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Table des matières



Déclaration du Gouvernement relative à la stratégie nationale du plan de déconfinement

M. Édouard Philippe, Premier ministre

Orateurs inscrits

M. François Patriat

M. Philippe Adnot

Mme Laurence Cohen

M. Claude Malhuret

M. Hervé Marseille

M. Bruno Retailleau

M. Patrick Kanner

M. Jean-Claude Requier

M. Édouard Philippe, Premier ministre

Débat interactif

M. Xavier Iacovelli

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice

Mme Esther Benbassa

M. Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé

M. Emmanuel Capus

M. Édouard Philippe, Premier ministre

Mme Catherine Morin-Desailly

M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse

M. Philippe Bas

M. Édouard Philippe, Premier ministre

Mme Laurence Rossignol

Mme Muriel Pénicaud, ministre du travail

Mme Véronique Guillotin

M. Olivier Véran, ministre

M. Olivier Henno

Mme Muriel Pénicaud, ministre

M. Alain Milon

M. Olivier Véran, ministre

M. David Assouline

M. Franck Riester, ministre de la culture

Mme Sophie Primas

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux

M. Jérôme Durain

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux

M. Jacques Grosperrin

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux

M. Patrick Chaize

M. Jean-Baptiste Djebbari, secrétaire d'État auprès de la ministre de la transition écologique et solidaire, chargé des transports

M. René-Paul Savary

M. Olivier Véran, ministre

Vote par scrutin public sur la déclaration du Gouvernement

Rappels au Règlement

M. Patrick Kanner

Mme Éliane Assassi

Prorogation de l'état d'urgence sanitaire (Procédure accélérée)

Nominations à une éventuelle CMP

Discussion générale

M. Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé

M. Philippe Bas, président de la commission des lois, rapporteur

M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales, rapporteur pour avis

Exception d'irrecevabilité

Mme Éliane Assassi

Discussion générale (Suite)

Mme Christine Herzog

M. Pierre Laurent

M. Dany Wattebled

M. Philippe Bonnecarrère

M. Jean-Pierre Sueur

Mme Maryse Carrère

M. Alain Richard

M. Philippe Mouiller

M. Emmanuel Capus

M. François-Noël Buffet

Mme Laurence Rossignol

Mise au point au sujet d'un vote

Discussion des articles

ARTICLE PREMIER

Mme Jocelyne Guidez

M. François Patriat

M. Fabien Gay

Mme Esther Benbassa

ARTICLES ADDITIONNELS

ARTICLE PREMIER BIS

ARTICLE ADDITIONNEL

ARTICLE 2

M. Dany Wattebled

M. Bruno Retailleau

Mme Joëlle Garriaud-Maylam

M. Olivier Véran, ministre

Annexes

Ordre du jour du mardi 5 mai 2020

Analyse des scrutins

Nomination de membres d'une éventuelle CMP




SÉANCE

du lundi 4 mai 2020

77e séance de la session ordinaire 2019-2020

présidence de M. Gérard Larcher

Secrétaires : Mme Françoise Gatel, M. Guy-Dominique Kennel.

La séance est ouverte à 14 h 30.

Le procès-verbal de la précédente séance est adopté.

Déclaration du Gouvernement relative à la stratégie nationale du plan de déconfinement

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la déclaration du Gouvernement, suivie d'un débat et d'un vote sur cette déclaration, en application de l'article 50-1 de la Constitution, relative à la stratégie nationale du plan de déconfinement dans le cadre de la lutte contre l'épidémie de Covid-19.

Notre séance se déroule dans le strict respect des règles sanitaires : l'hémicycle est nettoyé et désinfecté avant et après chaque séance ; les micros, après chaque intervention. Chacun veillera au respect des distances de sécurité, et des entrées et sorties dédiées. Enfin, seul M. le Premier ministre s'exprimera depuis la tribune.

M. Édouard Philippe, Premier ministre .  - Nous sommes à un moment critique. Pour la première fois de notre Histoire, notre pays se trouve confiné depuis sept semaines. Lorsque ses cafés, ses restaurants, ses écoles, ses universités, ses églises, ses temples, ses synagogues et ses mosquées sont fermés, comme la plupart des entreprises, lorsque nos théâtres, bibliothèques et librairies sont vides de tout public et sans activité, le moment est critique.

Lorsque depuis huit semaines, jour et nuit, des médecins, des infirmières, des aides-soignants, des personnels administratifs luttent pour accueillir et sauver des malades en évitant la saturation des services, le moment est critique.

Lorsque des hommes et des femmes, souvent peu reconnus, assurent, par leur travail dans le transport logistique, la grande distribution, le ramassage des ordures ou l'agriculture, la continuité de la vie de la Nation, le moment est critique.

La moitié de l'humanité est confinée. Des nations entières sont comme désarçonnées, même les plus grandes puissances paraissent désorientées. Ce n'est jamais bon signe...

Nous devons prendre des décisions sur la base d'informations souvent incomplètes et contradictoires. Nous ne savons pas tout de ce virus ; il y cinq mois, nous ne savions rien. Les progrès de la recherche sur la compréhension de la maladie et le séquençage du virus forcent l'admiration. La France est à la pointe des essais cliniques pour mesurer l'efficacité des traitements existants. Elle travaille avec la communauté internationale à la recherche d'un vaccin et d'un traitement. Le virus nous fait violence. Il appelle de la réactivité, mais sans faire violence au temps de la science, de l'expérimentation et de la preuve, qui exige rigueur, patience - et chance. J'espère que nous en aurons mais nous devons agir sans compter sur elle.

Des marges d'inconnues demeurent, nous ne les avons jamais dissimulées. Aucun scientifique ne peut prédire ce que seront les mois à venir. Tel savant nous dit de manière catégorique qu'il n'y aura pas de deuxième vague ; tel autre, non moins respecté, dit l'inverse. Nous n'avons pas le temps d'attendre que l'Histoire dise lequel aura eu raison.

Le confinement a porté ses fruits, grâce au civisme de nos concitoyens : la propagation du virus ralentit, le nombre de morts diminue. Selon une étude de l'École des hautes études en santé publique, le premier mois de confinement a permis d'épargner 62 000 vies. S'il n'avait pas été respecté, nos services de réanimation auraient été débordés, obligeant les soignants à choisir entre les malades. L'impératif de protéger chaque vie implique de veiller à ce que le nombre d'entrées en réanimation ne dépasse pas la capacité d'accueil.

Pour atteindre l'objectif, chaque jour de confinement compte. Je mesure l'impatience de chacun de renouer avec la vie d'avant, de sortir pour travailler, pour flâner, emmener les enfants au parc ou chez les grands-parents, sortir au restaurant, au théâtre, entre amis : ce sont des choses essentielles.

Le confinement pèse tout particulièrement sur les plus précaires, les plus isolés, notamment les personnes âgées.

Le confinement se justifiait par l'urgence mais son coût social, humain et économique est colossal. Les passages aux urgences, les consultations médicales, les vaccinations, les dépistages sont en chute libre. C'est grave.

Le Covid-19 est toxique, mais les violences domestiques, le décrochage scolaire et social le sont tout autant. Nos enfants comme nos aînés ont besoin d'être accompagnés ; nos artisans ou nos industriels ont plus peur de la faillite que de la maladie...

Depuis quelques jours, les tensions augmentent dans certains quartiers sensibles, surtout la nuit. Nous imaginons la fatigue des forces de l'ordre, confrontées à des guets-apens, et des habitants qui ont le sentiment d'être assignés à résidence.

Au-delà des violences sporadiques, le confinement déchire notre tissu social. Les associations de lutte contre la pauvreté nous ont alertés dès le début.

Nous avons déployé de nouveaux filets de sécurité : prolongation du versement des prestations sociales et de la trêve hivernale, ouverture de 21 000 places d'hébergement d'urgence pour les sans-abri, lancement d'un plan d'aide alimentaire d'urgence... Une aide exceptionnelle de solidarité sera versée automatiquement le 15 mai à quatre millions de familles pauvres et modestes. Les bénéficiaires du RSA et de l'Allocation de solidarité spécifique (ASS) recevront 150 euros, plus 100 euros par enfant ; ceux qui touchent l'allocation d'aide au logement, 100 euros par enfant.

J'annonce aussi une aide exceptionnelle de 200 euros à 800 000 jeunes de moins de 25 ans précaires ou modestes. Début juin, elle sera versée aux étudiants ayant perdu leur travail ou leur stage, ainsi qu'aux étudiants d'outremer ; à la mi-juin, aux moins de 25 ans touchant les APL.

Nous avons mis en place un arsenal parmi les plus protecteurs : chômage partiel, prêts garantis par l'État, fonds de solidarité, report de charges fiscales et sociales. Nous sommes fiers de cet effort, considérable pour les finances publiques, mais la situation ne peut durer.

Nos fleurons industriels sont menacés, nos PME, ETI et start-up, au bord de l'asphyxie. Tourisme, arts, gastronomie, qui font le rayonnement de la France, sont à l'arrêt. Poursuivre le confinement mettrait en danger notre avenir et celui de nos enfants.

Sans vaccin, traitement ni immunité collective, c'est par la prévention, la discipline et la rigueur qu'il nous faut combattre le virus. Trop de relâchement et d'insouciance, et c'est une deuxième vague qui menace ; trop d'immobilisme et d'angoisse, et c'est l'asphyxie collective. Tel est le chemin de crête sur lequel nous devons avancer : chaque versant est un à-pic vertigineux. Il nous faut avancer avec une humilité combative. Nous déconfinerons pas à pas, par étapes.

Notre stratégie est fondée sur trois principes : progressivité, territorialité, réversibilité.

Certaines régions, le Grand Est, l'Île-de-France, les Hauts-de-France, la Corse, la Bourgogne-Franche-Comté ont été touchées de plein fouet, d'autres relativement épargnées. Le rythme du déconfinement sera donc différent selon les territoires. Les clés sont sur le terrain, aux mains des maires et des préfets. À cet effet, j'ai mené une concertation étroite, et je l'espère fructueuse, avec les associations d'élus. Depuis le 28 avril, nous avons progressé.

L'effort de discernement doit être tant collectif qu'individuel. Les décisions de la puissance publique, l'engagement du corps médical ne suffiront pas s'ils ne sont pas appuyés par l'engagement civique et responsable de chacun.

Nous sommes véritablement à un moment crucial. Protéger, tester, isoler seront nos trois mots d'ordre.

Les gestes barrières restent l'alpha et l'oméga de la sécurité, avec ou sans masque. Le Gouvernement recommande, en complément, le port du masque. Dans les lieux fermés, comme les transports et les salles de classe, il sera obligatoire.

Y aura-t-il assez de masques le 11 mai ? État, collectivités territoriales et entreprises travaillent main dans la main ; merci à tous ceux qui ont pris des initiatives. Je saisis l'occasion pour dissiper un malentendu qui a germé ce week-end chez des esprits en mal de polémique : il n'y a jamais eu de stocks cachés dans la grande distribution. Quel intérêt y aurait-il à cacher des stocks de masques ? Il y a eu des commandes massives, qui ont pris du temps à se concrétiser.

Le 11 mai, chacun pourra se procurer des masques. L'État et les collectivités locales assureront la protection de leur personnel. L'État financera 50 % des achats de masques grand public que se procurent les collectivités territoriales, y compris rétroactivement pour les commandes à partir du 13 avril. Nous demandons aux collectivités qui en ont les moyens de faire preuve de solidarité envers les plus petites.

Chaque semaine, cinq millions de masques grand public seront réservés aux plus vulnérables et distribués, sous la responsabilité des préfets, par les CCAS ou les associations. Les régions et l'État vont accroître leur soutien aux TPE et aux travailleurs indépendants. La Poste, dont je salue la mobilisation, vient également de mettre en place une plateforme de e-commerce.

Le succès du déconfinement reposera ensuite sur la capacité à tester et à isoler les malades. Les tests virologiques sont le fer de lance de notre stratégie de dépistage. Nous testerons tous ceux qui présentent des symptômes et leur entourage, symptomatique ou non. Selon les modèles épidémiologiques, il faut attendre 1 000 à 3 000 nouveaux cas par jour à compter du 11 mai. En testant 25 contacts par malades, cela revient à 525 000 tests par semaine ; nous en avons prévu 700 000, car nous voulons avoir une marge pour des campagnes de dépistage, comme dans les Ehpad. Les laboratoires publics, privés, de recherche et vétérinaires sont mobilisés sur tout le territoire.

Les prévisions du Conseil scientifique ont cependant été formulées sous la condition d'un strict respect du confinement jusqu'au 11 mai. En cas de relâchement, le nombre de nouveaux malades pourrait être supérieur aux prévisions qui ont fondé notre modèle, ce qui compromettrait la réussite de notre stratégie. Il est donc essentiel de respecter scrupuleusement le confinement jusqu'au 11 mai. Certains nous reprochent cette mise en garde : que ne diraient-ils pas si nous déconfinions alors que les conditions ne sont pas réunies !

Nous mobilisons plusieurs tours de contrôle, les médecins généralistes, pour l'identification des malades et de leur entourage, les équipes de l'assurance maladie pour tracer les cas contacts et les ARS et les préfets pour gérer d'éventuels clusters.

Les malades devront être isolés, soit à domicile, ce qui implique l'isolement de tous les membres du foyer, soit dans des lieux dédiés que les préfets auront à identifier, comme des hôtels ou centres de vacances. La solidité de cette chaîne de dépistage et d'isolement dépendra du civisme de nos concitoyens.

Nous ne vivons pas dans un régime policier. L'assouplissement du confinement s'accompagne nécessairement d'un assouplissement des contrôles. Nous devons donc relever un défi logistique et civique ; cela suppose de recourir à des instruments nouveaux. Le projet de loi comporte une disposition permettant d'appeler les cas contacts, de leur indiquer où se faire tester ou s'isoler, de vérifier que les procédures sont respectées. Sans fichier, nous n'avons aucune chance de remonter les chaînes de contamination.

Le défi concerne également la réouverture des écoles et des crèches. Je ne méconnais pas les difficultés.

Rappelons cependant que la fermeture des écoles est une catastrophe pour les plus vulnérables des enfants et des adolescents ; pour des dizaines de milliers de jeunes, c'est probablement une bombe à retardement.

La réouverture est donc une priorité pédagogique, sociale et républicaine, qu'il convient d'assurer dans le respect des normes sanitaires. Elle sera très progressive. Écoles maternelles et élémentaires à partir du 11 mai, partout et sur la base du volontariat ; classes de 6e et 5e à partir du 18 mai dans les départements verts ; peut-être fin mai pour les lycées - en commençant par les filières professionnelles. Hormis en maternelle où il est proscrit, et dans les classes élémentaires où il n'est pas recommandé, le port du masque sera obligatoire. La réouverture ne sera pas identique dans l'ensemble des territoires et pour tous les enfants ; certains en ont davantage besoin.

Ne disons pas d'emblée que, cela n'étant pas possible partout, cela n'aura lieu nulle part ! Chaque retour à l'école est une bonne nouvelle.

J'en appelle à chacun pour que des groupes de 15 élèves soient formés pour les familles qui en ont le plus besoin.

Les mêmes contraintes, le même civisme doit concerner les crèches, où les enfants seront accueillis par dix, sur décisions au cas par cas des responsables d'établissements.

Dans les entreprises, le télétravail se poursuivra après le 11 mai. S'il est impossible, on limitera la proximité des salariés, on privilégiera les horaires de travail décalés, la distanciation des espaces de travail.

Facile à dire, mais pas à faire... Les collectivités, les autorités organisatrices de transport et les dirigeants d'entreprises travailleront ensemble.

Les inquiétudes sont grandes en matière de transports. Les déplacements courts ou interrégionaux devront être limités aux motifs impératifs, familiaux ou professionnels. Dans le train, un système de réservation obligatoire permettra d'assurer la distanciation physique.

Les choses seront bien sûr plus compliquées dans les transports en commun des grandes agglomérations. Éthique de la responsabilité, nécessité pour chacun de se montrer à la hauteur, à l'image des soignants ces dernières semaines : tels sont les mots d'ordre.

C'est par la presse que je l'ai appris dimanche, les responsables d'entreprises de transports publics craignent de ne savoir organiser la sécurité sanitaire. Je ne veux voir dans ce procédé que leur souci de surmonter les difficultés et j'ai demandé au secrétaire d'État aux transports d'intensifier encore les relations avec eux. Je ne doute pas qu'ils parviendront à remplir les conditions fixées par le Gouvernement, dans le dévouement au bien public.

La vie économique dans notre pays doit reprendre. Pas moins de 52 guides de bonnes pratiques ont été publiés, il y en aura pour tous les secteurs le 11 mai. Les partenaires sociaux contribueront à faire en sorte que les gestes barrières soient respectés au mieux, afin que la santé au travail ne soit pas menacée.

Nous continuerons d'accompagner les entreprises en difficulté, avec un dispositif d'activité partielle maintenu jusqu'au 1er juin, puis très progressivement amodié. Le fonds de solidarité, dans son deuxième étage, sera étendu à tous les commerces qui ont dû fermer, y compris ceux sans salariés. Les reports de charges fiscales et sociales seront prolongés jusque fin mai, voire transformés en exonérations, pour les secteurs de la restauration et du tourisme.

Ces mesures exceptionnelles témoignent de notre détermination à soutenir toutes nos entreprises, pour relancer le moteur économique.

À cette même fin, nous rouvrirons commerces, halles couvertes et marchés de plein air, dans les règles de sécurité sanitaire que l'on connaît. Si ces règles ne sont pas respectées, les préfets pourront faire fermer ces commerces.

Ce n'est pas de gaîté de coeur que nous avons dû fermer théâtres, cinémas, bibliothèques, plages ou lacs et annuler les événements sportifs.

La situation sera réévaluée fin mai. La carte de France tricolore sera réactualisée chaque jour jusqu'à devenir bicolore - les zones orange sont celles en évolution.

