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Table des matières



Accords en CMP

Cohérence entre politique énergétique et ambitions écologiques

Discussion générale

M. Daniel Gremillet, auteur de la proposition de résolution

M. Jean-Claude Anglars

M. Pierre Médevielle

M. Daniel Salmon

M. Bernard Buis

M. Christian Bilhac

M. Fabien Gay

Mme Denise Saint-Pé

M. Jean-Claude Tissot

Mme Sophie Primas

M. Patrick Chauvet

Mme Angèle Préville

M. Christian Klinger

M. Jean-Baptiste Djebbari, ministre délégué auprès de la ministre de la transition écologique, chargé des transports

« Quelle politique d'aménagement du territoire ? »

M. Didier Mandelli, pour le groupe Les Républicains

M. Joël Giraud, secrétaire d'État auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la ruralité

M. Franck Menonville

M. Ronan Dantec

M. Frédéric Marchand

Mme Guylène Pantel

Mme Marie-Claude Varaillas

M. Jean-François Longeot

M. Joël Bigot

M. Stéphane Sautarel

M. Hervé Maurey

M. Gilbert-Luc Devinaz

M. Jean-Claude Anglars

Mme Angèle Préville

Mme Patricia Demas

M. François Calvet

M. Dominique de Legge

Mme Laurence Garnier

M. Louis-Jean de Nicolaÿ, pour le groupe Les Républicains

« Avenir des entreprises assurant les liaisons transmanche »

M. Michel Canevet, pour le groupe Union Centriste

Mme Annick Girardin, ministre de la mer

M. Jacques Fernique

Mme Nadège Havet

M. André Guiol

Mme Céline Brulin

Mme Catherine Fournier

M. Jean-Michel Houllegatte

M. Jean-François Rapin

M. Jean-Pierre Decool

M. Pascal Martin

M. Didier Marie

M. Philippe Paul

M. Michel Dagbert

Mme Agnès Canayer

M. Alain Cadec

Mme Béatrice Gosselin

M. Marc Laménie

Mme Nathalie Goulet, pour le groupe Union centriste

Mise au point au sujet d'un vote

M. Franck Menonville

Conseil européen des 25 et 26 mars 2021

M. Clément Beaune, secrétaire d'État chargé des affaires européennes

M. Christian Cambon, président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées

M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances

M. Jean-François Rapin, président de la commission des affaires européennes

M. André Gattolin

Mme Véronique Guillotin

M. Pierre Laurent

Mme Catherine Morin-Desailly

M. Didier Marie

M. Franck Menonville

M. Jacques Fernique

M. André Reichardt

M. Claude Kern

Mme Florence Blatrix Contat

M. Cyril Pellevat

Mme Marta de Cidrac

Mme Pascale Gruny

M. Laurent Duplomb

M. Clément Beaune, secrétaire d'État chargé des affaires européennes

M. Jean-François Rapin, président de la commission des affaires européennes

Annexes

Ordre du jour du mercredi 24 mars 2021




SÉANCE

du mardi 23 mars 2021

74e séance de la session ordinaire 2020-2021

présidence de M. Georges Patient, vice-président

Secrétaires : Mme Eustache-Brinio, M. Loïc Hervé.

La séance est ouverte à 14 h 30.

Le procès-verbal de la précédente séance est adopté.

Accords en CMP

M. le président.  - J'informe le Sénat que la commission mixte paritaire chargée d'élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi rénovant la gouvernance des services publics d'eau potable et d'assainissement en Guadeloupe est parvenue à l'adoption d'un texte commun.

Par ailleurs, la commission mixte paritaire chargée d'élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi tendant à garantir le droit au respect de la dignité en détention est également parvenue à l'adoption d'un texte commun. (Marques de satisfaction sur les travées du groupe Les Républicains)

Cohérence entre politique énergétique et ambitions écologiques

M. le président.  - L'ordre du jour appelle l'examen d'une proposition de résolution en application de l'article 34-1 de la Constitution, invitant le Gouvernement à étudier la possibilité d'une mise en cohérence de sa politique énergétique avec ses ambitions écologiques, présentée par M. Bruno Retailleau, Mme Sophie Primas et M. Daniel Gremillet, à la demande du groupe Les Républicains.

Discussion générale

M. Daniel Gremillet, auteur de la proposition de résolution .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Au nom du président Retailleau, de la présidente Sophie Primas et des membres du groupe Les Républicains, nous avons souhaité déposer cette proposition de résolution.

Nous avons voté un objectif de neutralité carbone en 2050. Pour l'atteindre, le nucléaire, filière d'excellence, peu émissive -  6 kilogrammes de CO2 par kilowattheure - et pourvoyeuse d'emplois - 220 000 sur tout le territoire - sera le modèle-clé.

C'est une filière centralisée, reposant sur une entreprise publique. Elle est garante d'un égal accès à l'énergie sur tout le territoire, de la place de l'État dans le secteur et d'un faible coût de l'énergie. Sa production est un service public qui relève d'une mission régalienne.

Face à l'urgence climatique, c'est grâce à cette source d'énergie que nous réduirons nos émissions. Aussi suis-je préoccupé par la politique énergétique menée par le Gouvernement.

Nous avons voté en 2019 la loi Énergie-Climat qui fixe des objectifs clairs : report de dix ans de l'objectif de baisse de 50 % de la part du nucléaire dans le mix énergétique, cadre législatif pour l'hydrogène bas carbone notamment. Mais depuis, le Gouvernement n'a cessé de nous décevoir, notamment en arrêtant le réacteur Astrid puis les deux réacteurs de Fessenheim en 2020, sans motif de sécurité.

M. André Reichardt.  - Lamentable !

M. Daniel Gremillet.  - Et enfin en limitant les financements dédiés au nucléaire, seuls 200 millions d'euros du plan de relance y étant consacrés, alors qu'il représente les trois quarts du mix énergétique.

La réforme de l'accès régulé à l'électricité nucléaire historique (Arenh) et le projet Hercule sont menés dans une opacité inacceptable. Je me félicite d'ailleurs que la commission des affaires économiques ait créé un groupe de suivi, faute d'avoir été associée à ces travaux.

Le ministère de la Transition écologique a commandé à RTE (Réseau de transport d'électricité) et à l'Agence internationale de l'énergie (AIE) l'étude de différents scénarios à l'horizon 2050, dont l'un à 100 % d'énergies renouvelables. C'est bafouer la loi quinquennale, qui seule doit déterminer notre politique énergétique, monsieur le ministre !

Le Gouvernement a, de plus, voulu supprimer l'évaluation de la loi quinquennale dans la loi de finances pour 2020 et fixer par décret les objectifs de délivrance de certificats d'économie d'énergie et de part des énergies renouvelables.

Avec la pandémie, la consommation d'électricité a baissé de 3,5 % en 2020, la production de 7 %. EDF a vu sa production d'énergie nucléaire baisser de 13 % et a perdu 2 milliards d'euros de recettes.

La crise pèse sur nos capacités d'approvisionnement et éprouve notre souveraineté énergétique. Nous avons dû importer de l'électricité pendant 43 jours en 2020, contre 25 en 2019.

Enfin, la crise obère les capacités d'investissement d'EDF dont la dette atteint 40 milliards d'euros. Les besoins sont pourtant énormes : grand carénage, chantiers des EPR, programmation des énergies renouvelables.

La réponse du Gouvernement n'est pas à la hauteur. La baisse de la production d'origine nucléaire a certes des causes exogènes, mais elle résulte aussi de choix politiques, dont la fermeture de Fessenheim. C'est un gâchis économique, avec un coût de 5 milliards d'euros ; un gâchis social puisque 150 salariés ont déjà quitté le site et, à terme, seuls 60 y resteront ; un gâchis énergétique, car notre parc nucléaire a perdu 1 gigawatt de puissance.

Face à cela, Mmes Pompili et Abba se sont contentées d'appeler, dans cet hémicycle, à diversifier notre mix énergétique... Or les énergies renouvelables, par nature intermittentes, ne sont pas en mesure de surmonter le pic de consommation hivernal - ce qui nous obligera à faire tourner à plein régime les centrales à charbon étrangères.

Nous manquons d'un État stratège, notamment dans le secteur du nucléaire. Le Gouvernement n'apporte aucune réponse au besoin d'investissement. La construction de nouveaux EPR, la mise en service de Flamanville est en suspens, aucune information n'est donnée...

Il devient urgent de fixer un cap, à quelques semaines de l'examen du projet de loi Climat et résilience, et de réaffirmer notre confiance dans la filière nucléaire.

J'avais alerté le Gouvernement sur le risque porté par la fermeture de quatre réacteurs à échéance 2035. Face à l'apathie du Gouvernement, le Parlement doit jouer son rôle. La prochaine loi quinquennale doit être celle d'une politique nucléaire ambitieuse, qui suppose de sortir des difficultés de Flamanville, que le rapport de Jean-Martin Folz attribue à une perte de compétences généralisée. Notre pays s'y est trop longtemps résigné : il faut renouer avec le volontarisme.

Un effort doit être mené dans le domaine de la recherche et développement : je songe aux réacteurs modulables, aux réacteurs à neutrons rapides, à l'électrolyse pour l'hydrogène bas carbone. Cela suppose des financements suffisants.

Rendons au nucléaire la place qu'il n'aurait jamais dû perdre. Le Sénat est sensible au temps long, à la science et à l'écologie : c'est à ce titre qu'il doit défendre le nucléaire et adopter cette proposition de résolution. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et INDEP)

M. Jean-Claude Anglars .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) La politique énergétique de la France pâtit de l'indécision du Gouvernement, qui sait pourtant évaluer l'évolution de la consommation d'électricité finale. Celle-ci n'a baissé que de 1,4 % entre 2012 et 2019, quand la programmation pluriannuelle de l'énergie de 2016 prévoyait une baisse de 12,3 % entre 2012 et 2023. Et le Gouvernement table sur une baisse de 50 % d'ici 2035 ? C'est irréaliste. Ce mirage empêche de définir une politique énergétique honnête et juste. La transition énergétique ne doit pas se résumer à un slogan, une promesse de campagne. Gouverner, ce n'est pas faire croire : c'est faire, tout simplement.

Pour éviter les carences, coupures et blackouts à court et moyen terme, nulle autre solution que de donner une place centrale au nucléaire. Il faut aussi plus de clarté ; or la mise en concurrence des concessions hydrauliques et le projet Hercule ne vont pas dans ce sens : c'est une atteinte à notre souveraineté énergétique. J'ai interrogé le Gouvernement sur la prolongation des concessions du Lot et de la Truyère, qui représentent 10 % de la production hydroélectrique française ; je n'ai reçu aucune réponse claire.

La transition énergétique, invoquée de manière idéologique, se décline dans tous les domaines jusqu'à l'irresponsabilité. Ainsi de la décision de ne plus soutenir la transition de la filière diesel qui se traduit, trois mois plus tard, par plus de mille suppressions d'emplois dans les usines Bosch de Rodez et SAM de Viviez.

Le renforcement de l'efficacité énergétique des logements neufs, à travers la réglementation énergétique 2020 (RE2020) est nécessaire, mais sa mise en oeuvre est à revoir.

Le Gouvernement invoque la transition écologique pour justifier des choix incohérents, irréalistes, coûteux et néfastes, sans concertation ni évaluation. Les citoyens ne sont pas dupes et dénoncent l'incohérence de ces choix.

Il faut poser les jalons d'une politique énergétique pluridimensionnelle dans laquelle le nucléaire a toute sa place. Ce qui se joue ici, ce ne sont pas des querelles partisanes, mais l'avenir et la souveraineté énergétique de la France. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Pierre Médevielle .  - Neutralité carbone à l'horizon 2050. (L'orateur met sa main en visière.) Oui, mais comment ?

Le principal objectif est de sortir des énergies fossiles polluantes tout en visant l'indépendance énergétique. Il faut travailler à des évolutions pertinentes de notre bouquet énergétique pour le rendre sûr, décarboné et compétitif.

La demande d'énergie augmente, mais les émissions doivent baisser, ce qui suppose de décarboner des secteurs entiers. Priorité aux secteurs les plus polluants, comme l'acier, le ciment et les transports, qui auront un effet d'entraînement.

L'énergie nucléaire, fleuron français depuis les années 1970, est une solution pour la décarbonation de notre énergie ; c'est un savoir-faire à préserver, tout en poursuivant l'innovation technologique.

Ainsi le nucléaire de quatrième génération, qui pourra fonctionner avec certains déchets, suscite de grands espoirs, tout comme le stockage en grande profondeur, type Cigéo - même si l'on peut s'interroger sur son caractère réversible.

La sûreté et la sécurité doivent également faire l'objet d'une attention particulière, les installations pouvant être la cible d'attaques terroristes.

Si le nucléaire est le coeur du bouquet énergétique, les énergies renouvelables, de plus en plus efficaces et de moins en moins coûteuses, en sont les poumons. Elles permettront de faire reculer la précarité énergétique. La technologie photovoltaïque avance à pas de géant : il faut investir à l'échelon européen, comme pour les batteries ou l'hydrogène, car nous dépendons fortement des fournisseurs asiatiques.

Quant aux craintes sur l'intermittence de ces énergies, les solutions sont à portée de main. Il faut poursuivre le travail et les investissements pour développer des solutions nouvelles, comme la conversion de l'électricité en hydrogène.

Pour éviter les déceptions, fixons des objectifs réalistes et évitons les promesses politiciennes utopiques ! (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP et sur plusieurs travées des groupes Les Républicains et UC)

M. Daniel Salmon .  - Abandonner les énergies fossiles est un impératif pour la survie de l'humanité.

Nous sommes à un tournant. Nos choix engageront la France pour des décennies, voire des millénaires. Face à cela, deux options : la vôtre, à savoir la relance d'un nucléaire fragile, obsolète et dangereux ; la nôtre, qui est un engagement immédiat dans les énergies renouvelables et une sortie programmée du nucléaire.

Ouvrons les yeux : le nucléaire n'est pas une énergie d'avenir ! Le Gouvernement s'arc-boute sur des schémas du XXe siècle.

Les EPR sont coûteux - le chantier de Flamanville a vu son coût multiplié par six.

M. Bruno Sido.  - Pour l'instant !

M. Daniel Salmon.  - EDF est au bord de la faillite et confrontée à un problème de sûreté et de sécurité des déchets. Dix ans après Fukushima, nous ne pouvons plus jouer les apprentis sorciers.

Qui peut dire ce que sera notre société dans dix ans, dans cent ans ? Les hôpitaux sont déjà victimes de cyberattaques ; l'industrie atomique est d'une vulnérabilité extrême, aggravée par l'échelonnement des mises aux normes des vieux réacteurs. Selon l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN), un accident nucléaire coûterait au minimum 400 milliards d'euros. (Marques d'agacement sur plusieurs travées du groupe Les Républicains)

L'étude RTE-AIE du 27 janvier estime difficile, mais possible d'atteindre une énergie totalement décarbonée en 2050, à certaines conditions. Le 100 % renouvelable est donc réalisable.

Mme Sophie Primas.  - Quand ?

M. Stéphane Piednoir.  - À quel prix ?

M. Daniel Salmon.  - C'est un choix de société qui doit résulter d'une délibération parlementaire voire, pourquoi pas, d'un référendum. Le funeste projet Hercule est profondément antidémocratique. Le nucléaire et la démocratie n'ont jamais fait bon ménage... Pendant ce temps, Photowatt se meurt.

Des économies d'énergie couplées à une montée en puissance des énergies renouvelables, une production tout à la fois décentralisée et en réseau, voilà la vraie transition énergétique que nous défendons. Le GEST votera contre cette proposition de résolution qui est à l'opposé.

M. Bernard Buis .  - (Applaudissements sur les travées du RDPI) La politique publique énergétique française serait marquée du sceau de l'indécision, selon les auteurs de cette proposition de résolution. C'est bien réducteur : assurer à la fois le développement des énergies renouvelables et le maintien du nucléaire, ce n'est pas tergiverser. Afin de conforter notre souveraineté énergétique, il ne faut pas dépendre d'une seule source : nous avons besoin du nucléaire mais aussi des énergies renouvelables.

Le code de l'énergie vise la neutralité carbone à l'horizon 2050. Cette ambition est compatible avec notre politique énergétique. L'empreinte carbone de la France est de 6,9 tonnes de carbone par habitant : nous sommes très bien placés en Europe, et le nucléaire y contribue avec des émissions de 35 grammes équivalent CO2 par kilowattheure, contre 1 200 grammes pour le charbon. Celui-ci représente 0,2 % de notre mix énergétique, contre 29 % en Allemagne. En 2022, nous fermerons quatre centrales à charbon.

Nous devons aussi augmenter notre production d'énergies renouvelables pour atteindre l'objectif de 33 % en 2030. C'est faisable. L'an dernier, les énergies renouvelables représentaient déjà 26,9 % de notre consommation électrique, en hausse de quatre points par rapport à 2019.

Le Gouvernement maintient le cap et injecte 30 milliards d'euros dans la transition écologique via le plan de relance, dont 2 milliards pour l'hydrogène vert - soutien qui pourrait atteindre 7 milliards d'euros d'ici 2030 pour faire de la France un pays moteur en la matière.

Sept parcs d'éolien en mer seront construits d'ici 2026, pour un total de 350 éoliennes.

Le nucléaire est un atout : nous sommes d'accord sur ce point et le Président de la République l'a rappelé le 8 décembre au Creusot : « l'avenir énergétique et écologique de la France passe par le nucléaire ».

Plusieurs pays européens comme la Finlande ou les Pays-Bas sont aussi engagés dans cette voie et étudient la création de nouveaux réacteurs.

Il est vrai que l'EPR de Flamanville accumule les déconvenues ; nous devons poursuivre nos efforts en matière de sûreté et de gestion des déchets.

Le nucléaire, c'est aussi 2 600 entreprises et 220 000 emplois sur notre territoire. Le plan de relance injecte 500 millions d'euros, dont 100 millions d'euros dès cette année, pour moderniser la filière. Les centrales du Tricastin, dans mon département de la Drôme, et de Cruas, de l'autre côté du Rhône, représentent 12 % de la production nucléaire française. Un grand nombre d'élus territoriaux ont signé une lettre pour manifester leur soutien total à l'accueil de l'EPR2 sur le site du Tricastin.

Il faudra aussi diversifier la production grâce aux petits réacteurs nucléaires, plus faciles à installer et à brancher sur le réseau. Ne tardons pas si nous visons l'exportation : nous ne sommes pas seuls sur ce marché, la Chine, la Russie et les États-Unis sont dans la course.

L'urgence climatique nous impose d'agir sur la consommation finale. La baisse constatée entre 2012 et 2019 est insuffisante, dit l'exposé des motifs - mais le Gouvernement n'est pas inactif. En témoigne le succès de MaPrimeRénov', avec 780 000 demandes. Avec la RE2020, nous nous sommes dotés de l'une des réglementations environnementales du bâtiment neuf les plus ambitieuses d'Europe.

Si nous soutenons le nucléaire et sa modernisation, nous devons aussi faire confiance à notre savoir-faire et à nos capacités d'adaptation pour enrichir notre mix énergétique. Ne partageant pas le déclinisme qui irrigue cette proposition de résolution, nous voterons contre.

M. Christian Bilhac .  - L'État, les collectivités territoriales, les entreprises se sont engagées sur l'objectif de la neutralité carbone à l'horizon 2050. La Commission européenne a proposé un objectif de baisse de 55 % des émissions de gaz à effet de serre d'ici à 2030.

La stratégie nationale bas carbone repose sur une augmentation de la part de l'électricité de 25 % à 50 % des besoins énergétiques finaux d'ici à 2050. Or la réduction de la part du nucléaire menace la stabilité de notre approvisionnement électrique. La demande est appelée à augmenter ; l'abandon du gaz pour chauffer les logements est prématuré. On demande aux Français de remplacer leur chaudière au charbon ou au fioul par une pompe à chaleur électrique, leur diesel par un véhicule électrique ou hybride : cela va entraîner une croissance exponentielle de la consommation électrique ! (Mme Sophie Primas approuve.)

Malgré le report de la construction de six EPR, le soutien du Président de la République à la filière, affiché le 8 décembre au Creusot, est sans équivoque.

Le rapport de RTE et de l'AIE envisage huit scenarios avec différentes pondérations du nucléaire, de 50 % à 0 % en 2050. Cet exercice de prospective est utile : ne pas le faire serait irresponsable. Il faut décarboner notre mix énergétique et éviter les pénuries.

Mais la proposition de résolution ne dit rien des énergies renouvelables. Devenues compétitives, elles méritent qu'on leur donne un coup d'accélérateur. Or les recours contre les parcs éoliens ou solaires par des associations dites environnementales se multiplient, comme dans l'Hérault où un parc éolien a été condamné à la destruction ; l'éolien en mer est lui aussi embourbé dans les recours.

Mme Sophie Primas.  - Des recours des écologistes !

