SÉANCE

du lundi 22 juin 2020

94e séance de la session ordinaire 2019-2020

présidence de M. David Assouline, vice-président

Secrétaires : Mme Agnès Canayer, M. Joël Guerriau.

La séance est ouverte à 17 heures.

Le procès-verbal de la précédente séance est adopté.

Sortie de l'état d'urgence sanitaire (Procédure accélérée)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle l'examen du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, après engagement de la procédure accélérée, organisant la sortie de l'état d'urgence sanitaire.

Nominations à une éventuelle CMP

M. le président.  - J'informe le Sénat que des candidatures pour siéger au sein de l'éventuelle commission mixte paritaire chargée d'élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion de ce projet de loi ont été publiées.

Ces candidatures seront ratifiées si la présidence n'a pas reçu d'opposition dans le délai d'une heure prévu par notre Règlement.

Discussion générale

M. Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé .  - Au mois de mars, la situation exceptionnelle a justifié l'instauration d'un régime exceptionnel. Il le fallait. Nul ne pense que l'état d'urgence sanitaire a été une option regrettable ni une fantaisie catastrophique. Il a été scrupuleusement travaillé, enrichi et amendé par les représentants de la Nation. Quelles que soient les épreuves, la démocratie reste l'arme la plus efficace.

L'état d'urgence sanitaire expirera le 10 juillet. Est-ce la fin de l'épidémie ? J'aimerais vous répondre que oui. Malheureusement, il serait irresponsable de le faire. Les indicateurs sont rassurants, mais il faut rester vigilant.

Il n'y aura pas de prolongation de l'état d'urgence sanitaire, qui prendra fin le 11 juillet, mais la prudence reste de mise. Le Gouvernement a fait le choix éthique de la responsabilité. Si l'état d'urgence sanitaire n'est plus utile dans son intégralité, ne nous berçons pas d'illusions : les risques de redémarrage de l'épidémie restent.

L'Assemblée nationale a modifié la durée du régime transitoire, qui prendra fin le 30 octobre et non le 10 novembre. Elle a conservé des mesures dont la pertinence est indiscutable : limitation des déplacements, réglementation de l'usage des moyens de transport, encadrement de l'ouverture des établissements recevant du public et restriction des rassemblements. La plupart des autres mesures prévues pendant l'état d'urgence sanitaire resteront possibles mais dans les conditions du droit commun du code de la santé publique ou du code de commerce, notamment pour ce qui concerne la réglementation des prix. Le retour du droit commun, c'est la fin de l'exception mais pas la fin de la vigilance. Vous avez prévu de rendre le dispositif caduc au 1er avril 2021. Il faudra le repenser ensemble, à la lumière de l'expérience acquise, en espérant de tout coeur que ce virus aura alors trouvé sa place dans les livres d'histoire et qu'il aura complètement disparu de notre quotidien.

La sortie de l'état d'urgence ne sera pas une sortie sèche. Rien ne serait pire que la précipitation. N'oublions pas les semaines terribles que nous venons de connaître, et évitons d'augmenter le risque d'avoir à y être à nouveau confrontés. Les Français y sont sensibles, comme en témoigne l'émotion qu'ont soulevée certaines scènes lors de la Fête de la musique, hier.

L'état d'urgence sanitaire a été voté dans cet hémicycle, et je sais que vous vous êtes toujours montrés très vigilants et exigeants. Il a eu des conséquences lourdes sur notre économie. Le Président de la République n'a pas manqué de rappeler que nous avions fait passer la santé avant le reste « quoi qu'il en coûte ». Si c'était à refaire, nous ne ferions pas autre chose, parce que lorsque des vies sont en jeu, c'est une épreuve de vérité collective, où nous devons faire triompher nos valeurs les plus fondamentales.

Sur l'article 2, je tiens à vous remercier pour les mots que vous avez eus dans votre rapport quant à l'utilité de prolonger la durée de conservation des données pseudonymisées pour la recherche et pour la veille épidémiologiques.

La santé de nos concitoyens est une valeur fondamentale de notre Nation. Il y a des décisions qui coûtent, mais des enjeux qui n'ont pas de prix. L'état d'urgence sanitaire va prendre fin, mais notre vigilance doit demeurer intacte. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM)

M. Philippe Bas, rapporteur de la commission des lois .  - (S'exprimant de la tribune contrairement aux semaines précédentes) Je suis très heureux de retrouver cette tribune, qui nous a manqué !

Monsieur le ministre, la commission des lois s'est réunie ce matin dans des conditions difficiles. Après les lois du 23 mars et du 11 mai, la sortie de l'état d'urgence sanitaire aurait peut-être mérité que le Gouvernement donne un peu plus de temps au Parlement pour accomplir sa tâche. Il n'en est rien, de sorte que nous ne pouvons que nous inquiéter de la qualité du travail que nous pourrons faire au service de la qualité de la loi.

Vous annoncez une sortie de l'état d'urgence sanitaire. Nous n'avons pas fait du droit écrit la même interprétation. À l'article premier, vous reprenez exactement les trois catégories de pouvoirs qui vous ont été conférés dans l'état d'urgence sanitaire : restriction de la liberté d'aller et venir, de l'ouverture des établissements recevant du public, de la liberté de manifestation et de réunion.

Il est singulier que dans ces trois cas vous ayez repris les termes mêmes de la loi du 23 mars, tout en affichant que vous sortiez de l'état d'urgence. D'autant que vous demandez ces pouvoirs pour une durée double de celle que nous vous avions consentie lors de la précédente prorogation - quatre mois au lieu de deux mois.

Ce n'est aucunement une sortie de l'état d'urgence sanitaire, même si j'entends que vous ne prendrez pas de mesures aussi radicales que pendant le confinement.

Puisque la situation sanitaire s'améliore, il est très difficile de justifier que le Gouvernement continue à exercer les pouvoirs étendus conférés par l'état d'urgence sanitaire sans le dire.

C'est pourquoi, à l'article premier, la commission des lois a voulu substituer à ces pouvoirs des dispositions qui nous semblent exactement proportionnées à vos besoins. À vous de nous dire si nous avons réussi à vous donner les moyens nécessaires pour une sortie de l'état d'urgence sanitaire dans de bonnes conditions.

Le Conseil d'État a rappelé qu'un certain nombre de mesures prises, notamment en ce qui concerne le droit de manifestation et de réunion, étaient disproportionnées à la situation telle que le Gouvernement lui-même l'a décrite. Nous avons voulu y remédier.

Nous nous sommes montrés attentifs à la situation en Guyane et à Mayotte où certains élus contestent la nécessité de reconduire l'état d'urgence sanitaire. Nous acceptions que vous le fassiez, en vous faisant confiance pour y mettre fin, si la situation le permet, avant le terme des quatre mois, faute de quoi vous vous exposez à des recours.

Un équilibre avait été trouvé en CMP sur les mesures de quarantaine devenue quatorzaine puis septaine. Nous avons tenu à le maintenir.

Il convient de faciliter les déplacements entre l'outre-mer et la métropole dans des conditions qui assurent la meilleure sécurité sanitaire possible. Les tests de dépistage ne sont pas infaillibles, d'où les mesures de quatorzaine que nous avions défendues. Nous acceptons néanmoins des dépistages par test en considérant que l'amélioration de la situation sanitaire peut justifier un système qui est peut-être moins protecteur que la quatorzaine.

Sur la prolongation de la conservation des données, le travail de l'Assemblée nationale nous a semblé satisfaisant. Les données pseudonymisées permettront aux scientifiques de faire leur travail sans diffuser l'identité des personnes concernées. La durée de conservation n'excédera cependant pas trois mois.

En démocratie, il faut dire les choses telles qu'elles sont. Ce n'était pas un texte de sortie de l'état d'urgence sanitaire ; cela le devient après notre travail, notamment sur l'article L. 3131-1 que nous avons modifié, pour permettre au ministre de la Santé, voire au Premier ministre ou aussi au préfet, de disposer d'une base juridique solide, que vous n'aviez pas avant le 23 mars dernier et que vous n'aurez plus quand l'état d'urgence sanitaire aura disparu.

Le Sénat a à coeur de préserver les libertés publiques et de ne consentir aucune restriction qui ne soit pas strictement justifiée par la situation sanitaire. Si vous avez besoin de mesures plus sévères, il vous sera toujours possible de rétablir l'état d'urgence sanitaire par un décret. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC)

M. Philippe Bonnecarrère .  - Vigilance oui, état d'urgence non : nous avons compris votre approche, monsieur le ministre.

Deux questions cependant : ce texte est-il nécessaire ? Le droit commun permet-il de répondre aux questions posées à l'exécutif ? Il me semble que oui.

Avant d'entrer dans le débat, je souhaiterais rappeler que la moitié du mandat 2014-2020 aura été passée sous le régime de l'état d'urgence, qu'il soit lié au terrorisme ou à la crise sanitaire. L'exception devient une forme de règle.

Dès lors, les mesures que vous demandez sont-elles nécessaires ?

Le président de la commission des lois a souligné que ce texte était une prorogation de l'état d'urgence qui ne dit pas son nom, et en aucun cas une disposition pour y mettre fin. Je regrette une telle manoeuvre, d'autant que je n'en vois pas l'utilité. Les mesures que vous demandez sont déjà listées à l'article L. 3131-1 du code de la santé publique.

À l'article 2 de la loi du 23 mars, vous aviez donné un fondement législatif à ces mesures, en accordant au ministre de la Santé la totalité des pouvoirs qui figurent dans les dispositions en discussion aujourd'hui. Il reste à savoir si ce fondement est suffisamment solide pour justifier une restriction des libertés aussi importante. Pour moi, il l'est, car ces pouvoirs très larges sont accordés au ministre « afin d'assurer la disparition durable de la situation de crise sanitaire », et donc de manière normée.

L'exécutif a les moyens de son action, et point n'est besoin de l'article premier ; une loi inutile est par définition une loi bavarde.

Cette loi n'est pas liberticide, comme on a pu le dire, mais inutilement dérogatoire. Chacun sait qu'il y a un grand déséquilibre entre les pouvoirs de l'exécutif et ceux de nos assemblées. Les vieux principes de Montesquieu ont été remis en cause. Pourquoi renforcer encore les pouvoirs de l'exécutif, alors que notre pays a déjà été très suradministré récemment ?

Ne répondons pas à la crise sanitaire par une saturation d'ordonnances et de dispositions juridiques ; d'autres pays se sont montrés plus pragmatiques.