Dans les outre-mer, je reste attentif à ce que les territoires disposent de masques grand public et de tests. La chaîne de vigilance doit être aussi intense qu'en métropole. Seules les personnes ayant des obligations familiales ou professionnelles impérieuses pourront se rendre sur place et seront soumises à une quatorzaine. Nous organiserons le rapatriement des étudiants bloqués en métropole, pour ceux qui le souhaitent. Mayotte, qui vient de passer en phase 3, ne sera pas déconfinée. Le système hospitalier y est très sollicité, et fragile. Nous ferons un point le 14 mai pour évaluer si la réouverture des écoles le 18 mai est possible.

Que signifie « vivre », dans notre pays ? La liberté de créer et la possibilité de se laisser bouleverser par une oeuvre d'art, le droit de voter et de se présenter aux élections, ou la liberté de culte font partie des libertés parmi les plus fondamentales. Le secteur culturel est l'un des plus frappés par la crise sanitaire. Le Gouvernement sait qu'il y a urgence pour la culture. Ce secteur a déjà bénéficié de 52 millions d'euros du fonds de solidarité et les acteurs de la culture sont éligibles aux mesures d'urgence - je songe au plan de 8 milliards d'euros en faveur des secteurs particulièrement touchés.

Le Gouvernement a aussi mis en place des mesures de soutien spécifiques aux acteurs culturels. Le Président de la République annoncera de nouvelles décisions mercredi. Nous rouvrirons certains lieux culturels locaux dès le 11 mai : bibliothèques, petits musées, librairies, disquaires, galeries. Il faudra attendre le 18 juin pour rouvrir les lieux de spectacle, cinémas et théâtres.

Les manifestations rassemblant plus de 5 000 personnes resteront interdites jusqu'à fin août, même si nous aurions tous aimé que le festival d'Avignon, les Francofolies ou les Nuits de Fourvière aient lieu.

J'entends le désarroi des croyants qui ont dû renoncer à beaucoup de rites marquant les grands moments de la vie, fête ou deuil. Je leur demande encore un peu de patience. Les cérémonies dans les églises, les temples, les synagogues, les mosquées réunissent proches et amis dans des lieux confinés, ce qui crée une situation à risques.

La période du 29 mai au 1er juin correspond à un calendrier riche en fêtes religieuses. Nous étudierons la possibilité de reprendre les célébrations à partir du 29 mai.

Les élections municipales sont un enjeu démocratique, mais aussi économique car les conseils municipaux doivent prendre des décisions d'investissement. L'article 19 de la première loi d'urgence du 23 mars 2020 indique qu'au plus tard le 23 mai, le Gouvernement remettra un rapport au Parlement, fondé sur l'analyse du Conseil scientifique, sur la possibilité de tenir le deuxième tour des élections municipales.

Les scientifiques examinent également le risque sanitaire et les conditions à respecter pour l'installation des conseillers élus et les réunions des conseils communautaires.

Rien ne leur impose de statuer en une seule fois. J'ai saisi le Conseil scientifique ce matin sur ces deux questions.

La plupart des conseils municipaux comprennent moins de 15 membres, le quorum sera assoupli à un tiers. J'informerai le Parlement au plus tard le 23 mai sur le point de savoir si le deuxième tour des élections peut avoir lieu en juin ; sinon, nous déciderons collectivement des dates et des modalités, ainsi que des conséquences, qu'aucun d'entre vous n'ignore. (Sourires) Nous consultons les associations d'élus et les groupes parlementaires pour préparer cette échéance.

Certains chefs d'entreprise, certains maires craignent l'engagement de leur responsabilité pénale. Le régime est bien connu, issu de la loi dite Fauchon du 10 juillet 2000. Elle n'a pas été modifiée dans son contenu, car elle était suffisamment juste, précise et équilibrée. Elle n'a jamais empêché les élus de prendre des décisions, ni empêché qu'ils en répondent éventuellement devant la justice. Cependant, les inquiétudes sont là.

Notre Constitution nous invite à ne pas aborder la question de manière segmentée. Le Sénat accorde une attention particulière aux élus locaux, mais un chef d'entreprise qui organise un chantier n'est pas dans une situation très différente. Traitons chacun d'une façon équitable.

Soyons également prudents, car les décideurs publics ou privés ne doivent pas s'exonérer de leur responsabilité. Les personnes physiques sont responsables pénalement si elles ont violé délibérément une obligation de prudence prévue par la loi ou commis une faute caractérisée. Préservons cet équilibre. Nous pouvons rappeler la jurisprudence. Quant à atténuer la responsabilité, je suis plus réservé. C'est ensemble que nous devons résoudre les problèmes. Au Parlement de décider si le sujet doit être traité à l'occasion d'amendements ou d'un texte spécifique. (Mmes Sophie Primas et Françoise Laborde sourient.)

Le 11 mai ne sera pas le retour de l'insouciance, mais le début de la reprise. « Cito, longe, tarde », pars loin et longtemps, la formule est attribuée à Galien, médecin de Marc-Aurèle - et fils d'un sénateur de Pergame, monsieur le président. (On apprécie sur divers bancs.) Au contraire, aujourd'hui, ne fuyons pas, ne nous dérobons pas, prenons ces décisions qui engagent toute la collectivité, sans fuir le débat.

Voilà pourquoi j'ai souhaité m'exprimer devant vous. Nous présentons aussi un texte sur la prorogation de l'état d'urgence.

La démocratie libérale et sociale est capable de faire face à la situation actuelle sans remettre en cause les libertés. Mais elle n'y parviendra qu'avec le soutien de nos concitoyens. C'est un fil directeur de notre action. L'adhésion des Français est bien plus efficace que la contrainte.

Je plaide pour un acte de confiance collective. Voilà de quoi dépend la capacité de notre démocratie à traverser cette crise majeure.

Les crises peuvent mener à une rénovation. J'ai la conviction que nos institutions, nos talents, notre jeunesse nous permettront de nous en relever. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM, ainsi que sur plusieurs travées des groupes RDSE et UC ; Mme Marie-Pierre de la Gontrie applaudit également.)

Orateurs inscrits

M. François Patriat .  - Nous vivons le temps du deuil, de l'angoisse, des incertitudes, des impatiences. Je pense à tous ceux qui ont connu la peine et les drames, à tous ceux qui ont oeuvré pour la Nation.

Le Gouvernement affronte la crise avec sang-froid, pragmatisme et lucidité. Dans un réflexe pavlovien, certains critiquent le déconfinement avec autant de force qu'ils avaient critiqué le confinement, énonçant leurs certitudes sur l'avenir alors qu'ils se sont montrés incapables d'anticiper dans le passé.

Le déconfinement n'est pas la sortie du tunnel, nombre d'inconnues demeurent. La tâche est immense pour l'organiser. Loin de bouder la Représentation nationale, vous l'écoutez. Ce débat honore le Parlement, mais aussi le Gouvernement.

Le déconfinement est nécessaire et risqué, indubitablement. Les Français sont confinés depuis le 17 mars pour préserver leur santé. Le déconfinement est nécessaire pour renouer avec la liberté. Le redémarrage de notre économie est également indispensable à la reconstruction de la Nation. Vous avez su le prendre en compte.

Le déconfinement est risqué, car une part d'incertitude existe dans le développement de cette maladie virale. Bien malins sont ceux qui, de réseaux sociaux en plateaux télé, donnent une date d'expiration à l'épidémie !

Les craintes légitimes de nos concitoyens doivent être entendues. Vous le faites bien. La règle des 4 « C » s'impose, clarté, cohérence, cohésion et concertation.

La clarté d'abord, avec 700 000 tests prévus et les brigades que vous mettrez en place pour la remontée des informations. Clarté face à nos élus qui craignent de voir leur responsabilité pénale engagée à l'occasion de la réouverture des écoles. Vous y avez répondu : la loi les protège mais faut-il qu'elle soit bien précisée. Je sais pouvoir compter sur vous.

La cohérence, ensuite, dans l'organisation du déconfinement autour du couple maires - préfets. La carte de circulation du virus dans les départements y contribue.

La cohésion : quelles que soient nos sensibilités, les réflexes politiciens ne mènent à rien et ne font qu'ajouter de la crise à la crise.

La concertation, point central de ce déconfinement : merci d'avoir écouté tout le monde, et en particulier les élus locaux.

Dans la méthode comme dans le fond, je remercie le Gouvernement d'avoir agi avec lucidité et humilité. Cette expérience aura ébranlé nombre de nos certitudes. Nous sommes au début d'un long chemin qui nécessitera écoute, pédagogie, détermination et courage. Notre groupe sait pouvoir compter sur vous pour le redressement économique, social et sanitaire de notre pays.

M. Philippe Adnot .  - Bien qu'en désaccord avec bien des points de votre manière de gérer cette épidémie, j'avais l'intention de voter favorablement, comme je l'avais fait pour le collectif budgétaire, afin de vous permettre de gérer la crise. Je pensais que celui qui dirige la manoeuvre par temps difficile doit avoir les moyens d'agir.

Vous aviez enfin décidé de mener des tests massifs de dépistage, comme l'ont fait l'Allemagne, la Corée et Taïwan. J'étais également favorable à votre décision de reporter à plus tard l'entrée en vigueur de l'application de suivi du Covid.

Las, vous avez décidé de régler le traçage par ordonnance, sur le fondement de l'article 6, alinéa 5. Les paroles sont une chose, la réalité des actes en est une autre.

Pour la reprise des écoles, vous faites tout reposer sur les maires, sommés de respecter 63 pages de consignes. Quant aux parents, vous les laissez arbitrer sans qu'ils disposent de toutes les informations. Comment feront les maires si 80 % des parents décident d'envoyer leurs enfants à l'école ?

Cerise sur le gâteau, la carte des départements relève de la plus grande fantaisie. Dans l'Aube, sur quarante lits de réanimation, seulement dix sont occupés, mais l'ARS indique un taux de 100 % d'occupation. En outre, les capacités des labos vétérinaires sont prises en compte régionalement, et non par département, sans distinguer ceux qui ont eu la sagesse de conserver un laboratoire...

M. Bruno Retailleau.  - Comme en Vendée !

M. Philippe Adnot.  - Je ne pourrai donc voter en faveur de votre déclaration. J'espère que le Sénat amendera votre texte pour mieux sécuriser les maires, que les couleurs des départements seront déterminées avec de vraies données, et que les scientifiques nous sortiront bientôt de cette épreuve.

Mme Laurence Cohen .  - Vous nous demandez de valider votre plan tel quel, comme s'il s'agissait d'un vote de confiance. Or celle-ci ne se décrète pas, elle se mérite. Votre capital de confiance est entamé, de contradictions sur les masques ou les tests en incohérences sur le retour à l'école... Celui-ci est dicté par la reprise économique bien plus que par la volonté de faire reculer les inégalités scolaires !

Certes, nous ne savons pas tout sur le Covid. Mais en attendant remèdes et vaccins, il faut faire face. Cela implique de « protéger, dépister, isoler ».

Mais pour protéger, il faut des masques. Nous en avions en 2009, nous n'en avons plus assez aujourd'hui : comment l'expliquer ? Ce sont les collectivités territoriales qui ont su réagir, pas l'État qui a réduit les stocks. Les plus réactives seront pénalisées, car elles ne bénéficieront pas d'une prise en charge par l'État de 50 % du coût de l'achat de masques. Toutes les commandes des collectivités doivent l'être, indépendamment de la date de commande. Par ses défaillances le Gouvernement a mis en concurrence les collectivités territoriales entre elles. C'est insupportable.

Je suis scandalisée, comme les collègues de mon groupe, de voir que la grande distribution réussit là où la puissance publique a failli : à Gentilly, aujourd'hui, des pharmacies n'ont toujours pas été livrées. Les acteurs privés ne doivent pas faire de profits sur la santé de nos concitoyens.

Les masques, obligatoires dans les transports, doivent être gratuits - sinon, comment verbaliser ? L'État doit être garant de la disponibilité des masques et de leur gratuité.

Je soutiens l'Association des maires d'Île-de-France qui demande le report de l'ouverture des écoles. Les parents ont-ils le choix, avec la menace sur le chômage partiel le 1er juin ?

Contrairement à ce que vous dites, l'hôpital public n'a pas tenu, rendant obligatoire le confinement général et le report des autres soins. Pourquoi ? Des budgets en berne avec 4,2 milliards d'euros en moins, depuis vingt ans, 100 000 lits ont été fermés, dont 17 000 depuis six ans.

Arrêtez d'encenser les héros en blouse blanche ; donnez-leur les moyens d'agir !

Cette crise est terrible et va avoir des déflagrations que l'on commence à appréhender avec la progression de la pauvreté. Les associations caritatives nous alertent sur l'explosion du recours à l'aide alimentaire. Il faut réagir dès maintenant en trouvant les ressources au lieu d'assécher les caisses de la sécurité sociale, avec l'exonération des charges patronales. Il faut refuser les aides de l'État aux grands groupes qui polluent la planète et aux entreprises qui ont des activités dans les paradis fiscaux, il faut taxer les dividendes et rétablir l'ISF. Refusez de déroger au temps de travail. Il est temps de déconfiner la démocratie alors que vous transformez le Parlement en chambre d'enregistrement (MM. Xavier Iacovelli et François Patriat protestent.) et que vous lui demandez les pleins pouvoirs pour deux mois supplémentaires. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE)

M. Claude Malhuret .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants) Déconfiner ou ne pas déconfiner, telle est la question. Je suis fasciné par le nombre d'experts - les grands et les petits, les soi-disant experts et les faux qui veulent faire le buzz.

J'ai découvert un théorème : « plus il y a d'experts, moins on comprend ». (Rires sur la plupart des travées, ainsi qu'au banc du Gouvernement)

Heureusement, il reste les politiques... (Sourires) À l'Assemblée nationale, il y a des virtuoses du coronavirus. J'y ai entendu le professeur Mélenchon de la faculté de médecine de La Havane, (Rires) pointant sur vous un doigt vengeur, vous asséner « il y aura une seconde vague et vous le savez. » Impressionnant ! J'étais au bord du re-tweet... Mais je ne suis que médecin, épidémiologiste. (Sourires)

Je veux pointer du doigt certaines idées qui me paraissent fausses : la plus absurde est que le libéralisme est la cause de la pandémie.

Dans ce pays, où beaucoup préfèrent Robespierre à Tocqueville, où on préférera toujours se tromper avec Sartre qu'avoir raison avec Aron, c'est toujours le libéralisme qui porte le chapeau. Tous devraient savoir que Périclès ou Saint Louis, morts de la peste, ne connaissaient pas les notions de capitalisme ou de libéralisme. Le Covid n'est pas une maladie de la mondialisation, c'est une maladie tout court.

Napoléon disait : « l'Histoire est une suite de mensonges sur lesquels on s'est mis d'accord. » Aujourd'hui, il dirait c'est une suite de mensonges qui a le plus de like. (Sourires)

Il faut trouver le responsable du complot. Au Moyen-Âge, les responsables étaient les sorciers ou les juifs ; aujourd'hui, c'est la mondialisation.

La vérité est l'exact contraire. La science elle-même est mondialisée. Jamais la science n'a donné de réponses aussi rapidement. Le génome du virus a été séquencé en une semaine, les premiers tests produits un mois plus tard, les essais cliniques se font par centaines. Les épidémies d'avant faisaient cent fois plus de morts. Il a fallu des milliers d'années pour que Pasteur, en 1885, n'invente le vaccin contre la rage.

Deuxième idée qui traîne, celle des prophètes qui annoncent des révolutions, recyclant des idéologies ressassées depuis des décennies. Mort du capitalisme, haine de la technique, éloge du populisme, retour des frontières... et j'en passe. La réalité, c'est que personne n'a jamais vu demain. C'est à nous de préparer l'avenir.

Ce qui est certain, c'est qu'il ne ressemblera pas à un remake des thèses de Marx, de Maurras ou de Malthus.

Troisième ineptie : les régimes autoritaires seraient les grands gagnants de cette pandémie car les plus efficaces. C'est le contraire qui est vrai. La vérité, c'est que l'épidémie n'aurait pas eu lieu si la Chine ne l'avait pas cachée pendant un mois. Ce sont les démocraties asiatiques qui s'en sont bien sorties : Taïwan, Hong Kong, Singapour et la Corée du Sud qui bénéficiaient d'expériences antérieures. Et la Chine ? Elle annonce 4 500 morts sans expliquer le pourquoi des 50 000 urnes funéraires livrées en urgence nuitamment à Wuhan... Quant aux populistes en occident, Trump restera comme le président du Make the virus great again, Bolsonaro qui laisse infecter sans protection les habitants de ses bidonvilles, et Johnson sauvé de peu de ses propres théories sur l'immunité. Je préfère l'exemple de l'Allemagne démocratique, même si ses résultats sont plus proches de ceux du reste de l'Europe que de l'Asie.

Vous vous apprêtez, monsieur le Premier ministre, à prendre une décision terrible. Vous le ferez prudemment, d'autant que les sycophantes ont déjà ouvert leur dossier. Mais le Rubicon est là, et vous n'avez d'autre choix que de le franchir sans trembler.

Le 11 mai, ne laissons personne dire que nous faisons le choix de l'économie contre les hommes. Rester confinés ferait bien plus de victimes, qu'il s'agisse des autres maladies ou de la misère.

Faisons confiance aux Français, capables aussi bien que les Allemands, qui savent toujours où sont rangées leurs affaires, et des Coréens de respecter les règles et un confinement drastique.

Il y aura des bosses sur la route, monsieur le Premier ministre, mais il faut prendre la route.

