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Table des matières



Décès d'anciens sénateurs

Renouvellement des conseils départementaux et régionaux (Procédure accélérée)

Discussion générale

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée auprès du ministre de l'intérieur, chargée de la citoyenneté

M. Philippe Bas, rapporteur de la commission des lois

Renvoi en commission

M. Jean Louis Masson

Discussion générale (Suite)

M. Jean-Yves Roux

Mme Cécile Cukierman

M. Arnaud de Belenet

M. Éric Kerrouche

M. Jean Louis Masson

M. Alain Marc

M. Guy Benarroche

M. Alain Richard

M. François Bonhomme

Mme Muriel Jourda

Discussion des articles

ARTICLES ADDITIONNELS avant l'article premier

ARTICLE PREMIER

M. Jean Louis Masson

M. Olivier Paccaud

M. Yves Bouloux

ARTICLES ADDITIONNELS après l'article premier

ARTICLE PREMIER BIS

M. Jean Louis Masson

ARTICLES ADDITIONNELS après l'article premier bis

ARTICLE 2

M. Jean Louis Masson

ARTICLES ADDITIONNELS après l'article 2

ARTICLE 3

M. Jean Louis Masson

ARTICLES ADDITIONNELS après l'article 3

ARTICLE 4

M. Vincent Delahaye

ARTICLES ADDITIONNELS après l'article 4

ARTICLES ADDITIONNELS après l'article 6

ARTICLE 7

M. Jean-Pierre Sueur

ARTICLE 8

ARTICLE 9

Code de la justice pénale des mineurs (Procédure accélérée)

Discussion générale

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

Mme Agnès Canayer, rapporteur de la commission des lois

Question préalable

Mme Éliane Assassi

Discussion générale (Suite)

Mme Cécile Cukierman

Mme Dominique Vérien

Mme Laurence Harribey

M. Pierre Médevielle

Mme Esther Benbassa

M. Thani Mohamed Soilihi

Mme Maryse Carrère

M. Philippe Bas

Discussion des articles

ARTICLE PREMIER

Mme Esther Benbassa

ARTICLE ADDITIONNEL après l'article premier

ARTICLE PREMIER BIS A

ARTICLES ADDITIONNELS après l'article premier bis

ARTICLE PREMIER TER A

ARTICLE PREMIER TER B

ARTICLE PREMIER TER (Supprimé)

ARTICLES ADDITIONNELS après l'article 2

ARTICLE 3

ARTICLES ADDITIONNELS après l'article 3

ARTICLE 3 BIS

 : [Mme Esther Benbassa

ARTICLE 4

Annexes

Ordre du jour du mercredi 27 janvier 2021




SÉANCE

du mardi 26 janvier 2021

54e séance de la session ordinaire 2020-2021

présidence de Mme Pascale Gruny, vice-président

Secrétaires : M. Daniel Gremillet, M. Joël Guerriau.

La séance est ouverte à 14 h 30.

Le procès-verbal de la précédente séance est adopté.

Décès d'anciens sénateurs

Mme le président.  - J'ai le regret de vous faire part du décès de notre ancien collègue Jean Dumont, qui fut sénateur des Deux-Sèvres de 1986 à 1995.

Nous avons également appris avec tristesse celui de Jean-Pierre Michel, sénateur de la Haute-Saône de 2004 à 2014. Magistrat de profession, il a été secrétaire général du Syndicat de la Magistrature de 1972 à 1974. Élu député de la Haute-Saône en 1981, il le restera jusqu'en 2002, avant d'en être sénateur de 2004 à 2014. Ses mandats parlementaires furent marqués par sa proposition de loi ayant abouti au Pacte civil de solidarité (Pacs) et son rôle de rapporteur du Sénat sur le projet de loi ouvrant le mariage aux personnes de même sexe.

Au nom du Sénat, je souhaite exprimer notre sympathie et notre compassion à sa famille, à ses proches, ainsi qu'au président et aux membres du groupe Socialiste, écologiste et républicain, dont il fut membre.

Renouvellement des conseils départementaux et régionaux (Procédure accélérée)

Mme le président.  - L'ordre du jour appelle la discussion, en procédure accélérée, du projet de loi, portant report du renouvellement général des conseils départementaux, des conseils régionaux et des assemblées de Corse, de Guyane et de Martinique.

Discussion générale

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée auprès du ministre de l'intérieur, chargée de la citoyenneté .  - Les élections locales sont un moment démocratique important pour les Françaises et les Français, qui choisissent les élus de proximité compétents pour la gestion de leur quotidien : la solidarité pour les départements, l'emploi, et le développement économique pour les régions.

Ce projet de loi revêt une dimension particulière au Sénat qui a une mission spécifique de représentation des collectivités territoriales en vertu de l'article 24 de la Constitution.

Pourquoi reporter à juin le double scrutin prévu en mars prochain ?

Une telle décision n'est pas facile mais elle s'explique par le contexte épidémique. Le Premier ministre a confié le 23 octobre dernier à M. Jean-Louis Debré, ancien président du Conseil constitutionnel, une mission pour l'éclairer. Au nom du Gouvernement, je salue son travail, remis le 13 novembre, après consultations des différentes forces politiques. Son analyse, exempte de tout esprit partisan, aboutit à un diagnostic partagé et estime « raisonnable » que le double scrutin se déroule en juin. Le Gouvernement l'a suivi à travers ce projet de loi, qui donne une meilleure visibilité aux électeurs, aux candidats ainsi qu'aux élus sortants.

Nous faisons tout pour que ces élections aient lieu en juin prochain. Le choix des dates précises relève du pouvoir réglementaire. Il sera fait dans les plus brefs délais. Seule la loi pourrait acter d'un nouveau report, que le Gouvernement ne souhaite pas. Le Parlement sera informé par le rapport qui lui sera remis au plus tard 1er avril 2021. J'ai bien noté les informations supplémentaires demandées par la commission des lois ; le Gouvernement y répondra.

Je partage l'objectif du Sénat de la plus grande participation possible des électeurs au scrutin. Il faut concilier la sécurité sanitaire avec la tenue du scrutin sans prendre le risque de fraudes, en conjuguant équité, liberté et sincérité.

Certaines propositions nous semblent prématurées, comme l'anticipation de la déterritorialisation des procurations.

La sécurité dans les bureaux de vote sera garantie grâce à de nombreuses mesures déjà expérimentées en juin dernier. Le port du masque sera obligatoire, sauf le temps des contrôles d'identité de l'électeur. Du gel hydroalcoolique sera mis à disposition. Les masques, gels et visières seront fournis par l'État ou remboursés. Le maintien des distances entre les électeurs sera assuré par des parcours fléchés et la gestion de l'affluence. Trois personnes maximum pourront être présentes en même temps dans le bureau de vote, qui sera désinfecté régulièrement. La carte d'électeur ne sera pas estampillée pour éviter les contacts. Les personnes fragiles seront prioritaires.

Une procédure en ligne complémentaire de la procédure par papier simplifiera le dépôt des procurations.

Un décret est en cours de discussion avec le Conseil d'État pour l'organisation du double scrutin. La jurisprudence du Conseil constitutionnel est stricte, afin d'éviter la confusion. Néanmoins, les fonctions de président et de secrétaires pourraient être mutualisées, tout comme les isoloirs. En l'absence d'assesseur, c'est l'électeur le plus jeune qui sera désigné et non le plus âgé.

Le support électronique sera proposé aux candidats pour leur profession de foi, le support papier n'étant pas supprimé.

Le Gouvernement soutient une hausse du plafond des dépenses électorales autorisées de 20 %.

Notre objectif est que le plus grand nombre d'électeurs participent.

Les élections sont le fondement même de notre démocratie. Dans cette situation inédite, un report - de quelques mois seulement - nous semble une nécessité pour que les Français choisissent leurs conseillers régionaux et départementaux en toute sécurité et en toute sérénité. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

M. Philippe Bas, rapporteur de la commission des lois .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Pierre Louault applaudit également.) Je le dis avec sincérité et honnêteté : j'aurais préféré que les élections départementales et régionales ne soient pas reportées.

M. Bruno Sido.  - Moi aussi.

M. Philippe Bas, rapporteur.  - J'entends bien que le contexte de très grande anxiété a conduit les forces politiques à s'entendre pour un report. Mais faire face à l'épidémie en jouant sur le calendrier électoral n'est pas la bonne méthode.

Et je vais malgré tout vous inviter à adopter ce texte... Pourquoi ? Mais parce qu'il est trop tard ! L'habileté a été grande de confier trop tard la mission à M. Debré, pour rendre impossible l'organisation de ces élections en mars dans de bonnes conditions.

Soit, ces élections seront reportées en juin mais pas au-delà. C'est une mauvaise habitude alors que nous n'en savons pas plus sur le contexte épidémique de juin que de mars. Je pense à d'autres élections : le référendum annoncé par le Président de la République pour cette année, ou l'élection présidentielle.

Il faut apprendre à vivre avec le virus, y compris pour ce qui concerne le fonctionnement de notre démocratie (Marques d'approbation sur les travées du groupe Les Républicains, comme l'a dit le Président de la République.

Les enfants vont à l'école, les ouvriers sont dans les usines, les transports en commun fonctionnent, les Français font leurs courses dans les hypermarchés et nous ne pourrions pas organiser des élections aussi importantes ? Je n'en crois rien.

Nous devrions faire en sorte que le suffrage universel puisse s'exprimer en toutes circonstances. La commission des lois a apporté des garanties de sécurité supplémentaires pour que la campagne électorale puisse se dérouler avec des instruments nouveaux.

Je comprends que nous soyons traumatisés par le premier tour des élections municipales. Le 14 mars, coup de tonnerre, le Premier ministre annonçait des restrictions majeures aux libertés tant le virus était dangereux et se répandait rapidement. Chaque Français s'est demandé s'il prenait un risque en allant voter.

Sommes-nous surpris pas l'urgence ? Non, évidemment. Nous avons l'expérience du second tour des élections municipales, qui s'est déroulé dans de bonnes conditions. Ne nous laissons pas imprégner des circonstances extraordinaires de mars dernier.

Je ne voudrais pas que, derrière la crise sanitaire, se cache le souhait d'un report plus lointain pour convenance personnelle. La presse s'est fait l'écho d'un déjeuner où, en échange du financement du plan de relance, le Président de la République aurait demandé à l'Association des régions de France d'accepter un report à l'automne 2022 !

M. Loïc Hervé.  - Ou 2023 !

M. Philippe Bas, rapporteur.  - Jean-Louis Debré ne nous a-t-il pas dit en audition que cette solution lui avait été présentée ?

Nous ne pouvons que nous opposer à ce souhait de dégager la voie pour qu'elle soit libre jusqu'à l'élection présidentielle.

Madame la ministre, je suis heureux de vos propos rassurants. Vous seriez encore plus convaincante si vous approuviez nos amendements. La campagne pourra s'appuyer sur les médias audiovisuels du service public - j'apprends que vous avez retiré un amendement annulant votre proposition sur la campagne et je vous remercie de ce geste.

En revanche, j'ai été très étonné d'apprendre que le Gouvernement n'était plus favorable à la double procuration.

M. Loïc Hervé.  - C'est dommage.

M. Philippe Bas, rapporteur.  - C'est une bonne mesure, utilisée pour le second tour des municipales, et que le Gouvernement avait proposée en octobre. Pourquoi a-t-il changé d'avis ? Est-on pour ou contre le vote des personnes âgées ?

Nous proposons de confier une procuration à un membre de sa famille, même s'il n'est pas inscrit sur les listes électorales de la commune. En quoi cela favoriserait-il les fraudes ? Si le Gouvernement veut montrer sa bonne volonté, il doit assurer le respect de la date du scrutin. Mais si toutes les précautions ne sont pas prises, nous continuerons à vous interroger.

Tout report au-delà de juin se heurterait à de grandes difficultés politiques, avec une campagne en août, et constitutionnelles, si la date était ultérieure à celle de l'élection présidentielle. De mon point de vue, le Conseil constitutionnel devrait s'y opposer. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC)

Renvoi en commission

Mme le président.  - Motion n°49, présentée par M. Masson.

En application de l'article 44, alinéa 5, du Règlement, le Sénat décide qu'il y a lieu de renvoyer à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale le projet de loi portant report du renouvellement général des conseils départementaux, des conseils régionaux et des assemblées de Corse, de Guyane et de Martinique (n°288, 2020-2021).

M. Jean Louis Masson .  - Les articles 41 et 45 de la Constitution sont des garde-fous utiles. Les amendements qui n'entrent pas dans le périmètre du texte ne sont pas recevables. Ce périmètre a été défini : il s'agit de l'organisation des élections régionales et départementales - et de la campagne - et de leurs conséquences sur le fonctionnement des collectivités territoriales.

Je suis donc étonné que certains de mes amendements, comme la limitation du nombre d'électeurs par bureau de vote, aient été déclarés irrecevables en dépit de mes efforts pour les rendre recevables. C'est dommage !

Par ailleurs, j'avais proposé que l'information des électeurs soit améliorée par un accroissement du format des professions de foi, pouvant aller jusqu'à un double A4, les candidats payant le supplément. Cela n'a pas non plus été retenu.

J'avais proposé que, pendant l'épidémie, les commissions permanentes d'assemblées délibérantes puissent se réunir en téléconférence.

Cela entre dans le champ du fonctionnement des collectivités territoriales autant que les articles 7, 8 et 9 du projet de loi.

Je m'incline toutefois. Madame la ministre, nous aurions pu profiter de ce texte pour élargir le débat.

Je ne soutiens pas le Gouvernement mais j'ai pour habitude de voter pour un texte quand je considère qu'il est bon et contre quand il est mauvais.

M. Philippe Bas, rapporteur - Nous aussi !

M. Jean Louis Masson. - Or le programme du président Macron comprenait d'excellents engagements, comme la réduction du nombre de parlementaires ou l'introduction d'une dose de proportionnelle. Je suis d'accord - une fois n'est pas coutume - avec François Bayrou (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains) qui a dit : « Moi, je n'ai pas l'habitude de renoncer à ce que je considère comme essentiel [...]. Je déplore une nouvelle fois la brutalité du scrutin majoritaire dans lequel ni le pluralisme ni l'équité ne sont respectés. » Il a raison. Au Sénat, il y a des sénateurs qui sont favorables à la proportionnelle !

La Banque de la démocratie était aussi un engagement très fort, auquel M. Bayrou tenait. En période d'épidémie, l'argent est plus déterminant que jamais dans une campagne. Tout candidat doit pouvoir souscrire un emprunt, sans discrimination, contrairement à ce que j'ai vécu lors des élections européennes. Certains partis ont rencontré des difficultés alors qu'ils avaient une large assise électorale, d'autres non alors qu'ils sont à peine au-dessus du seuil de 5 % des voix. Il faut examiner cette question.

J'ai beaucoup apprécié la position du Premier ministre, qui a pris ses responsabilités samedi dernier, sur le découpage régional de l'Alsace. Une réflexion doit être menée sur les régions démesurément grandes et leur organisation électorale.

M. Philippe Bas, rapporteur. - N'étant plus membre de la commission des lois, M. Masson n'a pas pu mesurer à quel point ses travaux ont été approfondis.

L'avantage de votre motion est que vous avez pu défendre vos amendements en détail, cela nous fera gagner du temps dans la suite de la discussion. (Sourires et applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et CRCE)

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée. - Avis défavorable à la motion.

La motion n'est pas adoptée.

Discussion générale (Suite)

M. Jean-Yves Roux .  - (Applaudissements sur les travées du RDSE) Une fois de plus, on nous propose un report de scrutin, dans un souci de protection de nos concitoyens.

Nous prenons cette décision dans un contexte d'incertitude sanitaire : variants, saturation possible des hôpitaux, possibilité d'une vaccination pour tous d'ici la fin de l'été. Notre démocratie tient le cap et nous devons agir avec calme et pragmatisme.

Les élections régionales et départementales peuvent être décalées de trois mois sans préjudice majeur. Nous souscrivons aux propositions de report à juin 2021 et mars 2028. Nous sommes aussi favorables au protocole renforcé, à la double procuration, au relèvement du plafond de dépenses, au report des votes des budgets départementaux et régionaux et au décalage du dépôt des comptes de campagne.

Reste la question des assesseurs, prévue à l'article 44 du code électoral. La prise en charge de leur coût par l'État soulagerait les communes. Évaluons ce point à l'automne.

Pierre Mauroy a dit : « La décentralisation, ce n'est pas qu'une démarche administrative, pas uniquement un dispositif institutionnel. C'est un souffle, un élan, pour l'unité de la République, sa cohésion, l'efficacité de son action. »

M. Jean-Pierre Sueur. - Très bien !

M. Jean-Yves Roux. - Notre République a besoin d'échelons de proximité pour affronter les crises de toute nature. Les conseils départementaux assument les missions de solidarité - cela mériterait de faire l'objet d'une campagne de communication institutionnelle.

Nous sommes en Ve République, mais l'échéance présidentielle doit-elle tourner à l'obsession ? Je ne le crois pas.

Luttons contre ce que Pierre Mendès France appelait l'indifférence démocratique. Les campagnes électorales devront être attractives. Qui peut se satisfaire d'être élu par 20 % seulement des électeurs, comme certains maires au printemps ? La campagne doit se mener en dehors de son canapé...

Le président Monnerville affirmait en 1962 que « rien ne saurait remplacer la discussion, l'affrontement des thèses diverses, l'examen approfondi des conséquences probables des décisions prises, méthode sans laquelle il n'y a ni démocratie véritable, ni stabilité possible des institutions ».

Pensons à l'avenir. En mars 2028, nos concitoyens auront accès partout à la téléphonie mobile... Nous pourrons alors voter par correspondance en toute sécurité.

Mon groupe votera ce texte. (Applaudissements sur les travées du RDSE ; M. Jean-Pierre Sueur applaudit également.)

Mme Cécile Cukierman .  - C'est avec humilité et prudence que nous abordons l'examen de ce texte, car la situation sanitaire est encore indécise. Il faut tout mettre en oeuvre pour que le jour du vote, toutes les mesures de protection soient assurées, même si ce n'est pas au coeur du bureau de vote que le risque de contracter la maladie est le plus fort.

Cette crainte s'ajoute à une crise de défiance : il faut répondre à l'exigence démocratique et sortir du slogan incantatoire selon lequel la démocratie ne peut pas être confinée.

Ces élections régionales et départementales sont importantes pour nos concitoyens, compte tenu du rôle de ces collectivités territoriales dans leur quotidien, tout au long de leur vie. Ces collectivités territoriales sont fortement mobilisées en cette période de crise sanitaire.

Nous nous opposons toutefois à un report au-delà de l'élection présidentielle. Si l'on doit reporter les élections régionales et départementales au-delà de juin, comment envisager un référendum à l'automne ? Le report ne doit pas être excessif. Notre formation politique l'a dit lors des travaux de M. Debré.

Il faut sécuriser le vote mais aussi la campagne. Les acteurs, candidats et formations politiques ont déjà réfléchi aux modalités de la campagne. Il faut assurer l'égalité entre les candidats. L'article 2 n'est pas une simple clause de revoyure ; c'est une réponse à un besoin de démocratie.

La commission des lois a amélioré ce texte, qui n'est pas qu'un texte de fatalité, pour réfléchir à une meilleure organisation de ces élections. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE ; M. Didier Marie applaudit également.)

M. Arnaud de Belenet .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Juin : la date fait consensus. Mais les modalités du vote seront-elles compatibles avec la situation sanitaire ? Nous pouvons nous en remettre à l'expérience des collectivités territoriales. Les conseils du comité des scientifiques seront sollicités, notamment sur la campagne électorale.

Le Gouvernement a mandaté le président Debré. Comme le président de l'Association des régions de France, dans son entretien au Journal du dimanche, je considère que nous avons besoin d'une respiration démocratique. Il me semble toutefois que le procès en manipulation politique fait au Gouvernement est infondé. N'alimentons pas les fantasmes.

Le rapport Debré cite Léon Blum. Je ne prends donc guère de risque à évoquer Pierre Mendès France pour qui « la démocratie, c'est beaucoup plus que la pratique des élections, et le gouvernement de la majorité : c'est un type de moeurs, de vertu, de scrupule, de sens civique, de respect de l'adversaire ; c'est un code moral ».

Cette suspicion n'existerait pas si les échéances régionales et présidentielle étaient enfin décorrélées. Cinquante ans après les lois Defferre, la France n'a pas encore d'identité locale propre. Nous ne pouvons que souhaiter que ces élections cessent de venir conforter ou sanctionner une politique nationale.

Pour ma part, je souhaite une journée entière dédiée aux scrutins locaux. Le report des élections régionales et départementales à juin a fait l'objet d'un large consensus, y compris à la commission des lois qui y a apporté cependant quelques modifications. Elle a ainsi proposé un retour plus rapide au droit commun ; elle a également ouvert la possibilité d'une double procuration, et proposé une rédaction plus sécurisée de l'article 2 sur le rapport du comité des scientifiques. Même si l'immunité collective n'est pas atteinte en juin, la vie démocratique doit s'exercer normalement. Nous adopterons l'article 4 afin que les campagnes puissent se dérouler dans de bonnes conditions d'égalité entre candidats et de sincérité de scrutin.

La commission, à l'article 5, a octroyé un délai supplémentaire pour le dépôt des comptes de campagne.

L'article 6 prévoit une campagne audiovisuelle sur les chaînes du service public. Les difficultés matérielles de France Télévisions sont surmontables.

Catherine Di Folco a introduit les articles 8 et 9 qui accordent un délai supplémentaire pour le vote des budgets primitifs, pour plus de souplesse et de sérénité.

Le groupe de l'Union centriste votera ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur quelques travées du groupe INDEP)

M. Éric Kerrouche .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Le principe démocratique est consacré par la Constitution de 1958. Deux questions se posent : l'épidémie justifie-t-elle de suspendre la démocratie ? Jusqu'à quand un report des élections est-il démocratique ? La réponse du Président de la République a été claire. Le 13 avril 2020, il a déclaré : « cette épidémie ne saurait affaiblir notre démocratie. » Voilà pour les discours ; passons maintenant aux actes.

La sincérité, l'égalité, la proportionnalité sont des principes qui nous servent de butoir pour protéger la démocratie.

De nombreuses démocraties ont maintenu leurs élections : États-Unis, Allemagne, Portugal, Pays-Bas... En France, un consensus s'est dessiné pour un report des élections régionales et départementales au mois de juin - mais pas au-delà.

Des voix ont plaidé pour repousser ces élections après l'élection présidentielle, afin de mettre en place plus facilement le plan de relance. Cette hypothèse, écartée d'emblée par M. Debré, revient régulièrement. Elle pose cependant des problèmes constitutionnels de loyauté et de périodicité raisonnable du scrutin. Un tel report briserait le consensus politique et une inversion du calendrier conduirait à tout centrer autour de l'élection du monarque républicain. Il faut donc maintenir ces élections.

Le Gouvernement ne propose rien d'autre que le report sec et nous allons de report en report ; municipales, élections partielles, régionales, départementales... Jusqu'où ?

Le report est une solution de facilité. C'est déconcertant, au moment où l'exécutif évoque un référendum ! Souhaite-t-il réellement que ces élections se tiennent ? Les élections locales ne seraient-elles que des élections de second ordre ?

La démocratie est un bien essentiel ; la temporalité en est l'un des piliers. Les Français ont le droit, le devoir, d'exprimer leur opinion. Les élections sont des moments nécessaires. La démocratie n'est pas un inconvénient en période de pandémie, bien au contraire. Les propositions parlementaires n'ont pas manqué depuis un an pour adapter les élections à ce moment si particulier...

Je souhaite souligner l'adoption en commission de l'amendement de Jean-Pierre Sueur sur les marges d'erreur dans les sondages.

Il faut lutter contre l'abstention qui nuit à la légitimité. Certes, la démocratie ne se réduit pas au vote, mais sans vote, il n'y a pas de démocratie. Il faut tout faire pour éviter une abstention massive.

Le vote par correspondance a déjà été introduit seize fois au Sénat, mais il est toujours trop tôt, nous dit-on. Dans les pays où il est utilisé, le vote anticipé améliore la participation, comme on l'a vu dernièrement au Portugal.

Nous nous abstiendrons sur la double procuration, qui est au contraire aux standards internationaux et au secret du vote.

Nous voterons ce texte de consensus électoral, en espérant de nouveaux aménagements et à la condition que le délai de juin ne soit pas dépassé.

En ce début d'année, je souhaite que nous veillions à la bonne santé de notre démocratie. (Applaudissements sur les travées du groupe SER)

M. Philippe Bas, rapporteur. - Merci, cher collègue.

M. Jean Louis Masson .  - Il faut absolument que nous puissions voter en juin. L'expérience de l'année passée montre que l'épidémie est moins forte aux beaux jours : le report de mars à juin apparaît donc cohérent, mais il ne faut pas aller au-delà.

Si l'on évoque un référendum, il n'y a pas de raison que d'autres élections ne puissent se tenir. Il faudra y veiller.

Dans les nouvelles grandes régions, les candidats vont peiner à mener campagne. Dans le Grand Est, il faut parfois parcourir plus de 200 kilomètres entre le chef-lieu et l'extrémité de la région. La loi de janvier 2015 sur la fusion autoritaire des régions a eu des conséquences désastreuses. Le caractère tentaculaire de certaines régions nuit à une gestion de proximité. M. Castex, à Colmar, a eu le courage samedi dernier de reconnaître que le Grand Est était une absurdité.

M. François Bonhomme. - Ce n'est pas faux !

M. Philippe Bas, rapporteur. - Ce n'est pourtant pas le sujet !

M. Jean Louis Masson. - J'approuve aussi les propos du président de la collectivité européenne d'Alsace, M. Bierry, qui a apporté de l'eau au moulin du Premier ministre.

Mme le président. - Il faut conclure.

M. Philippe Bas, rapporteur. - Le sujet, c'est la date des élections !

M. Alain Marc .  - Voilà bientôt un an que sévit la pandémie. Elle a causé la mort de plus de 70 000 de nos concitoyens et bouleversé l'année 2020.

