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Vous pouvez également consulter le compte rendu intégral de cette séance.


Table des matières



Questions d'actualité

Application de la loi EGalim

M. Bernard Bonne

Mme Olivia Gregoire, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie, des finances et de la relance, chargée de l'économie sociale, solidaire et responsable

Fermeture des frontières entre la Moselle et l'Allemagne

Mme Christine Herzog

M. Clément Beaune, secrétaire d'État auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères, chargé des affaires européennes

Réforme de l'assurance chômage (I)

Mme Cécile Cukierman

Mme Élisabeth Borne, ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion

Situation sanitaire

M. Julien Bargeton

Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargée de l'autonomie

Condamnation d'un ancien Président de la République

Mme Marie-Pierre de La Gontrie

M. Gabriel Attal, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, porte-parole du Gouvernement

Desserte ferroviaire du Massif central

Mme Guylène Pantel

M. Jean-Baptiste Djebbari, ministre délégué auprès de la ministre de la transition écologique, chargé des transports

Convention citoyenne sur le climat

M. Ronan Dantec

M. Jean-Baptiste Djebbari, ministre délégué auprès de la ministre de la transition écologique, chargé des transports

Statut des sapeurs-pompiers volontaires

M. Daniel Chasseing

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée auprès du ministre de l'intérieur, chargée de la citoyenneté

Moyens des collectivités face à la crise sanitaire

M. Jean-François Husson

Mme Jacqueline Gourault, ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales

Réforme de l'assurance chômage (II)

M. Hervé Gillé

Mme Élisabeth Borne, ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion

Attractivité de la Bourse de Paris

M. Philippe Dominati

Mme Olivia Gregoire, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie, des finances et de la relance, chargée de l'économie sociale, solidaire et responsable

Une « Journée nationale de l'agriculture »

Mme Françoise Férat

M. Gabriel Attal, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, porte-parole du Gouvernement

Réforme de l'assurance chômage (III)

Mme Frédérique Puissat

Mme Élisabeth Borne, ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion

L'épargne des riches au service de la relance ?

M. Thierry Cozic

Mme Olivia Gregoire, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie, des finances et de la relance, chargée de l'économie sociale, solidaire et responsable

Violences entre bandes en Essonne

M. Jean-Raymond Hugonet

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée auprès du ministre de l'intérieur, chargée de la citoyenneté

Dose supplémentaire dans les flacons Moderna et Pfizer

M. Jean-François Longeot

Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargée de l'autonomie

CMP (Nominations)

Délégation parlementaire (Nomination)

Accord de commerce et de coopération entre le Royaume-Uni et l'Union européenne

M. Christian Cambon, président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées

M. Jean-François Rapin, président de la commission des affaires européennes

M. Éric Bocquet

Mme Catherine Morin-Desailly

M. Didier Marie

M. Joël Guerriau

M. Jacques Fernique

M. Richard Yung

M. Jean-Noël Guérini

M. Pascal Allizard

M. Olivier Cadic

Mme Gisèle Jourda

M. Alain Cadec

M. Clément Beaune, secrétaire d'État auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères, chargé des affaires européennes

Mme Michelle Gréaume

M. Yves Détraigne

M. Gilbert Roger

Mme Béatrice Gosselin

Mme Colette Mélot

M. Guillaume Gontard

M. Ludovic Haye

M. Jean-Noël Guérini

M. Jean-Michel Arnaud

M. Gilbert-Luc Devinaz

M. Ronan Le Gleut

Mme Claudine Lepage

M. Édouard Courtial

M. Cyril Pellevat

M. Marc Laménie

Mme Pascale Gruny

Mobilités dans les espaces peu denses

M. Olivier Jacquin, au nom de la délégation sénatoriale à la prospective

M. Joël Giraud, secrétaire d'État auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la ruralité

M. François Bonneau

Mme Angèle Préville

M. Daniel Gremillet

Mme Vanina Paoli-Gagin

M. Jacques Fernique

M. Frédéric Marchand

Mme Véronique Guillotin

M. Gérard Lahellec

Mme Sylvie Vermeillet

Mme Martine Filleul

Mme Else Joseph

M. Jean-Michel Houllegatte

M. Philippe Tabarot

M. Charles Guené

M. Rémy Pointereau

Mme Pascale Gruny

M. Mathieu Darnaud, président de la délégation sénatoriale à la prospective

Annexes

Ordre du jour du lundi 8 mars 2021




SÉANCE

du mercredi 3 mars 2021

66e séance de la session ordinaire 2020-2021

présidence de Mme Valérie Létard, vice-présidente

Secrétaires : Mme Martine Filleul, M. Daniel Gremillet.

La séance est ouverte à 15 heures.

Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.

Questions d'actualité

Mme la présidente.  - L'ordre du jour appelle les questions d'actualité au Gouvernement.

La séance est retransmise en direct sur Public Sénat et sur notre site internet.

Au nom du Bureau du Sénat, j'appelle chacun à observer au cours de nos échanges l'une des valeurs essentielles du Sénat : le respect, des uns et des autres comme du temps de parole.

Application de la loi EGalim

M. Bernard Bonne .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Jean Hingray applaudit également.) Ma question s'adressait à M. le ministre de l'Agriculture.

Trois ans après le discours de Rungis, la situation des agriculteurs, et tout particulièrement des éleveurs bovins, est catastrophique. Ils espéraient un avenir meilleur avec la loi EGalim, qui devait rééquilibrer les relations commerciales, encadrer les promotions et surtout redonner de la valeur aux denrées agricoles.

Il n'en est rien. Le monde agricole est en détresse. Alors que la grande distribution a fait des bénéfices record en 2020, les négociations commerciales ont été difficiles, et les revenus agricoles sont au plus bas.

Pourquoi la référence aux coûts de production n'est-elle pas systématique ? Pourquoi les entreprises de transformation n'obtiennent-elles pas de la grande distribution un accord à la hauteur ?

Cette situation n'est ni morale, ni acceptable, ni justifiable. Comment comptez-vous y remédier ? (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et INDEP, ainsi que sur plusieurs travées du groupe UC)

Mme Olivia Gregoire, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie, des finances et de la relance, chargée de l'économie sociale, solidaire et responsable .  - (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains où l'on déplore l'absence du ministre de l'Agriculture) Merci de votre accueil chaleureux ! (Les protestations redoublent.) Julien Denormandie est actuellement à l'Assemblée nationale ; c'est en son nom que je vous réponds.

Le Premier ministre sera très prochainement aux côtés des éleveurs pour leur témoigner la reconnaissance du Gouvernement. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains)

La loi EGalim de 2018 a mis en place des outils concrets, même s'il reste du chemin à accomplir. Le comité de suivi EGalim s'est réuni cinq fois, et une mission a été confiée à Serge Papin. (M. Laurent Duplomb se gausse.)

La transparence est clé pour surmonter l'opposition entre distributeurs et industriels.

Nous continuons à appliquer EGalim et Bruno Le Maire multiplie les contrôles. Nous avons renforcé la médiation et créé une adresse de signalement à la disposition des consommateurs pour signaler des prix trop bas ou des indications trompeuses. Chaque jour, nous nous mobilisons. (Applaudissements sur les travées du RDPI et huées sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Bernard Bonne.  - Je regrette ce type de réponse, en décalage complet avec le terrain.

M. Laurent Duplomb.  - C'est certain !

M. Bernard Bonne.  - Dans la Loire, un agriculteur installé depuis dix-sept ans, qui n'est plus endetté et touche 30 000 euros d'aides de la PAC, a dû avouer à sa fille qu'il n'avait aucun revenu imposable...

Mme la présidente.  - Veuillez conclure.

M. Bernard Bonne.  - Soutenons nos agriculteurs et remplissons nos assiettes avec des produits français ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; Mme Nadia Sollogoub et M. Jean Hingray applaudissent également.)

Fermeture des frontières entre la Moselle et l'Allemagne

Mme Christine Herzog .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Jean-Marie Mizzon, sénateur de Moselle, s'associe à ma question. Hier, à minuit, le gouvernement fédéral d'Angela Merkel a mis fin à soixante ans de relations transfrontalières entre la Moselle et les Länder voisins de Sarre et de Rhénanie-Palatinat. C'est une rupture brutale de nos traités de libre circulation. En cause, un taux d'incidence trop élevé du virus en Moselle. Or les Länder allemands dépistent quatre fois moins que les départements français : les tests y sont payants, d'où des taux d'incidence beaucoup plus faibles.

Les mesures drastiques qui ont été décidées sont inapplicables : il faudrait tester les 16 000 travailleurs frontaliers tous les deux jours ! Et que dire des mille enfants français scolarisés en Allemagne ? Va-t-on leur imposer un test PCR ou antigénique, avec écouvillon, tous les deux jours ? L'Allemagne se moque de nous !

Nous sommes transparents, l'Allemagne doit l'être aussi. Nos efforts commencent à payer : en Moselle, nous sommes passés de 471 cas confirmés le 27 février à 124 le 1er mars. (On s'impatiente à gauche en soulignant que l'oratrice a épuisé son temps de parole.)

Avez-vous engagé le dialogue avec l'Allemagne pour harmoniser les règles ? Peut-on, au moins, n'exiger qu'un test salivaire pour les enfants ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC)

Mme la présidente.  - Veuillez respecter les temps de parole, merci.

M. Clément Beaune, secrétaire d'État auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères, chargé des affaires européennes .  - L'Allemagne a annoncé dimanche le classement de la Moselle en zone à risque. Nous regrettons cette décision, car il faut tenir compte des exigences d'un bassin de vie.

Nous nous coordonnons avec l'Allemagne à tous les niveaux, local, départemental, régional et jusqu'au Président de la République, pour éviter les conséquences les plus dures de ce classement : avec l'Autriche et la République tchèque, les frontières allemandes ont été complètement fermées. Nous avons obtenu que les travailleurs frontaliers soient soumis à des tests antigéniques et non PCR, toutes les 48 heures et non toutes les 24 heures ; nous déployons plus de tests, notamment avec la Sarre ; les contrôles sur les points de passage aux frontières ne seront pas systématiques, pour éviter les ralentissements supplémentaires.

La situation n'est pas encore satisfaisante mais je serai demain en Moselle pour poursuivre la concertation avec les élus locaux et les autorités allemandes.

Réforme de l'assurance chômage (I)

Mme Cécile Cukierman .  - (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE) Hier, madame la ministre du Travail, vous avez relancé la concertation pour la réforme de l'assurance chômage, rejetée à l'unanimité par les syndicats.

Vous voulez faire 1,3 milliard d'euros d'économies sur le dos des demandeurs d'emploi, qui ne sont pourtant pas responsables de leur situation.

Alors que les plans de licenciement se multiplient, vous repoussez d'un an le bonus-malus pour les entreprises et voulez réduire de 20 % les indemnités journalières de 830 000 demandeurs d'emploi dès le 1er juillet.

La pauvreté s'accroît, le Secours populaire, le Secours catholique, les Restos du Coeur nous alertent chaque jour sur l'allongement des files d'attente de l'aide alimentaire.

Quand allez-vous renoncer à votre réforme inique de l'assurance chômage ? (Applaudissements à gauche)

Mme Élisabeth Borne, ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion .  - Sans surprise, nous ne sommes pas d'accord sur la réforme de l'assurance chômage, mais je ne peux laisser dire que le Gouvernement n'agit pas massivement contre la précarité. Nous avons prolongé les droits des demandeurs d'emploi depuis novembre, en mobilisant 1,5 milliard d'euros et mis en place une garantie de revenu de 900 euros pour les travailleurs précaires, qui sera prolongée jusqu'en mai. Plus de 460 000 demandeurs d'emploi ont en bénéficié, pour 1,2 milliard d'euros.

Nous mobilisons l'activité partielle...

M. Pascal Savoldelli.  - Ce sont des acquis sociaux !

Mme Élisabeth Borne, ministre.  - Neuf millions de salariés en ont bénéficié au plus fort de la crise, ils étaient encore deux millions en janvier.

Sur l'assurance chômage, le Gouvernement a pleinement pris en compte le contexte sanitaire, économique et social...

Mme Cathy Apourceau-Poly.  - C'est une blague !

Mme Élisabeth Borne, ministre.  - ...avec le maintien du seuil d'ouverture des droits à quatre mois et le plancher des allocations chômage.

M. Pascal Savoldelli.  - Et les cadeaux aux entreprises qui licencient !

Mme Élisabeth Borne, ministre.  - Cette réforme est le meilleur équilibre possible. (On le conteste vivement sur les travées du groupe CRCE)

Mme Cécile Cukierman.  - Heureusement que la cinquième puissance mondiale n'a pas laissé mourir les gens ! Oui, vous avez pris des mesures d'urgence pour les travailleurs : c'était bien normal ! 

Dès le 1er juillet, leur situation va se dégrader. Vous vous dites de gauche, attachée à la justice sociale. (On ironise sur les travées du groupe Les Républicains) Une réforme de gauche, ce serait tirer les droits vers le haut et non vers le bas.

Avec cette politique, vous faites progresser l'extrême droite dans notre pays ! (Applaudissements à gauche)

Situation sanitaire

M. Julien Bargeton .  - Face à l'évolution des variants, le Gouvernement a choisi une gestion territorialisée de la pandémie. Quel est le bilan de la concertation menée avec les maires, qui s'approfondit ? Certains ont fait des suggestions intéressantes.

Quant à la maire de Paris, pétrie de certitudes (Protestations sur les travées du groupe SER), elle a demandé un reconfinement strict de trois semaines, puis transformé cette affirmation en simple hypothèse, avant de la renier, tout cela en quatre jours, ajoutant la faute politique à la faute professionnelle. (Protestations sur les travées du groupe SER, tandis que l'on ironise bruyamment à droite)

Les élus de son bord se sont réfugiés dans un silence réprobateur. J'ai été choqué que ni les maires d'arrondissement ni les élus franciliens n'aient été consultés. (On fait mine de s'en indigner à droite.) Paris n'est pas une citadelle ! L'épidémie exige d'être solidaire, l'exercice du pouvoir ne saurait être par trop solitaire. (Le brouhaha couvre la voix de l'orateur.)

Quel est le bilan des premières remontées des élus locaux ? (Applaudissements sur les travées du RDPI)

Mme la présidente.  - Écoutons-nous, s'il vous plaît.

Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargée de l'autonomie .  - Merci de votre question. (Rires tant à droite qu'à gauche)

La situation sanitaire demeure préoccupante : 22 000 nouveaux cas par jour, hausse des admissions en réanimation, où 71 % des lits sont occupés par des patients Covid, progression des variants.

Mme Laurence Rossignol.  - Pas grave, on a plein de vaccins !

Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée.  - Nous suivons de très près la situation à Mayotte, à La Réunion, dans les Hauts-de-France, en PACA, en Île-de-France, en déployant un arsenal de mesures pour briser la dynamique épidémique.

La vaccination s'accélère avec de très bons résultats en Ehpad, où 80 % des résidents sont vaccinés, ainsi que pour nos concitoyens les plus âgés ou les plus fragiles.

Mme Cathy Apourceau-Poly.  - Dans le Pas-de-Calais, c'est 1,6 % !

Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée.  - Nous devons néanmoins rester collectivement vigilants, appliquer les gestes barrières, privilégier le télétravail.

Les Français ont consenti de nombreux sacrifices qui ne sauraient être bafoués sur l'autel d'enjeux partisans. Nous consultons les collectivités concernées pour élaborer des réponses en phase avec les dynamiques territoriales. Nous agissons en responsabilité. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

Condamnation d'un ancien Président de la République

Mme Marie-Pierre de La Gontrie .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Monsieur le Premier ministre, pour la première fois dans notre histoire récente, un ancien Président de la République a été condamné à trois ans de prison pour corruption active et trafic d'influence.

Quelques heures plus tard, en déplacement officiel, le ministre de l'Intérieure assure M. Sarkozy de « tout son soutien ». Ce ne sont pas des propos privés : prononcés face caméra, ils engagent le Gouvernement. Ces propos sont-ils compatibles avec sa fonction ? Les partagez-vous ? (Applaudissements à gauche)

M. Gabriel Attal, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, porte-parole du Gouvernement .  - En tant que spécialiste des questions institutionnelles, vous savez qu'un membre du Gouvernement n'a pas à commenter une décision de justice. C'est aussi ce que M. Darmanin a rappelé, mais vous avez tronqué sa citation. Il a eu ensuite des mots amicaux à l'égard d'une personne qu'il connaît. Le Gouvernement s'en tient à cette ligne : nous ne commentons pas les décisions de justice. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

M. David Assouline.  - C'est pourtant ce qu'a fait M. Darmanin !

Mme Marie-Pierre de La Gontrie.  - Monsieur le Premier ministre, votre silence est éloquent. (« Oh ! » sur les travées du groupe Les Républicains) Nous ne saurons pas si vous partagez les propos de votre ministre ; j'imagine que vous manifestez ainsi votre réprobation.

Le garde des Sceaux défendra bientôt un texte visant à « rétablir la confiance dans la justice ».