Richelieu disait : « il ne faut pas tout craindre ; mais il faut tout préparer ». C'est la tâche qui vous attend aujourd'hui, c'est la tâche qui nous attend tous. (Applaudissements sur les travées des groupes des groupes Les Indépendants, LaREM, RDSE, UC et Les Républicains)

M. Hervé Marseille .  - Merci à ceux qui font vivre notre pays au quotidien : soignants en première ligne mais aussi ceux qui travaillent à notre vie quotidienne, mais vous aussi, monsieur le Premier ministre. Nombreux, dans cette assemblée, sont ceux qui considèrent que vous faites le job, comme vos ministres qui vous entourent.

Cette compréhension n'emporte pas adhésion à toute votre action ; c'est la fonction du Parlement de se montrer critique et de contrôler votre action. Dans ces conditions de travail difficiles et contraintes, nous portons la voix des élus et des Français.

L'un des points majeurs de cette crise restera le problème des masques et des tests. Quoi qu'on dise, de nombreux Français ne comprennent pas pourquoi nous avions un si faible stock de masques, pourquoi on n'en trouve toujours pas facilement, pourquoi les tests sont aussi rares.

Vous avez donné des explications après les annonces de la grande distribution sur les masques - mais comment comprendre ces publicités alors que des soignants ne sont encore pas bien dotés ?

Deuxième interrogation : l'école. Il s'agit d'un problème majeur pour la plupart de nos collectivités. La plupart sont petites : 98 % ont moins de 9 000 habitants ; 52 % moins de 500. C'est dire la complexité des décisions qui doivent être prises.

La reprise de l'école - assortie d'un droit de retrait  - a inquiété les familles, alors que des maladies infantiles sont évoquées dans la presse, sans que l'on sache s'il y a corrélation entre elles et le Covid.

Les chefs d'établissement comme les élus et les responsables associatifs s'engagent pleinement, mais ils savent que leur responsabilité est susceptible d'être mise en cause. Il faut les accompagner.

La garde des Sceaux a dit que le droit actuel suffisait : nous en doutons et la confiance serait plus grande si on accompagnait tous ceux qui s'engagent. Nous vous présenterons des amendements en ce sens.

Merci pour vos propos, monsieur le Premier ministre, et vous avez répondu à des demandes anciennes. Pourtant, je n'ai pas entendu la déclinaison de la territorialisation du déconfinement. Les Français observent des paradoxes : ils voient des airbus bondés où les passagers ne portent pas le masque et des promeneurs verbalisés sur les plages. Ils se demandent pourquoi vous faites confiance aux commerçants pour rouvrir leur établissement mais pas aux ministres des cultes dans les petites églises, les petits temples, les petites mosquées, les petites synagogues.

On peut aller plus loin dans la confiance au couple maire-préfet. Il faut s'adapter aux territoires. Sinon pourquoi avoir des départements verts ou rouges ? De nombreux départements demandent à avoir accès aux plages et aux forêts. De même, les petits restaurants ou bistrots de village pourraient être autorisés à rouvrir plus rapidement.

La culture représente 3 % de notre PIB. Les Français doivent y avoir accès rapidement. Il y a des petits musées, de petits festivals, de petites salles. Là encore, le préfet et le maire pourraient décider de les rouvrir. La délégation aux collectivités territoriales vous a fait des propositions pour un déconfinement territorialisé. N'oublions pas non plus le tourisme dont beaucoup de collectivités dépendent.

Demain ne sera plus comme avant, c'est évident. Le chômage partiel ne pourra pas continuer et le nombre de chômeurs va continuer d'augmenter.

La politique sociale devra être prééminente et tenir compte de ce qui s'est passé. Les Français n'accepteront plus, pour la plupart, que les grandes entreprises touchent beaucoup d'argent sans contrepartie. Cette pandémie est mondiale et les grandes institutions de l'après-guerre ont failli : Organisation des nations unies (ONU), Europe, G7, G20. Nous n'avons pu apporter des réponses collectives. Il faudra réinventer la gouvernance mondiale.

Une partie de mon groupe votera pour et une partie s'abstiendra. (Applaudissements sur les travées du groupe UC)

M. Bruno Retailleau .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Depuis le début de la crise, le groupe Les Républicains s'est donné une ligne faite d'exigence et de bienveillance. Oui, il s'est toujours tenu à l'exigence démocratique due aux Français - la démocratie n'étant pas un obstacle, mais une ressource. Quant à la bienveillance, il a voté tous vos textes, y compris ceux sur lesquels nous avions des réserves.

Mais la confiance que vous demandez aujourd'hui est plus difficile à accorder. Votre parole a fait l'objet de trop de contradictions et contre-vérités, notamment sur l'affaire des masques - d'abord proclamés inutiles, puis prétendument difficiles à mettre, selon une ministre, désormais obligatoires, évidemment, dans les transports publics et donnant lieu à amende s'ils ne sont pas portés : vous auriez dû dès le départ avouer la pénurie, car les Français ne sont pas des sots. Au lieu de cela, vous avez écorné la confiance que vous estimez à présent absolument nécessaire pour le déconfinement. Vous vous êtes abrités derrière les palinodies scientifiques. Mais franchement, faut-il être membre de l'Académie de médecine pour comprendre qu'un masque protège ?

M. Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé.  - Cela peut aider...

M. Bruno Retailleau.  - Les scientifiques qui se sont déclarés contre le port généralisé du masque sont des Diafoirus. Qui sait si vous aurez suffisamment de masques la semaine prochaine pour protéger tous les Français ? Il y a doute...

De même, la France a été à la traîne en matière de tests, reléguée au soixante-dix-septième rang mondial. Et là, vous ne pouvez pas alléguer de changements de pied scientifiques, puisque dès le 16 mars, le directeur général de l'OMS vous avertissait : « testez, testez, testez ! » En avril, nous avons testé trois fois moins que la moyenne des grands pays de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). Vous en promettez maintenant 700 000 par semaine, soit plus du double de la semaine dernière, mais le doute persiste. Or le troisième critère, susceptible de faire passer au rouge un département, est justement la capacité de dépistage. N'y a-t-il pas là une contradiction ?

M. Édouard Philippe, Premier ministre.  - Pas du tout, au contraire !

M. Bruno Retailleau.  - À l'Assemblée nationale, vous avez plaidé l'humilité...

M. Édouard Philippe, Premier ministre.  - Eh oui !

M. Bruno Retailleau.  - ... sentiment auquel votre majorité ne nous avait guère habitués...

Mme Jacqueline Gourault, ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales.  - Oh !

M. Bruno Retailleau.  - Elle ne doit cependant pas servir de paravent aux retards à l'allumage de la France, ni à ses blocages idéologiques et bureaucratiques, qui sont patents.

Comment comprendre que la France ait ainsi tardé à fermer ses frontières ? Le Président de la République morigénait le chancelier autrichien qui fermait, dès le 10 mars, sa frontière avec l'Italie.

Comment comprendre aussi que les résidents de Schengen ne soient pas soumis à une quarantaine, alors que dans l'espace Schengen le virus circule très vite et beaucoup ? Comment comprendre la mise à l'écart du privé, des cliniques, des médecins généralistes, des laboratoires départementaux, dans la gestion de la crise, sinon par l'idéologie et la bureaucratie ?

Quant aux 54 pages pondues par l'Éducation nationale, monsieur le ministre, ce sont autant de défausses bureaucratiques... (M. le ministre de l'Éducation nationale s'en défend.) La bureaucratie parisienne est responsable de nombreux ratés.

Nous ne pouvons plus faire confiance les yeux fermés.

Oui, il faut déconfiner, parce que les inconvénients, y compris sanitaires, du confinement sont désormais supérieurs à ses bénéfices. Je vous ai alerté sur ce point, il y a deux semaines. Ce plan de déconfinement ne peut être un pari à quitte ou double !

Vous avez évoqué des indicateurs. Mais il ne s'agit pas de météorologie, monsieur le Premier ministre ! Quelles sont les conditions que nous allons créer ou pas pour que ces indicateurs passent à la bonne couleur ?

La stratégie de confinement était nécessaire, mais une fois la France mise sous cloche, elle devrait être suivie d'une stratégie de protection, de tests, de traçage et d'isolement. Vous auriez pu le faire avec tant d'hôtels vides ! Vous auriez pu travailler au traçage, sans attendre de devoir passer sous les fourches caudines des Gafam, et monter les brigades bien en amont ! Vous avez perdu trop de temps...

Désormais, on va soulever la cloche sans savoir ce qu'elle cache...

Vous pouvez compter sur notre bienveillance, nous avons des doutes, c'est pourquoi nous allons, très massivement, nous abstenir. Mais nous sommes aussi prêts à améliorer le texte que vous nous présenterez à l'issue de ce débat, notamment pour clarifier les dispositions relatives aux responsabilités.

Vous n'avez pas choisi la date du 11 mai. Il faut à présent que la France retrouve impérativement le peloton de tête des pays qui combattent l'épidémie en essayant de casser les chaînes de contamination. Pour l'instant, nous avons freiné l'épidémie mais nous ne lui avons pas cassé les reins. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Hervé Maurey et Mme Sophie Joissains applaudissent aussi.)

M. Patrick Kanner .  - Je m'adresse à nos concitoyens soignants et travailleurs qui tiennent depuis plusieurs semaines et à ceux qui sont confinés chez eux, assurant leurs responsabilités.

La vôtre, monsieur le Premier ministre, est de protéger les Français d'un virus mortel, une « vacherie », selon le professeur Delfraissy, mais la grande faucheuse sanitaire ne doit pas devenir une grande faucheuse économique et sociale.

Nous connaissons encore mal le virus. L'absence de vaccin, de traitement et d'immunité offre des horizons bien tristes. La seule certitude, c'est que nous devrons vivre avec lui. Un déconfinement raté serait le prélude à un reconfinement assuré.

Une deuxième vague, en réduisant à néant les efforts accomplis jusqu'à présent, heurterait de plein fouet notre système de santé. Le déconfinement est un pari à haut risque. Je m'interroge à cet égard sur la date du 11 mai : a-t-elle été fixée après un travail préparatoire gouvernemental de fond dans une logique de rétroplanning ? « Dès que possible » signifie « dès que nous aurons des garanties ». Il faut de la clarté et des moyens, et surtout en finir avec les injonctions contradictoires que nous subissons depuis plusieurs mois, pour ne pas faire de cette date une chimère. J'ai en mémoire vos propos rassurants, qui nous ont sinon rassurés, du moins rassérénés, le 27 février, lorsque vous aviez réuni à Matignon les présidents de groupes. Ordres et contrordres rajoutent de l'anxiété, dans une période qui n'en manque pas.

Le besoin de clarté de la part de la population doit être votre première préoccupation. Les règles doivent être comprises et partagées. La disponibilité des masques, leur gratuité sont des sujets de préoccupation. Pourquoi les rendre obligatoires à l'école et dans les transports, mais pas au travail ? À cause d'une possible pénurie ? Si c'est le cas, il est incompréhensible de voir les grands distributeurs faire des annonces d'arrivages massifs. Le commerce n'a pas de sens dans un tel contexte. L'État doit prendre ses responsabilités et ne pas craindre de poursuivre ses réquisitions pour permettre à l'ensemble des Français d'être correctement protégés.

Nous demandons des points d'étape réguliers sur l'accessibilité des tests. Il y a peu, nous étions à 5 000 tests par jour ; vous en annoncez 100 000. Tant mieux ! Nous serons là pour le vérifier.

La restriction des libertés publiques doit être proportionnée à l'urgence et traitée avec le plus de clairvoyance possible. La République ne doit pas céder à la panique en acceptant un dispositif de traçage irrespectueux des libertés fondamentales. Vous aviez émis des doutes à l'Assemblée nationale, puis, 48 heures plus tard, il semble que l'application ne soit plus abandonnée et qu'elle serait opérationnelle début juin.

Le 11 mai ne doit pas, sans garantie, rester un totem. Cette date doit être questionnée si elle remet en cause la sécurité des Français et en tout état de cause sur la liberté individuelle nous ne vous donnerons pas une habilitation pour une nouvelle ordonnance...

M. Philippe Bas.  - Très bien ! (Marques d'approbation sur quelques travées du groupe Les Républicains)

M. Patrick Kanner.  - Le Conseil scientifique a fixé des prérequis sanitaires. Son avis est facultatif, non pas décoratif. (Sourires)

Il ne faudrait pas que la reprise anticipée de l'école devienne le symbole de l'échec du déconfinement, tant le risque est grand. Il est urgent d'attendre pour que l'école ne devienne pas le creuset d'une nouvelle catastrophe sanitaire. L'école à la carte ou sur un coup de dé n'est pas républicaine. Vous ne pouvez pas faire peser la seule responsabilité de la réouverture sur les maires, alors que vous n'avez pas anticipé le désarroi des élus, des parents, des professeurs.

Nous saluons en revanche les mesures d'assistance prises pour les plus démunis. Il n'empêche : l'augmentation du chômage, prévisible, nécessitera des mesures fortes pour empêcher de nombreux Français de tomber dans la précarité. Le chômage partiel, qui concerne un Français sur deux, n'est pas une mesure de générosité, comme vous le répétez souvent, ni une faveur ! (Mme Sophie Primas s'exclame.)

Vous semblez redécouvrir l'État Providence et les jours heureux du Conseil national de la Résistance. Allons-y ! Prolongez le chômage partiel et les négociations salariales, instaurons le revenu de base (M. François Patriat invoque le coût d'une telle mesure.) et renoncez à vos réformes mortifères de l'assurance chômage et des retraites !

L'équilibre entre la sécurité sanitaire et les libertés individuelles des Français est au coeur du débat. Monsieur le Premier ministre, nous sommes à vos côtés pour accompagner les Français. Nous l'avons montré lors de l'examen des deux PLFR.

Le débat d'aujourd'hui est différent : vous demandez notre soutien. Le soutien se construit sur la confiance dans la gestion passée, dans les choix à venir et dans les moyens déployés. J'ai le regret de vous dire que, pour notre groupe, le compte n'y est pas. (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR)

M. Jean-Claude Requier .  - Au nom du groupe RDSE, j'ai une pensée pour toutes les victimes du Covid ainsi que pour leurs proches et leur famille qui n'ont pas pu se recueillir auprès de leur mort.

Plus que jamais, nous avons besoin d'humanité dans nos sociétés modernes, monstres de technologies innervés de compétition internationale. Nous demeurons ontologiquement fragiles. Trop sûrs de notre maîtrise de la nature, nous oublions notre finitude humaine.

Je salue également nos soignants. Au prix d'efforts considérables et de conséquences vertigineuses, l'épidémie recule. Mais le combat n'est pas terminé. Comme le disait le docteur Véronique Guillotin, nous devons apprendre à apprivoiser le virus, que seul un vaccin pourra tuer. Le prix à payer est élevé pour nos concitoyens : isolement, aggravation des fractures sociales, la liste est longue.

Le déconfinement -  indispensable - nécessite humilité et responsabilité. Nous sommes sur un fil pour réussir le 11 mai. Nous mesurons la gravité des décisions à prendre.

À cet égard, aucune institution, aussi éminente soit-elle, ne peut se substituer à l'autorité politique. L'avis du Conseil scientifique doit rester consultatif. Il n'est pas contraignant. Et n'oubliez pas d'inclure tous les territoires ultramarins de la République, comme Saint-Martin ou Saint-Pierre-et-Miquelon et pas seulement les DOM, dans vos cartes !

Mme Françoise Laborde.  - Très bien !

M. Jean-Claude Requier.  - Nos concitoyens des collectivités d'outre-mer y seront sensibles !

Les élus locaux, les maires en première ligne, ont admirablement rempli leur rôle. Ils attendent les précisions sur le calendrier électoral.

À l'approche du 11 mai, la réouverture des écoles est également une source d'inquiétudes. Nous aurons ce débat, mais il n'est pas question de laisser la responsabilité aux élus locaux.

Il convient également de soutenir le secteur culturel, cher à notre collègue Françoise Laborde.

Il faut aussi faire toute la lumière sur le stockage de masques par la grande distribution.

Pour l'heure, une large majorité de notre groupe approuvera votre déclaration. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE)

M. Édouard Philippe, Premier ministre .  - Après ma réponse, générale, une séance de questions-réponses précises est prévue.

Je remercie les orateurs pour leurs propos, notamment ceux qui ont salué l'action du Gouvernement. Avec le président Requier, je constate que si la critique est aisée, l'art est difficile. C'est un fait.

Il faut cependant écouter ceux qui critiquent. Beaucoup ont évoqué la difficulté de la communication en période de crise. Patrick Kanner a évoqué l'application Stop Covid. L'instrument n'a de sens qu'en complément des autres outils, notamment dans les lieux de grande densité et d'anonymat comme dans les transports. Alors, il serait utile pour identifier des contacts avec des personnes positives, anonymes et inconnues, et non pas ces personnes. Je rappelle également que l'usage de l'application relève du volontariat.

Dans ce cas-là, cette application peut avoir un intérêt. Pour l'instant, elle n'est pas prête, les validations manquent encore. Quand elle sera prête, si elle l'est, nous aurons un débat, suivi d'un vote, avant de l'utiliser. Je l'ai indiqué clairement. Et pourtant, monsieur Kanner, vous me dites que les propos de la porte-parole du Gouvernement sont en décalage avec mes propos devant les députés. Je ne saurais y voir de la mauvaise foi...

M. Patrick Kanner.  - Y aura-t-il une loi, monsieur le Premier ministre ?

M. Édouard Philippe, Premier ministre.  - Qui a dit qu'une loi serait nécessaire ? Manifestement, en avançant des hypothèses, de manière nuancée, on s'expose à voir dénoncer comme incohérences ce qui n'est en réalité qu'une branche de l'alternative. Oui, nous travaillons sur l'application, je ne sais pas si elle marchera ou non. Dès lors que le dispositif est volontaire et anonyme, nous n'avons pas besoin d'une loi.

Monsieur le président Retailleau, je vous remercie de votre bienveillance... (Sourires)

M. François Patriat.  - ... relative !

M. Édouard Philippe, Premier ministre.  - C'est une perle qui est parfois enveloppée d'une gangue de prudence, ou de timidité... (Rires)

Vous m'interrogez sur la batterie de tests...