Pour limiter les interactions sociales susceptibles de nous contaminer, nos libertés ont été réduites et les élections reportées. La situation demeure la même, malgré l'arrivée des vaccins. Dès lors, un report des élections régionales et départementales s'impose. Cela fait l'objet d'un consensus politique.

Il ne faudra pas aller au-delà, car une démocratie mise entre parenthèses est une démocratie en péril. Les Français ont montré leur discipline dans le respect des gestes barrières. En outre, la commission des lois a autorisé les doubles procurations et permis aux plus vulnérables d'établir une procuration sans se déplacer. Il s'agit en effet de limiter l'abstention. L'État fournira les équipements de protection nécessaires aux organisateurs des scrutins et aux électeurs qui en auraient besoin.

La campagne devra s'adapter aux conditions sanitaires. Les clips de campagne seront diffusés sur les chaînes publiques, locales et nationales. Cette mesure interroge, s'agissant des élections départementales. Certains cantons comptent à peine 10 000 habitants...

Les procédures budgétaires sont également adaptées au report de ces élections.

Notre groupe votera ce texte amendé par la commission des lois. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

M. Guy Benarroche .  - Cette loi est une énième conséquence de la crise sanitaire sur notre vie démocratique, après le report des municipales, de l'élection des sénateurs des Français de l'étranger et des élections partielles.

Il n'est pas question de nier le mélange de panique et de manque d'anticipation qui a conduit aux décisions brutales concernant la campagne électorale et la tenue du scrutin du printemps dernier. Nous avons appris de ces errements. Dans une démarche d'apaisement, l'exécutif a confié une mission à Jean-Louis Debré et le consensus s'est fait autour d'élections en juin 2021.

Je reste prudent s'agissant du vote par correspondance, à distance ou par voie électronique compte tenu des difficultés techniques, impossibles à résoudre dans un temps si court. Je m'opposerai à la double procuration en raison du risque d'abus. Je soutiendrai les procurations familiales et le déplacement des autorités compétentes lorsque l'électeur ne peut le faire. Le rapport prévu à l'article 2 devra évoquer les modalités de tenue des élections, non leur report. Le comité scientifique ne doit pas servir d'alibi à un nouveau report à l'automne, impossible à réaliser et qui conduirait à un report après l'élection présidentielle. Nous ne voulons pas le croire...

Selon le comité scientifique, la France compte vingt-deux millions de personnes vulnérables. Or, selon Olivier Véran, jeudi soir - il n'avait pas dit la même chose l'après-midi...

M. François Bonhomme. - C'est bien de le préciser !

M. Guy Benarroche. - ... trente millions de personnes auront été vaccinées fin mai. Il apparaît donc cohérent de fixer les élections à mi-juin puisque les plus fragiles auront été vaccinés.

Reste la question de la campagne. Si la situation sanitaire n'en permet pas la tenue, y compris seulement dans certaines régions ou certains départements, cela pourra-t-il justifier un tel report ?

M. François Bonhomme. - Bonne question !

M. Guy Benarroche. - J'engage le Gouvernement à la transparence et au dialogue. Que ferez-vous si une seule région est en situation critique ?

Pour toutes ces raisons, notre groupe votera ce texte. (Applaudissements sur les travées du GEST)

M. Alain Richard .  - Nous allons conclure ce débat par un accord général : c'est une bonne chose. Mais nous parlons d'une matière délicate à laquelle le Conseil constitutionnel est particulièrement vigilant. Il emploie l'expression de « motif impérieux d'intérêt général » s'agissant des élections : les électeurs ont ainsi le droit d'être convoqués régulièrement pour voter. D'où le choix d'un report limité à juin.

Ce texte prévoit aussi des mesures facilitatrices pour la tenue des élections.

Le double scrutin complique le déroulement de ces élections. Il convient donc d'approuver les mesures réglementaires évoquées par Mme la ministre.

L'ordre de passage devant l'urne relève de la police de l'assemblée et dépend du seul président du bureau de vote. Aussi, il serait judicieux que le gouvernement indique aux maires que des créneaux pourraient être réservés aux personnes vulnérables.

Mêmement, l'âge moyen des assesseurs, élevé, allonge parfois quelque peu les opérations de vote et il pourrait être utile, avant ces élections, de mobiliser les jeunes électeurs à cette mission.

La procuration peut conduire à des fraudes. Des officiers de police judiciaire ont accepté des procurations en blanc ; c'est contraire à la loi et le ministère de l'Intérieur devrait le rappeler.

Reste la question de la campagne et les mesures relatives aux clips audiovisuels. C'est indispensable pour les régions, même si je regrette, comme Alain Marc, que ce ne soit pas possible pour les cantonales...

Je propose que soit portée à trois semaines la durée officielle de la campagne. C'est possible puisque la date de dépôt des candidatures aux régionales est fixée quatre semaines avant le vote.

Nous sommes dans un débat constructif qui devrait se conclure heureusement. (Applaudissements sur les travées du RDPI et du GEST)

M. François Bonhomme .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) La crise sanitaire a balayé nos certitudes et notre calendrier électoral.

Le rapport Debré a proposé un report des élections régionales et départementales en juin. Le comité scientifique se prononcera en amont en déposant un rapport.

Ce type de report doit rester exceptionnel et ne pas être soumis aux convenances personnelles de quelques-uns. Les aménagements prévus par la commission des lois me semblent utiles, notamment s'agissant des procurations, de la protection des électeurs vulnérables et de l'allongement des délais pour le dépôt des comptes.

Nul ne sait cependant où nous en serons au printemps.

Les élections fondent la démocratie, mais elles ne peuvent se tenir sans véritable campagne. Or la liberté de réunion est mise à mal par la pandémie.

Quelles garanties pouvons-nous apporter aux candidats ? Quelle campagne sans liberté de réunion ou de circulation ? Une campagne 2.0 me semble inconcevable. Les candidats doivent pouvoir rencontrer et informer les électeurs pour les convaincre. Cela sera-t-il possible ? Une campagne, c'est aussi des rencontres, de la transpiration, du présentiel.

Les candidats pourront-ils faire réellement campagne ? Sans garanties sur la sincérité de ce scrutin, cette élection serait un dévoiement. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Mme Muriel Jourda .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Ce texte, que notre groupe votera, appelle une réflexion plus large sur la démocratie.

Certains semblent croire que la démocratie consiste à tirer au sort une poignée des citoyens pour leur demander ce qu'ils feraient à la place du Gouvernement ou du Parlement. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Tocqueville a dit bien mieux que moi combien la démocratie pouvait porter en elle le germe mortel de la démagogie.

Non, la démocratie, ce sont des élections, des campagnes, des opérations électorales et une régularité qui est constitutive de l'État de droit - qui est le contraire de l'arbitraire et du fait du prince.

Si, comme Jean-Louis Debré l'a indiqué, il a pu être envisagé que ces élections soient reportées au-delà des présidentielles, pour des raisons de calcul politique...

M. Bruno Sido.  - Absolument !

Mme Muriel Jourda.  - ... cela aura constitué un préjudiciable pas de côté par rapport à l'État de droit. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Le confinement est une technique moyenâgeuse. C'est la tactique de ceux qui ne savent rien faire. Nous en étions là en mars dernier, mais plus aujourd'hui grâce au corps médical. Vivre, ce n'est pas seulement ne pas mourir. Il nous faut apprendre à vivre avec ce virus sans nous terrer. Ce texte nous permet de le faire.

Grâce aux clips, à l'avis des scientifiques sur l'organisation des élections, aux procurations - auxquelles le Gouvernement est opposé - nous pourrons voter.

Nous devons continuer à vivre et à faire vivre la démocratie. (Vifs applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

La discussion générale est close.

Discussion des articles

ARTICLES ADDITIONNELS avant l'article premier

Mme le président.  - Amendement n°11, présenté par M. Masson.

Avant l'article 1er

L'article L. 47 du code électoral est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Est autorisée la création, au ministère de l'intérieur et dans les préfectures, d'un fichier automatisé des élus et des candidats aux élections au suffrage universel. Tout élu ou candidat peut refuser que le fichier enregistre sa nuance politique. Parmi les nuances politiques référencées, le fichier doit comporter la rubrique "non inscrit ou sans étiquette" ».

M. Jean Louis Masson.  - Les candidats n'ont pas la possibilité de choisir la nuance politique qui leur est attribuée par le préfet dans les fichiers. C'est grave, et encore plus grave en période de pandémie.

Cet amendement donne au candidat le droit de choisir son étiquette - y compris « non inscrit » ou « sans étiquette ».

Mme le président.  - Amendement n°12, présenté par M. Masson.

Avant l'article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Compte tenu des aléas de l'épidémie de coronavirus, le présent article est applicable pendant toute l'année 2021.

Est autorisée la création, au ministère de l'Intérieur et dans les préfectures, d'un fichier automatisé des élus et des candidats aux élections au suffrage universel. Tout élu ou candidat peut refuser que le fichier enregistre sa nuance politique. Parmi les nuances politiques référencées, le fichier doit comporter la rubrique « non inscrit ou sans étiquette ».

M. Jean Louis Masson.  - Défendu.

M. Philippe Bas, rapporteur.  - Le contentieux a été réglé par le Conseil d'État, à la suite d'une circulaire du ministre de l'Intérieur qui entendait régir le choix des couleurs politiques des candidats par voie d'autorité : la formulation « divers » doit être utilisée pour les candidats sans attache politique. Avis défavorable.

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée.  - Même avis, la question a été tranchée.

L'amendement n°11 n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°12.

ARTICLE PREMIER

M. Jean Louis Masson .  - Le projet du Gouvernement prévoyant une élection en décembre 2027 m'avait interpellé. Il n'est pas raisonnable de programmer une élection à ce moment !

Ce système saugrenu avait été introduit par la loi de 2015 qui ne s'est pas contentée de fusionner les régions, mais prévoyait des élections en décembre. C'est irresponsable. La commission des lois a heureusement retenu une solution proche de mon amendement et je l'en remercie.

M. Olivier Paccaud .  - Les pendules de notre République sont précieuses et rigoureuses. À la définition d'Abraham Lincoln, « le pouvoir du peuple, par le peuple pour le peuple », il faut ajouter la régularité des élections. Sans échéances respectées, la démocratie n'est plus.

Gare au venin des contradictions entre la possibilité de s'entasser dans les transports en commun et l'impossibilité supposée de voter ! Les Français ne le comprendraient pas.

Les révélations de Jean-Louis Debré sur les arrière-pensées du président de la République sont consternantes, stupéfiantes, révoltantes ! Elles donnent un autre sens à ce texte.

De la chrysalide de l'élève horloger peut sortir un apprenti sorcier.

Nos collègues socialistes pleurent encore leur funeste redécoupage et le report des régionales et départementales de 2014 et 2015. Quant à la droite, elle n'a pas oublié la stupide dissolution de 1997 : tels furent pris qui croyaient prendre !

Dans l'ancien monde comme dans le nouveau, les Machiavel d'arrière-cour ne récoltent que des lauriers fanés. (Exclamations et applaudissements sur quelques travées à droite)

M. Yves Bouloux .  - Les doubles élections ont un coût et génèrent des contraintes pour les élus locaux, qui n'y avaient pas été confrontés depuis 2008. Doublement des panneaux électoraux, des bureaux de vote, des assesseurs : tout cela aura un coût ! Je salue les apports du rapporteur qui garantissent que l'État fournira les équipements de protection nécessaires. Les maires de mon département sont inquiets des contraintes qu'ils vont devoir supporter.

Mme le président. - Amendement n°1 rectifié quater, présenté par MM. Cadec et H. Leroy, Mme Belrhiti, MM. Bascher et Panunzi, Mme M. Mercier, M. Burgoa, Mme Gruny, MM. Klinger et Rapin, Mme Drexler, MM. Pellevat, Favreau, Chaize et Savary, Mme Garriaud-Maylam, M. Cuypers, Mmes de Cidrac, Chain-Larché et Chauvin et MM. Grosperrin, Paul, Laménie et Duplomb.

Alinéa 1, première phrase

Compléter cette phrase par les mots :

, le second tour ayant lieu, au plus tard, le 20 juin 2021

M. Alain Cadec. - Pour donner plus de visibilité aux électeurs et aux candidats, il est proposé de fixer dès à présent les dates exactes des prochaines élections régionales et départementales aux 13 et 20 juin 2021, avant les premiers départs en vacances le 27 juin.

Une abstention au niveau des dernières municipales serait une catastrophe pour notre démocratie.

M. Philippe Bas, rapporteur. - La rédaction est très habile ; je tiens à en féliciter les auteurs.

La fixation de la date de l'élection relève du décret, mais cette prérogative n'est pas touchée.

Après en avoir longuement délibéré, la commission a donné un avis favorable.

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée. - Notre avis diverge : avis défavorable. (On s'en désole à droite.) La loi fixe le mois et il appartient au Gouvernement de fixer la date exacte.

Je confirme ce qu'ont dit le Premier ministre et le ministre de l'Intérieur : il n'y a pas de projet caché de report au-delà de juin. (On en doute sur les mêmes travées.) Rien ne se fait sans le Parlement de toute manière. Les élections auront lieu en juin !

M. Stéphane Piednoir. - J'en prends acte. Vous parlez bien de juin 2021 ? (Sourires)

Il me semble normal que les candidats acceptent que la campagne se fasse en mode dégradé. Il faudra inventer de nouvelles modalités. Je souscris au report de six mois qui nous est proposé. N'ayant pas de boule de cristal, j'ignore où en sera la pandémie en juin 2021. Mais il ne faut pas reporter au-delà. Ce n'est pas négociable.

M. Jérôme Bascher. - Comprenez, madame la ministre, que l'on vous fasse répéter plusieurs fois les choses !

Pas plus tard que la semaine dernière, un ministre de la Santé, qu'on n'avait pas vu depuis longtemps au Sénat (On s'amuse à droite.), annonçait un nombre de vaccins qu'il a infirmé le soir même.

La semaine dernière, à l'occasion des questions au Gouvernement, le Premier ministre n'envisageait absolument rien de plus pour les étudiants, et nous jugeait « péremptoires »... Le lendemain, le Président de la République disait le contraire. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Comprenez donc que nous n'ayons aucune confiance dans la parole gouvernementale ! (Exclamations sur les mêmes travées) Nous préférons graver la date dans la loi.

M. Jean Louis Masson. - En vertu de quelle disposition la loi ne pourrait-elle pas fixer la date de l'élection ?

M. Éric Kerrouche. - Le Gouvernement a-t-il montré un jour de la défiance à l'égard du Sénat ? Bien sûr que non ! (Sourires) Ce sera « ceinture et bretelles » : nous voterons cet amendement.

Mme Cécile Cukierman. - Nous voterons aussi cet amendement. Les révélations de M. Debré nous ont heurtés. Elles font écho aux propos confinant au chantage du Président de la République devant les présidents de régions : il disait alors qu'il fallait envisager le report des régionales après la présidentielle, afin que le plan de relance puisse porter tous ses fruits.

Nous voterons cet amendement, non pour engager un bras de fer avec le Gouvernement, mais pour gagner en visibilité. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE)

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée. - Je ne peux que déplorer votre manque de confiance dans la parole du Gouvernement. En ce qui me concerne, j'ai confiance dans votre parole.

Monsieur Masson, c'est le code électoral qui permet au Gouvernement de fixer par décret la date exacte d'une élection.

M. Jean-Pierre Grand. - Permettez-moi de plaider pour que le dernier dimanche ne soit pas retenu. Nous avons assisté lors des dernières élections à une démobilisation des sensibilités politiques modérées alors qu'il n'en était rien des extrêmes.

Si les élections ont lieu le 27 juin, elles se feront en petit comité, où s'inviteraient les moins sages.

M. Alain Richard. - La Constitution dispose que la loi fixe le régime électoral des assemblées locales.

Depuis 1958, l'usage veut que le Parlement fixe le mois des élections et le Gouvernement les dates exactes. Tout ce que nous faisons est en dérogation du code électoral : nous adoptons une loi propre à une circonstance particulière.

Il n'est donc pas déplacé de fixer au Gouvernement une limite dans la prise du décret de convocation des électeurs. (Applaudissements sur les travées des groupeRDPI et Les Républicains)

M. Roger Karoutchi.  - Vos propos nous rassurent, monsieur Richard. Il s'agit d'un texte évidemment dérogatoire, pour faire face à la pandémie. Le vrai vaccin de notre démocratie, c'est le vote ! Dans un pays troublé, et pas seulement par l'action du Gouvernement, tout est remis en doute. Il faut donner aux électeurs la possibilité de s'exprimer.

Il ne faudrait pas que ces difficultés sanitaires servent de prétexte à un nouveau report, au risque de peser sur la légitimité même de ces élections.

Malgré une pandémie plus virulente qu'en France, des pays, parfois confinés, votent. Pourquoi ne serions-nous pas dignes de la même démocratie ?

Il est clair que retenir le dernier dimanche expose à un risque d'abstention important. Il est de l'intérêt de tous qu'un maximum d'électeurs vienne voter pour rendre à ce pays sa fierté dans la démocratie. Choisissons une date qui le permette. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Pascal Savoldelli.  - Madame la ministre, entendez les parlementaires ! Certes, c'est une dérogation au code électoral, comme le dit M. Richard, mais nous sommes en plein état d'urgence sanitaire.

Il ne s'agit pas de confiance mais de faits : votre mandat, c'est 287 ordonnances dont 83 pendant la crise ! Et l'on passe des heures à débattre de la date des élections ? Que le bon sens l'emporte enfin !

La citoyenneté recule. La politique, c'est la vie de la cité. Il faut redonner confiance, resserrer notre maillage démocratique et républicain. Ce serait un acte de confiance envers les collectivités territoriales. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE, ainsi que sur de nombreuses travées des groupes Les Républicains, UC, SER et GEST)

M. Philippe Bas, rapporteur.  - Certains collègues ont exprimé un manque de confiance dans la parole du Gouvernement. Mais nous n'avons pas non plus confiance dans le silence du Gouvernement.

Loin de nous rassurer en écartant la date du 27 juin, vous vous êtes contenté de nous dire que nous n'avions pas le droit de fixer la date des élections. Or la Constitution ne prévoit pas que le Gouvernement fixe la date des élections par le décret de convocation, et nous pouvons tout à fait déroger aux articles législatifs du code électoral. Votre argument juridique est nul et non avenu. L'argument démocratique a, en revanche, une valeur inestimable. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

L'amendement n°1 rectifié quater est adopté.

L'article premier, modifié, est adopté.

ARTICLES ADDITIONNELS après l'article premier

Mme le président.  - Amendement n°28, présenté par M. Masson.

Après l'article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le démarchage d'un électeur en vue de solliciter une procuration est interdit. Toute infraction au présent article est punie d'une amende de 75 000 €.

M. Jean Louis Masson - J'ai déposé deux amendements à chaque fois pour tenter d'échapper à l'article 45, deux précautions valant mieux qu'une... Le deuxième est donc de repli.

En matière de procuration, la prudence s'impose. En Moselle, à Metz, et sans doute ailleurs, des personnes âgées, souffrant d'Alzheimer, font l'objet de démarchages en vue d'obtenir leur procuration. Ces dérives sont suffisamment importantes pour avoir entraîné l'annulation des élections municipales à Thionville. Ce sont des pratiques qui ont cours, notamment chez les candidats qui ont des réseaux dans les maisons de retraite. Le démarchage n'est pas explicitement interdit. Mieux vaut l'écrire clairement.

Mme le président.  - Amendement n°29, présenté par M. Masson.

Après l'article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

À compter de l'entrée en vigueur de la présente loi et jusqu'au 31 décembre 2022, le démarchage d'un électeur en vue de solliciter une procuration est interdit. Toute infraction au présent article est punie d'une amende de 75 000 €.

M. Jean Louis Masson.  - Défendu.

M. Philippe Bas, rapporteur.  - Avis défavorable. Le démarchage des procurations est déjà sévèrement puni, bien heureusement. Inutile de renforcer les sanctions.

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée.  - Le code électoral prévoit déjà des sanctions aux articles 106 et 116 du code électoral. Avis défavorable.

M. François Bonhomme.  - Le droit de procuration est strictement encadré : il faut justifier de problèmes de santé ou d'obligations professionnelles et déposer la procuration au tribunal ou à la gendarmerie. Il serait paradoxal de se priver de cette faculté, alors que la crise sanitaire affecte déjà la participation.

M. Jean Louis Masson.  - Je ne supprime pas le droit de procuration. Ce qui est insupportable, c'est le démarchage auprès de personnes les plus vulnérables. Des abus existent, ne vous en déplaise !

L'amendement n°28 n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°29.

Mme le président.  - Amendement n°30, présenté par M. Masson.

Après l'article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'utilisation de tout ou partie des listes d'émargement du premier tour afin de démarcher les électeurs est interdite. Toute infraction au présent article est punie d'une amende de 75 000 €.

M. Jean Louis Masson.  - Il s'agit ici encore d'éviter le démarchage d'électeurs. Dans certaines municipalités, on appelle les abstentionnistes du premier tour avant le second... C'est une forme de pression, voire de menace. Laissons les gens libres d'aller voter ou non, cela fait aussi partie de la démocratie.

Mme le président.  - Amendement n°31, présenté par M. Masson.

Après l'article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

À compter de l'entrée en vigueur de la présente loi et jusqu'au 31 décembre 2022, l'utilisation des listes d'émargement ou tout autre moyen pour recenser les électeurs abstentionnistes du premier tour afin de les démarcher est interdite. Toute infraction au présent article est punie d'une amende de 75 000 €.

M. Jean Louis Masson.  - Défendu.

M. Philippe Bas, rapporteur.  - La commission des lois estime, au contraire, que la consultation des listes d'émargement correspond à une tradition de notre démocratie qui permet d'amener au vote des citoyens qui n'auraient pas participé au premier tour. S'il y a des pressions, il faut évidemment les sanctionner : pour cela, le code pénal suffit. Avis défavorable.

Mme Laure Darcos.  - Bravo.

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée.  - Même avis.

M. Laurent Burgoa.  - Je suis surpris de cet amendement : le droit de consulter les listes est ouvert à tous les candidats. Il s'exerce en préfecture, non à la mairie. (M. le rapporteur applaudit.)

M. Olivier Paccaud.  - C'est une tradition, mais aussi un droit et une liberté. Je suis surpris que l'on veuille supprimer ce droit élémentaire. Si l'on poursuit la logique de M. Masson, parler, faire campagne, ce serait faire pression ? Curieuse vision de la démocratie !

M. Jean Louis Masson.  - Je ne souhaite pas interdire la consultation des listes électorales avant l'élection, mais n'admets pas que l'on reproche à quelqu'un de ne pas être allé voter ! Il y a des rapports de pouvoir et de pression qui se créent... par exemple entre le maire et un employé municipal. Et les sortants, déjà en place à la mairie, ont un avantage sur les autres candidats.

M. François Bonhomme.  - La liste d'émargement est consultable par tous, pas seulement les sortants. Vos présupposés sont étonnants, monsieur Masson. Vous semblez oublier l'existence de l'isoloir. Un maire qui tenterait de faire pression de la sorte sur des électeurs risquerait fort de voir le procédé se retourner contre lui !

L'amendement n°30 n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°31

ARTICLE PREMIER BIS

M. Jean Louis Masson .  - Vous ne serez pas surpris : je suis très réticent sur l'extension des possibilités de donner procuration. Il y a un risque réel de dérives ou d'anomalies. Soyons très prudents.

Mme le président.  - Amendement n°32 rectifié, présenté par M. Benarroche, Mme Benbassa, M. Dantec, Mme de Marco, MM. Fernique, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge et M. Salmon.

Alinéas 2 et 3

Supprimer ces alinéas.

M. Guy Benarroche.  - J'ai des réticences sur les procurations, pour trois raisons : le mandant reste toujours tributaire de son mandataire ; la course aux procurations auprès des personnes les plus vulnérables peut conduire à faire basculer un vote lorsque le corps électoral est limité ; les risques de fraude - dont nous avons l'expérience dans ma région - seraient majorés avec la double procuration.

La mission sénatoriale sur le vote à distance n'a pas fait de propositions à court terme. J'entends bien votre souhait de lutter contre l'abstention, mais votre remède me semble pire que le mal. Aussi, mon amendement supprime la double procuration.

Mme le président.  - Amendement identique n°43, présenté par le Gouvernement.

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée.  - Le relèvement à deux du nombre de procurations par mandataire, mesure d'urgence mise en place pour le second tour des élections municipales, alors que nous n'avions guère de moyens de freiner la propagation du virus, ne saurait être pérennisé. Les risques de fraude apparaissent trop élevés - c'est d'ailleurs la raison pour laquelle le législateur avait supprimé cette possibilité en 1988.

Même dans le contexte épidémique, le Gouvernement entend permettre au plus grand nombre d'exercer le droit de vote dans le respect des principes édictés par l'article 3 de la Constitution et éviter les risques de fraude. Il mettra tout en oeuvre pour sécuriser sanitairement le double scrutin et permettre aux électeurs de se déplacer. Les personnes vulnérables auront été protégées.

Le rapport entre les bénéfices et les risques de la double procuration a évolué depuis le second tour des élections municipales. C'est pourquoi le Gouvernement propose de supprimer cette mesure.

Mme le président.  - Amendement n°33 rectifié, présenté par M. Benarroche, Mme Benbassa, M. Dantec, Mme de Marco, MM. Fernique, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge et M. Salmon.

Alinéa 2

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Cette possibilité ne peut s'appliquer pour le renouvellement général des conseils départementaux.

M. Guy Benarroche.  - Il s'agit d'un amendement de repli. Les risques de fraude doivent être limités au maximum, car quelques voix bien réparties suffisent à faire basculer le résultat de l'élection au conseil départemental. C'est pourquoi je propose que la double procuration ne s'applique pas au renouvellement des conseils départementaux.

M. Philippe Bas, rapporteur.  - La commission s'étonne... Le 12 octobre 2020, un amendement n°43 au projet de loi prorogeant le régime transitoire institué à la sortie de l'état d'urgence sanitaire visait - je lis l'exposé des motifs - « la pérennisation d'une mesure essentielle en période de pandémie, déjà mise en oeuvre pendant l'état d'urgence sanitaire avant l'été, qui demeure nécessaire pour le double scrutin des élections départementales et régionales de mars 2021 ». L'exposé des motifs ajoutait : « cela contribuera à renforcer la participation citoyenne sans fragiliser la sécurité juridique des scrutins, tout en limitant l'exposition des personnes vulnérables ».