M. Christian Bilhac.  - La piste des économies d'énergie a été peu exploitée : notre parc de logements est énergivore, les travaux peu efficaces et les contrôles insuffisants.

Le stockage de l'énergie est une piste d'avenir ; j'ai déjà eu l'occasion d'évoquer ce point devant le Sénat lors du récent débat sur l'hydrogène vert. Conservons notre parc nucléaire tant qu'il n'y aura pas d'autre solution viable, et développons les énergies renouvelables. (Applaudissements sur les travées du RDSE)

M. Fabien Gay .  - J'aborde sans a priori dogmatique cette proposition de résolution axée sur l'électricité d'origine nucléaire.

Face à l'urgence d'une révolution environnementale globale, à la nécessité de sortir douze millions de nos concitoyens de la précarité énergétique, d'assurer notre souveraineté, comment bâtir une meilleure complémentarité entre les différentes sources d'énergie ?

Il faut une planification, une mobilisation de moyens financiers et de la recherche et développement. Ces choix doivent être citoyens et éclairés, et non l'apanage du Président de la République.

Le nucléaire est un atout incontestable : c'est l'énergie la plus décarbonée. (Plusieurs « Bravo ! » sur les travées du groupe Les Républicains) C'est aussi une énergie pilotable, qui nous préserve des blackouts.

Mais n'oublions pas les accidents de Tchernobyl ou de Fukushima. Il faut un haut niveau de compétences dans la surveillance des établissements : seul le service public en est le garant. Or la proposition de résolution est muette sur ce point. Muette aussi sur la notion de bien public garanti à tous, qui doit être hors du champ de la concurrence.

Certes, vous rappelez la nécessité de garantir le pouvoir d'achat des citoyens, mais sans mentionner l'échec de la libéralisation de l'électricité, ni l'Arenh qui oblige EDF à vendre une partie de son énergie d'origine nucléaire à ses concurrents !

Or ce bilan est le vôtre, chers collègues, à commencer par la hausse des tarifs pour les usagers. Savez-vous que 40 % de la hausse des tarifs réglementés a pour but de permettre aux concurrents de l'opérateur historique de proposer des tarifs égaux ou inférieurs ? Les ménages paient pour les actionnaires des opérateurs alternatifs.

Pourquoi ne pas demander au Gouvernement d'abandonner le projet Hercule, héritage du dogme dépassé de la concurrence libre et non faussée ? S'il est adopté, le nucléaire sera repris par EDF Bleu, qui portera toute la dette pour permettre la rentabilité des activités privatisées. La complémentarité entre énergies doit être assurée dans un groupe intégré.

Le cadre public reste indispensable, c'est pourquoi le groupe CRCE s'abstiendra. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE)

Mme Denise Saint-Pé .  - Je tiens à remercier le groupe Les Républicains pour cette proposition de résolution, qui nous permet d'évoquer la politique énergétique du Gouvernement. La crise sanitaire ne doit pas faire oublier les dérèglements climatiques de long terme. Or le projet de loi Climat et résilience comporte bien peu de dispositions sur cette dimension - et des dispositions très frileuses.

Les énergies renouvelables sont intermittentes et non pilotables : RTE a ainsi dû demander en janvier 2021 à nos concitoyens de réduire leur consommation d'électricité. De plus, de nombreux projets d'énergies renouvelables sont contestés.

Le Gouvernement semble réticent à développer le biogaz issu de la méthanisation agricole, puisque la RE2020 écarte le chauffage au gaz dans les bâtiments neufs. Les investissements de modernisation des infrastructures des barrages hydroélectriques sont suspendus dans l'attente d'une décision de la Commission européenne.

La filière hydrogène est prometteuse mais doit se structurer pour devenir rentable et écologique, ce qui prendra du temps.

Dans ces conditions, je pense, comme le Président de la République, que le nucléaire doit faire partie de la solution, car c'est une énergie décarbonée. Malheureusement, son sort est lié au dangereux projet Hercule. Il convient que le Gouvernement clarifie son positionnement sur ce sujet. Reste à convaincre l'opinion sur la sécurité et le coût, alors que l'entrée en service de l'EPR de Flamanville risque d'être retardée. Le nucléaire doit être intégré à notre politique énergétique, mais il n'en est pas l'unique horizon.

Mon groupe votera majoritairement ce texte, mais je m'abstiendrai à titre personnel. (Applaudissements sur les travées du groupe UC)

M. Jean-Claude Tissot .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Je remercie les auteurs de cette proposition de résolution dont le titre est encourageant : les ambitions écologiques sont en effet mises sur un pied d'égalité avec notre politique énergétique. Cependant, son contenu invite à davantage de prudence.

Ainsi, les auteurs de ce texte estiment irréalisable de parvenir à une consommation plus sobre ; or seule une réelle volonté politique nous permettra d'atteindre cet objectif.

Deuxième point de divergence, le tout-nucléaire. Ne nous laissons pas enfermer dans une opposition stérile autour du nucléaire, et trouvons un juste milieu : nous ne pourrons pas nous en passer du jour au lendemain.

Il faut augmenter la part des énergies renouvelables, mais le Gouvernement fait preuve d'une impréparation inquiétante ; nous avions pourtant pointé les retards lors du débat sur le blackout. La centrale à charbon de Saint-Avold a été mise à contribution à vingt-deux reprises cet hiver, et nous avons importé de l'électricité allemande, très largement issue du charbon : cela montre notre échec.

La cohérence de notre politique énergétique repose sur une véritable planification, avec un programme de décarbonation de la production et de transformation de la consommation. Le rééquilibrage de notre bouquet énergétique engagé par Ségolène Royal, avec une réduction de la part du nucléaire, doit se poursuivre.

L'échec de Flamanville est le résultat d'une défaillance de l'État qui a privilégié son rôle d'actionnaire au détriment d'un pilotage de long terme.

Le développement des énergies renouvelables est encourageant : elles représentent 30 % de notre consommation électrique. L'éolien est désormais la troisième source de production.

Le Gouvernement doit être en mesure de mettre en oeuvre une production souveraine d'énergie. Malheureusement, nous nous privons de capacités d'agir en privatisant Engie ou EDF et en niant l'importance de l'État stratège. La question d'un vrai service public de l'énergie doit être posée. Nos indécisions d'aujourd'hui seront payées par les générations de demain.

Le groupe SER s'abstiendra sur ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe SER)

Mme Sophie Primas .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Depuis un an, la commission des affaires économiques demande un débat transparent devant le Parlement sur notre politique énergétique. Je me réjouis que cette proposition de résolution le provoque.

Au printemps, la pandémie a plongé le secteur de l'énergie dans une crise inédite, provoquant une chute de la demande mondiale de 5 %. Selon l'Agence internationale de l'énergie, la crise de la covid-19 a causé plus de perturbations que tout autre événement dans l'histoire récente.

Les projets de restructuration se multiplient  - Hercule, Bright, Total Énergie... - et la succession d'annonces anxiogènes pose de graves questions.

Sur le plan de la souveraineté, nous assistons à un affaiblissement de notre appareil productif, à une perte de compétences, d'envie, d'enthousiasme autour de ce qui fait la force de notre modèle : l'atome.

De fait, deux réacteurs ont déjà été arrêtés, les premiers d'une série de quatorze d'ici à 2035. EDF envisage d'ouvrir un tiers du capital d'une nouvelle entité dénommée EDF Vert, Engie restructure les deux tiers de ses activités de service, Alstom a cédé des turbines nucléaires à General Electric... Face à cette situation préoccupante, notre commission a reculé de dix ans l'objectif de réduction à 50 % de la part du nucléaire, car nous n'étions pas prêts, et poursuit son activité de contrôle sur EDF et Engie.

Notre transition vers une économie plus sobre en carbone est également mise à l'épreuve. La recherche nucléaire est en berne depuis l'arrêt du réacteur Astrid ; les dispositifs de soutien aux énergies renouvelables sont remis en cause ; la réglementation environnementale induit des surcoûts très élevés ; les 12 milliards d'euros du plan de relance sont en réalité pour moitié des redéploiements de crédits. Bref, les moyens sont insuffisants. Notre commission avait pourtant proposé d'investir massivement dans l'industrie nucléaire, la rénovation énergétique et les énergies alternatives...

Le Gouvernement doit sortir du déni, admettre l'impact du Covid sur le secteur de l'énergie et réaffirmer sa confiance en l'énergie nucléaire.

Face à l'urgence climatique, cessons de tergiverser : nous ne décarbonerons pas notre économie sans le nucléaire. Le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC) lui-même le dit : le nucléaire est le meilleur ami du climat !

Il nous faut accélérer l'achèvement de l'EPR de Flamanville, dynamiser les projets du Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives, conforter les missions de l'ASN, soutenir activement l'hydrogène nucléaire en attendant l'hydrogène vert.

Nos attentes sont bien plus ambitieuses que ce que prévoit le projet de loi Climat et résilience, étonnamment muet sur le nucléaire...

Baisser trop tôt la production nucléaire serait une faute. Le nucléaire doit retrouver une place de choix dans notre mix énergétique et notre R&D, ce qui n'est nullement contradictoire avec le développement des énergies renouvelables ! (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP)

M. Patrick Chauvet .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) La proposition de résolution pose la question de l'équilibre entre notre politique énergétique et nos ambitions écologiques.

Il faut résoudre l'équation entre le prix de l'énergie produite et consommée et le mix énergétique que nous souhaitons.

Nouvelles pratiques et nouvelles normes, télétravail et usages numériques impliqueront inévitablement une hausse des besoins en électricité. Nous devons pouvoir produire suffisamment, de manière responsable, au bon moment et au bon prix.

Produire suffisamment et proprement, c'est maintenir au minimum notre capacité nucléaire à son niveau actuel, tout en développant les énergies renouvelables.

Produire au bon moment, le nucléaire le permet - mais il faut aussi accentuer la R&D en matière de stockage de l'électricité.

Produire au bon prix, voilà la principale difficulté. L'Arenh, que renforce le projet Hercule, est un boulet au pied de l'opérateur historique qui l'empêche d'investir dans le nucléaire et les énergies renouvelables. Où en sont les négociations avec la Commission européenne sur cette question ?

Le coût maîtrisé de l'électricité en France est la conséquence de nos choix passés. En passant de 70 % à 50 % de nucléaire dans le mix, prenons garde à pouvoir investir dans d'autres sources d'énergie décarbonée - sans quoi nous devrons importer de l'énergie issue du charbon !

L'Europe possède le plus grand parc nucléaire au monde, mais la Chine et la Russie ont les plus grandes capacités de mise en service, et la Chine dépassera l'Europe vers 2030. L'Europe est à la croisée des chemins. Impulsons une véritable politique européenne de l'énergie, ambitieuse, décarbonée et indépendante ! (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP)

Mme Angèle Préville .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Oui, nous devons mettre en cohérence notre politique énergétique avec nos ambitions écologiques.

Notre production est décarbonée à 93 %, dont 70 % de nucléaire. Il faudra développer plus encore les énergies renouvelables pour compenser les futures fermetures de centrales, et notamment la petite hydroélectricité.

Pour décarboner, il faut réduire la consommation d'énergie fossile, surtout dans le transport, révolutionner nos modes de consommation et de production, limiter les déchets et le gaspillage, conditionner les aides publiques, investir davantage - 50 milliards d'euros de plus par an, selon Jean Pisani-Ferry.

Nos centrales nucléaires sont vieillissantes : poursuivre leur exploitation sera risqué, malgré le grand carénage. Le réchauffement des cours d'eau - la Garonne atteint 30 degrés l'été ! - et la baisse des débits complique le refroidissement, entraînant des arrêts répétés de certaines centrales. Que dire du fiasco de l'EPR Flamanville, qui sera raccordé au mieux en 2023 et aura coûté quatre à six fois plus cher que prévu... Enfin, quid de la gestion du cycle de vie de l'uranium ?

L'absence d'accidents sérieux depuis Fukushima ne signifie pas que la maîtrise du risque est définitivement acquise. Un accident en France, ce serait un demi-département rayé de la carte, contaminé pour des milliers d'années...

Aujourd'hui encore, on est obligé d'injecter en continu de l'eau dans les trois réacteurs de Fukushima.

L'exploitation minière de l'uranium est loin d'avoir toujours été vertueuse : le Limousin s'en souviendra longtemps... Les déchets ne sont toujours pas enfouis à Bure. Il est grand temps d'y remédier.

Les citoyens n'ont jamais été interrogés sur ce sujet pourtant crucial qui mêle souveraineté, indépendance et écologie ; il faudrait leur donner les moyens d'un choix éclairé.

La proportion de 50 % du nucléaire de ce mix actée dans la PPE nous paraît raisonnable. Aussi, le groupe SER s'abstiendra. (Applaudissements sur les travées du groupe SER)

M. Christian Klinger .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Alors que le Gouvernement s'apprête à créer le délit d'écocide, êtes-vous prêt, monsieur le ministre, à reconnaître la fermeture de Fessenheim comme le premier écocide ?

La Cour des comptes a dénoncé un processus de décision chaotique. Cette fermeture est une triple faute.

Faute écologique d'abord : sans cette fermeture, nous n'aurions pas eu de tension sur les réseaux cet hiver, et dû recourir au charbon de Saint-Avold ni aux importations de gaz. L'impact est évalué à 10 millions de tonnes de CO2 en plus.

M. François Bonhomme.  - Beau résultat !

M. Christian Klinger.  - Cette décision a été néfaste pour l'environnement : ses responsables devraient donc être poursuivis pour délit d'écocide ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Faute économique et industrielle, ensuite : destruction de 2 000 emplois directs et indirects, répercussions sur les sous-traitants et commerçants avec une baisse du chiffre d'affaires estimée à 6 millions d'euros, ainsi que sur les collectivités territoriales, avec le prélèvement par l'État de 3 millions d'euros au titre du fonds national de garantie individuelle des ressources (FNGIR).

Cette fermeture a aussi des conséquences sur les finances publiques : 400 millions d'euros à EDF, sans compter le manque à gagner et les 2 milliards d'euros que coûtera le démantèlement.

Pourquoi avoir fermé Fessenheim ? La sûreté d'une centrale n'a rien à voir avec son âge : Fessenheim était sûre, rentable, et pouvait encore fonctionner pendant des années, selon l'ASN.

Cette fermeture, enfin, est une faute politique, car elle relève d'un choix politicien. Fessenheim a été sacrifiée sur l'autel d'un accord électoral entre le PS et les Verts en 2012. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) C'est une erreur historique !

Enfin, la reconversion du territoire n'a pas été anticipée et le projet de Technocentre, qui sera mis en service au mieux en 2029 avec 150 emplois, est très loin des attentes des Alsaciens. Dire que le Gouvernement voulait faire de Fessenheim le symbole de la reconversion industrielle et énergétique...

Les élus sont prêts à vous suivre sur un projet viable. Le plan de relance offre une chance : fléchons-en une partie pour la reconversion du territoire de Fessenheim. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Franck Menonville applaudit également.)

M. Jean-Baptiste Djebbari, ministre délégué auprès de la ministre de la transition écologique, chargé des transports .  - Notre cohérence s'apprécie dans nos objectifs et nos investissements. Mais le grand défi est de garantir notre approvisionnement en donnant à la France les moyens de sa souveraineté énergétique, grâce à la diversité de nos sources d'énergie.

Cette stratégie est un héritage du Conseil national de la Résistance. Nous avons constitué l'un des portefeuilles d'approvisionnement en gaz les plus diversifiés d'Europe. Avec le nucléaire, nous avons une électricité parmi les moins carbonées au monde. Viser une part de 50 % de nucléaire dans le mix, c'est conserver une part prépondérante à une énergie qui représente 2 600 entreprises et 200 000 emplois directs et indirects. Le Gouvernement renforce la capacité d'investissement avec France Relance : nous mobilisons un demi-milliard d'euros pour soutenir les entreprises les plus sensibles, pour amplifier l'effort de R&D et moderniser un fleuron de notre industrie.

Parallèlement, nous devons accélérer le développement des énergies renouvelables, qui sont de plus en plus compétitives. D'ici 2030, 40 % de l'électricité produite en France sera renouvelable. Nous comptons quadrupler la puissance installée du solaire photovoltaïque d'ici 2028, doubler celle de l'éolien terrestre, tout en nous assurant de son acceptabilité, mieux exploiter le potentiel que représente l'éolien en mer en poursuivant la simplification administrative.

Des études montrent que nous pourrions aller au-delà de 40 % d'énergies renouvelables sans mettre en péril la sécurité de l'approvisionnement, et RTE analyse des scénarios de long terme. Ces travaux éclaireront les décisions qui seront prises au début du prochain quinquennat.

Notre mix énergétique ne se résume pas à l'électricité : il faut aussi transformer la filière gaz, développer le gaz renouvelable. En trois ans, nous avons multiplié par quatre le nombre d'installations de méthanisation et nous investissons 10 milliards d'euros dans le biogaz d'ici 2028.

Nous devons bâtir une filière française de l'hydrogène, nous assurer que l'hydrogène soit vert. L'électrolyse est l'option la moins coûteuse et la plus efficiente. Nous avons tous les atouts pour faire de la France l'un des leaders mondiaux de l'hydrogène, et investissons 7 milliards d'euros d'ici 2030 en ce sens.

Notre souveraineté dépend aussi de notre consommation : nous devons viser la sobriété, avec pour objectif de réduire notre consommation finale d'énergie de moitié d'ici 2050, notamment par la décarbonation des transports et la rénovation thermique des bâtiments.

Les décisions en matière d'énergie engagent les générations à venir.

La puissance de la France est intrinsèquement liée à sa production d'énergie. Nous sommes fidèles à l'ambition du général de Gaulle en la matière. Notre politique est cohérente avec nos ambitions écologiques et avec nos ambitions tout court ! (M. Frédéric Marchand applaudit.)

À la demande du groupe Les Républicains, la proposition de résolution est mise aux voix par scrutin public.

M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°96 :

Nombre de votants 344
Nombre de suffrages exprimés 261
Pour l'adoption 227
Contre   34

Le Sénat a adopté.

(Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC ; M. Franck Menonville applaudit également.)

La séance est suspendue quelques instants.

« Quelle politique d'aménagement du territoire ? »

M. le président.  - L'ordre du jour appelle un débat sur le thème : « Quelle politique d'aménagement du territoire ? », à la demande du groupe Les Républicains.

M. Didier Mandelli, pour le groupe Les Républicains .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Je remercie le groupe Les Républicains d'avoir inscrit à l'ordre du jour ce nouveau débat sur l'aménagement du territoire.

Nous avons déjà débattu de l'Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) le 18 novembre à l'initiative du groupe RDSE, puis des mobilités dans les espaces peu denses, le 3 mars, à l'initiative de la délégation à la prospective. Pas une semaine de contrôle sans évoquer l'aménagement du territoire - preuve, hélas, que cette politique fait défaut...

L'aménagement du territoire est pourtant une spécificité française. De l'ouvrage de Jean-François Gravier, Paris et le désert français, en 1947 à la création de la Délégation interministérielle à l'aménagement du territoire et à l'attractivité régionale (Datar) en 1963, l'aménagement du territoire structure toutes les politiques sectorielles.

« Il faut répondre à ce devoir d'État qui, en termes administratifs, se nomme aménagement du territoire », disait Michel Debré.

Mais cette politique publique s'est lentement érodée. Ni la décentralisation, ni le Fonds européen de développement régional (Feder), ni les métropoles n'ont compensé ce renoncement.

Comment expliquer l'abandon de la politique d'aménagement du territoire ? Les libéraux y voient la planification, l'amorce du socialisme ; les Girondins, une création jacobine ; d'autres, un exercice en clientélisme. Je récuse ces approches.

La hausse de la dépense publique a conduit à sacrifier l'investissement, nous privant des moyens nécessaires à cette politique.

Savons-nous encore aménager notre territoire ? Nous multiplions les schémas, les plans, les actions, mais le sentiment d'éloignement, voire de délaissement, ne cesse de s'accentuer...

L'article premier de la loi du 4 février 1995 selon lequel « La politique d'aménagement du territoire concourt à l'unité de la Nation, aux solidarités entre citoyens et à l'intégration des populations » paraît un voeu pieux...

Nous nous sommes accrochés trop longtemps au fait métropolitain et à la théorie du ruissellement, nous avons trop attendu des nouvelles technologies - or plus l'économie se digitalise, plus elle se concentre géographiquement. Ainsi, les quinze plus grandes métropoles accueillent 27 % de la population mais 50 % des étudiants. La fracture numérique perdure : seuls 60 % des habitants des petites villes et des communes rurales profitent des possibilités ouvertes par les nouvelles technologies, contre 80 % à Paris.

Le Sénat ne cesse de souligner ces difficultés, mais l'exécutif ne prend que des mesures éparses. Et la tendance n'est pas à la hausse des moyens...