Voix à droite.  - Il y a du boulot !

Mme Marie-Pierre de La Gontrie.  - Lorsqu'on a l'honneur de participer à un gouvernement, on doit chérir la Constitution et les principes de la République, à commencer par le respect de la loi et de l'indépendance de l'autorité judiciaire. (Vives exclamations sur les travées du groupe Les Républicains, auxquelles répond M. David Assouline.)

Le soutien amical adressé par le patron des policiers à une personne lourdement condamnée pour manquements à la probité a un effet dévastateur.

Nul ne peut se réjouir de voir un ancien Président de la République condamné pour corruption, mais nous devrions nous satisfaire que notre justice s'applique à tous, puissants ou misérables, et chérir son indépendance. Rappelez-le donc à votre ministre de l'Intérieur. (Applaudissements à gauche)

Desserte ferroviaire du Massif central

Mme Guylène Pantel .  - Quel avenir pour les lignes Béziers-Clermont-Ferrand-Paris et Nîmes-Clermont-Ferrand-Paris ?

L'État et la région Occitanie travaillent à un protocole sur les lignes de desserte fine, dont les lignes dites de l'Aubrac et des Cévennes ont été exclues pour être renvoyées à un accord interrégional ultérieur. Ce report nourrit les inquiétudes sur les intentions du Gouvernement. La ligne de l'Aubrac est actuellement interrompue pour des travaux d'urgence entre Neussargues et Saint-Chély d'Apcher. Or cette ligne est essentielle pour la Lozère et le sud du Massif central : elle relie notre territoire à la capitale, achemine étudiants et lycéens, dessert l'une des dernières usines sidérurgiques françaises, centre innovant de production d'aciers électriques, et enfin transporte de nombreux touristes.

Où en est cette convention ? Quels engagements de l'État et de la SNCF pour pérenniser la circulation fret et voyageur sur cette ligne ? (Applaudissements sur les travées du RDSE ; M. Hussein Bourgi applaudit également.)

M. Jean-Baptiste Djebbari, ministre délégué auprès de la ministre de la transition écologique, chargé des transports .  - En 2017, nous avons concentré notre action sur les lignes du quotidien et suspendu les grands projets pour assainir d'abord la situation de la SNCF : nous avons ainsi repris 35 milliards d'euros de dette, investi 3 milliards d'euros par an sur les réseaux et sécurisé ces 9 000 kilomètres de petites lignes, ô combien essentielles pour nos territoires, pour un montant de 6,5 milliards d'euros.

Nous négocions deux contrats avec la région Auvergne-Rhône-Alpes. L'un pérennise les neuf lignes de la région, tout en dégageant 130 millions d'euros de crédits pour les travaux d'urgence d'ici à 2022.

Par ailleurs, nous discutons au niveau interrégional, sous l'égide du préfet Philizot, des lignes de l'Aubrac et du Cévenol, de manière à conclure d'ici mi-mai un engagement réciproque entre l'État, SNCF Réseau et les deux régions concernées, tout en assurant les travaux d'urgence.

Vous pouvez compter sur le total engagement du Gouvernement.

Mme Guylène Pantel.  - Quel est l'engagement à long terme de l'État ? Au-delà du Grand Paris, chaque territoire mérite son investissement.

Convention citoyenne sur le climat

M. Ronan Dantec .  - Ce week-end, la Convention citoyenne sur le climat a très sévèrement noté le Gouvernement. En dépit de l'engagement du Président de la République de décliner sans filtre ses travaux, le Gouvernement a passé les recommandations des citoyens à la moulinette, hachant menu l'ambition initiale. Vous décidez que la France n'honorera pas en 2030 l'accord de Paris, ni l'objectif européen de baisse de 55 % des émissions de CO2. Les insuffisances et incohérences du projet de loi sont pointées autant par le Conseil économique, social et environnemental et par le Conseil d'État que par le Haut Conseil sur le climat. Ce dernier estime que le texte permettra au mieux une baisse de 20 % des émissions en 2030.

Comment allez-vous assumer à Glasgow, lors de la COP26 en novembre, l'adieu français à l'accord de Paris ? (Applaudissements sur les travées du GEST)

M. Jean-Baptiste Djebbari, ministre délégué auprès de la ministre de la transition écologique, chargé des transports .  - Cet exercice de démocratie participative, voulu par le Président de la République, est inédit. (Marques de désapprobation sur les travées du groupe Les Républicains)

Nous avons largement échangé avec les citoyens de la Convention citoyenne sur le climat, qui ont rendu un jugement sur l'action du Gouvernement en toute indépendance. Il appartient maintenant au Parlement de se saisir du texte.

Nombre des 149 propositions sont déjà entrées en vigueur par voie réglementaire. C'est le cas notamment dans le secteur des transports, avec 25 propositions sur 42 déjà mises en oeuvre ; 14 autres sont intégrées dans le projet de loi. Nous avons avancé sur la conversion du parc automobile, sur la création de 35 zones à faibles émissions, sur le plan Vélo. Nous organisons la complémentarité des modes de transport et veillons à l'équité entre territoires, nous concilions transition industrielle et justice sociale.

Nous sommes fiers de notre action qui donnera des résultats rapides et tangibles.

M. Ronan Dantec.  - Ma question portait sur la stratégie diplomatique de la France à Glasgow. Nos partenaires ont des ambitions élevées, notamment les États-Unis, le Japon et même la Chine. Je suis un « ayatolliste » : je tiens à ce que la France respecte ses engagements internationaux et applique la loi. (Applaudissements sur les travées du GEST)

Statut des sapeurs-pompiers volontaires

M. Daniel Chasseing .  - (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP) Le 2 novembre 2020, le ministère de l'Intérieur a annoncé aux directeurs de services départementaux d'incendie et de secours (SDIS) une réflexion sur l'encadrement de l'activité des sapeurs-pompiers volontaires, sans qu'ils soient consultés. Ils pourraient être considérés comme supplétifs de fait et assimilés à des professionnels.

Cela irait à l'encontre du refus de leur appliquer la directive européenne de 2003 sur le temps de travail. Pourtant la loi du 20 janvier 2011 est claire : l'activité des sapeurs-pompiers volontaires, qui repose sur le bénévolat, n'est pas exercée à titre professionnel.

En 2019, M. Nunez m'avait assuré que les sapeurs-pompiers volontaires ne seraient pas assimilés à des salariés. Une telle mesure désorganiserait totalement les SDIS, allongerait les délais de secours et menacerait l'exercice de ce service public solidaire dans le monde rural.

Les SDIS, les départements, les sapeurs-pompiers volontaires, les élus, tous sont inquiets.

La France assure la présidence du Conseil européen à partir de janvier ; la question des sapeurs-pompiers volontaires sera-t-elle à l'ordre du jour ? Pourra-t-elle enfin être réglée ? (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP et sur plusieurs travées des groupes Les Républicains et UC)

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée auprès du ministre de l'intérieur, chargée de la citoyenneté .  - Il y a consensus sur la nécessité d'adapter notre modèle de volontariat, non pour remettre en cause un mode de fonctionnement qui a largement fait ses preuves - et je salue nos sapeurs-pompiers volontaires - mais pour encadrer certains points qui pourraient conduire à des décisions de justice dommageables.

C'est dans un esprit de transparence et de concertation que le ministère a initié ces travaux. Les associations d'élus et les organisations représentatives des sapeurs-pompiers sont consultées, et nous attendons les analyses et les propositions des SDIS. Notre objectif est de trouver une solution concertée sécurisant notre dispositif au regard du droit de l'Union européenne tout en maintenant une organisation efficace.

Nous n'écartons aucune hypothèse, comme celle d'une initiative citoyenne qui pourrait dispenser les sapeurs-pompiers volontaires de la directive européenne sur le temps de travail.

M. Daniel Chasseing.  - La directive européenne de 2003 hypothèque l'avenir des sapeurs-pompiers volontaires. Il faut régler la question une fois pour toutes. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP et sur plusieurs travées des groupes Les Républicains et UC)

Moyens des collectivités face à la crise sanitaire

M. Jean-François Husson .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Comme moi, vous entendez les inquiétudes grandissantes des collectivités territoriales face à la dégradation de leur situation financière. Selon l'Association des maires de France, les communes ont subi 5 milliards d'euros de pertes en raison de la crise sanitaire. Et 25 % des intercommunalités jugent leur situation financière dégradée.

Les collectivités territoriales méritent toute notre attention. Quel plan d'action le Gouvernement mettra-t-il en oeuvre pour les aider à sortir de la crise et préserver les investissements locaux ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Mme Jacqueline Gourault, ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales .  - Le Gouvernement a pris de nombreuses mesures en faveur des collectivités territoriales, dont les finances ont effectivement été très touchées : filet de sécurité pour les communes, à nouveau doté en loi de finances initiale pour 2021 ; avances de droits de mutation à titre onéreux (DMTO) pour les départements ; étalement sur cinq ans des coûts liés à la crise.

Nous avons développé des soutiens massifs à l'investissement grâce au plan de relance. Au total, 7 milliards d'euros ont été consacrés aux collectivités territoriales.

Les finances locales ont mieux résisté qu'on pouvait le craindre : fin janvier, les recettes de fonctionnement accusent seulement 1,4 % de baisse et les dépenses de fonctionnement, 0,2 %.

Certes, l'épargne brute diminue de 3,7 milliards d'euros, mais elle s'établit au même niveau qu'en 2018.

Les budgets locaux ont résisté, malgré des écarts entre collectivités territoriales. Toutes sont résilientes, surtout si l'on considère le recul du PIB de 8,4 % en 2020.

Avec Olivier Dussopt, nous avons engagé un travail avec les associations d'élus du bloc communal pour apprécier l'impact de la crise collectivité par collectivité. Vous y serez associés.

M. Jean-François Husson.  - Merci de ces éclaircissements, mais c'est insuffisant. Dans les communes de plus de 3 500 habitants et les grandes villes, on observe une baisse de 30 % des recettes tarifaires et de 20 % des rentrées pour occupation du domaine public. Ces villes et centres urbains concentrent la pauvreté et la précarité, aggravées par le Covid.

Les communes thermales, touristiques, montagnardes sont les plus touchées, car elles sont privées de leurs principales ressources.

Ne répétez pas le fiasco des masques « inutiles » : les communes attendent encore d'être remboursées par l'État de la part qu'il leur avait promise ! Soyez à la hauteur ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Réforme de l'assurance chômage (II)

M. Hervé Gillé .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) La réforme de l'assurance chômage est anarchique et provocante, en pleine tempête économique. Votre Gouvernement s'attaque à un outil d'équilibre et de justice et parie sur une hypothétique reprise. Quatre chômeurs sur dix - 850 000 personnes - verront leur indemnisation diminuer de 22 %. Pour prétendre à une allocation, il faudra travailler six mois sur vingt-quatre, contre quatre sur vingt-huit auparavant. Vous faites peser vos économies sur les plus précaires en faisant croire qu'ils font le choix du chômage : c'est faux !

Injustice. Inquiétude. Détresse. Voilà ce que vous créez au lieu de développer la confiance.

Tous les partenaires sociaux sont contre. Abrogez cette réforme...

M. David Assouline.  - Eh oui, c'est cela, la gauche !

M. Hervé Gillé.  - ... qui aboutira à une véritable casse sociale ! (On renchérit et applaudit sur les travées du groupe SER.)

Mme Élisabeth Borne, ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion .  - De quelle réforme parlez-vous ? Celle que j'ai présentée hier aux partenaires sociaux est le fruit de six mois d'échanges ininterrompus avec eux. (« Ils n'en veulent pas ! » et « Personne n'en veut ! » sur les travées des groupes SER et CRCE) Elle vise à lutter contre la précarité et à introduire plus d'équité dans le calcul des allocations. (Protestations à gauche)

M. Pascal Savoldelli.  - Une équité injuste !

Mme Élisabeth Borne, ministre.  - Elle prévoit un système de bonus-malus qui récompense les entreprises vertueuses et pénalise celles qui recourent excessivement aux contrats courts : nous pourrions nous retrouver sur ce point !

La réforme ne réduit pas les droits des allocataires. (On le conteste vivement à gauche.)

M. David Assouline.  - Vous êtes la seule à le dire !

Mme Élisabeth Borne, ministre.  - Le montant total est inchangé, et si l'allocation baisse un mois donné, elle durera plus longtemps.

Nous instaurons un plancher afin d'éviter des allocations trop faibles.

Nous avons agi massivement pendant la crise. Activité partielle, allongement des droits, aide exceptionnelle aux travailleurs les plus précaires : nous avons lutté contre la précarité. (M. François Patriat applaudit.)

M. Hervé Gillé.  - Vous voulez présenter une réforme coûte que coûte parce que vous abandonnez celle des retraites : c'est une démarche politicienne, anachronique et inadaptée. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE)

Attractivité de la Bourse de Paris

M. Philippe Dominati .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Ma question était adressée à Bruno Le Maire.

Il y a quelques mois, Londres était la principale place financière d'Europe. Après le rapatriement de nombreuses transactions dans l'Union européenne, c'est, contre toute attente, Amsterdam qui est en tête, suivi de Londres. Paris est troisième, loin derrière.

Il est vrai que le Gouvernement a su faire la promotion de la fiscalité hollandaise et que l'État français a montré l'exemple en plaçant ses participations à La Haye... Il a fait des émules : Vivendi annonce la capitalisation de sa filiale Universal à La Haye dans quelques mois.

En février 2018, Bruno Le Maire voulait, disait-il, faire de Paris la principale place financière d'Europe continentale après le Brexit. C'est loupé !

Pourquoi le gouvernement français a-t-il été moins performant que le gouvernement hollandais ? Qui s'occupe de la place de Paris à Bercy ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Mme Olivia Gregoire, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie, des finances et de la relance, chargée de l'économie sociale, solidaire et responsable .  - (Marques de réprobation à droite) Le Gouvernement est depuis 2017 mobilisé sur la question de l'attractivité de la place de Paris, grâce à quoi la France est à l'avant-garde de l'innovation sur les services financiers, par exemple sur la finance verte et durable ou les applications de blockchain.

Depuis 2019, Paris a obtenu la relocalisation de plateformes de négociation, comme celles de Goldman Sachs, ou la création de filiales européennes, comme celle de Bank of America : c'est le seul centre financier continental qui ait réussi à capter l'ensemble de l'écosystème des services financiers.

Depuis le 1er janvier 2021, les actions cotées en euros d'entreprises de l'Union européenne ne peuvent plus être négociées au Royaume-Uni, la Commission européenne n'ayant pas accordé d'équivalences. Paris a été l'un des deux principaux bénéficiaires de ce rapatriement, avec la relocalisation de sept plateformes anglo-saxonnes.

Paris devrait aussi être l'une des deux principales places de cotation de l'Union européenne, avec Francfort. Nous sommes proches du résultat. (M. François Patriat applaudit.)

M. Philippe Dominati.  - Vous êtes élue de Paris. Votre réponse est préoccupante... Vous en êtes restée aux arguments de 2018 : il serait temps de réagir, car entre-temps, il y a eu un échec ! Mais le Gouvernement ne s'intéresse pas au Grand Paris, ni à la région capitale, nous le savons. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Une « Journée nationale de l'agriculture »

Mme Françoise Férat .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC ; M. René-Paul Savary applaudit également.) En 2018, la ferme France est restée la première puissance agricole européenne avec une production de 73 milliards d'euros, contribuant à 6,7 % du PIB français. C'est la meilleure agriculture du monde en termes qualitatifs, nutritionnels et environnementaux.

Nous aurions dû rencontrer, en cette saison, les agriculteurs au Salon de l'agriculture. À défaut, il y aura cette année des journées de l'agriculture sur le territoire. Cependant, nous souhaitions symboliquement une journée nationale de l'agriculture, de préférence au mois de juin.

Cela ne doit pas masquer les critiques contre les lacunes de la loi EGalim ou de la lutte contre la grippe aviaire. Mais un tel événement valoriserait les métiers et les spécificités de nos territoires. Nos concitoyens doivent connaître ceux qui les nourrissent en toutes circonstances ! Une telle journée serait en outre de nature à atténuer le découragement des agriculteurs. (Applaudissements sur les travées du groupe UC)

M. Gabriel Attal, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, porte-parole du Gouvernement .  - M. Denormandie est retenu à l'Assemblée nationale pour une audition. Il aurait aimé vous répondre.

En ce moment, le Salon international de l'agriculture nous manque, à nous mais aussi à tous les Français. Nous aurions tant aimé qu'il se tienne, pour avoir l'occasion de remercier les agriculteurs pour leur mobilisation durant le confinement.

Nous les avons soutenus avec la loi EGalim de 2017, les circuits courts, le 1,2 milliard d'euros du plan de relance, ou les négociations avec Bruxelles permettant de verser 99 % des aides de la PAC en temps et en heure.

Mais vous avez raison : il faut aussi faire connaître ce métier. Le Centre national des expositions et concours agricoles organisera au printemps une semaine française de l'agriculture. Des journées de l'agriculture auront aussi lieu en juin, nos concitoyens pourront visiter des exploitations pour découvrir la réalité du métier.