Qui avait déposé cet amendement ? (On fait mine de s'interroger sur les travées du groupe Les Républicains) Le Gouvernement ! (« Oh ! » sur les travées du groupe Les Républicains)

Jeudi 21 janvier 2021, la République en Marche a proposé le vote par internet pour l'élection présidentielle de 2027, en suggérant là encore de maintenir à deux le nombre de procurations qu'une personne peut détenir.

Nous sommes parfois un peu troublés par l'évolution des positions du Gouvernement...

Nous proposons ainsi d'appliquer cette double procuration, que vous souhaitiez en juin dernier et que le principal parti de la majorité soutient, pour les élections départementales et régionales à venir. Je n'y vois pas d'inconvénient, mais bien des avantages. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et RDSE)

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée.  - Avis défavorable à l'amendement n°33. Retrait de l'amendement n°32 au profit de celui du Gouvernement.

M. Éric Kerrouche.  - La procuration est la seule alternative au vote à l'urne, mais ce système pose des problèmes structurels : il contrevient au secret du vote, il est sensible à la pression familiale... Nous sommes d'ailleurs quasiment les seuls en Europe à y recourir.

Si cette solution peut certes être utile dans la période actuelle, elle ne saurait être la seule adaptation à envisager.

Nous nous abstiendrons sur tous les amendements relatifs aux procurations.

M. Laurent Burgoa.  - La crédibilité du Gouvernement a été mise en doute. Mais comment vous croire, madame la ministre ?

Il y a quelques mois, le Gouvernement proposait deux procurations ; en dépit de cela, la participation au second tour des municipales n'a pas dépassé 30 %. Elle risque d'être encore plus faible lors des régionales et départementales.

Il faut que le peuple s'exprime ; pour cela, il faut qu'il en ait les moyens. En juin, on sortira à peine de l'état d'urgence ! Madame, votre parole n'est plus crédible.

M. Roger Karoutchi.  - En 1988, madame la ministre, on votait encore beaucoup : 69 % de participation au second tour des législatives de 1988, contre 48 % en 2017. Supprimer la double procuration aujourd'hui, a fortiori en période de pandémie, n'a pas de sens, à moins - mais je n'ose l'imaginer - que le Gouvernement préfère, tant qu'à perdre les élections départementales et régionales, qu'il n'y ait pas trop de participation...

M. Laurent Duplomb.  - Ça fera moins mal !

M. Roger Karoutchi.  - Un tel calcul serait regrettable...

En octobre, le Gouvernement défendait un amendement en faveur de la double procuration. En démocratie, le débat entre le Parlement et le Gouvernement doit être transparent. Pour cela, la parole du Gouvernement doit être crédible, constante et régulière. S'il donne le sentiment de changer de pied pour des raisons politiciennes, il n'est plus crédible.

En juin, nous serons encore en période de pandémie : maintenons la double procuration.

M. Jean Louis Masson.  - Seuls les imbéciles ne changent pas d'avis. Il est tout à l'honneur du Gouvernement de s'être rendu compte que la double procuration pouvait être source de fraudes. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains) Les procurations peuvent faire basculer une majorité, qui se joue parfois à quelques dizaines de voix, mais elles ne font pas sensiblement évoluer le taux d'abstention. Sur ce point, le Gouvernement a raison.

M. Pascal Savoldelli.  - Ces trois amendements sont différents. Notre vote est aussi vis-à-vis des Françaises et des Français.

Passer d'une à deux procurations ne réglera pas la crise de la démocratie représentative et de la citoyenneté. Le débat est ailleurs : quelle République offre à chaque citoyen un espace d'émancipation ? Voilà la vraie question.

M. Masson nous fait des récits de fraudes façon bibliothèque verte... (Sourires) Mais la vérité, c'est que depuis un an, on culpabilise et on infantilise nos concitoyens. Votre revirement n'est pas seulement politicien : il traduit un problème de confiance. Malgré les risques qu'emportent les procurations, il faut faire confiance à la citoyenneté, faire confiance aux Français... Dans une société fragmentée, divisée, violente, c'est indispensable. Nous voterons contre ces amendements.

M. Philippe Bas, rapporteur.  - Très bien.

M. Guy Benarroche.  - Que le Gouvernement ait déposé le même amendement que le mien ne joue pas en ma faveur... (Sourires)

Il faut tenir compte de la particularité des élections départementales. La participation risque d'être faible et je crains que le doute ne plane sur les doubles procurations qui pourraient fausser le résultat dans certains départements - dont les Bouches-du-Rhône. D'autant que je rejoins M. Savoldelli : ce ne sont pas ces solutions à la petite semaine qui résoudront la crise de la citoyenneté.

M. Vincent Segouin.  - À la lecture de l'objet de votre amendement, je ne comprends guère vos arguments, madame la ministre. Nous sommes toujours en période d'état d'urgence sanitaire.

M. François Bonhomme.  - Absolument ! Sur le fond, rien n'a changé depuis l'automne... C'est votre position qui a évolué !

M. Christian Bilhac.  - Ce débat serait intéressant s'il portait sur le code électoral. Nous parlons des élections régionales et départementales de juin. Je connais un couple de nonagénaires qui ont toujours voté, mais qui, cette fois, ont peur ! Ils n'ont qu'un fils et n'ont confiance qu'en lui : pour leur permettre de s'exprimer lors des prochaines élections de juin, il faut conserver la double procuration. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Michel Savin.  - Très bien.

Les amendements identiques nos32 rectifié et 43 ne sont pas adoptés, non plus que l'amendement n°33 rectifié.

Mme le président. - Amendement n°6, présenté par Mme Cukierman et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Alinéas 4 et 5

Supprimer ces alinéas.

M. Pascal Savoldelli. - Si la droite a emporté plusieurs départements, ce n'est pas à cause des procurations, mais parce qu'elle a su convaincre...

M. Michel Savin. - Très bien !

M. Pascal Savoldelli. - Nous avons déjà débattu des procurations filiales. Nous préférons asseoir les procurations sur la citoyenneté. Le choix du mandant est une liberté.

Mme le président. - Amendement identique n°20, présenté par M. Masson.

M. Jean Louis Masson. - Je suis hostile à toute extension du système de procuration. On sait où cela commence, pas où cela s'arrête...

En outre, la notion de concubinage est fragile : rien n'empêche d'affirmer que l'on est en concubinage depuis trois jours... Cela créera des problèmes inextricables. Il y a déjà suffisamment d'irrégularités liées aux procurations, n'ouvrons pas davantage la porte.

Mme le président. - Amendement identique n°37, présenté par le Gouvernement.

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée. - Cette mesure figure dans la loi Engagement et proximité du 27 décembre 2019, avec une entrée en vigueur au 1er janvier 2022. Il faut en effet que cette réforme soit entourée de toutes les garanties nécessaires, notamment en matière de lutte contre la fraude.

M. Philippe Bas, rapporteur. - Nous n'avons jamais varié et avons adopté avec constance cette disposition chirurgicale, permettant à une personne âgée ou malade de donner procuration à un membre de sa famille.

La procuration est un acte singulier. À qui confier le secret de son vote ? On se tournera plus volontiers vers un membre proche de sa famille que vers un inconnu.

Je ne crois pas au risque de fraude si le dispositif est strictement encadré.

Je regrette la lenteur du travail de l'Insee sur le répertoire unique des électeurs, qui garantirait la qualité d'électeur du mandataire et le nombre de procurations reçues. Madame la ministre, il vous reste quelques mois pour proposer un fichier ad hoc.

À l'initiative d'Alain Richard, nous avons prévu que les procurations doivent être déposées assez tôt pour permettre toute vérification utile - notamment sur le lien de parenté ou le concubinage, facile à attester.

Avis défavorable à ces amendements.

M. Alain Richard. - Nous sympathisons avec la démarche du rapporteur, mais les difficultés matérielles existent, qui seront résolues avec l'application de la loi Engagement et proximité.

Il faudra notamment justifier le lien familial. Il existe, en l'état, une fragilité juridique.

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée. - L'Insee travaille avec les services du ministère de l'Intérieur au répertoire électoral unique ; il faudra aussi du temps aux éditeurs qui fournissent les logiciels aux communes pour intégrer cette nouvelle modalité. Ce sera fait pour 2022.

D'ici là, il n'est pas techniquement possible d'offrir cette possibilité aux électeurs.

Le Sénat, dans son rapport du 16 décembre 2020 sur le vote à distance, a reconnu la réalité de ces difficultés opérationnelles.

Les amendements identiques nos6, 20 et 37 ne sont pas adoptés.

Mme le président. - Amendement n°21, présenté par M. Masson.

Alinéa 6

Supprimer les mots :

ou retirer

M. Jean Louis Masson. - Il faut éviter de surcharger de travail les OPJ. Il y a aussi d'autres priorités.

M. Philippe Bas, rapporteur. - Avis défavorable. Les OPJ peuvent désigner des délégués.

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée. - Même avis.

L'amendement n°21 n'est pas adopté.

L'article premier bis est adopté.

ARTICLES ADDITIONNELS après l'article premier bis

Mme le président. - Amendement n°41 rectifié, présenté par M. Kerrouche et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Après l'article 1er bis

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. - Par dérogation aux articles L. 54 à L. 56 du code électoral, pour les élections mentionnées au I de l'article 1er de la présente loi, le scrutin dure trois jours dans les communes de 5 000 habitants et plus. Les opérations de vote ont lieu les vendredi, samedi et dimanche.

II. - À l'issue des opérations de vote des vendredi et samedi, les urnes et listes d'émargement sont mises sous scellés par le président du bureau de vote en présence des autres membres du bureau de vote et transférées, sous l'autorité d'agents ou d'officiers de police judiciaire compétents pour établir les procurations, dans le poste de police ou de gendarmerie le plus proche.

Pour les opérations de vote des samedi et dimanche, il est procédé aux transferts des urnes et listes d'émergement vers les bureaux de vote correspondants selon les mêmes modalités.

III. - Tout salarié ou agent public souhaitant remplir les fonctions de président, d'assesseur, de secrétaire d'un bureau de vote, ou de délégué de candidats, bénéficie, à sa convenance et sur justificatif, d'une autorisation d'absence dans la limite d'une journée. Il avertit son employeur vingt-quatre heures au moins avant le début de son absence.

IV. - Un décret en Conseil d'État détermine les modalités d'application du présent article.

V. - Les dépenses résultant du présent article sont à la charge de l'État.

M. Éric Kerrouche. - Cela fait un an que nous parlons de la nécessité d'adapter les élections. Une année de tergiversations, qui n'a abouti qu'aux doubles procurations... Certes, les modalités techniques du vote ne vont pas transformer fondamentalement la participation, mais les adaptations ne sont pas sans effet pour autant - on le voit dans les pays où elles sont mises en place.

Cet amendement n'est qu'un exemple de ce que l'on aurait pu envisager : un vote par anticipation sur trois jours pour répartir l'affluence dans les bureaux de vote. Cela existe dans d'autres pays. Sommes-nous les seuls à ne pas faire avancer notre droit électoral ?

M. Philippe Bas, rapporteur. - Avis défavorable. Nous avons préféré assouplir le régime, bien encadré, des procurations.

La mission conduite par François-Noël Buffet a montré que le vote par anticipation exigeait des conditions préalables qui ne sont pas réunies. Qui surveillerait l'urne, par exemple ?

Le problème ne se résume pas à l'organisation des opérations de vote ; il renvoie au sentiment d'appartenance à une nation et à une démocratie.

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée. - Même avis.

M. Guy Benarroche. - Je soutiens cet amendement. Il faut trouver rapidement des solutions innovantes et réalisables pour faciliter le vote.

L'amendement n°41 rectifié n'est pas adopté.

Mme le président.  - Amendement n°44 rectifié ter, présenté par M. Kerrouche, Mme de La Gontrie, MM. Durain, Kanner et Bourgi, Mme Harribey, MM. Leconte, Marie et Sueur, Mme Féret, MM. P. Joly et Cozic, Mmes Poumirol et G. Jourda, M. Bouad, Mmes Carlotti, Le Houerou et S. Robert, MM. Jacquin, Fichet et J. Bigot, Mme Préville, M. Devinaz et Mme Meunier.

Après l'article 1er bis

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I.  -  Pour les élections mentionnées au I de l'article 1er de la présente loi, par dérogation à l'article L. 54 du code électoral, tout électeur peut, sur sa demande, exercer son droit de vote par correspondance sous pli fermé, dans des conditions permettant d'assurer le secret du vote et la sincérité du scrutin.

II.  -  Dans chaque département, il est institué une commission de vote par correspondance, chargée du contrôle et de la traçabilité du processus de vote par correspondance.

La commission est obligatoirement présidée par un magistrat de l'ordre judiciaire. Elle peut s'adjoindre des délégués choisis parmi les électeurs du département.

Les candidats, leurs remplaçants ou leurs mandataires peuvent participer, avec voix consultative, aux travaux de la commission concernant leur circonscription.

La composition ainsi que les conditions de désignation et de fonctionnement des commissions instituées en application du présent article sont fixées par décret en Conseil d'État.

III.  -  Dès la publication du décret convoquant le collège électoral, tout électeur souhaitant voter par correspondance sous pli fermé peut demander à recevoir, sans frais, le matériel de vote lui permettant de voter par correspondance au premier tour, et, le cas échéant, au second tour.

Lorsque plusieurs élections ont lieu le même jour, la demande vaut pour toutes les élections ayant lieu le même jour.

La demande, formulée auprès de l'autorité compétente pour les procurations, s'établit au moyen d'un formulaire administratif prévu à cet effet qui doit obligatoirement :

1° Comporter les noms, prénoms, sexe, date et lieu de naissance, nationalité, adresse au titre de laquelle l'électeur est inscrit sur la liste électorale ;

2° Comporter une adresse postale de contact, adresse de messagerie électronique, numéro de téléphone permettant à l'électeur d'être informé de la prise en compte de son vote par correspondance ;

3° Être accompagné de la copie d'une pièce justifiant de l'identité de l'électeur et comprenant sa signature dont la liste est fixée par arrêtée ;

4° Être accompagné d'un justificatif de domicile de moins de trois mois ;

5° Être signé par le demandeur ;

6° Indiquer si la demande vaut pour le premier tour, et le cas échéant, le deuxième tour ou les deux tours de scrutin.

Le formulaire, complété en triple exemplaire, est retourné par voie postale ou déposé en personne, ou en un exemplaire déposé par voie électronique, ou rempli à partir d'un portail de dépôt des demandes dématérialisées accessible depuis internet.

La demande doit être envoyée au plus tard le deuxième vendredi qui précède le scrutin. L'autorité compétente pour les procurations en accuse réception par tout moyen auprès de l'électeur.

Les demandes et justifications prévues au présent III sont conservées par les autorités mentionnées au troisième alinéa du présent III jusqu'à l'expiration du délai de recours contentieux.

IV.  -  L'autorité à laquelle est présenté le formulaire de demande de vote par correspondance, après avoir porté mention de celle-ci sur un registre spécial ouvert par ses soins, indique sur le formulaire le numéro de la demande, le numéro d'identifiant national et le numéro d'ordre dans le bureau de vote de l'électeur. Elle ajoute ses noms et qualité et le revêt de son visa et de son cachet.

Elle vérifie la capacité de l'électeur et, en cas d'incapacité, en informe le demandeur et le maire de la commune concernée. 

Elle adresse en recommandé avec demande d'avis de réception, ou par porteur contre accusé de réception, un exemplaire papier ou électronique, du formulaire au maire de la commune sur la liste électorale de laquelle l'électeur est inscrit, et un second exemplaire à la commission de vote par correspondance prévue au II du présent article.

V.  -  Dès réception de la demande, la commission de vote par correspondance l'enregistre et vérifie à son tour que l'électeur est en capacité de voter et que sa demande comporte les indications et est accompagnée des pièces prévues au III.

Dans l'affirmative, la commission de vote par correspondance fait adresser sans délai, à l'électeur sous pli recommandé, par la commission de propagande prévue aux articles L. 166, L. 212, L. 224-23, L. 241, L. 354, L. 376, L. 413, L. 491, L. 518, L. 546 et L. 558-26 du code électoral et à l'article 17 de la loi n° 77-729 du 7 juillet 1977 relative à l'élection des représentants au Parlement européen, le matériel de vote, au plus tard le lundi qui précède le scrutin. Dans l'hypothèse où plusieurs élections ont lieu le même jour, chaque élection concernée fait l'objet d'un envoi distinct.

Dans la négative, la commission de vote par correspondance indique à l'électeur les raisons pour lesquelles sa demande ne peut être acceptée.

En l'absence de réception du matériel de vote dans le délai imparti ou en cas de réponse négative, l'électeur peut saisir le ministère de l'Intérieur, le cas échéant par voie électronique.

Chaque électeur n'est destinataire que d'un unique pli de matériel de vote.

VI.  -  Le matériel de vote par correspondance sous pli fermé comprend :

1° Une enveloppe d'identification d'une couleur déterminée par voie réglementaire, sur laquelle est imprimé un certificat de vote signé par le président de la commission de vote par correspondance ou par son délégué, revêtu du cachet officiel, et comportant un code barre, un numéro identique à celui de la demande de l'électeur, ses nom, prénoms, date et lieu de naissance, nom de la commune de la liste électorale sur laquelle il figure, le numéro d'identifiant national et le numéro d'ordre dans le bureau de vote de l'électeur, ainsi qu'une déclaration sous serment à signer ;

Lorsque plusieurs élections ont lieu le même jour, chaque élection se voit attribuer une nuance de cette couleur différente. 

2° Une enveloppe d'expédition préaffranchie, portant la mention « Élections  -  Vote par correspondance  -  le scrutin concerné », d'une couleur déterminée par voie réglementaire, sur laquelle est imprimée l'adresse du tribunal judicaire compétent, le nom et le code de la commune de la liste électorale sur laquelle l'électeur est inscrit. Lorsque plusieurs élections ont lieu le même jour, chaque élection se voit attribuer une nuance de cette couleur différente ;

3° Une enveloppe électorale d'une couleur déterminée par voie réglementaire et distincte de la couleur de l'enveloppe utilisée pour le vote à l'urne. Lorsque plusieurs élections ont lieu le même jour, chaque élection se voit attribuer une nuance de cette couleur différente ;

4° Les bulletins de vote et circulaires des candidats ;

5° Une notice d'utilisation.

VII.  -  Au fur et à mesure de la réception des demandes de vote par correspondance, le président de la commission de vote par correspondance, ou son délégué, inscrit sur un registre composé de pages numérotées, ouvert à cet effet, les noms et prénoms du demandeur, le numéro de la demande mentionné au IV, le numéro d'identifiant national et le numéro d'ordre dans le bureau de vote de l'électeur, ainsi que le nom et la qualité de l'autorité qui a réceptionné la demande et la date de son établissement. Le registre est tenu à la disposition de tout électeur, y compris le jour du scrutin.

Mention de la suite donnée à chaque demande par la commission de vote par correspondance est faite en face du nom de l'électeur.

VIII.  -  La liste des électeurs admis à voter par correspondance est envoyée par le président de la commission de vote par correspondance au maire, au plus tard avant l'expiration du délai fixé pour l'envoi des documents de propagande électorale.

IX.  -  L'enveloppe d'identification scellée, revêtue de la signature de l'électeur et de sa déclaration sous serment et renfermant l'enveloppe électorale contenant le bulletin de vote scellée, adressée au président de la commission de vote par correspondance prévue au II doit parvenir au tribunal judiciaire par voie postale ou par les autorités compétentes pour établir les procurations, ou être déposée en personne, au plus tard le vendredi précédant le jour du scrutin, à 17 heures.

Tout dépôt par une même personne de plusieurs enveloppes est interdit.

L'envoi du vote par correspondance sous pli fermé ne prive pas l'électeur de son droit de vote à l'urne. S'il vote à l'urne le jour du scrutin, son vote par correspondance est annulé.

X.- Chaque greffier en chef du tribunal judiciaire compétent tient un registre du vote par correspondance sous pli fermé, composé de pages numérotées. Il est fait mention au registre des enveloppes d'identification reçues au fur et à mesure de leur arrivée et du numéro du certificat mentionné au VI. Sur chaque enveloppe est aussitôt apposé un numéro d'ordre.

Tout électeur et tout candidat, ou son représentant, peuvent consulter le registre et y consigner leurs observations relatives aux opérations du vote par correspondance.

Chaque pli de vote par correspondance fait l'objet d'un accusé de réception auprès de l'électeur.

XI.  -  Les enveloppes d'identification sont conservées dans un lieu sécurisé, sous la responsabilité du greffier en chef du tribunal judiciaire compétent.

À l'échéance du délai prévu au IX, les enveloppes d'identification sont remises avec le registre prévu au X à la commission de vote par correspondance.

La commission vérifie la conformité du nombre de plis remis et le nombre figurant au registre prévu au X, puis l'identité de chaque électeur au moyen de son certificat et de la concordance de ses signatures.

La commission de vote par correspondance, transmet au maire la liste des électeurs ayant pris part au vote par correspondance. Le maire inscrit sur la liste électorale et la liste d'émargement la mention du vote par correspondance sous pli fermé en face du nom de chaque électeur.

La commission de vote par correspondance informe chaque électeur de la transmission ou non de son pli de vote par correspondance au bureau de vote auquel il est inscrit. Un site internet dédié permet à chaque électeur de vérifier la réception et la validité de son vote par correspondance.

À l'issue de ces opérations, les enveloppes d'identification, demeurées scellées, et le registre du vote par correspondance sous pli fermé sont restitués au greffier en chef pour être conservés dans les conditions prévues au premier alinéa du présent XI.

XII.  -  Ne donnent pas lieu à émargement les enveloppes d'identification :

1° Reçues en plus d'un exemplaire au nom d'un même électeur ;

2° Parvenues hors du délai prévu au IX ;

3° Pour lesquelles la commission de vote par correspondance n'a pas authentifié l'identité de l'électeur ;

4° Pour lesquelles le certificat est non valide ;

5° Pour lesquelles la déclaration de serment n'est pas signée ;

6° Qui ne sont pas scellées.

Ces enveloppes sont contresignées par les membres de la commission de vote par correspondance et sont annexées au procès-verbal selon les modalités prévues à l'article L. 66 du code électoral.

Les enveloppes parvenues après 17 heures le vendredi précédant le scrutin ne sont pas ouvertes et sont conservées par le greffier en chef qui en dresse procès-verbal. Les enveloppes sont détruites à l'expiration du délai de recours contentieux.

XIII.  -  Le jour du scrutin, les documents et le registre mentionnés aux premier et deuxième alinéas du XI sont acheminés jusqu'au bureau de vote par les autorités compétentes pour établir les procurations.

À la clôture du scrutin, son président et ses assesseurs indiquent le numéro du certificat sur la liste d'émargement, procèdent à l'ouverture des enveloppes d'identification et insèrent l'enveloppe électorale dans l'urne fermée, après s'être assurés que l'électeur concerné n'a pas déjà voté à l'urne.

Les émargements de vote par correspondance et de vote à l'urne sont comptabilisés distinctement. Leur nombre est consigné au procès-verbal avant toute ouverture de l'urne. Il est vérifié, avant l'ouverture de l'urne, qu'aucun bulletin n'est en circulation dans le bureau de vote. Ensuite, le dépouillement se déroule de la manière suivante : l'urne est ouverte et le nombre des enveloppes est vérifié. Si le nombre de bulletins de vote par correspondance est plus grand ou moindre que celui des émargements, il en est fait mention au procès-verbal.

Les enveloppes de vote par correspondance non réglementaires sont contresignés par les membres du bureau et annexées au procès-verbal selon les modalités prévues à l'article L. 66 du code électoral.

À l'issue du dépouillement, les enveloppes d'identification sont restituées au greffier en chef du tribunal judiciaire compétent et conservées dans les conditions prévues au premier alinéa du XI, jusqu'à l'expiration du délai de recours contentieux.

XIV.  -  Ne sont pas recevables :

1° Une enveloppe d'identification non-scellée ou qui contient plusieurs enveloppes électorales ;

2° Un bulletin qui n'a pas été inséré dans une enveloppe électorale officielle ;

3° Une enveloppe électorale non-scellée.

XV.  -  Tout électeur conserve la possibilité de voter personnellement à l'urne. Les dispositions du deuxième alinéa du XIII sont alors applicables. 

XVI.- En cas de décès ou de privation des droits civiques de l'électeur ayant exercé son droit de vote par correspondance, son vote est annulé de plein droit.

XVII.  -  Un membre de la commission de vote par correspondance assiste à sa demande aux travaux de la commission de recensement prévue aux articles L. 175, L. 224-28, L. 359, L. 396, L. 416, L. 558-30 et L. 558-47 du code électoral et à l'article 21 de la loi n° 77-729 du 7 juillet 1977 relative à l'élection des représentants au Parlement européen.

XVIII.  -  En cas de deuxième tour de scrutin, il y est procédé le deuxième dimanche suivant le premier tour.

XIX.  -  Les sanctions prévues à l'article L. 111 du code électoral s'appliquent aux I à XVII.

XX.  -  Les dépenses résultant de l'organisation des opérations de vote par correspondance sous pli fermé prévues à la présente section sont à la charge de l'État.

XXI.  -  Des décrets d'application pris en Conseil d'État déterminent les conditions d'application du présent article.

M. Éric Kerrouche.  - Je ne comprends pas cette tendance à hâter notre perte. À force de repousser le vote par correspondance, ce n'est plus le moment.

Pourquoi l'écarter alors que d'autres pays l'ont adopté ? S'il est trop tard pour le généraliser, pourquoi ne pas l'expérimenter dans quelques communes volontaires ?

Nous n'avons aucune certitude sur la pandémie, qui troublera non seulement ces élections, mais aussi un probable référendum et la présidentielle.

Mme le président.  - Amendement n°45, présenté par M. Kerrouche, Mme de La Gontrie, MM. Durain, Kanner et Bourgi, Mme Harribey et MM. Leconte, Marie et Sueur.

