une de ses propositions.

Les travailleurs sociaux sont de plus en plus sollicités pour effectuer des démarches administratives dématérialisées à la place des usagers. Or moins de 10 % d'entre eux ont reçu une formation adaptée. Il serait cohérent que les instituts régionaux du travail social (IRTS) leur délivrent une formation à la médiation numérique pour mieux accompagner les publics et les orienter vers des offres de formation.

M. Thani Mohamed Soilihi, rapporteur.  - Je partage l'objectif d'aider les personnes en difficulté face au numérique, mais il est difficile de l'imposer sans concertation avec les acteurs concernés. Quelle est, en outre, la frontière entre travailleurs sociaux et conseillers numériques ?

Retrait ou avis défavorable.

M. Joël Giraud, secrétaire d'État.  - Avis défavorable. Le Gouvernement prévoit déjà de former les travailleurs sociaux au numérique. Dans le cadre du plan de relance, 10 millions d'euros leur seront consacrés, ainsi qu'aux aidants.

Une convention est en cours entre l'ANCT et l'Union nationale des centres communaux et intercommunaux d'action sociale (Unccas) avec un budget de 500 000 euros à la clé.

M. Guy Benarroche.  - Le rapporteur est d'accord avec mon amendement ; je ne comprends pas son avis. Quant au ministre, il indique que ce nous préconisons sera mis en place ultérieurement... Pourquoi, dès lors, ne pas adopter mon amendement ?

L'amendement n°4 n'est pas adopté.

ARTICLE 12

M. le président.  - Amendement n°52, présenté par M. Mohamed Soilihi, au nom de la commission.

Supprimer cet article.

M. Thani Mohamed Soilihi, rapporteur.  - L'article 12 inclut, aux côtés de l'illettrisme et de « l'innumérisme », l'illectronisme parmi les priorités nationales en matière d'éducation.

Sans obligation claire ni objectif tangible, la prise en compte de l'illectronisme aurait une portée normative limitée, d'autant qu'il n'existe pas de définition claire de ce néologisme.

M. Joël Giraud, secrétaire d'État.  - Avis favorable.

M. Philippe Mouiller.  - Nous suivrons le rapporteur.

J'indique que les instituts médico-éducatifs rencontrent d'importantes difficultés d'équipement, ce qui rend difficile la délivrance des enseignements numériques et informatiques. Allons jusqu'au bout de la démarche d'inclusion scolaire !

L'amendement n°52 est adopté, et l'article 12 est supprimé.

L'amendement n°11 rectifié n'a plus d'objet.

ARTICLE ADDITIONNEL après l'article 12

M. le président.  - Amendement n°38, présenté par Mme M. Filleul et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Après l'article 12

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Au 1° du II de l'article L. 6121-2 du code du travail, après le mot : « illettrisme », sont insérés les mots : « et l'illectronisme ».

Mme Martine Filleul.  - La région organise et finance le service public régional de la formation professionnelle, qui contribue notamment à la lutte contre l'illettrisme en organisant des actions de prévention et d'acquisition d'un socle de connaissances et de compétences. Cet amendement ajoute la lutte contre l'illectronisme à ses missions.

M. Thani Mohamed Soilihi, rapporteur.  - Sans que cet amendement ne constitue un cavalier, je ne suis pas persuadé du bien-fondé de cet ajout dans le champ de la formation professionnelle. Qu'en pense le Gouvernement ?

M. Joël Giraud, secrétaire d'État.  - Il est bien sûr nécessaire de lutter contre l'illectronisme, notamment pour faciliter l'accès de tous aux services publics numériques, mais la mesure proposée n'a pas fait l'objet d'une concertation avec les régions.

De plus, aux termes de l'article L. 6121-2-1 du code général des collectivités territoriales, les régions peuvent financer des actions de formation et d'insertion professionnelle, notamment en matière numérique. Retrait ?

L'amendement n°38 n'est pas adopté.

ARTICLE 13

M. le président.  - Amendement n°53, présenté par M. Mohamed Soilihi, au nom de la commission.

Alinéa 2

Supprimer cet alinéa.

M. Thani Mohamed Soilihi, rapporteur.  - Cet amendement supprime la modification apportée au contenu des enseignements dispensés par les instituts nationaux supérieurs du professorat et de l'éducation (Inspé), de telles précisions étant de nature réglementaire.

M. le président.  - Amendement n°6 rectifié, présenté par MM. Gold et Cabanel, Mme M. Carrère, M. Corbisez, Mme N. Delattre, M. Guérini, Mme Guillotin, M. Guiol, Mme Pantel et MM. Requier et Roux.

I.  -  Alinéa 2

Après le mot :

rédigée : « 

insérer les mots :

et à son empreinte environnementale.

II.  - Compléter cet article par deux alinéas ainsi rédigés :

...° Avant le dernier alinéa du même article L. 611-8, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Les formations prévues aux deuxième et quatrième alinéas comportent une sensibilisation à l'empreinte environnementale du numérique et aux usages responsables. »

M. Jean-Claude Requier.  - Défendu.

M. le président.  - Amendement n°40, présenté par M. Ouzoulias et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Alinéa 2

Compléter cet alinéa par les mots :

et de leurs connaissances des logiciels libres, des formats ouverts et des ressources éducatives gratuites

M. Pierre Ouzoulias.  - Je peine à trouver une motivation dans ce champ de ruines. Il ne reste pas grand-chose de ce texte... Seul le groupe SER semble continuer à le défendre !