Résultat, les collectivités territoriales sont obligées de se substituer à un État omniprésent mais impotent. L'aménagement du territoire repose désormais sur leur volontarisme.

La création de l'ANCT, le projet de loi 4D et votre nomination, monsieur le ministre, sont des signaux positifs, mais n'expriment pas une vision stratégique.

L'avenir de notre pays se construira sur le couple ville-campagne. Lisez donc Plouc Pride : un nouveau récit pour les campagnes, de Valérie Jousseaume ! Comment ne pas percevoir l'aspiration profonde de nos concitoyens, comment ne pas mesurer les effets durables de la pandémie qui accentue l'exode urbain ?

Le « zéro artificialisation » dans le projet de loi Climat stigmatise les territoires en développement : aucune métropole ne s'est construite in situ.

Le développement durable concerne tous les territoires ; monsieur le ministre, il faut donner à tous les territoires leur place dans ce domaine. Protégeons notre équilibre territorial, notre bien commun ! (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP)

M. Joël Giraud, secrétaire d'État auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la ruralité .  - Je participe avec plaisir à ce troisième débat au Sénat sur les politiques d'aménagement du territoire - car on peut aussi en parler au pluriel, tant l'aménagement du territoire touche à une multitude de politiques publiques : transports, logement, santé, numérique, jeunesse, accès aux services publics...

Toutes concourent à tenir la promesse républicaine d'égalité : chaque territoire doit avoir les moyens de surmonter ses handicaps et de développer son potentiel en fonction de ses spécificités.

Il y a désormais un secrétariat d'État dédié à la ruralité, chargé de suivre l'Agenda rural, lancé il y a 18 mois, dont 60 % des 181 mesures ont déjà été mises en oeuvre et 25 % sont en cours de réalisation. Citons le formidable succès du déploiement des espaces France Services  -  1 123 sites déjà labellisés, 2 000 l'an prochain - ou la résorption de la fracture numérique, pour laquelle oeuvre Cédric O, avec la généralisation de la 4G, la résorption des zones blanches et le déploiement de la fibre.

Bras armé de notre politique de cohésion, l'ANCT est un nouvel acteur incontournable sur les territoires. Le programme Petites villes de demain suscite beaucoup d'enthousiasme, et l'Agence va aussi proposer des prestations d'ingénierie gratuites pour les petites communes rurales.

En matière de politique de la ville, nous avons mobilisé 3,3 milliards d'euros supplémentaires pour les territoires prioritaires lors du comité interministériel des villes de janvier, dont 1 milliard au titre du plan de relance. Le budget de l'Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU), en hausse de 2 milliards, atteint 12 milliards d'euros.

Loin de l'image d'une France « archipel », déchirée entre ville, banlieue et campagne, l'État veille à la cohésion de tous nos territoires. Il ne privilégie nullement les métropoles. L'économiste Laurent Davezies a démontré que les inégalités territoriales n'ont pas explosé et que l'emploi public continue de progresser là où l'emploi privé recule.

Certes, la présence des pouvoirs publics n'a pas toujours suffi à compenser des évolutions économiques profondes comme la désindustrialisation, et l'aménagement du territoire doit reposer aussi sur une économie prospère.

Avant la crise de la Covid, nous avions recommencé à créer de l'emploi industriel dans notre pays. Le plan France relance permettra de renouer avec cette dynamique ; les crédits ont été largement territorialisés et chaque territoire sera accompagné pour décliner un projet de relance qui lui correspond.

En tant qu'ancien élu local, maire d'une commune de montagne pendant trente ans, je sais qu'une politique d'aménagement du territoire ne peut se concevoir sans dialogue constant avec les acteurs de terrain : ce débat est donc utile ! (M. Frédéric Marchand applaudit.)

M. Franck Menonville .  - La Poste assure une mission essentielle de cohésion et de maillage territorial via les 17 000 points de contact.

Confronté à une forte baisse du volume de courrier, le service universel postal, positif jusqu'en 2017, accuse brutalement un déficit de 1,5 milliard d'euros, que la hausse des transactions de colis, pour 300 millions d'euros, n'a pas suffi à compenser, non plus que la hausse du prix du timbre.

Faute de compensation financière par l'État, ses missions de service public risquent d'être menacées.

La Poste se modernise ; elle se digitalise, noue des partenariats et restructure les bureaux de poste en fonction des besoins locaux, ce qui provoque des inquiétudes en milieu rural.

Comment le Gouvernement compte-t-il accompagner La Poste à retrouver un équilibre budgétaire sans porter atteinte au maillage territorial ? (M. Jean-François Longeot applaudit.)

M. Joël Giraud, secrétaire d'État.  - Vous avez raison : La Poste doit repenser son modèle pour tenir compte des conséquences de la crise et des nouveaux usages.

Le service postal universel accuse un déficit massif : 1,5 milliard d'euros en 2020. Le maintien des 17 000 points de contact n'est pas intégralement compensé mais le reste à charge pour l'entreprise a diminué en dix ans, de 152 à 57 millions d'euros. La loi de finances 2021 prévoit une dotation de 66 millions d'euros pour soutenir cette mission.

Les transformations récentes sont à saluer. Le Gouvernement a missionné Jean Launay, ancien député du Lot, pour élaborer des propositions, et Philippe Wahl, patron du groupe La Poste, a présenté les premières pistes devant l'Association des maires de France (AMF).

Chacun sait que le service postal ne pourra être conservé tel quel. Mais une implantation territoriale large doit être conservée. Il faudra regarder avec l'AMF si le contrat de présence postale est toujours réaliste... Comptez sur moi pour veiller à ce que La Poste continue de remplir sa mission d'aménagement du territoire.

M. Ronan Dantec .  - Selon une étude de l'Association des maires ruraux parue en mars, les difficultés d'accès aux médecins deviennent critiques dans de nombreuses zones rurales. On observe une baisse spectaculaire de la densité médicale et une concentration des médecins dans les principales villes.

Chiffre parlant, l'espérance de vie des hommes est inférieure de 2,2 ans à la campagne par rapport à la ville ! Il n'y a plus d'égalité face aux soins, ce qui contribue au désaménagement du territoire et nourrit la rancoeur des ruraux face à ce qu'ils perçoivent comme une démission du politique. Même des régions attractives perdent des généralistes, comme à Ancenis, à 40 kilomètres de Nantes. Et la situation ne fait que se dégrader.

Il n'y plus de place pour les demi-mesures, monsieur le ministre : le Gouvernement envisage-t-il de véritables actions, non seulement incitatives mais contraignantes, pour mettre un terme à ce scandale français ? (Applaudissements sur les travées des groupes UC et INDEP)

M. Hervé Maurey.  - Très bien !

M. Joël Giraud, secrétaire d'État.  - Huit des 181 mesures de l'Agenda rural relèvent de la politique de santé publique, et je travaille avec le ministre de la Santé sur la politique d'aménagement du territoire en la matière.

Des médecins salariés ainsi que 1 545 assistants médicaux ont été recrutés en zone rurale, mais vous comprendrez qu'en cette période de pandémie, l'ARS peine à les redéployer. Certains départements ont contribué en mettant en place des dispensaires avec des médecins salariés qui redeviendront libéraux à terme - nous vous proposerons de légiférer sur ce point.

Le déploiement d'internes en zone rurale se poursuit, avec des indemnités revalorisées à 900 euros et un forfait hébergement. Je crois beaucoup à cette mesure qui a fait ses preuves dans des territoires de montagne que je connais bien.

M. Ronan Dantec.  - Encore des demi-mesures... Pourtant, les centres de santé perdent aussi des médecins et les projections montrent que le pire est devant nous ! Il n'y a pas d'autre solution que de réguler les installations, comme on le fait dans d'autres professions. (M. Hervé Maurey approuve.) Malheureusement, c'est un tabou français, et les lobbies s'activent... (Applaudissements sur les travées du groupe SER et sur plusieurs travées des groupes UC et INDEP)

M. Frédéric Marchand .  - La France métropolitaine possède près de 3 000 kilomètres de frontières terrestres. Au fil du temps, les territoires transfrontaliers ont élaboré des outils et instances de gouvernance pour coordonner les politiques d'aménagement.

Je pense à l'Eurométropole Lille-Kortrijk-Tournai et à son projet de Parc bleu, avec ses 5 440 kilomètres de cours d'eau dont 300 kilomètres de voies navigables.

La coopération transfrontalière sera renforcée par le projet de loi 4D, qui donnera plus de marges de manoeuvre aux territoires en permettant des adaptations au cas par cas pour des projets précis. Cette loi reconnaitra-t-elle les expérimentations menées dans les territoires transfrontaliers ? Facilitera-t-elle la coordination autour d'un projet de développement territorial ?

M. Joël Giraud, secrétaire d'État.  - La différenciation, principe sur lequel est fondé le projet de loi 4D, bénéficiera notamment aux territoires transfrontaliers. Une mission a été confiée sur le sujet à Christian Rock au sein de l'ANCT.

Le Gouvernement envisage des mesures complémentaires qu'il soumettra au Conseil d'État dans le cadre d'une saisine rectificative : adapter les schémas régionaux de santé aux enjeux transfrontaliers pour améliorer la coordination des soins, renforcer la concertation à l'échelle d'un bassin de vie, permettre à des collectivités étrangères limitrophes d'être associées à l'élaboration de documents d'urbanisme et de participer au capital de sociétés publiques locales, dans la limite de 50 %, comme cela existe déjà pour les sociétés d'économie mixte (SEM).

Mme Guylène Pantel .  - « Lozère : les enfermés du Gévaudan », titrait Le Monde en 1982, évoquant « la pauvre Nationale 88 »... En 2018, Élisabeth Borne présentait sa loi d'orientation des mobilités (LOM), assortie d'un plan de désenclavement comportant une vingtaine d'itinéraires routiers prioritaires - qui n'ont pu être inscrits dans le texte de la loi. Le rapport annexé prévoit 1 milliard d'euros sur dix ans au sein des contrats de plan État-région (CPER), ce qui est très insuffisant au regard des besoins. La Lozère devrait toutefois bénéficier de l'effort de rénovation du réseau national non concédé traversant les départements non desservis par le rail - mais le projet de CPER 2021-2027 accorde peu de place aux investissements nouveaux, qu'il s'agisse de la mise en deux fois deux voies de la RN88 ou du contournement de Langogne.

Maryse Carrère pourrait dire la même chose pour la RN21 entre Tarbes et Lourdes.

Comment le Gouvernement envisage-t-il de financer l'aménagement des routes nationales prioritaires ?

M. Joël Giraud, secrétaire d'État.  - La RN88 a été coupée en tronçons dans votre département. Le CPER Occitanie prévoit 595 millions d'euros, dont 80 millions d'euros pour les réseaux routiers ; Son volet mobilité a été prolongé jusqu'en 2022 pour achever les projets prévus.

Signé le 16 janvier par le Premier ministre, le CPER constitue une première étape de l'engagement coordonné de l'État et de la région. Son contenu sera précisé courant 2021, en concertation avec les élus locaux. Une nouvelle programmation financière pour les infrastructures de transports sera établie en 2023 ; elle concernera notamment les routes nationales prioritaires comme la RN88.

Les priorités fixées dans ce cadre devront être cohérentes avec la LOM et les démarches spécifiques en cours, tels que les protocoles sur les lignes ferroviaires de desserte fine du territoire.

Mme Marie-Claude Varaillas .  - Je m'inquiète du sentiment d'abandon du monde rural. Malgré les promesses du Grand Débat, l'État continue de fermer des services publics : trésoreries, bureaux de poste, gares, classes voire écoles.

Les agriculteurs voient leurs revenus baisser, les PME tentent de survivre, les collectivités territoriales peinent à répondre aux besoins de la population et la sous-densité médicale s'aggrave. En Dordogne, on compte à peine 8,3 médecins pour 10 000 habitants, un niveau largement inférieur aux moyennes régionale et nationale, et 35 % de ces praticiens ont plus de 60 ans. La désertification médicale affecte l'attractivité des territoires ruraux, alors que la suppression du numerus clausus n'aura pas d'effet avant plusieurs années.

Comment le Gouvernement compte-t-il lutter contre la désertification médicale ? Ne peut-on contraindre les nouveaux praticiens à exercer dans les territoires déficitaires durant quelques années ? Comment développer le réseau des centres de santé pour tous nos concitoyens ?

M. Joël Giraud, secrétaire d'État.  - L'encadrement des internes lors de leur déploiement en zone rurale est déterminant. Un décret est en préparation au Conseil d'État et déjà, des maîtres de stages supplémentaires seront recrutés pour la rentrée 2021. L'indemnité est revalorisée de 50 %.

Mais en attendant l'effet du numerus clausus, il y a un effet ciseau problématique. Depuis la loi d'accélération et de simplification de l'action publique (ASAP), 29 protocoles locaux autorisent des professionnels non médecins - pharmaciens, kinésithérapeutes, ou infirmiers notamment - à intervenir dans certains cas à la place du médecin.

Les communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS) évitent le recours à la garde en soirée par une meilleure organisation en journée. En septembre 2020, 584 CPTS étaient identifiées.

La télémédecine se développe également grâce notamment au remboursement à 100 % des téléconsultations, sous réserve de respect du parcours de soins. Elle fait aussi partie des solutions proposées par l'Agenda rural.

Mme Marie-Claude Varaillas.  - Nos territoires ruraux ont de formidables atouts. Nous veillerons à ce que la loi 4D réduise les inégalités territoriales et sociales, pour garantir la cohésion territoriale.

M. Jean-François Longeot .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC ; M. Franck Menonville applaudit également.) Je me réjouis de ce débat. La commission de l'aménagement du territoire et du développement durable organise un cycle d'auditions sur ce sujet. Il faut continuer à porter des propositions concrètes en tenant compte des conséquences de la crise sanitaire.

Quelles sont les priorités du Gouvernement ? De nombreuses initiatives, comme Action coeur de ville, Petites villes de demain ou Territoires d'industrie, sont positives mais nos concitoyens les connaissent peu.

Comment assurer l'égalité entre territoires face à la métropolisation ?

Comment garantir un accès aux soins satisfaisant dans tous les territoires et rapprocher l'offre de soins des besoins de la population ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC)

M. Joël Giraud, secrétaire d'État.  - Le Gouvernement n'oppose pas ville et campagne. Des métropoles fortes et prospères sont un atout si nous oeuvrons pour un rééquilibrage. C'est le rôle de l'ANCT et de l'Agenda rural.

Les projets alimentaires territoriaux (PAT) et les contrats de réciprocité illustrent bien la coopération entre villes et campagnes. Les PAT sont une riposte à l'agri-bashing et ont des effets visibles sur le terrain. Je constate le même engouement lorsque j'inaugure un espace France Services ou que je participe à la signature d'une convention Petites villes de demain.

Nos programmes d'appui fonctionnent et nous réfléchissons à un nouveau programme élargissant les prestations d'ingénierie de l'ANCT pour les communes de montagne.

Les technologies numériques sont une opportunité pour améliorer l'offre de soins. Avec la crise de la covid-19, le nombre de téléconsultations est passé de 50 000 à 2 millions par mois. C'est un outil très intéressant, notamment pour des spécialités quasiment absentes des zones rurales comme la dermatologie.

M. Jean-François Longeot.  - La commission de l'aménagement du territoire et du développement durable a émis de nombreuses propositions, qui n'ont pas toutes été suivies.

Il a fallu le coronavirus pour développer la télémédecine. Espérons que celui-ci disparaitra, mais que les téléconsultations se poursuivront, de même que les délégations à certains professionnels de santé.

M. Joël Bigot .  - Les élus locaux, notamment ligériens, sont sur le pont pour gérer le risque d'inondation, de plus en plus fréquent. La loi de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles (Maptam) a transféré aux intercommunalités la gestion des digues non domaniales en janvier 2018, et celle des digues domaniales est prévue à partir de janvier 2024. En Maine-et-Loire, cela concerne 135 kilomètres de digues dont 42 relèvent de l'État. Celui-ci s'était engagé à réaliser des travaux avant de rétrocéder les digues. En mars 2019, Mme Wargon avait promis une collaboration étroite avec les collectivités durant la période transitoire jusqu'en 2024 pour gérer les ouvrages, réaliser les travaux de renforcement ou préparer des dossiers d'autorisation des systèmes d'endiguement. En réalité, ces travaux sont insuffisants et trop peu financés. La taxe pour la gestion des milieux aquatiques et la prévention des inondations (Gemapi), même au plafond de 40 euros par habitant, ne suffira pas. Un rapport de l'Inspection générale de l'administration (IGA) et du Conseil général de l'environnement et du développement durable (CGEDD) vous alertait déjà en novembre 2018.

L'État tiendra-t-il ses engagements financiers ? Ne peut-on créer un fonds de compensation pour réduire les inégalités de traitement entre les digues domaniales et non domaniales ?

M. Joël Giraud, secrétaire d'État.  - La loi Maptam a créé une nouvelle compétence exclusive et obligatoire de Gemapi au profit des EPCI, devenus gestionnaires des ouvrages de protection depuis le 1er janvier 2018. Un système transitoire a été prévu pour les digues de l'État et celles appartenant à une personne morale de droit public : l'État en assure la gestion jusqu'en 2024. Une convention précise les moyens matériels et humains dédiés, sachant que les intercommunalités peuvent en reprendre la gestion avant 2024.

Le financement de ces ouvrages relève de la taxe Gemapi, facultative et d'une redevance pour service rendu. Le fonds Barnier peut être mobilisé pour réaliser des études ou des travaux dans les territoires à risque, de même que le dispositif Aqua prêt de la Caisse des dépôts, doté de 2 milliards d'euros.

M. Joël Bigot.  - C'est insuffisant. Une commune de 60 000 habitants est protégée par une petite digue dont la restauration couterait un milliard d'euros ! On ne peut laisser les collectivités territoriales sans soutien financier.

M. Stéphane Sautarel .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) La politique d'aménagement du territoire a d'abord relevé d'une planification dirigiste d'État puis d'une décentralisation. Mais aujourd'hui, ce sont des demi-mesures, des renoncements et des tentatives de recentralisation.

Le Premier ministre a prononcé vingt-cinq fois le mot « territoire » dans son discours de politique générale, mais cela reste une abstraction. Il s'agit pourtant d'individus qui ont le droit de disposer d'un cadre de vie et d'infrastructures pour vivre librement, en sécurité et en fraternité.

Métropoles et banlieues concentrent les moyens sans que les problèmes n'y soient réglés. Dans les territoires ruraux, les habitants demandent certes de la mobilité, du très haut débit, du logement et des emplois, mais surtout des services de santé et d'éducation. Ils respectent les règles et attendent d'être traités avec respect.

Les élus locaux ont multiplié les incitations pour attirer des médecins généralistes, des stagiaires ou créer des maisons de santé, mais seriez-vous prêt à soutenir une politique plus coercitive d'installation après l'internat dans certains territoires ?

M. Joël Giraud, secrétaire d'État.  - Le volontarisme des collectivités territoriales et l'action de l'État ont donné des résultats dans le Cantal, département que je connais bien, grâce aux maisons France Services ou au programme Petites villes de demain.

J'ai parfois l'impression d'être le ministre de la Santé dans ce débat... La coercition n'a jamais fait florès en matière médicale. Les lobbies sont puissants, et jamais aucune mesure en ce sens n'a été adoptée au Parlement.

Plusieurs mesures du projet de loi 4D visent à répondre aux besoins en santé des territoires. Les élus seront plus présents dans la gouvernance des agences régionales de santé (ARS). Les collectivités territoriales pourront investir dans les établissements de santé, en sus des 19 milliards d'euros du plan de relance, et auront des compétences pour gérer des centres de santé. Nous devons renforcer l'encadrement juridique pour aider les collectivités qui le souhaitent à mener ces politiques publiques.

M. Stéphane Sautarel.  - La santé, comme l'éducation, est un sujet brûlant : des classes ferment dans des territoires pourtant dotés de projets territoriaux d'attractivité. Il faut veiller à la cohérence de ces politiques.

Je conclurai en évoquant l'inquiétude des agriculteurs de montagne, et notamment des éleveurs, devant des annonces contradictoires... (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Hervé Maurey .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) À mon tour d'évoquer l'accès aux soins. Selon une étude de l'Association des maires ruraux de France, l'écart de densité médicale varie de un à trois pour les généralistes et de un à huit pour les spécialistes selon les territoires. Entre six et huit millions de Français habitent dans des déserts médicaux, un chiffre qui augmente ces dernières années.