Après l'article 1er bis

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I.  -  Pour les élections mentionnées au I de l'article 1er de la présente loi, une expérimentation visant à offrir une modalité de vote complémentaire aux électeurs est mise en oeuvre dans les communes volontaires.

II.  -  Par dérogation à l'article L. 54 du code électoral, tout électeur peut, sur sa demande, exercer son droit de vote par correspondance sous pli fermé, dans des conditions permettant d'assurer le secret du vote et la sincérité du scrutin et définies par décret pris en Conseil d'État.

III.  -  Le maire adresse sa candidature au représentant de l'État dans le département, par une délibération motivée de son conseil municipal. Un arrêté du ministre de l'intérieur dresse la liste des communes volontaires retenues pour mener l'expérimentation, au plus tard le 1er avril 2021.

IV.  -  L'expérimentation est mise en place avec le concours financier de l'État.

V.  -  Le Gouvernement présente au Parlement avant le 1er septembre 2021 un rapport faisant le bilan de l'expérimentation et visant à analyser l'opportunité et les modalités du vote par correspondance.

M. Éric Kerrouche.  - Défendu.

M. Philippe Bas, rapporteur.  - Avis défavorable.

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée.  - Monsieur Kerrouche, ce n'est pas parce que cela se fait ailleurs que c'est mieux : pensez aux élections présidentielles américaines ! Par ailleurs, voter à la même date est un élément de sincérité du scrutin.

Avis défavorable.

M. Éric Kerrouche.  - Lisez l'amendement, madame la ministre. Aux États-Unis, ce n'est pas parce qu'il y a une politisation par le perdant qu'il ne faut pas voir la réalité : une hausse inédite de la participation !

Le vote à l'urne est fondamental, c'est vrai ; mais on peut le compléter. Ne nous mettons pas nous-mêmes dans une position punitive.

L'amendement n°44 rectifié ter n'est pas adopté non plus que l'amendement n°45.

ARTICLE 2

M. Jean Louis Masson .  - Cet article est la porte ouverte à une remise en cause de la date des élections. Se revoir au mois d'avril, c'est ne pas exclure un nouveau report. S'il y a un problème catastrophique, il sera toujours temps d'y revenir. Rejeter cet article, c'est établir la date de juin de façon ferme et intangible.

Mme le président.  - Amendement n°19, présenté par M. Masson.

Supprimer cet article.

M. Jean Louis Masson.  - Défendu.

M. Philippe Bas, rapporteur.  - Avis défavorable. La commission a considérablement modifié l'article 2, qui prévoyait une clause de revoyure avec avis du conseil scientifique sur l'opportunité de tenir les élections ; nous préférons que le conseil scientifique donne au Gouvernement et aux maires de bons conseils pour que ceux-ci garantissent encore mieux la sincérité du scrutin.

C'est pourquoi nous ne voulons pas être destinataires du rapport - même si nous voulons en avoir connaissance. Nous demandons un rapport du Gouvernement au Parlement, fondé sur l'avis du conseil scientifique - sur les mesures d'organisation des élections, et non pas sur l'opportunité de tenir ces élections.

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée.  - Le Gouvernement est très attaché à la transparence. Rien ne doit se faire sans le Parlement. Avis défavorable.

M. Pascal Savoldelli.  - Une suggestion, madame la ministre : précisez dès maintenant quelles dispositions vous prendrez pour faciliter ce double scrutin, afin que les représentants des élus locaux soient associés. Pourquoi attendre avril ?

C'est ainsi que l'on construit de la confiance !

M. Roger Karoutchi.  - Je suivrai le rapporteur. Face à la clause de revoyure proposée par le Gouvernement, j'étais moi aussi méfiant.

Madame la ministre, vous parlez de confiance ; il ne faudrait pas que la navette conduise à un retour de la rédaction initiale de cet article 2. Pas de clause de revoyure sur l'opportunité du vote !

L'amendement n°19 n'est pas adopté.

Mme le président.  - Amendement n°34 rectifié bis, présenté par Mme de Cidrac, MM. Cambon et Houpert, Mme Joseph, MM. Cadec et Panunzi, Mmes Raimond-Pavero et Dumont, M. Belin, Mme Drexler, M. Bazin, Mmes Gruny et Puissat, M. Klinger, Mme M. Mercier, MM. Burgoa, Laménie et Genet et Mme F. Gerbaud.

Alinéa 1

Remplacer la date :

1er avril 2021

par la date :

12 mars 2021

M. Bruno Belin.  - Merci à monsieur le rapporteur pour la clarté du débat.

Cet amendement prévoit une date butoir pour la fourniture d'informations. C'est une pirouette pour obtenir la garantie que les élections aient lieu le 13 et le 20 juin. Les élus vont devoir s'organiser en conséquence.

La moindre des corrections pour les 900 000 élus locaux, ce serait de leur fixer les dates dès maintenant. L'enjeu, c'est de convaincre nos concitoyens d'aller voter.

Mme le président.  - Amendement n°17, présenté par M. Masson.

Alinéa 1

Remplacer la date :

1er avril 2021

par la date :

15 mars 2021

M. Jean Louis Masson.  - Avec cet amendement, nous ne serons pas pris au dépourvu par le conseil scientifique.

Je propose à mes collègues auteurs de l'autre amendement de faire la moyenne entre leur date du 12 mars et mon 15 mars.

M. Philippe Bas, rapporteur.  - Nous n'allons pas nous quereller pour quinze jours. La date a été prévue suffisamment tôt pour laisser au Gouvernement le temps de prendre les mesures nécessaires. Avis défavorable.

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée.  - La situation sanitaire peut évoluer considérablement en quinze jours. Il fallait donc fixer une date suffisamment en amont pour pouvoir se préparer, mais aussi suffisamment proche du jour du vote.

L'amendement n°34 rectifié bis n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°17.

L'article 2 est adopté.

ARTICLES ADDITIONNELS après l'article 2

Mme le président.  - Amendement n°13, présenté par M. Masson.

Après l'article 2

Insérer un articlebadditionnel ainsi rédigé :

Le code électoral est ainsi modifié :

1° L'article L. 47 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« L'État assure le service public national de l'organisation matérielle des opérations effectuées par les commissions instituées par les articles L. 166, L. 212 et L. 241. » ;

2° Le deuxième alinéa de l'article L. 308 est ainsi rédigé :

« L'État assure le service public national de l'expédition de ces circulaires et bulletins ; il ne peut pas le sous-traiter. » ;

3° Le premier alinéa de l'article L. 355 est ainsi rédigé :

« L'État assure le service public national de l'organisation matérielle des opérations effectuées par les commissions instituées par l'article L. 354. »

M. Jean Louis Masson.  - La profession de foi est très importante, surtout dans les circonstances présentes. Il est fondamental qu'elle arrive dans de bonnes conditions. Or celles-ci se dégradent depuis que l'État, dans sa course au prix le plus bas, fait appel à des sous-traitants. Comme me l'a dit un fonctionnaire de ma préfecture, l'État en a pour son argent...

Le Parlement s'est toujours opposé à la régression sur ce sujet. Mais, pour la première fois, en 2017, l'envoi a été fait exclusivement par des routeurs privés.

De nombreux candidats ont témoigné de difficultés récurrentes : absence d'envoi, comme dans les Pyrénées-Orientales et l'Aude, envoi tardif, envoi dans la mauvaise circonscription, comme en Haute-Savoie ou dans la Seine-et-Marne.

Il faut confier cet envoi à l'État lui-même, dans de bonnes conditions.

Mme le président.  - Amendement n°14, présenté par M. Masson.

Après l'article 2

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I.  -  Le code électoral est ainsi modifié :

1° L'article L. 47 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« L'État assure le service public national de l'organisation matérielle des opérations effectuées par les commissions instituées par les articles L. 166, L. 212 et L. 241. » ;

2° Le deuxième alinéa de l'article L. 308 est ainsi rédigé :

« L'État assure le service public national de l'expédition de ces circulaires et bulletins ; il ne peut pas le sous-traiter. » ;

3° Le premier alinéa de l'article L. 355 est ainsi rédigé :

« L'État assure le service public national de l'organisation matérielle des opérations effectuées par les commissions instituées à l'article L. 354. »

II.  -  Le I s'applique jusqu'au 31 décembre 2021.

M. Jean Louis Masson.  - Défendu.

Mme le président.  - Amendement n°15, présenté par M. Masson.

Après l'article 2

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le code électoral est ainsi modifié :

1° Le premier alinéa de l'article L. 166, les articles L. 212 et L. 354, le premier alinéa de l'article L. 376, les articles L. 403, L. 413 et L. 424, le premier alinéa des articles L. 491, L. 518 et L. 546 et l'article L. 558-26 sont complétés par une phrase ainsi rédigée : « Ces opérations sont effectuées par des agents relevant des services de l'État, mis à sa disposition en tant que de besoin et, le cas échéant, par du personnel vacataire. » ;

2° L'article L. 241 est complété par une phrase ainsi rédigée : « Ces opérations sont effectuées par des agents relevant des services de l'État, mis à leur disposition en tant que de besoin, et, le cas échéant, par du personnel vacataire. » ;

3° Le deuxième alinéa de l'article L. 308 est ainsi rédigé :

« L'État assure lui-même l'envoi de ces circulaires et bulletins. »

M. Jean Louis Masson.  - Défendu.

Mme le président.  - Amendement n°16, présenté par M. Masson.

Après l'article 2

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I.  -  Le code électoral est ainsi modifié :

1° Le premier alinéa de l'article L. 166, les articles L. 212 et L. 354, le premier alinéa de l'article L. 376, les articles L. 403, L. 413 et L. 424, le premier alinéa des articles L. 491, L. 518 et L. 546 et l'article L. 558-26 sont complétés par une phrase ainsi rédigée : « Ces opérations sont effectuées par des agents relevant des services de l'État, mis à sa disposition en tant que de besoin, et, le cas échéant, par du personnel vacataire. » ;

2° L'article L. 241 est complété par une phrase ainsi rédigée : « Ces opérations sont effectuées par des agents relevant des services de l'État, mis à leur disposition en tant que de besoin, et, le cas échéant, par du personnel vacataire. » ;

3° Le deuxième alinéa de l'article L. 308 est ainsi rédigé :

« L'État assure lui-même l'envoi de ces circulaires et bulletins. »

II.  -  Le I s'applique jusqu'au 31 décembre 2021.

M. Jean Louis Masson.  - Défendu.

M. Philippe Bas, rapporteur.  - Quel dommage que votre grand-mère n'ait pas été sénatrice ! (Sourires)

Compte tenu de la situation des services territoriaux de l'État, je ne suis pas certain que les choses iraient mieux. Avis défavorable.

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée.  - Même avis.

Mme Cécile Cukierman.  - La sincérité et la constance sont des qualités. Mon groupe aurait pu voter vos amendements qui sont un hommage aux services publics, monsieur Masson. Votre voix, hélas, a manqué pour défendre les grandes entreprises publiques ou la fonction publique hospitalière...

La démocratie est mise en danger par la démagogie.

M. Jean Louis Masson.  - Chère collègue, j'interviens dans mon département sur la fonction publique hospitalière. Même vos amis de la CGT ont dit que j'étais le parlementaire qui les avait le mieux défendus !

Monsieur le rapporteur, dire qu'on ne peut pas faire mieux, ce n'est pas satisfaisant. Mettez-vous à la place d'un candidat qui a subi le préjudice de voir ses professions de foi envoyées dans un autre département : les carottes sont cuites !

L'amendement n°13 n'est pas adopté, non plus que les amendements nos14, 15 et 16.

ARTICLE 3

M. Jean Louis Masson .  - Cet article concerne la collectivité européenne d'Alsace. C'est bien la preuve que la création de la région démesurément étendue du Grand Est était absurde.

M. Bierry, président de la collectivité européenne d'Alsace, a appelé sur Public Sénat au démantèlement de la grande région pour que l'Alsace bénéficie de ses compétences.

J'aimerais que ce soit le cas sans qu'on ait besoin d'un article à part.

L'article 3 est adopté.

ARTICLES ADDITIONNELS après l'article 3

Mme le président.  - Amendement n°46 rectifié, présenté par M. Masson.

Après l'article 3

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

À titre dérogatoire, les élections régionales de 2021 dans les régions créées par la loi n°2015-29 du 16 janvier 2015 relative à la délimitation des régions, aux élections régionales et départementales et modifiant le calendrier électoral et dont la superficie est de plus de 30 000 km², sont organisées séparément dans le cadre de circonscriptions correspondant aux anciennes régions qui existaient jusqu'en 2015.

Le nombre total de conseillers régionaux de chaque région reste inchangé, chacune des circonscriptions élisant un nombre de conseillers régionaux proportionnel à sa population. Le nombre de candidats prévu par section départementale est modifié en conséquence.

Pour l'attribution des sièges entre les listes, la prime majoritaire prévue à l'article L. 338 du code électoral est appliquée séparément pour chacune de ces trois circonscriptions.

M. Jean Louis Masson.  - L'épidémie va perturber la campagne électorale, plus encore dans les grandes régions fusionnées. Certaines sont de véritables monstres administratifs.

Jean Castex a, dans son discours du 23 janvier 2021, reconnu qu'il n'avait jamais été convaincu par la création de ces grandes régions.

Elles reposent sur l'idée fausse selon laquelle plus on serait grand, plus on ferait d'économies d'échelle... En réalité, la taille optimale dépend de chaque territoire. À partir d'une certaine taille, les frais de déplacement augmentent du fait de l'éloignement des centres de décision, comme l'a montré la Cour des comptes en 2017. Dans la région Grand Est, les frais de déplacement ont ainsi augmenté de 51 %.

Le cas de notre région est symptomatique, avec 57 333 kilomètres carrés, soit le double de la Belgique, qui compte, elle, sept régions...

Mme le président.  - Amendement n°42 rectifié, présenté par M. Masson.

Après l'article 3

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

À titre dérogatoire, les élections régionales de 2021 dans la région Grand Est, sont organisées séparément dans le cadre de trois circonscriptions correspondant aux trois anciennes régions qui existaient jusqu'en 2015.

Le nombre total de conseillers régionaux de la région Grand Est reste inchangé, chacune des trois circonscriptions élisant un nombre de conseillers régionaux proportionnel à sa population. Le nombre de candidats prévu par section départementale est modifié en conséquence.

Pour l'attribution des sièges entre les listes, la prime majoritaire prévue à l'article L 338 du code électoral est appliquée séparément pour chacune de ces trois circonscriptions.

M. Jean Louis Masson.  - Défendu.

M. Philippe Bas, rapporteur.  - Avis défavorable.

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée.  - Même avis.

L'amendement n°46 rectifié n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°42 rectifié.

ARTICLE 4

M. Vincent Delahaye .  - Je tiens à attirer l'attention sur les conséquences du report de ces élections sur les comptes de campagne. Ceux-ci portent en principe sur les six mois précédant l'élection.

Je ne suis pas très favorable à l'extension du délai. Je crains des mises en cause d'élus à la tête de collectivités territoriales, lorsqu'ils ont décidé de soutenir les acteurs économiques, entreprises et particuliers, dans le cadre de la crise sanitaire. Madame la ministre, monsieur le rapporteur, comment pourrait-on rédiger l'article 4 pour éviter ce risque de contentieux ?

M. le président.  - Amendement n°40 rectifié, présenté par MM. Louault, Folliot et Kern, Mmes Sollogoub et Férat, MM. Delahaye et Canevet, Mme Perrot, M. Le Nay, Mmes Loisier et Létard et M. Moga.

Rédiger ainsi cet article :

Pour les élections mentionnées au I de l'article 1er de la présente loi :

1° La date à partir de laquelle s'appliquent les interdictions prévues à l'article L. 50-1, au troisième alinéa de l'article L. 51 et aux premier et second alinéas de l'article L. 52-1 du code électoral, est fixée au 1er janvier 2021 ;

2° La date à partir de laquelle le mandataire recueille les fonds destinés au financement de la campagne et règle les dépenses en vue de l'élection est fixée, par dérogation à l'article L. 52-4 du même code, au 1er janvier 2021.

M. Pierre Louault.  - Les interdictions de certaines dépenses portent désormais sur dix mois. Avec une date précise, nous limiterons le nombre de recours possibles. C'est une précision nécessaire.

M. Philippe Bas, rapporteur.  - C'est une matière très réglementée et la commission des comptes de campagne a développé une jurisprudence : nous souhaitons entendre l'avis du Gouvernement.

Les collectivités territoriales connaissent les règles, mais les élus s'inquiètent, par exemple quant aux bulletins municipaux. Il peut y avoir une certaine confusion dans l'esprit des collectivités territoriales, en raison des changements de date. Quid des documents émis lorsque l'annonce du report des élections avait été faite sans que celui-ci soit encore officiel ?

Certains candidats ont ouvert un compte de campagne et exposé des dépenses dès octobre : comment prendre en compte ces dépenses avec le report de ces élections ? C'est un sujet complexe.

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée.  - Le Gouvernement a proposé de proroger la période plutôt que de l'interrompre. L'égalité des candidats sera ainsi respectée. Avis défavorable.

M. Philippe Bas, rapporteur.  - Prenons un peu plus de temps pour examiner cette question, car nous risquons de ne pas pouvoir prendre en compte les dépenses du dernier trimestre 2020.

Avis défavorable à ce stade, dans l'attente de la CMP.

Mme Laure Darcos.  - J'avais déposé un amendement quasi identique, que j'ai retiré, après avoir obtenu des explications du rapporteur. Il ne faut pas mettre certains candidats dans une position difficile.

Certains maires, de toute bonne foi, ont fait voter des budgets pour aider les acteurs économiques frappés par la crise sanitaire. Lors des municipales de 2020, nous avions observé la situation inverse avec des conseillers départementaux ou régionaux qui avaient distribué des masques et qui ont subi des contentieux contre leur élection municipale. Il faudrait pouvoir protéger les élus contre ce type de recours.

Mme Cécile Cukierman.  - Bien que j'en partage la philosophie, cet amendement sera bloquant pour tous ceux qui ont déjà engagé des dépenses. Dans ma région, des candidats ont déjà procédé à des embauches ou engagé des frais. Cela pourrait les fragiliser.

Votre amendement n'apporte pas de solution à l'inquiétude exprimée par Laure Darcos ou Céline Brulin. En raison de la crise sanitaire, les élus ont adapté leur communication : il n'y a pas eu les mêmes voeux que l'an dernier ! Nous avons encore besoin de temps pour étudier ces mesures.

Je pense aussi aux collaborateurs qui ont démissionné pour se présenter aux élections.

M. Alain Richard.  - Il faut garantir le caractère loyal de la campagne. Le candidat qui est déjà titulaire d'un mandat et qui a manqué de réserve sait qu'il prend un risque... Il y a deux arguments pour s'opposer à cet amendement : les candidats prévoyants doivent être remboursés et ceux qui ont manqué à leur réserve doivent être soumis à l'appréciation de la commission des comptes de campagne.

M. Guy Benarroche.  - Des frais ont effectivement déjà été engagés sur certains territoires. Et ne soyons pas naïfs : on savait qu'il ne fallait pas engager de frais pouvant être considérés comme en lien avec une campagne. La limite est parfois ténue, mais la règle existe.

Certains élus candidats essayent de tirer profit de la crise de la covid...

M. Vincent Delahaye.  - L'amendement ne répond pas complètement à notre inquiétude sur les actions nouvelles engagées par les collectivités territoriales, en lien avec la crise sanitaire.

Monsieur le rapporteur, il ne s'agit pas seulement de communication. Je suis inquiet du silence de la ministre qui ne semble pas prête à prendre en compte nos inquiétudes.

M. Jean-Pierre Grand.  - La situation est exceptionnelle. Ne serait-il pas possible de sous-amender l'amendement de M. Louault pour préciser que les actions nouvelles liées à la crise sanitaire ne peuvent être prises en compte dans le cadre d'un contentieux électoral ?

M. Jean Louis Masson.  - Alain Richard a très bien posé le problème. Soyons réalistes et non pas hypocrites : l'épidémie est une occasion rêvée pour les présidents d'exécutifs locaux de se mettre en valeur. Ne supprimons pas les garde-fous, sinon ce n'est même plus la peine d'organiser les élections. Ce serait digne d'une République bananière ! (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains)

Mme Anne Chain-Larché.  - On a du mal à entendre ces propos. Dans la crise actuelle, un maire, un président de département ou de région est dans son rôle quand il accompagne ses habitants. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées du groupe UC)

Vous n'êtes pas dignes de vos électeurs ! (Applaudissements sur les mêmes travées)

J'écoute tout le monde, moi, monsieur Masson !

M. Roger Karoutchi.  - Peut-on vraiment dire qu'un président de département ou de région ou un maire qui prend des mesures - distribution de masques, ouverture d'un centre de vaccination... - au bénéfice d'habitants découragés et d'entreprises exténuées profite de la situation ? Et s'il ne l'avait pas fait, cela lui serait certainement reproché. C'est le Gouvernement qui demande aux élus d'être leur relais dans la lutte contre l'épidémie.

M. Pierre Louault.  - Je vais retirer mon amendement dont la rédaction n'est pas encore tout à fait satisfaisante.

Je vous fais confiance pour trouver une solution au cours de la navette.

M. Philippe Bas, rapporteur.  - Je vous en remercie. Certains élus s'inquiètent et estiment que l'on ne peut pas communiquer sur des actions nouvelles à l'approche de l'échéance électorale. Mais si ! C'est l'essence même de la démocratie. Imaginez-vous un président de la République ne rien faire pendant le dernier mois de son quinquennat ? En revanche, cette communication ne doit pas faire la promotion personnelle du candidat.

Rassurons les élus, de bonne foi, qui s'inquiètent. Nos collectivités doivent continuer à agir et à le faire savoir. Le droit n'est généralement pas contraire au bon sens. Madame la ministre, partagez-vous mon analyse ? (Sourires)

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée.  - Oui. Je le confirme pleinement. Les sortants peuvent présenter leur bilan de mandat et communiquer sur les actions, comme vous l'avez rappelé, notamment sur la lutte contre l'épidémie, à condition de ne pas en faire une tribune électorale et de rester neutre et informatif. Il n'y a pas de contentieux à ce sujet.

L'amendement n°40 rectifié est retiré.

M. Jean Louis Masson.  - Je réfute la lecture caricaturale qui a été faite de mon intervention. Je n'ai jamais dit qu'un maire ne devait pas prendre de mesures contre la crise. J'ai dit qu'il ne fallait pas assouplir les règles actuelles. Attention à l'instrumentalisation et aux abus. Je regrette les propos hypocrites de certains collègues.

L'article 4 est adopté.

ARTICLES ADDITIONNELS après l'article 4

Mme le président.  - Amendement n°47, présenté par M. Richard et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants.

Après l'article 4

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article L. 10 du code électoral est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Lors d'un changement de domicile ou de résidence dont il est avisé, le prestataire du service postal universel mentionné à l'article L. 2 du code des postes et télécommunications électroniques communique au bénéficiaire les indications nécessaires pour lui permettre de demander son inscription conformément aux dispositions du présent chapitre. La même obligation est applicable aux exploitants chargés de la mission de raccordement au réseau public d'électricité définie à l'article L. 121-4 du code de l'énergie. »

M. Alain Richard.  - Cet amendement trouve difficilement sa place dans le débat. Il permettrait pourtant de faciliter la participation électorale.

L'inscription sur les listes électorales, obligatoire, relève de l'électeur. Par manque d'information, certains d'entre eux, dans une proportion significative, n'y procèdent pas après leur déménagement et restent inscrits là où ils ne résident plus. Je suggère donc que La Poste et Enedis aient l'obligation de leur communiquer un rappel des modalités d'inscription sur les listes électorales - aujourd'hui très faciles car possibles par voie dématérialisée. Ce serait un progrès très utile.

M. Philippe Bas, rapporteur.  - Avis défavorable.

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée.  - Même avis.

M. Éric Kerrouche.  - Cette position est regrettable. L'amendement est intéressant. La non-inscription et la mal-inscription empêchent le vote. Tout ce qui favorise l'inscription est bon, surtout quand on voit combien le taux d'inscription des plus de 18 ans chute, après l'inscription automatique. Nous voterons cet amendement.

M. Guy Benarroche.  - La mission d'information sur le vote à distance a montré qu'il y avait sept millions de mal-inscrits ! C'est considérable. Pour accroître la participation, il faut s'en préoccuper. Cet amendement est un petit pas, nous le voterons. Pourquoi ces avis défavorables ?

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée.  - La notion d'obligation nous interpelle. Le changement de domicile n'implique pas obligatoirement de changement d'inscription. On peut être inscrit dans une commune à laquelle on est attaché, même sans y avoir sa résidence principale.

M. Alain Richard.  - Je vais le retirer. Je remercie la commission d'avoir permis ce débat, sur cet amendement à la limite de l'article 45. Il n'en demeure pas moins qu'une information est nécessaire, madame la ministre. À cet effet, les opérateurs de services publics pourraient jouer un rôle utile. Je ferai passer le message par un autre canal...

L'amendement n°47 est retiré.

Mme le président.  - Amendement n°2 rectifié, présenté par Mme Canayer.

Après l'article 4

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Pour les élections mentionnées au I de l'article 1er de la présente loi, une même machine à voter peut être utilisée pour les élections régionales et les élections départementales.

Dans ce cas, le bureau de vote est commun aux deux scrutins. Il s'assure publiquement, avant le commencement des scrutins, que la machine à voter fonctionne normalement et que tous les compteurs sont à la graduation zéro pour chacun des scrutins.

Mme Agnès Canayer.  - Mon amendement concerne les machines à voter. L'obligation de dédoubler les bureaux de vote conduirait à devoir doubler le nombre de machines, mais le moratoire ne le permet pas. Il faut donc, comme en 2008, permettre de procéder aux deux votes sur la même machine. Cela faciliterait grandement les opérations de vote et de dépouillement car sinon, il faudrait réaliser un vote avec la machine et un vote papier, ce qui serait ubuesque.

M. Philippe Bas, rapporteur.  - Avis favorable à cet amendement utile pour les communes concernées. Un décret est en préparation, mais autant sécuriser la situation.