Je suis d'accord avec le principe de l'article 2 du projet de loi, dans l'intérêt de la connaissance épidémiologique. Cependant, la loi du 11 mai n'est pas très ancienne. N'oublions pas que certains d'entre nous, ici, se sont opposés à la création d'un fichier centralisé des patients. Vous avez assuré que la ligne rouge était le caractère épidémiologique ; aujourd'hui, ce même fichier devient pleinement épidémiologique. C'est ce que nous souhaitions.

Notre groupe s'exprimera avec sa liberté habituelle ; à titre personnel, je ne suis pas favorable à l'article premier, comme vous l'aurez compris. (M. Franck Ménonville applaudit.)

M. Jean-Pierre Sueur .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR) Monsieur le ministre, vous connaissez la gravité de la crise et vous avez beaucoup dit que la vigilance restait nécessaire. Nous ne pouvons oublier toutes les épreuves qui sont encore vécues, ni méconnaître la situation de l'épidémie dans le monde. Certains de nos compatriotes dorment sur un volcan : tout semble aller bien, mais le virus peut se réveiller.

Nous savons les grandes épreuves sociales qui nous attendent. Elles appellent des mesures de solidarité et de redistribution très fortes. Ce projet de loi, au moins son article premier, n'est pas utile. Soit on demeure dans l'état d'urgence, soit on le quitte.

Le député Hervé Saulignac a dit à l'Assemblée nationale que vous créiez quelque chose de neuf, entre le droit commun et l'état d'urgence : une sorte de pseudo-état d'urgence à géométrie variable et à durée aléatoire. C'est quelque chose de bizarre...

Ce projet de loi est en trompe-l'oeil et en faux-semblant. MM. Bas et Bonnecarrère l'ont montré : vous dites que l'état d'urgence sanitaire est terminé, et derechef vous donnez au Premier ministre l'ensemble des prérogatives de l'état d'urgence. Pourquoi ? Ce n'est pas sans rappeler ces chanteurs qui ont l'habitude des fausses sorties.

Comme l'ensemble de la gauche et une bonne partie de la droite à l'Assemblée nationale, nous voterons contre ce texte, et résolument contre l'article premier.

J'entends les efforts du président Bas pour sauver quelque chose de l'article premier, mais si peu en réalité. Nous avons déposé un amendement de suppression et d'autres pour garantir la liberté de circulation, l'ouverture des établissements qui reçoivent du public, la liberté de réunion et de manifestation. J'insiste sur la décision du Conseil d'État : la liberté de manifester est garantie par la Constitution. Bien sûr, il faut veiller aux exigences sanitaires, mais dès lors qu'elles sont respectées, cette liberté doit prévaloir.

L'article premier est inutile. Monsieur le ministre, vous êtes trop féru de loi pour ignorer l'article L. 3131-1 du code de la santé publique.

M. Philippe Bas, rapporteur. - Même nous, nous le connaissons. (Sourires)

M. Jean-Pierre Sueur.  - M. Bas l'a évoqué. Cet article vous permet de prendre des décisions larges en cas de circonstances exceptionnelles. Si vous aviez besoin de rouvrir l'état d'urgence, faites appel au Parlement. Nous sommes opposés à l'idée d'une assurance contre le retour devant le Parlement. Revenez en septembre si nécessaire, nous y sommes prêts.

Mme Catherine Conconne nous a incités à déposer un amendement en faveur de contrôles sanitaires pour l'accès aux territoires d'outre-mer quand des raisons de santé publique le justifient. C'est essentiel pour que le tourisme puisse se développer.

Des mesures spécifiques doivent pouvoir être prises pour Mayotte et la Guyane.

Nous ne serions pas défavorables à une loi qui se limiterait à l'article 2. La prolongation de la durée du recueil des données peut être acceptée, dès lors qu'elle reste limitée et qu'elle est justifiée à des fins de recherche.

Nous ne voterons pas ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR ; M. Philippe Bonnecarrère applaudit aussi.)

M. Jean-Claude Requier .  - (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE) La vie des Français poursuit son retour vers la normalité. Ce matin, cinémas, centres de vacances et casinos ont rouvert tout comme les écoles : les élèves ont pu retrouver leurs camarades et leurs professeurs pour clôturer symboliquement l'année scolaire. Hier, la Fête de la musique a pu être célébrée dans un élan de liberté retrouvée. Dans les établissements d'hébergement des personnes âgées dépendants (Ehpad) et les hôpitaux, la situation est sous contrôle, sauf à Mayotte et en Guyane. Dans quelques jours, nos concitoyens voteront au second tour des municipales, après une période inédite de suspension de la vie démocratique locale. Tout cela laisse à penser que l'urgence sanitaire est derrière nous. Si tel est le cas, l'état d'urgence n'est plus justifié.

Le retour à la normale fragilise les décisions prises sur ce fondement. Le Conseil d'État a suspendu et invalidé l'interdiction des manifestations organisées par l'association SOS Racisme et plusieurs syndicats.

Après l'époque de bouleversement que nous venons de connaître, il importe que les règles applicables soient claires afin de ne pas rajouter aux déstabilisations qui traversent déjà le pays. Le retour au droit commun doit être la norme.

Au moment de la prorogation, nous avions insisté sur l'importance du principe de proportionnalité des mesures prises aux circonstances de temps et de lieux. La lecture du code de la santé publique par le Conseil d'État est claire : les manifestations ne sont interdites que si la situation de l'épidémie l'exige et si aucune précaution sanitaire n'est prise.

L'article premier de ce texte maintient un certain nombre de compétences du Premier ministre au-delà de la période d'état d'urgence et pour une durée limitée. Certes, le virus reste mystérieux mais la situation des dernières semaines nous permet de cultiver une vigilance optimiste.

Le groupe RDSE était en majorité opposé au texte initial. Compte tenu de son évolution à l'Assemblée nationale et en commission des lois, la plupart de ses membres voteront pour.

L'article premier a en effet quasiment été vidé de sa substance.

Nos réserves portent principalement sur la façon de légiférer. Les pouvoirs du Parlement ont été affaiblis par le recours aux ordonnances et par un calendrier de travail très comprimé, mais aussi par la remise en discussion constante de certains sujets. Je pense notamment à l'utilisation des données personnelles à des fins de lutte contre l'épidémie. La superposition de deux dispositifs à finalités différentes - prévention ou recherche scientifique - et à modalités différentes - application ou fichier - a considérablement brouillé les débats.

Lorsque la crise sera derrière nous, il faudra réfléchir à éviter la multiplication des régimes exceptionnels et évaluer la pertinence de celui que nous mettons en place pour l'ensemble des graves crises sanitaires envisageables.

C'était une exigence déjà formulée par le radical Jacques Genton, rapporteur à l'Assemblée nationale de la loi d'état d'urgence du 3 avril 1955 : « Il eût été préférable de légiférer à ce sujet de manière abstraite et générale, c'est-à-dire de faire une loi en une période où elle n'aurait pas eu à s'appliquer dans l'immédiat et de ne pas prendre le prétexte d'une situation spéciale et contemporaine sur un point du territoire pour provoquer une intervention législative ». Ses mots restent d'actualité.

N'oublions pas les outre-mer. Ce n'est que le début de la fin de l'état d'urgence. Une vigilance optimiste reste de mise. Elle passe par le respect des principes de précaution. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE)

M. Julien Bargeton .  - L'examen de ce nouveau projet de loi me renvoie à un mot beaucoup utilisé, celui de responsabilité. Il incarne une éthique, un état d'esprit. Comme l'écrit Hans Jonas dans Le Principe responsabilité, c'est une attitude à tenir en cas de crise. Comment agir avec une éthique dans le monde d'aujourd'hui ?

Ce texte prévoit un régime transitoire de sortie de l'état d'urgence sanitaire, en conférant de nouvelles facultés au Premier ministre et aux préfets. La situation sanitaire justifie-t-elle la prise de mesures spécifiques ? Sur quel régime juridique fonder les dérogations dont nous avons besoin ?

Le Gouvernement, l'Assemblée nationale et le rapporteur ont répondu favorablement à la première question. Même si la situation s'améliore, le virus circule encore, avec 715 cas graves en réanimation. Ne gâchons pas les efforts accomplis.

Le confinement et l'état d'urgence sanitaire ont réduit la vitesse de propagation du virus et nous devons au personnel de santé de maintenir la vigilance. De quelle façon ? Il est contradictoire de reconnaître que la situation n'est pas stabilisée et de refuser tout régime spécifique. Une sortie sèche de l'état d'urgence sanitaire ne serait pas responsable. D'où le choix de l'Assemblée nationale, confirmé par la commission des lois, d'un régime transitoire permettant de mobiliser certains instruments jusqu'au 30 octobre. Bien sûr, ceux-ci doivent être encadrés.

Je salue le travail accompli notamment sur les territoires d'outre-mer. Je salue aussi les modifications apportées par la commission des lois à l'article premier. J'espère une commission mixte paritaire conclusive.

Ce projet de loi n'est pas un état d'urgence déguisé par pudeur malvenue. C'est un texte proportionné, approprié et nécessaire. Le juge administratif peut être saisi en référé, et le Parlement exerce son contrôle sur le Gouvernement.

Un consensus se dégage sur l'article 2. Saluons le travail de la rapporteure de l'Assemblée nationale. L'équilibre est respecté.

N'oublions pas les spécificités de l'outre-mer, Guyane et Mayotte. Je salue le travail de MM. Antoine Karam, Thani Mohamed Soilihi et Abdallah Hassani.

Le groupe LaREM soutiendra ce projet de loi équilibré qui préserve les objectifs de santé publique et répond à la nécessité de nous montrer vigilants tout en retrouvant une vie normale.

Mme Éliane Assassi .  - Depuis plusieurs semaines, la situation sanitaire est en voie d'amélioration. Nous pouvons nous en féliciter, même si nous devons faire preuve de vigilance et de responsabilité.

Le Gouvernement a privilégié une sortie de l'état d'urgence sanitaire, mais en prévoyant une période transitoire qui permettra de réactiver par voie de décret plusieurs dispositions déployées dans le cadre même de cet état d'exception. Au lieu de solliciter le Parlement pour prolonger l'état d'urgence sanitaire, le Gouvernement préfère lui demander de lui octroyer jusqu'au 30 octobre toutes les compétences pour agir seul par voie réglementaire en ce qui concerne les déplacements et l'accès aux transports, l'ouverture d'établissements recevant du public, et les rassemblements sur la voie publique. Ce qui fait dire à Stéphanie Henriette-Vauchez, professeure de droit public, qu'il s'agit là « d'enrichir la grammaire des droits d'exception d'un nouveau régime dérogatoire... »

Ce nouveau régime est profondément inutile. L'article L. 3131-1 du code de la santé publique offre déjà des pouvoirs extrêmement larges au ministre de la Santé en cas de circonstances exceptionnelles, et un décret pour les réactiver aurait suffi en cas de seconde vague.