Devant la commission d'enquête sénatoriale sur la souveraineté numérique, présidée par Franck Montaugé et dont Gérard Longuet était le rapporteur, le Gouvernement a indiqué que les logiciels étaient choisis sur la base de l'appétence des fonctionnaires pour des logiciels très professionnels et coûteux... Ils se détournent ainsi des logiciels libres. J'ai du mal à croire à cette explication, mais remédions-y en formant les fonctionnaires à l'utilisation des logiciels libres, afin qu'ils orientent intelligemment les choix de l'administration !

Ce serait un élément déterminant de la réappropriation de notre souveraineté numérique.

M. le président.  - Amendement n°17, présenté par Mme Préville.

I.  -  Alinéa 2

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

La formation délivrée contient une sensibilisation à l'empreinte environnementale du numérique et aux usages responsables.

II.  -  Après l'alinéa 2

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

...° Le deuxième alinéa de l'article L. 611-8 est complété par une phrase ainsi rédigée : « Elle comporte une sensibilisation à l'empreinte environnementale du numérique et aux usages responsables. » ;

Mme Angèle Préville.  - L'usage du numérique s'est révélé crucial pour maintenir la continuité pédagogique pendant les périodes de confinement.

Le Conseil économique, social et environnemental préconise que les politiques publiques dans le domaine du numérique éducatif s'appuient sur des orientations nationales ambitieuses, compatibles avec les objectifs de développement durable.

Cet amendement introduit dans la formation au numérique des enseignants et des étudiants du supérieur une sensibilisation à son empreinte environnementale.

M. Thani Mohamed Soilihi, rapporteur.  - Les amendements nos6 et 17 traitent de la formation au numérique des enseignants et des étudiants : s'ils ne sont pas purement réglementaires, ils modifient un alinéa dont je propose la suppression. Avis défavorable.

Idem pour l'amendement n°40, auquel, par cohérence, l'avis est aussi défavorable.

M. Joël Giraud, secrétaire d'État.  - L'article 13 ne paraît pas nécessaire, car la formation des enseignants au numérique dépend du ministère de l'Éducation nationale et des recteurs, avec l'appui des outils du réseau Canopé. Les Inspé y participent.

Sagesse sur l'amendement n°53. Avis défavorable aux amendements nos6 rectifié, 40 et 17.

Mme Cécile Cukierman.  - Monsieur le ministre, vous vantez depuis le début de l'examen de ce texte le travail réalisé par le Gouvernement, avec les maisons France Service, la feuille de route du numérique, le plan de relance, la formation des enseignants...

Mais nous savons combien la maîtrise des outils et des usages est insuffisante chez nombre de nos concitoyens. De très bons outils, mal utilisés, peuvent être dangereux.

Ne croyons pas que tout est réglé ! Nous avons bien vu, la semaine dernière, que tout n'allait pas pour le mieux dans le monde numérique. Les relations humaines ne seront jamais remplacées par des souris, des claviers et autres webcams.

M. François Bonhomme.  - C'est sûr !

M. Marc Laménie.  - Ce texte a le mérite de soulever un problème de société essentiel et j'en salue les auteurs.

L'article 13 rappelle les difficultés, le manque de ressources numériques des familles modestes pour suivre l'enseignement à distance.

Même si le numérique évolue rapidement, il faut tenir compte des difficultés en zone rurale, régulièrement rappelées lors des questions au Gouvernement. Il y a encore beaucoup à faire, y compris sur le téléphone !

Je voterai néanmoins l'amendement du rapporteur.

M. François Bonhomme.  - Ouf !

L'amendement n°53 est adopté.

Les amendements nos6 rectifié, 40 et 17 n'ont plus d'objet.

L'article 13, modifié, est adopté.

ARTICLE ADDITIONNEL après l'article 13

M. le président.  - Amendement n°39, présenté par Mme M. Filleul et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Après l'article 13

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

À la deuxième phrase du neuvième alinéa de l'article L. 721-2 du code de l'éducation, après le mot « haineux, », sont insérés les mots : « à l'inclusion numérique et à la lutte contre l'illectronisme, ».

Mme Martine Filleul.  - Les professeurs et personnels d'éducation sont les premiers à détecter les éventuels signes d'illectronisme et doivent, à ce titre, être formés aux enjeux qui y sont associés.

M. Thani Mohamed Soilihi, rapporteur.  - Cet amendement complète les objectifs généreux assignés aux Inspé : enjeux environnementaux, égalité entre les femmes et les hommes, élèves à haut potentiel... Ajouter un item à cette longue liste risque d'être de peu d'effet. Sagesse néanmoins.

M. Joël Giraud, secrétaire d'État.  - Cet amendement est satisfait. Retrait ou avis défavorable.

L'amendement n°39 est adopté et devient un article additionnel.

ARTICLE 14

M. le président.  - Amendement n°54, présenté par M. Mohamed Soilihi, au nom de la commission.

Supprimer cet article.

M. Thani Mohamed Soilihi, rapporteur.  - L'article 14 crée un crédit d'impôt permettant aux PME de déduire la moitié des dépenses de formation au numérique de leurs dirigeants et salariés.