Nous devons toujours rappeler le rôle et la place essentielle de nos agriculteurs. Au nom du Gouvernement, je vous remercie de l'avoir fait ici. (M. François Patriat applaudit.)

Mme Françoise Férat.  - Il y a un malentendu. Vous parlez de journées de l'agriculture ; j'évoquais une « Journée nationale »... (Applaudissements à droite)

Réforme de l'assurance chômage (III)

Mme Frédérique Puissat .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Vous avez fait le choix de poursuivre la réforme de l'assurance chômage et nous vous en félicitons. Mais qu'en est-il de sa temporalité ?

Le contexte de gouvernance avec les partenaires sociaux est complexe. Les négociations ont été désastreuses ; les perspectives de Pôle Emploi sont incertaines pour 2022. Or nous vous tendions la main, en proposant un débat au Parlement sur le document de cadrage transmis aux partenaires sociaux. Vous n'en avez pas voulu.

Les discussions vont-elles vous permettre de renouer le lien avec vos interlocuteurs ? Ne faudrait-il pas travailler davantage avec le Parlement, les régions et les départements ? Choisir des solutions à géométrie variable selon les branches et les zones géographiques ?

Mme Élisabeth Borne, ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion .  - Comme vous, je suis attachée au dialogue social et au rôle des partenaires sociaux, essentiel notamment dans la crise. Je les ai écoutés et c'est ainsi que nous avons pu construire la réforme et choisir de décaler au 1er juillet son entrée en vigueur. Les droits resteront ouverts au bout de quatre mois, jusqu'à retour à meilleure fortune : il faut s'adapter à la situation du marché du travail. Un plancher a été instauré pour éviter les allocations trop basses. Le bonus-malus a été aménagé afin de neutraliser l'année 2020 et le début 2021 dans les calculs.

C'est une écoute permanente des partenaires sociaux qui nous a permis d'avancer. La question de la gouvernance de l'assurance chômage sera aussi traitée. Le Parlement y sera associé.

Mme Frédérique Puissat.  - Je ne sais pas si vous êtes une femme de gauche... (« Non ! Non ! » sur plusieurs travées du groupe CRCE) Quoi qu'il en soit les conditions d'un dialogue social serein n'ont pas été réunies. Le Parlement et les régions ont été oubliés ; les partenaires sociaux dénoncent une réforme verticale. Mais votre calendrier était plutôt celui de l'élection présidentielle... (Applaudissements nourris sur les travées du groupe Les Républicains)

L'épargne des riches au service de la relance ?

M. Thierry Cozic .  - Toutes les guerres ont leur trésor : 200 milliards d'euros, soit 8 % du PIB, c'est le surcroît d'épargne accumulé dans notre pays. Il pourrait être réinjecté dans l'économie ! Il apparaît que 70 % de ce supplément a été mis de côté par les 20 % de ménages les plus riches. Or l'argent est fait pour circuler.

Les atermoiements sur le vaccin ne sont pas de nature à faire revenir la confiance, il serait donc judicieux de mettre à contribution cette épargne de précaution.

Ne pourrait-on rétablir l'ISF ? (Marques d'agacement sur les travées du groupe Les Républicains) Taxer les plus aisés ? (Même mouvement) Il serait pourtant intéressant de mieux répartir l'effort de relance.

Monsieur le ministre, le virus s'est développé sur un terrain miné par les inégalités et celles-ci continuent à se creuser. Comme mobiliser le fonds de guerre thésaurisé par les plus aisés ?

Allez-vous enfin faire naître un embryon de justice sociale dans votre quinquennat ? Il reste un an : il n'est pas trop tard... (Applaudissements sur les travées du groupe SER)

Mme Olivia Gregoire, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie, des finances et de la relance, chargée de l'économie sociale, solidaire et responsable .  - Le Gouvernement est mobilisé depuis 2017 sur le sujet. En 2020, 200 milliards d'euros d'épargne ont été accumulés. Ce n'est pas un « trésor » : c'est l'argent des Français. Il est placé dans l'intérêt des épargnants mais il sert au financement de nos entreprises, qui en ont bien besoin pour investir et pour consolider leurs fonds propres.

Le label Relance lancé en octobre 2020 cible les investissements en fonds propres et quasi-fonds propres dans les PME et les ETI. Près de 150 fonds ont été labellisés, soit 25 milliards d'euros d'encours cible.

Nous développons les mécanismes pour flécher l'épargne vers les entreprises et incitons les Français à mettre leur épargne au service de l'économie de l'avenir. (M. François Patriat applaudit.)

M. Thierry Cozic.  - Les bas de laine et les matelas de certains sont bien remplis. Épargnez-nous les incantations et orientez vraiment l'épargne vers l'économie !

Violences entre bandes en Essonne

M. Jean-Raymond Hugonet .  - Lilibelle et Tamani, 14 ans, sont morts en Essonne, dans les deux charmantes bourgades de Saint-Chéron et Boussy-Saint-Antoine, à la suite d'affrontements entre jeunes.

C'est l'horreur absolue, mais il n'y a rien de nouveau : ainsi la mort à Courcouronnes de Romuald, le 8 novembre 2000, victime d'une vieille histoire d'impayés opposant deux familles, sur fond de rivalité entre quartiers. Nous croulons sous les analyses détaillées de sociologues sur les violences en bande, sur les phénomènes de gang, de tribu.

Bien sûr, il faut prévenir et accompagner, mais quand répondrez-vous à l'appel de détresse des élus de l'Essonne, qui doivent quémander les crédits du plan de prévention spécialisé ?

Quand les aiderez-vous à recomposer des quartiers à vivre au lieu de les matraquer avec l'article 55 de la loi SRU ?

Quand adapterez-vous les effectifs de gendarmerie et de police à la croissance démographique exponentielle du département ?

Le 26 janvier 1989, le sénateur communiste Robert Vizet alertait le gouvernement d'alors sur l'insuffisance de ces effectifs... (On le confirme sur les travées du groupe CRCE.) C'était il y a trente-deux ans ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée auprès du ministre de l'intérieur, chargée de la citoyenneté .  - (Marques de déception sur les travées du groupe Les Républicains) Nous partageons le constat que vous dressez sur les violences en bande dans l'Essonne, elles sont inacceptables. Quatre-vingt-onze événements de cet ordre ont eu lieu en 2020. J'adresse mes pensées aux familles des victimes. Les personnes impliquées sont de plus en plus jeunes, entre 13 et 17 ans.

Les forces de sécurité intérieure font un travail remarquable mais difficile, parvenant souvent à éviter des drames.

Je n'oppose pas prévention et répression. (« Donnez des moyens ! » à droite) Il y a une action répressive et judiciaire avec le parquet d'Évry : un référent pour la lutte contre les bandes a été mis en place dans chaque circonscription de sécurité. Une procédure judiciaire cible la participation aux attroupements armés ; la surveillance vidéo est utilisée et un dispositif d'alerte précoce a été instauré. Le déploiement rapide des forces de l'ordre a ainsi permis d'éviter des violences par des interpellations préventives.

La prévention est renforcée en amont avec les élus et les chefs d'établissement scolaire. Un travail a été lancé avec le ministère de l'Éducation nationale et le garde des Sceaux, qui aboutira en mai 2021 au nouveau plan de lutte contre les bandes.

M. Jean-Raymond Hugonet.  - Encore un plan, encore des confettis de paroles ! Ne nous payez plus de mots, car nous voulons des actes, et ils sont demandés en Essonne depuis trente-deux ans ! Réveillez-vous ! (Applaudissements nourris sur les travées du groupe Les Républicains)

Dose supplémentaire dans les flacons Moderna et Pfizer

M. Jean-François Longeot .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur plusieurs travées du groupe INDEP) La crise soulève chaque jour des questions et notamment celle-ci : comment rattraper notre retard vaccinal ?

Alors que seules dix doses sont prévues dans les flacons du vaccin Moderna, il semblerait que l'on puisse en tirer une onzième très facilement - même chose avec une sixième dose pour le vaccin Pfizer. Nous pourrions donc vacciner plus de personnes avec les mêmes quantités livrées. Cela représente trois doses par jour, soit quinze par semaine dans ma commune de 4 000 habitants. Que dire sur toute la France ? C'est un gaspillage !

Mais il y a un risque de poursuites si les autorités médicales utilisent cette onzième dose. Comment faire pour résoudre le paradoxe ? Ne pourrait-on utiliser les doses supplémentaires pour vacciner les personnes qui, ayant déjà été infectées par le virus, ont besoin d'une seule injection ?

Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargée de l'autonomie .  - Nous souhaitons tous accélérer notre stratégie vaccinale. Au 2 mars, quelque 3 millions de personnes ont reçu la première injection, 1,8 million la seconde.

Nous veillons à ce que les doses aillent aux publics prioritaires, notamment les résidents en Ehpad qui sont désormais 80 % à avoir reçu la première dose.

L'autorisation de mise sur le marché du vaccin Moderna prévoit que chaque flacon comporte dix doses, mais l'État a déjà mis à disposition des centres de vaccination des seringues spécifiques adaptées à la récupération de la onzième dose : nous anticipons, afin d'en faire bénéficier le plus grand nombre dans les meilleurs délais.

M. Jean-François Longeot.  - Il est important de pouvoir récupérer cette onzième dose.

La séance est suspendue à 16 h 15.

La séance reprend à 16 h 30.

CMP (Nominations)

Mme la présidente.  - J'informe le Sénat que des candidatures pour siéger au sein des commissions mixtes paritaires chargées d'élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi relative à la réforme du courtage de l'assurance et du courtage en opérations de banque et en services de paiement et de la proposition de loi améliorant l'efficacité de la justice de proximité et de la réponse pénale ont été affichées.

Ces candidatures seront ratifiées si la Présidence n'a pas reçu d'opposition dans le délai d'une heure prévu par notre Règlement.

Délégation parlementaire (Nomination)

Mme la présidente.  - J'informe le Sénat qu'une candidature pour siéger au sein de la délégation à la prospective a été publiée.

Cette candidature sera ratifiée si la Présidence n'a pas reçu d'opposition dans le délai d'une heure prévu par notre Règlement.

Accord de commerce et de coopération entre le Royaume-Uni et l'Union européenne

Mme la présidente.  - L'ordre du jour appelle le débat sur l'accord de commerce et de coopération entre le Royaume-Uni et l'Union européenne, à la demande de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées et de la commission des affaires européennes.

M. Christian Cambon, président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées .  - En parvenant à un accord in extremis, nous avons évité le pire. Mais ne nous berçons pas d'illusions : cela reste un compromis perdant-perdant, pour reprendre les mots de Michel Barnier.

Nous avions besoin que l'Europe s'affirme comme un pôle de stabilité et de paix alors que le multilatéralisme recule ; or elle s'est divisée et affaiblie, faisant le jeu de ses concurrents et adversaires. Aucun pays européen n'en sortira gagnant.

Même sans droits de douane, le retour des frontières apporte des frictions et une désorganisation de nos chaînes logistiques. La réduction des échanges risque d'être plus importante que prévu, avec de multiples difficultés pour les entreprises. De nombreuses négociations sectorielles doivent encore être menées, notamment sur la pêche : après 2026, toute possibilité d'accès aux eaux britanniques reste à écrire, et le problème du partage des quotas concédés aux Européens demeure entier.

Il sera essentiel que les vingt-sept restent unis, vigilants et mobilisés. Vous pourrez compter sur le Sénat pour appuyer le Gouvernement dans ce domaine.

La situation reste très sensible en Irlande du Nord, comme nous l'avons vu avec l'épisode des vaccins. L'obligation de déclarer tous les biens passant de Grande-Bretagne en Europe entraînera une véritable séparation commerciale qui risque de raviver les tensions politiques irlandaises et le courant d'opinion en faveur d'une réunification irlandaise.

De même, le référendum sur l'indépendance de l'Ecosse, malgré l'opposition de Boris Johnson, pourrait être relancé. La « Global Britain » pourrait être remplacée par une « Little England ».

En revanche, notre relation bilatérale de défense ne nous inquiète pas trop. Le 2 novembre, nous fêtions les dix ans des accords de Lancaster House et le programme de guerre des mines entrera prochainement en phase de production.

Nous sommes plus inquiets sur la volonté du Royaume-Uni de rester arrimé au cadre sécuritaire européen. Le Royaume-Uni vient d'annoncer vouloir se tourner vers le Pacifique, comme les États-Unis de Barack Obama en son temps : il veut rejoindre les membres de l'Alliance de libre-échange transpacifique.

Monsieur le ministre, quelle est votre perception de l'état d'esprit britannique sur ces sujets ? Les Britanniques jouent-ils la montre ? Attendent-ils une clarification des relations entre les États-Unis, l'OTAN et l'Europe ? Pourraient-ils tourner le dos à la défense européenne, alors que ses intérêts sont largement identiques ? L'Union européenne devra donc alors conquérir son autonomie stratégique en ne s'appuyant plus que sur la France. L'Allemagne semble y être plus déterminée qu'auparavant, avec la Boussole stratégique.

Il faut tirer toutes les conséquences du Brexit. La désaffection à l'égard de l'Europe, nous la devons à la fois à un excès de libéralisme et de bureaucratie. Les citoyens ne savent plus pourquoi nous avons fait l'Europe.

Face aux dégâts sociaux de la désindustrialisation, l'Europe doit enfin sortir de sa naïveté. Le plan de relance européen va vers plus de souveraineté et de solidarité. La stratégie vaccinale, la construction d'une défense européenne vont dans le bon sens.

Le Sénat appuiera ce mouvement vers une Europe plus protectrice et plus réaliste. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC)

M. Jean-François Rapin, président de la commission des affaires européennes .  - Le 23 juin 2016, coup de tonnerre : le Brexit a eu lieu ; c'est un événement inédit qui aura eu au moins le mérite de montrer que nul n'est prisonnier du projet européen.

Les négociations n'ont pas été un long fleuve tranquille mais elles ont montré la solidarité des vingt-sept. Mais c'est bien un accord perdant-perdant, comme l'a dit M. Barnier, qui ne fait que minimiser les pertes.

Le Sénat avait fixé ses lignes rouges l'an dernier. Les Européens sont 3,5 millions à vivre au Royaume-Uni et ce pays représente 15 % des exportations extra-européennes. Cet accord permet une zone de libre circulation, sans quotas ni droits de douanes.

En échange, le Royaume-Uni s'engage à ce que les aides d'État soient encadrées par des principes communs et que le niveau de protection réglementaire soit maintenu jusqu'à la fin de la transition. Cet accord prévoit aussi une clause de non-régression qui évite toute concurrence déloyale.

L'accord sur la pêche est intégré à l'accord final en maintenant un accès aux eaux britanniques jusqu'à fin 2026. C'est fondamental pour nos pêcheurs. Mais quid de l'après 2026 ? Une absence d'accord nous priverait des 650 millions d'euros de prises annuelles.

La coopération est maintenue dans le domaine de la recherche, l'espace ou la sécurité intérieure, notamment la lutte contre le blanchiment. Nous regrettons que le Royaume-Uni se retire d'Erasmus et refuse un cadre pérenne de coopération pour notre politique étrangère et de défense.

Visas, tampons, contrôles aux frontières : tout ce vocabulaire reviendra dans le langage quotidien de nos échanges.

Nous devons faire respecter nos standards pour garantir une concurrence loyale et la sécurité alimentaire. Les services financiers britanniques sont désormais suspendus aux décisions d'équivalence de la Commission.

Même dans les domaines réglés par l'accord, des sujets restent pendants. Je pense notamment aux pêcheurs français qui sont trop nombreux à ne pas encore avoir reçu la licence prévue.

Il faut une symétrie dans les contrôles vétérinaires. Je m'inquiète aussi des différences de contrôle des États membres : certains ports peuvent être tentés de réduire les contrôles pour attirer la marchandise...

Le protocole nord-irlandais a évité le pire mais il engendre de nouvelles tensions. Je crains que la Commission européenne n'ait jeté de l'huile sur le feu en invoquant l'article 16.

Une ligne budgétaire de 5 milliards d'euros est prévue pour compenser les conséquences du Brexit. Comment cette enveloppe sera-t-elle partagée entre les vingt-sept ? Le président Cambon et moi-même préparons une proposition de résolution pour appuyer la position française sur la répartition de cette enveloppe.

N'oublions pas de nous interroger sur ce qui a conduit au Brexit. Comme l'a dit Michel Barnier, il faut rapprocher Bruxelles des citoyens, et leur donner à toucher l'Europe à la maison. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC)

M. Éric Bocquet .  - Presque cinq ans après le vote en faveur du Brexit et après un an de négociations difficiles entrecoupées par la crise sanitaire, un accord a enfin été trouvé. C'est une performance, le gouvernement Johnson, aux abois, jouant son avenir et sa crédibilité. C'est historique : un pays a fait le choix de quitter l'Union européenne, dont il était un pilier. Cela nous oblige à une réflexion sur l'organisation de l'Union européenne.