M. Bruno Retailleau.  - Et la capacité !

M. Édouard Philippe, Premier ministre.  - ... et la capacité à remonter le nombre de contaminations. Pour déterminer la couleur de tel ou tel département, nous avons pris en compte le nombre de cas, le nombre de lits en réanimation - lequel est par nature un indicateur régional - mais aussi les instruments permettant de remonter chaque jour les chaînes de contamination susceptibles d'apparaître.

Imaginons un département où se déclareraient 25 cas nouveaux le premier jour, puis 30 le lendemain. Tout se passe bien grâce aux brigades et aux tests. Si pour une raison pratique, organisationnelle ou matérielle, l'instrument permettant de remonter les chaînes de contamination ne fonctionnait plus, le département passerait du vert au rouge, car nous ne serions plus en mesure de contenir l'épidémie.

M. Bruno Retailleau.  - Parce qu'il n'y a pas assez de tests !

M. Édouard Philippe, Premier ministre.  - Nous ne risquons pas tant de manquer de tests que de bras pour les pratiquer et surtout les exploiter. Il faut pouvoir remonter au jour le jour les 20 ou 25 contacts de chaque cas, de manière certaine. Si ce n'était plus possible quelque part, il faudrait en tirer les conséquences.

Vous m'invitez à l'humilité - ce n'est pas pour moi une excuse, mais une reconnaissance de ce que nous ne savons pas. Lorsque des controverses entre scientifiques ont éclaté, je me suis gardé de dire qui avait raison, car je n'ai aucune compétence en la matière, et me suis contenté d'attendre les procédures normales, expérimentales, les revues par les pairs pour déterminer l'efficacité ou non de tel traitement. Tous n'ont pas eu la même humilité.

Vous avez dénoncé les obstacles idéologiques ou bureaucratiques à la levée de certains verrous concernant les laboratoires. Notre pays a beaucoup de règles en matière sanitaire : toutes ont leur justification. C'est faire preuve d'humilité que de le reconnaître. Heureusement, nous avons réussi collectivement à lever les verrous et je m'en félicite.

Le président Marseille, que je remercie pour ses propos bienveillants et exigeants, a évoqué les difficultés soulevées par la réouverture des écoles. Nous essayons d'y répondre. Que l'on édicte des principes généraux ou au contraire des règles précises, on s'expose dans un cas comme dans l'autre à la critique - qui n'est pas illégitime et peut être utile. Nous avons fixé des règles, une doctrine, et indiqué qu'il faudrait trouver les bonnes solutions localement ; c'est la consigne donnée aux préfets et aux recteurs.

Dans un grand nombre de communes, les élus locaux - y compris ceux qui critiquent la réouverture ! - ont commencé à intégrer la doctrine et traitent la situation école par école. Dans certains endroits, ce sera difficile, dans d'autres, tout se passera très bien.

C'est vrai, l'incertitude est source de difficulté. C'est une réalité exaspérante qui mine nos décisions et qui fatigue.

Je ne me comparerai pas à certains chefs d'État de grandes puissances outre-Atlantique - je n'en ai ni le physique ni le caractère (Sourires) - mais je note que ceux qui font les réponses les plus définitives se trompent souvent et se voient obligés de changer de pied... J'essaye pour ma part d'expliquer les critères qui, s'ils sont réunis, permettront de passer à l'étape suivante, pour donner le maximum de lisibilité et de prévisibilité. Nous avons donné certaines certitudes, en annonçant d'ores et déjà que certaines choses seraient interdites jusqu'au 2 juin, que les grands festivals culturels de l'été ne se tiendraient pas. Ne rien dire aurait provoqué une incertitude énorme. À chaque fois nous avons expliqué et justifié ces décisions.

J'entends l'invitation du président Malhuret à prendre garde aux bosses sur la route. Cette route ressemble plus souvent à une piste qu'à une autoroute. (Sourires)

Monsieur Adnot, je regrette votre changement de vote. Nous avions considéré l'option des classes alternées par demi-journées. Les élus locaux s'y sont montrés hostiles, opposant que les transports scolaires devraient faire deux tournées au lieu d'une. (Marques de protestations et d'approbations sur diverses travées) Nous avons fait au mieux, en écoutant les élus locaux.

Merci à ceux qui ont formulé des encouragements au Gouvernement. Il en a bien besoin ! (Applaudissements sur les travées des groupes LaREM et RDSE et sur quelques travées du groupe UC)

Mme Laurence Cohen.  - Merci, monsieur le Premier ministre, pour la non-réponse !

Débat interactif

M. Xavier Iacovelli .  - Les élus locaux sont en première ligne pour protéger et mettre en oeuvre des mesures d'urgence face à cette crise qui bouleverse notre quotidien, qui laissera des traces sur nos commerces, nos entreprises, et sur les plus précaires. Au plus près du terrain, au contact permanent des citoyens, les maires sont « à portée d'engueulade ». Ils devront assurer la réouverture des écoles le 11 mai. Les conditions sanitaires devront être strictement respectées car la protection de nos enfants est la priorité. Se pose aussi la question de la protection juridique des maires et élus locaux dans le cadre des opérations de déconfinement.

La loi Fauchon protège certes les élus, mais ils ont besoin d'être rassurés sur l'engagement de leur responsabilité pénale. La majorité de notre groupe a déposé un amendement pour apporter une réponse concrète à cette inquiétude légitime. Que fera le Gouvernement ? (M. François Patriat applaudit.)

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice .  - Votre préoccupation rejoint celle du Gouvernement. Les maires doivent pouvoir prendre les décisions nécessaires sans craindre que leur responsabilité pénale soit engagée.

Les règles du code pénal en la matière sont très restrictives : comportement sciemment dangereux, prise délibérée de risques, au mépris de la sécurité d'autrui. Dans une approche très encadrée, la chambre criminelle de la Cour de cassation retient en outre la nécessité de prendre en compte les compétences propres à chacun et les connaissances générales pour apprécier in concreto l'existence d'une éventuelle faute. Ce cadre juridique est général et je ne vois pas comment un décideur qui ferait respecter les dispositifs barrières pourrait voir sa responsabilité engagée.

S'il apparaissait nécessaire de codifier la jurisprudence pour clarifier la situation, nous conduirions de bon gré ce travail avec le Parlement.

Mme Esther Benbassa .  - La crise sans précédent que nous traversons est sanitaire, économique, sociale et alimentaire. La pandémie et le confinement ont jeté une lumière crue sur les inégalités qui rongent notre société.

Pour les plus fragiles, l'épreuve a été plus redoutable encore : enfants privés de repas à la cantine, foyers confrontés à une quasi-famine, étudiants, migrants, chômeurs, sans-abri, familles monoparentales, travailleurs précaires, pour qui il s'agit moins de vivre que de survivre.

Le déconfinement n'effacera pas magiquement ces inégalités ni leurs effets. Il ne s'agit pas seulement de panser les blessures immédiates. Le déconfinement doit être accompagné d'un plan d'urgence sociale redonnant à l'État-providence tout son rôle. Quelles mesures sociales concrètes et immédiates comptez-vous mettre en oeuvre ?

M. Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé .  - Nous partageons le diagnostic. Absence de cantine, d'activités sources de revenus complémentaires, obligation de fréquenter des superettes de quartier plutôt que les discounters : la crise et le confinement sont encore plus difficiles pour les plus fragiles. Au 15 mai, quatre millions de ménages précaires bénéficieront d'une aide exceptionnelle, 150 euros pour les bénéficiaires du RSA et de l'ASS et 100 euros supplémentaires par enfant ; 100 euros par enfant également pour les bénéficiaires des APL. Cette aide sera versée directement par la CAF, sans démarche préalable, pour éviter le non-recours.

Nous avons mis en place une aide alimentaire pour 39 millions d'euros, avec des mesures territorialisées et des chèques alimentaires ; je suis allé en Seine-Saint-Denis à la rencontre des associations qui sont au contact des familles. Je salue la continuité du travail social, renforcé par la plateforme de service civique, la prolongation de l'accès aux droits et au versement des aides, les places d'hébergement à destination des sans-abri. Je tire un coup de chapeau aux travailleurs sociaux, largement mis à contribution.

Mme Esther Benbassa.  - Ces mesurettes ne règleront pas le problème de la famine et de la pauvreté. Un loyer en Cité U coûte bien plus que 200 euros ! Il faut un plan global d'urgence.

M. Emmanuel Capus .  - Dans cette crise, les maires sont des acteurs clés. Je salue leur action. Ils sont aux avant-postes, au contact direct de la population. C'est sur eux que repose le succès du déconfinement. C'est grâce à eux que les enfants retourneront à l'école, avec le plus de sécurité possible. Le gouvernement a raison de leur faire confiance.

Mais la confiance n'exclut pas l'assurance et la légitimité. Les maires ont besoin d'être rassurés et leur légitimité renforcée. Quelle date prévoyez-vous pour l'installation des conseils municipaux élus dès le premier tour ? À quand l'avis du Conseil scientifique et quel délai avant l'installation des conseillers municipaux ? Cela aura-t-il lieu avant la fin du mois de mai ?

Mme Sophie Primas.  - Excellent !

M. Édouard Philippe, Premier ministre .  - Le plus tôt sera le mieux. L'installation des conseils municipaux élus dès le premier tour a une utilité évidente, démocratique et économique. Elle n'a pas été jugée appropriée pendant le confinement. Nous avons fixé la date du 23 mai non par fétichisme, mais parce que nous avons décidé d'un délai de deux mois, le 23 mars. Si le Conseil scientifique rend un avis rapide, le rapport sera simple à écrire et nous irons vite.

En réalité, ce qui est difficile, c'est la coexistence, au sein des EPCI, des conseils municipaux élus au premier tour avec ceux dont le mandat est prorogé, surtout s'ils ont été battus au premier tour - même si leur légitimité, inscrite dans la loi, n'est pas contestable.

Nous trouverons les moyens de surmonter ces difficultés. J'ai bon espoir que l'on puisse installer les conseils municipaux élus au premier tour rapidement, bien avant la fin du mois de mai.

M. le président.  - Nous sommes le 4 mai...

M. Emmanuel Capus.  - Merci, monsieur le Premier ministre, pour cette réponse suffisamment précise. (Rires)

Mme Catherine Morin-Desailly .  - Sitôt l'annonce par le Président de la République du retour à l'école, le Sénat a pris ses responsabilités.

Notre commission de la culture a mis en place un groupe de travail pour en évaluer les enjeux. Animé par notre collègue Jacques Grosperrin, ce groupe qui a émis onze préconisations, appuyées sur deux prérequis : l'avis de la communauté scientifique ; l'urgence d'une concertation avec les acteurs de terrain.

Interpellé par le refus de certains maires, et pas seulement dans les départements rouges, le groupe UC veut des réponses précises, d'abord sur les risques épidémiologiques ; des services pédiatriques dans toute la France se font l'écho d'un nombre anormalement élevé de pathologies cardiaques touchant des enfants qui pourraient être liées au Covid-19.

Avez-vous des études sur la contamination par les enfants ? Quel suivi sanitaire localement, connaissant l'état de notre médecine scolaire ?

Les maires ne se cachent pas derrière leur petit doigt. Un certain nombre accepte de s'organiser, souvent avec les moyens du bord, mais la question de leur responsabilité pénale, civile et administrative se pose. À l'initiative d'Hervé Maurey, notre groupe a, le premier, soulevé ce sujet, d'autant que certains se sentent fragilisés par une élection municipale non achevée.

C'est du bon sens. Ce déconfinement ne peut être que progressif et adapté aux contextes locaux. Clarifiez les financements et dites-nous comment l'on traite efficacement les ruptures d'égalité entre les enfants à l'école et ceux restés à la maison. Quid des enfants en situation de handicap ?

Le flottement du début a laissé place à un peu plus de méthode mais nous avons tous le sentiment d'être à marche forcée avec le 11 mai en ligne de mire : à peine quatre jours ouvrés pour mettre en oeuvre le protocole sanitaire discuté vendredi !

Les maires d'Ile-de-France, mais pas seulement, ont demandé un sursis.

Certains, trop prudents ou réalistes, ont été même jusqu'à revendiquer une réouverture qu'en septembre. Au fait, n'était-ce pas l'avis du Conseil scientifique ? (M. Hervé Maurey et Mme Sophie Joissains applaudissent.)

M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse .  - Le Premier ministre a répondu à votre question sur les responsabilités des maires. Leur régime de responsabilité ne doit pas les conduire à des inquiétudes. Cependant, nous nous emploierons à les rassurer si nécessaire. Nous faisons tout ensemble. J'observe que beaucoup d'entre eux se sont mis en route, y compris certains de ceux qui ont signé la pétition, ce qui apparaît quelque peu étonnant...

Ceux qui se sont mis en route démontrent que c'est possible. Or je ne vois pas pourquoi ce qui est faisable quelque part ne le serait pas ailleurs.

Oui, le protocole sanitaire est très exigeant. Mais on nous le reprocherait s'il ne l'était pas. La médecine scolaire sera d'ailleurs aux côtés des élus, comme d'autres corps de métier de l'Éducation nationale. Il faut un esprit d'équipe dans ces circonstances - c'est ce qui se passe dans la majorité des cas.

Nous sommes tous face à un problème considérable. C'est vrai dans tous les pays. Nous nous comparons toujours à l'Allemagne : nous sommes meilleurs sur le décrochage scolaire. Beaucoup de pays observent attentivement notre protocole sanitaire.

Nous avançons avec un esprit d'équipe qui n'exclut pas la critique.

M. Philippe Bas .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Monsieur le Premier ministre, vous avez indiqué - personne ne le contestera - que le 11 mai est dans un peu plus de six jours... Les Français seront-ils suffisamment préparés ? Les écoles, entreprises, administrations seront-elles prêtes ? Et vous, serez-vous prêt ? Je ne conteste pas votre philosophie. Mais vous n'avez pas annoncé toutes les décisions prises. Il reste trop de flou pour que le compte à rebours soit suffisant, d'ici le 11 mai.

Personne ne connaît en France les conséquences juridiques du classement d'un département en rouge. Le déconfinement aura-t-il bien lieu le 11 mai dans ces départements ? Le système d'information dont vous nous demandez la mise en oeuvre sera-t-il prêt ? J'en doute !

Enfin, faudra-t-il une attestation pour justifier sa présence dans les transports en commun, afin d'éviter leur saturation et la propagation de l'épidémie à cause de la promiscuité ?

M. Édouard Philippe, Premier ministre .  - De façon certaine, la réouverture des collèges n'aura pas lieu dans les départements rouges, pas plus que les parcs et jardins. Pour l'instant, ce sont les seules différences entre les classements en rouge et en vert. Mais, à l'évidence, le fait d'être dans un département où le virus circule beaucoup, un département rouge, incite à encore plus de prudence et guide le préfet et les maires dans la détermination de leurs décisions.

Dans les départements verts, le travail entre les mairies et l'Éducation nationale doit permettre de rouvrir les établissements partout. Dans les départements rouges, comme je l'ai déjà dit au Sénat, un maire comme celui de Mulhouse où la pandémie a été très violente, pourra expliquer que c'est plus difficile de rouvrir les écoles. La qualification de rouge ou vert teintera la capacité d'appréciation des maires et préfets.

À partir du 2 juin, lorsque, je l'espère, nous aurons montré notre capacité à maîtriser l'épidémie et à faire repartir l'économie, cette distinction pourra donner lieu à d'autres différenciations. La situation pourra donc être évolutive.

Notre objectif est que le système d'information soit prêt. Le problème est moins technique que juridique. Qui aura accès à ce fichier comportant des données médicales ? Nous avons besoin que des personnes qui ne sont pas médecins le puissent. L'outil pourra-t-il fonctionner juridiquement ? Le Parlement donnera-t-il cette autorisation par un vote sur l'article 6 ?

Quant à une attestation dans les transports publics, si les autorités organisatrices de transport (AOT) avaient besoin de mesures pour mieux réguler la demande, nous serions prêts à en discuter. Il n'est pas prévu à ce stade de rendre obligatoire une telle attestation.

M. Philippe Bas.  - J'interprète votre réponse : on ne maintiendra pas le confinement dans les départements rouges.

M. Édouard Philippe, Premier ministre.  - En effet.

M. Philippe Bas.  - Je vous mets en garde sur le risque de contamination notamment dans les transports parisiens en l'absence de mesures plus contraignantes.

Mme Laurence Rossignol .  - Ma question porte sur l'impact des annonces de Mme Pénicaud sur la dégressivité du chômage partiel. À partir du 2 juin, il sera moins généreux, d'après ses propos. Je ne suis pas sûre que le mot soit approprié... Elle a indiqué que les salariés ne pouvaient continuer à en bénéficier sans une attestation que l'école n'a pas pu accueillir leur enfant. On note que la philosophie du Gouvernement est toujours la même : le but de la dégressivité du chômage partiel est bien d'obliger les Français à retourner au travail. Mais cela pose plusieurs questions : qui va rédiger l'attestation ? L'école ou la mairie ? À qui sera-t-elle fournie ? Que se passerait-il si les enfants n'étaient accueillis qu'un à deux jours par semaine ? De fait, une rotation devrait être organisée en fonction des capacités d'accueil. Mais alors, comment les enfants accueillis seront-ils choisis ? J'ai obtenu deux réponses à cette dernière question : soit on prend d'abord les enfants de ceux qui travaillent, soit les décrocheurs, qui sont souvent des enfants de chômeurs de longue durée.

Mme Muriel Pénicaud, ministre du travail .  - Le chômage partiel doit-il continuer tel quel indéfiniment ? Il nous semble normal qu'il décroisse avec la reprise de l'activité économique. Actuellement, l'employeur est remboursé totalement jusqu'à 4,5 Smic. Ce sera toujours le cas si le contrat de travail n'est pas réactivé tout de suite.