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée.  - Vous êtes bien informé. En effet, un projet de décret est examiné par le Conseil d'État. La machine à voter peut être utilisée pour deux scrutins. Cet amendement est donc satisfait : avis défavorable.

L'amendement n°2 rectifié est adopté et devient un article additionnel.

Mme le président.  - Amendement n°3, présenté par Mme Canayer.

Après l'article 4

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article L. 62 du code électoral est complété par deux alinéas ainsi rédigés :

« Dans une situation de double scrutin, à son entrée dans la salle, l'électeur, après avoir fait constater son identité suivant les règles et usages établis ou après avoir fait la preuve de son droit de voter par la production d'une décision du juge du tribunal d'instance ordonnant son inscription ou d'un arrêt de la Cour de cassation annulant un jugement qui aurait prononcé sa radiation, prend, lui-même, deux enveloppes. Sans quitter la salle du scrutin, il se rend isolément dans la partie de la salle aménagée pour le soustraire aux regards pendant qu'il met ses bulletins dans les enveloppes distinctes ; il fait ensuite constater au président qu'il n'est porteur que de deux enveloppes ; le président le constate sans toucher les enveloppes, que l'électeur introduit lui-même dans les deux urnes disposées avant d'effectuer un double émargement pour les scrutins concernés.

« Toujours lors d'un double scrutin, dans les bureaux de vote dotés d'une machine à voter, l'électeur fait constater son identité ou fait la preuve de son droit de voter dans les conditions prévues à l'avant-dernier alinéa du présent article et fait enregistrer ses suffrages par la machine à voter qui a été préalablement configurée pour le double scrutin selon les modalités fixées par le ministère de l'intérieur. » 

Mme Agnès Canayer.  - Cet amendement a le même objet que le précédent.

L'amendement n°3 est retiré.

Mme le président.  - Amendement n°48, présenté par M. Richard et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants.

Après l'article 4

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article L. 353 du code électoral est ainsi modifié : 

1° Au début, sont ajoutés les mots : « Par dérogation aux dispositions de l'article L. 47 A, » ;

2° Le mot : « deuxième » est remplacé par le mot : « troisième ».

M. Alain Richard.  - Il y a deux ans, nous avons unifié la durée des campagnes officielles à douze jours avant la date des élections. La limite de dépôt de liste est toutefois assez anticipée pour les régionales, ce qui permet une campagne plus longue - laquelle serait au demeurant souhaitable pour une campagne audiovisuelle.

Je préconise une campagne de dix-neuf jours, au lieu de douze. Ce ne serait pas du luxe.

M. Philippe Bas, rapporteur.  - Avis défavorable. L'ouverture d'une campagne radio-télévisée répond déjà en partie à votre objectif. Il ne faut pas créer des contraintes supplémentaires pour les communes s'agissant de l'affichage : quinze jours semblent suffisants. En outre, l'affichage n'est pas le principal moyen de propagande.

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée.  - Nous partageons votre souhait de faciliter la communication auprès des électeurs. Avis favorable.

Il est toutefois dommage que votre amendement ne couvre pas le scrutin départemental.

L'amendement n°48 n'est pas adopté.

Mme le président.  - Amendement n°9, présenté par M. Masson.

Après l'article 4

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Tout organisme bancaire qui accorde un crédit à un candidat ou à une liste de candidats à une élection est tenu de consentir les mêmes conditions de crédit à tout autre candidat ou liste de candidats à la même élection. À défaut, le candidat ou la liste de candidats ayant obtenu le crédit est considéré comme ayant bénéficié d'un avantage constituant un don en nature de la part d'une personne morale. Le candidat ou la liste de candidats et l'organisme bancaire sont alors passibles des sanctions électorales et des sanctions pénales correspondantes.

M. Jean Louis Masson.  - Ces amendements auraient été inutiles si l'exécutif avait créé la banque de la démocratie comme il s'y était engagé pendant la campagne.

Les finances sont très importantes. Les candidats ont besoin d'argent en amont du remboursement pour mener campagne, pour avancer les sommes. La commission des comptes de campagne demande que les factures soient payées.

Or toutes les banques ne prêtent pas, même à des candidats dont elles sont sûres qu'ils seront remboursés, et cela pour des raisons purement politiques. Je ne parle pas d'un Marcel Barbu. Il faut que les candidats placés dans la même position dans les sondages aient les mêmes droits. Ces discriminations sont anormales !

Un prêt est un avantage en nature indu. Je l'ai observé lors des élections européennes pour d'autres listes que la mienne. Certains candidats, pourtant très bien placés, n'ont pu emprunter et faire campagne normalement. Si Dupond est crédité de 25 % d'intentions de vote dans les sondages, il dépassera le seuil de 5 %. Si la banque refuse de lui prêter alors qu'elle prête à Durand qui n'est crédité que de 15 % des intentions de vote, il y a discrimination. Ces amendements visent à ce que tous soient sur un pied d'égalité.

Mme le président.  - Amendement n°7, présenté par M. Masson.

Après l'article 4

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après l'article L. 52-8 du code électoral, il est inséré un article L. 52-... ainsi rédigé :

« Art. L. 52-....  -  Les établissements de crédit ou sociétés de financement mentionnés à l'article L. 52-8 sont tenus de consentir des conditions de crédit identiques à tout candidat, binôme de candidats ou liste de candidats à la même élection. À défaut, l'octroi d'un crédit dans des conditions plus favorables est considéré comme un don en nature de la part d'une personne morale. »

M. Jean Louis Masson.  - Défendu.

Mme le président.  - Amendement n°10, présenté par M. Masson.

Après l'article 4

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Compte tenu des aléas de l'épidémie de coronavirus, le présent article est applicable au financement des campagnes électorales organisées en 2021.

Tout organisme bancaire qui accorde un crédit à un candidat ou à une liste de candidats à une élection est tenu de consentir les mêmes conditions de crédit à tout autre candidat ou liste de candidats à la même élection. À défaut, le candidat ou la liste de candidats ayant obtenu le crédit est considéré comme ayant bénéficié d'un avantage constituant un don en nature de la part d'une personne morale. Le candidat ou la liste de candidats et l'organisme bancaire sont alors passibles des sanctions électorales et des sanctions pénales correspondantes.

M. Jean Louis Masson.  - Défendu.

Mme le président.  - Amendement n°8, présenté par M. Masson.

Après l'article 4

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Compte tenu des aléas de l'épidémie de coronavirus, le présent article est applicable au financement des campagnes électorales organisées en 2021.

Les établissements de crédit ou sociétés de financement mentionnés à l'article L. 52-8 du code électoral sont tenus de consentir des conditions de crédit identiques à tout candidat, binôme de candidats ou liste de candidats à la même élection. À défaut, l'octroi d'un crédit dans des conditions plus favorables est considéré comme un don en nature de la part d'une personne morale.

M. Jean Louis Masson.  - Défendu.

M. Philippe Bas, rapporteur.  - Je comprends que M. Masson soit déçu par la promesse non tenue du Président de la République et je sais que des candidats ont du mal à trouver des prêts, mais le sujet est complexe. Il est très difficile d'obliger une entreprise bancaire à prêter à un candidat dont elle n'est pas sûre qu'il la remboursera.

Il faut remettre l'ouvrage sur le métier. La contrainte que vous proposez me semble excessive. Avis défavorable.

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée.  - Avis défavorable.

M. Alain Richard.  - Ce n'était pas un engagement d'Emmanuel Macron, candidat, mais une proposition de François Bayrou lorsqu'il était garde des Sceaux, après l'élection. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Jean Louis Masson.  - Certes, on ne peut obliger les banques à prêter -  tel n'est pas l'objet de mon amendement  - mais on peut leur interdire de refuser de prêter à Dupond, crédité de 25 % d'intentions de vote, quand elles prêtent à Durand, crédité de 15 %. Ce prêt devient un avantage. On applique cette règle dans tous les autres domaines. Un imprimeur ne peut pas facturer demi-tarif à un candidat et pas à un autre.

M. Éric Kerrouche.  - La question est importante. Certains, par manque d'argent, peuvent être empêchés de se présenter.

L'obligation d'un mandataire financier de manière automatique dans les communes de plus de 9 000 habitants peut empêcher de construire des listes.

Nous ne partageons cependant pas les solutions inscrites dans les amendements.

L'amendement n°9 n'est pas adopté non plus que les amendements nos7, 10 et 8.

L'article 5 est adopté, de même que l'article 6.

ARTICLES ADDITIONNELS après l'article 6

Mme le président.  - Amendement n°35 rectifié bis, présenté par Mme M. Carrère, MM. Artano, Bilhac, Cabanel et Corbisez, Mme N. Delattre, MM. Fialaire, Roux, Requier, Guérini, Gold et Guiol et Mmes Pantel et Guillotin.

Après l'article 6

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I.  -  Pour les élections départementales mentionnées au I de l'article 1er de la présente loi, des programmes du service public de la communication audiovisuelle sont consacrés à expliquer le rôle et le fonctionnement des conseils départementaux.

II.  -  Au premier tour, les programmes doivent être diffusés à partir du troisième lundi qui précède le scrutin, jusqu'à la veille du scrutin à zéro heure.

III.  -  Au second tour, les programmes doivent être diffusés à partir du lundi suivant le premier tour, jusqu'à la veille du scrutin à zéro heure.

IV.  -  Le Conseil supérieur de l'audiovisuel fixe les conditions de production, de programmation et de diffusion des programmes, après consultation des présidents des sociétés nationales de programme.

Mme Maryse Carrère.  - La crise actuelle complique l'organisation de la campagne électorale.

L'article 6 prévoit une campagne télévisée pour les élections régionales mais ne propose nulle solution pour les élections départementales. Des spots pourraient être diffusés sur le rôle et le fonctionnement des conseils départementaux.

M. Philippe Bas, rapporteur.  - Cet amendement répond à un manque. Avis favorable.

Ce sera l'occasion de mieux faire connaître le rôle des conseils départementaux à nos concitoyens.

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée.  - Nous sommes sensibles à vos arguments. C'est pour cela que nous avons retiré notre amendement de suppression de l'article 6 sur la campagne télévisée pour les élections régionales.

Il est important de respecter la volonté parlementaire. Cependant, les programmes télévisés ne peuvent être fixés par la loi. Je rappelle que France Télévisions est une chaîne de service public qui a des objectifs en matière d'éducation à la citoyenneté. Avis défavorable.

M. Éric Kerrouche.  - Cela fait partie de leur mission de service public. Chaque matin, on entend des annonces en faveur de l'application TousAntiCovid. Pourquoi ne pas parler des conseils départementaux ?

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée.  - Je ne suis pas contre ; je dis seulement que cela ne relève pas de la loi. Il s'agit de la liberté des programmes de France Télévisions.

L'amendement n°35 rectifié bis est adopté et devient un article additionnel.

Mme le président.  - Amendement n°36 rectifié, présenté par Mme M. Carrère, MM. Artano, Bilhac, Cabanel et Corbisez, Mme N. Delattre, MM. Fialaire, Gold et Guérini, Mme Guillotin, M. Guiol, Mme Pantel et MM. Requier et Roux.

Après l'article 6

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après la deuxième phrase du premier alinéa de l'article 48 de la loi n°86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, est insérée une phrase ainsi rédigée : « Il prévoit également des dispositions pour la promotion de l'information relative au fonctionnement et au rôle des collectivités territoriales et de leurs conseils. »

M. Jean-Claude Requier.  - Les scrutins locaux souffrent, ces dernières années, de taux d'abstention très élevés, résultant notamment d'un désintérêt des administrés pour les questions d'administration locale. Hélas, la crise actuelle risque de pérenniser cette tendance.

Cet amendement d'appel renforce donc les obligations du service public de la communication audiovisuelle, afin qu'il participe à la sensibilisation des citoyens sur le rôle et le fonctionnement des collectivités territoriales et de leurs conseils.

M. Philippe Bas, rapporteur.  - Retrait. Modifier les cahiers des charges nécessiterait une concertation préalable. Attention aux listes à la Prévert.

L'amendement n°36 rectifié est retiré.

ARTICLE 7

M. Jean-Pierre Sueur .  - Merci à la commission des lois et à son rapporteur Philippe Bas d'avoir bien voulu accepter cet article qui favorise une plus juste application des règles relatives aux sondages électoraux. La loi a prévu que la marge d'erreur serait publiée ; mais une rédaction imprécise a entraîné beaucoup de cas dans lesquels certains instituts se sont exonérés de cette obligation. Cet article y remédie.

L'article 7 est adopté.

ARTICLE 8

Mme le président.  - Amendement n°22, présenté par M. Masson.

Supprimer cet article.

M. Jean Louis Masson.  - Il n'y a pas de raison de décaler les votes budgétaires des collectivités. Lorsque des élections ont eu lieu en septembre, les dates de reddition des comptes n'ont jamais été décalées. Les services peuvent faire le travail.

Mme le président.  - Amendement identique n°39, présenté par le Gouvernement.

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée.  - L'article 8 reporte au 31 juillet la date limite d'adoption des budgets primitifs par les conseils départementaux, régionaux et les assemblées de Corse, de Guyane et de Martinique.

Les assemblées doivent adopter un budget primitif pour 2021. La portée d'un budget en juillet serait réduite. Laisser pendant sept mois une collectivité sans budget créerait des blocages.

Évitons aussi de cumuler la préparation du compte administratif 2020, dont la date limite d'adoption mérite d'être repoussée au 31 juillet, et la préparation d'un budget primitif de 2021, exercice plus exigeant que la préparation du budget supplémentaire grâce auquel le nouvel exécutif soumet ses premières orientations budgétaires.

M. Philippe Bas, rapporteur.  - La commission des lois a émis un avis défavorable.

Les amendements identiques nos22 et 39 ne sont pas adoptés.

L'article 8 est adopté.

ARTICLE 9

Mme le président.  - Amendement n°23, présenté par M. Masson.

Supprimer cet article.

M. Jean Louis Masson.  - Il est un peu ridicule de décaler les décisions budgétaires au mois de juillet. Ce n'est plus un budget annuel, mais semi-annuel. Les exécutifs des collectivités doivent assumer leurs responsabilités.

M. Philippe Bas, rapporteur.  - Avis défavorable.

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée.  - Avis défavorable.

L'amendement n°23 n'est pas adopté.

L'article 9 est adopté.

Le projet de loi est adopté.

La séance est suspendue pour quelques instants.

Code de la justice pénale des mineurs (Procédure accélérée)

Mme le président.  - L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, ratifiant l'ordonnance n°2019-950 du 11 septembre 2019 portant partie législative du code de la justice pénale des mineurs.

Discussion générale

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice .  - Je suis heureux, après nos échanges très riches en commission, de présenter ce texte à votre Haute Assemblée.

La loi pénale, tout particulièrement quand elle concerne les mineurs, suscite toujours des débats, parfois excessifs, toujours légitimes s'ils construisent un consensus visant à améliorer le sort de nos enfants et à protéger la société dans son ensemble.

Cette réforme attendue a fait l'objet d'une large concertation avec tous les acteurs de la justice des mineurs. Elle a été enrichie à l'Assemblée nationale et par votre commission des lois, dont je salue le travail constructif - Mme Canayer a très justement pointé des enjeux importants.

Cette réforme n'est en rien une construction hâtive mais le fruit de plus de dix ans de concertation, sous quatre gardes des Sceaux et presque autant de majorités. Le Sénat y a largement contribué, notamment grâce au rapport du sénateur Amiel sur les mineurs enfermés, rendu en 2018.

J'ai la certitude que cette réforme améliorera la prise en charge des mineurs délinquants tout en respectant les grands principes de l'ordonnance de 1945 : la primauté de l'éducatif ; l'atténuation de la peine ; la spécialisation des acteurs.

Ce texte consacre une justice des mineurs plus efficace et plus prévisible pour tous. La phase judiciaire éducative interviendra plus vite, dans un cadre procédural clarifié et simplifié. La suppression de la phase de mise en examen devant le juge des enfants assure enfin une réponse éducative rapide au plus près du passage à l'acte, gage essentiel de la réactivité et de l'efficacité de la justice des mineurs.

Une justice trop longue perd toutes ses vertus pédagogiques.

Le mineur est convoqué à une première audience de culpabilité dans un délai de dix jours à trois mois, contre dix-huit mois en moyenne aujourd'hui.

La seconde audience, six à neuf mois plus tard, clôt la période de mise à l'épreuve éducative. Celle-ci peut se poursuivre jusqu'aux 21 ans du jeune et peut s'articuler autour de modules d'insertion, de réparation, de placement, de santé.

Les professionnels de la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ) disposeront d'un cadre d'intervention clarifié.

L'effectivité de la réponse éducative réduit le recours à la détention provisoire qui concerne 80 % des cas - excusez du peu !

Les jugements en audience rapide seront donc exceptionnels, décidés par le juge en fonction de la gravité des faits et de la personnalité du mineur.

Les garde-fous sont nombreux et le juge peut toujours revenir au principe de la césure. Avec pour conséquence une meilleure prise en charge des victimes, qui seront mieux informées et associées.

La suppression par la commission de l'intervention du juge des libertés et de la détention (JLD) ne peut qu'affaiblir l'exigence d'impartialité qui doit s'appliquer aux mineurs comme aux majeurs. L'intervention de plusieurs juges pour enfants dans les petites juridictions poserait problème : il n'y en a parfois qu'un seul. Le Gouvernement vous proposera d'y revenir.

La commission des lois est revenue sur les compétences du tribunal de police pour les contraventions des quatre premières classes. Or les acteurs confirment que l'intervention du juge des enfants doit concerner exclusivement le suivi de long terme.

Je salue votre proposition de renforcer la force normative de la définition du « discernement ». Je souscris à l'objectif poursuivi. Je suggère d'intégrer les notions de « compréhension » et de « volonté », plus objectivables que la « maturité ».

L'entrée en vigueur de la réforme est liée aux moyens, mais aussi aux modifications apportées par le Parlement.

Le Gouvernement s'est employé à donner à toutes les parties prenantes des moyens convenables : 252 emplois nouveaux d'ici 2022, 86 éducateurs pour la justice de proximité et près de 72 magistrats recrutés en 2020 dont 24 juges pour enfants.

L'inspection générale de la justice a également été missionnée pour favoriser l'adaptation des pratiques professionnelles et apporter un appui déterminant aux juridictions les plus en difficulté.

Je tiens à saluer la mobilisation exceptionnelle des acteurs de terrain pour une appropriation de la réforme dans les meilleurs délais.

La pandémie n'a pas empêché une réduction des « stocks », si l'on me pardonne ce terme malheureux, grâce à des audiences supplémentaires et à la réorientation des dossiers les plus anciens.

La grande majorité des juridictions est prête à intégrer la nouvelle procédure : seule une dizaine d'entre elles est en difficulté, et bénéfice d'un appui renforcé.

À contexte sanitaire inchangé, seule l'intervention du JLD dans la procédure conduit à des adaptations informatiques et opérationnelles qui nécessiteront un temps supplémentaire de préparation. J'espère que nous trouverons un accord sur ce point. Dans un esprit de dialogue et de cohérence, le Gouvernement prend acte de la date de report d'entrée en vigueur adoptée par votre commission.

Cette réforme est une formidable occasion de montrer notre capacité à mieux protéger la société tout en prenant en compte la situation des mineurs. La justice n'est jamais aussi grande que quand elle se préoccupe du sort des plus petits. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

Mme Agnès Canayer, rapporteur de la commission des lois .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Cette réforme était attendue. L'ordonnance du 2 février 1945, 39 fois modifiée, a perdu de sa cohérence et de son efficacité. Elle ne permet plus de répondre aux enjeux de l'intérêt de l'enfant et à l'efficacité de la lutte contre la délinquance des mineurs : dix-huit mois, en moyenne, pour juger, avec une sanction qui arrive souvent après la majorité ; 80 % des mineurs emprisonnés le sont en détention provisoire. Les chiffres parlent d'eux-mêmes...

L'ordonnance du 11 septembre 2019 portant partie législative du code de la justice pénale des mineurs, dont nous examinons le projet de loi de ratification, répond à cet objectif de modernisation qui malheureusement a pris une route sinueuse.

Les innovations apportées par le nouveau code sont avant tout procédurales. Nous regrettons le manque d'ambition de la réforme, l'occasion manquée de créer un véritable code des mineurs pour l'enfance délinquante et l'enfance en danger.

L'enfant délinquant est trop souvent victime de carences éducatives, de parents absents, du manque de repères éducatifs. Valérie Boyer a proposé des amendements pour mieux responsabiliser les parents ; je m'en félicite.

Les grands principes fondamentaux de la justice pénale des mineurs définis par l'ordonnance de 1945 sont préservés : atténuation de la responsabilité en fonction de l'âge, primauté de l'éducatif sur le répressif, spécialisation des juridictions.

La spécialisation des magistrats qui interviennent auprès des mineurs est la base d'une justice familiarisée aux questions éducatives, indissociables de la répression des mineurs. C'est pourquoi la commission a souhaité appliquer ce principe dans son intégralité. Elle a supprimé le recours au tribunal de police pour les contraventions des quatre premières classes. Le juge des enfants doit avoir une vision globale de toutes les infractions commises par le mineur pour agir le plus tôt possible.

L'introduction par les députés du JLD pour statuer sur la détention provisoire des mineurs incarcérés nous paraît une atteinte inutile au principe de spécialisation des juridictions. Certes, ce dispositif vise à mieux répondre à l'injonction du Conseil constitutionnel relative à l'impartialité du juge. Cependant, la conciliation des principes d'impartialité et de spécialisation sera plus équilibrée si le contentieux de liberté et de la détention est confié à un autre juge des enfants que celui qui statuera sur la culpabilité. C'est le sens de l'amendement adopté en commission. La spécialisation des JLD ne sera que de façade car ils sont moins nombreux que les juges des enfants : dans les petites juridictions, l'habilitation de tous les JLD effacera le principe de spécialisation. En outre, les JLD seront accaparés par le contentieux de la dignité en prison au détriment du contentieux des mineurs délinquants

Concernant les principes cardinaux, l'ordonnance de 2019 fixe l'âge pivot de la présomption de discernement à 13 ans, ce qui répond à l'article 40 de la Convention internationale des droits de l'enfant, ratifiée par la France.

L'introduction de la présomption simple est plus protectrice du mineur et de sa victime. La question du discernement est centrale et ne dépend pas seulement de la date d'anniversaire. Nous l'avons vu dans la triste affaire de la petite Evaëlle. L'introduction de la présomption simple est protectrice et donne de la souplesse en fonction de la maturité réelle du mineur. La jurisprudence de la Cour de cassation est constante s'agissant des troubles psychologiques et neuropsychologiques.

La césure de la procédure devient la règle, l'audience unique, l'exception. Le mineur sera jugé selon la procédure de mise à l'épreuve éducative qui se déroulera en trois phases : une audience de culpabilité, une période de mise à l'épreuve éducative et une audience de sanction. Cette procédure est encadrée dans des délais courts : c'est une bonne chose, mais son efficacité dépendra des moyens dont disposeront les services, notamment la PJJ. La continuité et la cohérence éducative sont au coeur de la réforme.

Cette modernisation du code est une bonne réforme, voulue et attendue. C'est pourquoi nous ne comprenons pas la méthode employée, peu respectueuse du travail parlementaire et à marche forcée. Pourquoi une ordonnance ? Le parallélisme des formes avec 1945 ne vaut pas. Le Sénat a été saisi en trois jours d'une loi de rectification de 250 articles : pourquoi tant de précipitation ? La partie réglementaire est rédigée avant même l'examen de la partie législative. Nous n'étions plus à quelques mois près...

Notre commission a voulu décaler l'entrée en vigueur de cette réforme non pour l'enterrer mais parce que les juridictions ne sont pas prêtes : la crise sanitaire et la grève des avocats n'ont pas permis d'écouler les stocks. Les magistrats attendent les réformes, mais les greffiers et les éducateurs de la PJJ ne sont pas prêts. En outre, le logiciel Cassiopée n'est pas en service ; le logiciel Parcours de la PJJ ne le sera qu'en décembre 2021. Il est pourtant essentiel au suivi éducatif.

« Beaucoup vont trop vite et nulle part ; la direction est plus importante que la vitesse » : ce proverbe doit nous guider. En sagesse, nous proposons la ratification de cette ordonnance, dont nous proposons de décaler l'entrée en vigueur au 30 septembre 2021. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC)

Question préalable

Mme le président. - Motion n°1 rectifiée, présentée par Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

En application de l'article 44, alinéa 3, du Règlement, le Sénat décide qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, ratifiant l'ordonnance n°2019-950 du 11 septembre 2019 portant partie législative du code de la justice pénale des mineurs (n°292, 2020-2021).

Mme Éliane Assassi .  - Ce projet de loi nous interroge. Son examen a été perturbé, non pas par la crise sanitaire, mais par le choix du Gouvernement de procéder par ordonnance, ce qui traduit son peu de respect du Parlement.

Monsieur le ministre, vous avez fait valoir que cette réforme est le fruit de dix années de travail et de quatre gardes des Sceaux. Alors, pourquoi aller si vite pour examiner ses 277 articles, sans même disposer d'une étude d'impact ?

Le Gouvernement met le Parlement dans une nasse pour faire adopter au plus vite le maximum de mesures. Ce que ce texte prône sur le fond - traiter un maximum d'affaires au plus vite et avec le moins de moyens possibles - se retrouve dans votre manière de faire.

L'ordonnance de 1945 s'explique par le contexte de reconstruction après la Seconde Guerre mondiale. Dans le contexte actuel de pandémie, il aurait fallu considérer la jeunesse comme un atout pour surmonter la crise. Mais il y a eu une ellipse temporelle : l'héritage de 1945 a été troqué pour celui des années 2000.

Dans sa décision du 29 août 2002 sur la loi Perben I, le Conseil constitutionnel a érigé la spécificité de la justice des mineurs au rang de principe fondamental : l'éducatif doit primer sur le répressif.

La professeur Nadia Beddiar montre comment le législateur a cédé au réflexe sécuritaire pour lutter contre une délinquance juvénile qui aurait augmenté. On observe une forte responsabilisation des mineurs et l'instauration d'un schéma répressif. La loi Perben I a créé les centres éducatifs fermés (CEF), la loi Sarkozy en 2003 de nouvelles incriminations, stigmatisant la jeunesse des quartiers.