Le Gouvernement a déjà engagé 150 millions d'euros en faveur de l'inclusion numérique des PME dans le cadre du plan de relance ; pas moins de six dispositifs de sensibilisation, de formation et d'accompagnement sont mis en oeuvre à cet effet.

De plus, cette aide ne semble pas adaptée aux spécificités des PME, notamment en période de crise. Il s'agit, en effet, d'une aide indirecte qui suppose qu'elles disposent d'une trésorerie suffisante pour investir 100 % du coût de la formation à l'année n alors qu'elles en retireront les bénéfices à l'année n+1. Nous en proposons la suppression.

M. Joël Giraud, secrétaire d'État.  - Ancien rapporteur général du budget de l'Assemblée nationale, je préfère les aides directes aux crédits d'impôt. Avis favorable.

L'amendement n°54 est adopté et l'article 14 est supprimé.

Les amendements nos7 rectifié et 18 n'ont plus d'objet.

ARTICLE 15

M. le président.  - Amendement n°55, présenté par M. Mohamed Soilihi, au nom de la commission.

Supprimer cet article.

M. Thani Mohamed Soilihi, rapporteur.  - L'article 15 n'est pas opérationnel, puisqu'il ne détermine pas le jour d'entrée en vigueur des dispositions du texte. De plus, il est contradictoire avec l'article 9 qui modifie la stratégie nationale d'orientation de l'action publique annexée à la loi Essoc qui sera caduque dans huit mois.

Il reviendra au Sénat et à l'Assemblée nationale d'affiner ces dispositions transitoires au cours de la navette.

M. Joël Giraud, secrétaire d'État.  - Avis favorable.

L'amendement n°55 est adopté et l'article 15 est supprimé.

L'article 16 est adopté.

Explications de vote

M. Guy Benarroche .  - J'avais pris connaissance de cette proposition de loi avec intérêt. Le GEST a souhaité l'amender pour l'améliorer, comme nos collègues de différents groupes.

Mais la proposition de loi n'existe plus... Dans ces conditions, pourquoi la voter ?

Certains de nos amendements ont été déclarés irrecevables car sans lien avec l'objet du texte, comme une mesure permettant aux entreprises de céder des équipements usagés à bas coût ou gratuitement. Pour quelle raison ? Cela aurait permis de réduire la fracture numérique.

Je regrette la façon dont la commission a abordé cette proposition de loi, pourtant issue d'un rapport sénatorial dont les conclusions semblaient partagées... Le GEST ne votera pas ce moignon de texte.

M. Jean-Claude Requier .  - Je regrette ce détricotage. Ce n'est pourtant pas la première fois que nous avons affaire à un texte de ce type, qui comprend des mesures réglementaires. Nous avons aussi voté un fonds pour les Français de l'étranger.

Le problème de l'illectronisme et de l'accès au numérique est réel et les maisons France Service ne suffiront pas à répondre à la demande.

Le RDSE votera malgré tout ce texte pour les mesures qui restent, notamment le renforcement de l'efficacité des sanctions, l'accessibilité des sites aux personnes handicapées et le référentiel sur l'ergonomie des sites publics.

Mme Cécile Cukierman .  - Le groupe CRCE est attaché à l'initiative parlementaire, qui permet de traiter de débats de société.

Nous avons assisté, ce soir, à une stratégie particulière du rapporteur. Que reste-t-il de ce texte ?

Le sujet soulevé par le RDSE touche l'ensemble de nos territoires : quartiers populaires, zones rurales et de montagne. En l'absence d'un véritable service public du numérique, chacun fait comme il peut pour en assurer l'accès aux habitants.

Le groupe CRCE votera ce texte, même ainsi réduit, car il témoigne de la volonté du Sénat de lutter contre l'illectronisme. Espérons que le débat se poursuive !

M. Antoine Lefèvre.  - Très bien !

Mme Angèle Préville .  - C'est avec beaucoup de tristesse que je m'exprime... L'illectronisme concerne des millions de personnes dont les difficultés, ce soir, ont été ignorées.

J'espère qu'à l'avenir nous saurons définir l'illectronisme et lutter contre ce fléau. Le groupe SER votera ce texte.

La proposition de loi, modifiée, est adoptée.

(Applaudissements)

Expropriation de biens en état d'abandon manifeste

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi visant à moderniser et faciliter la procédure d'expropriation de biens en état d'abandon manifeste, à la demande du groupe RDSE.

Discussion générale

M. Jean-Claude Requier, auteur de la proposition de loi .  - Je salue l'action de Jacques Mézard, auteur de la proposition de loi, défenseur des petites villes. Le programme Action Coeur de ville, dont il est à l'initiative, vise 222 villes moyennes.

Nos territoires ont un potentiel indéniable : le départ de nombreux habitants des métropoles vers les villes moyennes au cours de la crise sanitaire le montre. Nous devons accompagner ce rééquilibrage par le développement d'activités économiques et de services publics. En somme, il faut assurer l'éveil des communes dont les centre-bourgs sont dégradés ou comprennent des terrains laissés à l'abandon, parfois devenus de véritables dépotoirs.

La proposition de loi accompagne la mobilisation des biens immobiliers victimes du désintérêt de leur propriétaire. Les collectivités territoriales doivent pouvoir acquérir le foncier, qui se fait rare et cher, pour l'aménager et ainsi lutter contre l'artificialisation des sols.