Cela a pour conséquence une mortalité précoce et coûte entre un et cinq milliards d'euros par an au contribuable : c'est un scandale sanitaire et financier ! La loi de juillet 2019 a déçu, comme les mesures incitatives lancées depuis plusieurs années. Une succession de mesurettes ne font pas des mesures à la hauteur des attentes. Quand allez-vous prendre la mesure du problème et proposer des réponses adaptées ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur quelques travées du groupe Les Républicains)

M. Dominique de Legge.  - Alors qu'on paie autant d'impôts !

M. Joël Giraud, secrétaire d'État.  - Les 181 mesures de l'Agenda rural, dont huit sont dédiées à la santé, ne sont pas des mesurettes ! Nous avons élaboré un guide avec les associations d'élus pour agir localement. J'ai conscience du problème d'accès aux soins. Les territoires qui ont développé très tôt les maisons médicales, et donc la mutualisation, sont dans une situation plus favorable.

Dans le cadre du plan de relance et du Ségur de la santé, 19 milliards d'euros sur dix ans seront investis dans les territoires ruraux dès 2021. Les contrats de relance et de transition écologique (CRTE) présenteront, à cet effet, un avenant consacré à la santé.

M. Hervé Maurey.  - Vos mesures ne sont pas suffisantes. Vous me rappelez Roselyne Bachelot en 2009, promettant que sa loi réglerait tous les problèmes : dix ans après, rien n'a changé !

Toute liberté doit être régulée au nom de l'intérêt général, y compris la liberté d'installation des médecins. (Applaudissements sur plusieurs travées des groupes UC, INDEP, Les Républicains et RDSE)

M. Gilbert-Luc Devinaz .  - Je m'inquiétais en novembre du sort du Cerema, le centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement. Son plan de restructuration, paradoxalement baptisé Cerem'Avenir, réduit ses moyens humains et financiers et obère ses capacités.

Allez-vous pouvoir respecter les objectifs fixés en 2018 en matière de changement climatique ? Comment y faire face au travers d'une politique d'aménagement du territoire ?

M. Joël Giraud, secrétaire d'État.  - Le Cerema dispose de plus de 2 500 agents et 29 implantations dans l'hexagone et outre-mer. Il va recentrer son activité sur six domaines, avec le changement climatique comme fil rouge. Il est complémentaire de l'ingénierie locale. Il opère pour le compte de l'État et de nombreuses collectivités. Il est ainsi intervenu après la tempête Alex dans les vallées de la Roya et de la Vésubie pour sécuriser les installations et reconstruire.

Il intervient aussi dans la mise en oeuvre des programmes Action Coeur de ville et Petites Villes de demain, et aux côtés de l'ANCT dans la mise en oeuvre des contrats de relance et de transition écologique.

Son modèle économique est celui de la subvention pour charge de service public. Les collectivités territoriales ont droit à quelques jours d'expertise gratuite ou ne payent que 50 % du coût de ses interventions.

La politique d'aménagement du territoire doit tenir compte des conséquences du changement climatique et du risque d'événements extrêmes ; le Cerema apportera les connaissances scientifiques et techniques nécessaires à l'élaboration de projets territoriaux durables qui intègrent les préoccupations environnementales.

M. Gilbert-Luc Devinaz.  - Je ne suis pas en désaccord mais, sur le plan budgétaire, votre Gouvernement assèche le Cerema : pourra-t-il encore assumer ses missions ? Y aura-t-il encore des maçons pour réaliser l'oeuvre architecturale ?

M. Jean-Claude Anglars .  - L'activité économique est vitale pour le bassin de vie. Les entreprises de pointe implantées en milieu rural sont souvent les principaux employeurs sur nos territoires, comme Bosch ou SAM dans mon département de l'Aveyron. Ces entreprises ont bénéficié d'aides publiques - or on nous annonce la suppression de mille emplois et l'arrêt des chaînes de production sur ces deux sites aveyronnais.

La politique d'aménagement du territoire est un échec, car elle manque de cohérence. En 2019, le ministre se disait favorable à ce que les véhicules diesel les moins polluants bénéficient de la vignette Crit'Air1 ; finalement, il les a exclus de l'aide à l'achat. On voit le résultat sur le terrain ! Comment réindustrialiser durablement nos territoires ?

M. Joël Giraud, secrétaire d'État.  - L'industrie est un enjeu majeur pour l'aménagement du territoire. C'est pourquoi nous avons lancé, avec Agnès Pannier-Runacher, le programme Territoires d'industrie en novembre 2018, fondé sur un pilotage partenarial entre l'État et les collectivités territoriales.

Quelque 148 territoires d'industrie ont fait émerger plus de mille projets. Un fonds de 400 millions d'euros pour l'industrie est prévu dans le cadre du plan de relance et sera prochainement doté de 300 millions d'euros supplémentaires. Le territoire d'industrie Aurillac-Figeac-Rodez a été largement soutenu dans ce cadre. Certes, il y a des défaillances d'industrie mais les outils sont là.

Mme Angèle Préville .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Monsieur le ministre, vous êtes récemment venu dans le Lot. Si j'avais pu vous parler lors de votre venue dans la communauté de communes Causses-Vallée de la Dordogne, je vous aurais dit que nous manquons de médecins et surtout de spécialistes : toute Française doit avoir accès à un gynécologue. Pour 48 000 habitants, il n'y en a qu'un seul, alors que la moyenne française est de huit. Cela induit de graves manquements dans le suivi.

L'Occitanie, surdotée il y a dix ans, est désormais sous-dotée. Or 70 % des médecins partiront à la retraite d'ici 2026 et le nombre de seniors dépendants augmentera de 60 %. Et les jeunes médecins assurent moins de consultations que leurs ainés... Si l'on ne fait que remplacer les départs à la retraite, la fracture sanitaire continuera à s'accentuer.

La formation d'un médecin, quasi-gratuite, coûte 150 000 euros, or les praticiens continuent de s'installer dans les zones surdotées. L'aménagement du territoire n'implique-t-il pas de répondre aux besoins des habitants ? Où en êtes-vous du déconventionnement ?

M. Joël Giraud, secrétaire d'État.  - Si vous l'aviez sollicité, je vous aurais volontiers accordé un entretien lors de mon déplacement dans le Lot. Dans le cadre des maisons de santé, des financements spécifiques sont prévus pour accueillir des bureaux nomades de spécialistes. Je l'ai moi-même prévu dans une commune de montagne de moins de 800 habitants, pour de la radiologie, afin de désengorger les hôpitaux.

Il faut des projets territoriaux pour permettre ces implantations. L'augmentation du numerus clausus n'apportera pas une réponse immédiate mais c'est un premier pas.

Mme Angèle Préville.  - Nous attendons des résultats concrets. Comment décliner vos propositions sur les territoires ?

Mme Patricia Demas .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Alors que les projets de loi Climat et résilience et 4D arrivent prochainement au Sénat, nous débattons de l'avenir des espaces ruraux. Lutter contre l'artificialisation des territoires est nécessaire, mais sans les mettre sous cloche. Or l'État veut réduire, voire interdire l'utilisation de l'espace.

La ruralité est attractive, la crise sanitaire a confirmé l'engouement des Français pour une meilleure qualité de vie : c'est une opportunité à saisir !

Une petite commune des Alpes-Maritimes a accueilli des familles dans des logements vacants pour sauver son école : c'était du gagnant-gagnant, mais une telle démarche est trop rare. Que pensez-vous de ces opérations qui résorbent la vacance et permettent de rénover le bâti inoccupé sans construire ?

M. Joël Giraud, secrétaire d'État.  - Les territoires dits détendus concentrent 74 % du parc privé vacant. Le Gouvernement s'est engagé pour la revitalisation de ces territoires, et la rénovation des logements fait partie des politiques d'attractivité que nous développons, tout en luttant contre la consommation d'espaces naturels.

Depuis septembre 2020, le programme Petites villes de demain organise des opérations de revitalisation de territoire dans toutes les communes rurales.

Notre objectif est que chaque commune soit couverte par ce dispositif qui comprend la mise en oeuvre du Denormandie ancien, le renforcement du droit de préemption urbain et la rénovation des commerces. Il suffit que la commune ait une stratégie. Grâce au projet de loi 4D, nous pourrons nous attaquer aux verrues dans les centre-bourgs. Le plan de relance prévoit en outre 300 millions d'euros pour combler les déficits des opérations de recyclage ou de rénovation d'îlots.

Enfin, un plan de lutte contre la vacance permet d'accompagner les propriétaires.

Mme Patricia Demas.  - Il faut aller plus loin car des petites communes sont isolées et font face à la complexité administrative. Donnons-leur de nouveaux moyens.

M. François Calvet .  - Le sommet de Montauban, le 15 mars dernier, a annoncé le renouveau de la coopération franco-espagnole. Le traité de Bayonne de 1995 et l'accord de 2010 de création de l'Eurodistrict catalan pourraient être mieux utilisés. L'hôpital de Cerdagne, la station d'épuration, l'abattoir, les routes patrimoniales transfrontalières sont des exemples de coopérations réussies. Il reste beaucoup à faire. Le projet de loi 4D facilitera-t-il le développement de ces coopérations, avec par exemple une université ?

M. Joël Giraud, secrétaire d'État.  - Le projet de loi 4D repose sur la différenciation : la piste que vous ouvrez est très intéressante. Une saisine rectificative du Conseil d'État porte d'ailleurs sur la coopération transfrontalière.

La frontière franco-espagnole s'étend sur 600 kilomètres et couvre cinq départements. La très grande majorité de ces territoires sont montagneux. Les coopérations transfrontalières se développent aussi dans le cadre européen.

Le sommet de Montauban a prévu d'accélérer ces coopérations, avec une nouvelle stratégie franco-espagnole sur de nombreux domaines : décongestion des passages transfrontaliers, mutualisation d'équipements, biodiversité, coopération numérique mais aussi accès aux services publics.

M. François Calvet.  - Notre pays compte 2 913 kilomètres de frontières avec huit pays. Ce sujet a toute sa place dans la loi 4D.

M. Dominique de Legge .  - Le 15 octobre dernier, vous répondiez à Guillaume Chevrollier, à propos d'Orange : « Plusieurs déplacements officiels m'ont permis de constater les manquements que vous signalez à juste titre » et renvoyiez sur M. Cédric O.

Les poteaux ne tiennent plus, les fils téléphoniques sont à terre, personne ne répond au bout du fil alors que les délais ne sont pas respectés... Sans attendre la 4G, même les ruraux doivent pouvoir accéder au télétravail et au service universel ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Jean-Paul Prince applaudit également.)

M. Joël Giraud, secrétaire d'État.  - Une mission flash a été confiée à la députée Célia de Lavergne, dont les recommandations ont été transmises à Orange et à Cédric O.

Une première réunion avec le PDG d'Orange a eu lieu, une deuxième est programmée. Un plan d'action complet devrait être établi d'ici fin mars, avec l'accélération du déploiement de la 4G et un rattrapage ou une réparation des réseaux.

Cédric O devrait faire des annonces, notamment au profit des dix départements particulièrement en difficulté.

M. Dominique de Legge.  - Quel jour sommes-nous ? La fin du mois est proche ! Comme pour la vaccination, en huit jours, vous rattraperiez tout ? Les élus ruraux sont exaspérés face au sentiment d'impunité d'Orange et les citoyens se sentent abandonnés. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; MM. Jean-Paul Prince et Christian Bilhac applaudissent également.)

Mme Laurence Garnier .  - Alors que 79 % des Français vivent en ville, 80 % d'entre eux voudraient vivre à la campagne. En Loire-Atlantique, nous avons reçu 200 000 personnes supplémentaires en mars 2020. Or 82 % des créations d'emplois se font actuellement dans les grandes métropoles. Cela conduit à une fracture sociale qui fut à l'origine de gilets jaunes : les riches habitent près de leur travail ou s'y rendent à vélo, les moins riches habitent pus loin et se déplacent en voiture. D'où aussi une fracture territoriale, avec des villes embouteillées et des territoires ruraux abandonnés, où les services publics ferment.

Il faut que nos villes deviennent des locomotives et non des aspirateurs ! Nous ne voulons pas de la petite maison dans la prairie mais un développement raisonné de nos villes moyennes et de nos centres bourgs. Monsieur le ministre, y êtes-vous prêt ? Dans une société fragilisée où la violence explose partout, l'aménagement du territoire est un vrai levier de cohésion. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Joël Giraud, secrétaire d'État.  - La métropole et la ruralité sont complémentaires et ne doivent pas être opposés. Les espaces urbains sont plus agréables à vivre dans d'autres pays européens -  je pense aux corridors circulaires verts en Allemagne  - mais je ne peux pas réparer ce qui a été fait voilà des décennies.

Les emplois sont concentrés en ville et nos compatriotes préfèrent vivre à la campagne même s'ils ont parfois des demandes plus exigeantes qu'en ville : on m'a ainsi sollicité pour l'ouverture des crèches jusqu'à 21 heures.

N'idéalisons rien : je n'ai pas croisé Heidi dans la rue quand j'habitais à la montagne...

Une étude de l'Institut Montaigne indique que les quinze métropoles de plus de 500 000 habitants représentent plus de 50 % de l'activité économique.

Certains bourgs-centres de banlieue ont des exigences complètement différentes des bourgs-centres isolés. Les programmes nationaux que nous mettons en oeuvre au titre de l'ANCT font du cousu-main pour que les territoires ruraux, quels qu'ils soient, reprennent leur destin en main !

Mme Laurence Garnier.  - Il est urgent de changer de logiciel. Plus on rapprochera les Français de leur travail, plus on réduira les trajets pendulaires, ce qui sera vertueux sur le plan écologique.

M. Louis-Jean de Nicolaÿ, pour le groupe Les Républicains .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Je remercie chacun des participants. Les sujets sont divers, nous l'avons vu.

Je suis perplexe, monsieur le ministre, car vous êtes certes engagé, mais vous ne proposez pas d'actions d'envergure.

La photographie de la France métropolitaine de 2021 est celle d'une polarisation du développement économique sur quinze métropoles ; ailleurs, sur 90 % de la superficie du pays ou vit 70 % de la population, le niveau de vie stagne voire diminue. Ces territoires se sentent toujours plus marginalisés. La ruralité doit être plus attractive. Il faut, pour cela, une différenciation.

L'État doit faire davantage confiance aux collectivités rurales. La contractualisation, prévue par l'agenda rural, doit systématiquement être préférée. Elle est la condition d'un aménagement du territoire concerté et mobilisateur qui exerce un effet contracyclique et pondère les disparités.

La métropolisation doit profiter au plus grand nombre grâce à son rayonnement.

Développons l'offre de formation, la couverture numérique, l'écomobilité.

L'ANCT doit être renforcée pour aider les territoires à mieux appréhender l'enchevêtrement et la complexité des dispositifs. En particulier, l'Agence doit aider les territoires les moins denses à développer leur potentiel propre.

Dans notre rapport, nous disions déjà qu'il fallait rétablir un véritable État stratège, régulateur, pilote de l'aménagement du territoire, autour des binômes État-région, et département-commune. Il importe que l'État cesse de fonctionner en silo.

La crise actuelle ne nous laisse plus le choix : une action politique courageuse est nécessaire ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

La séance est suspendue quelques instants.

« Avenir des entreprises assurant les liaisons transmanche »

M. le président.  - L'ordre du jour appelle le débat sur « l'avenir des entreprises assurant les liaisons transmanche », à la demande du groupe Union centriste.

M. Michel Canevet, pour le groupe Union Centriste .  - L'Union centriste a souhaité ce débat sur les enjeux maritimes, car la France doit avoir une ambition forte en la matière. Nous avons apprécié la création d'un ministère dédié à la mer mais nous devons mener des actions à la hauteur de l'importance de notre domaine maritime, le deuxième au monde.

Penmarc'h, le port près duquel j'habite, fut au XVe siècle un grand port de commerce.

C'est sous Louis XIII - comment, au Palais du Luxembourg, ne pas s'en souvenir ? - que fut créée la marine d'État. Notre histoire maritime est longue et diverse.

Pour toute la façade nord du pays, les relations avec la Grande-Bretagne sont essentielles. Dès 1828, les oignons de Roscoff étaient vendus en Grande-Bretagne par les Johnnies.

Créée en 1972, la compagnie Bretagne-Angleterre-Irlande était prête au 1er janvier 1973, lorsque le Royaume-Uni intégra la Communauté économique européenne, pour acheminer les productions bretonnes et les voyageurs au Royaume-Uni.

En 1994, le tunnel sous la Manche a facilité les échanges avec les Britanniques.

Les activités se sont développées jusqu'en 2016, date du référendum sur le Brexit, source de difficultés et d'incertitudes. En outre, la pandémie a fortement touché les opérateurs transmanche, français pour l'essentiel.

Brittany Ferries a vu le nombre de passagers baisser de 70 %, DFDS de 60 % et Eurostar de 85 %. Il faut restaurer la viabilité économique des opérateurs transmanche ; ils ne doivent pas être accablés de charges, même si beaucoup a déjà été fait.

Il faudra beaucoup de temps pour absorber les pertes économiques actuelles, malgré les prêts garantis par l'État (PGE) et le chômage partiel.

Un net wage permettrait de prendre en compte le remboursement des charges salariales et de les étaler au-delà de 2022 pour que ces entreprises retrouvent la compétitivité dont elles ont besoin.

Pour avoir un pavillon, il faut aussi former des marins.

Enfin, nos ports doivent devenir de vrais espaces de développement, au même niveau que les ports d'Anvers et Rotterdam.

Les corridors européens décidés à Bruxelles doivent intégrer Saint-Malo, Roscoff et Brest, notamment.

L'aide au verdissement de la flottille est un autre sujet important. Puisse le Fontenoy du maritime être à la hauteur des enjeux !

Nous comptons sur ce débat pour obtenir des réponses.

Mme Annick Girardin, ministre de la mer .  - Le Brexit et la pandémie ont mis à rude épreuve les opérateurs transmanche. Le Gouvernement partage vos préoccupations. Au-delà du Brexit, l'amitié franco-britannique doit rester vive.

Si le secteur du transport a été touché de façon hétérogène par la crise, son volet transmanche a été lourdement impacté : jusqu'à 80 % de passagers en moins.

Les mesures sanitaires empêchent la reprise du trafic mais le Gouvernement français n'est pas inactif.

Le soutien de l'État est assuré, quoi qu'il en coûte - pour reprendre l'expression du Président de la République.

Les PGE soutiennent la trésorerie des entreprises. Les régions aident aussi certains armateurs, et je les en remercie. Le chômage partiel a aussi été activé.

L'État s'est particulièrement attaché à aider les compagnies de ferries.

Le net wage est une aide importante, qui se monte à près de 25 millions d'euros et qui bénéficiera aux compagnies de ferries.

De nouvelles infrastructures ont été nécessaires pour rétablir les contrôles aux frontières. Tous les ports français ont su anticiper le départ du Royaume-Uni de l'Union, je l'ai constaté le 3 décembre à Boulogne-sur-Mer. Ces investissements se montent à près de 20 millions d'euros. Le fonds Brexit contribue à leur financement.

Le gouvernement britannique a annoncé la création de dix ports francs : la France a répondu qu'elle ne resterait pas passive et une mission a été lancée afin d'étudier la mise en place de dispositifs pour améliorer notre compétitivité.

Le transport ferroviaire n'est pas en reste, et Eurotunnel a investi 48 millions d'euros pour le rétablissement des contrôles aux frontières.

Le Brexit crée aussi des opportunités, notamment avec l'Irlande ; des acteurs français s'en sont d'ailleurs déjà saisis. L'entreprise Getlink, qui gère le tunnel sous la Manche, a ainsi demandé à créer des zones de ventes hors taxes sur la partie française de la concession, le port de Calais a fait de même.

Pour Eurostar, le bouclage du plan de sauvetage passe par un effort des actionnaires et une plus grande implication des banques. Les discussions sont en cours et le Gouvernement français prendra sa part à condition que le Royaume-Uni fasse de même.

Depuis octobre, nous travaillons à renforcer la compétitivité de notre marine marchande. Nous voulons aboutir à un pacte de performance avec les armateurs.

Je souhaite que la France mène une vraie politique publique du shipping. Le Fontenoy du maritime permettra de répondre à cette ambition. La France se relance : pour la mer, c'est 650 millions d'euros, dont 200 millions pour les acteurs portuaires, au service notamment de la transition écologique et du report modal. La stratégie portuaire a été le point d'orgue de la dernière réunion du Comité interministériel de la mer (CIMer). (M. Yves Détraigne applaudit.)

M. Jacques Fernique .  - Deuxième secteur le plus émetteur de gaz à effet de serre, les transports ont une lourde responsabilité dans le bilan carbone. Les transports maritimes ont un rôle à jouer, en réduisant la vitesse des bateaux ou en recourant à des carburants alternatifs.

Un fonds d'investissement vert et l'instauration d'une taxe carbone sur les carburants marins et aériens sont des questions à mettre en débat. Comment réduire l'impact environnemental et la consommation des bateaux ? Quelles actions européennes sur ce point ? Seules des actions globales auront des effets significatifs.

Mme Annick Girardin, ministre.  - La transition énergétique du secteur nécessitera des coopérations internationales, public-privé, entre tous les acteurs du système. Le cluster maritime crée une bonne dynamique en la matière.