Le Gouvernement crée aujourd'hui vingt nouveaux CEF. Avec la procédure de césure, il brouille les repères temporels.

On assiste à une lente et sûre démolition des grands principes de 1945 qui, s'ils n'étaient pas magiques, témoignaient de la prise de conscience collective de l'importance d'éduquer des jeunes en devenir. La question de la justice des mineurs ne doit pas se résumer au droit : elle est aussi philosophique, historique, sociologique.

Certes, les professionnels de la justice constatent une aggravation des actes commis par les mineurs primo-délinquants. Cette évolution n'est pas sans raison, comme le démontrait Martin Levrel, commissaire divisionnaire à Roubaix lors d'un colloque à l'Assemblée nationale. Avec internet, nous sommes passés de la dégradation de véhicules pour voler un autoradio à l'organisation de bandes comme au Mexique...

Cette réforme s'ancre dans une dérive répressive qui prétend soigner des maux profonds en ne s'attaquant qu'aux symptômes.

En arguant d'une délinquance juvénile qui aurait muté pour devenir plus violente, on supplante l'éducatif par le répressif. C'est un cercle vicieux. Après les enfants apaches sous la Monarchie de juillet, le nettoyage au karcher des quartiers populaires des années 2000, on vise désormais les mineurs non accompagnés (MNA) que certains souhaiteraient voir expulsés à la moindre infraction, mesure « malheureusement inconstitutionnelle » comme l'a dit en commission notre rapporteur. Mais ce sont des enfants comme les autres ! Nous leur devons l'application de notre justice, que cela plaise ou non.

C'est toute une vision de la société qui se dégage de ce texte. L'approche répressive a de tristes jours devant elle...

« La France n'est pas assez riche d'enfants pour qu'elle ait le droit de négliger tout ce qui peut en faire des êtres sains. » Ces premiers mots de l'ordonnance de 1945, élaborée par le Conseil national de la Résistance, continueront à nous guider. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE)

M. Thani Mohamed Soilihi. - La présente motion ne me semble acceptable ni sur le fond ni sur la forme. Pourquoi écarter d'un revers de la main un débat que nous avons sollicité à plusieurs reprises auprès de divers ministres de la justice ? Il doit se tenir, conformément aux engagements pris. Nous voterons donc contre cette motion (Applaudissements sur les travées du RDPI)

Mme Agnès Canayer, rapporteur. - Ne nous privons pas de ce débat. Ce texte fondamental répond à des objectifs précis et propose de réformer et de moderniser la justice des mineurs.

Avis défavorable à cette question préalable.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. - Sans surprise, le Gouvernement est également défavorable.

Je tiens à corriger quelques inexactitudes : le budget de formation de la PJJ n'a pas diminué (Mme Éliane Assassi s'exclame.) ; les MNA sont des mineurs comme les autres et la réforme leur sera applicable. (Mme Éliane Assassi interrompt à nouveau le ministre.) Laissez-moi vous répondre, madame la sénatrice.

Il est faux de dire qu'il n'y aurait pas eu de discussions ni de consultations. L'histoire de ce texte a démarré en 2008 avec la commission Varinard, suivie en 2009 par un avant-projet de loi soumis à de nombreuses concertations, puis en 2010 par un projet de réforme porté par l'association française des magistrats de la jeunesse, etc. Il ne faut pas non plus oublier le travail de l'Assemblée nationale et de la commission des lois du Sénat.

Ce texte n'a pas vocation à détruire l'ordonnance de 1945.

Mme Éliane Assassi. - Mais si, mais si !

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. - C'est une imposture de le prétendre ! Le but de ce texte est tout le contraire, il donne la primauté à l'éducatif.

Je vais vous donner deux raisons d'aimer ce texte, qui n'est pas le mien. Aucun délai dans la procédure actuelle ne vient enserrer la mise en examen : cela génère des stocks !

Un gamin qui a commis une infraction à 16 ans sera jugé à 22 ans : cela a-t-il un sens pour lui ? Entretemps, il a changé de vie... La justice ne tourne pas à vide pour elle-même : elle doit avoir un sens éducatif.

Avant d'être sénateur, député, magistrat ou garde des Sceaux, nous sommes parents : lorsqu'on doit punir, c'est tout de suite, pas un an après ! En moyenne, les procédures connaissent leur épilogue après dix-huit mois. Cela n'a aucun sens !

Il y a logiquement une forme de consensus sur ce texte, même si je crains de ne pas avoir convaincu. Comme je n'ai pas le goût de l'effort inutile, je vais m'asseoir. (Rires sur diverses travées et applaudissements sur les travées du RDPI)

La motion n'est pas adoptée.

La séance est suspendue à 20 h 5.

présidence de Mme Laurence Rossignol, vice-présidente

La séance reprend à 21 h 35.

Discussion générale (Suite)

Mme Cécile Cukierman .  - Je ne reviendrai pas sur le contexte, ni sur le mépris du Gouvernement envers le Parlement - mépris qui s'étend à l'ensemble des professionnels de la justice, qui ne se sentent pas prêts matériellement à travailler sous l'empire de ce nouveau code, après seulement un semblant de concertation.

Le groupe CRCE proposera au demeurant un recul d'un an de l'entrée en vigueur de la réforme, dont les délais sont intenables.

« Le répressif avec les gamins, cela ne marche pas », avez-vous dit, monsieur le garde des Sceaux. Mais cela ne marche pour personne ! Il faut d'abord un temps éducatif qui ne soit pas raccourci à l'excès, faute de moyens, car le temps est une composante essentielle de la personnalité des mineurs. L'éducatif ne peut être rapide.

L'audience unique, « tout en un », est prévue pour les mineurs récidivistes, alors que ce sont eux qui ont le plus besoin de l'éducatif dans la durée. On parie sur leur échec futur au vu de leur échec passé !

Sous une couche de vernis, vous rapprochez la justice des enfants de celle des adultes. Aucune avancée sur la présomption d'irresponsabilité pénale, puisqu'une présomption simple est prévue pour les moins de 13 ans ; c'est contraire à la Convention des droits de l'enfant. Des peines pourront être prononcées en cabinet à juge unique ; les garanties des droits de la défense sont insuffisantes ; les délais de la procédure de césure sont intenables.

L'amendement de la rapporteure supprimant la compétence du tribunal de police va dans le bon sens, de même que le report de l'entrée en vigueur, mais la commission n'a pas modifié l'orientation générale du texte : aller plus vite, à moindre coût, au détriment d'une jeunesse qui a d'autres difficultés que judiciaires. Ce n'est pas notre vision de la société.

La sentence finale a peu de sens pour des êtres en construction ; ce qui compte, c'est le chemin parcouru avec eux par les magistrats, les avocats, les éducateurs.

Le Sénat s'honorerait à modifier ce texte en profondeur. Notre groupe défendra ses amendements, mais ne saurait soutenir une telle réforme. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE ; Mme Esther Benbassa applaudit également.)

Mme Dominique Vérien .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Robert Badinter disait : « Un mineur, c'est un être en devenir. L'objectif premier de la justice des mineurs, c'est de les intégrer ou de les réinsérer dans la société. » Oui, il fallait revoir et codifier l'ordonnance de 1945, modifiée une quarantaine de fois, difficile à appréhender et parfois incohérente avec le code pénal. Sur le plan formel, ce projet de loi est donc bienvenu.

Les trois grands principes de l'ordonnance de 1945 sont préservés : primauté de l'éducatif sur le répressif, spécialisation des juridictions pour les mineurs, atténuation de leur responsabilité pénale.

L'équilibre est délicat entre protection de la société et prise en compte de l'intérêt de l'enfant, citoyen en devenir. Gardons-nous des jugements hâtifs sur l'enfant ; il n'a pas la même compréhension, la même temporalité qu'un adulte. Six mois, un an, deux ans pour un adulte, c'est trois ans, cinq ans, dix ans pour un enfant.

Réduire les délais et créer une césure, c'est apporter une amélioration pour l'enfant jugé mais aussi pour la victime.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. - Bien sûr.

Mme Dominique Vérien. - Fin 2020, 80 % des mineurs détenus l'étaient en détention provisoire, contre un tiers des adultes. La prison n'est pas le meilleur lieu pour la réinsertion... Les six à neuf mois de suivi éducatif qui suivent la première audience doivent permettre au mineur d'intégrer sa culpabilité et de comprendre la portée de ses actes, pour éviter la réitération ; puis la seconde audience statue sur la sanction.

Accélérer les procédures est une bonne chose, mais les délais seront-ils tenus ? Depuis la loi du 27 mars 2012, la PJJ est tenue de prendre en charge les mineurs cinq jours après la décision judiciaire. Mais souvent, c'est seulement pour fixer un rendez-vous un mois après, faute de moyens...

Mme Carrère vous a interrogé sur le renforcement des moyens de la PJJ ; vous avez répondu qu'il n'y avait pas plus de mineurs - mais la PJJ aura toujours les mêmes difficultés à les prendre en charge dans un temps court !

Ne pensons pas que l'intendance suivra et donnons à la justice les moyens humains et matériels - informatiques aussi - de réussir cette réforme.

La commission a fourni quelques pistes pour mieux définir le discernement et éviter les disparités entre juridictions.

En matière de juge des libertés et de la détention, Paris n'est pas la France ; il y a plus de juges des enfants que de JLD ! (M. le garde des Sceaux le conteste.) Spécialiser un JLD sur la justice des mineurs risque de revenir à estampiller chaque JLD de cette spécialisation ; les juges des enfants, eux, préféraient qu'un autre juge des enfants statue de la liberté ou de la détention du mineur.

Monsieur le ministre, j'entends que vous voulez donner du temps à l'application de la réforme... à condition qu'on vous rende le JLD ! (M. le garde des Sceaux sourit.) Faites confiance aux juges, en leur donnant le temps de se préparer à cette réforme.

Le groupe de l'Union centriste votera ce texte en étant vigilant sur son application. (Applaudissements sur les travées du groupe UC)

Mme Laurence Harribey .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Monsieur le ministre, vous avez dit en audition : « Je ne connais pas de réforme qui ne suscite pas de larges oppositions. » On peut vous opposer le proverbe chinois : « Qui réforme, déforme. »

Que retenir de ce travail ? Un consensus sur la nécessité de la réforme, mais des blocages importants.

Le groupe SER souscrit au principe de restaurer de la cohérence d'un corpus législatif souvent modifié, et à la réaffirmation des trois grands principes de l'ordonnance de 1945, qui sont bien dans ce texte. Il souscrit aussi à la présomption d'irresponsabilité avant 13 ans, à l'accélération du jugement via une procédure en deux temps, et à la volonté de remettre la victime au centre.

Mais à y bien regarder, l'impératif de la prise en compte de la personnalité et du contexte de vie du mineur s'effacent devant la notion de trouble à l'ordre public, à sanctionner pénalement.

De « Pourquoi punir ? », on passe à « Comment punir ? ». De 2001 à 2008, huit textes, dont sept lois, ont été mis en oeuvre avec trois tendances : renforcement du volet répression, alignement sur la justice des adultes, renforcement des pouvoirs des parquets et de la police en lien avec les autorités politiques locales. Les chiffres sont éloquents : 93 % des affaires impliquant des mineurs connaissent une réponse pénale, contre 88 % pour les majeurs ; 82 % des mineurs incarcérés le sont en détention provisoire.

Nous avons d'abord une divergence sur la méthode des ordonnances ; ce code méritait mieux. Ensuite, le texte privilégie la répression au détriment du temps éducatif. Les délais inscrits dans le texte ne sont qu'indicatifs. L'article 12-13 de l'ordonnance de 1945 impose un délai de cinq jours ; s'il n'est pas tenu, c'est faute de moyens.

La place trop large laissée aux procédures d'exception conduira fatalement à un durcissement des mesures prononcées.

Autre insuffisance, les moyens qui déterminent la crédibilité de la réforme.

Troisième divergence, la faisabilité de la réforme en contexte de crise sanitaire, mise en doute par la quasi-totalité des acteurs. Dire que tout sera prêt à temps relève de la méthode Coué !

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. - Pas du tout !

Mme Laurence Harribey. - Le groupe SER aura donc trois points de vigilance : l'entrée en vigueur ; le caractère irréfragable de l'irresponsabilité pénale avant 13 ans, seule mesure en conformité avec les accords internationaux ; enfin, l'audience unique pour les réitérants, qui se confond avec la comparution immédiate et porte atteinte tant à la spécialisation des juridictions qu'à la primauté de l'éducatif.

Cette réforme est donc essentiellement procédurale et concentrée sur le volet pénal, alors qu'on aurait pu explorer la déjudiciarisation pour ce qui est des incivilités, et l'association des autorités locales à la réinsertion. Un mineur en conflit avec la loi doit être considéré avant tout comme un enfant à protéger.

Le groupe SER espère que ses amendements feront évoluer le texte dans le bon sens. (Applaudissements sur les travées du groupe SER)

M. Pierre Médevielle .  - (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP) L'ordonnance de 1945 a fait l'objet de près de quarante modifications. L'idée de discernement y est centrale, autant que l'impératif de remettre les mineurs dans le droit chemin.

Un principe a toujours guidé notre réponse pénale : favoriser les mesures éducatives, avec un objectif d'insertion ou de réinsertion. Nous nous retrouvons tous autour de cette philosophie.

Cette réforme est nécessaire, mais la mener par ordonnance, en procédure accélérée, contraint le débat parlementaire. La réforme doit cependant se faire, pour respecter nos engagements nationaux et rendre une justice plus efficace et plus juste.

Les mineurs ne sont pas des justiciables comme les autres ; ce qui justifie la spécialisation des juridictions, que la commission des lois a accrue.

Nous nous réjouissons que la phase de mise en examen soit supprimée, que la procédure satisfasse pleinement au principe d'impartialité, que les mineurs entendus en audition libre soient accompagnés d'un avocat, que le recours à la visioconférence pour les audiences concernant leur détention provisoire soit proscrit.

Les mineurs ont besoin d'une justice rapide. La réduction des délais est une bonne chose. Nous saluons aussi la simplification de la procédure et la décomposition en quatre modules des mesures éducatives, pour mieux s'adapter à la personnalité du mineur.

La commission des lois a reporté la date d'entrée en vigueur de cette réforme au 30 septembre 2021. Notre groupe soutiendra le projet de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP)

Mme Esther Benbassa .  - « La France n'est pas assez riche de ses enfants pour en négliger un seul.» Gardons cette phrase du préambule de l'ordonnance de 1945 à l'esprit.

Comment douter de la philosophie initiale ? Une justice spécifique qui vise, au-delà de la sanction, à protéger les mineurs d'eux-mêmes et des pièges et embûches des sociétés modernes. Il s'agit d'une justice bâtisseuse et non punitive, pour des personnes en pleine construction.

Ce projet de réforme a été engagé par le Gouvernement en mars 2019 avec l'objectif affiché d'une justice des mineurs « plus lisible et efficace ». Il n'est pas atteint. Les syndicats de magistrats et les chefs de juridictions ont considéré que le délai d'entrée en vigueur était trop court mais vous avez accepté un report : dont acte.

Le rapprochement de la justice des mineurs de celle des majeurs est problématique. Nous demandons la suppression de l'article L. 121-7 qui prévoit une exception à l'excuse de minorité et de l'article L. 413-1 qui prévoit la possibilité d'une retenue par les officiers de police judiciaire d'un mineur de 10 à 13 ans pour une durée allant jusqu'à douze heures.

Le juge des enfants pourra déclarer un mineur de 13 ans responsable s'il a fait preuve de discernement : c'est inacceptable, juridiquement et moralement. La présomption d'irresponsabilité doit être irréfragable en deçà du seuil de 14 ans, retenu dans plusieurs pays. Notons que la France n'a jamais mis en oeuvre le seuil d'irresponsabilité pénale prévu par la Convention internationale des droits de l'enfant.

Enfin, nous refusons le bracelet électronique pour les mineurs. Plutôt que d'être coercitive, la justice a surtout besoin de moyens. (M. François Bonhomme s'exclame.)

Nous tenterons d'amender ce texte mais si nous n'y parvenons pas, nous voterons contre. (Applaudissements sur les travées du GEST)

M. Thani Mohamed Soilihi .  - « La question de l'enfance coupable est l'une des plus urgentes de l'époque », indiquait l'exposé des motifs de l'ordonnance de 1945. Cette phrase conserve son actualité : en la lisant, il m'arrive l'image de ces attaques de jeunes armés dans mon département de Mayotte, et du meurtre, ce week-end, de trois personnes dont deux jeunes de 14 et 16 ans.

La formule de « l'enfance traduite en justice », utilisée en 1945, condense les principaux axes de la réforme actuelle, fruit de dix années de travaux.

Près de quarante réformes successives ont rendu l'ordonnance de 1945 peu lisible. Pour conformer la France à ses engagements internationaux, le code introduit une présomption simple de non-discernement en dessous de 13 ans, ce qui permettra un débat sur le discernement du mineur ; il accélère la réponse pénale en supprimant la phase d'instruction préalable.

La nouvelle procédure de mise à l'épreuve éducative renforcera le sens de la réponse pénale pour tous les acteurs, tant le mineur que pour la victime qui bénéficiera d'une réparation plus rapide.

L'encadrement du recours à la détention provisoire du mineur et la mesure éducative judiciaire unique marquent bien la nécessité de la réponse pénale et du relèvement éducatif du mineur, qui sont un défi pour notre société.

Je salue le travail de la rapporteure. Vous avez maintenu la majorité des apports de l'Assemblée nationale tels que la référence à l'intérêt de l'enfant dès l'article préliminaire, le renforcement des garanties dans le cadre de l'audition libre, l'interdiction de la visioconférence pour le placement en détention provisoire ou encore la simplification du cumul des mesures éducatives et des peines. Certaines de ces modifications étaient portées par le garde des Sceaux.

Vous avez aussi enrichi le texte, par exemple en proposant une définition de la notion de discernement.

Les débats vont se poursuivre ce soir sur des points plus discutés comme la compétence du tribunal de police pour les contraventions des quatre premières classes ou la compétence du JLD pour le placement en détention provisoire avant l'audience de culpabilité.

Le groupe RDPI espère un accord entre les deux chambres et votera ce texte. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

Mme Maryse Carrère .  - Le groupe RDSE soutient notre collègue Annick Billon qui a fait l'objet d'un traitement injustifié et injustifiable dans les médias sur les réseaux sociaux. (Applaudissements sur la plupart des travées) Son texte, que nous avons tous voté, est une avancée juridique incontestable et les polémiques ne nous empêcheront pas de poursuivre avec elle notre travail de protection des enfants.

La tragédie de la petite Evaëlle, qui s'est suicidée à l'âge de 10 ans, ou le lynchage du jeune Yuriy résonnent en nous et montrent que l'enfance n'est pas toujours synonyme d'insouciance. Les victimes ont droit à une réparation. Mais il faut aussi éviter la récidive.

L'ordonnance du 2 février 1945 a posé des principes cardinaux incontestables. Mais la société a évolué : l'ordonnance doit aussi évoluer. L'instauration d'une césure, visant à raccourcir les délais entre le prononcé d'une peine et son application, est bienvenue. Beaucoup de jeunes sont sanctionnés après leur majorité...

Le sujet de la double audience devra s'accompagner de moyens. Je suis plus réservée sur l'audience unique qui pourrait concerner jusqu'à 20 % des dossiers et mettrait à mal le principe de spécialisation des juridictions.

La définition d'un âge du discernement est un exercice d'équilibriste. Le fixer à 13 ans nous permettra de remplir nos obligations à l'égard de la Convention internationale des droits de l'enfant.

Les centres éducatifs fermés (CEF) sont une solution mais ne peuvent être l'alpha et l'oméga de notre politique éducative.

On peut écrire de bonnes lois mais si la pratique est défaillante, l'effort sera vain. Le RDSE est favorable à un report de l'entrée en vigueur comme le propose notre rapporteur. Il faudra davantage de magistrats et de greffiers... Le budget de la justice augmente certes de 8 % mais les budgets de formation sont en baisse, ce qui suscite des interrogations.

Le groupe RDSE, dans sa majorité, votera le texte (Applaudissements sur les travées du RDSE)

M. Philippe Bas .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Je lisais le texte original de présentation de l'ordonnance de 1945, signé du général de Gaulle : « La France n'est pas assez riche d'enfants pour qu'on en perde un seul. » Il est bon de garder cette inspiration dans une période si difficile. (Mme Éliane Assassi approuve.)

La délinquance des mineurs reste inquiétante. En 2018, 9 200 condamnations de mineurs pour des agressions étaient prononcées ; 110 pour homicides ou blessures involontaires ; 6 400 pour coups ou violences volontaires ; 23 000 condamnations pour atteintes aux biens, et 5 600 pour trafic de stupéfiants.

La part des mineurs dans la délinquance est passée de 22 % à 18 % des mis en cause mais elle demeure à un niveau beaucoup trop élevé.

Les principes de l'ordonnance de 1945 demeurent pertinents mais la pratique de la justice des mineurs n'est pas à la hauteur des ambitions de 1945.

De nouveaux outils sont apparus, comme les CEF créés par Dominique Perben, sous Jacques Chirac, qui sont un réel succès : seuls 10 % des mineurs qui y sont affectés seront finalement incarcérés.

L'insuffisance des places d'accueil est cependant réelle. La loi de programmation de 2018 prévoit la création de vingt centres mais seulement quatre ouvriront avant la fin du quinquennat.

Les travaux d'intérêt général (TIG) ont été interdits en 1983, réformés en 1994, mais n'apportent pas les résultats escomptés. Il y a treize mois d'attente entre le prononcé et l'exécution du travail... C'est beaucoup trop long !

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. - Certes !

M. Philippe Bas. - Tous gouvernements confondus, nous ne nous sommes pas donné les moyens de nos ambitions.

Les projets sont tardifs : il faut dix-neuf mois pour qu'une condamnation soit prononcée, le mineur est souvent devenu majeur... Certains sont sortis de la délinquance, d'autres sont devenus récidivistes ou sont en détention provisoire - leur nombre a augmenté de 40 % entre 2015 et 2019.

Révisée 39 fois, l'ordonnance de 1945 est devenue inaccessible aux magistrats, aux avocats - sauf aux meilleurs d'entre eux, évidemment, monsieur le ministre (Sourires) - aux délinquants et à leurs victimes. Une réforme était devenue indispensable.

Au-delà de la nécessaire codification, qui relève bien d'une ordonnance, il fallait réformer les règles de la justice des mineurs, dans le respect des principes de 1945, avec quelques améliorations. Ce sont des choix politiques essentiels, dont la Représentation nationale doit délibérer : c'est pourquoi nous refusons le principe de l'habilitation à légiférer par ordonnance pour la réforme.

Nous sommes d'accord avec la césure, avec la mise à l'épreuve éducative, avec la simplification des sanctions, avec le renforcement du rôle du juge pour enfant, avec la limitation de la détention provisoire.

Notre commission a cependant voulu trois types d'amélioration : la précision de la notion de discernement, la spécialisation des acteurs en renforçant le rôle du juge des enfants, qui devra statuer sur la détention provisoire, et enfin, monsieur le garde des Sceaux, le report de la mise en oeuvre de la réforme. Vous aurez trop de mal à respecter les délais que vous vous êtes assignés.

Il y a un effort de recrutement de magistrats, de greffiers, mais cela ne produira pas ses effets en quelques semaines.

Le groupe Les Républicains soutient le travail de la commission pour améliorer ce texte dont les principes nous paraissent conformes à ce que nous attendons de la justice des mineurs. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC)

La discussion générale est close.

Discussion des articles

ARTICLE PREMIER

Mme Esther Benbassa .  - L'article L. 311-2 du nouveau code de la justice des mineurs prévoit que le mineur sera accompagné par un adulte dans les audiences ; si ce n'est pas un représentant légal, il revient au procureur de la République de désigner un adulte approprié. Or il y a beaucoup de difficultés sur ce dernier point : personne ne veut tenir ce rôle, ni les administrateurs ad hoc, ni les éducateurs de la PJJ, ni les avocats.

Les mineurs isolés sont victimes de réseaux et de trafic d'êtres humains ; il faut mieux les accompagner. C'est le sens de la demande du rapporteur de l'Assemblée nationale, Jean Terlier.

Mme la présidente.  - Amendement n°3, présenté par Mme Cukierman et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Supprimer cet article.

Mme Cécile Cukierman.  - Le groupe CRCE est défavorable au principe des habilitations, à plus forte raison sur un texte comme celui-ci. L'Assemblée nationale a dû extraire des parties de l'ordonnance pour pouvoir les amender.

En décembre, des magistrats rappelaient dans une tribune du Monde que l'enjeu était moins de changer la loi que de l'appliquer.

Ce texte est en débat depuis plusieurs années, mais pour autant la concertation n'a pas eu lieu.

Mme Agnès Canayer, rapporteur.  - La commission regrette elle aussi qu'il n'y ait pas de véritable code de l'enfance, et que l'on nous soumette seulement une loi de ratification.

Mais le texte est là, et c'est un bon texte, qui apporte une réponse plus rapide à la question des mineurs délinquants ; et il deviendra un excellent texte avec les apports de la commission.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Je me suis longuement expliqué sur ce point ; sans surprise, avis défavorable.

Mme Laurence Harribey.  - Le groupe SER veut un débat, même s'il estime que le texte n'est ni bon ni très bon ; aussi ne voterons-nous pas cet amendement.

L'amendement n°3 n'est pas adopté.

L'article premier est adopté.

ARTICLE ADDITIONNEL après l'article premier

Mme la présidente.  - Amendement n°4 rectifié, présenté par Mme Cukierman et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Après l'article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article préliminaire du code de la justice pénale des mineurs, dans sa rédaction résultant de l'ordonnance n°2019-950 du 11 septembre 2019 précitée, est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Un enfant ou un adolescent s'entend de tout être humain, âgé de moins de dix-huit ans. »

Mme Cécile Cukierman.  - Le groupe CRCE préfère le terme d'enfant à celui de mineur. Nous le définissons, car le choix des mots est important. Un mineur n'est pas un mini-majeur, mais un enfant avec des droits particuliers et qui mérite une protection. Tout enfant en conflit avec la loi est un enfant en danger.