Le texte modifie les articles 2243-1 et suivants du code général des collectivités territoriales. La loi du 2 août 1989 a prévu une procédure simplifiée d'expropriation pour état manifeste d'abandon, qui dispense du recours à une enquête publique. La loi ALUR a prévu que l'EPCI ou le conseil départemental peuvent se substituer à la commune. La loi ELAN prévoit cette procédure pour les immeubles, parties d'immeubles, installations, terrains et voies privées assortis d'une servitude de service public non entretenus, dans le périmètre d'agglomération.

La procédure simplifiée demeure riche en formalités, telles que la recherche active des propriétaires, la large information du propriétaire et du public, un procès-verbal provisoire puis définitif, la constitution d'un dossier d'expropriation identifiant précisément le bien, avant validation par le préfet et transmission au juge de l'expropriation.

Cette procédure est entourée de garde-fous. Elle ne peut s'appliquer que dans le périmètre d'agglomération et doit concerner une opération d'habitat ou relevant de l'intérêt collectif.

La proposition de loi élargit la mesure à tout le territoire de la commune. Elle en étend les finalités à la constitution de réserves foncières. Enfin, elle permet de désigner l'EPCI comme destinataire du bien en amont de la procédure.

Cette procédure a surtout pour but de lutter contre l'état d'abandon. Les propriétaires ont trois mois pour sortir de l'inertie et peuvent s'engager à réaliser des travaux dans un délai fixé par convention.

L'atteinte au droit de propriété est donc limitée. Seule l'utilité publique la justifie. Le juge continuera d'appliquer la théorie du bilan mettant en balance coûts et avantages comme depuis l'arrêt « Ville Nouvelle Est » de 1971.

La priorisation au logement, prévue par le texte initial, ne devait pas être imposée de façon uniforme. Aussi, je remercie le rapporteur d'avoir modifié le texte. Cette priorisation n'avait de sens que pour les communes en déprise démographique.

Je regrette l'irrecevabilité financière de mon amendement qui ouvrait au département la possibilité d'acquérir le bien.

Cette proposition de loi est attendue par les élus locaux qui veulent récréer des bassins de vie, au profit de l'intérêt général. Le RDSE vous invite à la voter. Le Sénat est là pour écouter et servir les maires. (Applaudissements sur les travées du RDSE et sur quelques travées du groupe Les Républicains)

M. François Bonhomme, rapporteur de la commission des lois .  - Nous examinons enfin cette proposition de loi de Jacques Mézard, aujourd'hui membre du Conseil constitutionnel.

Elle apporte des modifications ciblées à la procédure de déclaration de parcelle en état manifeste d'abandon, prévue par le code général des collectivités territoriales. Il s'agit d'une des procédures exorbitantes par lesquelles les communes peuvent accéder à la propriété en dehors de toute cession à titre onéreux, au même titre que les dons et legs ou l'acquisition des biens sans maître.

Cette procédure est d'abord un moyen de pression sur le propriétaire. Le transfert de propriété n'est pas la priorité et n'a lieu que dans un second temps, si le propriétaire ne se manifeste pas.

Je remercie le RDSE car cette procédure répond à un problème souvent rencontré par les maires qui doivent payer des travaux sans pouvoir être remboursé par les propriétaires. C'est une alternative aux astreintes administratives de la loi ELAN.

L'article unique de la proposition de loi originelle apportait plusieurs modifications ponctuelles. D'abord, en supprimant la condition d'insertion au périmètre d'agglomération de la commune : toute la commune était concernée. Ensuite, l'expropriation pouvait se faire au profit de l'EPCI sans attendre la constitution du dossier. Enfin, seuls les projets en lien avec l'habitat auraient pu ouvrir droit à expropriation simplifiée, avec la possibilité de constituer une réserve foncière.

La commission des lois souscrit au souhait de simplification. L'article 18 de l'avant-projet de loi 4D va en ce sens.

La commission est très favorable à la suppression de l'exigence relative au périmètre d'agglomération de la commune. L'abandon de parcelles est préjudiciable lorsqu'elles sont isolées ou à l'entrée des villes, avec un effet d'image très négatif. On pourrait créer des locaux techniques et des réserves foncières : c'est une opportunité à saisir.

La commission des lois est aussi très favorable à ce que l'EPCI puisse bénéficier de l'immeuble exproprié dès le début de la procédure.

En revanche, elle n'est pas favorable à la modification technique qui ouvre les catégories de projets pouvant donner lieu à déclaration d'état manifeste d'abandon, mais, ensuite, restreint l'accès à l'expropriation simplifiée, de fait, aux seuls projets d'habitat.

Dans le droit actuel, un chantier naval peut passer par une expropriation simplifiée puisqu'il s'agit d'un projet d'intérêt collectif. Avec la proposition de loi, il aurait fallu passer par une procédure d'expropriation classique. La commission des lois y a remédié et a prévu la possibilité de créer des réserves foncières.

Le seul amendement que je vous présenterai est rédactionnel.

Je vous invite à adopter ce texte pragmatique. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du RDSE)

M. Joël Giraud, secrétaire d'État auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la ruralité .  - Cette proposition de loi est l'occasion de débattre d'un sujet au coeur des préoccupations des territoires ruraux. Les élus locaux ne ménagent pas leurs efforts pour améliorer l'attractivité des centres-bourgs. Pour avoir été maire pendant 27 ans, je peux en témoigner.