Monsieur le ministre, ne devriez-vous pas plutôt continuer à consolider notre système de soins, à combler les carences en personnel, au lieu de rogner sur nos libertés publiques ? L'heure est plutôt à l'état d'urgence social qu'au prolongement d'un état d'urgence coercitif.

Pourquoi sortir de l'état d'urgence dans ces conditions ? Les peurs légitimes qu'a fait naître la crise sont instrumentalisées pour confiner nos libertés. « Avoir peur, c'est se préparer à obéir », a écrit Hobbes.

Nos concitoyens ne sont pas dupes. Les jeunes générations se lèvent pour exprimer leurs revendications contre les discriminations et les violences quelles qu'elles soient.

Nous vivrons encore avec ce virus ou bien d'autres à venir. Nous dessinons les conditions futures dans lesquelles nous souhaitons gérer les crises sanitaires. Pour nous, ce n'est certainement pas en limitant nos libertés publiques ou en renforçant les méthodes de surveillance généralisée.

Les risques de marchandisation des données personnelles sont réels. L'application StopCovid est un fiasco. Activée par 2 % de la population, elle n'est en réalité utilisée que par 0,5 % des Français.

Monsieur le ministre, je vous alerte une nouvelle fois sur le peu de cas qui est fait du Sénat avec un ordre du jour insatisfaisant. Le Sénat n'est pas une chambre d'enregistrement. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE, SOCR, UC et Les Républicains)

Ce projet de loi est inutile et dangereux. Il pérennise des mesures qui portent atteinte à notre droit commun. Nous n'en voulons pas. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE)

M. Franck Menonville .  - L'épidémie semble sous contrôle presque partout sur le territoire métropolitain. L'État doit tout de même accompagner les territoires où le virus continue à circuler activement. Nous n'oublions pas la Guyane et Mayotte.

La crise a coûté la vie à près de 30 000 de nos compatriotes et perturbé la vie de tous nos concitoyens, de notre économie et de nos entreprises. Depuis le 24 mars, des contraintes exceptionnelles ont été imposées à nos libertés individuelles. Nous ne pouvons que saluer le civisme et la responsabilité de nos concitoyens. Nous retrouvons peu à peu une liberté et une forme de normalité mais gardons à l'esprit l'imprévisibilité de ce virus.

Ce projet de loi organise la fin ou la sortie de l'état d'urgence sanitaire le 10 juillet. Il prévoit une période transitoire post-état d'urgence en prolongeant néanmoins certaines de ses dispositions.

Certaines sont importantes, eu égard aux tensions sociales de ces derniers mois, comme la possibilité de restreindre la liberté de manifester. Malgré les interdictions, des manifestations ont eu lieu dès la fin du confinement. Les règles juridiques ont été dépassées par l'émotion. Le Conseil d'État, dans une décision du 13 juin, a estimé qu'elles n'étaient pas justifiées dans le contexte sanitaire actuel.

Le texte exige des autorisations pour manifester sur la voie publique, au regard du respect des mesures barrières. La seule à imposer serait le port du masque, mais cela pose question au regard du maintien de l'ordre. Il ne faudra pas que cette disposition serve à interdire de manifester pour d'autres raisons que la lutte contre le virus. Il en est de même de la liberté d'aller et venir ou de la réouverture d'établissements recevant du public (ERP). Ces mesures de restriction doivent être limitées le plus possible.

Les territoires de la République ont été plus ou moins touchés par l'épidémie. Le partage des compétences entre État et collectivités territoriales doit être mieux réparti.

Les conditions sanitaires s'améliorent en France, mais la contamination augmente à l'échelle mondiale. Les mesures barrières doivent continuer à être appliquées.

Le groupe Les Indépendants soutient les objectifs de ce projet de loi, pour sortir de l'état d'urgence sanitaire tout en restant sur nos gardes. Nous veillons à ce que les mesures prises à titre exceptionnel le restent. Nous partageons les conclusions de la commission des lois.

M. Julien Bargeton.  - Très bien !

Mme Muriel Jourda .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Ce texte s'inscrit dans la droite ligne des lois du 23 mars et du 11 mai 2020, qui donnaient au Gouvernement des prérogatives pour prendre des mesures adaptées à la gravité de l'état sanitaire du pays. Le premier texte a inauguré, en quelque sorte, des prérogatives nombreuses conférées au Gouvernement. Le second, prenant acte de l'amélioration de la situation sanitaire, facilitait le déconfinement progressif en levant des restrictions appliquées à notre vie quotidienne. Ce desserrement a été différencié selon les territoires - vert, rouge, orange - et les libertés ont, petit à petit, été rétablies.

L'école, d'abord interdite, a été autorisée pour certains enfants avec un protocole sanitaire strict, avant de rouvrir par principe avec un protocole allégé. Sauf pour la Guyane et Mayotte, ce projet de loi prend acte de ce que la situation s'est très largement améliorée, même si elle peut très rapidement s'aggraver.

« Pour respecter les principes de nécessité et de proportionnalité », le projet de loi visait à « ouvrir un nouveau cycle », disait l'exposé des motifs. Très bien ! Je n'en changerais pas une virgule.

Pour autant, ce n'est pas ce qui est fait. Le texte sort de l'état d'urgence sanitaire. Nous n'y sommes effectivement plus, puisque celui-ci caractérise un état de catastrophe sanitaire mettant en péril, par sa nature et sa gravité, la santé de la population.

Or le Gouvernement demande que l'état d'urgence sanitaire soit maintenu. Les atteintes aux libertés sont larges, telles la possibilité d'interdire la circulation des personnes et véhicules, de fermer les établissements recevant du public, d'interdire des rassemblements sur la voie publique, ainsi que les réunions de toute nature...

Il nous est demandé de reconduire des mesures prises au plus fort de la crise sanitaire pour deux mois, mais cette fois pour quatre mois et alors que la situation sanitaire s'améliore ! La commission des lois a fait ce qui était prévu dans l'exposé des motifs : une sortie graduelle, avec une possibilité de revenir en arrière si besoin.

La commission des lois se contente de réglementer, en restaurant le principe de la liberté qui doit demeurer constant en droit français, sauf exception. Nous rétablissons la liberté totale de manifester.

Si la situation sanitaire se dégrade, le Gouvernement dispose déjà de l'article L. 3131-1 du code de la santé publique, aménagé par la commission des lois, pour donner de vastes pouvoirs au ministre de la « santé publique » : il ne convient pas d'aller au-delà pour le ministre de la Santé. Que M. le ministre ne s'en offusque pas... (Celui-ci fait signe que non.)

En cas de dégradation, il suffira d'un décret en conseil des ministres pour revenir à l'état d'urgence sanitaire. Le groupe Les Républicains y est favorable.

Concernant l'article 2, la conservation des données personnelles de santé avait été autorisée pour trois mois après la collecte. Le Gouvernement prévoit une conservation jusqu'à six mois après la fin de l'état d'urgence sanitaire. Ce n'est pas raisonnable, d'abord parce que ces trois mois ont été fixés par la CMP, donc par les deux chambres. Ensuite parce que les mesures introduites par le texte du 11 mai avaient été avalisées par le Conseil constitutionnel justement grâce à la limite apportée par le Parlement. Nous pourrons difficilement revenir sur ces garanties actées par le Parlement.

L'Assemblée nationale a admis une dérogation au délai de conservation des données, mais uniquement à des fins de recherche scientifique, pour mieux connaître le virus et faciliter la surveillance épidémiologique. Cela paraît raisonnable.

Le groupe Les Républicains votera le texte issu des travaux de la commission. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Olivier Véran, ministre.  - Madame la sénatrice, je ne m'offusque pas de vos remarques, encore moins des travaux réalisés en commission, davantage des procès d'intention sur des velléités cachées que certains prêtent au Gouvernement de vouloir limiter les libertés dans un texte qui vise à protéger les Français.

Nous échangerons sur l'article premier. Sur l'article 2, je me réjouis de la confiance qui est en passe de m'être accordée, après les travaux de l'Assemblée nationale. Nous concentrerons donc nos efforts constructifs sur l'article premier.

M. le président. - Tout le monde ayant envie que le ministre en charge soit dans l'hémicycle, nous reprendrons en sa présence, à 21 h 30.

M. Philippe Bas, président de la commission, rapporteur.  - Oui, la commission des lois va se réunir à 19 heures en salle René Monory pour examiner les amendements à son texte.

La séance est suspendue à 18 h 15.

présidence de M. Vincent Delahaye, vice-président

La séance reprend à 21 h 30.

Discussion des articles

ARTICLE ADDITIONNEL AVANT L'ARTICLE PREMIER

M. le président.  - Amendement n°2 rectifié bis, présenté par Mmes M. Carrère et Costes, MM. Requier, Cabanel et Castelli, Mme N. Delattre, MM. Gabouty, Guérini et Jeansannetas, Mmes Jouve et Laborde et MM. Roux, Vall et Labbé.

Avant l'article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le 8° du I de l'article L. 3131-15 du code de la santé publique est complété par les mots : « et les montants des prix contrôlés sont rendus publics et notifiés aux professionnels concernés ».

M. Joël Labbé.  - Lors de l'examen de la loi du 11 mai 2020, le Sénat avait adopté cet amendement rendant effectif le contrôle des prix des produits sanitaires de première nécessité pour éviter tout effet d'aubaine à la faveur de la crise sanitaire. Il garantissait une meilleure publicité des prix pour les consommateurs mais aussi les professionnels. Cet amendement a été supprimé en CMP ; nous le proposons à nouveau.

M. Philippe Bas, rapporteur.  - Avis défavorable. Le décret qui fixe les règles d'encadrement des prix est public.

M. Olivier Véran, ministre.  - Même avis.

L'amendement n°2 rectifié bis n'est pas adopté.

ARTICLE PREMIER

Mme Esther Benbassa .  - Mis en place le 23 mars, l'état d'urgence sanitaire a mis en quarantaine nos libertés individuelles, fondamentales et politiques. Face à la pandémie, nous avions accepté cet état de fait, tout en dénonçant les possibles dérives d'un tel droit d'exception. Nos craintes étaient fondées : le Gouvernement s'approprie des outils de l'état d'urgence sanitaire jusqu'au 30 octobre. Avec cet article, le Premier ministre et le préfet pourraient réguler la circulation des individus, le fonctionnement des établissements recevant du public et la tenue des rassemblements.

Si l'exécutif demande la fin de l'état d'urgence sanitaire, c'est qu'il estime que la crise sanitaire est sous contrôle. Dès lors, pourquoi entraver la liberté de se réunir et de manifester ?