Il faut bien analyser les causes profondes de ce choix britannique. L'Union européenne est de plus en plus vue comme une machine bureaucratique et un espace de concurrence déloyale. La France n'est pas épargnée : l'ombre d'un Frexit rôde, comme l'a titré Le Monde. Les privatisations de services publics et la gestion erratique de la crise sanitaire n'arrangent rien.

Cet accord nous garantit que nous n'aurons pas à nos portes un concurrent non tenu par des normes, contrairement au souhait de Boris Johnson. Grâce à Michel Barnier, les eaux britanniques ne seront pas fermées, même si la délivrance de licences a trop traîné, notamment pour les pêcheurs des Hauts-de-France. Seize seulement des cent cinquante bateaux de Boulogne-sur-Mer avaient obtenu le précieux sésame il y a quinze jours. Je pense aussi aux pêcheurs artisanaux de Dunkerque, déjà fragilisés par la pêche électrique, et qui risquent de disparaître.

Les Européens ont échoué à mettre en place un mécanisme d'alignement dynamique des normes : les normes britanniques risquent donc de se retrouver en-deçà des normes européennes, laissant apparaître des situations de dumping.

Et quid de l'après 2026 pour les pêcheurs ? Faut-il craindre une reprise en main ? La City reste la plaque tournante de la finance. Boris Johnson a annoncé la création de dix ports francs, comme au Luxembourg et en Suisse, ce qui mettrait à nos portes un véritable Singapour-sur-Tamise.

En outre, la suprématie financière de la City n'est pas entamée sur le fond. Or, l'affaire OpenLux a montré la nécessité d'agir contre les paradis fiscaux au sein même de l'Union européenne. Pendant ce temps, celle-ci fait la chasse aux services publics européens, se refuse à une politique fiscale ambitieuse de taxation des transactions financières et fait preuve d'une indifférence coupable à l'égard des paradis fiscaux.

Cet épisode doit nous conduire à nous interroger sur le fonctionnement de l'Union européenne, à qui le moindre effort de solidarité comme le plan de relance demande d'âpres négociations. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE ; M. Didier Marie applaudit également.)

Mme Catherine Morin-Desailly .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Le 24 décembre dernier, un accord avec le Royaume-Uni était trouvé de justesse, évitant un no deal.

Mais certains aspects de cet accord nous inquiètent. Je pense notamment aux pêcheurs et aux ports du Nord-Ouest français, en particulier normands, dont les acteurs affichent des pertes substantielles.

Avec le Brexit, compagnies et ports transmanche ont dû effectuer de lourds aménagements pour répondre aux nouvelles exigences de la circulation de marchandise. Les ports normands ont dû déjà consentir 8 milliards d'euros d'investissements.

L'Union européenne a proposé un fonds d'ajustement, mais les critères de répartition entre États membres posent question, notamment sur la question de la période de référence.

Les ports et les compagnies devront en outre mettre en oeuvre la directive européenne sur les entrées et sorties. En janvier 2021, les importations de poissons britanniques ont déjà diminué en volume comme en qualité.

Que se passera-t-il pour les pêcheurs au-delà de 2026 ? Je pense aussi à la situation dans les eaux des îles anglo-normandes. Les pêcheurs ont désormais besoin pour s'y rendre d'autorisations temporaires que leur concède le gouvernement de Guernesey, mais pas celui de Jersey. Et encore, seuls 57 bateaux sur 300 en ont obtenu une. Il s'agit de problèmes concrets, issus des acteurs que j'ai rencontrés.

Je salue l'implication sans faille de Michel Barnier, qui aura permis une sortie par le haut. (Applaudissements sur les travées du groupe UC ; M. Pascal Allizard applaudit également.)

M. Didier Marie .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Nous voici réunis autour de l'accord de partenariat obtenu à l'arraché le 24 décembre, en attente de ratification par le Parlement européen en avril. C'est un compromis qui préserve les principes du marché unique et permet à la Grande-Bretagne de sauver la face.

Clauses de sauvegarde, clauses miroirs, clauses de rééquilibrage, clauses de revoyure sont autant d'outils pour préserver des relations équilibrées. Mais où sont la politique étrangère, la défense, l'espace, les services financiers ?

Il faudra d'autres négociations. Il y a aussi ce qui a été acté mais est remis en cause, comme la mise en oeuvre difficile du backstop nord-irlandais.

Restent aussi des inconnues sur les droits des ressortissants européens au Royaume-Uni, sur la protection des appellations d'origine, sur les données personnelles.

Le Royaume-Uni veut suivre son propre chemin. Il faut en être conscient : pour la première fois, il ne s'agit plus d'organiser une convergence, mais de gérer une divergence.

Attention au contrôle démocratique de cet accord. Il est vraisemblable que les États membres aient renoncé, vu l'urgence, à vérifier dans le détail si, comme le prétend la Commission, toutes les clauses relèvent de la compétence exclusive de l'Union. C'est concevable, mais attention à ne pas créer un précédent juridique pour les prochains accords commerciaux, comme celui qui se prépare avec la Chine.

Le suivi de l'accord sera confié à un conseil de partenariat, assorti de comités de fonctionnaires qui échapperont à tout contrôle parlementaire : soyons vigilants.

Michel Barnier a raison, c'est bien un accord perdant-perdant. Cela nous oblige à en tirer les leçons concernant l'adhésion au projet européen de nos concitoyens pour continuer à avancer à vingt-sept.

La présidence française en 2022 pourrait être un tremplin. La posture idéologique libérale n'a pas suffi à nous préserver des maux qui nous affligent : il faudra en tenir compte.

M. Joël Guerriau .  - L'Union européenne poursuit le rapprochement entre ses peuples depuis sa création. Le Brexit va à rebours de ce mouvement. Il nous oblige à réfléchir sur certains points dont la règle de l'unanimité, qui devient synonyme de prise d'otage, comme l'ont montré les positions polonaises et hongroises à propos du plan de relance.

Je salue le tour de force de notre négociateur en chef, qui a obtenu un accord dans les derniers instants. Pour la première fois, nous négocions une divergence et non une convergence. Les tensions sont palpables et l'équilibre est fragile, témoins les problèmes qui ont suivi la mise en oeuvre du protocole nord-irlandais.

Les parlements nationaux auront un rôle d'alerte sur les divergences qui pourraient se faire jour avec le Royaume-Uni.

Concernant la pêche, les ports français atlantiques sont très touchés, Nantes-Saint-Nazaire en fait partie. Qu'en sera-t-il aussi des liaisons commerciales ?

La France a subi plusieurs cyberattaques récentes qui rappellent l'importance d'une coopération sécuritaire avec le Royaume-Uni dans ce domaine.

Un mot sur l'asile et l'immigration. France et Royaume-Uni travaillent sur ces questions depuis longtemps : de quoi les prochains mois seront-ils faits ?

Sur la politique étrangère de sécurité et de défense (PESD), les discussions avec le Royaume-Uni ne peuvent plus passer exclusivement par le cadre de Lancaster House. Quelles sont vos pistes de réflexion en la matière ?

Nous devons désormais nous concentrer sur nous-mêmes, Européens. Il faut continuer à créer une valeur ajoutée européenne ; le Brexit est l'occasion pour l'Europe de s'interroger sur elle-même.

« Ce qui est important, ce n'est ni d'être optimisme ni pessimiste, mais d'être déterminé », disait Jean Monet.

M. Jacques Fernique .  - En 2016, deux coups durs nous ont frappés : l'élection de Donald Trump et le référendum sur le Brexit. Le repli avait pris le dessus. Aujourd'hui, l'horizon s'éclaircit avec la nouvelle trajectoire des États-Unis et cet accord.

L'Union européenne se trouve diminuée d'un grand pays, celui-ci est plus seul qu'avant. Mais cela n'efface pas la logique de l'histoire et de la géographie, l'échange, la coopération ne sont pas liquidés.

Abandonnant ses propos à l'emporte-pièce, le gouvernement britannique a admis l'intérêt d'un accord. Celui-ci doit cadrer nos relations pour réduire les dégâts collatéraux. C'est à l'usage qu'il fera ses preuves.

Michel Barnier estime cet accord beaucoup plus ambitieux qu'un accord de libre-échange, avec des règles contre le dumping social et fiscal, des exigences environnementales. On nous promet un encadrement robuste pour empêcher des distorsions de concurrence et de régressions environnementales.

Tout est dans l'application. Nos normes environnementales sont amenées à progresser. La clause de non-régression ne suffira donc pas à éviter les divergences dommageables : tout dépendra de la vigilance de la Commission.

L'accord ne va pas assez loin dans le domaine financier : il se borne à rappeler les règles de l'OCDE et ne prévoit rien contre le réseau britannique des zones offshore qui représente pourtant un tiers des dommages causés par les paradis fiscaux - excusez du peu !

L'accès des services financiers britanniques au marché unique est conditionné au strict respect des règles européennes. Nous ne pouvons accepter un Singapour-sur-Tamise, comme le dit Éric Bocquet.

Même vigilance sur la protection des données.

Il faut enfin nous interroger sur les motivations populaires du divorce. Désindustrialisation, délitement des biens communs... les béances qui ont conduit au Brexit sont toujours là. Stella me disait dimanche, du haut de ses dix ans : « Le Brexit, c'est tout pourri ; si on continue comme cela, on se retrouvera chacun tout seul ». À nous de l'éviter ! (Applaudissements sur les travées du GEST)

M. Richard Yung .  - Il faut se féliciter de l'accord que nous avons trouvé, mais le Brexit reste une mauvaise affaire, pour le Royaume-Uni qui voit ses exportations soumises à des contrôles douaniers et sanitaires, comme pour l'Union européenne.

Les liaisons aériennes et maritimes seront moins fluides, le raccordement en réseau électrique devra être renégocié d'ici quelques années.

La vision de Boris Johnson, très XIXe siècle, c'est la Global Britain, qui repose sur des accords bilatéraux avec toutes les régions du monde. Pour l'instant, nous n'en voyons que les prévisions, et il est triste de voir ce grand pays borner son ambition à devenir un petit îlot de libre-échange et de fiscalité avantageuse aux portes de l'Europe.

Le Brexit est une mauvaise affaire aussi pour la France. Les plus optimistes peuvent espérer que l'absence du Royaume-Uni des mécanismes de décision permettra de mettre en oeuvre plus rapidement les politiques européennes.

Les contrôles à la frontière irlandaise se font en réalité à Belfast, avec le concours des douaniers européens. Le gouvernement britannique demande une période « de grâce » - le mot est cruel, mais juste - jusqu'en 2023, tant les difficultés de mise en oeuvre sont importantes.

Autre point dur : les équivalences financières. Les Britanniques voudraient en obtenir davantage mais ne se réjouissent-ils pas in petto de pouvoir développer une législation financière plus attractive que celle de l'Union européenne ?

Le stock existant des appellations d'origine, si important pour la France, est validé mais rien n'est prévu pour les futures indications.

La France doit conserver de bonnes relations avec le Royaume-Uni et faire en sorte que la mise en oeuvre de l'accord se fasse dans de bonnes conditions. C'est dans son intérêt.

M. Jean-Noël Guérini .  - Saluons la ténacité de Michel Barnier. Un premier bilan de l'accord obtenu sera dressé dans quelques semaines.

Récemment, monsieur le ministre, vous avez employé le joli mot d'« incomplétudes » pour désigner ce que j'appellerais plutôt les carences de cet accord.

En premier lieu, les questions de défense. Je regrette le départ fracassant du Royaume-Uni de l'Europe, mais rappelons qu'il y eut déjà un départ, sur la pointe des pieds, dans les plaines glacées du Groenland en 1982.

Celui du Royaume-Uni est sans mesure, certes, notamment concernant la défense ; je mesure l'insistance de Michel Barnier d'inclure ce domaine dans les négociations, mais Londres ne l'a pas jugé urgent. Faut-il convoquer les discours sur l'Europe de la paix ? Le rêve d'une défense européenne reste une chimère, alors que 60 % des forces de défense européenne sont franco-britanniques, de même que 80 % des dépenses de R&D dans ce domaine.

Il apparaît clairement que la France ne peut supporter à elle seule le poids de la défense de l'Union européenne et de la dissuasion nucléaire. Les Britanniques ont refusé de participer pleinement à la politique européenne de sécurité et de défense qu'ils avaient pourtant initiée à Saint-Malo en 1998. Alors que les menaces se multiplient, il n'est pas permis d'attendre.

L'Europe des vingt-sept n'est pas seulement un grand marché : elle a une citoyenneté à bâtir et à défendre. Il faut construire cette défense européenne, indispensable à l'heure où le multilatéralisme est à relancer. L'Union européenne ne doit pas rester un tigre de papier. (Applaudissements sur les travées du RDSE)

M. Pascal Allizard .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) La sortie du Royaume-Uni est une mauvaise nouvelle pour l'Europe mais il s'agit de la réponse des Britanniques à un pari hasardeux lancé par David Cameron.

Après les aléas, les doutes et les postures, le no deal a été évité de justesse, mais rien ne sera plus comme avant. Le business as usual est terminé, comme l'a dit Michel Barnier.

De chaque côté du Channel, chacun se rassure, personne ne veut perdre la face, même si pour le Royaume-Uni les compromis au cours des négociations n'ont jamais conduit à déroger à l'objectif de restauration de la souveraineté nationale.

Pourtant, le Brexit est une situation perdant - perdant : il affaiblit l'Europe et le Royaume-Uni, à l'heure de la fragilisation des États-Unis et du rapprochement russo-chinois ou russo-turc. Des craintes demeurent sur l'altération de la confiance durant les négociations et les premières heures de l'application de l'accord. Nous l'avons vu avec certains collègues lors d'une visite à Calais et à Boulogne-sur-Mer.

Jusqu'au dernier moment, la question du droit de pêcher dans les eaux du Royaume-Uni a fait obstacle à la conclusion d'un accord. Les nouvelles règles inquiètent toute la filière. Malgré une réduction de 25 % des prises et quelques couacs de début d'année, l'accès aux eaux britanniques est maintenu, mais qu'en sera-t-il dans quelques années, quand l'accord devra être renégocié ? Les pêcheurs britanniques se plaignent des prises perdues ou gâchées en raison des nouvelles contraintes administratives, notamment des licences.

Cette question d'horizon est cruciale en raison de la durée d'amortissement d'un bateau de pêche. La reconversion, même subventionnée, n'est pas souhaitable. La souveraineté alimentaire est un défi du siècle. Qu'en sera-t-il des ports français ? Faire de la France le hub de l'Europe sera difficile. Les ports sont des actifs stratégiques, les Chinois l'ont bien compris, qui investissent massivement dans les opérateurs portuaires et le transport des containers.

Je note avec intérêt la coopération entre les autorités policières et judiciaires du Royaume-Uni et Europol et Eurojust. Face à la criminalité, la lutte contre le blanchiment des capitaux et le terrorisme doit rester une priorité.

Nous devons poursuivre dans l'esprit du traité de Lancaster House qui a récemment fêté ses dix ans : les enjeux opérationnels et industriels sont majeurs.

Nous avons de nombreux intérêts communs avec la Grande-Bretagne. Le bon sens nous commande de poursuivre dans cette voie coopérative. Mais ses relations privilégiées avec les États-Unis et le Commonwealth lui assurent déjà une grande ouverture sur le monde. De plus, le Royaume-Uni entend se rapprocher des économies asiatiques en forte croissance. Il a négocié un accord avec le Japon et augmenté ses capacités de projection.

Les Britanniques voudront-ils investir durablement dans la relation européenne ou se concentrer sur le pivot asiatique ? That is the question... (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Olivier Cadic .  - Le 24 décembre, l'Union européenne et le Royaume-Uni ont signé un accord de commerce et de coopération. Le groupe UC s'en réjouit.

Nous saluons la défense des intérêts français, la fermeté du Gouvernement et la qualité du travail de M. Barnier.

Face à l'intransigeance britannique, M. Barnier leur a rappelé que l'heure tournait. Boris Johnson a annoncé la conclusion d'un traité à la veille de Noël et n'a laissé que trois jours ouvrables avant sa date d'instauration. Les entrepreneurs ne remercient pas le Premier Ministre britannique. « Hello, Johnson ? We have a problem ! », me disait hier un comptable britannique. Côté anglais, des droits de douane s'appliquent pour des colis de plus de 130 livres sterling. Certaines entreprises ont cessé de commander en ligne en raison de problèmes de TVA payée deux fois.

Quel sera l'impact de l'accord sur les PME françaises ? Avez-vous prévu un accompagnement pour les aider ? Les entreprises françaises établies au Royaume-Uni ne peuvent plus accueillir des stagiaires venant de France. Idem pour les échanges d'étudiants ou les jeunes au pair. Avez-vous entrepris des démarches bilatérales dans ce domaine, comme l'ont fait d'autres pays européens ?