Chacun connaît, dans sa commune, des biens abandonnés qui se dégradent, des verrues qui ruinent les efforts de valorisation du centre-ville. La récupération de ces biens est souvent la clé de la redynamisation. Les dispositions du code de l'urbanisme l'autorisent mais doivent être améliorées.

En ce moment même, l'Assemblée nationale examine le titre IV de la loi Climat et résilience sur l'artificialisation des sols. Nous devons freiner l'étalement urbain, alors que les terres stockent 10 % des gaz à effet de serre et que nos concitoyens, souvent les plus modestes, souffrent de l'autosolisme auquel l'éloignement de l'habitsat les contraint. Nous devons modifier durablement nos territoires en recyclant les zones déjà urbanisées et en rendant les zones urbaines plus agréables à vivre.

Le Gouvernement est mobilisé pour revitaliser les territoires, à partir des villes petites et moyennes. Le programme Action coeur de ville concerne 222 villes, pour 5 milliards d'euros. Plus de 2 milliards d'euros ont déjà été engagés et 50 000 logements rénovés.

Le programme Petites ville de demain, lancé avec Jacqueline Gourault en octobre dernier à Barentin, concernera 1 624 centre-bourgs. Nous accompagnons leur revitalisation économique grâce au programme Territoires d'industrie, au plan France Très Haut Débit qui couvrira l'ensemble du territoire dès l'an prochain et nous réinstallons des services publics grâce aux maisons France Service.

Le projet de loi 4D, qui sera examiné en juillet au Sénat, favorisera l'opération de revitalisation des territoires. Nous modifierons la procédure de récupération des biens sans maître, pour baisser le seuil de trente à dix ans.

Je suis favorable à la proposition de loi, très proche de ce que nous avons prévu. En effet, la procédure doit s'appliquer à l'ensemble de la commune. Le recyclage des emprises évitera la consommation de terres agricoles.

Je suis également favorable à l'amendement du rapporteur. (Applaudissements sur les travées du RDSE et sur quelques travées des groupes UC et Les Républicains.)

M. Bernard Fialaire .  - La mobilisation du foncier est un enjeu majeur pour les maires, afin de répondre à la demande croissante de logements et au souhait de revitaliser économiquement les communes. On déplore une sous-optimisation des terrains abandonnés.

La commune, l'intercommunalité ou le conseil départemental peuvent se saisir des biens manifestement non entretenus, sans enquête préalable, trois mois après la mise en demeure du propriétaire.

La proposition de loi corrige des dysfonctionnements en portant une atteinte limitée au droit de propriété, dans le respect du cadre juridique existant. L'objectif est la cessation de l'état manifeste d'abandon et non l'expropriation.

D'éventuels contentieux seront évités grâce à ce texte qui élargit le périmètre concerné et améliore l'esthétique des paysages. Un bien abandonné reste gênant, quelle que soit sa situation.

Cette proposition de loi aidera aussi les maires à réussir l'objectif de zéro artificialisation des sols et participera à la simplification voulue par le projet de loi 4D, que nous examinerons prochainement, je l'espère.

M. François Bonhomme, rapporteur.  - Il arrive, c'est comme la vaccination !

M. Bernard Fialaire.  - La procédure d'acquisition d'un bien sans maître est trop longue - trente ans - et doit être révisée.

Cette proposition de loi est très attendue par les élus locaux engagés dans la redynamisation de leur territoire. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE, SER, RDSE et UC et sur quelques travées du groupe Les Républicains)

Mme Cécile Cukierman .  - Face aux grands textes du Gouvernement, l'initiative parlementaire est l'occasion d'évoquer la réalité des élus locaux. On songe à la proposition de loi sur les biens sectionnaux et communaux, source de réelles avancées.

Au quotidien, les biens abandonnés rendent difficile l'aménagement communal. Je salue le travail du rapporteur qui a élargi le périmètre au-delà du périmètre d'agglomération de la commune.

Nous avons tous en tête des bâtiments menaçant ruine, qui posent de réels problèmes. Avec cette proposition de loi, les communes pourront se réapproprier la maîtrise de ces biens.

Nous sommes vigilants à ce que les bâtiments d'habitation restent consacrés à cet usage, ou du moins servent l'intérêt général. Un terrain délabré est toujours à déplorer et mieux vaut qu'il accueille un local technique, à défaut de logements.

Le groupe CRCE votera cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE et RDSE)

M. François Bonhomme, rapporteur.  - Très bien.

M. Jean-Pierre Moga .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Ce texte bienvenu soutient les maires dans leurs opérations d'aménagement. Nous ne pouvons nous résoudre à la décrépitude des villages.

Cette proposition de loi fait suite aux lois SRU et ALUR. L'urbanisme et l'aménagement sont les deux versants de la vitalité des territoires. Grâce à ceux-ci, nous renforcerons leur dynamisme.

Dès lors, nous soutenons ce texte qui prend en compte la diversité de nos communes.

Je partage la position de la commission des lois qui ne souhaite pas restreindre l'accès à la procédure simplifiée.

Nous anticipons le projet de loi 4D dont l'article 18 traite de ce sujet ; nous débattrons également prochainement du projet de loi Climat et résilience dont une disposition porte sur le recyclage du foncier déjà artificialisé et la densification des tissus urbanisés. Alors que l'artificialisation des sols a augmenté de 70 % quand la population croissait de 20 %, ce texte est un point de départ bienvenu.