Il n'est pas souhaitable de fondre le droit d'exception dans le droit commun. Avec la fin de l'état d'urgence sanitaire, nous attendons le déconfinement de nos droits et libertés ! L'exécutif ne saurait légiférer seul par décret, s'arrogeant tout pouvoir sur nos moindres faits et gestes.

Mme Laurence Cohen.  - Très bien.

M. Bruno Retailleau .  - Cet article est le plus important du projet de loi.

Nous avons soutenu les deux premiers textes de l'état d'urgence sanitaire, le 23 mars et deux mois plus tard, sans négocier ce soutien. Nous pensions, en effet, que notre devoir était de donner au Gouvernement les moyens d'assumer sa mission de protection des Français. Nous avons voté presque les yeux fermés.

Il aura fallu toute la subtilité du président Bas, toute la détermination des membres de la commission des lois pour trouver un chemin - étroit - qui ne nous conduise pas à rejeter ce texte. Son titre est savoureux et même sucré : sortie de l'état d'urgence sanitaire. Or vous prolongez de quatre mois les contraintes sur la liberté de circulation et de rassemblement ! Ce que vous demandez à la représentation nationale excède ce que l'état sanitaire actuel nécessite.

La singularité française méritera d'être étudiée. Nous avons eu le confinement le plus rigoureux, dur et long, l'arrêt de l'économie le plus brutal, l'état de droit parmi les plus contraints. Le Parlement a travaillé dans des conditions difficiles, la justice s'est quasiment interrompue. Il y a eu un transfert massif de pouvoirs vers l'exécutif.

Le Sénat a amendé le texte pour proportionner ces pouvoirs à l'état réel de l'urgence sanitaire. Il est arrivé à la limite de sa souplesse. Il ne faudra pas compter sur lui pour aller bien au-delà en CMP. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. le président.  - Amendement n°13, présenté par M. Sueur et les membres du groupe socialiste et républicain.

Supprimer cet article.

M. Patrick Kanner.  - Le 23 mars, alors que nous adoptions le premier texte d'état d'urgence dans les conditions que nous connaissons, j'avais évoqué un article 16 rampant à caractère sanitaire. Je ne croyais pas si bien dire !

Le « en même temps » que vous nous proposez ne nous convient pas. Nous pensions sortir de l'état d'exception. Quelle déception ! Être ou ne pas être : un état d'urgence est en vigueur ou ne l'est pas ; on le déclare et on le lève lorsque les conditions définies par la loi sont ou ne sont plus réunies. C'est noir ou blanc, pas gris. S'il y a un flou... vous connaissez la suite !

La sortie de l'état d'urgence ne s'aménage pas. Le droit commun doit redevenir la règle. Or tout en consentant à sortir du cadre de la loi du 23 mars, ce texte maintient l'état d'urgence dans sa substance pour une durée potentiellement indéterminée. Il y a là une contradiction. Vous estimez que le maintien des pouvoirs exorbitants est nécessaire ; nous demandons, nous, la levée à 100 % de l'état d'urgence sanitaire. Si vous deviez avoir besoin d'un nouvel état d'urgence, nous serons à vos côtés.

M. le président.  - Amendement identique n°15, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Mme Éliane Assassi.  - Monsieur le président Bas, nous partageons votre constat : la fin de l'état d'urgence sanitaire n'en est pas un.

Vous avez déclaré que vous ne proposeriez pas l'adoption telle quelle d'un texte que vous qualifiez d'ambigu - mais celui de la commission ne permet pas de sortir de l'ambiguïté. Vous proposez non plus une interdiction des manifestations mais leur « réglementation » - que le préfet Lallement saura sans nul doute rendre fort dissuasive.

On est dans l'état d'urgence sanitaire ou on ne l'est pas. Le texte de la commission ne rétablit pas les pouvoirs d'intervention des parlementaires et les pouvoirs exorbitants des préfets en matière de libertés publiques demeurent excessifs.

M. le président.  - Amendement identique n°17, présenté par MM. Labbé et Cabanel.

M. Joël Labbé.  - L'article premier brouille la frontière entre l'exception et le droit commun, avec les risques que cela comporte pour l'État de droit.

Alors que la population est appelée aux urnes, que les activités économiques reprennent et que la situation sanitaire continue de s'améliorer, ce nouveau régime dérogatoire semble disproportionné et inutile, même si la commission des lois en a fortement limité la portée.

Il faut rester vigilant sur les restrictions aux libertés, notamment le droit de manifester, sur lequel le Conseil d'État s'est récemment prononcé. Alors que s'ouvre le débat sur le monde d'après, les citoyens ressentent légitimement le besoin de s'exprimer en toute liberté.

M. Philippe Bas, rapporteur.  - J'aurais compris ces amendements sur le texte de l'Assemblée nationale, qui recopiait, à la virgule près, le régime de l'état d'urgence sanitaire, mais la rédaction est désormais tout autre : la fermeture des établissements recevant du public, les limitations aux libertés d'aller et venir, de réunion et de manifestation ont été purement et simplement retirées du texte par la commission des lois qui a intégralement réécrit l'article.

Madame Assassi, je ne retire rien de ce que j'ai dit : je considère qu'un texte qui reprend les principales mesures de l'état d'urgence sanitaire est un texte de prolongation de celui-ci. Il ne faut prendre que des mesures utiles pour la sortie de l'état d'urgence sanitaire. C'est ce que nous avons fait en restreignant le champ des mesures proposées.

Nous permettons au Gouvernement de faire ce qui est encore nécessaire et raisonnable, s'agissant des boîtes de nuit ou du port du masque dans les transports en commun, mais nous ne voulons rien de plus.

Je comprends que vos amendements marquent votre opposition politique, mais le Sénat se doit d'être pragmatique et de proposer une solution qui n'expose pas les libertés à des restrictions trop importantes mais permette tout de même, en cette période encore incertaine, d'appliquer, dans l'intérêt général, des précautions qui restent utiles.

S'il fallait faire plus, le Gouvernement pourrait toujours recourir à l'état d'urgence sanitaire. Nous sommes sur la piste d'atterrissage.

M. Patrick Kanner.  - Elle est glissante !

M. Philippe Bas, rapporteur.  - Retrouvons-nous autour d'une solution pratique, respectueuse des libertés. C'est la vocation du Sénat. (Applaudissements sur quelques travées du groupe Les Républicains)

M. Olivier Véran, ministre.  - Personne ne peut dire que le virus a disparu et que les outils de lutte ne sont plus utiles.

Mme Muriel Jourda.  - Personne ne le dit !

M. Olivier Véran, ministre.  - Personne ne peut dire qu'il faut s'en départir. Si vous votez cette suppression, il n'y aura plus aucune base légale pour imposer le port du masque dans les transports. Or j'avais cru comprendre que vous étiez sensibles à la question du masque...

Mme Éliane Assassi.  - Pas vous !

M. Patrick Kanner.  - Les Français l'ont compris !

M. Olivier Véran, ministre.  - Le Gouvernement vous demande une base légale pour interdire le rassemblement de 40 000 personnes dans un stade ou un lieu fermé. J'ai vu sur Twitter, hier soir, les commentaires s'étonnant de ces scènes de liesse lors de la Fête de la musique, notamment dans la capitale - on n'a pas partout fait respecter les mesures de restriction... Sans cet article, nous n'aurons aucune base pour interdire ce type de rassemblement, y compris en lieu clos.

Mme Esther Benbassa.  - Vous ne l'avez pas interdit !

M. Olivier Véran, ministre.  - Nous avons eu l'occasion de débattre des mesures de précaution à prendre à l'égard des territoires ultramarins. À l'heure actuelle, la situation en Guyane nous inquiète vivement. Sans cet article premier, je ne pourrais plus réguler les flux de voyageurs de et vers la Guyane, imposer le dépistage et l'isolement de ceux qui arrivent par exemple du Brésil... (Mme Éliane Assassi s'exclame.)

Si nous n'avons pas la loi, nous prendrons des décrets ; en tant qu'ancien parlementaire, je préfère requérir la confiance du Parlement.

J'entends les critiques sur les conditions d'examen et les délais contraints ; pour avoir passé des heures, des nuits sur les bancs du Sénat comme de l'Assemblée, je sais le sérieux de votre travail. Nous ne sommes pas dans un débat partisan : le virus n'a pas de parti. L'unité nationale en cette période est un signal de responsabilité collective que nous adressons aux Français.

Avis défavorable, tout en soulignant le sérieux du travail de la commission des lois, qui peut laisser espérer un accord en CMP.

Mme Laurence Cohen.  - Il ne nous a pas échappé que nous examinons le texte de la commission des lois et pas du Gouvernement, mais on peut quand même critiquer le Gouvernement !

À un moment, certains, y compris vous monsieur le ministre, n'étaient pas convaincus de l'utilité du masque. Qu'importe, ce n'est pas le sujet.

M. Olivier Véran, ministre.  - Si !

Mme Laurence Cohen.  - Vous voulez passer de manifestations libres, déclarées, à des manifestations autorisées. C'est liberticide.

Vous nous parlez de la situation en Guyane ? Entendez les appels au secours de nos collègues guyanais sur le manque de masques, d'équipements, de médecins et d'hôpitaux ! Ne mélangez pas les genres.

M. Philippe Bonnecarrère.  - L'essentiel est de lutter efficacement contre la pandémie. Faut-il passer par un nouveau texte de loi ? L'exécutif dispose de ses moyens traditionnels ainsi que ceux que lui octroie la loi du 23 mars, qui prévoit les modalités post-état d'urgence. L'article L. 3131-1 du code de la santé publique vous donne les mêmes moyens, monsieur le ministre. Vous avez donc à nos yeux les moyens de prendre les dispositions utiles face au risque de retour de la pandémie sans avoir besoin d'une nouvelle loi.

Le port du masque est couvert par le premier alinéa qui porte sur la réglementation des moyens de transport, les rassemblements par l'alinéa 6.

Dans quelles circonstances demanderiez-vous au Parlement de prononcer l'état d'urgence et quels moyens supplémentaires demanderiez-vous ? Rien ! Car vous n'en auriez pas besoin. (Applaudissements sur les travées des groupes SOCR et CRCE)

M. Rémi Féraud.  - Quelque chose ne va pas. Monsieur le ministre, vous avez évoqué les réactions suscitées par les rassemblements observés lors la Fête de la musique, notamment dans l'arrondissement de Paris dont je suis élu. Le sujet ne relève pas de la maire de Paris mais du préfet de police, qui n'a pas estimé devoir totalement interdire la Fête de la musique. (Mme Éliane Assassi s'exclame.)