La charte Sustainable Actions for Innovative and Low-impact Shipping (Sails) vise notamment à réduire le recours aux carburants à forte teneur en soufre ; quatorze compagnies l'ont déjà signée.

Un rapport du Gouvernement au Parlement sur la décarbonation du transport maritime est en cours de finalisation. La propulsion vélique est une autre piste pour la décarbonation que nous suivons de près.

Le fonds maritime vert sera débattu dans le cadre du Fontenoy, en vue d'une concrétisation en juin.

M. Jacques Fernique.  - Ces pistes sont intéressantes, mais il faut des objectifs quantifiables et des calendriers clairs.

Mme Nadège Havet .  - Le recul de 80 % du chiffre d'affaires sur le fret transmanche est très préoccupant. Quant au transport de passagers, il est au plus bas, ce qui fragilise Brittany Ferries.

Je sais le Gouvernement impliqué, notamment sur la gestion du fonds européen Brexit, dont la répartition est contestée. La compagnie Brittany Ferries a bénéficié d'un PGE de 117 millions d'euros. En septembre 2020, le Premier ministre a déclaré que le Gouvernement allait accentuer son soutien en procédant au remboursement des charges sociales de cette compagnie pour l'exercice 2021.

Une approche globale et des perspectives de long terme sont nécessaires à la compétitivité de nos entreprises. Le PGE est remboursable sur une durée de cinq ans ; il serait intéressant que le dispositif relatif aux charges sociales ait la même durée. Cela pourrait se faire dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2022.

Quand paraîtra le décret relatif au remboursement des charges sociales pour 2021 ?

Mme Annick Girardin, ministre.  - Nous resterons aux côtés de Brittany Ferries et DFDS dans la durée, notamment via le PGE et l'activité partielle.

Le dispositif net wage se monte à environ 25 millions d'euros. L'aide sera versée par trimestre. Le décret est en cours d'instruction au Conseil d'État. Début juillet, nous pourrons aider financièrement Brittany Ferries.

Plus généralement, nous veillerons à préserver la compétitivité de tous les armateurs français, notamment dans le cadre du Fontenoy de la mer.

M. André Guiol .  - Avec 5 000 kilomètres de côtes métropolitaines, la France a l'une des plus grandes façades maritimes européennes, mais l'activité de ses ports n'est pas à la hauteur. Ainsi, le port du Havre ne représente qu'un quart de l'activité containers de ceux de Rotterdam, Anvers ou Hambourg.

Pourtant, avec ses 65 millions d'habitants, la France est un marché d'importance. Ce déséquilibre interroge. Il faudrait des investissements massifs sur le long terme. Quelle est la stratégie du Gouvernement pour le développement de nos ports, à l'heure du Brexit, de la crise sanitaire et de la montée des enjeux environnementaux ? Vers quels secteurs porter nos efforts ? Notre pays ne tire pas pleinement parti de l'atout que constitue sa façade maritime exceptionnelle. La mer a un rôle à jouer dans notre redressement économique !

Mme Annick Girardin, ministre.  - Avec Jean-Baptiste Djebbari, nous voulons construire une stratégie maritime à l'horizon 2050 avec l'ensemble des acteurs portuaires français. Dès 2030, la France doit être le premier port d'Europe.

Pour cela, il faut créer une dynamique forte par façade. Il faut des ambitions, mais aussi donner du sens et de la cohérence à nos actions. Le ministère de la Mer est celui des usages, des usagers et de la planification. Oui, la France sera demain une grande puissance maritime !

M. André Guiol.  - Nous avons des atouts ; élaborons une vraie stratégie pour en tirer parti.

Mme Céline Brulin .  - Le Brexit et la crise sanitaire ont fragilisé le trafic transmanche. Pourtant, aucune aide spécifique n'a été déployée pour l'emploi maritime et ses 20 000 salariés ! Les remboursements de cotisations sociales salariales annoncés ne sont pas effectifs et la ligne Dieppe-Newhaven, opérée en délégation de service public par DFDS Seaways, serait exclue du net wage.

Le plan de relance et les contrats de plan État-Régions ne prévoient rien non plus pour les ports. Le fonds de compensation du Brexit bénéficiera peu à la France et ne concernera que les aides étatiques, pas celles des opérateurs ou des collectivités.

Je ne parle même pas des nouveaux dispositifs de contrôle des frontières à mettre en place d'ici un an, dans le contexte du système européen EES (Entry/Exit System).

Allez-vous utiliser le plan de relance pour soutenir le transport transmanche ? Allez-vous demander aux autorités européennes de reporter la réforme des contrôles aux frontières ? Il est urgent d'apporter une aide concrète au secteur face à la concurrence !

Mme Annick Girardin, ministre.  - Le Gouvernement n'est pas inactif -  voyez le net wage, qui sera en place dès juillet. Grâce aux mesures de soutien, le plus difficile est passé, sans licenciements.

L'EES, instauré par l'Europe en 2017 et qui entre en vigueur pour le Royaume-Uni, concerne 33 points de passage en France. Des aménagements et des investissements sont nécessaires. Il reste un peu plus d'un an : nous y travaillons avec les acteurs concernés.

Mme Céline Brulin.  - La ligne Dieppe-Newhaven ne bénéficierait pas du net wage : qu'en est-il ?

Pour l'EES, les acteurs alertent sur l'ampleur des investissements nécessaires : ne peut-on agir dans le cadre du plan de relance ?

Mme Catherine Fournier .  - Les entreprises du secteur transmanche souffrent, et tous nos territoires sont à la peine. Dans le Pas-de-Calais, les entreprises privées assurant le transport transmanche emploient plus de 10 000 personnes ; certaines ont déjà engagé des plans de licenciements et Eurotunnel cherche à maintenir l'emploi en attendant une réponse du Gouvernement.

De plus, il faut contrôler l'effectivité du protocole nord-irlandais pour éviter toute concurrence déloyale. Il est important d'établir un dialogue constructif et direct avec le Royaume-Uni.

Un véritable plan de relance du secteur est aussi nécessaire. Par exemple, l'autorisation du duty free dans les ports et le tunnel ne dépend plus que du Gouvernement. Il faut simplifier les procédures d'entrée sur le territoire français pour les touristes anglais vaccinés. Qu'attendons-nous pour agir avec bon sens ?

Mme Annick Girardin, ministre.  - Eurostar rencontre de lourdes difficultés du fait de la crise sanitaire : son chiffre d'affaires a chuté de 75 % en 2020, malgré un prêt bancaire de 450 millions d'euros et un apport de 210 millions d'euros des actionnaires.

Nous sommes attentifs à la situation, d'autant que de l'entreprise risque de connaître une crise de liquidités au second semestre 2021. Nous mettons tout en oeuvre, avec les Britanniques, pour la soutenir.

Nous agissons massivement en faveur du ferroviaire, auquel les Français sont attachés.

La création de duty free dégagera de nouvelles ressources. Nous veillerons à consolider tous les outils permettant de pérenniser les liaisons et resterons présents sur tous les sujets.

M. Jean-Michel Houllegatte .  - Comme le président du Conseil de surveillance le disait la semaine dernière devant l'assemblée générale, la crise sanitaire s'ajoutant au Brexit, c'est la double peine pour Brittany Ferries. L'entreprise lutte pour préserver ses emplois et son activité.

Certains passagers ne sont pas astreints aux règles sanitaires en vigueur, comme les enfants de moins de 11 ans qui restent en contact avec le personnel navigant et les passagers, ou les chauffeurs routiers qui, depuis le décret du 20 février, n'ont plus besoin de présenter un test négatif s'ils sont restés moins de 48 heures en Grande-Bretagne.

Peut-on envisager d'inclure dans la stratégie vaccinale ciblée les professions exposées comme les salariés du Transmanche ?

Mme Annick Girardin, ministre.  - Vous avez raison, les marins sont des travailleurs essentiels. Les gens de mer ont aujourd'hui l'autorisation de franchir les frontières intérieures et extérieures de l'Union européenne sur présentation de leur carte professionnelle.

La question est examinée en interministériel. J'ai réitéré ma demande que ce public prioritaire soit vacciné rapidement.

M. Jean-Michel Houllegatte.  - Sur le plan économique, l'enjeu de la vaccination n'est pas négligeable. La clientèle britannique est prête à revenir en France dès cet été, nos marins doivent être disponibles pour faire naviguer les bateaux.

M. Jean-François Rapin .  - Face au Brexit, notre secteur maritime a fait preuve d'une belle résilience. Mais la pandémie le plonge dans une situation critique : c'est la double peine, à laquelle s'ajoute la concurrence des grands ports du nord de l'Europe.

L'enveloppe européenne de compensation est injustement répartie ; il faut obtenir le rééquilibrage de ces fonds.

Les investissements liés au Brexit ont été élevés, notamment pour aménager les ports pour les contrôles douaniers. Quelque 20 millions d'euros ont déjà été dépensés, cette somme sera doublée d'ici 2023. Les dépenses réalisées en amont par les opérateurs seront-elles couvertes par la réserve d'ajustement ?

Mme Annick Girardin, ministre.  - Oui, tous les acteurs maritimes ont anticipé le Brexit et ont montré leur résilience face à une situation très difficile.

Mais la crise sanitaire a tout compliqué. Il a fallu de lourds investissements pour s'adapter au Brexit et d'autres suivront. Ces dépenses doivent être compensées par la réserve d'ajustement. Les débats au niveau européen ne sont pas pleinement satisfaisants en matière de répartition entre pays. Nous allons continuer à défendre nos positions pour une réponse à la hauteur de vos attentes !

M. Jean-François Rapin.  - La proposition de résolution européenne adoptée par la commission des affaires européennes la semaine dernière peut vous aider dans cette bataille nécessaire.

M. Jean-Pierre Decool .  - Le port de Dunkerque a compris très tôt que le Brexit pouvait être une opportunité. Les autorités portuaires et les entreprises ont su s'organiser et faire preuve de réactivité, accompagnées par les services de l'État. La distribution a été réorganisée et tous les cas de figure ont été anticipés - même si la signature de l'accord de commerce et de coopération a été un soulagement.

Dunkerque devrait devenir le premier port européen en termes de trafic avec l'Irlande. La connexion avec Douvres ne semble pas endommagée, cependant des effets négatifs sont attendus sur la fluidité du trafic sur l'A16. Nos entrepreneurs demandent des moyens d'alerte dans le cas où l'accord serait bafoué. L'Europe doit pouvoir se défendre et rester unie. À ce titre, la flexibilité des ports belges et néerlandais et la création annoncée de ports francs en Grande-Bretagne doivent nous interpeller.

Quelle est votre position sur la création d'une zone économique spéciale (ZES) autour du port de Dunkerque ? L'avenir de nos entreprises en dépend.

Mme Annick Girardin, ministre.  - Le Royaume-Uni a en effet annoncé la création de dix ports francs. La France ne sera pas en reste, ainsi que nous y invite le Président de la République.

Le Premier ministre a lancé la réflexion sur les zones industrialo-portuaires, qui sont l'équivalent des ZES, lors du CIMer du 22 janvier dernier. Il s'agit d'assurer une meilleure attractivité fiscale et douanière pour les investisseurs et de simplifier la fiscalité et les démarches administratives ; mais des conditions liées à la transition écologique, priorité du Gouvernement, y seront également associées.

Le littoral de Dunkerque est exposé aux conséquences du Brexit, mais également bénéficiaire de nouvelles opportunités, en particulier avec l'Irlande : le port a tout récemment reçu sa dix millième unité de fret du port de Rosslare. Il y a aussi, plus largement, des opportunités pour le financement en matière de shipping.

M. Pascal Martin .  - Les liaisons entre la France et la Grande Bretagne sont vitales à notre économie. Ainsi, la ligne Dieppe-Newhaven, reprise en délégation de service public (DSP) par le conseil départemental de la Seine-Maritime, génère des retombées de 40 millions d'euros par an dans le département, de 82 millions dans la région et de 219 millions au niveau national.

Mais ces dessertes sont précaires et le Brexit remet en cause leur équilibre. Or les liaisons transmanche ne figurent pas dans l'accord. Les collectivités territoriales pourront-elles continuer à les aider ? À ce jour, l'Union européenne a considéré que oui.

Nous sommes dans un équilibre de non-coopération : les Britanniques achètent des capacités de transport pour leurs approvisionnements vitaux. Allez-vous conclure un accord spécifique avec le Royaume-Uni ?

Mme Annick Girardin, ministre.  - Les collectivités ont en effet fait le choix de la DSP, malgré l'absence d'obligation de service public pour cette activité. Le Royaume-Uni et l'Irlande ont apporté un soutien direct à des armateurs, dont certains sont français, pour le maintien des lignes. La France a préféré soutenir les compagnies pour préserver l'emploi.

Un accord spécifique sur les liaisons transmanche avec le Royaume-Uni n'est pas d'actualité, mais nous serons attentifs à toute situation de concurrence déloyale. Il faut combattre le dumping social et environnemental.

M. Pascal Martin.  - Je regrette l'absence d'accord compte tenu des enjeux économiques majeurs.

M. Didier Marie .  - Quand la mer baisse, les rochers montent : voilà, au travers de ce vieux dicton marin, une métaphore de la situation du trafic transmanche, victime de la crise.

La mer qui baisse, c'est l'effondrement du trafic, avec une baisse de 66 % du trafic passager sur la liaison Dieppe-Newhaven, et une baisse du fret malgré l'embellie de la fin 2020. Les compagnies, et notamment DFDS, s'approchent dangereusement des rochers et donc du naufrage si aucune mesure forte n'est prise. Un premier plan social chez DFDS prévoit 151 redéploiements sur les sites de Calais et Dieppe et un licenciement.

Une année touristique blanche se profile. À court terme, un des bateaux assurant la liaison Dieppe-Newhaven pourrait rester à quai, voire les deux, avec leur équipage de 66 personnes. Or la DSP n'entre pas dans le périmètre du remboursement des charges sociales. Le pavillon français est meilleur, mais l'armement d'un ferry 20 à 30 % plus cher. Nous attendons un soutien des liaisons transmanche par le plan de relance et au niveau européen, ainsi qu'une promotion de la destination France auprès du public britannique.

Mme Annick Girardin, ministre.  - La liaison opérée par la compagnie danoise DFDS pour le conseil départemental de Seine-Maritime est en grande difficulté malgré les 26 millions d'euros reçus par an du département, d'autant que, comme vous l'avez dit, l'exonération de charges ne s'applique pas aux DSP.

Nous avons des échanges réguliers avec la compagnie, mais DFDS demeure l'un des armateurs les plus solides en Europe, avec des marges d'investissement importantes. L'entreprise n'a pas demandé un PGE.

Le Brexit est aussi l'occasion de développer les liaisons entre la France et l'Irlande et d'apporter des réponses plus globales sur l'attractivité de nos ports. La société DFDS pourrait bénéficier d'aides dans le cadre du Fontenoy du maritime.

M. Philippe Paul .  - Créée en 1972, Brittany Ferries est devenue le premier transporteur sur la Manche ouest et centrale et le premier employeur de marins français.

La crise sanitaire a fortement affecté le trafic de passagers. Dès le 21 avril 2020, avec mes collègues Allizard, Bas et Bizet, nous avons alerté le Premier ministre sur les difficultés de la filière, et proposé un plan volontariste et ambitieux afin de sauver les entreprises et les emplois. En réponse, le 30 septembre, le ministre délégué aux Transports a annoncé une subvention correspondant au remboursement de 15 millions d'euros de charges à Brittany Ferries.

Cette somme sera-t-elle prochainement versée ? Les compagnies en ont besoin. Cette aide sera-t-elle prolongée ?

Mme Annick Girardin, ministre.  - Le Gouvernement est déterminé à soutenir Brittany Ferries. Malgré la crise sanitaire, notons que le fret se maintient, avec des perspectives favorables pour 2021.

Le net wage, c'est-à-dire l'exonération totale des charges patronales, devrait être mis en oeuvre à partir du mois de mai. Le comité interministériel de restructuration industrielle a adressé un ensemble de demandes à la Commission européenne : un accord d'activité partielle de longue durée pour 19 millions d'euros, un refinancement à 80 % du PGE, un abandon des créances Ademe pour 10 millions d'euros, et enfin une subvention de portage de 20 millions d'euros.

M. Michel Dagbert .  - Le transport de marchandises, ce sont six millions de camions chaque année entre les ports des Hauts-de-France et le Royaume-Uni, soit 70 % des échanges commerciaux entre le Royaume-Uni et l'Union européenne. Il est essentiel à la région.

Calais voit passer chaque année quatre millions de camions et quarante millions de tonnes de marchandises. Le Brexit n'a pas été sans conséquences sur la fluidité du trafic, malgré la création d'une frontière dite intelligente grâce aux nouvelles technologies. Boulogne-Calais a bénéficié de 12 millions d'euros d'investissements pour éviter l'engorgement, et 276 agents ont été recrutés pour le contrôle sanitaire.

Mais quelles mesures seront prises pour fluidifier le trafic et éviter le blocage de l'A16 ?

Calais devient un hub de référence mer-route-fer entre Europe du Nord et du Sud, avec l'inauguration, le 6 novembre 2018, de l'autoroute ferroviaire Calais-Orbassano, et la création, confirmée en janvier, de la ligne ferroviaire Sète-Calais. Comment le Gouvernement entend-il accompagner ces projets ?

Mme Annick Girardin, ministre.  - Quelque 500 agents supplémentaires pour les contrôles, dont 230 vétérinaires et 276 douaniers : la France s'est préparée au Brexit depuis 2019 en y mettant les moyens. Pour éviter les engorgements, nous avons entrepris de créer une frontière intelligente reposant sur un système d'information.

Les conséquences du Brexit ont donc bien été ciblées, et il y a aussi des opportunités, notamment avec l'Irlande. Nous devons être au rendez-vous de la compétitivité et de la transition écologique.

Le réseau fluvial doit être mieux utilisé : 25 millions d'euros seront consacrés à la transition des flottes dans le cadre de conventions entre l'État, l'Ademe et les régions. S'y ajoutent 175 millions d'euros pour les infrastructures ferroviaires dans le cadre du plan de relance.

La stratégie nationale portuaire prévoit une augmentation de 30 % de la part du ferroviaire et du fluvial dans l'acheminement portuaire.

La compétitivité du fret ferroviaire fera l'objet d'un soutien pérenne de 170 millions d'euros par an. Nous préparons l'avenir.

Mme Agnès Canayer .  - « Entre la France et l'Angleterre, la meilleure chose, c'est la Manche... » Ce trait d'humour anglais s'applique bien au Brexit, qui a fragilisé notre entente parfois tumultueuse.

L'annonce par les Britanniques de la création de dix ports francs, dont les huit premiers sites retenus ont été annoncés le 8 mars, a ravivé les tensions. Quand la France disposera-t-elle des mêmes armes que ses concurrents ?

Le Havre doit prendre toute sa part dans le transmanche. L'État s'est engagé dans le transport combiné ; il faut aller plus loin en nous dotant d'outils juridiques et fiscaux, comme les zones franches portuaires.

Vous allez me répondre « mission » et « réflexion » ; mais quand aurons-nous ces ports sur la côte normande ?

Mme Nathalie Goulet.  - Très bien !

Mme Annick Girardin, ministre.  - Nous préférons parler de zones industrialo-portuaires. Je ne puis m'engager sur une date, mais nous devrions pouvoir déployer ces dispositifs d'ici quelques mois.

La création au mois de juin dernier du premier port de France, Haropa, issu de la fusion entre Le Havre, Rouen et Paris, illustre le volontarisme du Gouvernement.

Les investissements dans les ports maritimes - 175 millions d'euros pour le verdissement entre 2020 et 2022 dont 44,6 millions d'euros pour Le Havre - sont conséquents. Nous sommes au rendez-vous des infrastructures et serons au rendez-vous des attentes fiscales, douanières et administratives.

Mme Agnès Canayer.  - Au Havre, la zone industrialo-portuaire existe depuis cinquante ans... Attention à la confusion. Parler de zone franche portuaire serait plus clair.

M. Alain Cadec .  - En 2019, les deux tiers des visiteurs britanniques ont utilisé le transport transmanche, générant des retombées économiques importantes pour notre pays.

La crise et le Brexit ont occasionné une désorganisation du transport sans précédent et des pertes financières majeures tant pour Brittany Ferries, qui a perdu 70 % de ses revenus générés par le trafic passagers, que pour Eurostar qui a perdu 77 % ou DFDS qui a perdu 53 %. Les aides des régions ont évité les faillites.

Il faut désormais prévoir la sortie de crise en fixant un cap clair. Allez-vous préparer un plan de relance spécifique ? Il faudrait que l'État prenne en charge les cotisations sociales et mène des campagnes de promotion.

Mme Annick Girardin, ministre.  - Nous nous sommes préparés à la sortie de crise et à l'après-Brexit en fléchant 650 millions d'euros du plan de relance au profit de l'économie bleue, dont 175 millions d'euros pour les grands ports maritimes.