M. Hussein Bourgi .  - Cette proposition de loi porte sur un sujet qui représente un véritable enjeu pour de nombreuses communes. Nous en partageons les objectifs. Nous avons tous, dans nos circonscriptions, des exemples de friches, hangars, bâtiments à l'abandon, autant de verrues face auxquelles les outils existants sont insuffisants.

Ce texte dote les élus locaux d'un nouveau levier à l'encontre des propriétaires en simplifiant la procédure.

Aujourd'hui, deux restrictions entravent l'action des maires : le périmètre d'agglomération et les raisons justifiant l'expropriation. La limitation au périmètre d'agglomération, qui date de 1989, ne se justifie plus car, en réalité, il y a peu de terrains provisoirement en friche dans une zone agricole. Il fallait faire sauter le verrou.

Les auteurs de la proposition de loi ont aussi voulu élargir la liste des fins justifiant l'expropriation par la procédure simplifiée. À l'origine, ces objets et motifs étaient tout bonnement supprimés, ce qui créait une insécurité juridique. Le recours à l'expropriation - atteinte au droit constitutionnellement garanti de propriété - doit être motivé par l'intérêt général. Dans sa sagesse, la commission des lois a apporté des garanties auxquelles groupe SER souscrit pleinement.

La commission a aussi prévu que l'expropriation se fasse au profit de l'intercommunalité, ce qui est, là aussi, bienvenu puisqu'elle a plus de moyens que la commune.

Nous partageons la philosophie du RDSE et saluons le travail du rapporteur. Le groupe SER votera ce texte. (Applaudissements sur les travées du RDSE et sur le banc de la commission.)

M. Pierre-Jean Verzelen .  - L'abondance de textes rend difficile la compréhension des normes en vigueur. Aussi cette simplification de la procédure est-elle à saluer.

La procédure actuelle autorise la commune, l'intercommunalité ou le conseil départemental à réaliser une expropriation simplifiée pour créer des logements sociaux ou des projets d'intérêt collectif de restructuration, rénovation ou aménagement.

Cette proposition de loi remédie à des dysfonctionnements dans la mise en oeuvre de la procédure. D'abord, elle élargit le périmètre au-delà de l'agglomération. Le texte distingue deux régimes : une procédure simplifiée sous enquête publique préalable pour certains biens, et une procédure de droit commun relevant du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique pour d'autres.

La commission des lois est revenue sur une disposition restreignant le périmètre de l'expropriation simplifiée, sans quoi la proposition de loi perdait de sa pertinence.

Toujours attentif aux politiques des communes, le groupe INDEP votera ce texte. (Applaudissements sur les travées du RDSE et sur quelques travées du groupe Les Républicains)

M. Guy Benarroche .  - Cette proposition de loi étend la procédure d'expropriation des biens en état d'abandon manifeste dans son périmètre et dans ses motifs. C'est un réponse bienvenue à un problème concret.

Une alerte cependant : le droit limite les finalités d'utilisation des biens saisis à l'habitat ou à des projets d'intérêt collectif ; la proposition de loi supprime ces limites pour faciliter les opérations de valorisation économique des territoires.

Alors que l'Assemblée nationale débat de la loi Climat et résilience, cette réécriture ne facilite-t-elle pas l'expropriation de friches hors agglomération pour construire des entrepôts, alors qu'elles pourraient servir à l'agriculture ?

L'arrêt de l'artificialisation des sols, voire la désartificialisation, sont des leviers majeurs de la lutte contre le changement climatique.

Chers collègues qui défendez si ardemment le droit de propriété, pourquoi y déroger si facilement ici ? Nous devons être prudents. On évoque une simple publicité par affichage ou dans les journaux locaux quand l'adresse du propriétaire est inconnue.

Le droit de propriété vous semble beaucoup plus important quand il s'agit de réquisitionner des logements inoccupés alors qu'il y a pénurie que quand il y va de la valorisation d'activités économiques. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains)

Le droit de ne rien faire de son bien est donc à géométrie variable : pas question d'héberger des mal-logés...

En raison de ces sérieuses réserves, le GEST ne votera pas ce texte. (Marques de déception sur diverses travées)

M. Ludovic Haye .  - Cette proposition de loi est bienvenue et amorce un débat sur un levier important pour la valorisation de nos territoires. J'en remercie le RDSE.

La procédure d'expropriation des biens en état d'abandon manifeste permet aux communes d'accéder à la propriété et de répondre aux nécessités de leur territoire en matière d'habitat ou d'aménagement, et de mettre fin à des situations ubuesques de biens vides, non entretenus, sans perspective d'évolution.

Ce texte s'inscrit dans la continuité des lois ALUR et ELAN qui facilitent déjà les expropriations. Le texte initial créait un régime hybride d'expropriation, aux effets incertains. La commission l'a modifié à bon escient.

Nous approuvons les trois apports de la proposition de loi : l'extension de la procédure de déclaration en état d'abandon manifeste au-delà du périmètre d'agglomération de la commune, l'extension à la finalité de constitution d'une réserve foncière, et l'ajout des EPCI comme bénéficiaires potentiels de l'expropriation.

La procédure d'expropriation simplifiée de ces biens répond très concrètement aux besoins des maires, souvent contraints de se substituer aux propriétaires défaillants sans pouvoir se faire rembourser.