Nous sommes en état d'urgence et pourtant il y a eu des rassemblements spontanés qui ont pris trop d'ampleur. En revanche, quand nous avons voulu ouvrir les parcs et jardins, vous n'avez pas fait confiance aux élus locaux et ils sont restés fermés bien trop longtemps.

À la demande de la commission des lois, les amendements identiques nos13, 15 et 17 sont mis aux voix par scrutin public.

M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°125 :

Nombre de votants 319
Nombre de suffrages exprimés 315
Pour l'adoption 100
Contre 215

Le Sénat n'a pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°18, présenté par Mmes Benbassa, Assassi et Apourceau-Poly, M. Bocquet, Mmes Brulin, Cohen et Cukierman, MM. Gay et Gontard, Mme Gréaume, M. P. Laurent, Mme Lienemann, M. Ouzoulias, Mme Prunaud et M. Savoldelli.

Alinéa 2

Supprimer cet alinéa.

Mme Esther Benbassa.  - Le 14 juin, Emmanuel Macron annonçait que la France métropolitaine passait en zone verte, augurant d'un prochain retour à la normale. Mais le Gouvernement a préféré instaurer un droit hybride entre le droit commun et le droit d'exception.

Si la pandémie est suffisamment sous contrôle pour que l'on sorte de l'état d'urgence, agissez en conséquence. Préconiser le port du masque ou les gestes barrières dans les transports nous paraît raisonnable, mais confier de telles prérogatives au Premier ministre est excessif et attentatoire à l'article 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen sur la liberté de circuler.

M. le président.  - Amendement n°23, présenté par le Gouvernement.

Alinéa 2

Supprimer les mots :

ou restreindre

M. Olivier Véran, ministre.  - Cet amendement précise la portée des notions retenues au premier alinéa, à l'issue des travaux en commission des lois.

La faculté générale de réglementer la circulation des personnes et des véhicules doit permettre, le cas échéant, de la restreindre au-delà d'un certain périmètre géographique, sans aller jusqu'à l'interdiction de sortie du domicile. Cela permettrait, en cas de cluster ou de début de résurgence de l'épidémie, de limiter la circulation des personnes au-delà d'une zone, par exemple une ville ou une intercommunalité.

M. Philippe Bas, rapporteur.  - La commission tient une position médiane, exactement calibrée, entre les deux amendements.

Non, madame Benbassa, le texte de la commission n'est pas contraire à la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen.

Non, monsieur le ministre, nous ne souhaitons pas vous permettre de réglementer ou interdire les déplacements. Si nécessaire, vous pouvez toujours déclarer, par décret, l'état d'urgence sanitaire.

Avis défavorable aux deux amendements.

M. Olivier Véran, ministre.  - Va-t-on déclarer l'état d'urgence sanitaire dans tout le pays dès lors qu'une chaine de contamination risque de nous échapper ? Ce n'est pas le virus qui circule, mais les gens. En cas de cluster, nous sommes en mesure de contrôler. C'est ce que nous avons fait aux Contamines-Montjoie. Et nous avons évité de prendre la balle en Haute-Savoie.

Nous avons détecté plusieurs clusters ces derniers temps ; avons-nous restreint de manière abusive la circulation des gens ? Quel usage pourrions-nous avoir de cette prérogative, hormis la protection de nos concitoyens ? J'ai bien creusé, je n'arrive pas à le concevoir. Avis défavorable à l'amendement n°18.

Il faut agir au plus près des situations ; je les ai rencontrées et j'ai dû agir en urgence, pour protéger les personnes. Si vous estimez que cet usage a été abusif, que la France ne doit pas avoir cette capacité d'action à l'avenir, soyez conscients que cela aura des conséquences sur l'arsenal dont nous disposons contre le virus.

M. Philippe Bas, rapporteur.  - Ne pouvez-vous concevoir d'alternative à la limitation de la circulation en cas de cluster ? Vous avez vous-même conçu une politique qui n'a pu être mise en oeuvre en mars faute de préparatifs, d'organisation, de matériel, de capacité de dépistage, de système d'information. Désormais cette politique est en vigueur et l'on est en mesure de remonter et casser les chaînes de contamination.

Cette alternative aux restrictions majeures des libertés publiques que vous avez fait supporter au pays, nous l'avons désormais. Il est également possible d'isoler un territoire en y décrétant l'état d'urgence sanitaire ; c'est ce que nous nous apprêtons à faire pour la Guyane et Mayotte.

Nous ne vous laissons pas les mains nues face aux contaminations locales, vous avez toute une panoplie. Vous pouvez maîtriser la contagion par d'autres moyens que le régime que nous avons été condamnés à accepter, faute de mieux, depuis le confinement. Cessons de penser que la première décision doit être de restreindre les libertés ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Olivier Véran, ministre.  - Des clusters sont repérés tous les jours et contenus en maîtrisant les chaînes de contamination, sans interdiction de circulation.

Dire que c'est faute de masques et de tests que nous aurions décidé du confinement, c'est un raccourci. Tous les pays ont confiné, même la Chine, premier producteur de tests et de masques.

M. Bruno Retailleau.  - Ce n'est pas notre modèle !

M. Olivier Véran, ministre.  - Prenez Singapour, alors ! Personne n'a envie de reconfiner, même une ville.

Vous nous exhortiez à suivre les avis du Conseil scientifique ; il nous invite à rester armés. Imaginez un cluster avec super-contamination, dans la ville imaginaire d'Atlantide, 150 malades, une population paniquée qui fuit la ville... alors que nous avons mis en place le contact tracing !

M. Philippe Bas, rapporteur.  - État d'urgence sanitaire.

M. Olivier Véran, ministre.  - Que n'ai-je entendu au Sénat sur l'état d'urgence sanitaire ! Le consensus ne coulait pas de source. S'il est déclenché dans tout le pays, ou même localement....

M. Jérôme Bascher.  - Ne refaites pas l'histoire !

M. Olivier Véran, ministre.  - Je l'ai vécue !

Si je disais « jamais », vous me reprocheriez de ne pas anticiper. Certains pays ont déconfiné mais pris localement des mesures de limitation temporaire de la circulation.

J'y reviendrai en seconde lecture, car j'y crois. Vous avez été vigilants, piquants même, pour demander des mesures pour protéger les Français... et me les refuser quand je les demandais. Je suis cohérent.

M. Philippe Bas, rapporteur.  - La Corée du Sud a su maîtriser l'épidémie sans confiner. Preuve que l'on pouvait agir sans porter une atteinte sans précédent aux libertés publiques, sans mettre en péril l'économie et déclencher une vague de chômage dont les conséquences sociales et sanitaires se feront sentir pendant des années.

Si vous considérez qu'il n'y a pas mieux que le confinement face à une recrudescence de la contamination, nous avons du travail à faire !

M. Olivier Véran, ministre.  - Il n'est pas question de confinement, vous le savez très bien !

M. Philippe Bas, rapporteur.  - Encore une fois, vous avez l'état d'urgence sanitaire si nécessaire pour restreindre la liberté de circulation. Ce n'est pas rien ! Le Conseil constitutionnel et le Conseil d'État vous ont rappelé qu'il y avait des limites à la restriction des libertés publiques. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

L'amendement n°18 n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°23.

M. le président.  - Amendement n°19, présenté par Mmes Benbassa, Assassi et Apourceau-Poly, M. Bocquet, Mmes Brulin, Cohen et Cukierman, MM. Gay et Gontard, Mme Gréaume, M. P. Laurent, Mme Lienemann, M. Ouzoulias, Mme Prunaud et M. Savoldelli.

Alinéa 3

Supprimer cet alinéa.

Mme Esther Benbassa.  - Les secteurs du tourisme et de la restauration ont été durement impactés par la crise sanitaire. Leurs pertes s'élèvent à plusieurs milliards d'euros de chiffre d'affaires. Il est vital qu'ils puissent reprendre leurs activités au plus vite. S'il l'on conçoit que des réglementations soient maintenues quelque temps, notamment en matière de gestes barrières, il paraît excessif de confier de telles prérogatives au Premier ministre. Si la situation sanitaire est propice à ce que l'état d'exception s'achève, les mesures qui y ont trait doivent cesser de s'appliquer.

M. le président.  - Amendement n°24, présenté par le Gouvernement.

Alinéa 3

Avant le mot :

Réglementer

insérer les mots :

Ordonner la fermeture provisoire et

M. Olivier Véran, ministre.  - Le Gouvernement souhaite pouvoir maintenir fermés les établissements d'une certaine catégorie, compte tenu des risques sanitaires demeurant au-delà du 10 juillet.

Nous n'agissons pas de gaieté de coeur. Les discothèques souhaitent pouvoir rouvrir, leurs responsables aspirent légitimement à vivre de leur activité. Les Français veulent retourner danser, je l'entends.

Mme Esther Benbassa.  - Oui !

M. Olivier Véran, ministre.  - C'est un crève-coeur, mais le risque inhérent à une réouverture est beaucoup trop lourd.

Monsieur le président Bas, nous n'aspirons en aucune façon à reconfiner le pays. En Corée du Sud, une personne sortant dans des boîtes de nuit en a contaminé des dizaines d'autres, faisant repartir l'épidémie. Certaines situations sont plus à risque que d'autres.

Cet amendement nous permet de fermer certains lieux, même si l'épidémie se tasse. Nous allons bien sûr accompagner et soutenir les gérants des établissements concernés.

Pour déclencher l'état d'urgence sanitaire, il faut une catastrophe sanitaire, ce que n'est pas la contamination de quarante personnes dans une commune. Si l'on attend la catastrophe pour agir, on est sûr d'y arriver ! Mieux vaut prévenir que guérir.

M. Philippe Bas, rapporteur.  - Avis défavorable aux deux amendements pour les raisons de principe déjà exposées.

M. Olivier Véran, ministre.  - Avis défavorable à l'amendement n°19.

L'amendement n°19 n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°24.

M. le président.  - Amendement n°25, présenté par le Gouvernement.

I.  -  Alinéa 5

Rédiger ainsi cet alinéa :

4° Imposer aux personnes souhaitant se déplacer par transport public aérien à destination ou en provenance du territoire métropolitain ou de l'une des collectivités mentionnées à l'article 72-3 de la Constitution de présenter le résultat d'un examen de biologie médicale.

II.  -  Alinéa 17

Rétablir le IX dans la rédaction suivante :

IX.  -  À la première phrase du premier alinéa du II de l'article L. 3131-15 du code de la santé publique, le mot : « national » est remplacé par le mot : « hexagonal ».