Jusqu'au 1er mai, les parents gardant leurs enfants étaient en arrêt de travail et recevaient des indemnités journalières. Celles-ci seraient passées de 90 % à 66 % de leurs revenus, entraînant une forte baisse de leur pouvoir d'achat. C'est pourquoi ils ont été placés en chômage partiel.

En mai, nul changement : un parent qui ne veut pas ou ne peut pas remettre son enfant à l'école conserve son chômage partiel. Ensuite, nous verrons ; l'éventualité d'une attestation de l'école sera à discuter le moment venu.

Mme Véronique Guillotin .  - La crise sanitaire est inédite par sa soudaineté, sa gravité et la mauvaise connaissance que nous avons du virus. La prolongation pour deux mois de l'état d'urgence est une nécessaire mesure de prudence, car le déconfinement n'est pas synonyme de fin de l'épidémie, et la perspective d'une deuxième vague n'est pas à exclure selon de nombreux experts.

Un débat s'est engagé sur la ligne de crête entre protection des libertés publiques et protection de la santé. L'efficacité du traçage des cas contacts dépendra de multiples facteurs dont l'adhésion de la population et des professionnels de santé de première ligne.

Je m'interroge. Quelle est la cohérence du discours des pouvoirs publics quand d'un côté la restriction de certaines libertés publiques est présentée comme indispensable, mais que de l'autre l'extension du port obligatoire du masque, justifiée médicalement, est laissée dans le flou ?

Tandis que le Luxembourg a rendu le masque obligatoire partout où une distance de deux mètres n'est pas respectée, le message est brouillé en France : le masque est recommandé mais pas obligatoire, sauf dans les transports publics et dans les commerces qui le demandent... Or on sait qu'une information précise conditionne le respect des consignes. On sait aussi qu'un masque porté puis retiré puis reporté, potentiellement avec des mains qui n'ont pas pu être lavées, fait considérablement décroître son efficacité.

Conformément aux recommandations du Conseil scientifique et de l'Académie de médecine, ainsi qu'aux demandes de nombreux élus, pourquoi ne pas rendre obligatoire le port du masque dans tous les lieux publics, au moins dans les départements en rouge ? (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE)

M. Olivier Véran, ministre .  - Les recommandations sont claires. Le port du masque est recommandé en population générale dès que la distanciation physique et les gestes barrières ne peuvent être assurés, comme au Luxembourg. C'est le cas dans les magasins, dans les transports publics et pour les enseignants, puisqu'il est difficile de respecter la distanciation à l'école. C'est pourquoi il y est obligatoire. Ailleurs, il est recommandé. Il fait partie de l'arsenal de lutte.

Si nous rendons le masque comme les gestes barrières obligatoires dans l'espace public, pour tous les Français, il faudra sanctionner leur absence. Ce n'est pas le cas actuellement. Nous préférons être dans une logique d'accompagnement.

M. Olivier Henno .  - En un seul semestre, notre pays aura connu trois périodes distinctes : celle d'avant le confinement où nous connaissions mal le Covid-19 ; celle du confinement, impératif sanitaire, et celle que nous appelons peut-être un peu vite le déconfinement, période inédite et terre inconnue où il faudra conjuguer impératifs sanitaires et impératifs économiques et sociaux.

Aujourd'hui, il faut qu'une majorité de salariés passent du chômage partiel au travail sans passer par la case Pôle Emploi. Cela exige la confiance de tous. Il faut éviter à tout prix le chômage de masse. Or le président Marseille l'a dit : rien n'est plus fragile que la confiance.

Quelle méthode de dialogue social envisagez-vous, sur des sujets multiples : assurance chômage, intermittents, hôtellerie-restauration, et pourquoi pas, la participation lorsque la croissance reviendra ?

La tenue d'une conférence sociale de sortie de crise ne vous semble-t-elle pas utile ?

Mme Muriel Pénicaud, ministre .  - Oui, nous vivons des moments jamais vécus auparavant. Nous pouvons nous féliciter de la mise en place du chômage partiel que nous avons élargi et qui protège 11,7 millions de salariés et 911 000 entreprises - alors qu'aux États-Unis, 30 millions de salariés ont perdu leur emploi en un mois. Le chômage partiel couvre les revenus à 100 % jusqu'à 4,5 fois le Smic, afin d'éviter des licenciements massifs immédiats comme en 2008-2009.

Dans une seconde phase, il faut accroître la reprise de l'activité - elle est actuellement à l'arrêt à 36 % - différente selon les secteurs, et le dialogue social est crucial.

Aujourd'hui, dans toutes les entreprises, on discute de la reprise du travail.

Nous avons publié hier un protocole national qui vient compléter les 51 guides métiers.

Tous les sujets sont à l'ordre du jour des visioconférences d'une heure et demie que je tiens deux ou trois fois par semaine avec les partenaires sociaux. Étape par étape, nous avons construit le confinement, puis nous construisons le déconfinement, avant la reprise.

M. Alain Milon .  - Monsieur le ministre de la Santé, vous connaissez sans doute Mary Mallon. Au siècle dernier, cette Américaine porteuse saine de la fièvre typhoïde a, par son déni persistant de la maladie, contaminé plus de 50 personnes dont trois sont mortes.

La maladie de Kawasaki touche actuellement un certain nombre d'enfants sur le territoire national. On dénombrait, la semaine dernière, 23 hospitalisations à ce titre en Île-de-France.

L'hôpital Necker a rendu son rapport tout à l'heure : une soixantaine d'enfants en souffrent actuellement en France. Nous ne savons pas si cette pathologie est liée directement au Covid-19, mais il y a de fortes chances pour que ce soit le cas.

Le confinement et l'isolement qui figuraient dans le texte initial du Gouvernement en ont été retirés : pourquoi ?

Est-il encore raisonnable de continuer à prévoir la réouverture des écoles alors que Kawasaki se répand sur l'ensemble du territoire ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Olivier Véran, ministre .  - L'Américaine Mme Mallon avait transmis la maladie sans le savoir ni le vouloir... Nous prévoyons un isolement systématique des personnes malades. En cas de non-respect de ce confinement, elles pourraient contaminer d'autres personnes. Mais nous choisissons de faire confiance aux Français. L'isolement fait appel au civisme et au bon sens sanitaire de nos compatriotes. Ils ont remarquablement prouvé leur esprit de responsabilité depuis bientôt huit semaines de confinement.

Vous m'interrogez aussi sur la situation sanitaire des enfants malades. Le décompte a fait apparaître une augmentation car nous avons demandé à toutes les réanimations pédiatriques de France de faire remonter tous les cas de Kawasaki. Je me tiens informé afin de comprendre les tenants et les aboutissants de cette maladie qui ne concerne pas seulement la France : l'Italie, l'Espagne et l'Angleterre sont également touchées. Il pourrait s'agir d'un mécanisme réactionnel après une épidémie virale. Nous en reparlerons.

M. David Assouline .  - Monsieur le Premier ministre, lors de votre conférence de presse du 19 avril, vous n'avez pas mentionné la culture. Si je vous disais que la culture n'est pas un supplément d'âme, mais notre âme, vous seriez d'accord. Si je vous disais que c'est ce qui nous permet de rêver, d'imaginer, de chercher du sens et d'en donner, vous seriez également d'accord. Si je vous disais que cela s'est manifesté clairement pendant cette crise où les artistes professionnels et amateurs nous ont permis de tenir dans notre vie confinée, vous seriez, à nouveau, d'accord avec moi.

Alors, je serai direct. Si vous êtes d'accord, combien allez-vous consacrer à la culture aux côtés de 45 milliards d'euros d'aides aux entreprises ? Le secteur est au bord du chaos. Il est vital, produisant sept fois la valeur ajoutée du secteur automobile, fournissant 1,5 million d'emplois directs.

Je vous demande une année blanche pour faire face à cette année noire pour les intermittents du spectacle - certains n'arrivent plus à se nourrir. Il faut prolonger leurs droits d'au moins une année. Les travailleurs en contrats courts ont besoin de mesures d'indemnisation car aucun emploi ne leur sera proposé avant longtemps, ils n'ont plus de moyens d'existence.

M. Franck Riester, ministre de la culture .  - Vous avez raison : les artistes ont joué un rôle considérable pendant le confinement et le joueront également en sortie de crise. Le Gouvernement ne les a pas oubliés : il les a accompagnés, notamment avec les prêts garantis par l'État, l'accès au chômage partiel, le report des charges sociales et fiscales. Il y a également tous les dispositifs mis en place par le ministère au travers des grands opérateurs que sont le Centre national du cinéma et de l'image animée (CNC), le Centre national du livre (CNL), le Centre national de la musique (CNM),...

Certes, cela ne suffit pas, vous avez raison. Nous réfléchissons donc à des solutions pérennes pour soutenir cet écosystème, pour être à la hauteur de la situation. Tout le Gouvernement est mobilisé en faveur des intermittents, des artistes-auteurs, techniciens, ainsi que des TPE et PME.

M. David Assouline.  - Je vous ai posé une question précise sur l'année blanche pour les intermittents. Vous êtes sans doute suspendu à la parole présidentielle...

J'ajoute qu'il faut rapidement transposer la directive sur les services de médias audiovisuels (SMA) et sanctuariser nos actifs notamment dans le cinéma, car des acteurs étrangers sont à l'affût.

Mme Françoise Laborde.  - C'est vrai !

Mme Sophie Primas .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Dès la fin mars, notre commission des affaires économiques a évoqué la responsabilité des chefs d'entreprise. Le risque de contamination sur le lieu de travail pourrait exister malgré des mesures sanitaires. Bien sûr, la protection des salariés est prioritaire, mais la confiance des employeurs pourrait être entamée si leur responsabilité était engagée en dépit du respect des normes sanitaires. J'ai entendu le Premier ministre, mais avec la loi Fauchon, un juge pourra toujours considérer que toutes les mesures de précaution n'ont pas été mises en oeuvre.

Le manuel général de déconfinement fourni par le ministère du Travail n'est qu'indicatif. Il n'a pas de valeur juridique avérée et les patrons de PME et TPE sont souvent bien seuls pour mettre en oeuvre ces prescriptions.

Madame la ministre, quelle est la valeur juridique de ces guides, quelles sont les réassurances à l'égard des acteurs économiques ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux .  - La reprise d'activité suscite certes des inquiétudes et les employeurs craignent de voir leur responsabilité civile engagée si un de leurs salariés est atteint par le Covid.

Le Gouvernement est attentif à la sécurisation juridique de l'activité. Depuis une jurisprudence de 2015, Air France, réitérée par l'assemblée plénière de la Cour de Cassation en 2019, l'employeur qui a pris les mesures de prévention légales ne peut être mis en cause. Il n'y a pas une obligation de résultat mais une obligation de sécurité renforcée.

L'employeur qui ne prendrait pas les mesures nécessaires commettrait en revanche une faute susceptible d'engager sa responsabilité.

Le cadre juridique est désormais bien établi, pour les salariés comme pour les employeurs. Au besoin, cette question pourra être clarifiée dans la loi.

M. Jérôme Durain .  - Le groupe socialiste et républicain a présenté plusieurs amendements pour répondre aux inquiétudes des élus locaux, notamment sur la réouverture des écoles et des transports, suite aux déclarations parfois chaotiques du Gouvernement. Parce qu'ils sont en première ligne, le risque pèse sur eux en matière de responsabilité.

Dans mon département, les élus s'interrogent sur l'opportunité de rouvrir les écoles, pris en étau entre les préconisations multiples du Gouvernement et une absence de moyens pour les mettre en place. Leur responsabilité risque d'être mise en cause. Un cadre juridique protecteur est indispensable.

Nous proposons qu'à compter de la déclaration d'urgence sanitaire et jusque trois mois après sa fin, toute décision prise par un élu local sur le fondement d'une mesure du Gouvernement engage exclusivement la responsabilité de l'État. (M. le Premier ministre sourit.) Il ne s'agit pas d'exonérer les élus locaux de leur responsabilité, mais de remettre la responsabilité au juste endroit, l'État décidant seul des mesures à mettre en oeuvre.

Que pensez-vous de cette proposition ?

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux .  - Le Gouvernement est très attentif à la situation des employeurs privés, des élus locaux et des décideurs publics. Mais toute décision politique emporte une part de responsabilité. Il nous faut donc trouver un équilibre.

La loi Fauchon limite déjà les cas dans lesquels on peut rechercher la responsabilité pénale d'un élu : il faut un comportement sciemment dangereux, une mise en danger délibérée de la vie d'autrui. La responsabilité pénale ne peut être recherchée que dans deux hypothèses : une faute délibérée en cas de violation délibérée d'une norme existante ; en l'absence de normes, une faute caractérisée. Sur tous ces points, la Cour de cassation exige une appréciation in concreto.

Nous sommes cependant prêts à une codification ou une clarification dans la loi.

M. Jérôme Durain.  - Pour obtenir l'adhésion des élus à la démarche du Gouvernement, il faut absolument lever leurs doutes quant à leur responsabilité. Or les doutes remontent de partout. Près de 150 parlementaires ont signé une tribune pour protéger les maires. Écoutez-nous !

M. Jacques Grosperrin .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Vous avez annoncé la réouverture des écoles le 11 mai. L'intention est bonne, surtout lorsqu'il s'agit de remettre au travail les décrocheurs, mais elle perd de son intensité lorsque ce retour repose sur le volontariat. Le service public devient facultatif. Ce ne sont pas les décrocheurs qui reviendront mais les classes avec examen : troisième, première et terminale.

Vous faites peser la responsabilité sur les maires, sommés de respecter un guide sanitaire de 54 pages, peut-être une usine à gaz comme le disait le président Retailleau. Comment les maires pourront-ils garantir la distanciation d'un mètre entre les écoliers dans les cours de récréation, les couloirs, les sanitaires ? Plus il y a de normes, plus il y a de risques de poursuites.

Nous devons rassurer et protéger les maires, mais rien ne le prévoit dans le texte. J'espère un bon accueil des propositions de Philippe Bas. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux .  - J'entends vos doutes et vos interrogations. Je le redis : le régime juridique de la responsabilité des élus est stabilisé. Je ne suis pas certaine qu'un régime juridique, quel qu'il soit, empêcherait des poursuites pénales. Il se trouvera toujours un administré pour engager une procédure.

Nous ne cherchons pas à atténuer la responsabilité des élus, mais nous pourrons clarifier le dispositif pour renforcer la confiance si vous le jugez nécessaire. La problématique de la responsabilité ne concerne pas seulement les élus locaux, mais aussi les employeurs privés et les décideurs publics. Nous devons nous attacher à une réflexion globale.

M. Patrick Chaize .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Le 11 mai nous semble une échéance lointaine parce que le confinement a altéré notre rapport au temps et que les interrogations sur la levée du confinement, notamment sur les transports, demeurent nombreuses. Sommes-nous prêts ?

Dans un courrier du 30 avril, nous apprenions que les principaux opérateurs de la mobilité - SNCF, RATP, Keolis, Transdev - vous informaient que le respect de la distanciation physique d'un mètre entre les passagers n'était pas réalisable, puisque le nombre de passagers ne pouvait dépasser 10 % à 20 % de la jauge normale. Comment faire ?

Comment contrôler l'effectivité du port du masque dans les transports en commun ? Un chauffeur de bus pourra-t-il refuser l'accès à une personne sans masque ? Vous aviez semblé hésitant sur ce sujet lors d'une précédente intervention.

Quel est votre plan pour distribuer les masques promis ?

M. Jean-Baptiste Djebbari, secrétaire d'État auprès de la ministre de la transition écologique et solidaire, chargé des transports .  - Notre objectif est que les transports se déroulent dans de bonnes conditions sanitaires grâce à une offre suffisante : 70 % de rames à la RATP, 50 % à 60 % des trains du quotidien à la SNCF. Deuxième élément : faire en sorte qu'il y ait le moins de voyageurs possible au même moment, notamment aux heures de pointe. Le télétravail doit donc continuer à être privilégié.

Enfin, nous organisons les flux pour que la sécurité sanitaire soit au rendez-vous, d'où le port obligatoire du masque. Il y aura des contrôles et des sanctions.

Il faudra prendre en compte les réalités locales qui ne sont pas les mêmes à Limoges et à Paris. En cas de difficultés, nous n'hésiterons pas à fermer certaines lignes, pour des motifs sanitaires et d'ordre public.

M. Patrick Chaize.  - J'ai du mal à comprendre que les AOT, majoritairement publiques, soient obligées de vous adresser un courrier pour vous questionner sur les modalités de déconfinement au 11 mai. J'ai du mal à comprendre : elles disent qu'il faut rétablir 100 % du trafic pour transporter de 20 % à 30 % du nombre habituel de voyageurs ? Cela n'est pas compatible avec les chiffres du Gouvernement.

Il faut plus de clarté pour que chacun se sente en confiance dans les transports. Levez les incertitudes !

M. René-Paul Savary .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Vous l'avez dit, monsieur le ministre, pour obtenir la confiance, il faut la transparence. Or le nuancier départemental pose question. Les critères évoluent. D'abord, il y a eu la circulation du virus. Certains départements sont classés rouges, mais la circulation du virus y est assez faible.

Ensuite, il y a eu la capacité en lits de réanimation ou les tests. S'agit-il de critères départementaux ou régionaux ? Ces couleurs provoquent une discrimination entre les départements, notamment pour l'ouverture des collèges.

La couleur va servir d'aide à la décision, notamment pour les écoles. Va-t-on fermer les écoles lorsqu'on passera en rouge ? Et les entreprises ? Tout cela m'inquiète.