Mme Agnès Canayer, rapporteur.  - La justice pénale des mineurs doit être une justice humaine ; mais la notion de mineur est clairement définie à l'article 388 du code civil. Retrait ou avis défavorable.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux.  - Il y a une définition juridique du mineur, pas de l'enfant ou de l'adolescent. Avis défavorable.

L'amendement n°4 rectifié n'est pas adopté.

ARTICLE PREMIER BIS A

Mme la présidente. - Amendement n°5, présenté par Mme Cukierman et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Remplacer la date :

30 septembre 2021

par la date :

31 mars 2022

Mme Cécile Cukierman. - Monsieur le garde des Sceaux, les parlementaires ne sont pas seuls à vous le dire : le système judiciaire n'est pas en mesure d'appliquer ce texte au 31 mars. Une année supplémentaire ne sera pas de trop. L'année 2020 a vu l'engorgement de nombreuses juridictions, avec la mobilisation des avocats, puis le confinement et la crise sanitaire. Il faut un an pour revenir à la normale.

Mme la présidente. - Amendement identique n°49, présenté par M. Sueur et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

M. Jean-Pierre Sueur. - C'est parce que nous voulons que la réforme réussisse, malgré nos critiques, que nous proposons un report d'un an.

Mme Carrère alertait, dans son avis au nom de la commission des lois sur le budget 2020 de la PJJ, sur le risque général d'une mise en oeuvre formelle et non pratique de la réforme.

Les représentants des magistrats, avocats, éducateurs spécialisés, des services pénitentiaires d'insertion et de probation (SPIP), de la PJJ, nous disent tous qu'il faut du temps.

Le recours à l'ordonnance, la procédure accélérée - généralisée pour tous les textes sauf le projet de loi bioéthique - la parution anticipée des textes réglementaires, tout cela relève de la précipitation. Nous défendons une réforme efficace.

Mme Agnès Canayer, rapporteur. - La commission des lois a adopté un report de six mois ; un an, cela démobiliserait les acteurs. Avis défavorable.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. - Madame Cukierman, n'obtenant pas la suppression, vous essayer le dilatoire...

Le Gouvernement n'a pas préparé cette réforme pour qu'elle ne marche pas. Accordez-nous au moins le crédit de la cohérence !

Ce n'est pas la direction des affaires criminelles et des grâces (DACG) mais la direction de la PJJ qui a porté la réforme, expertisée par l'inspection générale de la justice. Celle-ci a évalué le niveau de préparation des juridictions. Dix juridictions sont en fragilité ; nous avons apporté les moyens nécessaires. J'avais donc la certitude que la réforme pouvait être mise en oeuvre dans les délais. Mais ensuite, le texte a évolué, avec l'intervention du JLD. Cela a introduit un délai supplémentaire.

C'est la raison pour laquelle je ne m'oppose pas à un report de la date - cela ne traduit aucune impréparation. Encore faut-il qu'il ne nous amène pas aux calendes grecques. Par conséquent, avis défavorable aux deux amendements.

Mme Cécile Cukierman. - Je ne suis pas marchande de tapis mais sénatrice, monsieur le garde des Sceaux. Mon engagement politique détermine les amendements que je porte, à l'exclusion de toute autre considération.

Le groupe CRCE est opposé au recours de plus en plus systématique aux ordonnances par les gouvernements successifs. D'où notre amendement de suppression de l'article premier.

Les élus échangent, auditionnent, téléphonent, reçoivent des courriers ; ils s'appuient sur des collectifs, des associations, des groupements professionnels, des syndicats. Vous savez tout comme moi qu'il y a un débat sur la faisabilité, sur les retards informatiques, les engagements. Nous payons aussi le retard pris en matière de moyens.

Cet article n'est donc pas lié aux précédents. Pas plus que les suivants à celui-ci.

Les amendements identiques nos5 et 49 ne sont pas adoptés.

L'article premier bis A est adopté, de même que l'article premier bis.

ARTICLES ADDITIONNELS après l'article premier bis

Mme la présidente. - Amendement n°24 rectifié, présenté par Mme Harribey et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Après l'article 1er bis

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

À l'article préliminaire du code de la justice pénale des mineurs, dans sa rédaction résultant de l'ordonnance n°2019-950 du 11 septembre 2019 précitée, les mots : « rechercher leur relèvement éducatif et moral » sont remplacés par les mots : « garantir le droit à l'éducation ».

Mme Laurence Harribey. - Le principe fondamental de la primauté de l'éducatif est réaffirmé ; aussi, pourquoi conserver le terme de « relèvement », qui renvoie à des notions quelque peu obsolètes et n'est pas suffisamment explicite ?

Mme la présidente. - Amendement n°63 rectifié, présenté par Mme Benbassa, MM. Benarroche, Dantec, Dossus, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco, M. Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme Taillé-Polian.

Après l'article 1er bis

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

À l'article préliminaire du code de la justice pénale des mineurs, dans sa rédaction résultant de l'ordonnance n°2019-950 du 11 septembre 2019 précitée, les mots : « rechercher leur relèvement éducatif et moral par des mesures » sont remplacés par les mots : « recourir prioritairement à des mesures éducatives ».

Mme Esther Benbassa. - Selon des études, la délinquance juvénile n'a pas augmenté depuis quinze ans. Pourtant, le nombre d'enfants privés de liberté n'a jamais été aussi élevé en France que depuis ces deux dernières années. Plutôt que d'être rendue plus coercitive, la justice des mineurs doit revenir à son sens initial : une justice spécifique qui comprend et traite des situations particulières de délinquance juvénile plutôt que de chercher systématiquement à réprimer.

Cet amendement consacre dans l'article préliminaire la primauté du recours aux mesures éducatives.

L'ordonnance de 1945 ne saurait être réformée sans retour à une certaine bienveillance, ont écrit une cinquantaine de spécialistes dans une tribune au Monde du 12 février 2019.

Mme Agnès Canayer, rapporteur. - J'estime au contraire que la formule de « relèvement éducatif et moral » est porteuse d'avenir.

Celle que vous proposez est quelque peu réductrice : accompagner les jeunes, c'est leur apprendre le respect des règles de la vie en société... (M. François Bonhomme s'exclame.) Avis défavorable à l'amendement n°63 rectifié. Avis défavorable également à l'amendement n°24 rectifié. Le relèvement éducatif et moral des mineurs est le but de la justice pénale des mineurs, les mesures éducatives sont le moyen pour atteindre ce but. Il me semble, madame Benbassa, que vous confondez les deux.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. - Avis défavorable pour les mêmes raisons. Le droit à l'éducation est redondant car déjà garanti aux enfants. Le relèvement éducatif et moral, quand bien même il vous paraît obsolète, porte plus de sens : c'est le but des mesures éducatives et parfois des mesures punitives.

Les amendements nos24 rectifié et 63 rectifié ne sont pas adoptés.

Mme la présidente.  - Amendement n°47 rectifié, présenté par M. Sueur et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Après l'article 1er bis

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article L. 11-1 du code de la justice pénale des mineurs, dans sa rédaction résultant de l'ordonnance n°2019-950 du 11 septembre 2019 précitée, est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Le parquet, eu égard aux faits et à la personnalité du jeune, prend les mesures d'assistance éducative qui s'imposent ou s'assure auprès des autorités territoriales qu'un suivi social est mis en place. »

M. Jean-Pierre Sueur. - Cet amendement s'inscrit pleinement dans l'esprit, la lettre et le fond de l'article 40 de la Convention internationale des droits de l'enfant dont la France est signataire, qui déjudiciarise autant que faire se peut les réponses à l'enfant en conflit avec la loi.

La Convention internationale des droits de l'enfant exige qu'un seuil d'âge soit adopté par les États en deçà duquel un enfant ne peut être tenu pour délinquant ; le droit français jusqu'ici se contente de renvoyer aux grands principes du droit pénal qui reposent sur la notion de discernement, généralement estimé à 7 ou 8 ans.

L'ordonnance du 19 septembre 2019 précise qu?avant 13 ans, un enfant ne peut être tenu pour délinquant, faute de discernement ; c'est une avancée réelle, mais elle ouvre la possibilité au parquet d'apporter sous contrôle du juge la preuve contraire. Il ne s'agit que d'une présomption relative. La France ne répond toujours ni aux attentes du Comité des experts de l'ONU ni aux exigences de la Convention internationale des droits de l'enfant.

Mme Agnès Canayer, rapporteur. - Avis défavorable. Inscrire la primauté de l'éducatif est redondant.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. - Même avis

L'amendement n°47 rectifié n'est pas adopté.

L'amendement n°25 rectifié est retiré.

ARTICLE PREMIER TER A

Mme la présidente.  - Amendement n°62 rectifié, présenté par Mme Benbassa, MM. Benarroche, Dantec, Dossus, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco, M. Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme Taillé-Polian.

Au début

Insérer un paragraphe ainsi rédigé :

....  -  Le second alinéa de l'article L. 11-1 du code de la justice pénale des mineurs, dans sa rédaction résultant de l'ordonnance n°2019-950 du 11 septembre 2019 précitée, est ainsi rédigé :

« Les mineurs de moins de quatorze ans ne sont pas responsables pénalement des actes qu'ils ont pu commettre. Ils ne peuvent faire l'objet que de mesures d'assistance éducative. »

Mme Esther Benbassa. - Cet amendement instaure une présomption irréfragable d'irresponsabilité pénale pour les mineurs de moins de 14 ans au lieu d'une présomption simple de non-discernement des enfants de moins de 13 ans.

La France demeure en contradiction avec la Convention internationale des droits de l'enfant. Il convient de tenir compte de la maturité émotionnelle, mentale et intellectuelle de l'enfant, dont la personnalité est en construction.

Nous proposons donc de retenir le seuil de 14 ans, déjà appliqué dans plusieurs pays européens, comme l'Espagne, l'Allemagne et l'Italie.

Mme la présidente.  - Amendement n°6, présenté par Mme Cukierman et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Au début

Insérer un paragraphe ainsi rédigé :

....  -  La première phrase du second alinéa de l'article L. 11-1 du code de la justice pénale des mineurs, dans sa rédaction résultant de l'ordonnance n°2019-950 du 11 septembre 2019 précitée, est supprimée.

Mme Cécile Cukierman. - Nous proposons de renforcer la présomption simple par une présomption irréfragable car chacun a le droit à un procès équitable : l'enfant doit pouvoir participer à son propre procès. Cela a été rappelé clairement en 2018 par Jacques Toubon, alors Défenseur des droits. Pour qu'un enfant bénéficie d'un procès équitable, il doit avoir pleinement la capacité de comprendre son procès. Or en dessous d'un certain âge, l'enfant comprend difficilement la procédure. Claire Hédon, qui a succédé à Jacques Toubon, souligne que la notion de responsabilité continue de reposer sur celle de discernement, qui n'est pas définie clairement. Elle laisse place à une grande diversité de pratiques et demeure floue, alors qu'elle est centrale.

Mme la présidente.  - Amendement n°50 rectifié, présenté par M. Sueur et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Au début

Insérer un paragraphe ainsi rédigé :

....- La première phrase du second alinéa de l'article L. 11-1 du code de la justice pénale des mineurs, dans sa rédaction résultant de l'ordonnance n°2019-950 du 11 septembre 2019 précitée, est ainsi rédigée : « Les mineurs de moins de treize ans ne sont pas responsables pénalement des actes qu'ils ont pu commettre. »

M. Jean-Pierre Sueur. - La Convention internationale des droits de l'enfant demande à chaque État partie de fixer un âge minimum en dessous duquel un mineur ne peut être poursuivi pénalement. Or la rédaction actuelle de l'ordonnance ne permet pas de répondre à cette exigence car la présomption d'irresponsabilité pénale pour les mineurs de moins de 13 ans est simple et non pas irréfragable.

Le comité des droits de l'enfant de Genève a été très clair : il ne peut y avoir de poursuites pénales mais seulement des mesures éducatives, qui ne sont pas cosmétiques mais réelles.

Par ailleurs, prévoir une irresponsabilité pénale pour les mineurs de moins de 13 ans ne signifie pas une absence de réponse.

Enfin à partir de 13 ans, la responsabilité pénale doit être présumée et liée à la capacité de discernement qu'il appartient au magistrat de déterminer.

Mme la présidente.  - Amendement n°51 rectifié, présenté par Mme V. Boyer.

Au début

Insérer deux paragraphes ainsi rédigés :

....  -  Le second alinéa de l'article L. 11-1 du code de la justice pénale des mineurs, dans sa rédaction résultant de l'ordonnance n°2019-950 du 11 septembre 2019 précitée, est ainsi modifié :

1° À la seconde phrase, les mots : « d'au moins treize » sont remplacés par les mots : « de treize à seize » ;

2° Est ajoutée une phrase ainsi rédigée : « Les mineurs de seize à dix-huit ans sont pénalement responsables. »

....  -  Au premier alinéa de l'article 122-8 du code pénal, les mots : « capables de discernement » sont remplacés par les mots : « âgés de dix à seize ans capables de discernement et ceux âgés de seize à dix-huit ans ».

Mme Valérie Boyer. - Il s'agit de répondre à la question des mineurs ultra-violents et de « l'ensauvagement de la société », terme employé par le ministre de l'Intérieur et parfois contesté. Les mineurs qui ont frappé Marin, ce jeune homme qui avait courageusement pris la défense d'un couple qui s'embrassait, jusqu'à lui causer un handicap permanent, avaient été interpellés dix-huit fois...

Cet amendement instaure un âge minimum de la responsabilité pénale des mineurs à partir de 16 ans, tout en conservant l'exigence morale du discernement en deçà.

En effet, le code de la justice pénale des mineurs prévoit une présomption de responsabilité pénale à partir de 13 ans et une présomption d'irresponsabilité en deçà, afin de rapprocher le droit français des règles de droit international.

Cet amendement complète le dispositif en rendant systématiquement responsables les mineurs de 16 à 18 ans, tout en maintenant une présomption de responsabilité pour les mineurs de 13 à 16 ans.

Mme la présidente. - Amendement n°52 rectifié ter, présenté par Mmes V. Boyer, Deroche et Belrhiti, M. Bouchet, Mme Dumont, MM. Cadec et Panunzi, Mme Dumas, MM. Bascher et B. Fournier, Mme F. Gerbaud, M. Klinger, Mme de Cidrac et MM. Belin, Brisson, Bonhomme, Le Rudulier et Boré.

Au début

Insérer un paragraphe ainsi rédigé :

....- Le second alinéa de l'article L. 11-1 du code de la justice pénale des mineurs, dans sa rédaction résultant de l'ordonnance n°2019-950 du 11 septembre 2019 précitée, est ainsi modifié :

1° À la seconde phrase, les mots : « d'au moins treize » sont remplacés par les mots : « de treize à seize » ;

2° Est ajoutée une phrase ainsi rédigée : « Les mineurs âgés de seize à dix-huit ans sont capables de discernement et pénalement responsables. »

Mme Valérie Boyer. - Amendement de repli.

Mme Agnès Canayer, rapporteur. - Ces amendements posent la question de l'âge pivot, qui ne fait pas consensus, et qui va de 8 à 18 ans selon les pays de l'Union européenne.

L'âge de 13 ans est reconnu dans le droit positif français. Cela paraît cohérent avec le développement de l'enfant.

La présomption simple permet de faire confiance aux juges. Les juges des enfants pourront adapter la réponse pénale.

Il ne faut pas légiférer en fonction de situations précises mais s'agissant d'Evaëlle, les jeunes avaient moins de 13 ans - la question du discernement est très clairement posée. Avis défavorable aux amendements nos62 rectifié, 6 et 50 rectifié.

La création de trois seuils ne me semble pas une mesure de simplification. Faisons confiance au juge. Aujourd'hui, celui-ci peut renverser l'excuse de minorité. Avis défavorable aux amendements nos51 rectifié ter et 52 rectifié ter.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. - Même avis. Le mineur de 13 ans ne peut pas faire l'objet d'une mesure coercitive. Faisons confiance au juge des enfants : nous souhaitons une réponse judiciaire adaptée en fonction de l'âge et du discernement. Dans quelques instants, je défendrai un amendement pour mieux définir celui-ci, en m'appuyant sur la jurisprudence de la Cour de cassation.

Les amendements nos62 rectifié, 6 et 50 rectifié ne sont pas adoptés.

Les amendements nos51rectifié ter et 52 rectifié ter sont retirés.

Mme la présidente. - Amendement n°27, présenté par M. Sueur et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Alinéa 2

Rédiger ainsi cet alinéa :

« Les mineurs sont capables de discernement lorsqu'ils ont voulu et compris l'acte. »

Mme Laurence Harribey. - Cette définition du discernement reprend l'arrêt Laboube de 1956 de la Cour de cassation.

Les mineurs doivent également être en mesure de comprendre la procédure applicable et ses enjeux.

Mme la présidente. - Amendement n°71 rectifié, présenté par M. Mohamed Soilihi et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants.

Alinéa 2

Remplacer les mots :

dont la maturite? lui permet de comprendre l'acte qui lui est reproche? et sa porte?e

par les mots :

qui a compris et voulu son acte et qui est apte a? comprendre le sens de la proce?dure pe?nale dont il fait l'objet

M. Thani Mohamed Soilihi. - La rapporteure a utilement introduit une définition du discernement. La jurisprudence de 1956 s'appuie sur la compréhension de l'acte et la volonté de le commettre. L'amendement intègre une référence expresse à la volonté du mineur et à sa compréhension de la procédure pénale.

Mme la présidente. - Amendement identique n°75, présenté par le Gouvernement.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. - Cet amendement précise la définition du discernement. Le Gouvernement a choisi de recopier servilement un arrêt de la Cour de cassation du 13 décembre 1956, qui fait référence depuis lors. Il faut que le mineur ait compris et voulu son acte, et qu'il soit apte à comprendre le sens de la procédure pénale dont il fait l'objet.

Ce volet est extrêmement important car si la réponse pédagogique de la justice n'est pas comprise, elle n'a aucun sens et tourne à vide.

Cette définition est plus précise que la notion de maturité, dont on a beaucoup parlé dans cet hémicycle ces derniers jours.

Mme la présidente. - Amendement n°70, présenté par M. Mohamed Soilihi et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants.

Alinéa 2

1° Après les mots :

lui permet de

insérer les mots :

vouloir et

2° Supprimer les mots :

et sa portée

M. Thani Mohamed Soilihi. - Défendu.

Mme Agnès Canayer, rapporteur. - Nous tenons à introduire dans le code de la justice pénale des mineurs une définition du discernement, pierre angulaire de la responsabilité du mineur. La commission des lois avait bâti une définition autour de la notion - certes peu juridique - de maturité.

L'arrêt Laboube fait bien évidemment référence. Mais il nous paraît important que le jeune comprenne la sanction, plus même que la procédure. Avis défavorable à l'amendement n°27 car il manque la notion d'aptitude à comprendre. Avis favorable aux amendements identiques nos71 rectifié et 75.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. - Avis favorable à l'amendement n°71 rectifié. Avis défavorable aux amendements nos27 et 70.

Mme Laurence Harribey. - Le nôtre n'est pas incomplet : il comporte bien la notion de compréhension.

Mme Agnès Canayer, rapporteur. - Il s'agit de l'aptitude à comprendre le sens de la procédure et pas seulement des actes commis : les amendements nos71 rectifié et 75 sont donc plus complets.

L'amendement n°27 est retiré.

Les amendements identiques nos71 rectifié et 75 sont adoptés.

L'amendement n°70 est retiré.

L'article premier ter A, modifié, est adopté.

ARTICLE PREMIER TER B

Mme la présidente. - Amendement n°74, présenté par le Gouvernement.

Supprimer cet article.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. - Nous arrivons à la compétence du tribunal de police pour statuer sur les contraventions des quatre premières classes s'agissant des mineurs.

Je connais la position de la commission des lois mais ne désespère pas de vous convaincre.

Ces contraventions de faible gravité ne nécessitent ni l'intervention d'un magistrat spécialisé, ni la mise en place d'un suivi éducatif prolongé. Il s'agit le plus souvent de délits routiers, un défaut de port du casque par exemple. Ce ne sont pas les premiers signes d'une délinquance naissante.

La commission des lois s'inquiète de l'engorgement des tribunaux pour enfants, or les mineurs représentent 2,5 % des justiciables jugés par les tribunaux de police : c'est 5 000 personnes.

Je demande avec insistance que le Sénat réfléchisse à deux fois avant d'attribuer tout ce contentieux aux juges pour enfants qui n'en ont pas besoin...

Mme Agnès Canayer, rapporteur. - Les arguments de cette plaidoirie en faveur du tribunal de police sont contestables. Nous tenons à la cohérence de la spécialisation de la justice des mineurs. Les quatre premières classes sont souvent des infractions routières, mais pas seulement. Il y a aussi des violences, prémices d'une délinquance probable.

Le juge des enfants doit pouvoir, dès la plus petite infraction, mettre en place des actions éducatives pour éviter que le jeune n'entre dans une spirale, et avoir une vision globale.

Nous entendons que cela pourrait déstabiliser l'organisation, mais le report de la réforme laisse aux juridictions le temps de s'y préparer. Avis défavorable.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. - Il ne s'agissait pas d'une plaidoirie pour le tribunal de police mais pour le juge des enfants.

La plupart des contraventions sont forfaitisées et payées par les parents. Vous souhaitez que la justice des enfants fonctionne bien. Il n'est pas utile de surcharger le tribunal pour enfants avec ces 5 000 dossiers supplémentaires.

La protection des mineurs est assortie de toutes les garanties au tribunal de police, avec notamment l'intervention de l'avocat.

L'amendement n°74 n'est pas adopté.

Mme la présidente. - Amendement n°68 rectifié, présenté par M. Mohamed Soilihi et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants.

Rédiger ainsi cet article :

À la première phrase du premier alinéa de l'article L. 121-7 du code de la justice pénale des mineurs, dans sa rédaction résultant de l'ordonnance n°2019-950 du 11 septembre 2019 précitée, les mots : «, le tribunal de police » sont supprimés.

M. Thani Mohamed Soilihi. - Je suis conscient que la commission a tranché mais j'insiste, avec cet amendement de repli qui rétablit la compétence du tribunal de police, en se limitant, à la différence de celui du Gouvernement, au cadre de l'ordonnance de 1945. La charge de travail du juge des enfants est un réel problème.

Mme Agnès Canayer, rapporteur. - Avis défavorable par cohérence.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. - Quand il s'agit de violences, madame le rapporteur, les parquets utilisent le passage devant le tribunal de police comme alternative aux poursuites, j'avais négligé de le préciser... Retrait ?

L'amendement n°68 rectifié n'est pas adopté.

Mme la présidente. - Amendement n°10, présenté par Mme Cukierman et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Alinéa 5

Rédiger ainsi cet alinéa :

4° L'article L. 121-7 est abrogé ;

Mme Cécile Cukierman. - En droit, il y a des règles qui fixent des repères et des seuils qui donnent toute leur force aux procédures. Celui de 18 ans a fondé une justice spécifique pour les mineurs.

Oui, monsieur le garde des Sceaux, des jeunes de 17 ans ont plus de discernement que certains jeunes de 21 ans ; mais nous sommes attachés au seuil et ne pouvons accepter l'exception de minorité pour les plus de 16 ans, durcissement qui, souvent, aggrave la situation de jeunes en perdition.

L'enfermement fait décrocher de la vie en société et rend la réinsertion plus difficile. Faisons le pari d'en faire des citoyens de demain.

Mme la présidente. - Amendement identique n°33, présenté par M. Sueur et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

M. Jérôme Durain. - Cet amendement supprime l'article permettant d'écarter l'excuse de minorité et la diminution de moitié de la peine encourue, en cohérence avec la présomption irréfragable de non-discernement en dessous de 13 ans.

L'article L. 121-7 du code pénal des mineurs prévoit que le tribunal pour enfants et la cour d'assises des mineurs peuvent décider qu'il n'y a pas lieu de faire application des règles d'atténuation des peines. Or il ne saurait y avoir d'exception à l'excuse de minorité.

Si le quantum des peines est divisé par deux, les sanctions demeurent très sévères. Comment justifier qu'un jeune puisse être tenu psychologiquement pour majeur avant ses 18 ans pour être condamné à trente ans d'emprisonnement mais soit incapable de demander son émancipation ?

Cet article L. 121-7 revient à traiter des enfants de plus de 16 ans comme des adultes. Ce n'est pas acceptable.

Le Défenseur des droits recommande que l'excuse de minorité s'applique à tout mineur de 13 à 18 ans, sans exception. La Convention internationale des droits de l'enfant établit clairement qu'un enfant est une personne de moins de 18 ans et qu'il a droit à une justice spécifique.

Mme la présidente. - Amendement identique n°61 rectifié, présenté par Mme Benbassa, MM. Benarroche, Dantec, Dossus, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco, M. Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme Taillé-Polian.

Mme Esther Benbassa. - Défendu.

Mme la présidente. - Amendement n°58 rectifié ter, présenté par Mmes V. Boyer, Deroche et Belrhiti, M. Bouchet, Mme Dumont, MM. Cadec et Panunzi, Mme Dumas, M. Bascher, Mme Garnier, M. B. Fournier, Mme F. Gerbaud, M. Klinger, Mme de Cidrac et MM. Belin, Brisson, Bonhomme, Le Rudulier et Boré.

Après l'alinéa 5

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

...° Le même premier alinéa de l'article L. 121-7 est ainsi modifié :

a) À la première phrase, les mots : « peuvent, à titre exceptionnel et compte tenu des circonstances de l'espèce et de la personnalité du mineur ainsi que de sa situation, décider qu'il n'y a pas lieu de faire » sont remplacés par les mots : « ne font pas » ;

b) La seconde phrase est ainsi rédigée : « Toutefois, la juridiction peut ne pas faire application de cette disposition en considération des circonstances de l'infraction, de la personnalité de son auteur ou des garanties d'insertion ou de réinsertion présentées par celui-ci. » ;

Mme Valérie Boyer. - Le rôle de la justice est de protéger la société. Que fera-t-on pour réinsérer la personne qui a donné des coups de marteau sur le crâne du jeune Yuriy ?