Avec plus de soixante-dix entretiens particuliers, le Fontenoy a été l'occasion de réfléchir à notre compétitivité maritime. Après un hiatus de trente ans, nous avons à nouveau un ministère de la Mer depuis juillet dernier. Il fallait porter une vision globale de notre ambition comme puissance maritime, mais la mise en cohérence prend nécessairement un peu de temps.

Le net wage est un des éléments de la sortie du Fontenoy, mais il y aura d'autres engagements de l'État. J'attends aussi des engagements forts de la part des acteurs privés afin que la France retrouve sa place parmi les puissances maritimes.

Mme Béatrice Gosselin .  - Le transport transmanche présente un intérêt stratégique et économique majeur. Mais à la crise sanitaire s'est ajoutée une distorsion de concurrence avec les autres pavillons : nos opérateurs sont fragilisés face aux Britanniques, exonérés de cotisations sociales salariales, et aux Danois, dispensés de cotisations sociales salariales et patronales. Ce sont des dispositifs légaux, mais la France ne les utilise pas.

La route vers l'Irlande passait par le tunnel sous la Manche et les routes de Grande-Bretagne. Le Brexit ayant rendu cette route moins rentable, les transporteurs se tournent vers le port de Cherbourg. Pour éviter que cela ne soit qu'un feu de paille, il nous faut une stratégie proactive. Quelles actions allez-vous mettre en oeuvre pour défendre le secteur face à la récente annonce des huit ports francs retenus par le gouvernement britannique ?

Mme Annick Girardin, ministre.  - Ma réponse sera simple : reconquête. Reconquête pour nos ports, reconquête du pavillon français.

Le net wage est une passion française - je n'entends parler que de cela dans cet hémicycle ! - mais ce n'est pas le seul outil qui sera élaboré dans le cadre du Fontenoy. Avec le Brexit, la France a un rôle à reprendre dans le shipping.

Cette reconquête se fera avec tous les acteurs, notamment les collectivités territoriales du littoral et les parlementaires. Notre objectif est d'aboutir à un paquet complet de mesures pour le prochain CIMer de juin.

Mme Béatrice Gosselin.  - Le Brexit a mis nos territoires en grande difficulté, pour la pêche comme pour le transmanche. J'espère que l'État saura les accompagner.

M. Marc Laménie .  - Je remercie nos collègues de l'Union centriste pour ce débat. L'activité ferroviaire est malheureusement en berne. Eurostar a transporté seulement 2,5 millions de voyageurs en 2020, soit 77 % de passagers en moins. Le fret résiste mieux : plus de 1 700 trains ont traversé le tunnel en 2020.

Quelles sont les perspectives pour 2021 et au-delà ?

Mme Annick Girardin, ministre.  - Je tiens à remercier le Sénat pour ce débat et j'appelle de mes voeux un grand débat sur la mer.

Le Gouvernement va accompagner la société Eurostar avec beaucoup d'énergie mais n'oublions pas qu'il s'agit d'une société de droit anglais, avec des actionnaires privés. Le soutien doit être coordonné entre la Grande-Bretagne et la France.

Un quart du commerce avec la Grande-Bretagne transite par le tunnel : le Brexit ne le réduira pas à néant, et il y a une volonté commune d'accompagner les structures concernées. Nos équipes y travaillent activement.

Le soutien au fret ferroviaire est la marque de ce quinquennat, avec plus d'un milliard d'euros de capital investi. L'État et les collectivités territoriales, en particulier les régions, investiront 6,5 milliards d'euros dans les prochaines années pour sauvegarder les lignes capillaires.

L'État stratège est au rendez-vous pour renforcer le transport massifié et développer les interconnexions entre routier, ferroviaire et maritime.

Mme Nathalie Goulet, pour le groupe Union centriste .  - Avec M. Michel Canevet et Mme Nadège Havet, nous avions initialement imaginé une commission d'enquête, puis une mission d'information, avant d'opter pour ce débat. La discussion fut très riche, et nous avons pu entendre des collègues de départements aussi éloignés de la mer que les Ardennes.

Madame la ministre, vos réponses furent plus enthousiastes que véritablement précises, que ce soit sur la fiscalité ou les financements.

Je regrette en outre de ne pas avoir entendu parler de souveraineté. Il faudrait une réponse plus précise sur les duty free évoqués par Catherine Fournier.

Les aides versées devront être bien documentées afin d'éviter que les compagnies historiques, ou les plus importantes, ne soient servies au détriment d'entreprises plus petites ou moins voyantes.

Pour le prochain projet de loi de finances, il serait bienvenu de publier un orange budgétaire sur ce thème, qui relève des ministères de la Transition écologique, des Transports et de l'Économie. Un prochain débat sur les mesures fiscales en direction des opérateurs pourrait être organisé avant le prochain projet de loi de finances. Celui-ci doit avant tout être considéré comme une étape. (Applaudissements sur les travées du groupe UC)

La séance est suspendue à 19 h 20.

présidence de Mme Nathalie Delattre, vice-présidente

La séance reprend à 21 h 30.

Mise au point au sujet d'un vote

M. Franck Menonville .  - Lors du scrutin public n°94 sur la proposition de loi Sécurité globale, M. Claude Malhuret souhaitait s'abstenir.

Mme la présidente.  - Acte vous est donné de cette mise au point. Elle sera publiée au Journal officiel et figurera dans l'analyse politique du scrutin.

Conseil européen des 25 et 26 mars 2021

Mme la présidente.  - L'ordre du jour appelle le débat préalable à la réunion du Conseil européen des 25 et 26 mars 2021, à la demande de la commission des affaires européennes.

M. Clément Beaune, secrétaire d'État chargé des affaires européennes .  - Le Conseil européen se tiendra en visioconférence les 25 et 26 mars prochains. Le Président de la République y participera.

Le premier sujet abordé sera la situation sanitaire et la coordination de la réponse européenne. La priorité est claire : accélérer la campagne de vaccination et augmenter l'approvisionnement en vaccins. Il est essentiel de maintenir le cadre européen d'acquisition des doses de vaccins : ce cadre n'est pas le problème mais la solution. Il faut néanmoins renforcer la pression sur les laboratoires et ne négliger aucun outil, aucun mécanisme pour nous assurer du bon respect des contrats et d'un approvisionnement équitable.

Depuis quelques semaines, est apparu un débat sur le contrôle des exportations de doses de vaccins. À la demande de la France, un mécanisme de contrôle a été mis en place début février, pour nous assurer du respect du principe de réciprocité. Il ne s'agit pas d'interdire les exportations, mais de les contrôler pour que les livraisons depuis l'Union européenne soient équitables, réciproques et vérifiées.

En tirant les leçons de la crise, la Commission européenne a proposé, à la demande de la France, la création d'une agence de santé sur le modèle de la BARDA américaine (Biomedical advanced research and development authority). En finançant en amont, en prenant plus de risques en matière de recherche médicale, les États-Unis ont conquis un avantage décisif dans la campagne de vaccination.

En février, la Commission européenne a donc proposé la préfiguration de l'ERA (European Research Area).

Fermeté, unité et solidarité entre États européens doivent prévaloir. À deux exceptions près, et malgré les tentations, les États membres ne sont d'ailleurs pas sortis de ce cadre, qui est le plus sûr sur le plan scientifique et industriel. Notre intérêt sanitaire et géopolitique est de faire preuve de solidarité, et la République tchèque et la Slovaquie ont ainsi bénéficié de l'entraide européenne.

La solidarité doit aussi être internationale.

Le Président de la République souhaite que le vaccin soit considéré comme un bien public mondial, accessible à tous les pays, quels que soient leurs moyens. Ce sont nos valeurs, c'est aussi notre intérêt. L'initiative COVAX est financée par l'Union européenne à 40%. Elle bénéficie en particulier à l'Afrique.

Nous devons aussi préparer de manière coordonnée l'après-crise et, rêvons un peu, la levée progressive des restrictions. C'est dans ce cadre que, le 17 mars, la Commission européenne a proposé le certificat vert, ou pass sanitaire. Nous devons anticiper dans un cadre européen pour éviter des solutions nationales incohérentes voire contradictoires. Cette solution ne reposerait pas sur le seul vaccin, car à l'été, notre jeunesse notamment n'aura pas eu accès au vaccin. Le pass intégrerait donc la preuve d'un test négatif ou d'infection précédente au Covid.

Ce Conseil européen veillera aussi à renforcer notre économie de l'après-crise, autour d'une autonomie stratégique renforcée. La politique industrielle et le marché unique seront évoqués. Notre politique commerciale doit être ouverte sur l'extérieur mais garantir l'antidumping et l'équité d'accès aux marchés publics.

Nous défendrons l'accélération du plan de relance européen. Le Sénat a voté les ressources propres qui le financeront il y a six semaines, mais quatorze pays européens doivent encore autoriser la ratification.

Le Conseil consacrera un point spécifique à la question du numérique. La France plaide de longue date pour une taxation juste des entreprises numériques. Nous avons décidé il y a deux ans de renvoyer ces travaux vers l'OCDE. S'ils n'aboutissaient pas, malgré les signaux positifs de la nouvelle administration américaine, nous devrons reprendre le fil des discussions dès la fin du premier semestre 2021. Nous attendons une nouvelle proposition législative de la Commission européenne, notamment sur la taxe numérique.

Le Conseil européen sera aussi l'occasion de discuter de l'agenda international.

Le président du Conseil, Charles Michel, a annoncé que le président américain Joe Biden serait connecté jeudi soir pour un échange sur la nouvelle relation transatlantique.

Avant cela, Josep Borrell aura fait un point complet sur nos relations avec la Turquie, après la pression exercée par la France lors du dernier Conseil européen de 2020. Les signaux qu'envoie la Turquie sont ambigus, voire contradictoires. Certains sont positifs, comme la fin des forages illégaux ou le retrait des bateaux en Méditerranée orientale, d'autres sont préoccupants, qu'il s'agisse du paysage politique intérieur ou du retrait annoncé de la convention d'Istambul, que le Gouvernement a vivement regretté. Nous donnerons sans doute jusqu'en juin à la Turquie pour clarifier sa position, mais avons préparé des mesures restrictives si elle faisait le choix de l'escalade.

Même approche de dialogue et de fermeté vis-à-vis de la Russie.

Un point manque : un sommet Union européenne-Inde est prévu en mai et nous voudrions évoquer la stratégie européenne concernant la région indopacifique, qui intéresse tout particulièrement le Royaume-Uni et les États-Unis.

Enfin, un accord sur la conférence sur l'avenir de l'Europe a été trouvé. Le 9 mai, cette conférence sera lancée. Les contributions dureront une année. Nous aurons à débattre des réformes dont la présidence française de l'Union européenne, début 2022, aura à connaître. (M. André Gattolin applaudit.)

M. Christian Cambon, président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées .  - (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et INDEP) Le Conseil européen abordera la nouvelle relation euro-britannique qui est dans une phase critique. Nous devons empêcher la dérive politique et symbolique du Royaume-Uni loin de notre continent.

L'année dernière, Boris Johnson avait remis en cause le protocole irlandais, avant de se raviser in extremis pour arracher un accord commercial, mais les contrôles en mer d'Irlande sont contestés par les unionistes. Et voilà que le Royaume-Uni revient sur sa parole en prolongeant illégalement la dispense provisoire de contrôle sanitaire pour les produits agroalimentaires passant de la Grande-Bretagne à l'Irlande du Nord !

La question de la frontière irlandaise s'est déjà envenimée avec la tentative avortée des autorités européennes d'y contrôler les livraisons de vaccins au Royaume-Uni, mais c'est à juste titre que l'Union européenne exige que les contrats soient honorés. La Commission devrait adresser une mise en demeure vis-à-vis d'AstraZeneca et de ses usines britanniques. L'Europe ne peut accepter de nouveaux retards de vaccination - il en va de la crédibilité des institutions européennes, qui doivent montrer une Europe qui protège et non qui échoue. C'est un enjeu politique considérable.

Rappelons aussi l'importance du Royaume-Uni dans la défense européenne, au moment où les 27 élaborent la « boussole stratégique ».

Jens Stoltenberg, secrétaire général de l'OTAN, se plaît à le rappeler : les membres de l'Union européenne ne représentent plus que 20 % des dépenses militaires des pays de l'OTAN. L'Union européenne doit améliorer sa capacité de défense pour conquérir son autonomie.

Que les États-Unis réinvestissent l'OTAN, tant mieux, mais prenons garde à ce que les Européens ne se laissent pas entraîner dans la dangereuse confrontation entre États-Unis et Chine. L'amitié et la solidarité ne sont pas l'alignement.

Les travaux sur la boussole stratégique offrent peut-être une opportunité. La France doit s'y investir pleinement.

Le Conseil va examiner la vision pour la transformation numérique de l'Europe. Qu'il s'agisse d'intelligence artificielle, de stockage des données ou de cybersécurité, l'enjeu du numérique est fondamental pour l'autonomie stratégique. L'Union européenne peut encore rester dans la course. L'Europe est, enfin, plus lucide sur la menace et l'opportunité que représente le numérique.

Gardons-nous d'envoyer des signaux trop positifs à la Turquie ! Elle a certes retiré l'Oruç Reis de la zone de recherche en mer et entamé des concertations avec la Grèce, mais ses refus d'inspection, son attitude en Libye et en Méditerranée orientale, son retrait de la convention d'Istambul sur les violences faites aux femmes rappellent qu'il faut être sur nos gardes et que derrière les paroles apaisantes, les désaccords de fond sont réels.

Il faudra affiner notre doctrine sur le dossier russe. Vous connaissez la position du Sénat : fermeté mais ouverture au dialogue et défense de nos intérêts économiques.

Monsieur le ministre, vous avez notre confiance mais le chemin est encore long vers une Europe plus forte, plus unie et plus autonome. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et INDEP)

M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Alors que le Conseil européen examinera les priorités pour le semestre européen 2021, la commission des finances est attentive à la mise en oeuvre de la réponse budgétaire de l'Union européenne à la crise sanitaire au regard des perspectives de reprise économique.

La France a rapidement approuvé la décision sur les ressources propres, mais seuls neuf autres États membres en ont fait autant. Or c'est une course contre la montre pour la reprise : tant que le plan de relance européen n'est pas mis en oeuvre, les budgets nationaux restent en première ligne, au risque d'accentuer les déséquilibres macroéconomiques entre États membres. Où sont les blocages ? Le Gouvernement espère-t-il toujours une entrée en application de la décision sur les ressources propres avant l'été ?

Le plan de relance européen, qui n'est pas encore opérationnel, semble à certains insuffisant face aux 1 900 milliards de dollars du plan de relance américain. Il est urgent d'engager les fonds pour que la relance budgétaire européenne ne soit pas reléguée en deuxième division. Pour en bénéficier, les États membres devront faire valider leur plan national pour la reprise et la résilience. Quel sera le calendrier de sa transmission au Parlement ? Le plan français est-il à la hauteur des critères attendus ?

Le Conseil européen abordera aussi la fiscalité du numérique. Prenant acte de l'échec de 2018, la France a introduit en 2019 une taxe sur les services numériques, mais c'est une solution temporaire, en attendant l'aboutissement des négociations au niveau de l'OCDE.

L'année 2021 pourrait offrir un contexte renouvelé. La Commission européenne doit proposer une redevance numérique d'ici juin ; la question des ressources propres est une incitation sans précédent à progresser. Plusieurs États membres -  Autriche, Italie Espagne, République tchèque - ont mis en place une taxation GAFA à la française, mais les divergences entre États membres persistent et l'articulation avec les négociations de l'OCDE reste floue. Envisageons-nous une solution européenne subsidiaire ou complémentaire ? Question centrale, alors qu'un accord semble de nouveau possible à la faveur du changement d'administration américaine.

Monsieur le ministre, quel message la France entend-elle porter sur ce sujet ? Peut-on espérer des progrès par rapport au dernier Conseil ? (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, INDEP et RDSE)

M. Jean-François Rapin, président de la commission des affaires européennes .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) La commission des affaires européennes a souhaité revenir au principe d'un débat préalable au Conseil européen, qui laisse aux groupes politiques plus de temps pour exposer leurs positions ; je me réjouis que la formule ait été acceptée par le groupe de travail sur la modernisation de nos méthodes de travail présidé par la Mme Gruny. Après le Conseil européen, notre commission entendra le ministre en charge des Affaires européennes pour qu'il lui en rende compte.

Le sommet des 25 et 26 mars se déroulera une nouvelle fois par visioconférence.

La réponse à la dégradation de la situation sanitaire est la priorité absolue. Nous devons maximiser l'approvisionnement en vaccins. Nous devons d'abord augmenter le plus possible notre capacité de production industrielle. Nous auditionnerons le commissaire Thierry Breton, dont je salue le travail, la semaine prochaine. Il faut ensuite contrôler davantage les exportations européennes de vaccins.

L'Union européenne ne les a bloquées qu'une seule fois, la semaine dernière : est-ce suffisant ? Nous devons à nos concitoyens les vaccins dont ils ont besoin. Il ne s'agit pas de fermer nos frontières mais d'appliquer un principe de réciprocité, pour que l'Europe ne soit pas seule à supporter l'inconséquence de fabricants incapables d'honorer leurs contrats. Car sans vaccination, nos libertés restent confinées et la relance de l'économie européenne reste une chimère.

Le projet de certificat vert numérique doit faire l'objet d'un travail approfondi. Notre commission proposera une résolution européenne sur le sujet la semaine prochaine.

Sans revenir sur les autres points à l'ordre du jour, je tiens à saluer la prise de conscience de l'importance de l'autonomie stratégique européenne. La Commission a entrepris d'analyser nos dépendances stratégiques et pas seulement dans le domaine pharmaceutique. Terres rares, batteries, microprocesseurs : l'Union européenne ne sera jamais autosuffisante. Elle doit construire des stratégies, en s'appuyant sur son voisinage et en s'assurant la maîtrise du volet logistique.

Les projets importants d'intérêt européen commun (Piiec), qui permettent de déroger aux règles de concurrence, sont une opportunité qu'il faut exploiter.

Il faudra aussi renforcer le rôle international de l'euro, clé de l'autonomie européenne. Pourquoi pas une banque européenne du commerce extérieur pour sécuriser nos entreprises à l'international contre les sanctions extraterritoriales ? (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et INDEP, ainsi que sur plusieurs travées du groupe SER)

M. André Gattolin .  - Une petite mésaventure m'est arrivée hier : j'ai constaté que certains documents préparatoires au Conseil européen n'étaient disponibles qu'en... English ! (Mme Catherine Morin-Desailly s'en offusque.)

Mme Pascale Gruny.  - Ce n'est pas normal !

M. André Gattolin.  - Je devrais y être habitué, depuis 40 ans que je m'intéresse aux questions européennes ! Il est de plus en plus fréquent que nos interlocuteurs ne puissent s'exprimer qu'en anglais. Je suis pour le plurilinguisme et opposé à ce monolinguisme de fait, cet anglais techniciste, dénué de toute richesse sémantique et syntaxique. (M. Bruno Sido approuve.)

Au sortir d'une semaine consacrée à la francophonie, je suis choqué par ce non-respect quasi-systématique des obligations en matière de plurilinguisme. Rappelons que l'Union compte 24 langues officielles, et que l'allemand et le français figurent au même titre que l'anglais parmi les trois langues de travail de la Commission et du Conseil !

Mme Catherine Morin-Desailly.  - Bravo!

M. André Gattolin.  - Quand notre pays fera-t-il enfin valoir ses droits linguistiques -  rien que ses droits, mais tous ses droits ?

Mme Pascale Gruny.  - Bravo !

M. André Gattolin.  - Il n'y a plus que deux États membres sur vingt-sept, l'Irlande et Malte, pour lesquels l'anglais est l'idiome maternel. Il faut un changement de cap à l'occasion de la présidence française : que nos dirigeants et représentants ne s'expriment qu'en français ou, à défaut, en allemand ! L'usage de la langue n'est pas que symbolique, il traduit une certaine idée de l'appartenance européenne.

Deux mois après l'investiture de Joe Biden, trois mois après le Brexit, un an après l'explosion de la covid-19, ce Conseil européen est l'occasion de s'interroger sur l'état de l'Union et ses perspectives dans un contexte géopolitique évolutif et parfois inquiétant.

Jamais un Conseil européen n'aura eu une tonalité aussi géostratégique, que ce soit sur la question des vaccins, sur le marché unique, sur la stratégie industrielle ou numérique.

Stratégie, souveraineté, protection, objectifs, cibles, boussole : jamais le vocabulaire usité n'a été aussi empreint de connotations tactiques et géopolitiques.

Le Conseil abordera les relations tendues avec le régime toujours plus autoritaire et agressif de M. Erdo?an, avec celui, toujours plus autoritaire et répressif, de M. Poutine, et sans doute les tensions récentes avant le régime toujours plus autoritaire, répressif et agressif de M. Xi Jinping...