Les services financiers ne font pas partie de l'accord, alors qu'ils représentent 7 % du PIB britannique. Les entreprises anglaises du secteur ont délocalisé vers les places financières de Paris, de Francfort, de Dublin ou d'Amsterdam. Comment fidéliser ces hauts cadres dirigeants ?

Le Brexit fait d'autant plus peur qu'il permet de s'affranchir de règles européennes et instaure une concurrence déloyale. Les grands groupes financiers ont mis leurs oeufs dans différents paniers et implanté leurs activités dans différents pays européens par crainte de voir un autre pays sortir à son tour de l'Union européenne.

De nombreux points sectoriels restent à négocier. C'est comme un oignon : à chaque couche retirée, il y en a une autre qui fait davantage pleurer. (Sourires)

La combinaison Brexit-Covid rend la situation très difficile à supporter pour ceux qui vivent à cheval entre les deux pays. Quand supprimera-t-on la « raison impérieuse » pour passer d'un pays à l'autre ? (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains)

Mme Gisèle Jourda .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) La défense européenne est-elle affaiblie ou libérée ? L'ambition de l'Europe tient moins à l'argent qu'à sa vision de son autonomie stratégique. Après les années Trump, l'Europe doit être présente sur de nouveaux fronts.

La crise sanitaire a ouvert les yeux des vingt-sept sur la nécessaire indépendance dans les domaines-clés que sont la santé et les technologies d'avenir

Le Brexit a privé les vingt-sept du paravent britannique bien utile pour cacher les divisions et les différences d'approche sur les questions de défense. Qu'est-il ressorti du Conseil européen ? La PESD doit être relancée, voire renouvelée.

L'épisode avorté d'un retour des contrôles à la frontière irlandaise pour surveiller les exportations de vaccins hors l'Union a agi comme un révélateur. Michel Barnier a estimé que l'activation de la clause article 16 était une erreur.

L'accord de retrait de 2019 proposait des relations plus étroites que l'accord commercial signé en décembre 2020. Il faut maintenir un front commun européen sur cette question.

Depuis le 1er janvier 2021, les demandeurs d'asile voulant rejoindre le Royaume-Uni, quels que soient leur âge ou leur situation familiale, doivent emprunter des voies irrégulières et dangereuses, surtout pour les enfants. Le règlement communautaire Dublin 3 a cessé de s'appliquer ; or il permettait de lutter contre les passeurs et les filières criminelles.

Nous n'avons aucune précision sur les dispositions futures. Il est urgent que le Gouvernement mette en place un nouveau mécanisme de réunification familiale, sans quoi, nous aurons de nouveaux drames dans le Grand-Calaisis.

Les traversées de fortune ont été multipliées par dix depuis 2018. La mobilisation des autorités est indispensable. (Applaudissements sur les travées du groupe SER)

M. Alain Cadec .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) L'accord de commerce et de coopération résulte d'un processus long et pénible de plus de quatre ans. Il convient de féliciter Michel Barnier pour l'excellent travail réalisé, tant sur l'accord de sortie que sur l'accord de commerce et de coopération. Cependant, c'est un scénario perdant-perdant.

Commercialement, un accord de libre-échange n'est pas une union douanière : la circulation des marchandises est beaucoup moins fluide en raison des contrôles douaniers. Cela ne va pas s'améliorer.

Politiquement, le Royaume-Uni perd des avantages liés aux politiques et programmes de l'Union européenne et au réseau des accords internationaux.

L'Union européenne pèse aussi moins lourd à vingt-sept qu'à vingt-huit et se voit maintenant flanquée d'un nouveau concurrent.

Cet accord a limité les dégâts. Les deux parties se sont fait peur avec un cliff edge : le no deal. L'accord d'association est classique et permet des échanges de marchandises sans droits de douane ni quota.

Je salue un cadre juridique institutionnel unique. Le précédent suisse a montré qu'une série d'accords bilatéraux pose problème politiquement et techniquement. Un saucissonnage aurait été dramatique pour l'Union.

L'accord de retrait réglait déjà la circulation des citoyens européens au Royaume-Uni et britanniques dans l'Union européenne. À l'avenir, l'accès des citoyens européens au territoire et au marché du travail britanniques sera plus difficile mais des garanties minimales réciproques ont été obtenues en matière de visas et de protection sociale.

Le Royaume-Uni continuera à participer, sous conditions, à des programmes européens. Mais sa sortie d'Erasmus+ est une grande déception pour les étudiants.

Autre déception, les garanties d'une concurrence loyale, ce qu'il est convenu d'appeler le level playing field, ne sont pas à la hauteur de ce que nous aurions pu espérer. Le Royaume-Uni tirera profit de sa souveraineté retrouvée en matière réglementaire. L'Union européenne devra être vigilante et ne pas hésiter à protéger ses intérêts.

La pêche a été l'un des dossiers les plus difficiles à négocier. Le compromis trouvé est source de frustration pour nos pêcheurs. Le résultat aurait pu être pire, car le transfert de quotas au profit du Royaume-Uni s'élève à 25 % - quand Boris Johnson demandait 80 %. Mais nous devons être vigilants sur l'échéance de juin 2026, en n'hésitant pas à refermer le marché de l'Union pour les produits britanniques si nous ne sommes pas satisfaits de l'accueil réservé à nos pêcheurs.

Le protocole nord-irlandais, conclu lors de l'accord de retrait, n'est effectif que depuis cette année. Pour éviter le rétablissement d'une frontière visible, il impose des contrôles stricts pour les échanges de l'Irlande du Nord avec le reste du monde, y compris la Grande-Bretagne, et s'en remet aux autorités douanières britanniques pour les exercer. Ce système n'est pas dénué de failles, on l'a vu lorsque l'Union européenne a voulu instaurer des contrôles sur les exportations de vaccins. Pire, son efficacité dépend entièrement de la coopération d'autorités britanniques qui ont fait preuve jusqu'ici de la plus extrême mauvaise volonté.

Cette usine à gaz laisse augurer de sérieux dysfonctionnements dans les prochains mois, avec un risque de répercussion sur la situation politique irlandaise, notamment le fameux accord du Vendredi Saint.

N'oublions pas que nous avons affaire à la « perfide Albion » ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Clément Beaune, secrétaire d'État auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères, chargé des affaires européennes .  - Je suis heureux de répondre à vos interrogations et à vos préoccupations sur cet accord complexe.

Nous devons la sauvegarde de notre unité européenne à Michel Barnier, qui a incarné la fermeté européenne.

Depuis juin 2016, ce fut un long feuilleton. Nous avons dû définir nos intérêts européens communs il y a quatre ans. Le signal d'unité a été donné, alors que les Cassandre prédisaient un délitement de l'Union. Nous avions été clairs sur la nécessité de préserver le marché unique ainsi que la paix et la stabilité en Europe. C'est grâce aux règles européennes que la dissociation entre deux entités politiques et une entité économique en Irlande a permis l'accord du Vendredi Saint, il y a un peu plus de vingt ans.

L'accord de retrait de 2019 a réglé trois sujets : les intérêts financiers de l'Union européenne ; les droits de nos citoyens - 3 millions d'Européens, dont 300 000 Français, résident au Royaume-Uni - et la question irlandaise.

Nous vivrons durablement avec ce protocole complexe. Les difficultés actuelles sont dues au choix britannique et non à ce protocole ; ne nous trompons pas de responsabilité à cet égard.

L'activation de l'article 16, brandi par les Britanniques lorsque la Commission européenne a voulu, maladroitement, contrôler les exportations de vaccin, ne doit pas menacer le protocole. Les Britanniques doivent l'appliquer intégralement. Leur Gouvernement veut prolonger unilatéralement la période de grâce : c'est illégal et inacceptable.

Ce n'est que dans le cadre d'une discussion que le protocole pourrait être assoupli, pas unilatéralement.

Nous avons voulu, fin 2020, négocier l'accord commercial, avec des points sensibles comme la pêche. C'est un accord protecteur des intérêts européens et français. Il protège notamment les intérêts fondamentaux sur la pêche, avec un accès garanti pour cinq ans aux eaux britanniques. Certes, il aboutit à une réduction progressive des quotas et doit conduire à préparer l'après. Après juin 2026, les Britanniques pourraient opter pour un système de décision unilatérale annuelle sur l'accès à leurs eaux. En face, nous avons d'autres leviers de négociation.

Car notre souhait est évidemment que l'accès aux eaux britanniques soit maintenu.

Le level playing field vaut pour tous les secteurs. Pour la première fois, une capacité de vérification et de rétorsion est prévue, avec des mesures de compensation et des délais encadrés. C'est fondamental pour que l'accès au marché unique ne se traduise pas par une stratégie de dumping, un Singapour sur Tamise.

N'ayons pas un romantisme du no deal : il aurait conduit à un risque de délitement, de désagrégation de l'Union européenne ; or nous avons besoin d'une Europe solide et durable.

Troisième élément, le cadre de coopération avec le Royaume-Uni. Nous avons besoin de ce pays dans les décennies à venir, car il reste notre voisin - la géographie est têtue - et notre partenaire et allié - l'histoire est têtue.

Nous entrons dans une période de vérité : l'accord doit être mis en oeuvre et respecté. La question de la pêche est un test, avec notamment la délivrance des licences. Il en manque encore une cinquantaine pour la zone de six à douze milles. Cela prend du temps, mais nous les obtiendrons.

Nous devons aussi être vigilants sur les conditions de la concurrence équitable. La France souhaite un mécanisme d'alerte par les opérateurs économiques sur les écarts et divergences : il nous faut le retour du terrain. La Commission s'est engagée à le mettre en place. La France souhaite aussi des procédures de réaction et de rétorsion au niveau de l'Union européenne.

Si nous réussissons, cet accord pourra servir de modèle.

Il y a aussi ce qui ne figure pas dans cet accord, les « incomplétudes ». Je m'excuse auprès de M. Guérini d'avoir employé ce mot réservé à la psychologie et à l'arithmétique. Parlons donc plutôt de carences ou de manques. Je pense notamment à la sécurité et à la défense. Nous sommes dans une période pendant laquelle nous attendons que la poussière retombe : la négociation a laissé des traces, il faut retrouver des habitudes de travail en commun et sécuriser notre relation, dix ans après les accords de Lancaster House.

Il faudra aussi instaurer un cadre de coopération euro-britannique, alors que le Royaume-Uni a refusé de faire entrer la défense dans l'accord. La France a fait des propositions à cet égard : je songe à l'initiative européenne d'intervention, cadre de coopération informel entre nos armées, qui est déjà à l'oeuvre.

Le Président de la République avait proposé en mars 2019 un Conseil européen de sécurité pour répondre à des crises comme celles que nous voyons en Chine, en Russie ou en Birmanie.

La question de l'asile a fait l'objet d'un accord spécifique, avec un renforcement des financements britanniques pour surveiller la côte des Hauts-de-France. La voie la plus pragmatique serait celle d'un accord bilatéral spécifique, pour calquer les règles de reconduite sur celles de Dublin.

La question de la protection des données et celle des services financiers relèvent de compétences unilatérales de l'Union européenne. C'est donc un levier vis-à-vis du Royaume-Uni. C'est l'Union qui décide d'attribuer les équivalences en déterminant si la législation britannique assure une protection équivalente aux opérateurs européens.

Pour la protection des données, l'équivalence semble pouvoir être acquise. Les choses sont moins claires pour le secteur financier : l'accès au marché européen pourra n'être accordé que produit par produit. Dans ces deux domaines, les décisions européennes pourront être révoquées.

Je regrette aussi que l'accord soit muet sur la coopération étudiante - Erasmus+ et Horizon Europe ; c'était un choix britannique.

Le Brexit aurait pu sonner le début d'un délitement européen. Tel ne fut pas le cas. Au contraire. Il ne faut cependant pas nous rendormir, car le Brexit a été un signal d'alarme ; il a réveillé l'Europe et stimulé notre capacité à imaginer de nouvelles actions, comme le plan de relance européen, qui n'aurait pas été possible, je le crois, si les Britanniques étaient restés dans l'Europe.

Il nous faut maintenant démontrer notre agilité et notre réactivité pour que l'action collective européenne soit une vraie force. Mario Draghi disait récemment devant le Sénat italien qu'il n'y a pas de souveraineté dans la solitude. À l'Union de le démontrer en se réformant et en relevant de nouveaux défis. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI et sur diverses travées des groupes UC et Les Républicains.)

Mme Michelle Gréaume .  - Le maintien d'une exigence en matière de normes environnementales, sociales et fiscales impose un renforcement des contrôles aux frontières. Nous avons évité les embouteillages grâce à des recrutements et aux aménagements des ports, mais le trafic est fortement impacté. En janvier, les exportations ont baissé de 68 % en Grande-Bretagne. Qu'en sera-t-il à plein régime ? Le passage entre l'Eire et l'Irlande du Nord bloque, avec des pénuries dans les supermarchés nord-irlandais.

Nous venons d'inaugurer à Dunkerque une ligne directe de transport poids lourds avec Rosslare. Mais dans un même camion, on peut compter de 300 à 400 produits alimentaires différents... avec autant de certificats sanitaires.

L'Union européenne a rejeté la demande de Londres d'un délai supplémentaire pour normaliser le transit nord-irlandais. Ce sont les Nord-Irlandais qui paient le prix de l'intransigeance de Bruxelles et de Londres. Comment la France peut-elle aider à résoudre ces difficultés ?

M. Clément Beaune, secrétaire d'État.  - Début janvier, nous avons constaté un trafic plus faible, mais c'est traditionnellement le cas dans les premières semaines de l'année. À la mi-février, nous sommes revenus au niveau de trafic comparable à l'avant-Brexit, signe que les nouvelles procédures sont mieux connues et mieux comprises.

Nous avons recruté plus de 1 300 personnes supplémentaires pour organiser les contrôles. Les flux entre le Royaume-Uni et la France se passent bien, mieux que dans l'autre sens. La situation pourra se compliquer après le 1er avril et après le 1er juillet, puisque les contrôles britanniques seront alors pleinement mis en place.

De nouveaux itinéraires se développent : ce sont des opportunités pour nos compagnies maritimes. Le comité interministériel des restructurations industrielles est saisi du dossier de soutien de Brittany Ferries.

Mme la présidente.  - Il faut conclure.

M. Clément Beaune, secrétaire d'État.  - Sur l'Irlande du Nord, le protocole crée des frictions commerciales, mais il est notre meilleure protection. Il faut le respecter, même si un délai de grâce peut être envisagé.

M. Yves Détraigne .  - Dès la prochaine rentrée scolaire, les jeunes européens ne pourront plus étudier au Royaume-Uni et les jeunes britanniques n'auront plus de bourses pour venir sur le continent. Les Britanniques ont considéré qu'ils perdaient trop d'argent avec ce programme.

Boris Johnson a annoncé un programme au nom d'Alan Turing pour permettre la mobilité étudiante britannique dans les universités européennes. Les étudiants européens au Royaume-Uni payeront désormais des frais aussi élevés que ceux des pays tiers, de l'ordre de 10 000 euros par an. Comment le Gouvernement va-t-il faire face à cette défection ? Les étudiants européens ne doivent pas être les sacrifiés du Brexit !

M. Clément Beaune, secrétaire d'État.  - Je regrette ce choix : il pénalise le Royaume-Uni davantage que l'Union européenne, car il accueillait beaucoup d'étudiants européens.

Les étudiants français engagés dans un cursus britannique pourront le poursuivre dans les conditions actuelles.

Nous doublons les crédits budgétaires pour les bourses Erasmus en direction d'autres pays : il y aura donc des solutions pour les étudiants. Et je souhaite que nous relancions les négociations avec les Britanniques sur cette question fondamentale.

M. Gilbert Roger .  - L'accord prévoit un système de coopération afin d'échanger des informations sur les évolutions des politiques liées au cyberespace, notamment sur la gouvernance de l'internet, la cybersécurité et la cyberdéfense. Cette coopération a minima fondée sur le volontariat est-elle satisfaisante ?

Le Royaume-Uni risque-t-il de rencontrer des difficultés dans les enquêtes en matière de cybercriminalité ? Quid de la participation britannique aux exercices de cybersécurité en Europe ? Ne craignez-vous pas une coopération moins performante en matière de lutte contre la cybercriminalité ? Le Brexit ne risque-t-il pas de fragiliser la coopération en matière de cyberdéfense ?

M. Clément Beaune, secrétaire d'État.  - Sur ce point, l'accord est incomplet ou ambigu : il prévoit des éléments de dialogue en matière de cybersécurité. La coopération prévue est assez limitée. Le Royaume-Uni n'est pas, à ce stade, associé à nos exercices futurs de cybersécurité.

Il faudra construire de nouvelles coopérations en la matière, au-delà de la seule directive Network and Information System Security (NIS). Cela fera partie des incomplétudes à combler dans les mois qui viennent.

Mme Béatrice Gosselin .  - Les pêcheurs de la Manche rencontrent des difficultés depuis l'abrogation de l'accord de la baie de Granville, à la suite des accords du Brexit.

Signé en 2000, ce traité entre la France et le Royaume-Uni réglementait la pêche à proximité de Jersey et faisait de ce secteur transfrontalier une entité juridique unique permettant de se partager la mer entre voisins.