Le RDPI votera ce texte, sachant que le débat se poursuivra dans la loi 4D. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

Mme Dominique Estrosi Sassone .  - En 2017, Jacques Mézard, alors ministre du logement, reconnaissait que la procédure d'expropriation de biens sans maître était peu opérationnelle. Sa proposition de loi y remédie, et je salue le travail de simplification opéré par le rapporteur François Bonhomme.

Quelle commune ne compte pas de maison vacante ou de terre abandonnée ? Cette situation suscite désarroi et défaitisme. Pourtant, des moyens existent pour permettre aux communes de redonner vie à un patrimoine en déshérence, sans remettre en cause les fondements du droit de propriété.

La multiplication des arrêtés de péril, les dépenses d'entretien jamais recouvrées, les risques de squat font obstacle à une politique d'urbanisme et dégradent un centre-bourg ancien. D'où l'intérêt de la procédure d'expropriation des biens en état d'abandon manifeste.

Cette proposition de loi élargit le périmètre d'intervention au-delà de l'agglomération. Cette simplification est bienvenue dans un contexte de crise du logement et d'effondrement de la construction, car la commune pourra revendre le bien à un bailleur social ou à un particulier.

L'objectif de création de réserves foncières encouragera les opérations d'urbanisme ou de revitalisation du territoire qui nécessitent beaucoup de foncier.

Dans la perspective de la lutte contre l'artificialisation des sols, cette procédure permettra aux communes de se réapproprier des espaces urbanisés.

Nous en reparlerons dans la loi 4D. Il faudra aussi se pencher sur l'identification des héritiers, qui prend beaucoup de temps et coûte cher aux communes, notamment rurales.

Le groupe Les Républicains votera cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, INDEP et RDSE)

Mme Nadia Sollogoub .  - Le RDSE nous offre de traiter ce soir un vrai sujet de communes : un sujet concret, un sujet d'élus ; un sujet casse-tête aussi : la ruine moche, parfois dangereuse, qui conduit les voisins à venir râler dans le bureau du maire. Celui-ci se mue en Sherlock Holmes pour retrouver la piste des propriétaires. Parfois on les trouve, ils ne font rien - ne le veulent ou ne le peuvent. Et on en a pour des années.

L'édifice est une verrue, on finit par ne voir que lui. Il est insupportable de voir un espace précieux occupé pour rien.

D'où l'intérêt de pouvoir recycler les biens en état d'abandon manifeste - mais c'est un parcours de l'élu combattant.

Le groupe UC votera ce texte, qui comporte des avancées. (M. Antoine Lefèvre s'en réjouit.)

J'en profite pour inviter à faire mieux connaitre la possibilité pour les élus d'utiliser la DETR pour la démolition de bâtiments abandonnés. Pourquoi ne pas la mobiliser également pour les travaux urgents que les municipalités doivent parfois engager en lieu et place de propriétaires défaillants, et pour couvrir le coût des démarches et procédures ?

Ce texte envoie un message musclé aux propriétaires absents. Pour faire disparaitre les biens abandonnés, il faut des lois et des aides financières. L'économie circulaire de l'habitat doit se mettre en place, avec l'aide du Gouvernement.

Mme Catherine Belrhiti .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Cette proposition de loi démontre la volonté du Sénat de simplifier la vie des collectivités territoriales.

Nous sommes régulièrement interpellés par nos maires sur le problème de ces biens délaissés. La négligence, l'éloignement, les problèmes successoraux font que, non entretenus, ils se dégradent, empêchant les municipalités d'aménager l'espace.

La procédure d'expropriation des biens en état d'abandon manifeste permet de faire pression sur le propriétaire, qui a trois mois pour se manifester avant notification de l'état d'abandon définitif et éventuelle expropriation.

La commission des lois a amélioré le texte. Elle a conservé l'extension du périmètre au-delà de l'agglomération et la possibilité pour l'EPCI de bénéficier de l'expropriation. En revanche, elle n'a pas souhaité réserver la procédure d'expropriation simplifiée aux seules opérations liées à l'habitat.

Le rapporteur a judicieusement élargi la liste des projets justifiant la procédure, tout en sécurisant le dispositif et en veillant au respect du droit de propriété. Je rends hommage à ce travail qui permettra aux maires de valoriser leur territoire. Cette proposition de loi est un bon prélude à la loi 4D. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Antoine Lefèvre .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) « La propriété étant un droit inviolable et sacré, nul ne peut en être privé si ce n'est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l'exige évidemment, et sous les conditions d'une juste et préalable indemnité », selon l'article 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen.

L'impératif de nécessité publique conduit désormais à faire évoluer le droit et à renforcer les prérogatives des collectivités territoriales.

Les lois ALUR puis ELAN, la création de l'ANCT ont fait évoluer le droit de l'urbanisme.

Les biens abandonnés créent des retombées délétères pour les communes. Ces biens sans maître, qui immobilisent des parcelles parfois précieuses, nuisent à l'attractivité et à l'image de la commune, favorisent le développement des squats et font peser une responsabilité périlleuse sur les maires.

Enrichir l'arsenal des maires est de bon sens. L'extension du périmètre est positive, à l'heure de la montée en compétence des intercommunalités, de même que l'inclusion des EPCI dans les bénéficiaires des terrains expropriés. Cela assurera une plus grande connexion entre les territoires. L'objectif de création de réserve foncière est une bonne idée du rapporteur.