Enfin, l'Union européenne sort de la béatitude et de la naïveté qui prévalaient depuis la chute du mur de Berlin. On peut voir le verre à moitié plein : mise en oeuvre de la réglementation Magnitsky et salve de sanctions contre des dirigeants russes, chinois et birmans, Facilité européenne pour la paix ou encore initiative franco-allemande pour la réforme de l'OMS.

Mais impossible de ne pas voir aussi le verre à moitié vide : attitude ambiguë de l'Allemagne sur l'Europe de l'armement, sur la politique spatiale européenne ou le gazoduc Nordstream II ou le pré-accord d'investissement Europe-Chine où Berlin tente de tordre le bras de ses partenaires. Avec le Brexit, la France aura perdu un précieux allié en Europe...

Le multilatéralisme et en danger, mais ce qui menace surtout l'Europe, c'est aussi la tentation d'équilatéralisme de certains de nos partenaires. (Applaudissements sur plusieurs travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP)

Mme Véronique Guillotin .  - Au 22 mars 2021, 10,4 % des habitants de l'Union européenne ont reçu une première dose de vaccin. C'est loin derrière les États-Unis, où un tiers de la population a reçu une première injection ; au Royaume-Uni, on est à 40 % ; en Israël, à plus de 60 %. Les Israéliens redécouvrent la vie d'avant, tandis que notre Gouvernement est contraint de resserrer la vis...

Une évaluation de la stratégie vaccinale européenne s'impose : c'est l'un des principaux points à l'ordre du jour du Conseil européen.

L'Europe de la santé n'existe pas encore, hélas, mais elle a mis en oeuvre une approche centralisée face à la crise sanitaire, notamment pour l'approvisionnement en vaccins. L'union fait la force et nous avons conclu des contrats à prix avantageux : le vaccin Pfizer nous coûte moins cher qu'aux États-Unis et au Royaume-Uni. Mais il faudrait des livraisons dans les temps ! Sans vaccination massive, point d'immunité collective ni donc de reprise à court terme.

Sur les 2 milliards de doses commandées, seules 69,5 millions ont été livrées au 16 mars. Les difficultés se cristallisent autour du contrat avec AstraZeneca, qui prévoit la livraison de doses produites dans l'Union européenne et au Royaume-Uni ; or les doses produites au Royaume-Uni ne sont pas livrées...

L'Union européenne ne doit pas servir de variable d'ajustement pour les laboratoires. Faudra-t-il empêcher les doses de sortir du territoire européen ? Une escalade des tensions serait un mauvais signal pour la relation euro-britannique. Si elle aboutissait à restreindre nos importations, nous pourrions être privés de composants que nous ne fabriquons pas. L'heure n'est donc pas à l'isolement, mais ce problème interroge sur la relocalisation de certaines industries en Europe. Le commissaire Thierry Breton y travaille. Le groupe RDSE est favorable à cette réindustrialisation, gage de notre autonomie stratégique, y compris en matière de santé. (M. Bruno Sido approuve.)

Il est regrettable que certains États - Hongrie, Slovaquie, Tchéquie ou Pologne - concluent des contrats parallèles au dispositif de l'Union. C'est contraire au principe de solidarité européenne, qui est au coeur du projet européen. En juillet, nous avions fait un grand pas avec le plan de relance européen qui consacrait la solidarité financière entre États membres. Ne revenons pas en arrière !

Viktor Orbán n'en est pas à son premier bras de fer avec Bruxelles. Invoquant les nécessités sanitaires, il s'engouffre dans la « diplomatie du vaccin » déployée par la Chine et la Russie.

Ces attitudes risquent de compliquer la mise en place du passeport vaccinal. Pourra-t-on octroyer les mêmes libertés à tous, sans discrimination ?

Un mot sur la libre circulation des transfrontaliers. Dans sa déclaration du 26 février, le Conseil européen affirmait qu'« il faut assurer la circulation sans entrave des biens et des services au sein du marché unique, y compris en recourant à des voies réservées aux points de passage frontaliers. » L'Union européenne affirme un principe mais sa mise en oeuvre demeure du ressort des États, on le voit avec les restrictions imposées par l'Allemagne à la frontière avec la Moselle, sans réciprocité. Je mesure sur le terrain la lassitude des 16 000 travailleurs frontaliers concernés.

L'Union européenne est dans une posture compliquée : la Commission a voulu jouer un rôle ambitieux dans la gestion de la crise mais est rattrapée par les limites de ses pouvoirs réels. Les États membres doivent-ils se ressaisir des compétences déléguées à l'Union, ou lui confier des prérogatives plus importantes en matière sanitaire ? (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE ; MM. Didier Marie et Bruno Sido applaudissent également.)

M. Pierre Laurent .  - Balzac écrit qu'il « ne croit à aucune vertu, mais à des circonstances où l'Homme est vertueux ». Le Covid continue ses ravages, la population, commence à se désespérer des privations de libertés. La stratégie vaccinale doit être considérée avec gravité. Nous ne pouvons plus tolérer que les logiques de marché prévalent sur la santé physique et psychologique de nos concitoyens. Il faut libérer les brevets, car la recherche et la production des vaccins ont été massivement financées par de l'argent public : 93 milliards d'euros selon la fondation kENUP !

L'Union européenne a déboursé 2,1 milliards d'euros pour les contrats d'achats anticipés afin de garantir un stock de 2,5 milliards d'euros de doses mais elle n'a aucune garantie de les recevoir. L'Europe protectrice est une chimère.

Pertes sociales pour le plus grand nombre, superprofits pour les grands groupes : ce n'est plus acceptable ! Notre groupe CRCE soutient la pétition « Pas de profit sur la pandémie ».

Le 4 juin dernier, le Président de la République avait demandé que le vaccin soit un bien public mondial, qui bénéficie à tous, mais ce n'était qu'une posture : la France a voté contre une motion de l'Afrique du Sud et de l'Inde, rejoints par une centaine de pays et soutenue par le secrétaire général de l'OMS, qui prévoyait une dérogation temporaire afin que chaque pays puisse produire des vaccins. Quelque 75 % des 200 millions de doses inoculées l'ont été dans dix pays riches, aucune dans cent trente pays où vivent 2,5 milliards de personnes...

Les laboratoires ne respectent pas leurs obligations contractuelles. Il y a eu des délais de livraison - un tiers seulement des doses prévues seront livrées par AstraZeneca d'ici juin - ou des atermoiements autour du nombre de doses par flacon - Pfizer a ainsi livré 20 % de doses en moins pour le même prix...

Selon Ursula von der Leyen, « l'Union européenne ne sera à l'abri que si le reste du monde est à l'abri. » L'Europe a besoin de reconstruire des capacités de recherche et de production souveraines. La concurrence de tous contre tous crée l'inflation des prix et la rareté des flacons. L'Union européenne a payé 2 euros la dose, l'Afrique du Sud 4,5 euros, l'Ouganda plus de trois fois le prix européen.

En dépit de l'initiative Covax, la majorité des Africains ne verront pas le vaccin avant 2022. Selon l'Afrique du Sud, « le problème de la philanthropie est qu'elle ne peut pas acheter l'égalité... S'il n'y a pas de vaccins à acheter, l'argent n'a pas d'importance ». Les pays pauvres sont la variable d'ajustement de l'approvisionnement en vaccins.

La population européenne est-elle au moins mieux protégée ? Non, seulement 8,9 % de la population européenne a reçu une injection. L'exportation de 34 millions de doses interroge. Depuis le début de l'année, 249 demandes d'exportations ont été accordées, au profit notamment du Royaume-Uni pour huit millions de doses, mais sans réciprocité.

Symboliquement, la Commission européenne a mis en place un « mécanisme de transparence » forçant les entreprises à notifier toute exportation vers des pays tiers. L'Italie a ainsi bloqué 250 000 doses à destination de l'Australie. Mais les stratégies nationales de contournement avaient débuté avec l'Allemagne, qui a commandé 30 millions de doses supplémentaires à Pfizer. Puis le Danemark et l'Autriche ont mis en scène leur partenariat avec Israël pour produire le vaccin Moderna. La Hongrie, la République tchèque et la Slovaquie se sont tournées vers les vaccins Sinopharm et Spoutnik V, alors que l'Union européenne leur ferme la porte pour des raisons géopolitiques.

Selon Ursula von der Leyen, « le nationalisme vaccinal met les vies en danger, la coopération en matière de vaccins les sauve. » La solidarité européenne reste à construire, en raison de défauts de la matrice de l'Union européenne. Il faut changer de logiciel. Si nous ratons la marche, les Européens ne nous le pardonneront pas. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE et du GEST ; M. Didier Marie applaudit également.)

Mme Catherine Morin-Desailly .  - Les enjeux du numérique sont enfin à l'ordre du jour du prochain Conseil européen. Il aura fallu l'affaire Cambridge Analytica pour réaliser que les modèles de fonctionnement et de financement des plateformes en ligne menacent nos économies, nos modèles sociaux et culturels mais aussi nos systèmes politiques et démocratiques.

La crise sanitaire a rappelé l'importance de la maîtrise du numérique dans les secteurs clefs des transports, de la cybersécurité ou des données de santé. Nous devons développer une autonomie stratégique européenne en la matière. Je me réjouis donc que Thierry Breton veuille en finir avec la naïveté. En matière de souveraineté, il faut passer des paroles aux actes. Bercy fait de l'harmonisation fiscale son cheval de bataille, mais nous avons confié notre Health Data Hub à Microsoft, symbole de notre incapacité à résister aux Gafam.

Il nous faut une stratégie de développement industriel pour aider les PME à devenir des acteurs internationaux innovants dans les secteurs de la santé, de l'énergie, des transports, des objets connectés. L'État doit orienter ses marchés en ce sens. La France est-elle prête à développer les technologies de l'internet des objets et les réglementations qui les mettront en conformité avec notre droit ?

Êtes-vous prêt à soutenir le développement des cryptotechnologies comme les cryptomonnaies ? Le Small Business Act est à l'origine de contrats fédéraux ou locaux qui ont abouti à des grandes réussites américaines comme Tesla. La France y est-elle prête ? Quid du stockage et du traitement des données européennes ? Du risque d'intervention extraterritoriale ou d'ingérence dans les données personnelles ? Certes, le règlement général pour la protection des données (RGPD) est une avancée considérable, mais son articulation avec le Digital Services Act (DSA) et le Digital Market Act (DMA) doit être précisée.

Le développement rapide et inventif de la cybercriminalité est particulièrement préoccupant. La Commission européenne a présenté une nouvelle stratégie de cybersécurité pour protéger les réseaux et les utilisateurs. Aucune vulnérabilité n'est permise pour la 5G, nous dit Thierry Breton. Le sujet sera-t-il abordé lors du prochain Conseil ?

Avec Florence Blatrix Contat, nous suivons la définition d'un cadre européen de responsabilité des grandes plateformes du numérique. Celles-ci, omnipotentes, imposent leurs règles tout refusant toute responsabilité.

Les propositions de règlement DSA et DMA de décembre introduisent un principe de redevabilité. Des normes comptables ex ante devraient être imposées aux acteurs, et prendre en compte leurs caractéristiques techniques et économiques. La régulation doit être agile, car le capitalisme de surveillance est pervers.

Renforçons, dans ces deux textes, la protection de la concurrence, de l'innovation et des consommateurs. Le Gouvernement militera-t-il pour un cadre effectif dès 2022 ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC ; M. André Gattolin applaudit également.)

M. Didier Marie .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) La semaine dernière, en Seine Maritime, dix-huit hommes, cinq femmes et dix enfants en partance vers la Grande-Bretagne en bateau pneumatique ont été secourus à Dieppe. Durant ces cinq derniers mois, ces situations se sont multipliées, interrogeant sur les conséquences du Brexit et la fin de l'application par le Royaume-Uni de l'accord de Dublin.

En Méditerranée, ces sauvetages n'ont jamais cessé. En novembre dernier, un navire avait maintenu 1 195 migrants en quarantaine au large de la Sicile. Les délais de débarquement ont été allongés quand les ports n'étaient tout simplement pas fermés.

L'Organisation internationale des migrations déplore vingt mille décès depuis 2014, sans compter les migrants noyés dans l'anonymat. La Méditerranée est un cimetière et l'Europe regarde ailleurs.

Il faut un partenariat renforcé avec les pays d'origine, mais il est inadmissible de les presser à respecter des objectifs focalisés excessivement sur le contrôle migratoire, au détriment de la protection des droits humains. En Libye, les femmes sont esclaves sexuelles et les hommes vendus pour 400 dollars, voire torturés avant le versement d'une rançon.

L'Europe a maintenu hors de ses frontières des personnes qui avaient besoin de sa protection, sous l'oeil passif, voire complice de Frontex.

Il faut assouplir les conditions d'accueil, le regroupement familial ou la poursuite d'études en Europe, favoriser la réinstallation et les visas humanitaires. L'Union européenne doit développer des voies de migration sûres et légales, signer des accords durables avec des pays tiers respectueux des droits de l'homme, et renforcer son partenariat avec son voisinage sud. La France doit peser pour plus de solidarité et d'humanité.

L'accord conclu avec la Turquie il y a cinq ans a été utile, mais il a fait d'Erdo?an notre maître-chanteur, comme il l'a démontré en mars 2020 en ouvrant ses frontières.

Nous saluons l'action de la France qui a soutenu la Grèce face aux violations de ses frontières maritimes et aériennes, en lui vendant dix-huit Rafales et en menant un exercice de contre-terrorisme au large de la Crète.

M. Erdo?an souffle le chaud et le froid depuis plusieurs semaines, en retirant les bateaux de prospection des eaux grecques d'un côté et en effectuant des arrestations injustifiées - MM. Gergerlioglu et Turkdogan - ou en se retirant de la convention d'Istanbul contre les violences sexistes de l'autre.

Monsieur le ministre, vous vous dites préoccupé. M. Biden a affiché son opposition à M. Poutine. L'Union européenne avait décidé de nouvelles sanctions ciblées en réponse à l'emprisonnement d'Alexei Navalny, sans effet. La France plaidera-t-elle pour plus de fermeté ? Ou ne voudra-t-elle pas froisser ce pays dont l'Europe dépend pour un tiers de ses importations de gaz ? Cela interroge sur notre autonomie stratégique et la diversification de nos approvisionnements.

Nous saluons les premières sanctions européennes contre des dirigeants chinois pour la persécution des Ouïghours. Pékin a répliqué symboliquement en s'en prenant aux parlementaires européens. En pleine négociation d'un accord sur les investissements, peut-on croire les promesses de la Chine, notamment sur le travail forcé des Ouïghours ? La France et l'Union européenne doivent éclaircir leur politique extérieure.

L'Europe doit réaffirmer son rôle de puissance politique et économique et promouvoir ses valeurs. (Applaudissements sur les travées du groupe SER ; M. André Gattolin applaudit également.)

M. Franck Menonville .  - (Applaudissements sur les travées des groupes INDEP et RDSE ; M. Cyril Pellevat applaudit également.) La politique vaccinale soulève des inquiétudes. La Commission européenne a mis en demeure AstraZeneca sur la livraison des vaccins et souhaite renforcer le mécanisme de contrôle des exportations de vaccins. L'Italie a bloqué l'exportation de 250 000 doses pour l'Australie. Quelle est la position française ? Ne devrions-nous pas nous doter d'un outil de gestion de crise adapté ?

Le vaccin est une lueur d'espoir. L'agence européenne du médicament a renouvelé sa confiance dans le vaccin AstraZeneca. La Commission européenne promeut le certificat vert numérique, qui s'appliquerait dès fin mai.

La France a-t-elle identifié des lignes rouges, notamment sur la protection des données personnelles? Qu'en serait-il des déplacements extra-européens et de la reconnaissance des différents vaccins ?

La relance économique doit être au rendez-vous. Pouvez-vous nous indiquer s'il y a des avancées européennes sur ce sujet ?

Nous devons aussi développer nos propres outils numériques, et notamment la fiscalité du numérique, indispensable pour rembourser l'emprunt commun. C'est un enjeu fondamental pour l'avenir.

La question de la souveraineté alimentaire est préoccupante. Nous nous inquiétons du risque de renationalisation de la PAC et des variations dans la répartition entre le premier et le deuxième piliers.

Dans nos relations extérieures, nos intérêts nationaux contradictoires ne sauraient prévaloir, notamment en matière d'indépendance énergétique vis-à-vis de la Russie.

La Turquie s'éloigne de plus en plus de nos valeurs essentielles. Son comportement et sa place dans l'OTAN nous interrogent. En atteste son retrait récent de la convention d'Istanbul de 2011 sur les violences faites aux femmes.

Le Royaume-Uni, pour la première fois depuis son départ, a évoqué des « relations constructives et productives » avec l'Union européenne sur la politique étrangère de sécurité, tout en restant dans le cadre de l'OTAN.

L'Europe est face à son destin. Aurons-nous la force de rebondir collectivement ? Réactivons un logiciel commun. Il en va de la place de l'Europe dans le monde. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP et sur le banc de la commission)

M. Jacques Fernique .  - Nos exigences sont partagées : face à la pandémie, le choix de jouer collectif était le bon, mais les résultats sont en deçà des attentes, que ce soit sur les livraisons ou le taux de vaccination. Les uns et les autres sont tentés de pour faire cavalier seul. C'est une évolution délétère. Comment peser individuellement sur les laboratoires ? À peine dix pays concentrent les trois quarts des personnes vaccinées. Comment dès lors venir à bout d'une pandémie mondiale ?

L'Europe doit manifester clairement sa décision de ne pas rester au milieu du gué et d'agir collectivement. Nous attendons des actes forts pour la production des vaccins, une logistique transparente, une mobilisation et une discipline exemplaires.

Les laboratoires doivent être transparents, d'autant qu'ils reçoivent massivement de l'argent public, qui ne peut être gaspillé au profit du cynisme et de la cupidité. Il faut déroger temporairement aux règles de l'OMC sur la propriété intellectuelle. Comme le propose l'Inde, les vaccins doivent être considérés comme des biens publics.

Il faut lutter efficacement contre l'intolérable évasion fiscale pratiquée par les multinationales, plutôt que de mettre à mal les services publics !

La directive sur le reporting public obligatoire serait un moyen efficace de s'assurer que les impôts sont bien payés là où ils doivent l'être. Nous refusons le principe d'une clause de sauvegarde autorisant les multinationales à garder leurs données comptables secrètes pendant six ans. Nous devrons élaborer un dispositif robuste.

La réindustrialisation passera par l'innovation bas carbone. L'ancien monde minimise toujours l'urgence climatique. Les plus conservateurs du Parlement européen l'ont emporté à quinze voix près sur les quotas gratuits, véritables droits à polluer. Ne laissons pas les grands lobbies avoir le beurre et l'argent du beurre. Saisissons l'opportunité de la transition vers une industrie décarbonée. (M. André Gattolin applaudit.)

M. André Reichardt .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Les retards de la vaccination en Europe et les succès britannique, américain et israélien ont suscité de nombreuses critiques fustigeant la naïveté européenne et la lourdeur de nos procédures. L'exaspération face aux lenteurs a conduit plusieurs États membres -  Autriche, Danemark, Slovaquie, Hongrie, République tchèque  - à mener des stratégies vaccinales individuelles et à se tourner vers la Russie et la Chine, leur offrant ainsi une victoire symbolique sur l'Union européenne.

Pour l'Europe, le risque est sanitaire et économique, mais aussi politique. Elle doit montrer sa capacité à obtenir collectivement des résultats meilleurs qu'individuellement.

La spirale de la défiance vis-à-vis de l'Union européenne s'est réenclenchée. Dans les semaines et mois à venir, il faudra tirer les leçons de l'échec.

Avec 41 millions de doses exportées vers 33 pays, dont 10 millions vers le Royaume-Uni et un million vers les États-Unis, Mme Ursula von de Leyen rappelait que l'Union européenne était le principal fournisseur de vaccins dans le monde. Or les retards de livraison d'AstraZeneca ne sont pas seulement dus à des difficultés de production mais aussi à des restrictions d'exportation en Inde, aux États-Unis et au Royaume-Uni.

Les contrats doivent être respectés, y compris en saisissant la voie judiciaire, dites-vous. Mais le décalage entre le rythme de la vaccination, les exportations et l'attitude des pays membres est trop grand. Il faut aller plus loin. Le mécanisme d'autorisation des exportations, prorogé le 11 mars, n'a été activé qu'une seule fois, par l'Italie. Sans singer le nationalisme vaccinal, pourquoi ne pas adjoindre une clause de réciprocité sur les exportations ? Il faut des solutions rapides pour accélérer la cadence.

La Commission a proposé de proroger jusqu'à fin 2022 la clause de dérogation générale aux règles budgétaires et aux aides d'État. Une fois l'urgence sanitaire et économique surmontée, il faudra retrouver une trajectoire des finances publiques soutenable, surtout pour les pays les plus endettés comme la France.