Depuis janvier, les bateaux français subissent de nombreuses contraintes. Ce sont de petites unités qui ne peuvent pêcher plus au large. Plusieurs incidents ont émaillé les relations avec Jersey qui délivre les licences. Sur 340 bateaux, 57 ont obtenu leur licence, les autres ne disposent que de licences provisoires expirant au 1er mai.

Cette situation n'est pas tenable et nos pêcheurs ne doivent pas être les grands sacrifiés sur l'autel de l'accord du Brexit. Qu'entendez-vous faire pour remédier à cette profonde injustice qui pourrait déboucher sur une situation sociale et économique explosive ?

M. Clément Beaune, secrétaire d'État.  - L'important est d'obtenir à court terme le plus de licences possible, aussi complètes que possible ; pour la zone exclusive et les îles anglo-normandes, nous les avons obtenues jusqu'au 30 avril ; nous y travaillons pour la bande des 6 à 12 milles. Au-delà, il faut une licence stable et durable ; nous mettons la pression sur la Commission pour que le système soit défini rapidement.

L'accord de la baie de Granville ouvre deux options : un prolongement ou une renégociation. Nous avons jusqu'à la fin avril pour nous déterminer, l'essentiel était de conserver le même niveau d'accès.

Les mollusques bivalves posent des questions sanitaires spécifiques : les importations de pays tiers à l'Union européenne nécessitent un passage en bassin de purification avant leur commercialisation. Nous recherchons le meilleur moyen de ne pas perturber l'approvisionnement.

Mme Colette Mélot .  - Le programme Erasmus+ ne fait pas partie de l'accord commercial, ce que nous regrettons : c'est un symbole de la réussite européenne. Les Britanniques craignaient que le programme ne leur coûte trop cher, sachant qu'ils accueillaient deux fois plus d'étudiants qu'ils n'en envoyaient en Europe. Pourtant, une étude autrichienne de 2018 a montré qu'Erasmus a un impact économique positif pour les pays d'accueil.

Le Royaume-Uni a développé son propre programme, le Turing Scheme, qui concernerait 35 000 étudiants dès septembre mais ne prévoit pas l'accueil d'étudiants étrangers ; les moyens, 100 millions de livres sterling, sont bien inférieurs à ceux d'Erasmus+. L'Écosse et le Pays de Galles semblent vouloir poursuivre avec Erasmus et l'Irlande du Nord aurait trouvé une solution ; pouvez-vous nous éclairer ?

M. Clément Beaune, secrétaire d'État.  - Vous avez rappelé l'impact économique positif du programme Erasmus. Notre priorité est de le développer, sans le Royaume-Uni, en doublant son financement.

Le Royaume-Uni a mis sur pied le Youth Mobility Scheme, pour le volontariat international en entreprise et le Turing Scheme pour la mobilité internationale des étudiants britanniques. Aux Britanniques de dire s'ils souhaitent une coopération universitaire avec nous ; nous pourrons l'envisager dans un cadre bilatéral, sur le modèle des bourses Fulbright par exemple.

M. Guillaume Gontard .  - Les inconnues sont encore légion. La question migratoire a joué un rôle important dans le Brexit, mais celui-ci ne mettra pas fin à l'immigration sur le sol britannique, car les considérations légales ne résistent pas à la détermination des migrants : il y a eu 9 500 tentatives de passage de la Manche en 2020, quatre fois plus qu'en 2019, et six morts.

Le règlement de Dublin ne s'appliquant plus, qu'en sera-t-il du renvoi des migrants illégaux vers l'Union européenne, du regroupement familial des mineurs non accompagnés, des accords de Sandhurst de 2018 ?

Quels mécanismes de coopération régiront le renvoi de migrants illégaux entre le Royaume-Uni et l'Union européenne, et entre le Royaume-Uni et la France ? Comment assurer le respect des droits humains fondamentaux ?

M. Clément Beaune, secrétaire d'État.  - Si nous conservons nos accords bilatéraux - accords du Touquet, protocole de Sangatte - le règlement de Dublin ne s'applique plus. Soit nous le prolongeons dans une négociation spécifique, soit nous traitons la question en bilatéral : c'est l'option privilégiée.

Priti Patel et Gérald Darmanin ont conclu fin décembre un accord pour intercepter les traversées de la Manche, qui ont quadruplé en 2020 : c'est une réponse efficace et humaine, car elle évite des drames. Nous avons refusé les interceptions en mer, trop dangereuses, mais sommes prêts à développer notre coopération opérationnelle.

M. Guillaume Gontard.  - L'accord de novembre 2020 est un échec : les traversées continuent à augmenter. Cette politique ne marche pas. L'Europe fait l'autruche.

M. Ludovic Haye .  - Le Royaume-Uni a contribué à la mise en place d'une stratégie européenne de cybersécurité. Son expertise dans ce domaine est reconnue ; il a fourni des experts à Europol et à l'Agence européenne de cybersécurité (Enisa).

Le Royaume-Uni a aussi invité les autres États à désigner les auteurs d'attaques cybercriminelles et à les sanctionner.

Espérons que le Brexit n'affaiblira pas la coopération dans ce domaine, alors que le risque cyber est plus important que jamais. Le Royaume-Uni a-t-il émis la volonté de participer à certaines activités de l'Enisa ? Les Britanniques participeront-ils aux prochains exercices de cybersécurité menés en Europe ?

Quelle est la position de la France sur le fonds d'ajustement de 5 milliards d'euros ?

M. Clément Beaune, secrétaire d'État.  - À ce jour, le Royaume-Uni n'a pas émis le souhait de participer à l'Enisa et n'a pas prévu de prendre part au prochain exercice de cybersécurité en 2022.

À ce stade, le montant du fonds d'ajustement Brexit alloué à la France nous semble insuffisant, au vu de l'impact du Brexit sur la pêche française, qui est notre première priorité. En complément, Annick Girardin a présenté un plan de soutien à ce secteur, qui doit être validé au niveau européen. Nous y travaillons ardemment.

M. Jean-Noël Guérini .  - L'accord du 24 décembre comporte des garanties sur la concurrence loyale en matière de commerce et d'investissement : celle de non-régression en matière sociale et de bonne gouvernance dans le domaine fiscal. On ne peut qu'y souscrire, en notant que nous n'en demandons pas autant à la Chine...

Des États membres comme les Pays-Bas et l'Irlande offrent des conditions fiscales de complaisance aux multinationales pour les attirer. Sur le plan social aussi, chacun joue sa propre partition. Ainsi, le salaire minimum est de 312 euros en Bulgarie. Le Parlement européen s'est d'ailleurs prononcé pour un salaire minimum européen.

L'Union européenne est-elle prête à s'attaquer plus frontalement à la concurrence fiscale et sociale au sein de l'Union européenne, comme elle le fait à l'égard du Royaume-Uni devenu un État tiers ?

M. Clément Beaune, secrétaire d'État.  - L'accord économique et commercial avec le Royaume-Uni comporte des avancées sur le respect des niveaux de réglementation, et devra servir de modèle à nos futurs accords commerciaux.

Il est vrai que le risque de compétition interne demeure. Nous devons renforcer nos standards fiscaux et sociaux. Nous avons livré la bataille avec la directive sur le travail détaché, et j'espère un accord sur le règlement permettant de lutter contre les sociétés dites « boîtes aux lettres ». En matière fiscale, la règle de l'unanimité s'applique, mais je crois à la possibilité d'une convergence fiscale, notamment pour la taxation des entreprises numériques. Le Royaume-Uni est ambitieux sur ce sujet - tant mieux !

M. Jean-Michel Arnaud .  - Si la pugnacité de Michel Barnier a évité un no deal, un secteur est oublié par l'accord, celui de l'industrie financière. Créées après la crise des subprimes en 2018, les chambres de compensation, par lesquelles transitent les transactions financières, sont presque toutes basées au Royaume-Uni, désormais pays tiers. Leur supervision pose problème, car elles relèvent du droit britannique, et la faillite d'une de ces chambres londoniennes aurait de lourdes conséquences pour les opérateurs européens. Quelles sont les intentions du Gouvernement sur ce point, angle mort de l'accord post-Brexit ?

M. Clément Beaune, secrétaire d'État.  - Le sujet des chambres de compensation et des services financiers en général est systémique. C'est pourquoi la décision d'équivalence est toujours provisoire et révocable.

Fin 2020, la Commission européenne a accordé une équivalence aux chambres britanniques jusqu'à mi-2022. Il convient d'encourager leur relocalisation sur le territoire de l'Union, en profitant de cette période de transition, car c'est un élément de souveraineté.

Il faudra aussi déterminer si le Royaume-Uni conserve le même niveau d'encadrement et de régulation des chambres de compensation, condition sine qua non d'un éventuel prolongement de la décision d'équivalence au-delà de l'été 2022.

M. Gilbert-Luc Devinaz .  - L'Union européenne voulait une pêche durable, innovante et compétitive. Le caractère inachevé de ce volet de l'accord, qui affecte 600 navires français, inquiète. Les pêcheurs britanniques ont voté à 92 % pour le Brexit : compte tenu de leur volonté de retrouver la totale souveraineté sur leurs eaux, je crains que le secteur de la pêche ne soit sacrifié.

Le 30 juin 2026, c'est le saut dans l'inconnu. Il y a déjà des problèmes d'application : je songe aux îles anglo-normandes. La perte de droits séculaires est un avant-goût de ce qui nous attend... L'accès de nos pêcheurs aux eaux britanniques sera-t-il réduit ? Où en sont les négociations sur l'accès aux eaux britanniques territoriales et à celles des îles anglo-normandes ?

M. Clément Beaune, secrétaire d'État.  - La pêche a été centrale dans les négociations ; elle le reste dans la mise en oeuvre de l'accord. Nous défendons cette filière avec le même engagement pour l'après 2026. Un no deal ou un mauvais accord aurait signifié sa disparation...

Nous avons préservé les six prochaines saisons, avec certes une baisse progressive des quotas jusqu'à 25 % ; les licences, je l'ai dit, seront obtenues. Il en reste une cinquantaine qu'il est vital d'obtenir.

L'Union européenne a des leviers dans la discussion avec le Royaume-Uni : en cas de fermeture des eaux britanniques, nous pourrions imposer des droits de douane sur les produits halieutiques et sur d'autres ; la coopération énergétique peut aussi entrer dans la négociation. Nous n'attendrons pas l'effet de falaise de l'été 2026, nous avons les moyens de défendre avec vigueur la pêche française.

M. Gilbert-Luc Devinaz.  - Ce qui pêche, si j'ose dire, c'est l'incertitude à un horizon de moins de six ans.

M. Ronan Le Gleut .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Les citoyens français au Royaume-Uni sont plus de 144 000 à être inscrits au registre - en réalité, ils sont plus probablement entre 200 à 250 000. Pour préserver leurs droits, il leur faut désormais obtenir un statut de résident, le settled status, qui garantit le droit au travail, au séjour, aux prestations sociales. La date butoir pour déposer sa demande est fixée au 30 juin 2021.

Le Home Office sera-t-il indulgent pour les retardataires, vu le contexte de crise sanitaire et économique ? Ne peut-on envisager un protocole garantissant une flexibilité pour ces demandes tardives ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Clément Beaune, secrétaire d'État.  - Question importante, car elle touche à la vie quotidienne. Environ 150 000 de nos concitoyens sont inscrits au registre consulaire, mais nous estimons à 300 000 le nombre de Français au Royaume-Uni. Nous avons enregistré 200 000 demandes de settled status ou pre-settled status. Nous avons engagé au sein du consulat et de l'ambassade toutes les démarches nécessaires pour informer nos concitoyens : tout est sur le site brexit.gouv.fr, mais nous accompagnons plus particulièrement les plus fragiles.

Repousser la date limite prolongerait encore l'incertitude. Il reste encore quatre mois. Si nous devions constater des difficultés, nous trouverions des solutions le moment venu. Le 30 juin est aussi la date limite qui s'applique aux ressortissants britanniques sur le sol européen. Il est dans notre intérêt de stabiliser la situation de tous.

M. Ronan Le Gleut.  - Les remontées du terrain sur l'action de notre ambassade et de nos consulats sont excellentes. Mais seuls 200 000 sur les 300 000 Français résidant au Royaume-Uni ont fait la demande, c'est peu. Il faudra être vigilants, et être indulgents sur les demandes tardives. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Mme Claudine Lepage .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Le Brexit a été un choc pour les Européens résidant au Royaume-Uni. Désormais, ils doivent faire face aux conséquences de l'accord de commerce et de coopération sur leur vie quotidienne. La demande du nouveau statut d'immigration doit impérativement être formulée avant le 30 juin 2021.

La procédure, entièrement dématérialisée, a été plébiscitée, mais qu'en est-il des personnes vulnérables ou âgées ? L'absence d'attestation confirmant ce nouveau statut est aussi source d'inquiétude.

Pouvez-vous nous éclairer sur les difficultés de nos ressortissants et les moyens de les aider ?

Ma seconde question concernait les étudiants, le Royaume-Uni ayant quitté Erasmus, mais vous y avez déjà largement répondu.

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M. Clément Beaune, secrétaire d'État.  - Les autorités consulaires font un travail minutieux pour accompagner au plus près les Français vulnérables au Royaume-Uni. Certains mineurs en famille d'accueil sont aussi concernés. Nous demanderons si nécessaire des flexibilités pour traiter certains cas individuels. N'hésitez pas à faire remonter des problèmes particuliers.

M. Édouard Courtial .  - L'accord commercial, qui ne prévoit ni tarifs ni quotas, est le plus ambitieux jamais conclu par l'Union européenne. Une concurrence équitable est plus nécessaire que jamais. Or la fiscalité est absente de l'accord, alors que les Britanniques ont annoncé vouloir mener une stratégie fiscale agressive. Certes, un chapitre encadre les aides d'État, mais quid de l'imposition sur les sociétés ou du principe de non-régression ? Il y a un vrai risque de dumping fiscal.

L'encadrement des aides d'État s'appliquera-t-il aux ports francs ou aux rescrits fiscaux ? Les dépendances de la Couronne - Jersey, Guernesey, île de Man - seront-elles examinées au titre de la liste noire des paradis fiscaux de l'Union européenne ? L'Europe et ses États membres vous paraissent-ils suffisamment armés pour protéger leurs entreprises et répondre efficacement à un éventuel dumping fiscal britannique ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Clément Beaune, secrétaire d'État.  - L'accord comporte un principe de non-régression, y compris en matière fiscale, et l'obligation de respecter les grandes conventions internationales, en matière de lutte contre le blanchiment par exemple.

Le corpus juridique de l'Union européenne pour l'harmonisation fiscale est assez limité, il faut le reconnaître, car la règle de l'unanimité s'applique en la matière.

Le Royaume-Uni sera traité en fonction du respect des règles, comme tout pays tiers. Si des listes devaient être complétées, nous le ferions. Le Royaume-Uni a toujours été actif à nos côtés dans les instances internationales sur les questions de transparence fiscale.

Nous continuerons à travailler ensemble.

M. Cyril Pellevat .  - Cet accord peut être qualifié d'historique. Nous n'imaginions pas qu'un État-membre puisse quitter l'Union européenne, mais elle a su s'adapter. Si nous avons évité un hard Brexit, personne n'est gagnant ; nous avons juste ramassé les pots cassés. Nous avons limité les conséquences fâcheuses, mais il n'y a aucun bénéficie à en attendre, ni pour l'Union européenne ni pour la France.

L'accord conclu, il convient d'accompagner les acteurs économiques, déjà impactés par la crise sanitaire, à surmonter les conséquences du Brexit. Le Gouvernement compte-t-il aider les entreprises françaises qui perdront des parts de marché au Royaume-Uni, soutenir les pêcheurs, faciliter les titres de séjour pour les saisonniers dans les stations de ski ?

M. Clément Beaune, secrétaire d'État.  - L'existence même d'un accord limite les impacts négatifs du Brexit. Sans accord, l'estimation macro-économique était une perte de 0,1 point de PIB en 2021. Certes, par région ou secteur, les situations divergent. C'est pourquoi nous avons sollicité un plan d'aide pour la pêche dès 2021 et nous nous battons pour que les fonds soient disponibles au plus vite.

L'accompagnement à l'export est question de formalités et de soutien financier ; nous y travaillons avec Franck Riester.

L'accord prévoit que tout séjour inférieur à 90 jours n'est pas soumis à un visa. Le régime du détachement de travailleurs perdurera, il peut servir pour les emplois très qualifiés et permet une certaine fluidité.

M. Marc Laménie .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Je remercie les commissions des affaires étrangères et des affaires européennes pour ce débat, et tiens à saluer la ténacité de Michel Barnier.

Dans la loi de finances 2021, la contribution française au budget de l'Union européenne s'élève à 28,5 milliards d'euros, dont 26,9 milliards d'euros de prélèvement sur recettes, plus 1,6 milliard d'euros de droits de douane nets. C'est un montant record.