Je propose d'inverser la logique de l'article L. 121-7 qui prévoit l'exception de minorité : si le mineur est âgé de plus de 16 ans, le tribunal aura la possibilité de ne pas faire valoir l'exception.

Mme Agnès Canayer, rapporteur. - Avis défavorable aux trois amendements identiques. Laissons au juge la possibilité de prononcer des peines plus sévères pour des actes particulièrement violents ou sordides, en levant l'excuse de minorité.

Avis défavorable à l'amendement n°58 rectifié ; il n'est pas utile d'aligner le droit des mineurs de 16 à 18 ans sur celui des majeurs. Le mineur reste mineur jusqu'à 18 ans.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. - L'exception à l'excuse de minorité est utilisée entre neuf et dix-sept fois par an par les cours d'assises.

Distinguer le mineur du majeur est un principe fondamental. Madame Boyer, s'appuyer sur une affaire en cours est extrêmement dangereux. À cet instant, seuls les enquêteurs et la justice en connaissent les détails. On ne saurait se saisir d'un fait divers qui nous émeut pour abandonner des principes fondamentaux. Un mineur de 16 ans qui commet un acte grave reste un mineur de 16 ans, que vous le vouliez ou non. Avis défavorable à tous les amendements.

Les amendements identiques nos10, 33 et 61 rectifié ne sont pas adoptés, non plus que l'amendement n°58 rectifié.

Mme la présidente. - Amendement n°76, présenté par Mme Canayer, au nom de la commission.

Alinéas 14 et 15

Rédiger ainsi ces alinéas :

a) Au premier alinéa, les mots : « le tribunal de police, » sont supprimés ;

b) Au deuxième alinéa, les mots : « du tribunal de police ou » sont supprimés ;

L'amendement rédactionnel n°76, accepté par le Gouvernement, est adopté.

L'article premier ter B, modifié, est adopté.

ARTICLE PREMIER TER (Supprimé)

Mme la présidente. - Amendement n°72, présenté par le Gouvernement.

Rétablir cet article dans la rédaction suivante :

Le code de la justice pénale des mineurs, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n°2019-950 du 11 septembre 2019 précitée, est ainsi modifié :

1° Après le 3° de l'article L. 12-1, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« 3° bis Le juge des libertés et de la détention chargé spécialement des affaires concernant les mineurs ; »

2° L'article L. 423-9 est ainsi modifié :

a) À la fin du premier alinéa, les mots : « le juge des enfants afin qu'il soit statué sur ses réquisitions tendant » sont supprimés ;

b) Après le même premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« 1° Le juge des enfants afin qu'il soit statué sur ses réquisitions tendant : » ;

c) Au début du 1°, la mention : « 1° » est remplacée par la mention : « a) » ;

d) Au début du 2°, la mention : « 2° » est remplacée par la mention : « b) » ;

e) Au début du 3°, la mention : « 3° » est remplacée par la mention : « c) » ;

f) Le 4° est ainsi modifié :

- au début, la mention : « 4° » est remplacée par la mention : « 2° » ;

- la première phrase est ainsi rédigée : « Le juge des libertés et de la détention, pour le mineur âgé d'au moins seize ans et lorsque le tribunal pour enfants est saisi aux fins d'audience unique en application du troisième alinéa de l'article L. 423-4, afin qu'il soit statué sur ses réquisitions tendant au placement en détention provisoire du mineur jusqu'à l'audience, dans les conditions prévues aux articles L. 334-1 à L. 334-5. » ;

g) Après le même 4°, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Le procureur de la République avise sans délai le juge des enfants afin qu'il puisse communiquer au juge des libertés et de la détention tout élément utile sur la personnalité du mineur et, le cas échéant, accomplir les diligences prévues à l'article L. 423-10. » ;

h) Le sixième alinéa est ainsi modifié :

- à la première phrase, après les mots : « juge des enfants », sont insérés les mots : « ou le juge des libertés et de la détention » ;

- à la dernière phrase, les mots : « Le juge des enfants » sont remplacés par le mot : « Il » et les mots : « parents du mineur, ses » sont supprimés ;

i) À l'avant-dernier alinéa, les références : « 1° et 2° » sont remplacées par les références : « a) et b) du 1° » ;

j) Le dernier alinéa est complété par les mots : « et du juge des libertés et de la détention » ;

3° À l'article L. 423-10, après la référence : « L. 423-9 », sont insérés les mots : « ou avisé de la saisine du juge des libertés et de la détention aux mêmes fins » ;

4° L'article L. 423-11 est ainsi rédigé :

« Art. L. 423-11. - Le juge des enfants est compétent, jusqu'à la comparution du mineur devant la juridiction, pour statuer sur la mainlevée ou la modification des mesures d'investigation, éducative judiciaire provisoire et de sûreté, d'office, à la demande du mineur ou de son avocat, ou sur réquisitions du procureur de la République conformément aux dispositions des titres II et III du livre III.

« Lorsqu'il constate que le mineur n'a pas respecté les obligations du contrôle judiciaire ou de l'assignation à résidence avec surveillance électronique, le juge des enfants peut, si les conditions prévues aux articles L. 334-4 ou L. 334-5 sont réunies, communiquer le dossier au procureur de la République aux fins de réquisitions et saisir le juge des libertés et de la détention aux fins de révocation de la mesure de contrôle judiciaire ou d'assignation à résidence avec surveillance électronique et de placement du mineur en détention provisoire.

« Le mineur placé en détention provisoire ou son avocat peut, à tout moment, demander sa mise en liberté. La demande est adressée au juge des libertés et de la détention, qui communique immédiatement le dossier au procureur de la République aux fins de réquisitions et demande au juge des enfants tout élément utile sur la personnalité et l'évolution de la situation du mineur. Le juge des libertés et de la détention statue dans les cinq jours suivant la communication au procureur de la République dans les conditions prévues par aux troisième et avant dernier alinéas de l'article 148 du code de procédure pénale. »

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. - La commission a supprimé l'intervention du JLD avant l'audience de culpabilité, tout en prévoyant que le juge pour enfants ayant mis le mineur en détention ne puisse le juger par la suite.

C'est une fausse bonne idée, qui méconnaît le principe de spécialisation et est inapplicable dans les plus petites juridictions où il y a un seul juge des enfants.

D'où cet amendement de rétablissement, qui garantit l'impartialité du juge des enfants tout en sauvegardant le principe de spécialisation.

Mme Agnès Canayer, rapporteur. - Les magistrats que nous avons auditionnés ont soulevé des difficultés de recours au JLD. Ici, il faut concilier les principes d'impartialité et de spécialisation.

L'intervention du JLD a lieu avant l'audience de culpabilité ; après, le suivi de la détention des mineurs est assuré par le juge des enfants.

Là où il y a peu de juges des enfants, il y a aussi peu de JLD. Par conséquent, il faudra habiliter tous les JLD pour ce type d'affaires, ce qui diluera le principe de spécialisation. Nous proposons dans ce cas que le président du tribunal judiciaire puisse désigner un autre magistrat ayant une appétence particulière sur les questions éducatives.

Notre solution nous semble plus respectueuse des principes de spécialisation et d'impartialité. Avis défavorable.

L'amendement n°72 n'est pas adopté.

L'article premier ter demeure supprimé.

L'article 2 est adopté.

ARTICLES ADDITIONNELS après l'article 2

Mme la présidente. - Amendement n°7, présenté par Mme Cukierman et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Après l'article 2

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le chapitre II du titre préliminaire du code de la justice pénale des mineurs, dans sa rédaction résultant de l'ordonnance n°2019-950 du 11 septembre 2019 précitée, est complété par un article L. 12-... ainsi rédigé :

« Art. L. 12-....  -  Par dérogation à l'article 706-71 du code de procédure pénale, les mineurs ne peuvent pas faire l'objet de l'utilisation de moyens de télécommunication audiovisuelle tout au long de la procédure. »

Mme Cécile Cukierman. - Notre groupe est opposé à ce que l'outil numérique devienne la norme, a fortiori pour les mineurs. Le caractère éducatif pour le mineur, c'est aussi de fréquenter les lieux, de rencontrer les magistrats. La crise sanitaire ne doit pas devenir le prétexte de la généralisation du numérique.

Mme la présidente. - Amendement n°60 rectifié, présenté par Mme Benbassa, MM. Benarroche, Dantec, Dossus, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco, M. Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme Taillé-Polian.

Après l'article 2

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le chapitre II du titre préliminaire du code de la justice pénale des mineurs, dans sa rédaction résultant de l'ordonnance n°2019-950 du 11 septembre 2019 précitée, est complété par un article L. 12-... ainsi rédigé :

« Art. L. 12-....  -  Par dérogation à l'article 706-71 du code de procédure pénale, les enfants ne peuvent pas faire l'objet de l'utilisation de moyens de télécommunication audiovisuelle tout au long de la procédure. »

Mme Esther Benbassa. - Cet amendement interdit l'utilisation de moyens de télécommunication audiovisuelle tout au long de la procédure lorsqu'un mineur est en cause. Des dysfonctionnements informatiques peuvent nuire à la qualité des débats. De plus, la dématérialisation ne permet pas pleinement d'assurer la confidentialité des échanges entre les parties et leurs avocats. Enfin, la solennité des audiences est fortement réduite lors des procédures par écrans interposés.

L'utilisation de ces moyens va à l'encontre de l'intérêt supérieur des enfants.

Mme Agnès Canayer, rapporteur. - Nous sommes tous las des visioconférences, mais elles ont leur utilité, même au-delà de la crise sanitaire. La communication audiovisuelle permet de simplifier certaines procédures mais elle ne doit pas devenir exclusive.

Avis défavorable aux deux amendements.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. - Avis défavorable.

L'amendement n°7 n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°60 rectifié.

ARTICLE 3

Mme la présidente. - Amendement n°8, présenté par Mme Cukierman et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Après l'alinéa 1

Insérer quatre alinéas ainsi rédigés :

...° L'article L. 111-1 est ainsi modifié :

a) Au premier alinéa, le mot : « mineur » est remplacé par les mots : « enfant ou un adolescent » ;

b) Avant le 1°, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

«...° La remise à parents ; »

Mme Cécile Cukierman. - Cet amendement réintroduit la mesure de remise aux parents, acteurs fondamentaux de la justice des mineurs.

C'est la mesure la moins répressive, qui permet d'établir un état des lieux et de rechercher de nouvelles réponses. La place du jeune et des parents est une question de grande actualité.

Mme Agnès Canayer, rapporteur. - Il est vrai que la responsabilisation des parents est un enjeu important. La remise a une portée pratique mais une dimension symbolique importante. Avis plutôt favorable.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. - Je me suis déjà prononcé sur le fait de remplacer le terme de mineur par celui d'enfant.

Et puisque nous parlons de lisibilité et de simplification, allez expliquer à un mineur que le juge va le remettre à ses parents... La formule est totalement obsolète. Avis défavorable.

Mme Cécile Cukierman. - Je ne cherche pas à simplifier la justice des mineurs mais à la rendre plus efficace. La notion d'obsolescence ne doit pas non plus nous occuper.

La remise aux parents, ce n'est pas que du symbole. La mesure permet d'identifier certains problèmes. La supprimer, fut-elle obsolète, désuète ou réac, c'est sortir les parents du système et envoyer un mauvais signal.

L'amendement n°8 est adopté.

Mme la présidente. - Amendement n°26 rectifié, présenté par M. Sueur et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

I. - Alinéas 7 à 9

Remplacer ces alinéas par un alinéa ainsi rédigé :

b) Les 5° à 9° sont abrogés ;

II. - Alinéa 12

Supprimer cet alinéa.

M. Thierry Cozic. - Cet amendement maintient la distinction entre éducatif et répressif en supprimant les modules coercitifs de la mesure éducative.

La relation éducative repose par essence sur un lien de confiance, lien qui est par principe distendu dans le cadre d'une mesure coercitive. A contrario, les mesures coercitives perdront de leur solennité si leur contenu peut être prononcé à l'identique, sans sanction, dans le cadre d'une mesure éducative.

Il convient donc de supprimer les interdictions et les obligations qui ont été prévues dans le cadre de ces mesures afin de privilégier un véritable accompagnement éducatif.

Mme Agnès Canayer, rapporteur. - Avis défavorable. Il y a l'interdiction de paraître, d'entrer en contact avec la victime, la confiscation de l'objet qui a servi à commettre l'infraction... Ces interdictions ont leur utilité et il n'y a pas lieu de les retirer de la mesure éducative.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. - J'ajoute l'interdiction de paraître sur la voie publique entre 22 heures et 6 heures, particulièrement utile pour l'éducation d'un adolescent. Avis défavorable.

L'amendement n°26 rectifié n'est pas adopté.

Mme la présidente. - Amendement n°54 rectifié bis, présenté par Mmes V. Boyer, Deroche et Belrhiti, M. Bouchet, Mme Dumont, MM. Cadec et Panunzi, Mme Dumas, MM. Bascher et B. Fournier, Mme F. Gerbaud, M. Klinger, Mme de Cidrac et MM. Belin, Brisson, Bonhomme, Le Rudulier et Boré.

Après l'alinéa 14

Insérer deux alinéas ainsi rédigés :

...° Au premier alinéa de l'article L. 112-4, la référence : « L. 112-9 » est remplacée par la référence : « L. 112-8 » ;

...° L'article L. 112-8 devient l'article L. 112-9 et l'article L. 112-9 devient l'article L. 112-8 ;

Mme Valérie Boyer. - Amendement rédactionnel.

Mme Agnès Canayer, rapporteur. - Demande de retrait car il n'est pas tout à fait rédactionnel.

L'amendement n°54 rectifié bis est retiré.

Mme la présidente. - Amendement n°23, présenté par Mme Cukierman et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Alinéas 18 et 19

Remplacer ces alinéas par un alinéa ainsi rédigé :

a) Les mots : « en fixe la durée qui ne peut excéder un an » sont remplacés par les mots : « pour une durée de six mois renouvelable » ;

Mme Cécile Cukierman. - Nous ne sommes pas opposés à ce que l'on puisse aller jusqu'à un an, mais il faut un bilan intermédiaire à l'issue des six premiers mois. C'est l'avenir du mineur qui est en jeu.

Mme Agnès Canayer, rapporteur. - Il faut de la durée pour une mesure éducative de long terme. Avis défavorable.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. - Même avis défavorable.

L'amendement n°23 n'est pas adopté.

Mme la présidente. - Amendement n°2, présenté par Mme Cukierman et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Alinéas 25 et 26

Supprimer ces alinéas.

Mme Cécile Cukierman. - Il n'y a pas lieu de confier un pouvoir de police aux professionnels de la PJJ et au secteur associatif habilité. Le lien de confiance nécessaire pour mener à bien une mesure éducative pourrait être remis en cause.

Mme Agnès Canayer, rapporteur. - Avis défavorable, car ce contrôle visuel est parfois nécessaire dans les CEF.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. - On est vraiment dans la posture, le dogme ! Les éducateurs de CEF ne pourraient pas surveiller les gamins, alors qu'on trouve des couteaux dans ces centres ? C'est une demande des éducateurs eux-mêmes pour assurer leur sécurité et celle des autres gamins. Je suis totalement défavorable !

Mme Cécile Cukierman. - Conservons un débat respectueux. Le débat existe, y compris parmi le personnel. Vous caricaturez les propos et balayez d'un revers de manche les remarques des organisations syndicales ! Non, nous ne sommes pas pour le laxisme. Je ne vous accuse pas d'être dans une posture dogmatique quand vous donnez un avis défavorable à tous nos amendements...

L'amendement n°2 n'est pas adopté.

L'article 3, modifié, est adopté.

ARTICLES ADDITIONNELS après l'article 3

Mme la présidente. - Amendement n°53 rectifié bis, présenté par Mmes V. Boyer, Deroche et Belrhiti, M. Bouchet, Mme Dumont, MM. Cadec et Panunzi, Mme Dumas, M. Bascher, Mme Garnier, M. B. Fournier, Mme F. Gerbaud, M. Klinger, Mme de Cidrac et M. Belin.

Après l'article 3

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

La première phrase du premier alinéa de l'article L. 112-2 du code de la justice pénale des mineurs, dans sa rédaction résultant de l'ordonnance n° 2019-950 du 11 septembre 2019 précitée, est complétée par les mots : « mais également de la gravité des faits qui lui sont reprochés et du trouble à l'ordre public qui en est résulté ».

Mme Valérie Boyer. - Le code de justice pénale des mineurs définit la mesure éducative judiciaire comme « un accompagnement individualisé construit à partir d'une évaluation de la situation personnelle, familiale, sanitaire et sociale du mineur ». Mais elle doit également tenir compte des faits qui lui sont reprochés et du trouble à l'ordre public qui en est résulté.

Mme Agnès Canayer, rapporteur. - Les mesures éducatives sont centrées autour du jeune et de son environnement ; ce sont les sanctions qui prennent en compte la gravité des faits. Retrait ou avis défavorable.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. - Même avis ; il faut distinguer l'éducatif du répressif.

L'amendement n°53 rectifié bis n'est pas adopté.

Mme la présidente. - Amendement n°28, présenté par Mme Harribey et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Après l'article 3

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après l'article L. 113-8 du code la justice des mineurs, dans sa rédaction résultant de l'ordonnance n° 2019-950 du 11 septembre 2019 précitée, est insérée une section ainsi rédigée :

« Section...

« Des centres éducatifs renforcés

« Art. L. 113-9. - Les centres éducatifs renforcés sont des établissements publics ou des établissements privés habilités dans des conditions prévues par décret en Conseil d'État. Ils ont vocation à prendre en charge des mineurs délinquants multirécidivistes en grande difficulté ou en voie de marginalisation ayant souvent derrière eux un passé institutionnel déjà lourd. Ils se caractérisent par des programmes d'activités intensifs pendant des sessions de trois à six mois selon les projets et un encadrement éducatif permanent. Ils visent à créer une rupture dans les conditions de vie du mineur et à préparer les conditions de sa réinsertion. »

M. Jean-Yves Leconte. - Seuls les CEF sont mentionnés dans le code de justice pénale des mineurs. Or les centres éducatifs renforcés (CER) existent également. Il conviendrait de les y introduire.

Mme Agnès Canayer, rapporteur. - Il y a un problème d'imputation. Les CER sont complémentaires des CEF ; ils ne présentent pas les mêmes contraintes pour le jeune. Avis défavorable.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. - Même avis.

L'amendement n°28 n'est pas adopté.

Mme la présidente. - Amendement n°31, présenté par Mme Harribey et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Après l'article 3

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le premier alinéa de l'article L. 241-1 du code de la justice pénale des mineurs, dans sa rédaction résultant de l'ordonnance n° 2019-950 du 11 septembre 2019 précitée, est complété par les mots : « et aux établissements du secteur associatif habilité ».

Mme Laurence Harribey. - Il convient d'intégrer dans le code la référence aux établissements du secteur associatif habilité (SAH) qui est chargé de la mise en oeuvre des mesures décidées par le juge.

L'article L. 241-1 ne mentionne que les établissements de la PJJ. Or sur 52 CEF, 34 sont associatifs et quinze des vingt nouveaux CEF prévus seront associatifs.

Mme Agnès Canayer, rapporteur. - Avis favorable, cela peut être opportun de les mentionner dans le texte.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. - Les établissements du SAH sont mentionnés dans le livre I. Cet ajout n'est pas nécessaire. Avis défavorable.

L'amendement n°31 est adopté et devient un article additionnel.

ARTICLE 3 BIS

Mme Esther Benbassa . - Il y a une semaine, j'ai visité le CEF de Savigny-sur-Orge, l'un des 51 CEF de France. Les jeunes y bénéficient d'un accompagnement privilégié et de programmes novateurs. C'est une alternative positive aux établissements pénitentiaires.

En revanche, dans certains autres centres, on constate des dysfonctionnements, des abus, des violences... C'est le cas de celui des Chutes-Lavie, à Marseille, fermé après l'ouverture d'une enquête judiciaire pour agression sexuelle sur mineure.

L'efficacité des CEF est en outre loin d'être démontrée au regard de leur coût. Ils souffrent de difficultés de gouvernance et la sortie des jeunes est parfois critiquable. Mme Carrère, dans son rapport du 19 novembre 2020, estimait qu'ils constituent la forme la plus onéreuse de placement et ne sauraient obérer le développement d'autres types d'accueil en milieu ouvert.

L'article 3 bis est adopté.

ARTICLE 4

L'amendement n°69 rectifié est retiré.

Mme la présidente. - Amendement n°9, présenté par Mme Cukierman et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Après l'alinéa 4

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

... ° L'article L. 121-4 est abrogé ;

Mme Cécile Cukierman. - Nous nous opposons à la suppression de la collégialité dans la justice des mineurs. Un enfant ne doit être condamné que par une formation collégiale.

Mme la présidente. - Amendement identique n°32, présenté par Mme Harribey et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

M. Thierry Cozic. - Il faut supprimer la possibilité d'une audience en cabinet : le recul de la collégialité nous semble dangereux.

Mme Agnès Canayer, rapporteur. - Avis défavorable. La possibilité de prononcer des peines en chambre de conseil est une bonne mesure, garante de la rapidité de la sanction. En outre, les peines qui pourront être prononcées sont très limitées.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. - Même avis. Le juge des enfants peut toujours renvoyer vers le tribunal pour les situations les plus complexes. Un juge seul peut parfois être moins inquiétant pour le jeune, et nouer une relation privilégiée avec l'enfant.

Les amendements identiques nos9 et 32 ne sont pas adoptés.

Mme la présidente. - Amendement n°11, présenté par Mme Cukierman et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Alinéa 6

Rédiger ainsi cet alinéa :

a) Après les mots : « mineurs âgés », la fin du premier alinéa est ainsi rédigée : « d'au moins seize ans au moment de la date de commission de l'infraction. » ;

Mme Cécile Cukierman. - En principe, les travaux d'intérêt général (TIG) ne peuvent être mis en oeuvre avant 16 ans, mais cet article permet à un juge de prononcer un TIG pour une infraction commise par un jeune lorsqu'il avait moins de 16 ans. Cela remet en cause la légalité des peines et l'égalité entre les jeunes. Pour la même infraction, en fonction de l'engorgement du tribunal, un enfant sera jugé avant ou après ses 16 ans.

Mme Agnès Canayer, rapporteur. - Avis défavorable. Les TIG sont une bonne mesure, il convient d'encourager leur utilisation.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. - Avis défavorable car ces TIG sont des alternatives à l'incarcération.

Mme Cécile Cukierman. - Peut-être n'ai-je pas été assez claire : il ne s'agit pas ici de nous prononcer sur l'utilité des TIG - deux communes de mon département vont en accueillir - mais de la question de l'âge auquel on est condamné... Cela ne pose-t-il pas un problème d'égalité ?

Mme Agnès Canayer, rapporteur. - Le recours aux TIG pâtit d'une méconnaissance par les magistrats et les avocats. En outre, les délais sont trop longs. Votre amendement réduirait encore le recours aux TIG.

L'amendement n°11 n'est pas adopté.

Mme la présidente. - Amendement n°64 rectifié, présenté par Mme Benbassa, MM. Benarroche, Dantec, Dossus, Fernique, Gontard et Labbé, Mme de Marco, M. Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme Taillé-Polian.

Alinéa 16

Rédiger ainsi cet alinéa :

6° L'article L. 122-6 est abrogé ;

Mme Esther Benbassa. - La peine de détention à domicile avec surveillance électronique n'est pas adaptée aux enfants et aux adolescents.

Sa normalisation est une violation du principe de primauté de l'éducatif. N'oublions pas que la justice des mineurs et une justice spécifique : ne traitons pas les mineurs comme des délinquants majeurs.

Mme Agnès Canayer, rapporteur. - L'un des enjeux de cette réforme est de lutter contre la détention, notamment la détention provisoire. Le bracelet électronique constitue une alternative plus protectrice pour le jeune. Cette détention à domicile est encadrée et assortie d'une mesure éducative. Avis défavorable.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. - Comment peut-on être contre cette peine alternative à l'emprisonnement ? Elle permet au jeune condamné de rester à la maison, auprès de ses proches, et de poursuivre sa scolarité, sa formation et son suivi éducatif. Avis défavorable.

M. Jean-Yves Leconte. - Il s'agit d'enfants, soumis à l'autorité parentale. Or le bracelet remet en cause la crédibilité de cette autorité parentale. Il faut voter cet amendement.

L'amendement n°64 rectifié n'est pas adopté.

Mme la présidente. - Amendement n°12, présenté par Mme Cukierman et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Après l'alinéa 16

Insérer deux alinéas ainsi rédigés :

...° L'article L. 123-1 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Cette peine d'emprisonnement ne peut être prononcée à l'unique condition que celle-ci soit assortie d'une mesure éducative confiée à la protection judiciaire de la jeunesse. » ;

Mme Cécile Cukierman. - Sans angélisme, reconnaissons qu'une peine d'emprisonnement doit parfois être prononcée à l'encontre d'un mineur. Elle doit alors être assortie d'une mesure éducative, dans la perspective de la sortie et d'une pleine et entière réinsertion.

Mme Agnès Canayer, rapporteur. - Avis défavorable. L'article L. 121-4 du code de la justice pénale des mineurs prévoit déjà l'intervention continue de la PJJ et de l'Éducation nationale, puisque la scolarité est obligatoire jusqu'à 16 ans.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. - Même avis.

L'amendement n°12 est retiré.

L'article 4 est adopté.

Prochaine séance aujourd'hui, mercredi 27 janvier 2021, à 15 heures.

La séance est levée à minuit trente.

Pour la Directrice des Comptes rendus du Sénat,

Rosalie Delpech

Chef de publication

Annexes

Ordre du jour du mercredi 27 janvier 2021

Séance publique

À 15 heures

Présidence : M. Gérard Larcher, président du SénatSecrétaires : M. Loïc Hervé - Mme Corinne Imbert

. Questions d'actualité

À 16 h 30 et le soir

Présidence : Mme Valérie Létard, vice-présidente Mme Nathalie Delattre, vice-présidente

. Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, prorogeant l'état d'urgence sanitaire (texte de la commission, n°300, 2020-2021)

. Suite du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, ratifiant l'ordonnance n°2019-950 du 11 septembre 2019 portant partie législative du code de la justice pénale des mineurs (texte de la commission, n°292, 2020-2021)