Ces propositions apportent une réelle plus-value. Le groupe Les Républicains votera ce texte d'avenir. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du RDSE)

La discussion générale est close.

Discussion de l'article unique

M. Patrick Chaize .  - Je regrette que l'article 40 ait été opposé à mon amendement qui étendait la procédure d'expropriation de biens en état d'abandon manifeste aux parcelles boisées non exploitées. Elles sont potentiellement dangereuses pour la sécurité des citoyens et peuvent gêner l'exploitation des forêts communales.

Il faudra y revenir dans le cadre de la loi 4D.

M. Marc Laménie .  - Je salue l'initiative du RDSE et le travail de la commission des lois. Ce problème de biens vacants sans maîtres concerne de nombreuses communes. Au bout de quelques années, une maison à l'abandon est rapidement squattée. Ce sont des verrues, en effet. Malheureusement, les maires sont face à un vide juridique, notamment quand il s'agit d'une succession en indivision. Le partenariat avec les notaires et les services de l'État est indispensable. Le financement par le DETR ou la DSIL doit être facilité.

Cette proposition de loi permettra d'aménager les coeurs de villes et e villages, de rendre nos communes plus accueillantes.

M. François Bonhomme, rapporteur.  - C'est tout à fait ça.

M. Marc Laménie.  - Je soutiendrai ce texte.

M. Daniel Gremillet .  - Je me réjouis de cette proposition de loi, très équilibrée sur le droit de la propriété. Elle permettra de régler le problème de la fiscalité différente entre le bâti à l'abandon et les anciens corps de ferme. Car les parties habitables et non habitables sont traitées de manière différente. Merci au RDSE !

M. le président.  - Amendement n°4, présenté par M. Bonhomme, au nom de la commission.

I.  -  Alinéa 4

Rédiger ainsi cet alinéa :

a) Le mot : « organisme » est remplacé par les mots : « établissement public de coopération intercommunale ou d'un organisme » ;

II.  -  Alinéa 9

1° Après les mots :

3° , les mots : « 

insérer le mot :

la

2° Remplacer les mots :

commune, l'établissement public de coopération intercommunale, l'organisme ou le concessionnaire mentionné au premier alinéa de l'article L. 2243-3

par les mots :

le bénéficiaire

M. François Bonhomme, rapporteur.  - Amendement rédactionnel. Il précise que la déclaration d'état manifeste d'abandon ne peut être prononcée que pour les EPCI détenant une compétence habitat ou aménagement correspondant aux opérations justifiant l'expropriation, et que les règles fixant la forme des arrêtés pour déclarer l'utilité publique prennent en considération toutes les catégories de bénéficiaires.

M. le président.  - Sous-amendement n°5 à l'amendement n 4 de M. Bonhomme, au nom de la commission, présenté par le Gouvernement.

Amendement n° 4, alinéa 3

Remplacer les mots :

d'un organisme

par les mots :

de tout autre organisme

M. Joël Giraud, secrétaire d'État.  - Ce sous-amendement est purement rédactionnel. N'excluons pas un département du bénéfice de l'expropriation.

Avis favorable à l'amendement n°4 sous-amendé.

M. François Bonhomme, rapporteur.  - Même si la commission des lois n'a pu se prononcer, avis favorable, à titre personnel, au sous-amendement.

Le sous-amendement n°5 est adopté.

L'amendement n°4, sous-amendé, est adopté.

L'article unique constituant l'ensemble de la proposition de loi est adopté.

(Applaudissements)

Prochaine séance aujourd'hui, jeudi 15 avril 2021, à 10 h 30.

La séance est levée à minuit quinze.

Pour la Directrice des Comptes rendus du Sénat,

Rosalie Delpech

Chef de publication

Ordre du jour du jeudi 15 avril 2021

Séance publique

De 10 h 30 à 13 heures et de 14 h 30 à 16 heures

Présidence : M. Pierre Laurent, vice-président M. Georges Patient, vice-président

Secrétaires de séance : M. Loïc Hervé - Mme Marie Mercier

(Ordre du jour réservé au groupe INDEP)

1. Proposition de loi visant à orienter l'épargne des Français vers des fonds souverains régionaux, présentée par Mme Vanina Paoli-Gagin et plusieurs de ses collègues (n°385, 2020-2021)

2. Proposition de loi d'expérimentation visant à favoriser le retour à l'emploi des bénéficiaires du Revenu de Solidarité Active (RSA), présentée par M. Claude Malhuret et plusieurs de ses collègues (texte de la commission, n°518, 2020-2021

De 16 heures à 20 heures

Présidence : M. Georges Patient, vice-président

(Ordre du jour réservé au groupe CRCE)

3. Proposition de résolution en application de l'article 34-1 de la Constitution, invitant le Gouvernement à envisager la poursuite de la procédure de ratification du CETA, présentée par de M. Fabien Gay et plusieurs de ses collègues (n°249 rect., 2020-2021)

4. Proposition de loi visant à garantir effectivement le droit à l'eau par la mise en place de la gratuité sur les premiers volumes d'eau potable et l'accès pour tous à l'eau pour les besoins nécessaires à la vie et à la dignité, présentée par Mme Marie-Claude Varaillas, M. Gérard Lahellec et plusieurs de leurs collègues (n°375, 2020-2021)