Quel est le rôle exact de ce nuancier ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Olivier Véran, ministre .  - Certains indicateurs - la circulation active du virus - sont véritablement départementaux ; il y a des signaux plus faibles également, consultations des généralistes, entrées aux urgences, admissions en réanimation, etc. Le taux d'occupation des services de réanimation est également essentiel, or il est de nature régionale. Souvenez-vous du Grand Est au plus fort de la pandémie : la saturation des services hospitaliers s'observait à l'échelle de la région, et même au-delà. La capacité de déconfinement d'un département en dépend aussi.

Enfin, il faut prendre en compte les tests, le traçage et l'isolement - nous y reviendrons en examinant le projet de loi. La logique est départementale mais l'indicateur de mobilisation des équipes hospitalières ne peut être que régional.

M. René-Paul Savary.  - Les règles du jeu évoluent au fil du temps. Il faut que les choses soient claires, car les présidents des départements auront des décisions à prendre au niveau des collèges, au même titre que les maires pour les écoles. En fonction des couleurs, une mise en cause des responsabilités pourra s'exercer contre certains départements ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Vote par scrutin public sur la déclaration du Gouvernement

La déclaration du Gouvernement est mise aux voix par scrutin public.

M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°100 :

Nombre de votants 344
Nombre de suffrages exprimés 170
Pour l'adoption   81
Contre    89

Le Sénat n'a pas adopté.

La séance, suspendue à 18 h 5, reprend à 18 h 20.

Rappels au Règlement

M. Patrick Kanner .  - Nous allons engager un débat important dont la forme interroge. La forme traduit la considération que le Gouvernement a pour le Parlement. Sans doute découle-t-elle de la manière dont le Président de la République malmène son Gouvernement qui à son tour malmène le Parlement.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Très bien.

M. Patrick Kanner.  - Preuve en est, le Président de la République donnait une conférence de presse sur les mesures de déconfinement au moment même où le Premier ministre s'exprimait au Sénat...

On nous impose un calendrier à marche forcée. « L'urgence l'impose », affirme-t-on. Dont acte ; mais cela se fait en dégageant la responsabilité du Gouvernement sur d'autres. Nul ne peut se prévaloir de ses propres turpitudes ! Nous avons accepté de voter l'habilitation à prendre 50 ordonnances en quelques semaines, en confiance et en responsabilité. Pour autant, la démocratie doit reprendre ses droits. C'est au Parlement d'avoir le dernier mot. Il est temps de mettre à l'ordre du jour les lois de ratification.

La Haute Assemblée s'est toujours montrée constructive dans son approche de la crise. Respectez-la.

Mme Éliane Assassi .  - Je souscris aux propos du président Kanner sur les conditions de travail qui nous sont imposées et qui freinent notre droit constitutionnel d'amendement. Nous sommes des hommes et femmes politiques responsables et nous avons travaillé sur ce texte. Nos amendements ne seront pas de critique, mais de proposition. Respectez le Parlement.

M. le président.  - Acte est donné de ces rappels au Règlement.

Prorogation de l'état d'urgence sanitaire (Procédure accélérée)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi prorogeant l'état d'urgence sanitaire et complétant ses dispositions (procédure accélérée).

Notre séance se déroule dans les conditions de respect des règles sanitaires mises en place depuis le mois de mars et que j'ai rappelées en début de séance.

Je précise que tous les orateurs, y compris le ministre, s'exprimeront depuis leur place, sans monter à la tribune.

Afin de limiter la circulation de documents, vous êtes invités à utiliser vos tablettes et la fonctionnalité « en séance » sur notre site Internet pour prendre connaissance du dérouleur et des amendements.

Nominations à une éventuelle CMP

M. le président.  - J'informe le Sénat que des candidatures pour siéger au sein de l'éventuelle commission mixte paritaire chargée d'élaborer un texte ont été publiées.

Ces candidatures seront ratifiées si la présidence n'a pas reçu d'opposition dans le délai d'une heure prévu par notre Règlement.

Discussion générale

M. Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé .  - Notre pays a fait face à l'impensable, c'est-à-dire la mise en suspens du quotidien pendant un mois et demi. Affronter la crise du Covid était devenu un impensé dans un monde où le tragique collectif avait disparu derrière les technologies. Le monde a trébuché, et avec lui nombre de dogmes et de certitudes.

Il a fallu rester chez soi, et consentir bien des sacrifices pour éviter la propagation du virus. Je salue les soignants que la Nation tout entière regarde avec admiration. Rien n'est plus beau que de consacrer sa vie à sauver la vie des autres.

Je salue ceux qui ont contribué à maintenir la vie du pays.

Je salue aussi les parlementaires grâce auxquels la vie démocratique a pu continuer. J'entends les critiques sur les délais restreints de l'examen du texte. Nous aurions aimé vous laisser plus de temps. Nous respectons la vie démocratique, nous l'avons démontré en étant présent, semaine après semaine, ici et à l'Assemblée nationale. Aucun autre pays n'a mis au vote un plan de déconfinement.

Je salue enfin les élus locaux qui ont pris des initiatives, su inventer pour protéger la population. Notre quotidien a été bouleversé, pour éviter le pire. Les décisions prises n'ont rien d'anodin.

Le Gouvernement sait que le texte qui vous est proposé n'est pas un blanc-seing. Il mesure la responsabilité historique qui est la sienne. La seule vocation de l'état d'urgence sanitaire est de permettre de lutter contre l'épidémie. Dans la situation sanitaire actuelle, sa prolongation est une nécessité, nous dit le Conseil scientifique dans un avis unanime, pour les semaines voire les mois à venir.

Ce soir, il y a 131 863 patients diagnostiqués par PCR, soit 576 de plus en 24 heures ; 51 371 des patients hospitalisés sont guéris ; on compte 25 548 patients hospitalisés, soit 267 de moins qu'hier, mais près de 699 admissions supplémentaires à l'hôpital lors des 24 dernières heures. La France déplore 25 201 décès depuis le début de la crise, 306 de plus en 24 heures. Ce soir, 6 455 lits de réanimation sont occupés, dont 3 696 par des malades du Covid-19 ; c'est 123 de moins qu'hier, mais 84 admissions supplémentaires.

Derrière ces chiffres, la situation hospitalière reste tendue. L'épidémie a été combattue mais pas vaincue, loin s'en faut. C'est pourquoi nous sollicitons la prolongation de l'état d'urgence sanitaire.

Il fallait aussi conforter le cadre juridique de cet état d'urgence. Je sais l'action déterminante des sénateurs pour enrichir et consolider ce texte et me réjouis d'en débattre avec vous.

C'est la perspective du déconfinement le 11 mai qui nous a conduits à accélérer l'examen parlementaire. Le déconfinement ne sera pas un retour à la vie d'avant. L'arrêt brutal de toutes les mesures serait une grave erreur. Le 11 mai correspondra au premier ravitaillement d'une course de fond, mais la ligne d'arrivée est encore loin.

Il est nécessaire de sécuriser et d'élargir le cadre juridique de l'état d'urgence sanitaire en y intégrant les enjeux du déconfinement : réglementation des transports et des établissements recevant du public, port du masque...

Nous parlons volontairement du déconfinement sous l'angle des interdictions qui demeurent, car ce ne sera pas un retour à la vie normale. Mais le déconfinement, ce sont aussi des libertés retrouvées, celle d'emmener ses enfants à l'école, d'aller travailler ou de voir quelques amis - jamais plus de dix au total.

Le projet de loi renforce les garanties juridictionnelles qui s'attachent aux mesures de quarantaine et d'isolement des malades dont les modalités seront précisées par un décret après avis du Conseil scientifique.

Les mesures obligatoires d'isolement ne viseront que ceux qui entreront sur le territoire national et ceux qui arriveront en Corse et dans les territoires d'outre-mer. Le Gouvernement n'appliquera pas ces mesures aux personnes atteintes du Covid qui auraient refusé de manière réitérée de respecter les ordonnances médicales prophylactiques.

Les mesures individuelles seront prononcées sur constatation médicale. Elles ne pourront pas dépasser quatorze jours sans décision du juge des libertés et de la détention, sauf consentement de la personne concernée. Quoi qu'il en soit, elles ne dépasseront pas trente jours.

Le système de tracing est essentiel pour déterminer les chaînes de contamination. Il s'agira de porter à la connaissance de différents intervenants des données médicales ou non médicales. Un tracing de niveau 1 sera effectué par les médecins généralistes. Au niveau 2 interviendra l'assurance maladie pour déterminer les personnes contacts susceptibles d'avoir été infectées, puis au niveau 3, les ARS et les préfets pour éviter des flambées épidémiques. Santé publique France et la direction générale de la santé interviendront au niveau national. Ce système d'information est destiné à identifier des personnes infectées ou susceptibles de l'être, à collecter des informations nécessaires pour déterminer les personnes contacts, à organiser des examens de biologie médicale de dépistage et à réaliser toutes choses utiles dans la lutte contre la propagation de la maladie.

Nous avons besoin de la loi pour lever des obstacles. Certains s'inquiètent du respect du secret médical, mais l'assurance maladie centralise déjà des données de santé auxquelles ont accès des médecins, des pharmaciens mais aussi des salariés de l'assurance maladie.

Ce qui est nouveau, c'est que les informations concerneront aussi des personnes non malades, les fameux cas contact. Un tel élargissement ne peut se mettre en place que grâce à la loi.

Ces systèmes d'information sont techniquement et juridiquement distincts de toute application numérique de tracing de type Stop Covid, qui ne sera pas mise en place sans débat préalable au Parlement. Pour l'instant, il ne s'agit que de transmettre des informations depuis le laboratoire qui aura réalisé l'écouvillonnage jusqu'à une base de données à laquelle les médecins auront accès dès lors que la personne testée aura été déclarée infectée par le virus. Les ARS et Santé publique France auront aussi besoin de ces informations pour identifier les personnes contacts potentiellement infectées.

La mise en oeuvre de ces mesures suppose un décret en Conseil d'État après un avis de la CNIL, qui sera rendu public.

Je salue les élus locaux. La crise a au moins pour vertu de confronter notre système de décisions à ses atouts comme à ses limites. Les élus locaux ont été pleinement mobilisés dans la lutte contre le virus.

La période qui s'annonce verra les territoires jouer un rôle très actif.

Nous vous présentons un texte équilibré, soucieux de l'efficacité dans le combat contre le virus, soucieux du respect des principes avec lesquels nous ne transigerons jamais et soucieux de permettre à chacun de servir l'intérêt général. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM)

M. Philippe Bas, président de la commission des lois, rapporteur .  - Le Sénat est tout entier mobilisé pour la lutte contre ce fléau épouvantable qu'est le Covid-19, mais toujours avec le souci de n'accepter des mesures contraignantes pour nos concitoyens que si elles sont absolument nécessaires, en préservant autant qu'il est possible nos libertés, nos droits fondamentaux et le respect de la vie privée. Il n'est pas facile de trouver le bon point d'équilibre, et la vigilance du Conseil constitutionnel permettrait de prendre le relais de la nôtre. Il faut lutter contre cette maladie avec résolution mais avec les armes d'une grande démocratie et d'un État de droit.

Je ne sais s'il faut vous remercier pour le débat qui vient de s'achever, sinon par courtoisie. Si le Gouvernement l'a tenu, ce n'est pas par libéralité mais bien parce que le Sénat l'a demandé et que la Constitution le prévoit. C'est le jeu de la démocratie.

Dissipons tout de suite toute ambiguïté : ce texte n'est pas la traduction en loi du plan de déconfinement du Gouvernement. Les mesures qu'il contient sont ponctuelles. J'ai proposé à la commission des lois de les adopter moyennant un grand nombre d'amendements, dont certains d'importance.

Le régime de la quarantaine existe depuis la nuit des temps et figure déjà dans le code de la santé publique. Vous en faites un usage particulier, nous inscrivons des garanties supplémentaires, surtout pour nos territoires d'outre-mer où une reprise de l'épidémie pèserait lourdement sur le système de soins.

Nous sommes fondamentalement d'accord avec la finalité du système d'information : remonter les chaînes de contamination. Le porteur du virus indique, pour les protéger, ses contacts, lesquels sont invités à se tester et, s'ils sont positifs, à respecter une quatorzaine.

L'idéal eût été que ce système d'information soit alimenté exclusivement par des médecins. Ce n'est matériellement pas possible, si le Gouvernement veut faire, comme il l'annonce, jusqu'à 700 000 tests par semaine. Nous n'aimons pas ce système. Aucun d'entre nous. Mais nous l'avons accepté, à condition que le Gouvernement prévoie des garanties supplémentaires, sur lesquelles nous reviendrons.

Il y a eu dans nos travaux un petit abcès de fixation : le déconfinement, qui concerne tous les Français, partout, c'est plus difficile que le confinement. C'est une multitude de situations à régler : dans les transports, les écoles, les entreprises, les administrations...

Le Gouvernement a raison de souligner l'importance des gestes barrières mais il faut aussi des masques disponibles massivement - les Français souhaitent en porter - et limiter le nombre de personnes dans les transports, sur leur lieu de travail ou dans la rue. Avec le déconfinement, chaque jour, des milliers de personnes devront prendre des décisions, des risques pour permettre le déconfinement progressif. Nous voulons permettre à ces décideurs - maires, présidents de collectivité et leurs collaborateurs - de prendre ces risques sans s'exposer au danger d'une incrimination trop aisée.

Nous avons modifié l'article premier pour vous demander de revenir nous voir plus tôt en cas de prolongation, mais aussi pour exiger un aménagement temporaire de la mise en oeuvre de la responsabilité pénale de tous ceux qui auront à prendre des risques raisonnés pour réussir le déconfinement. Nous sommes mobilisés pour réussir le déconfinement, mais pas sans garanties. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC, Les Indépendants)

M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales, rapporteur pour avis .  - Pendant que le pays, dépourvu de toute certitude sur son avenir, était confiné, le Parlement n'a pas cessé un instant d'exercer, malgré la tempête sanitaire, la vigilance qu'exige tout état d'exception.

Notre commission s'est saisie pour avis de trois articles et a adopté six amendements, dont cinq ont été retenus par la commission des lois.

Un point divise nos deux commissions. Devant l'Assemblée nationale, le Premier ministre a érigé les points saillants de sa stratégie : protéger, tester, isoler - triptyque désormais aussi célèbre que la devise nationale - mots vibrants et généreux qui ne doivent pas être une simple incantation.

Vous voulez faire reposer la lutte contre l'épidémie sur la seule responsabilisation citoyenne des personnes, y compris malades, et de leurs contacts. Je comprends qu'il soit politiquement attirant, après deux mois d'enfermement imposé, de privilégier l'incitation à la contrainte. Les professionnels de santé que nous avons auditionnés nous ont rappelé cette condition première du soin : le consentement et l'adhésion du patient. Il ne s'agit nullement de remettre en cause ce principe. Mais n'oublions pas que le matin du 11 mai ne rangera pas magiquement les ravages de l'épidémie parmi les épisodes malheureux de notre histoire. Le risque d'un sursaut de la maladie et de sa tragique cohorte d'hospitalisations est là, tout comme aux premiers jours - et notre système hospitalier, exemplaire dans la prise en charge de la première vague, serait submergé par la seconde.

On ne peut protéger réellement sans isoler. Appliquer la quarantaine aux seuls mouvements transfrontaliers ou interinsulaires est non seulement insuffisant, mais dangereux. Vous faites courir à nos concitoyens le risque d'une insouciance périlleuse.

Tous les épidémiologistes connaissent le triste cas de Mary Mallon : elle connaissait sa maladie ; après une première quarantaine, elle a refusé de se soumettre à nouveau à ce régime et c'est l'État de New York qui a dû la contraindre à effectuer deux quarantaines d'affilée.

Je vous présenterai un amendement qui étend les possibilités de quarantaine et d'isolement aux cas de refus réitérés d'isolement prophylactique. (Applaudissements sur plusieurs travées des groupes Les Républicains et LaREM)

Exception d'irrecevabilité

M. le président.  - Motion n°1, présentée par Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

En application de l'article 44, alinéa 2, du Règlement, le Sénat déclare irrecevable le projet de loi prorogeant l'état d'urgence sanitaire et complétant ses dispositions (n° 417, 2019-2020).

Mme Éliane Assassi .  - L'examen de la loi du 23 mars 2020 déclenchant l'état d'urgence sanitaire s'est déroulé dans une forme de sidération démocratique, face à la violence de l'épidémie, qui explique la légèreté du contrôle constitutionnel sur des mesures particulièrement lourdes sur le plan des libertés publiques. L'état d'impréparation et de dénuement de notre pays, que nos concitoyens ne comprennent pas, a provoqué ce transfert des pleins pouvoirs à l'exécutif.

Depuis le 16 mars, le pays est confiné et avec lui les libertés publiques et la démocratie. Depuis cette date, 31 ordonnances, 70 décrets et au moins 1 200 arrêtés préfectoraux ont été pris.

Les sénateurs doivent exercer leurs fonctions vis-à-vis de ce sujet - le Conseil constitutionnel n'ayant pas la même légitimité démocratique. Action et efficacité ont été les mots d'ordre du Président de la République et du Gouvernement.

Bien sûr, il fallait agir vite, dans le cadre d'une mobilisation générale et exemplaire, mais la prise en main de presque tous les pouvoirs s'est traduite par une infantilisation des citoyens et de leurs représentants. Or notre peuple n'a pas besoin d'un tuteur, mais d'un exécutif à l'écoute de ses besoins, de ses revendications et de ses craintes. La confiance à laquelle on nous enjoint se partage et se débat.

Le Président de la République a admis des lenteurs. C'est la responsabilité d'une gestion néolibérale qui a abouti à la casse de l'hôpital public qui est plutôt en cause.

Le triste feuilleton des masques témoigne que la captation des pouvoirs par l'exécutif est insupportable. Le temps perdu par des choix politiques ne se rattrape pas par une débauche de communication désordonnée et souvent contradictoire. Le choix solitaire, par Emmanuel Macron, de la date du 11 mai prouve l'impasse démocratique dans laquelle se trouve notre pays, nombre de ministres l'apprenant en même temps que les citoyens. Elle aurait pu être débattue démocratiquement.