La crise sanitaire a bousculé les négociations entre les 27 ; le plan de relance sera financé par un emprunt dont le remboursement interviendra à partir de 2028.

Les perspectives de recettes sont très dégradées. Comment va évoluer la contribution française ?

M. Clément Beaune, secrétaire d'État.  - Au-delà du Brexit, la contribution française au budget de l'Union européenne augmente de 4 à 5 milliards d'euros sur la période 2021-2027.

Notre contribution nette est de 9 milliards d'euros par an, à mettre en regard d'avantages comme la participation au marché unique, sachant que 55 % de nos exportations vont vers l'Union européenne, et surtout le plan de relance européen, pour 40 milliards d'euros sur les trois prochaines années.

L'autre combat que nous menons, dans la perspective des prochaines échéances financières, est celui de la fin des rabais.

M. Marc Laménie.  - La sortie du Royaume-Uni, qui contribuait pour environ 7 milliards d'euros, impacte la contribution des autres États membres.

Mme Pascale Gruny .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) L'absence de droits de douane et de contingent tarifaire aura évité une perturbation massive des flux commerciaux.

Mais le Brexit est avant tout le moyen pour le Royaume-Uni de mettre en oeuvre son projet de Global Britain et de se tourner vers d'autres parties du monde.

Les conséquences pour notre filière sucre risquent d'être catastrophiques. Nos betteraviers exportent 10 % du sucre et 15 % du bioéthanol vers le Royaume-Uni. Or celui-ci a décidé d'importer à bas prix du sucre brut d'autres régions du monde et de le raffiner sur son territoire. Le sucre britannique risque, à terme, de se retrouver sur le marché européen...

Quelles mesures le Gouvernement a-t-il prévues pour pallier ces difficultés ? Des clauses de sauvegarde peuvent-elles être invoquées en cas de perturbation du marché intérieur ?

M. Clément Beaune, secrétaire d'État.  - L'impact potentiel d'une telle recomposition des flux commerciaux est difficile à évaluer. La filière sucre pourrait en effet être concernée par des importations à bas coût.

Les clauses de sauvegarde, dont une spécifique aux produits de l'agriculture, peuvent être déclenchées en cas de forte pression sur un secteur. Nous pourrions aussi activer des mesures de marché, comme nous l'avons fait pour les viticulteurs. Il n'y a pas à ce stade d'alerte particulière mais nous suivrons ce sujet de près.

Mme Pascale Gruny.  - Surveillez-le comme le lait sur le feu, car la filière betteravière est à bout, entre la fin des quotas, la perte de deux sucreries, les néonicotinoïdes, les aléas climatiques et maintenant, le Brexit ! Il faut la défendre -  ou alors, dites clairement que vous n'avez rien à faire de l'agriculture et que ce fleuron sera abandonné ! Nous comptons sur vous, monsieur le ministre. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

La séance est suspendue quelques instants.

Mobilités dans les espaces peu denses

Mme la présidente.  - L'ordre du jour appelle le débat sur les conclusions du rapport : « Mobilités dans les espaces peu denses à l'horizon 2040 : un défi à relever dès aujourd'hui », à la demande de la délégation sénatoriale à la prospective.

M. Olivier Jacquin, au nom de la délégation sénatoriale à la prospective .  - Je remercie la délégation à la prospective et son précédent président, Roger Karoutchi, ainsi que le nouveau, Mathieu Darnaud.

Ce rapport fait suite à la loi d'orientation sur les mobilités (LOM), qui a édicté un droit à la mobilité pour tous et créé sur tous les territoires des autorités organisatrices de la mobilité (AOM). Mais certaines zones sont sans ressources ni activité économique. Refusons une mobilité à deux vitesses.

Que peut-il advenir à long terme des mobilités dans les espaces peu denses ? Les conclusions du rapport auraient été différentes sans cette incroyable expérience de démobilité qu'a été le confinement.

Je me félicite de la présence de M. Joël Giraud, ministre qui porte haut et fort la question de la ruralité.

Les territoires peu denses représentent 90 % du territoire national et concernent un tiers des habitants du pays. Les mobilités s'organisent très différemment dans les espaces denses et peu denses. Dans les premiers, la massification est possible, la rentabilité aussi, les flux sont concentrés, il y a les transports en commun en site propre, etc... Dans les seconds, les flux sont faibles, les lignes régulières moins fréquentées et l'irrigation moindre en lignes ferroviaires ou cars interurbains.

Pour certains experts, les territoires peu denses se définissent précisément comme ceux où le seul moyen de déplacement est la voiture et où le coût de déplacement est élevé pour les ménages.

La situation est différente entre le rural polarisé par un centre et le rural isolé, ou encore les zones périurbaines. Nous devons donc avoir des politiques publiques sur mesure, avec de l'ingénierie intégrée et des moyens financiers.

Il faut opérer une transition écologique, mais également avoir accès aux services, ce qui exige des politiques d'aménagement du territoire audacieuses ; enfin, il faut développer la couverture numérique.

Nous proposons un bouquet de solutions : en utilisant les voies ferrées existantes, avec un réseau de cars complémentaire, et en jouant sur le rabattement, la modernisation, le cadencement ; en socialisant l'usage de la voiture, par le covoiturage, l'autopartage, le transport à la demande, le taxi ou le transport solidaire ; en développant les mobilités actives comme la marche, le vélo, le vélo électrique.

Nos hypothèses d'évolution se déclinent en huit scénarios mais je n'en présenterai qu'un, celui du « rien de neuf ». Avec une intervention de la puissance publique minima, en s'en remettant aux ruptures technologiques et à la logique de marché, nous prévoyons la décarbonation essentiellement via des petits véhicules peu coûteux ; et pour les « assignés territoriaux », selon le terme du sociologue Éric Le Breton, ce sera uniquement le transport à la demande. Nous avons besoin d'un modèle économique pour financer les politiques publiques de la mobilité !

Je conclurai en citant l'un des meilleurs spécialistes des mobilités, Gilles Lansard : il ne faut pas opposer la mobilité individuelle au transport collectif, cela empoisonne le débat et ralentit les mutations. On doit s'appuyer sur le triptyque « proximité, intermodalité et accessibilité » pour lutter contre les mobilités à deux vitesses et les fractures sociales qui vont avec. (Applaudissements sur les travées du groupe SER, ainsi que sur quelques travées à droite)

M. Joël Giraud, secrétaire d'État auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la ruralité .  - Je remercie la délégation et son rapporteur. Ce rapport est riche et d'une grande qualité. Je suis heureux de participer à votre débat, car la mobilité est un volet important de l'Agenda rural. Maire pendant trente ans d'une petite commune de montagne, je connais bien ces questions et partage nombre de vos constats.

La voiture représente dans ces zones 80 % des déplacements, car les espaces ne sont pas à l'échelle du piéton. La voiture n'est pas l'ennemi à éradiquer, mais il faut favoriser son usage plus collectif et des modalités complémentaires.

Cette situation est source d'inégalités, notamment pour ceux qui n'ont pas de véhicule ou ceux dont le budget est grevé par les frais de voiture.

La LOM prévoit une AOM sur chaque territoire pour supprimer toutes les zones blanches de la mobilité. Les communautés de communes sont invitées à se saisir de cette compétence avant le 31 mars, faute de quoi la région l'exercera. Mais on constate des tensions entre EPCI et régions : il n'est pas question que les intercommunalités rurales cofinancent les TER régionaux au motif qu'elles en bénéficient...

L'État ne livre pas les territoires à eux-mêmes : France Mobilités, bras opérationnel de la LOM, facilite l'expérimentation de solutions de mobilités.

Je me réjouis du succès des appels à manifestations d'intérêts (AMI) lancés par France Mobilités : 92 projets ont été retenus pour 6,7 millions d'euros, tous en zone peu dense. Ils promeuvent de nouvelles formes de mobilité. Le forfait mobilités durables prévu dans la LOM constitue aussi une incitation financière bienvenue pour les salariés qui covoiturent ou se rendent à leur travail à vélo.

Le Gouvernement a doté de 215 millions d'euros le fonds mobilités actives pour créer des pistes cyclables sécurisées ; il a aussi prévu le « coup de pouce vélo » pour la remise en service des cycles en vue de déplacements quotidiens.

Le Gouvernement investit massivement dans le ferroviaire, notamment la régénération, qui coûtera 7,5 milliards d'euros sur dix ans.

Il faut développer notre offre de trains Intercités de jour comme de nuit, et améliorer l'information des voyageurs, trop morcelée.

Toutes ces politiques nous permettront de développer des alternatives à la voiture individuelle. Il y va de l'équité et de la cohésion des territoires.

M. François Bonneau .  - Depuis plusieurs années, le covoiturage et l'autopartage se développent : cela signifie une moyenne de 3,5 personnes par véhicule, contre 1,3 traditionnellement. C'est un outil de flexibilité mais aussi un facteur de convivialité. Il faut de la technologie pour la réservation et la mise en relation, et une réactivité maximale en zones peu denses. Une solution de copartage se développe dans le sud de mon département de la Charente et rend de nombreux services aux citoyens. Cette application pourrait être accessible à tous, notamment au sein des Maisons France Services.

L'État va-t-il harmoniser l'ensemble des initiatives ? Y a-t-il un budget pour soutenir ces projets ?

M. Joël Giraud, secrétaire d'État.  - De nombreuses collectivités territoriales - principalement des intercommunalités - ont développé des mobilités solidaires, souvent sur la base du bénévolat. Un cadre juridique existe, créé par la LOM. J'ai pu voir sur place la solution de copartage que vous avez évoquée.

Il n'est pas temps encore d'harmoniser, car la diversité des solutions fait toute leur richesse : ne créons pas un service public clé en main. L'État doit être facilitateur, avec les appels à projets de France Mobilités.

Mme Angèle Préville .  - Le changement climatique suppose des actions urgentes, notamment dans le secteur des transports dont les émissions doivent baisser de 28 % en seulement neuf ans, conformément aux objectifs de la stratégie bas carbone.

Mais quel manque d'intérêt pour les territoires ruraux qui n'ont plus ni petites lignes ni report multimodal... Et quel mépris pour ces gens qui n'ont d'autre choix que la voiture !

Les déplacements à pied et à vélo ont diminué régulièrement ces trente dernières années. Le plan Vélo de 2020 n'est pas à la hauteur des enjeux. Les cheminements doux nécessitent des aménagements coûteux, en particulier pour la sécurité ; les collectivités ne reçoivent pas les financements nécessaires.

Que comptez-vous faire à cet égard ? Quelle alternative au tout-voiture ? La marche et le vélo sont vertueux pour l'enfant et peu coûteux pour les parents.

M. Joël Giraud, secrétaire d'État.  - Des opérations comme « Marcher vers l'école » sont effectivement très intéressantes... même lorsqu'il s'agit de marcher dans la neige ! (Sourires) Le vélo a aussi un fort potentiel pour les déplacements courts. Il faut multiplier les itinéraires cyclables sécurisés et France Mobilités a subventionné de nombreux projets à hauteur de 40 % à 70 % ; le programme « À vélo » de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe) a concerné 220 territoires ; ils seront 400 de plus ces trois prochaines années. Enfin, chaque territoire est invité à développer le vélo dans le cadre de l'opération « Mai à vélo ».

Mme Angèle Préville.  - Initiatives louables, mais cela sera-t-il suffisant ? On ne peut plus se contenter de brandir de beaux appels à projets : tous les territoires doivent avoir des projets, c'est une question d'équité.

M. Daniel Gremillet .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Dans le Grand Est - 1,5 fois la Belgique -, l'irrigation TGV est allée de l'urbain vers les zones peu denses, qui ont contribué à hauteur de 1,377 milliard d'euros. Il y a eu une vraie politique de maillage territorial. Ainsi, les TGV s'arrêtent non seulement dans les grandes villes mais dans les gares des Ardennes, dans la Meuse, dans les Vosges, à Saint-Dié, Remiremont... C'est une politique d'aménagement du territoire pilotée par la région. Des lignes qui étaient fermées seront rouvertes : Épinal-Saint-Dié, ainsi que Nancy-Vittel-Contrexéville.

M. Jean-François Husson.  - Très bien ! Bravo !

M. Daniel Gremillet.  - Garantissez-vous aux collectivités et aux contribuables que ces efforts ainsi cofinancés, ces pactes entre collectivités territoriales et citoyens, ne seront pas remis en cause ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Joël Giraud, secrétaire d'État.  - Vous semblez déçu de l'exploitation de certaines lignes, notamment en raison des restrictions de circulation liées à la pandémie. Je connais le problème : même un trajet Paris-Chamonix est devenu compliqué ! Le Gouvernement surveillera attentivement la SNCF pour que la desserte fine de votre territoire soit restaurée après la sortie de crise : il faut au minimum le retour à la situation ex ante. Les financements qui vous ont été promis seront maintenus et nous n'abandonnerons pas ces territoires.

M. Daniel Gremillet.  - À situation exceptionnelle, décisions exceptionnelles, nous pouvons le comprendre, mais le pacte qui a été passé dans le Grand Est sur les lignes ferroviaires doit être respecté.

La région a consacré 940 millions sur un budget de 3 milliards d'euros à la mobilité, pour créer une véritable toile d'araignée sur le territoire. (Applaudissement sur les travées du groupe Les Républicains)

Mme Vanina Paoli-Gagin .  - La crise sanitaire doit être une opportunité pour répondre au changement climatique. Cela passera par la décarbonation de nos déplacements, l'intermodalité et des mobilités douces.

Dans le Grand Est, nous expérimentons la multimodalité, notamment avec des trains à hydrogène pour le transport des marchandises, et comptons sur la mise à grand gabarit du canal de la Seine jusqu'à Nogent-sur-Seine.

C'est ce genre de cercle vertueux dont la France a besoin : la solution viendra des territoires mais nécessite des investissements énormes. Quelles sont vos solutions, hors plan de relance ?

M. Joël Giraud, secrétaire d'État.  - Les crédits des mobilités proviennent du programme 203 de la loi de finances et de l'Agence de financement des infrastructures de France (Afitf).

Le programme 203 est en augmentation de 17 % en 2021 et atteint 3,7 milliards d'euros ; s'y ajoutent 2,8 milliards d'euros pour l'Afitf hors plan de relance. Priorité est donnée à la maintenance des réseaux et au report modal.

La poursuite de la mise à grand gabarit de la Seine avec le projet de canal entre Bray et Nogent a fait l'objet d'une approbation ministérielle en janvier 2020 ; l'enquête publique a eu lieu en janvier et février derniers et la déclaration d'utilité publique doit intervenir dans les prochains mois. Ce projet s'inscrit dans un contexte de croissance continue du trafic à gros gabarit sur la Seine ; quelque 27 000 trajets de camions seront évités chaque année grâce au report modal.

Mme Vanina Paoli-Gagin.  - Ces fonds ne suffiront pas à développer les nouvelles mobilités comme la mobilité hydrogène. Je proposerai, dans une proposition de loi, la création de fonds souverains régionaux pour soutenir de tels projets.

M. Jacques Fernique .  - Ces derniers mois, le vélo a fait de fortes avancées dans l'opinion. Il faut un système vélo intégrant de véritables aménagements de voirie, ce qui implique une ingénierie de qualité et des moyens conséquents pour l'entretien des réseaux.

Le Fonds national vélo est abondé à hauteur de 100 millions d'euros - ce que l'eurométropole de Strasbourg seule va investir sous ce mandat dans les infrastructures cyclables ! Quelles solutions envisagez-vous ?

M. Joël Giraud, secrétaire d'État.  - Le Gouvernement veut tripler les mobilités à vélo d'ici à 2024. Le premier levier, ce sont les pistes cyclables sécurisées. Les cellules locales de France Mobilités sont le point de contact privilégié pour développer ces projets.

Il faut un échange de savoir-faire entre collectivités pour diffuser la conscience de l'intérêt de ces politiques.

Tant la DETR que la DSIL peuvent être mobilisées, avec 1 milliard d'euros supplémentaire apporté pour le désenclavement des territoires.

Le Fonds mobilités actives a financé 533 projets dont 199 dans les territoires ruraux.

M. Frédéric Marchand .  - La communauté de communes de Flandre intérieure, rassemblant cinquante communes sur 630 kilomètres carrés et 500 000 habitants, s'est saisie de la politique des mobilités, dont elle prendra la compétence au 31 mars.

Les déplacements quotidiens, sur un territoire étendu, sont en moyenne de 30 kilomètres. Or la faculté de se déplacer conditionne l'accès à l'emploi et aux services. Six communes sont des zones blanches de mobilité ; le caractère transfrontalier est très prégnant et certaines communes belges souhaitent être connectées à la ville centre, Hazebrouck, notamment pour la desserte ferroviaire. Notre avenir économique est transfrontalier...

Comment la communauté de communes de Flandre intérieure peut-elle favoriser les mobilités dans une zone peu dense ?

M. Joël Giraud, secrétaire d'État.  - La prise de la compétence mobilités est une opportunité. Les contrats de mobilité sont des outils fédérateurs pour un système de mobilité plus cohérent, au-delà des périmètres administratifs.