M. Olivier Véran, ministre.  - Un mot d'abord pour m'assurer que nous avons la même interprétation du texte. Nous comprenons que le Premier ministre pourra réglementer tous les rassemblements mentionnés à l'alinéa 4, y compris pour les soumettre non à autorisation préalable, comme dans l'état d'urgence sanitaire, mais à une simple déclaration préalable laissant au préfet la possibilité de les interdire en cas de troubles graves à l'ordre public au sens de l'article L. 211-4 qui inclut les risques sanitaires, ainsi que l'a jugé le Conseil d'État dans son ordonnance du 13 juin dernier. (M. Philippe Bas, rapporteur, le confirme de la tête.) Nous sommes d'accord.

J'en viens à l'amendement qui rétablit la faculté d'imposer la réalisation de tests virologiques dans le cadre du transport public aérien et la possibilité de prescrire des mesures de mise en quarantaine ou de placement à l'isolement, à l'arrivée dans le territoire hexagonal depuis un territoire ultramarin.

M. le président.  - Amendement n°5 rectifié bis, présenté par MM. Artano, Requier et Cabanel, Mme M. Carrère, M. Castelli, Mmes Costes et N. Delattre, MM. Gabouty, Guérini et Jeansannetas, Mme Laborde et MM. Roux et Vall.

Alinéa 5

Rédiger ainsi cet alinéa :

4° Imposer aux compagnies de transport aérien de prévoir un examen de biologie médicale préalable pour les passagers en provenance du territoire métropolitain vers l'une des collectivités mentionnées à l'article 72-3 de la Constitution.

M. Jean-Claude Requier.  - Soumettre les citoyens ultramarins à un test obligatoire à l'entrée en métropole est discriminant : faute de tests, beaucoup renoncent à leur déplacement. C'est pourquoi cet amendement prévoit que les compagnies aériennes concourent elles-mêmes à la conduite des tests. Chacun y a intérêt.

M. le président.  - Amendement n°22, présenté par M. Menonville.

Alinéa 5, première phrase

Après le mot :

dépistage

insérer le mot :

virologique

M. Franck Menonville.  - Cet amendement clarifie la nature de l'examen biologique dont les résultats doivent être présentés par les personnes souhaitant se déplacer.

Le dépistage virologique est le plus pertinent sur le caractère contaminant d'une personne. Un voyageur peut être positif à un test sérologique et ne plus être contagieux. Les conséquences d'une telle mesure peuvent être lourdes sur les déplacements et l'économie.

M. le président.  - Amendement n°4 rectifié bis, présenté par MM. Artano et Cabanel, Mme M. Carrère, MM. Castelli et Collin, Mme Costes, MM. Gabouty et Guérini, Mme N. Delattre, M. Jeansannetas, Mme Laborde et MM. Labbé, Requier, Roux et Vall.

Alinéa 5, première phrase

Compléter cette phrase par les mots :

et de s'y soumettre après leur déplacement

M. Joël Labbé.  - Dans la même logique d'adaptation de la loi aux plus vulnérables, cet amendement remplace la quatorzaine par des dépistages sept jours après l'arrivée en outre-mer.

Le passager s'engagerait à réaliser deux tests sérologiques et virologiques avant l'embarquement, au moment de la réservation. Puisque le premier est inscrit dans la loi, il est pertinent de faire de même pour le second.

M. Philippe Bas, rapporteur.  - Le texte de la commission prévoit des mesures suffisantes. Imposer sans distinction une mesure générale de présentation d'examen de biologie médicale avant de se déplacer en avion est beaucoup trop large, monsieur le ministre. Il faut dire que c'est uniquement applicable aux personnes venant de zones infectées. Sinon, nous risquons de nous exposer à nouveau aux reproches du Conseil d'État, qui nous a enjoint de ne pas interdire les cérémonies religieuses, mais les règlementer. Ici, c'est la même chose : il faut tenir compte des zones encore infectées.

L'arrêté du ministre de la Santé du 22 mai étend potentiellement les zones infectées à l'ensemble du territoire national et même du monde... Je crois qu'il sera rapidement jugé illégal : si vous devez déterminer des zones, ça ne peut pas être le monde entier. Avis défavorable à l'amendement n°25, d'autant que notre texte permet d'appliquer les mesures là où elles sont nécessaires.

Avis défavorable à l'amendement n°5 rectifié bis car il met à la charge des compagnies aériennes l'obligation du dépistage. Or c'est la responsabilité de l'État.

Parle-t-on du dépistage virologique, à l'amendement n°22 ?

M. Olivier Véran, ministre.  - Oui !

M. Philippe Bas, rapporteur.  - Le ministre répond que oui. Aussi, avis favorable.

Enfin, l'amendement n°4 rectifié bis paraît excessif. Avis défavorable.

M. Olivier Véran, ministre.  - L'amendement n°22 a des qualités mais il est de moindre portée que le mien. Avis défavorable, ainsi qu'aux suivants.

M. Michel Magras.  - Je souscris aux propos du président Bas.

Personne n'a contesté que le pouvoir de confiner était du ressort du Gouvernement, même si les Ultramarins peuvent regretter le confinement alors qu'il n'y avait pas encore de cas. À l'inverse, le déconfinement ne peut pas être appliqué unilatéralement. Ce doit fait collectivité par collectivité. Personne n'imagine que les mêmes mesures soient appliquées à Saint-Martin et à Saint-Barthélemy alors que la situation est différente.

Je suis parti de Saint-Barthélemy à Saint-Martin puis à Pointe-à-Pitre et à Paris il y a deux jours. On ne m'a rien demandé. À mon retour, on me demanderait de rester chez moi quinze jours ? Est-ce normal ? Entre les territoires ultramarins eux-mêmes, on n'impose rien.

À Saint-Barthélemy, seul le BTP peut travailler ; vous avez créé les conditions pour couler l'économie touristique. Sur 25 km2, le tourisme intérieur n'a pas de sens. Cela n'en a pas non plus de demander à un Américain qui arrive sur l'île de se confiner quinze jours.

L'amendement n°25 n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°5 rectifié bis.

L'amendement n°22 est adopté.

L'amendement n°4 rectifié bis n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°20, présenté par Mmes Benbassa, Assassi et Apourceau-Poly, M. Bocquet, Mmes Brulin, Cohen et Cukierman, MM. Gay et Gontard, Mme Gréaume, M. P. Laurent, Mme Lienemann, M. Ouzoulias, Mme Prunaud et M. Savoldelli.

Alinéa 12

Supprimer cet alinéa.

Mme Esther Benbassa.  - Cet alinéa prévoit que les deux chambres sont « informées sans délai des mesures prises par le Gouvernement » dans le cadre de la mise en application de l'article premier.

Il est évidemment nécessaire que l'Assemblée nationale et le Sénat puissent exercer un suivi des lois votées.

Nous tenons cependant à dénoncer l'attitude du Gouvernement vis-à-vis du pouvoir législatif. Cet alinéa est révélateur du rôle que l'exécutif souhaite confier au Parlement. Alors que le Premier ministre serait habilité à légiférer par décret, le Parlement serait lui cantonné à un simple rôle d'observateur que l'on informe par courtoisie institutionnelle. Or c'est bien le Gouvernement qui est responsable politiquement devant le Parlement. Il n'est pas acceptable que les chambres soient ramenées à un rôle d'enregistrement. Plus qu'un devoir d'information, le Gouvernement doit garantir les conditions adéquates d'exercice du Parlement.

M. Philippe Bas, rapporteur.  - Avis défavorable car le Sénat veut bien entendu garder un contrôle parlementaire digne de ce nom.

M. Olivier Véran, ministre.  - Avis défavorable.

L'amendement n°20 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°11, présenté par M. Sueur et les membres du groupe socialiste et républicain.

Alinéa 13

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Les avis du comité de scientifiques sont rendus publics sans délai.

M. Patrick Kanner.  - Les décisions du Conseil scientifique doivent être les plus transparentes possible. Les Français doivent connaître ses avis le plus vite possible.

Or ses avis ont pu tarder à être connus. Si ses avis ont une importance, il faut les faire connaître rapidement.

M. Philippe Bas, rapporteur.  - Il est arrivé que les avis du Conseil soient retenus plusieurs jours. Or, comme il a pris un statut législatif, la transparence est de mise. Je salue cet amendement particulièrement heureux. Avis favorable.

M. Olivier Véran, ministre.  - Je ne puis être qu'heureux que le Parlement souligne la transparence du Gouvernement via la mise en ligne des avis du Conseil scientifique. Une erreur de mise en ligne a été corrigée sous huit minutes, une fois l'alerte sénatoriale donnée. Le délai observé me semble raisonnable mais je n'ai aucune difficulté avec la mise en ligne « sans délai ». C'est une constante depuis le début de la crise : nous n'avons rien à cacher. Avis favorable.

L'amendement n°11 est adopté.

M. le président.  - Amendement n°21, présenté par Mme Benbassa et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Alinéa 15

Supprimer cet alinéa.

Mme Esther Benbassa.  - Cet alinéa prévoit que le Premier ministre ait recours aux mesures coercitives et répressives prévues dans les lois d'urgence sanitaire, une fois le confinement levé. Le Gouvernement cherche donc à les banaliser. De telles mesures ne sauraient être utilisées hors du cadre dans lequel elles ont été édictées. Des dispositions pénales exceptionnelles ne sauraient devenir la règle.

M. Philippe Bas, rapporteur.  - Avis défavorable. Quand il y a des règles, il faut des sanctions pour ceux qui ne les respectent pas ; sinon, il n'y a plus de règle.

M. Olivier Véran, ministre.  - Avis défavorable.

L'amendement n°21 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°3 rectifié bis, présenté par MM. Artano, Requier et Cabanel, Mme M. Carrère, M. Castelli, Mmes Costes et N. Delattre, MM. Gabouty, Guérini et Jeansannetas, Mme Laborde et MM. Roux, Vall et Labbé.

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

....  -  À la seconde phrase du dernier alinéa du II de l'article L. 3131-15 du code de la santé publique, après les mots : « sont assurés », sont insérés les mots : « la mise en oeuvre des constatations médicales préalables au placement à l'isolement, ».

M. Jean-Claude Requier.  - Dans les îles d'outre-mer, la suspension des moyens de transport a des conséquences bien plus lourdes que dans l'hexagone sur toutes les chaînes d'approvisionnement, notamment pour le système de santé. Il faut des liens avec la métropole et donc des tests, avec des conditions de mise en oeuvre au niveau décrétal.

M. Philippe Bas, rapporteur.  - Je ne crois pas qu'on puisse régler le manque de moyens et d'organisation ainsi. Le ministre vous convaincra peut-être de retirer votre amendement...

M. Olivier Véran, ministre.  - L'amendement est satisfait. Retrait ? Les conditions de la mise en oeuvre des constatations médicales avant mise à l'isolement sont déjà prévues par décret.

L'amendement n°3 rectifié bis est retiré.