Faute de masques, de tests, la date du 11 mai n'est plus synonyme d'espoir, mais de flou et d'inquiétude.

La question de la levée de l'état d'urgence sanitaire se pose. La loi du 23 mars 2020 précise que la prorogation de l'état d'urgence sanitaire doit passer par une loi qui en fixe le terme.

C'est un autre cadre sanitaire qui a été fixé à l'article 4 : deux mois, renouvelables sans date butoir ! L'exception de l'exception ne peut être autorisée que par la loi, mais sans limitation dans le temps.

Nous remettons donc en cause la constitutionnalité de cet article 4 - qui n'a pas été présenté au Conseil constitutionnel.

Monsieur le Premier ministre, vous aviez déposé deux amendements pour garantir le pouvoir du Parlement sur la fixation du terme de tout état d'exception, y compris dans le cadre des articles 16 et 36 de la Constitution.

L'étude d'impact jointe au projet de loi du 23 mars indiquait que l'État pouvait faire face à la crise sanitaire, sans recourir à cet état d'exception, en complétant les dispositions existantes du code de la santé publique, pour les adapter aux situations extrêmes, et en modifiant les dispositions sur les pouvoirs de police du maire ou du préfet. L'état d'urgence est donc une option pleinement politique, dont la pertinence sanitaire n'est pas démontrée.

Limiter la durée de l'état d'urgence est une exigence constitutionnelle, rappelée par le défenseur des droits. Nous refusons sa prorogation.

M. Philippe Bas, président de la commission des lois, rapporteur.  - Je me retrouve avec Mme Assassi sur beaucoup de valeurs, parce que ce sont celles de la République, mais je ne les interprète pas au point de soutenir sa motion. Elle n'en est pas surprise...Je refuse toute évolution qui réduirait notre démocratie entre un homme, le Président de la République, et le peuple français.

Nous ne sommes pas non plus les apôtres d'un système où l'État de droit n'opposerait plus de garanties pour s'opposer aux excès de pouvoir. Et nous prévoyons des garanties.

Dans notre démocratie, le Parlement est là, et les restrictions à l'exercice de libertés fondamentales doivent être justifiées sous le contrôle du Conseil constitutionnel, et, pour leur mise en oeuvre, sous celui des juridictions. Gardons-nous de céder à une vision trop réductrice de notre démocratie !

Si je partage votre préoccupation concernant l'équilibre des pouvoirs dans la République, en tant que parlementaires, nous ne pouvons pas considérer que le Parlement n'aurait pas été saisi ou n'aurait aucun rôle. Nous voterons donc la loi qui nous est proposée, en y incluant, précisément, des garanties essentielles, qui n'y figurent pas, parce que c'est le rôle du Sénat.

Nos approches diffèrent donc et c'est pourquoi la commission des lois, après en avoir délibéré dix minutes, a donné un avis défavorable à votre motion.

M. Olivier Véran, ministre.  - Faire durer l'état d'urgence sanitaire ne plaît à personne...

M. Jacques Grosperrin.  - C'est clair !

M. Olivier Véran, ministre.  - C'est un déchirement de restreindre les libertés de nos concitoyens, de priver des familles de fêtes, de deuils, des gens de travail ou des enfants d'école. Ce n'est dans l'ADN politique de personne. Nous ne le faisons que pour protéger les Français.

Je vous demande de rejeter cette motion pour nous permettre de continuer notre mission de protection que nous avons appliquée avec parcimonie, raison et efficacité. Tous les pays d'Europe voient l'épidémie reculer, sauf la Suède qui n'a pas appliqué de confinement. Il nous faut encore fournir un effort collectif pour terrasser définitivement ce virus. Toutes les protections seront données par le débat parlementaire et je m'en réjouis.

La motion n°1 n'est pas adoptée.

Discussion générale (Suite)

Mme Christine Herzog .  - Depuis le début de la crise sanitaire, les élus locaux, les maires et les parlementaires se sont engagés pour appliquer localement la stratégie décidée par le Gouvernement. Nous avons fait preuve de bonne volonté et de bienveillance, car cette crise exige de notre part une implication totale et constructive.

Ce projet de loi devrait constituer une étape décisive dans le processus de déconfinement ; il pose plus de questions qu'il n'en résout.

Le déconfinement représente une étape complexe. Les acteurs de terrain, notamment les maires et les chefs d'entreprise, sont en première ligne. Pourtant, le texte ne dit rien sur les missions précises et les moyens dont ils disposeront.

La question de leur responsabilité juridique ne trouve toujours pas de réponse, alors qu'elle est nécessaire car la stratégie à mettre en oeuvre est encore floue.

La date du déconfinement est suspendue à des indicateurs biaisés. Pour être efficace, il fallait une stratégie globale, reposant sur des protections en nombre, sur des tests de dépistage et sur une phase d'isolement des personnes contaminées. Cela a été fait dans plusieurs pays et depuis plusieurs semaines.

De nombreux sujets sont renvoyés à des ordonnances et à des décrets ultérieurs. L'article 3, par exemple, évoque les plans d'accompagnement, mais ne précise pas le rôle des maires, dans l'action des brigades chargées de tracer, les contacts des personnes infectées. De même pour l'isolement et l'hébergement des malades dans leur commune.

L'article 6, relatif à l'organisation des systèmes d'information et à la surveillance locale des cas détectés, ne donne pas les garanties nécessaires pour un sujet aussi sensible.

Les chefs d'entreprise sont eux aussi en première ligne. Leur faire porter, ainsi qu'aux maires, une responsabilité juridique, éventuellement pénale, sans l'avoir définie au préalable, est inacceptable.

Ces lacunes freineraient le redémarrage économique du pays, sur lequel repose notre avenir.

Beaucoup de questions restent en suspens et appellent des réponses claires de l'État pour que chacun puisse remplir son rôle et prendre ses responsabilités.

M. Philippe Adnot.  - Très bien !

M. Pierre Laurent .  - Nous avons déjà exprimé nos doutes sur ce régime d'exception lorsqu'il nous a été présenté il y a six semaines. Nous mettions en garde sur l'effacement du contrôle parlementaire et sur les garanties démocratiques à donner aux Français et aux élus. Désormais, le déconfinement est envisagé dans la plus grande confusion. D'ailleurs, le Sénat vient de rejeter le plan du Gouvernement.

Le même jour, vous nous demandez de prolonger l'état d'urgence de deux mois, comme si la méthode ne devait pas être réévaluée. Dans son avis du 28 avril, la commission consultative des droits de l'Homme s'interroge sur le bien-fondé de cet état d'urgence, au regard des textes existants et de son impact sur notre vie démocratique.

Le syndicat de la magistrature n'a pas une analyse différente quant à l'atteinte de ce régime d'exception aux droits fondamentaux. De fait, les articles 2 et 5 ne sont pas rédigés comme des dérogations tandis que d'autres articles posent question, comme celui qui étend les pouvoirs de police dans les transports publics, sans que les entreprises concernées ni leurs salariés ne l'aient demandé. Ces pouvoirs doivent rester dévolus aux forces de police.

De même, les modalités de mise en quarantaine et d'isolement posent problème. Selon la Cour européenne des droits de l'Homme, la mise en quarantaine doit être considérée comme un moyen de dernier recours, d'autres mesures coercitives doivent être envisagées avant d'en arriver à l'isolement.

Nous déposerons des amendements pour protéger les salariés, garantir la gratuité des masques dans les transports et prolonger l'interdiction des expulsions locatives.

Enfin, l'article 6 mettant en place un large système d'information, nous semble trop imprécis pour être laissé à une ordonnance.

Des données médicales seront accessibles à des non-médecins...

M. Olivier Véran, ministre.  - C'est déjà le cas !

M. Pierre Laurent.  - La notion de recueil volontaire des données ne figure pas dans votre projet et l'anonymat n'est pas garanti. On ne peut laisser aux décrets le soin de préciser le champ d'application d'un dispositif aussi important et aussi flou.

Les apports de la commission des lois sur la responsabilité des maires nous semblent satisfaisants.

En revanche, la déresponsabilisation des chefs d'entreprise n'est pas acceptable. Toute entreprise doit mettre en oeuvre les conditions suffisantes pour assurer la sécurité de ses employés. Sinon, on ouvrirait la porte à tous les abus pour pousser au retour au travail dans n'importe quelles conditions.

Nous ne voterons pas ce texte. La nécessité d'agir ne doit pas affaiblir notre regard de législateur, surtout en ces temps d'urgence. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE)

M. Dany Wattebled .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants) Le coronavirus a bouleversé le monde, atteint de nombreux concitoyens et mis notre pays à l'arrêt. C'est un défi majeur qui nous impose de modifier nos comportements au nom de l'intérêt général. Dans le combat engagé, le civisme est une arme primordiale.

Je salue les policiers et gendarmes qui veillent au respect des mesures de confinement, et il est incompréhensible qu'ils ne disposent pas toujours de mesures de protection. Je tiens aussi à saluer les maires, les élus locaux qui se sont montrés à la hauteur de la situation.

Ce texte présente diverses mesures d'accompagnement du déconfinement et proroge l'état d'urgence sanitaire jusqu'en juillet. Ce texte aborde la mise en quarantaine, l'isolement des personnes infectées, la collecte des données médicales pour casser les chaînes de transmission du virus.

Je serai particulièrement attentif au dispositif de traçage numérique envisagé par le Gouvernement. Je serai également vigilant quant aux moyens humains pour constituer les brigades territoriales.

Je salue l'engagement des soignants et adresse mes pensées aux Français qui ont perdu un proche et qui n'ont pu l'accompagner dans ses derniers instants.

Nous devons réussir ensemble le déconfinement et la confiance est une condition essentielle pour remettre en marche notre pays. Il faut mettre fin aux procédures qui bloquent les décisions. L'administration n'est pour l'heure pas au rendez-vous. Ainsi, les déclarations d'intention d'aliéner sont à l'arrêt alors qu'elles constituent des ressources importantes pour les départements ; les maires doivent retrouver le droit de signer les permis de construire. Les retards accumulés doivent être résorbés au plus vite. L'administration devra être aux côtés de nos concitoyens pour accompagner la reprise. Notre groupe votera ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants)

M. Philippe Bonnecarrère .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Le groupe centriste aborde ce texte dans le contexte de l'urgence sanitaire, sans oublier les valeurs des libertés publiques et individuelles qui lui sont chères.

Trois points sont essentiels. D'abord, la prorogation de l'état d'urgence sanitaire : nous le comprenons, car le Gouvernement doit avoir les moyens de mettre en oeuvre sa stratégie de lutte mais nous approuvons la limitation prévue par la commission des lois. En approuvant l'article premier, nous estimons que la Constitution reste l'arme la plus solide pour apporter des réponses adéquates à la situation de crise.

Nous sommes également favorables à l'évolution du régime de responsabilité, proposée par la commission des lois. Nous connaissons le subtil équilibre de la loi Fauchon. La définition de la faute caractérisée pose problème dans le cadre du déconfinement, car certaines mesures imposées aux décideurs n'ont pas recueilli l'accord du Conseil scientifique. Dès lors, il pourrait être utile de limiter le régime de responsabilité dans le temps et dans son spectre.

Enfin, l'article 6 nous interroge beaucoup. L'exécutif se montre exigeant envers le législatif ; à l'inverse, le Parlement doit pouvoir être exigeant dans son contrôle de l'exécutif, tout particulièrement sur cet article. Le Premier ministre nous dit compter sur l'adhésion plutôt que sur la contrainte. Mais où sont les parcelles d'adhésion sur le dispositif de l'article 6 ? Il faut en revenir à la logique d'équilibre, au checks and balances.

N'oublions pas les risques de dérapage du fait d'un captage massif des données personnelles. Nous ne contestons pas votre bonne volonté, mais nous risquons d'entrer dans un engrenage qui pourrait un jour nous mettre en difficulté.

Vous nous présentez aujourd'hui un dispositif dit d'information. Au Journal officiel du 22 avril, un arrêté autorisait un large éventail de données partagées entre le data hub et la CNAM. Nous craignons la multiplication des systèmes d'information. Nous aurions préféré une anonymisation des données. Oui au partage d'information à l'occasion de l'enquête épidémiologique mais non à cette identification dans des serveurs centraux qui sont à la main de l'exécutif.

L'absence de consentement de l'intéressé nous inquiète, tout comme l'application Covid-19, qui nous semble mal née.

Vous présentez quatre finalités au dispositif. Qui va saisir les informations dans le système ? Qui va garantir l'anonymat des personnes touchées par le virus alors que vous allez remonter la chaîne sanitaire ? Quid de l'isolement prophylactique ? Enfin, qu'en est-il de la recherche épidémiologique, qui ne peut se faire que de façon anonyme ?

Nous attendons impatiemment vos explications. Vous l'avez compris, nous sommes dubitatifs quant aux conséquences du système que vous proposez de mettre en place avec l'article 6. (Applaudissements sur les travées du groupe UC ; Mme Marie-Pierre de La Gontrie applaudit également.)

M. Jean-Pierre Sueur .  - Il nous paraît essentiel de clarifier le champ de la responsabilité des élus locaux. À défaut, nous doutons de la mise en oeuvre des mesures, notamment à l'école.

L'amendement de Philippe Bas nous semble extrêmement général. Des mesures spécifiques pour les élus locaux sont indispensables.

En outre, nous souhaitons limiter la prolongation de l'état d'urgence à un mois et nous souhaitons une meilleure information du Parlement sur les décisions prises par le Gouvernement et les préfets.

Quand les dizaines d'ordonnances seront-elles ratifiées ?

La crédibilité de ce texte dépend de la capacité de fourniture de masques. Nous avons assisté à une véritable loi de la jungle pour ces dispositifs de protection ! Le pouvoir régalien de l'État doit intervenir.

Avec ce texte, nous aboutissons à une conception restrictive de l'article 45 de la Constitution : nous devrions pouvoir discuter de tout sujet figurant dans la loi du 23 mars 2020 que nous prolongeons. Or nous ne pourrons pas traiter des questions sociales, du problème du logement, des centres de rétention, des prisons ni de la justice... Nous le regrettons.

Quant à l'article 6, il existe une tension évidente entre santé et libertés publiques.

Nous suivrons les propositions de Philippe Bas qui reprennent les nôtres : retrait des nouvelles ordonnances qui figurent dans le texte, suppression de la mention du « Stop Covid », garanties des droits des personnes concernées, création d'une instance de contrôle comprenant des parlementaires, respect de l'avis de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) lors de la rédaction du futur décret. Ces garanties sont nécessaires mais peut-être pas suffisantes.

Notre groupe défendra également avec force les libertés publiques et le respect de la vie privée.

Mme Maryse Carrère .  - (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE) Inutile de rappeler le nombre de victimes du Covid en France et dans le monde. Mes premières pensées vont à elles et à leurs familles.

Nous sommes réunis dans des conditions exceptionnelles pour remplir notre mission constitutionnelle, celle de légiférer.

Jean-Claude Requier l'a dit, le groupe RDSE soutient le Gouvernement dans son plan de déconfinement, mais souhaite qu'il prenne des engagements à plus long terme pour faire face à ce type d'épidémies qui risquent de se multiplier à l'avenir, qu'il s'agisse des capacités sanitaires, de l'indépendance alimentaire ou encore pharmaceutique. La paralysie saisonnière ne peut plus être une alternative.

La première phase d'état d'urgence, qui court jusqu'au 23 mai, est déjà un régime dérogatoire par rapport au droit commun. Aujourd'hui, où est l'urgence ? Nous avions grandement le temps d'évaluer les mesures mises en place, ce qui n'a pas été fait.

La majorité du groupe RDSE ne souhaite pas proroger l'état d'urgence sanitaire pour une durée trop longue, compte tenu de son caractère liberticide. Joël Labbé a ainsi déposé un amendement qui lui fixe un terme au 8 juillet. Mais nous nous rallierons à la position de la commission des lois.

Ce texte apporte plus de questions que de réponses. Il ne formule aucune contrainte mais des recommandations en matière de gestes barrières ou de mesures de protection, ce qui sème la zizanie. Quand des maires rendent les règles préconisées obligatoires, ils font face à l'opposition de l'État.

Les brigades médicales sont au centre des préoccupations. Qui seront les personnes habilitées à recueillir les données personnelles et médicales ? À quelles fins ? Sur quel support électronique ?

Les articles 2 et 3, imposant l'isolement pour simple présomption en provenance de l'étranger, posent aussi problème. Ainsi, les ressortissants d'outre-mer sont parfois obligés de passer par une zone de transit étrangère. C'est le cas des habitants de Saint-Pierre-et-Miquelon. Une telle mesure rompt la continuité territoriale.

Appuyons-nous sur deux ressorts efficaces de lutte contre l'isolement social et la crise sanitaire : les gestes de solidarité mis en place par les associations et les particuliers, et les pistes prometteuses poursuivies par nos chercheurs.

Les réserves du RDSE expliquent les quelques amendements que nous avons déposés. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE : Mme Sophie Joissains applaudit également.)

M. Alain Richard .  - Les enjeux sont vitaux. Ce texte concerne la reprise de temps de vie éducative, familiale et sociale et la relance de l'activité économique.

Mais il concerne aussi des milliers de vies. Le confinement en a préservé beaucoup. Si nous nous trompons, nous créerons des drames. Il faut éviter de propager la contagion.

Le Gouvernement est au travail depuis des semaines pour organiser des partenariats indispensables. Le Parlement est fortement inclus. Il accomplit sa mission, lors du débat d'aujourd'hui et de ses activités de contrôle.

La rapidité de la reprise scolaire donne lieu à débat. C'est difficile, mais il fallait commencer et huit jours de plus n'y auraient rien changé. Un esprit constructif se manifeste dans beaucoup de collectivités. Encourageons-le et souhaitons qu'il l'emporte.