Je connais bien les zones transfrontalières, j'habite à 11 kilomètres d'une frontière. Dans les groupements européens de coopération territoriale (GECT), il est déjà possible de créer des services de mobilité transfrontaliers. Vous pouvez aussi recourir à la mission opérationnelle transfrontalière (MOT).

La loi 4D facilitera les ententes transfrontalières dans ce domaine et dans d'autres.

Mme Véronique Guillotin .  - En 1662, Blaise Pascal inventait le transport en commun... J'ai appris cela, et beaucoup d'autres choses, dans ce rapport d'information.

Il faut maintenant se projeter dans l'avenir. La crise de la covid-19 a bousculé nos habitudes et nos certitudes ; la data aussi. Nous pourrions entrer dans une ère de la démobilité, où les données transiteraient sur les réseaux plutôt que les hommes sur les routes.

Les territoires ruraux peuvent se réinventer grâce à la couverture numérique. Démobilité et mobilité sont-elles également prises en compte par le Gouvernement ?

M. Joël Giraud, secrétaire d'État.  - La covid-19 a été un laboratoire grandeur nature de la démobilité. Près de trois quarts des télétravailleurs occasionnels veulent à présent développer cette pratique. Georges Pompidou le pressentait dès 1970 en écrivant à Jacques Chaban-Delmas que « la vie moderne, dans son cadre de béton, de bitume et de néon créera de plus en plus chez tous un besoin d'évasion, de nature et de beauté », donc un besoin de mobilité.

Il faut poursuivre le maillage territorial. Dans la Nièvre, par exemple, on a besoin à la fois d'une offre numérique de qualité et d'une liaison ferroviaire correcte Paris-Clermont-Ferrand !

M. Gérard Lahellec .  - La LOM fixe l'ambition de ne laisser aucune zone de côté, poussant les intercommunalités à prendre la compétence, ou la région là où l'intercommunalité ne l'assume pas. De l'art d'accommoder les restes... ce qui est particulièrement compliqué au plan économique.

La régionalisation des transports ferroviaires a été une bonne chose : elle traduit une grande ambition de ne laisser aucun territoire de côté. Or les lignes de desserte dite fixe sont privées d'investissement par la SNCF, sommée de se désendetter.

Enfin, on ne peut circonscrire les campagnes à l'immobilité : elles veulent accéder à tout, à l'Europe, au monde entier.

M. Joël Giraud, secrétaire d'État.  - J'ai créé une autorité organisatrice de transport (AOT) de deuxième niveau parce que certains besoins n'étaient pas pris en compte par l'autorité départementale : un village avec cinq enfants scolarisés n'avait pas droit au transport scolaire. Il ne s'agit pas de gérer les restes, mais d'être en complémentarité.

Notre logique est de faire confiance aux territoires qui ont des besoins de transport et des solutions locales.

Mme Sylvie Vermeillet .  - Je salue le passionnant travail de la délégation à la prospective.

Les écarts de mobilité entre ville et campagne se creusent. Je préside depuis cinq ans le comité de massif du Jura, dont les 57 membres revendiquent une voie rapide du Jura à Lausanne. Les travailleurs frontaliers se contentent aujourd'hui de routes de misère ! Peu nombreux, parce qu'élus de zones peu denses, les élus concernés ont été ignorés par les gouvernements successifs.

Sommes-nous condamnés à l'immobilisme, ou pouvons-nous compter sur l'élu de montagne que vous êtes ?

M. Joël Giraud, secrétaire d'État.  - Des travaux de sécurisation ont été menés entre Morez et les Rousses, des améliorations ont été apportées sur la N5.

Quant au projet de liaison routière Dijon-Lausanne, le coût et l'impact environnemental ont été jugés trop élevés par rapport au trafic. Cependant, son opportunité pourra être réévaluée dans le cadre du contrat de mobilité avec la région Bourgogne-Franche-Comté.

Mme Martine Filleul .  - La LOM généralise les AOM pour éviter les zones blanches. Mais tous les outils seront-ils utilisables partout ? Les acteurs locaux pourront-ils s'en saisir ? Tout dépendra des moyens financiers, du montant du versement mobilités, des capacités d'expertise. Les dispositions sont intéressantes au plan théorique, mais les difficultés techniques et juridiques sont grandes. Comment supprimer ces angles morts ?

M. Joël Giraud, secrétaire d'État.  - L'agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) accompagne les projets des collectivités territoriales à travers ses programmes nationaux, et conduit un accompagnement sur mesure, selon un principe de déconcentration au niveau des préfectures.

Ainsi du programme de diagnostic des ponts situés sur le territoire de petites communes, lancé en janvier et opéré par le Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (Cerema).

France Mobilités met en place dans chaque région des cellules d'appui, et apporte une aide financière, administrative et technique.

Mme Martine Filleul.  - Nous sommes d'accord : l'ANCT accompagne l'ingénierie pour les collectivités territoriales. Mais elle ne s'est pas saisie des mobilités et ne dispose pas de moyens suffisants.

Mme Else Joseph .  - Les mobilités seront la clef de la sortie de crise. Sans offre suffisante, la croissance économique et sociale ne sera pas au rendez-vous. Il faut combiner les mobilités entre elles, et non les opposer.

Les Ardennes offrent un panorama de l'intermodalité, mais aussi de ses difficultés. Une voie verte de cent kilomètres le long de la Meuse permettra le développement d'un tourisme vert appuyé sur le vélotourisme.

Je ne me résous pas à l'assignation à résidence de 20 % des personnes en zone rurale, faute de voiture. Développons l'autopartage.

Le département s'est engagé sur les voies vertes ; il a investi 80 millions d'euros dans l'A304 qui relie le Nord et le Sud de l'Europe, 12 millions pour la LGV-Est.

Quelles mesures le Gouvernement engagera-t-il pour aider les collectivités territoriales qui financent les mobilités ? Nous voulons des actes !

M. Joël Giraud, secrétaire d'État.  - Je salue l'engagement des collectivités territoriales ardennaises en faveur des mobilités alternatives, qui profitent des voies navigables pour développer les mobilités actives. Votre département compte d'ailleurs deux lauréats du fonds mobilités actives.

Le plan de relance, la DETR, la DSIL, le Fonds européen de développement régional (Feder) peuvent apporter des aides. Vous trouverez toutes les informations sur le site de France Mobilités. Cette ingénierie existe.

L'ANCT et France Mobilités ont des cellules d'appui locales ; l'Ademe, le Cerema et la Banque des territoires peuvent vous aider. L'État prend toute sa part dans ce soutien.

Le « Rezo Pouce Ardennes », organisant l'autostop et le covoiturage, offre des perspectives prometteuses. Et le Gouvernement s'engage pour un rétablissement complet de la desserte TGV.

M. Jean-Michel Houllegatte .  - Le rapport d'information sur les mobilités en zone peu dense identifie la logistique comme l'angle mort de la mobilité. Avec le développement des livraisons, la logistique du dernier kilomètre est plus compliquée quand les clients sont éloignés les uns des autres. La Poste pourrait être incitée à développer un service de livraison dans les espaces peu denses. Sinon, ces espaces perdraient en attractivité.

A l'heure du « click & collect » et des circuits courts, et quand La Poste ferme ses bureaux et réduit ses horaires, sur quels leviers peser pour développer une logistique efficace et une équité de traitement des territoires ?

M. Joël Giraud, secrétaire d'État.  - Dans le cadre de sa mission de service public, La Poste assure des livraisons de colis dans les zones peu denses. Cette solution engendre plus de pollution atmosphérique et fragilise la rentabilité de l'entreprise.

Il faut coordonner La Poste et les sites de vente en ligne, ou bien créer des plateformes de mutualisation des livraisons, organisées soit par les collectivités, soit par La Poste, soit par des acteurs privés.

La logistique du dernier kilomètre est mise en avant par le dispositif Coeur de ville. Le Cerema a lancé un programme d'études pour mieux gérer la logistique. C'est d'un intérêt économique important pour le secteur de la livraison et de la vente en ligne.

M. Philippe Tabarot .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Les territoires ruraux échapperont-ils à la malédiction des zones blanches de la mobilité ? Malgré la LOM, la situation est paradoxale : le transport ferré est idéal, mais la Cour des comptes s'interroge sur la nécessité d'investir dans les zones peu denses où les petites lignes pâtissent de la concurrence de la route. Des efforts sont faits, notamment sur l'étoile de Veynes qui vous est chère, monsieur le ministre...

En 2011, 620 millions d'euros sont accordés aux lignes de desserte fine des territoires, mais cet effort est inférieur aux besoins identifiés par le rapport Philizot. J'ai déposé un amendement au projet de loi de finances pour augmenter de 300 millions d'euros le soutien aux petites lignes, mais il n'a pas prospéré.

Quelle est la pérennité de ce soutien, au-delà du plan de relance ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Joël Giraud, secrétaire d'État.  - L'État a engagé un effort significatif de 500 millions d'euros dont 300 millions au titre du plan de relance entre 2020 et 2022.

Aucun projet n'est bloqué faute de financements. C'est important, après une longue période de sous-investissement.

À partir de 2023, les protocoles d'accord avec les régions permettent de recenser les besoins, ligne par ligne.

État, région, SNCF Réseau, personne ne pourra s'exonérer de ses responsabilités. SNCF Réseau s'est engagé à reprendre à sa charge les travaux sur les dix lignes les plus essentielles. Une structure nationale ad hoc de gouvernance va être créée.

M. Philippe Tabarot.  - L'État et la SNCF ne doivent pas se défausser sur les régions. Profitez de votre présence au Gouvernement pour sanctuariser les crédits sur les lignes de desserte fine du territoire ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Charles Guené .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) La LOM ne comprend pas de volet financier pour les zones peu denses, où le versement transport est insuffisant et qui nécessitent une péréquation.

Les collectivités sont confrontées à un dilemme cornélien : faut-il laisser la compétence aux régions ou prendre une illusoire autonomie avant le 31 mars ? Vous avez refusé un report des échéances. Mais un texte ministériel non daté - que je n'ose imaginer apocryphe - figure sur le site de France Mobilités, il autorise des reports sine die de transfert de la compétence tout en maintenant le statu quo. Quelle est la valeur de ce texte ?

Sera-t-il communiqué par circulaire à l'ensemble des préfets ? Le délai obtenu permettra-t-il d'obtenir des crédits ?

M. Joël Giraud, secrétaire d'État.  - La direction générale des infrastructures, des transports et de la mer (DGITM) a élaboré le document auquel vous faites référence pour préciser la LOM, ses 189 articles et ses rapports annexés ; ce document est public et engage l'État. Le 10 février, Jacqueline Gourault et Jean-Baptiste Djebbari ont présenté cette note aux associations d'élus. Début février, ils ont alerté les préfets. Elle ne crée aucun report : l'échéance du 31 mai reste de mise.

Le transfert de compétence AOM est prévu uniquement sur demande de l'EPCI.

M. Charles Guené.  - Explicitez davantage cette note à nos préfets : cela éviterait des tensions sur le terrain, notamment dans le Grand Est !

M. Rémy Pointereau .  - Je remercie la délégation à la prospective pour ce rapport. J'ai travaillé sur ce sujet dans une association défendant la LGV Paris-Orléans-Clermont-Ferrand. J'ai ainsi mené une enquête sur le bassin de vie comprenant trois départements ruraux - Indre, Cher et Allier - qui illustre l'importance des attentes en matière ferroviaire.

Il faut une articulation multimodale, améliorer les lignes existantes et rouvrir les petites lignes.

L'État et la SNCF aideront-ils les collectivités territoriales à mener cette politique de rabattement des petites communes vers les gares les plus proches ?

M. Joël Giraud, secrétaire d'État.  - Je connais bien ces territoires. J'ai même pu me rendre à Saint-Amand-Montrond par les transports publics. (Sourires) Le Président de la République a donné priorité aux transports du quotidien et à la modernisation des réseaux existants.

Le Gouvernement a engagé un plan de revitalisation : l'État, SNCF Réseau et les régions apportent 7,7 milliards d'euros d'ici à 2032 pour la régénération des lignes ; un décret pris fin décembre autorise le transfert de gestion aux régions volontaires ; des trains frugaux permettant de rationnaliser la maintenance sont mis à l'étude.

La prise de compétence des AOM par les EPCI peut provoquer un déclic pour une desserte plus fine des territoires. Souvent, les départements avaient des plans de transport plus adaptés. Demain, il y aura une meilleure prise en compte des mobilités du quotidien.

Mme Pascale Gruny .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) La mobilité est un enjeu majeur pour l'aménagement du territoire, pour la formation et l'emploi.

La dépendance à la voiture s'est accrue avec le déclin de l'offre de trains et de cars. Faute de voiture, certains renoncent à un emploi. Et que dire de la facture carburant, qui a mis les Gilets jaunes de la France périphérique dans la rue ?

La mobilité est un enjeu majeur, mais est traitée légèrement dans le projet de loi Climat ou sous le seul angle de la coercition.

La voiture propre, c'est bien ; un droit égal à la mobilité sur tout le territoire, c'est mieux !

Comment aider les collectivités territoriales, encourager la voiture partagée dans le contexte sanitaire actuel, favoriser la voiture électrique, peu abordable ? Ne laissons personne au bord de la route ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Joël Giraud, secrétaire d'État.  - Nous avons agi pour faciliter l'accès au permis de conduire, conscients qu'en 2018, la voiture représentait 80 % des transports du quotidien.

Pour mettre fin à l'autosolisme, il faut développer la mobilité solidaire articulée autour des petites communes. Le site « Tous mobiles » apporte des solutions pour favoriser le covoiturage et l'autopartage.

Dans votre département, la communauté de communes Champagne picarde a été lauréate de France Mobilités, pour un projet favorisant les usages alternatifs.

Les employeurs doivent désormais contribuer au covoiturage ou au développement du vélo. Il est inacceptable qu'un Français sur quatre renonce à un emploi faute de moyen de transport adéquat.

Le titre III du projet de loi Climat, intitulé « Se déplacer », propose des mesures alternatives. Saisissez-vous en !

Mme Pascale Gruny.  - En vous écoutant, j'ai envie de dire aux ruraux de rester chez eux !

Attention : le 17 novembre, jour où les Gilets jaunes sont descendus dans la rue, n'est pas si loin ! L'écologie préventive, le pouvoir d'achat, ce sont des questions non réglées.

La Thiérache a le plus fort taux d'illettrisme en France ; l'Aisne est l'un des cinq départements les plus pauvres de France. Certains jeunes ne vont pas se former ou renoncent à des emplois faute de pouvoir se déplacer. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Mathieu Darnaud, président de la délégation sénatoriale à la prospective .  - Je remercie tous les intervenants. Les mobilités en zones peu denses sont des éléments de cohésion. Merci également à M. le ministre. Pour avancer, nous avons besoin du concours de l'État.

Je remercie Olivier Jacquin pour son rapport et les pistes de réflexion qu'il présente. Les mobilités sont essentielles pour nos territoires. Se déplacer est coûteux mais nécessaire.

Les transformations ont lieu dans les grandes agglomérations, mais les espaces ruraux restent de côté. Cela nous inquiète, d'autant que les évolutions s'accélèrent.

Dépendre uniquement de la voiture individuelle renforce le sentiment de relégation dans les territoires ruraux. (Mme Pascale Gruny le confirme.) C'est pourquoi il faut porter une attention particulière à ce problème dont, en tant qu'Ardéchois, je suis pleinement conscient.

Nous devons prendre en compte la contrainte écologique et aller vers la décarbonation ; lever la contrainte numérique en améliorant la couverture numérique du territoire ; enfin, traiter la contrainte organisationnelle.

La LOM prévoit la couverture de tout le territoire par une AOM. Encore faut-il que les acteurs locaux en aient les moyens.

Le rapport de notre délégation à la prospective présente huit scénarios pour l'avenir.

J'en tire trois conclusions : le statu quo n'est pas possible, il menace l'attractivité du territoire ; il faut offrir une palette de solutions variées, conçues au plus près des besoins locaux ; enfin, il faut s'appuyer sur les initiatives de nos concitoyens, car l'appropriation des nouveaux outils est une réalité.

Comme le disait Pierre Massé, commissaire général au plan, « le regard sur l'avenir est le premier temps de l'action ».

Nous devons préparer l'avenir des mobilités de nos campagnes. La délégation à la prospective poursuivra sa réflexion. (Applaudissements)

Prochaine séance, lundi 8 mars 2021, à 16 heures.

La séance est levée à 21 heures.

Pour la Directrice des Comptes rendus du Sénat,

Rosalie Delpech

Chef de publication

Annexes

Ordre du jour du lundi 8 mars 2021

Séance publique

À 16 heures et le soir

Présidence : M. Pierre Laurent, vice-président du Sénat Mme Nathalie Delattre, vice-présidente du Sénat

Proposition de loi tendant à garantir le droit au respect de la dignité en détention, présentée par M. François-Noël Buffet (procédure accélérée) (n°362, 2020-2021)