M. le président.  - Amendement n°26, présenté par le Gouvernement.

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

....  -  Les attributions dévolues au représentant de l'État par le présent article sont exercées à Paris et sur les emprises des aérodromes de Paris-Charles de Gaulle, du Bourget et de Paris-Orly par le préfet de police.

M. Olivier Véran, ministre.  - Quelque chose me dit que cet amendement peut être voté. Il porte sur les attributions dévolues au préfet de police sur les trois aéroports parisiens.

M. Philippe Bas, rapporteur.  - Vous avez convaincu la commission. Avis favorable.

L'amendement n°26 est adopté.

L'article premier, modifié, est adopté.

ARTICLE ADDITIONNEL

M. le président.  - Amendement n°14, présenté par Mme Conconne et les membres du groupe socialiste et républicain.

Après l'article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

À compter de la fin de l'état d'urgence sanitaire déclaré par l'article 4 de la loi n°2020-290 du 23 mars 2020 d'urgence pour faire face à l'épidémie de covid-19 et prorogé par l'article 1er de la loi n°2020-546 du 11 mai 2020 prorogeant l'état d'urgence sanitaire et complétant ses dispositions, dans les circonscriptions territoriales où l'état d'urgence sanitaire avait été déclaré, et jusqu'au 30 octobre 2020 inclus, le Premier ministre peut, par décret pris sur le rapport du ministre chargé de la santé, aux seules fins de garantir la santé publique imposer aux personnes souhaitant se déplacer par transport public aérien à destination ou en provenance du territoire métropolitain ou de l'une des collectivités mentionnées à l'article 72-3 de la Constitution de présenter le résultat d'un examen de biologie médicale. 

Le premier alinéa du présent article ne s'applique pas aux déplacements par transport public aérien en provenance de l'une des collectivités mentionnées à l'article 72-3 de la Constitution qui n'est pas mentionnée dans la liste des zones de circulation de l'infection mentionnée au II de l'article L. 3131-15 du code de la santé publique.

Mme Viviane Artigalas.  - Les régions d'outre-mer ont été diversement touchées par l'épidémie. Le virus circule encore en Guyane et à Mayotte alors qu'il a relativement épargné la Martinique, la Guadeloupe et La Réunion. À ce jour, les cas détectés sur ces trois territoires sont uniquement des cas importés.

Pour ces territoires, l'enjeu est la reprise normale des liaisons aériennes et le retour progressif des touristes et des ultramarins de l'hexagone, tout en empêchant l'importation du virus.

Depuis le 9 juin, un dispositif expérimental préconise la réalisation d'un test virologique dans les 72 heures qui précèdent son départ. Les mesures de septaine et de quatorzaine ont vocation à disparaître ; elles sont assez dissuasives pour les touristes.

Cet amendement maintient la possibilité donnée au Premier ministre, jusqu'au 30 octobre, de prendre un décret pour imposer des tests virologiques aux personnes souhaitant se rendre dans les outre-mer.

M. Philippe Bas, rapporteur.  - Les auteurs de l'amendement partaient de l'hypothèse que l'article premier serait supprimé. Or cet article qui vient d'être voté, et qui, certes, n'a peut-être pas le souffle de votre amendement, prévoit la même règle. Retrait pour éviter la confusion ?

M. Olivier Véran, ministre.  - Même avis.

Mme Viviane Artigalas.  - Je trouvais que notre amendement était plus précis. Néanmoins, je retire.

L'amendement n°14 est retiré.

ARTICLE PREMIER BIS A

M. Fabien Gay .  - Cette loi nous achemine doucement vers le retour à la normale, sauf pour le droit du travail.

À l'occasion de la loi du 23 mars, un catalogue de mesures régressives pour les salariés ont été adoptées. Les employeurs ont pu imposer unilatéralement des jours de congé aux salariés et aux fonctionnaires, ils ont pu déroger au temps de travail et aux repos hebdomadaires et dominicaux. Depuis trois mois, les entreprises profitent pleinement de la déréglementation du travail pour exploiter toujours plus.

Pourquoi attendre fin décembre pour le retour du repos dominical et la liberté du choix des jours de repos ? Le Gouvernement va transformer l'exception en règle.

M. le président.  - Amendement n°29, présenté par le Gouvernement.

Supprimer cet article.

M. Olivier Véran, ministre.  - Il est beaucoup trop tôt pour modifier le champ d'application de l'article L. 3131. Nous avons besoin de temps de réflexion. Nous ferons le bilan de cette crise et nous l'avons fixé à avril au plus tard. Nous ne pouvons pas donner une portée nouvelle à cet article L. 3131 par l'entremise d'un amendement.

M. Philippe Bas, rapporteur.  - Lorsque nous aurons créé une commission d'enquête, nous dresserons le bilan de la crise sanitaire et nous proposerons des instruments pour surmonter les crises sans atteinte trop grave aux libertés individuelles et collectives.

Il nous incombe de converger. Jusqu'à présent, le Sénat s'est montré constructif. Vous nous demandez d'attendre, monsieur le ministre. Mais si nous avions adopté votre article premier en l'état, vous auriez eu des moyens d'action bien plus importants que ceux que nous vous donnons avec notre rédaction.

Parce qu'il lui a paru nécessaire de ne pas baisser la garde, le Sénat a souhaité laisser le Gouvernement utiliser l'article L. 3131-1 qui donne, de fait, au ministre de la Santé les pleins pouvoirs, mais cet article est juridiquement très fragile. Par la loi du 23 mars, nous vous avons donné cette possibilité, pour éviter que la décision du confinement qui date du 16 mars ne soit annulée pour excès de pouvoir.

C'est maintenant que vous pourriez avoir besoin de cet article qui est trop fragile, d'où l'adoption de cet article premier bis A en commission. C'est pourquoi la commission des lois en veut le maintien.

L'amendement n°29 n'est pas adopté.

L'article premier bis A est adopté.

ARTICLE PREMIER BIS

M. Antoine Karam .  - Je remercie tous les sénateurs qui ont eu une attention pour la Guyane. Au moment où je vous parle, le nombre de cas explose et nous allons franchir la barre des 2 500 cas ; nous déplorons 8 morts, pas tous âgés de plus de 70 ans.

Viendra le temps de désigner les responsables parce que le confinement et le déconfinement ont été décidés à contretemps. On oublie que la Guyane n'est pas en Europe. Elle est en Amérique du Sud.

Le pic est attendu à la mi-juillet. Nous avons aussi une épidémie de dengue et de leptospirose, véhiculée par les rats. Et avec tout cela, notre système hospitalier est très en retard.

La ministre de l'outre-mer arrive demain ; j'espère qu'elle répondra aux questions que nous posons depuis trois mois : qu'est-ce que cela coûtait d'installer un hôpital de campagne, de multiplier les tests, les faisant passer de 400 à 3 000 ? C'est ainsi qu'on peut être en mesure de connaître l'ampleur de l'épidémie.

Enfin, ne tirons pas prétexte de la fâcherie avec M. Bolsonaro pour ne pas tenir compte de la proximité du Brésil. (Applaudissements)

M. le président.  - Amendement n°27, présenté par le Gouvernement.

Alinéa 2

Supprimer les mots :

et pendant la période mentionnée au même I

M. Olivier Véran, ministre.  - Cet amendement est de clarification.

M. Philippe Bas, rapporteur.  - Avis favorable.

L'amendement n°27 est adopté.

M. le président.  - Amendement n°12, présenté par M. Sueur et les membres du groupe socialiste et républicain.

Alinéa 2

Remplacer les mots :

au premier alinéa

par les mots :

aux premier et deuxième alinéas

M. Patrick Kanner.  - Nous aurions voulu que le ministre réponde à l'intervention très forte de M. Karam.

Cet amendement prévoit une information immédiate du Parlement sur les mesures prises dans le cadre de l'état d'urgence sanitaire.

Si le président Bas le demande, je le retirerai.

M. Philippe Bas, rapporteur.  - Cet amendement réaffirme à bon escient le rétablissement du contrôle parlementaire si un nouvel état d'urgence sanitaire devait être déclaré ; mais cette disposition est déjà prévue dans la loi du 23 mars. Nul besoin de le rajouter dans la nouvelle loi. Retrait ?

M. Olivier Véran, ministre.  - Même avis.

Monsieur le sénateur Karam, vous avez tout dit sur la situation en Guyane : l'alerte y est sérieuse. Mais les malades sont plus jeunes, d'où moins de formes graves et d'admissions en réanimation...

Un A400-M sera envoyé en Guyane avec du matériel pour renforcer le nombre de tests et la prise en charge médicale.

Près de 70 membres de la réserve sanitaire ont été déployés, des épidémiologistes, des médecins référents... Nous suivons attentivement la situation à Saint-Laurent-du-Maroni, jusqu'ici plutôt épargné.

La frontière avec le Brésil est un point de vigilance, et nous ferons bien sûr preuve d'humanisme vis-à-vis des malades brésiliens sur notre territoire.

L'amendement n°12 est retiré.

M. le président.  - Amendement n°28, présenté par le Gouvernement.

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

....  -  L'article 1er de la présente loi est applicable dans les territoires mentionnés aux I et II du présent article, lorsque l'état d'urgence sanitaire n'y est pas en cours d'application.

M. Olivier Véran, ministre.  - Amendement de clarification.

M. Philippe Bas, rapporteur.  - Avis favorable.

L'amendement n°28 est adopté.

L'article premier bis, modifié, est adopté.

ARTICLE 2

Mme Esther Benbassa .  - Il y a quelques mois, nous demandions des mesures préventives pour endiguer l'épidémie... Mais à la production de masques et de tests, le Gouvernement a préféré le confinement et la collecte informatique de données personnelles.

Nous craignions une société orwellienne de tracking généralisé. Or cet article 2 n'est pas de nature à nous rassurer, puisqu'il proroge la durée de conservation des données collectées.

On nous disait pourtant que la collecte et la conservation des données n'iraient pas au-delà de l'état d'urgence sanitaire, soit le 10 juillet. Cela pose un sérieux problème de confidentialité et d'atteinte à la vie privée des Français. J'ai peur qu'une fois de plus le Gouvernement ne fasse fausse route. Il faut dépister plutôt que pister !

M. Philippe Bonnecarrère.  - La loi du 11 mai avait vu la création d'un fichier national, centralisé dont le but était de casser les chaînes de contamination. Nous avions eu un débat vif, qui avait été tranché avec le soutien de plusieurs commissions de notre assemblée dans le sens souhaité par le Gouvernement : celui de casser les chaînes de contamination. Un fichier centralisé sans anonymisation était constitué mais sans objectif épidémiologique. Beaucoup d'entre nous voulaient un fichier anonyme. Le Gouvernement avait convenu que la seule information dans le fichier serait la contamination au Covid-19 : le choix avait donc été de créer un fichier non épidémiologique.