Le pacte de stabilité et de croissance pourrait être réadapté. La Commission européenne veut réformer le cadre européen de gouvernance économique et budgétaire. M. Paolo Gentiloni a émis des propositions. Si l'on instaure plus de souplesse, il faudra cependant revenir à des niveaux soutenables de dépense et de dette. Quelles seront les propositions de la France ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Claude Kern .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Le 17 mars 2021 a marqué le triste anniversaire du premier confinement en France. L'Union européenne a montré qu'elle était capable d'une réponse coordonnée, avec le plan de relance de 672 milliards d'euros adopté le 11 février dernier par le Parlement européen.

Cette coordination doit être saluée mais il n'en est pas de même pour la vaccination. La Commission européenne a autorisé la mise sur le marché de quatre vaccins, et la campagne a débuté le 27 décembre dernier. Au 15 mars, 7,8 % de la population française avait reçu une première injection contre 8,2 % pour la moyenne européenne.

La progression de la vaccination en Europe est bien plus lente qu'au Royaume-Uni, aux États-Unis et en Israël, alors que c'est une question stratégique.

La Commission européenne a garanti l'égal accès aux doses de vaccins aux Vingt-Sept. C'est un objectif important que nous saluons. Mais nos pays sont particulièrement interdépendants : nous devons donc atteindre l'immunité collective dans tous les pays ; or les taux de vaccination varient de 1 à 4 dans les États membres.

Paris avait annoncé que nous disposerions d'un million de doses au 31 décembre. Mais le 5 janvier, la Commission européenne annonçait avoir choisi de plafonner les livraisons à 520 000 doses par semaine pour assurer l'équité entre les pays. Les premières livraisons de Moderna, de 500 000 par semaine en France, devaient dissiper les craintes de pénurie. Il n'en a rien été.

En raison du manque de doses, l'Allemagne a signé des contrats bilatéraux avec des laboratoires : cette démarche peut étonner. Le Danemark, l'Autriche, la Pologne, la Slovaquie ont aussi pris des initiatives bilatérales, avec Israël, la Chine et la Russie. Autant d'initiatives bilatérales qui témoignent des inquiétudes des États membres face aux lenteurs de la stratégie vaccinale européenne.

Le manque de coordination entre nos pays ne se limite pas à celle-là : je pense notamment aux 16 000 travailleurs frontaliers mosellans qui doivent faire un test toutes les 48 heures. Alors que les Allemands peuvent venir faire leurs courses en France sans problème.

M. Bruno Sido.  - Incroyable !

M. Claude Kern.  - Comment expliquer ces mesures à deux vitesses ?

Quels sont les arbitrages sur le passeport digital vert ? Faudra-t-il être vacciné pour se déplacer ? Quid des ressortissants européens vivant hors de l'Union européenne ?

Les relations avec la Turquie seront aussi à l'ordre du jour du Conseil européen. Les dirigeants des institutions européennes se sont entretenus vendredi dernier avec le président Erdo?an, plaidant pour un apaisement des relations entre l'Union et la Turquie. Samedi, la Turquie a acté son retrait de la convention d'Istanbul du Conseil de l'Europe sur la lutte contre les violences faites aux femmes, quelques heures à peine après un débat au Conseil de l'Europe sur la situation des droits de l'homme en Turquie. Les premières victimes de cette politique populiste et réactionnaire seront à nouveau le peuple turc. Quelle sera la réponse européenne ? (Applaudissements sur les travées des groupeUC et Les Républicains)

Mme Florence Blatrix Contat .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Le prochain Conseil européen traitera des grandes priorités du marché unique, de la politique industrielle et du numérique. La crise de la covid-19 impacte l'Union européenne et questionne ses valeurs.

Nos concitoyens attendent de l'efficacité et l'accélération des politiques européennes dans les domaines les plus pertinents pour l'avenir. Ils demandent de déterminer les secteurs d'activité assurant des emplois pour leurs enfants. Une déclaration commune de la Commission européenne, du Conseil et du Parlement a lancé la conférence sur l'avenir de l'Europe, le 10 mars dernier : nous y participerons.

En matière industrielle, alors que nous devons mener une stratégie offensive, l'Union européenne ne dispose que de compétences limitées, mais elle a déjà fait beaucoup, notamment avec le plan Juncker. La communication du 10 mars en est une nouvelle étape, définie autour de cinq axes.

L'accord du 10 novembre 2020 sur le budget à long terme de l'Union et sur le plan de relance apporte des moyens nouveaux mais ne faudrait-il pas déjà le renforcer, en raison de la crise actuelle ?

Nous souhaiterions disposer du document d'actualisation de la stratégie industrielle, qui aurait déjà dû être publié.

Comment le Gouvernement entend-il faire de nos laboratoires des leaders européens sur la vaccination ?

On rappelle souvent la réussite d'Airbus. Mais, en amont, il y eut tout un travail de développement de projets et de coopérations, petites et grandes. Il faut répliquer cette dynamique vertueuse pour faire émerger nos réussites de demain, notamment dans le domaine de la transition énergétique et numérique. Quelles sont vos orientations en la matière ?

Avec Catherine Morin-Desailly, nous avons travaillé sur diverses questions numériques. Je salue la parution de la Boussole numérique de 2030 de la Commission européenne. L'accélération numérique est une opportunité à saisir pour la relance post-crise et un axe essentiel de l'autonomie stratégique européenne.

L'Union européenne doit accélérer ses capacités d'acheminement, de stockage et de traitement des données. Il faudra aussi veiller à la connectivité, produire des composants, développer les technologies quantiques...

Comment porterez-vous ces enjeux fondamentaux de notre souveraineté numérique au plan économique mais aussi démocratique ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER)

M. Cyril Pellevat .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) L'ordre du jour du Conseil européen n'est pas des plus chargés mais les sujets sont d'importance : vaccins, relations avec la Turquie et la Russie, transformation numérique.

La Commission européenne a présenté la Boussole numérique qui fixe des objectifs à l'horizon 2030. Je m'en réjouis. La politique actuelle est insuffisante face aux mastodontes que sont les États-Unis et la Chine dont l'Union européenne dépend encore trop malgré ses efforts.

La Commission européenne renforce l'investissement dans le numérique, elle prévoit un objectif de 20 % des dépenses dans ce domaine par le biais de la facilité pour la reprise et la résilience. Le Sénat a adopté une proposition de résolution sur le calcul à haute performance. Mais si l'Europe veut devenir un leader en ce domaine, il faut travailler sur toute la chaîne de valeur scientifique et industrielle ! Implanter des supercalculateurs en Europe ne suffira pas s'ils sont fabriqués par des entreprises étrangères ! À ce jour, les appels d'offres sont remportés par des Américains ou des Chinois. Or, utiliser des pièces étrangères peut poser problème, notamment pour démasquer les logiciels espion. Quelles seront les ambitions en ce domaine ?

L'Europe est en retard sur l'intelligence artificielle. Les nombreux mécanismes mis place ne suffisent pas. Le Sénat, dès 2019, avait invité l'Union européenne à faire de l'intelligence artificielle un projet important d'intérêt européen commun (Piiec). Cela aurait permis de développer les financements et une véritable politique industrielle. La France soutiendra-t-elle cette option ? Pourquoi la Commission l'a-t-elle écartée ? (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC ; M. André Gattolin applaudit également.)

Mme Marta de Cidrac .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Le Conseil européen traitera de la question de la transition numérique à l'horizon 2030. Une stratégie en quatre axes a été présentée par la Commission européenne : transformation numérique des entreprises, numérisation des services publics, compétences, infrastructures numériques sûres et durables.

L'incendie d'OVH à Strasbourg renforce nos questionnements sur les centres de données européens et leur sécurité. (M. Alain Duplomb s'interroge également.)

L'empreinte environnementale du numérique est une préoccupation pour les années à venir : il représente déjà plus de 2 % des émissions de gaz à effet de serre, soit autant que l'ensemble du trafic aérien, mais pourrait représenter 14 % des émissions mondiales en 2040.

Des mesures d'économies d'énergie et de recyclage sont prévues : elles touchent à la vie quotidienne des Européens. La Commission prévoit aussi la neutralité énergétique des centres de données d'ici à 2030. Ce sont de véritables leviers de flexibilité énergétique qui permettent de stocker l'électricité des installations d'énergies renouvelables intermittentes. De telles solutions sont déjà développées au Royaume-Uni, en Irlande ou en Suède ; il faut y associer les collectivités territoriales. Le Sénat s'est saisi de cette question au travers d'une mission d'information suivie d'une proposition de loi. Certains sujets relèvent du niveau européen, comme l'ajustement carbone aux frontières. Le but est de rendre la réparation et le reconditionnement plus attractifs. Quelles mesures l'Union européenne adoptera-t-elle ?

La transition écologique et numérique doivent être menées de front à l'échelle européenne. La réflexion sur le numérique est d'autant plus importante que la pandémie a entraîné l'essor du télétravail.

Enfin, il faut développer la vaccination, avec des livraisons et des vaccinations effectives. Une montée en puissance est-elle prévue à l'échelle européenne ? La reprise de l'activité économique en dépend ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Mme Pascale Gruny .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Les dirigeants européens vont dresser un nouveau bilan de la stratégie vaccinale qui repose sur l'équité et la solidarité. Il est en effet indispensable que chaque État membre ait accès aux vaccins au même moment et au même prix.

L'accord de juin 2020 entre la Commission et les États membres répartit clairement les rôles : la Commission négocie avec les laboratoires, les États membres commandent, acquièrent et règlent les doses auprès des producteurs. La politique de vaccination reste bien nationale, ce qui explique les retards français : en privilégiant le vaccin AstraZeneca, moins cher, notre pays subit les retards de production et de livraison de l'entreprise pharmaceutique qui ne pourra fournir que 70 millions de doses sur les 300 promises d'ici juin.

Il faudra tirer les leçons de cette gestion par l'Union européenne mais les résultats de la vaccination sont peu flatteurs, comparés au reste du monde... La pénurie de masques, de composants et de matière première pour les vaccins impose une réindustrialisation de l'Europe dans les secteurs stratégiques. Se pose aussi la question de la répartition des compétences entre Commission et États membres. Ces derniers doivent pouvoir garder la main sur leur politique de santé.

Le Conseil européen se penchera également sur la taxation du numérique. Les négociations internationales reprennent sous des auspices plus favorables depuis l'élection de Joe Biden. Or la Commission est censée faire une proposition législative d'ici le 1er juin. Ce calendrier sera-t-il respecté ?

Enfin, nous sommes inquiets de la réforme de la PAC qui risque d'aboutir à une renationalisation, avec vingt-sept politiques agricoles nationales.

Nous allons aussi devoir renoncer à 10 % de la surface agricole utile, en diminuant les pesticides de 50 % et en quadruplant les terres converties au bio. Certes, il faut verdir les pratiques agricoles, mais encore faut-il des alternatives efficaces, et préserver le revenu des agriculteurs ! Les États-Unis tablent sur une diminution de 12 % de la production agricole européenne à l'horizon 2030... Si ces prévisions se révèlent exactes, c'est que nous aurions renoncé à notre ADN, à savoir nourrir le reste du monde et assurer notre souveraineté alimentaire. Nous comptons sur vous monsieur le ministre ! (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC)

M. Laurent Duplomb .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Le 21 septembre 2020, l'Union européenne appelle à une reprise forte et à une Europe compétitive et durable, en annonçant qu'elle va diminuer les obstacles au commerce et accorder des souplesses. Le 1er et 2 octobre 2020, les dirigeants européens plaident pour un retour au marché unique et une suppression des freins au commerce. Mais six mois plus tard, en France, les obstacles administratifs sont toujours là, on le voit pour la vaccination. Vous nous disiez que vous étiez prêts ; on en est loin !

La France est la tortue de la vaccination et le lièvre de la communication. Pourquoi des vaccinodromes ? Le maillage médical n'est-il pas suffisant ? Nous avons suffisamment de médecins et de pharmaciens pour vacciner 1,5 million de personnes par jour. Encore faudrait-il avoir des doses ! Les Français en ont assez, ils sont anxieux. Nous sommes loin des conditions d'une reprise forte.

La France, une fois de plus, est en bas du classement économique. Sa balance commerciale présente un déficit de 82 milliards d'euros, contre 180 milliards d'euros d'excédent pour l'Allemagne et 63 milliards d'euros pour l'Italie, que l'on se plaît parfois à moquer.

Sa part de marché dans le commerce international a chuté de 35 % en vingt ans, passant de 5,1 % à 3,5 % alors que l'Allemagne affiche 7,2 %. Selon l'Insee, la France produisait 13,1 % des automobiles européennes en 2000 ; elle n'en produit plus que 6,7 %, alors que dans le même temps la production allemande est passée de 40,6 à 44,6 %.

La France a aussi chuté dans l'agroalimentaire, contrairement à l'Allemagne. Dans l'industrie pharmaceutique, elle a 6 % des parts de marché, l'Allemagne 15%. La France va-t-elle devenir une colonie allemande ?

Et voilà qu'on parle d'un report des élections régionales et départementales, (M. André Gattolin s'exclame) tandis que les autres pays, eux, votent : Suisse, Pays-Bas, Bulgarie, Allemagne... Le Royaume-Uni organise aussi ses élections locales. Comment pouvez-vous envisager un tel report ? C'est un moyen détourné d'arriver à votre but. Plutôt que de communiquer, agissez pour redresser l'économie, pour accroître la vaccination, pour l'avenir de la France !

Confucius a dit : « l'Homme de bien préfère être lent à parler mais prompt à agir. » (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Clément Beaune, secrétaire d'État chargé des affaires européennes .  - Après les propos pleins d'optimisme et de légèreté du sénateur Duplomb, je vais tenter de répondre aux questions qui m'ont été posées.

Le cadre européen de vaccination n'est certes pas parfait. D'autres pays vont plus vite, c'est un fait. Deux grandes économies, les États-Unis et le Royaume-Uni, vont plus vite. Israël est un cas particulier car il a passé un accord avec un laboratoire sur la transmission des données médicales. La Chine et la Russie, dont on dit qu'ils ont trouvé la martingale, vaccinent beaucoup moins vite qu'en Europe.

La France est loin d'être la lanterne rouge de l'Union européenne : elle est devant l'Allemagne, l'Espagne et l'Italie. (MM. Guillaume Chevrollier et Laurent Duplomb en doutent fortement.)

L'objectif est d'accélérer la production et la livraison des vaccins en passant des contrats supplémentaires, notamment avec Pfizer, et en accentuant la pression sur les laboratoires en retard. Des accords croisés de production sont passés notamment par Sanofi avec Johnson et Johnson, pour cet été.

Évitons la guerre des doses entre pays européens : nous en sortirions tous perdants. La défense de nos intérêts passe par le contrôler nos exportations, avec un principe simple de réciprocité. On ne peut admettre d'être moins bien traité que la Grande-Bretagne qui a signé son contrat un jour après nous.

Nous avons subi un retard industriel par rapport à d'autres pays. Ainsi, les États-Unis ont investi plus, plus vite, sur des vaccins plus risqués, avec plus de capacités de production. Mais notre objectif européen est d'atteindre d'ici la fin de l'année une capacité de production annuelle de 2 à 3 milliards de doses. Nous serons alors, avec les États-Unis, le premier producteur mondial de vaccin, et de loin.

M. Laurent Duplomb.  - On en est loin !

M. Clément Beaune, secrétaire d'État.  - Nous nous concentrons pour l'instant sur la production et la livraison.

J'en viens à la relance. Ce sont désormais treize États membres qui ont ratifié le plan de relance qui sera présenté devant votre assemblée fin avril.

Le plan Biden ne peut se comparer au plan de relance européen, car il n'est pas de relance mais d'urgence. Le soutien du plan Biden au pouvoir d'achat s'adresse à une économie qui a vingt points de moins de dépenses publiques que nous : il y a donc un effet de rattrapage.

La taxation du numérique sera abordée, tout comme la souveraineté numérique, avec la Boussole 2030. Ces chantiers avanceront au cours de la présidence française avec des propositions législatives sur les cryptomonnaies et les cryptoactifs.

Il y a eu le dramatique incendie d'OVH mais nous avons des champions européens du stockage de données. Nous manquons parfois de réflexes ou de règles pour imposer un acteur européen. Sachez toutefois que nous avons refusé un centre de stockage hors Union européenne dans le cadre de la prochaine présidence française.

Monsieur Gattolin, je me rendrai à Bruxelles le 8 avril avec Jean-Baptiste Lemoyne et la secrétaire générale de l'Organisation internationale de la francophonie pour soutenir le français auprès des institutions européennes. Avec le Brexit, le recours à l'anglais est de moins en moins justifié. Nous adopterons une approche à la fois défensive, pour que les documents européens soient rédigés en français et, plus généralement, dans d'autres langues que l'anglais, et offensive, en renforçant l'attractivité de la langue française dans la pratique des institutions européennes.

En matière de vaccination, plusieurs pays ont menacé de sortir du cadre européen, à commencer par le Danemark et l'Autriche - principalement pour des raisons de communication politique, car ils n'ont acheté aucune dose supplémentaire. L'Allemagne a elle aussi fini par commander 300 millions de doses supplémentaires à Pfizer-BioNTech dans le cadre européen. Seules la Hongrie et la Slovaquie sont sorties du cadre, en se fournissant auprès des Russes et des Chinois. Mais cette décision va probablement causer la chute de la coalition gouvernementale slovaque : les doses russes arrivent au compte-gouttes et, au vu des réserves exprimées sur ce vaccin, elles ne sont même pas utilisées. Hors de l'Europe, il n'y a pas de solution miracle.

Monsieur Laurent, le Gouvernement défend, comme vous, l'accès généralisé au vaccin comme bien public mondial. Mais la levée du brevet n'est pas la bonne réponse car elle crée un doute sur la rémunération de la recherche engagée par les start-ups. AstraZeneca vend déjà à prix coûtant.

En revanche, ce n'est pas aux pays d'Afrique de rémunérer le secteur privé. La France a été à l'initiative de la livraison de 30 millions de doses dans 33 pays. Au dernier sommet européen, le Président a proposé de vacciner l'ensemble des soignants africains d'ici à l'été. Voilà l'approche retenue, qui nous semble préférable. Avec 2,6 milliards, l'Europe est la zone qui a commandé le plus de doses au monde.

Le temps me manquant, je serais ravi de poursuivre nos échanges devant la commission des affaires européennes.

Monsieur Fernique, sur le CBCR (country by country reporting), il est normal de ménager une phase de transition aux entreprises. C'est grâce à la France qu'un accord a été trouvé au Conseil européen. Nous avons demandé que la clause de sauvegarde ne s'applique qu'à un nombre très restreint d'informations. La discussion se poursuivra avec le Parlement européen.

Le certificat sanitaire n'est pas un passeport vaccinal : on ne peut priver toute une partie de la population de la possibilité de circuler. Ce pass sanitaire intègrera le test PCR ou une preuve d'immunité pour ceux qui ont déjà eu le covid.

Madame Gruny, nous reviendrons sur la PAC mais je partage vos préoccupations.

M. Jean-François Rapin, président de la commission des affaires européennes .  - Pour prolonger vos propos, monsieur le ministre, et ceux de M. Gattolin sur la refrancisation de l'Europe, je regrette d'avoir parlé de « cloud » - mais « nuage » n'est pas toujours très adapté.

La notion d'autonomie stratégique prête à diverses interprétations.

J'espère que le délai sera tenu pour la conférence sur l'avenir de l'Europe, déjà reportée d'un an.

Comme André Reichardt, je suis sensible au sujet du pacte de stabilité. Qu'est-ce qu'un retour à la normale ? Une croissance à 6 ou 7 % ? Ou retrouver le taux d'avant la crise ? Il faudra harmoniser les critères au niveau européen.

Sur la vaccination, monsieur le ministre, vous avez une obligation de moyens mais aussi de résultats. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Claude Kern applaudit également.)

Prochaine séance, demain, mercredi 24 mars 2021, à 15 heures.

La séance est levée à 23 h 55.

Pour la Directrice des Comptes rendus du Sénat,

Rosalie Delpech

Chef de publication

Annexes

Ordre du jour du mercredi 24 mars 2021

Séance publique

À 15 heures

Présidence : M. Gérard Larcher, président Secrétaires de séance :

Mme Victoire Jasmin - M. Pierre Cuypers

1. Questions d'actualité

À 16 h 45

Présidence : Mme Pascale Gruny, vice-président

2Débat à la suite du dépôt du rapport annuel de la Cour des comptes

3. Débat sur le thème : « Quel rôle pour le préfet à l'heure de la relance ?

Le soir

Présidence : Mme Laurence Rossignol, vice-présidente

4. Débat sur le thème : « Quelle perspective de reprise pour une pratique sportive populaire et accessible à tous ?