À présent, l'objectif a changé : nous sommes sur des données anonymes à caractère épidémiologique. Je suis heureux que le Gouvernement ait évolué sur le sujet.

M. le président.  - Amendement n°1 rectifié bis, présenté par Mmes M. Carrère et Costes, MM. Requier, Cabanel et Castelli, Mme N. Delattre, MM. Gabouty, Guérini et Jeansannetas, Mmes Jouve et Laborde et MM. Roux, Vall et Labbé.

Supprimer cet article.

M. Joël Labbé.  - Les citoyens sont inquiets d'un dévoiement de la collecte ; un chercheur a récemment démontré que StopCovid collectait plus ce qui était annoncé, notamment le nom des utilisateurs situés à plus d'un mètre.

Cet amendement supprime l'article 2 dans l'attente d'un examen plus approfondi.

M. le président.  - Amendement identique n°16, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Mme Laurence Cohen.  - Nous voulons la suppression de cet article qui inquiète nos concitoyens mais aussi l'Ordre des médecins. La collecte de données devait être limitée à trois mois. Nous ne sommes plus dans l'objectif de lutte contre la pandémie.

M. Philippe Bas, rapporteur.  - Ces amendements sont contraires à la position de la commission des lois : les données collectées ne permettront pas d'identifier les malades et seront à stricte utilisation épidémiologique.

En revanche, nous avons approuvé les restrictions apportées par l'Assemblée nationale au texte du Gouvernement sur la conservation des données à des fins de dépistage. Oui aux enquêtes épidémiologiques sans identification, non à la conservation des données personnelles à d'autres fins.

M. Olivier Véran, ministre.  - Avis défavorable.

Les amendements identiques nos1 rectifié bis et 16 ne sont pas adoptés.

L'article 2 est adopté.

ARTICLE 3

M. le président.  - Amendement n°6, présenté par M. Poadja, Mme Tetuanui et M. Bonnecarrère.

Rédiger ainsi cet article :

I.  -  L'article L. 3841-2 du code de la santé publique est ainsi modifié :

1° Au début du premier alinéa sont ajoutés les mots : « I.  -  A l'exception des articles L. 3131-15 à L. 3131-17, » ;

2° Le 2° est abrogé ;

3° Il est ajouté un paragraphe ainsi rédigé :

« II.  -  Lorsque la Nouvelle-Calédonie et la Polynésie française adoptent, au titre de leurs compétences en matière de santé publique et de contrôle sanitaire aux frontières, des mesures réglementaires et individuelles poursuivant le même objet que les dispositions des articles L. 3131-15 à L. 3131-17, ces mesures sont soumises, afin de garantir les libertés publiques, aux dispositions suivantes :

« 1° Ces mesures sont strictement proportionnées aux risques sanitaires encourus et appropriées aux circonstances de temps et de lieu. Il y est mis fin sans délai lorsqu'elles ne sont plus nécessaires.

« 2° Sont applicables aux Les mesures de mise en quarantaine ou de placement et de maintien en isolement décidées par les autorités compétentes de la Nouvelle-Calédonie et la Polynésie française sont soumises aux dispositions des articles L. 3131-15 et L. 3131-17 relatives à la durée initiale, à la durée totale, aux conditions de prolongation, au choix du lieu où peut être effectué la mesure, à l'obligation d'un diagnostic médical, à la garantie d'accès aux biens et services essentiels, aux possibilités de recours devant le juge de la détention et des libertés et à la protection des personnes et enfants victimes des violences.

« Toutefois, sur des durées limitées et sous condition d'une réévaluation régulière, la Nouvelle-Calédonie et la Polynésie française peuvent adopter des mesures plus contraignantes que celles prévues par ces articles L. 3131-15 et L. 3131-17 dans les quatre premières matières citées au 2° du présent paragraphe, afin de tenir compte de leur situation préservée de l'épidémie, ainsi que de leur caractère insulaire et étendu. »

II.  -  Le IV de l'article 12 de la loi n° 2020-546 du 11 mai 2020 prorogeant l'état d'urgence sanitaire et complétant ses dispositions est complété par les mots : « sauf en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie française ».

M. Philippe Bonnecarrère.  - Comme l'amendement n°7, qui est de repli, le n°6 pose la question de l'articulation des pouvoirs en Polynésie française et en Nouvelle-Calédonie.

Depuis 1957, la compétence en matière de santé est dévolue aux gouvernements locaux. Le texte donne aux Hauts-Commissaires des pouvoirs réglementaires en matière de santé.

L'amendement n°6 prévoit que les décisions sont prises conjointement entre le Haut-Commissaire et les assemblées de Nouvelle-Calédonie ou de Polynésie française ; l'amendement n°7 prévoit a minima une consultation des autorités locales.

Nous demandons le respect des compétences telles qu'elles ont été définies. J'insiste enfin sur la nécessité d'entendre la demande unanime de la Polynésie française et de la Nouvelle Calédonie. Si vous ne l'écoutez pas, le boomerang nous reviendra le 4 octobre, lors du référendum d'indépendance de la Nouvelle-Calédonie.

M. le président.  - Amendement n°7, présenté par M. Poadja, Mme Tetuanui et M. Bonnecarrère.

I.  -  Alinéa 2

Après la première occurrence du mot :

sanitaires

insérer les mots :

territorialement compétentes

II.  -  Alinéa 5

Après le mot :

sanitaires

rédiger ainsi la fin de cet alinéa :

territorialement compétentes de Nouvelle-Calédonie ou de Polynésie française". »

M. Philippe Bonnecarrère.  - Défendu.

M. Philippe Bas, rapporteur.  - Avec l'amendement n°6, la Nouvelle-Calédonie et la Polynésie française pourraient adopter des mesures plus contraignantes que celles que prévoit le code de la santé publique. Or ces territoires ont été relativement épargnés : je n'en vois donc pas la nécessité et ce serait risquer l'inconstitutionnalité.

Quant à la question, sous-jacente, de qui décide quoi, la quarantaine résulte d'un arrêté conjoint du président de la collectivité et du Haut-Commissaire.

Les mesures de police administratives font l'objet, elles, d'une consultation des autorités locales.

La santé relève de l'autorité locale, l'ordre public de l'État.

Avis défavorable à l'amendement n°6 ; en revanche avis favorable au suivant et défavorable à l'amendement n°8 rectifié qui supprime des sanctions pénales : ce serait un comble de vouloir plus de contraintes et moins de sanctions !

M. Olivier Véran, ministre.  - Même avis.

L'amendement n°6 n'est pas adopté.

L'amendement n°7 est adopté.

M. le président.  - Amendement n°10, présenté par M. Poadja, Mme Tetuanui et M. Bonnecarrère.

Alinéa 2

Supprimer les mots :

, dans la limite des durées maximales prévues par le même article L. 3131-15,

M. Philippe Bonnecarrère.  - L'article 3 voté par l'Assemblée nationale supprime la disposition introduite en commission selon laquelle le Haut-Commissaire ne pourrait être habilité à adapter les durées des mesures de quarantaine et d'isolement que dans la limite des durées maximales fixées par la loi.

Or cette précision prive l'article 3 de l'un de ses principaux objectifs, qui est de permettre au Haut-Commissaire de prévoir une durée de mise en quarantaine plus longue que celle prévue sur le reste du territoire national.

Les mesures de prévention en Nouvelle-Calédonie et Polynésie française doivent pouvoir diverger de celles du reste du territoire. Les Polynésiens et Néo-Calédoniens estiment que la réussite relative de ces territoires à juguler l'épidémie tient justement à cette différenciation, et notamment à la possibilité de prendre des sanctions pénales différentes.

M. Philippe Bas, rapporteur.  - Avis défavorable. Cet amendement augmente les possibilités de restriction apportées par les quarantaines en les faisant passer de 14 à 21 jours.

M. Olivier Véran, ministre.  - Avis défavorable.

M. Michel Magras.  - J'apprécie les propos de M. Bonnecarrère. Cette situation met en évidence une réalité ultramarine. Cela ne s'est pas mal passé dans le Pacifique. En Nouvelle-Calédonie, les décisions ont été prises en concertation et avec la co-signature du président de la collectivité. En Polynésie française, seul le Haut-Commissaire a signé.

L'état d'urgence sanitaire a redonné pouvoir à l'État en matière de santé sur toute la Nation. Cela se comprend.

Il faut appliquer cette différenciation sur tous les territoires, surtout lorsqu'ils dépendent de l'article 74 de la Constitution. Même si c'est l'État qui signe la décision, celle-ci doit être prise d'un commun accord. Les élus des territoires sont les mieux placés pour connaître la réalité de la situation.

L'amendement n°10 n'est pas adopté.

L'article 3 est adopté.

ARTICLE 4

M. le président.  - Amendement n°8 rectifié, présenté par MM. Poadja et Bonnecarrère et Mme Tetuanui.

I.  -  Alinéa 3

Après la première occurrence de la référence :

II

rédiger ainsi la fin de cet alinéa :

de l'article L. 3131-17 du code de la santé publique

II.  -  Alinéa 7

Rédiger ainsi cet alinéa :

3° Le VII n'est pas applicable.

M. Philippe Bonnecarrère.  - Défendu.

M. Philippe Bas, rapporteur.  - Avis défavorable.

M. Olivier Véran, ministre.  - Avis défavorable.

L'amendement n°8 rectifié n'est pas adopté.

L'article 4 est adopté.

Explication de vote

M. Patrick Kanner .  - Le texte a été amélioré par la commission des lois mais il y a le texte et le contexte. Nous ne pouvons pas accepter que la gravité de la situation serve de prétexte pour faire entrer l'exception dans le droit commun. Vous l'avez déjà fait dans la loi du 30 octobre 2017 renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme. Faut-il également citer l'effarante loi Avia justement censurée par le Conseil constitutionnel grâce aux Républicains ? Ou bien le texte sur les fake news ?

Progressivement, notre amour pour les libertés publiques laisse place à une tolérance inquiétante pour la tutelle de l'État. Ne nous habituons pas à cette grammaire qui ne surprend déjà plus nos concitoyens.

L'idée n'est pas de minimiser la crise mais l'urgence commande-t-elle d'accepter des lois aussi inquiétantes ? « On ne prend pas sans danger des libertés avec la liberté » a écrit André Breton.

Le projet de loi, modifié, est adopté.

Prochaine séance, demain, mardi 23 juin 2020, à 14 h 30.

La séance est levée à 23 h 35.

Pour la Directrice des Comptes rendus du Sénat,

Jean-Luc Blouet

Chef de publication