L'élargissement de la protection des élus en matière de responsabilité a été mentionné. Le cadre de base, posé par la loi Fauchon et la jurisprudence, est déjà satisfaisant, mais nous sommes nombreux à vouloir qu'un texte s'exprime plus clairement.

Les mesures d'encadrement individuel, de tradition très ancienne, sont nécessaires, comme l'a dit le président Bas. Certains citoyens veulent contrevenir à ces mesures. À titre personnel, je considère qu'il faut une méthode au moins partielle de contrôle des individus réfractaires. C'est une question de cohésion sociale.

Le président Bas est riche de son expérience d'ancien ministre de la Santé. Le système d'information, dont la nécessité est évidente, évitera la contagion.

Légiférer, nous le savons tous, reste un exercice difficile. L'importance de la contagion l'impose. C'est toujours une confrontation entre des intérêts publics et des intérêts privés légitimes. Nous serons unanimes, dans notre groupe, pour soutenir ce système d'information qui est une étape clé de la réussite du confinement.

Alors que la liberté de mouvement est élargie, un certain nombre de reports de délais de procédure ne sont plus justifiés. Les services publics doivent reprendre et il faut toiletter les mesures qui avaient été prises pour le confinement.

Je me réjouis de ce que le président Retailleau souhaite saisir le Conseil constitutionnel sur ce texte. Ce type d'annonce se fait souvent par volonté d'opposition. Mais une fois que le Conseil constitutionnel s'est prononcé, la sécurité juridique d'un texte est assurée. Nous n'avions pas souhaité le saisir sur le premier texte. Ce sera l'occasion, pour le second.

M. Philippe Mouiller .  - Je salue l'engagement et le courage des soignants et des fonctionnaires qui assurent la continuité des services à la population.

À circonstances exceptionnelles, mesures exceptionnelles. Les conditions ne sont pas propices au travail parlementaire.

Plus de six semaines se sont écoulées depuis le vote du dernier texte. Nous légiférons sur un texte dont nous ne connaissons le contenu que depuis 48 heures. Le Gouvernement nous impose des délais contraints que nous aurions pu éviter.

Ce projet de loi est une étape vers la sortie progressive du confinement. Notre pays est-il prêt ? Protéger, tester, isoler : le triptyque présenté par le Premier ministre aurait dû être mis en oeuvre bien avant.

L'obligation de porter un masque dans les transports en commun est une avancée, mais reste une exception. Si nous voulons que les Français soient protégés, ne faudrait-il pas l'étendre à l'ensemble de l'espace public ?

Les incohérences du Gouvernement au sujet des masques ont profondément abîmé la parole publique. Monsieur le ministre, vous avez dit que personne n'avait besoin de porter un masque.

M. Olivier Véran, ministre.  - Ce n'est pas ce que j'ai dit.

M. Philippe Mouiller.  - Le Gouvernement s'abrite derrière un changement de doctrine. Mais le port du masque était déjà préconisé par les infectiologues en janvier. Il est important de dénoncer les fausses informations. N'aurait-il pas mieux valu dire la vérité sur la pénurie aux Français ?

Une polémique est apparue après les annonces de la grande distribution sur sa capacité à mettre à disposition une quantité importante de masques. Le problème n'est pas là, mais plutôt sur l'approvisionnement des pharmacies qui doivent avoir suffisamment de masques pour les professionnels de santé et les Français les plus fragiles.

Depuis le 16 mars, le directeur général de l'OMS recommande de tester le maximum de personnes pour arrêter les chaînes de contamination. Or au 15 avril, le nombre de personnes dépistées en France était de 5,1 pour 1 000 habitants, derrière la Turquie à 5,3 pour 1 000. C'est près de trois fois moins que la moyenne des pays de l'OCDE, loin derrière l'Allemagne. Le ministre de la Santé a évoqué, le 23 avril, 165 000 tests par semaine, et le lendemain, 300 000... La confusion n'entraîne pas la confiance.

Quid des équipements, écouvillons et autres dont l'absence mettrait en péril l'objectif fixé ? Les difficultés logistiques persistent.

Nous avons bien noté l'objectif des 700 000 tests hebdomadaires mais comment feriez-vous pour l'atteindre, compte tenu des difficultés qui existent dans le déploiement d'une stratégie massive de dépistage ?

Les personnes testées positives ne pourront pas retourner dans leur famille, sauf à pouvoir s'isoler dans une pièce à part. Une large palette d'hébergements doit être mise à disposition des Français qui ne pourront pas s'isoler chez eux. L'infrastructure nécessaire est-elle en place ?

L'article 2 retient le principe de consentement individuel sauf pour les personnes entrant sur le territoire, position remise en cause ce matin en excluant les personnes en provenance de l'espace Schengen et d'Angleterre.

Nous soutenons la proposition du président Milon à l'article 6, qui prévoit que les données collectées soient strictement circonscrites au seul statut virologique du patient. Enfin, dans les circonstances actuelles, nous sommes favorables à la prolongation jusqu'au 10 juillet de l'état d'urgence sanitaire.

François-Noël Buffet parlera de la responsabilité des élus locaux et des chefs d'entreprise.

Ce texte étant loin de répondre à toutes nos questions, le vote de notre groupe dépendra de l'évolution des débats. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Emmanuel Capus .  - La sortie de crise repose sur une procédure en quatre étapes : détecter, tester, isoler et surveiller. Le Gouvernement a fait le choix de restreindre l'obligation d'isolement et de mise en quarantaine aux nouveaux entrants en provenance de pays hors Union européenne.

Ce texte atteint un juste équilibre.

L'immunité collective ne pourra être atteinte que par voie artificielle, c'est-à-dire par vaccination. Cependant, nous ne pouvons pas maintenir notre pays à l'arrêt, au risque de faire de nouvelles victimes, plus nombreuses. Il ne s'agit pas d'un calcul entre économie et santé, mais d'une équation à multiples inconnues qui nous oblige à la prudence : nombre réel de personnes asymptomatiques ou paucisymptomatiques, degré de contagiosité de ces personnes, durée de l'immunité des personnes guéries, ampleur des dommages du virus à long terme.

La prévention, maillon faible de notre système de santé trop longtemps absorbé par les politiques de l'immédiat, se révèle être le meilleur rempart contre cette épidémie, en l'absence de traitement. C'est pourquoi nous devons mettre à la disposition de la population des masques à prix raisonnable.

Les prochaines semaines seront décisives, le civisme et la responsabilité de tous sont essentiels. La cohésion nationale est le geste barrière essentiel.

Pour ce texte, comme pour celui qui l'a précédé, notre groupe apporte son soutien au Gouvernement. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Indépendants et LaREM)

M. François-Noël Buffet .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Ce texte important a été déposé sur le Bureau du Sénat samedi, c'est-à-dire il y a presque quelques heures. Il prépare le déconfinement, d'où la nécessité d'être précis. Je salue bien évidemment les personnels soignants et ceux qui assurent les services essentiels.

Le texte est une peinture incomplète, tout au moins problématique. Il y a des absences, telles que les mesures réglementaires, sur lesquelles la mission de suivi de la commission des lois se penchera. Il est important que le bon exercice de la fonction de contrôle du Parlement se poursuive.

Le projet de loi initial a ses silences. L'application Stop Covid avait été présentée comme l'outil essentiel du déconfinement. Rien ne figure dans le texte, sinon un système d'information à l'article 6, mais s'agit-il de la même chose ?

La responsabilité pénale des élus locaux pose problème. Ils sont en première ligne pour assurer la réouverture des écoles, décision qui n'est pas forcément la leur. Le texte initial était muet sur ce sujet. Nous espérons que le Gouvernement entendra les inquiétudes du terrain et la voix du Sénat et ne prendra pas le risque de les abandonner en rase campagne. Alors que les maires sont très actifs, même ceux qui ne s'étaient pas représentés, leur responsabilité ne devra pas être engagée en cas de contamination dans une école.

Nous n'avons pas de remarque à formuler sur la prorogation de l'état d'urgence sanitaire, non plus que sur l'élargissement des pouvoirs de verbalisation. Les dispositifs de mise en quarantaine sont mieux encadrés et nous nous en réjouissons. Le rôle du juge des libertés et de la détention a été renforcé : nous le saluons. Encore faudra-t-il qu'il puisse remplir ses fonctions dans des conditions convenables, alors que la justice est en grande difficulté.

Dernier sujet, le système d'information prévu à l'article 6. Le Conseil scientifique préconise le rassemblement de données pour lutter contre la contagion. Cependant, la constitution de bases de données à la fois centralisées et interconnectées interroge, car leur agrégation ouvre la porte à des dérapages ou des piratages possibles. Le recours aux ordonnances et aux décrets pour leur encadrement nous inquiète. Comme souvent, le diable est dans les détails.

Une fois de plus, nous travaillons dans l'urgence. C'était parfaitement compréhensible en mars. Mais était-il vraiment impératif cette fois-ci de travailler dans des délais aussi courts ? Le Gouvernement avait le temps d'anticiper. Application Stop Covid, responsabilité des élus, tenue des élections municipales et consulaires, ces sujets sont loin d'être réglés. Nous réservons notre vote. (MM. Bruno Retailleau et Philippe Bas applaudissent.)

Mme Laurence Rossignol .  - Certains de nos amendements n'ont pas été retenus au titre de l'article 45 de la Constitution. Quand on débat de la loi de finances rectificative, on nous répond que les questions sociales ne relèvent pas du sujet. Même chose quand on débat de l'état d'urgence. En conclusion, le Parlement ne discute jamais des questions sociales.

Le Gouvernement pourrait reprendre certains amendements à son compte. L'un d'eux prévoyait la prise en compte du chômage partiel dans le calcul de la retraite, mot incandescent s'il en est... Nous proposions aussi de prolonger la trêve hivernale tout au long de l'état d'urgence sanitaire.

J'aimerais aborder le sujet des droits sexuels et reproductifs, sur lesquels j'ai déposé un amendement. Vous avez pris des mesures pour faciliter la prescription des interruptions volontaires de grossesse (IVG) médicamenteuses. Reste la question des IVG hors délais. D'après le Planning familial, les appels augmentent de 30 %. Cette hausse est de 330 % pour des difficultés d'accès à l'IVG, et de 184 % pour des IVG hors délais.

Je vous ai écrit sur ce sujet et vous m'avez répondu qu'il fallait utiliser l'interruption médicale de grossesse (IMG), mais le code de la santé publique l'emporte encore sur une lettre du ministre. Plus de 150 médecins vous demandent de le modifier pour ne plus rendre obligatoire la présence d'un médecin de diagnostic prénatal au sein du collège, à remplacer par un médecin de prévention. Que peut-il en effet pour évaluer la détresse psychologique de la mère ?

Il est urgent d'agir, monsieur le ministre, que ce soit ici ou à l'Assemblée nationale par amendement, si le Sénat n'adoptait pas celui que j'ai déposé.

On évoque l'effet du confinement sur la prise en charge des maladies chroniques, du cancer ou des maladies cardiovasculaires. Je vous assure qu'en matière d'accès aux droits sexuels et reproductifs, nous aurons le même problème. Or nous pouvons l'anticiper.

M. Olivier Véran, ministre.  - Tous ces points sont légitimes. Je répondrai à chacun à l'occasion de la discussion des articles.

M. le président.  - Je propose que nous reprenions à 22 heures.

La séance est suspendue à 20 h 20.

présidence de M. Gérard Larcher

La séance reprend à 22 heures.

Mise au point au sujet d'un vote

M. Antoine Lefèvre.  - Lors du scrutin public n°100, M. Robert del Picchia souhaitait voter pour.

M. le président.  - Acte vous est donné de cette mise au point. Elle sera publiée au Journal officiel et figurera dans l'analyse politique du scrutin.

Discussion des articles

ARTICLE PREMIER

Mme Jocelyne Guidez .  - Les couples qui avaient prévu de se marier cet été ne savent comment s'organiser. Si l'état d'urgence sanitaire est prorogé jusqu'au 23 juillet, ils auront des difficultés financières car certains prestataires n'envisagent pas de rembourser les acomptes en cas de report.

Pouvez-vous apporter des précisions à ce sujet ? Comment envisager l'organisation d'un mariage dans le cadre des gestes barrières et de la distanciation sociale ? Pourra-t-on se déplacer ou venir de l'étranger pour assister à un mariage ?

M. François Patriat .  - La grande majorité du groupe LaREM a exprimé, dans une tribune, sa volonté que le cadre juridique de la responsabilité des élus et des chefs d'entreprise soit le plus clair possible. Nous avons déposé un amendement en ce sens. C'est la rédaction de la commission qui a été retenue ; elle pourra sans doute être améliorée au cours de la navette. Nous voulons une solution claire qui rassure les maires, dont l'action est déterminante.

M. Fabien Gay .  - Difficile pour nous de voter dans la précipitation cette rédaction concernant la responsabilité des chefs d'entreprise. Sur le terrain, ces derniers sont davantage préoccupés par les problèmes de main d'oeuvre, d'interconnexion des entreprises et d'approvisionnement en matériaux.

L'article L.41-21 du code du travail prévoit une obligation de moyens mais la jurisprudence a tranché pour une obligation de résultat. Allons-nous effacer cette jurisprudence par le vote d'un amendement ?

Il faut une large concertation entre les organisations patronales et syndicales et le Gouvernement pour élaborer, sans les bâcler, les guides de bonnes pratiques sur le terrain. Celui du bâtiment est inapplicable. On omet des sujets aussi importants que celui des trajets entre le domicile et le lieu de travail. L'obligation de moyens renforcée doit être définie sans précipitation, l'inspection du travail doit pouvoir travailler. Enfin, le Covid devra pouvoir être reconnu comme maladie professionnelle.

Mme Esther Benbassa .  - On peut comprendre une limitation des libertés individuelles et publiques, à condition qu'elle reste exceptionnelle et temporaire. Or chacun se souvient que les mesures exceptionnelles de l'état d'urgence de 2015 ont fini par entrer dans le droit commun.

L'état d'urgence est un outil, il ne pallie pas les manquements liés aux choix libéraux et austéritaires en matière de santé publique, aux choix économiques qui ont fragilisé notre industrie et nous ont rendus dépendants de la Chine pour les masques, les tests ou les respirateurs.

La pandémie a été traitée dans la confusion et l'amateurisme, la gestion du déconfinement prend le même chemin. Nous voulons plus de masques, de tests, de lits. L'état d'urgence ne doit pas servir de bouclier à l'exécutif.

M. le président.  - Amendement n°135, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Alinéas 1 à 6

Supprimer ces alinéas.

Mme Cécile Cukierman.  - Sans nier la crise sanitaire, nous refusons la prorogation de l'état d'urgence. Le Défenseur des droits a indiqué que la sécurité sanitaire ne saurait conduire à insérer durablement des mesures d'exception dans le droit commun.

L'expérience de l'état d'urgence prévu par la loi du 3 avril 1955, maintes fois prorogé, a montré que le risque de contamination de notre droit commun par des dispositifs d'exception était avéré.

La France a peur. Peur de ce que sera le 11 mai, des conditions de ce déconfinement et de la façon dont sera garantie la sécurité sanitaire.

Le 13 avril, le Président de la République a fixé l'objectif du 11 mai. À J-7, nous avons le sentiment -  élus locaux, chefs d'entreprise, salariés  - que rien ne s'est passé en quatre semaines et que le Gouvernement a procédé au doigt mouillé.

M. le président.  - Amendement n°5 rectifié bis, présenté par M. Labbé, Mmes M. Carrère, Costes, N. Delattre et Laborde, M. Vall, Mme Jouve et MM. Dantec et Cabanel.

Alinéa 1

Rédiger ainsi cet alinéa :

L'état d'urgence sanitaire déclaré par l'article 4 de la loi n°2020-290 du 23 mars 2020 d'urgence pour faire face à l'épidémie de covid-19 est prorogé jusqu'au 23 juin 2020 inclus. Au-delà du 23 juin 2020 inclus, les mesures mentionnées aux 3°, 4°, 7°, 8° et 9° de l'article L. 3131-15 du code de santé publique peuvent être prorogées hors de l'état d'urgence sanitaire, de manière strictement proportionnée aux risques sanitaires.

Mme Françoise Laborde.  - Cet amendement prépare une sortie dégressive de l'état d'urgence sanitaire. Nous savons combien il est difficile de sortir de ces régimes dérogatoires qui produisent une forme d'accoutumance. D'où ce dispositif en deux temps ; dans un premier temps, l'état d'urgence sanitaire serait maintenu ; dans un second, le Gouvernement ne pourrait recourir qu'aux mesures les plus opérationnelles. On retrouvera ainsi plus rapidement l'exercice normal des libertés, auxquelles le groupe RDSE est très attaché.

M. le président.  - Amendement n°62, présenté par M. Ravier.

I.  -  Alinéa 1

Remplacer la date :

10 juillet

par la date :

10 juin

II.  -  Après l'alinéa 1

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Le Parlement est convoqué avant cette date pour décider de mettre un terme à l'état d'urgence sanitaire ou de le proroger à nouveau. »

M. Stéphane Ravier.  - L'état d'urgence doit rester une mesure d'exception, à utiliser dans un cadre précis. C'est l'impréparation du Gouvernement et son incapacité à gérer dans l'urgence l'approvisionnement en masques et en tests qui nous ont valu ce confinement, et ses conséquences économiques et sociales. L'anticipation a manqué hier, le temps manque aujourd'hui.

On gagne du temps quand on prévoit, quand on gouverne. Le temps perdu ne se rattrape jamais. Les hésitations, les mauvaises décisions, les mensonges nous ont fait perdre du temps, et des vies.

Cet amendement prévoit une prorogation d'un mois seulement. Il y a urgence à rendre leurs libertés publiques à nos compatriotes et leur activité aux entreprises. Évitons que le Gouvernement ne profite de l'actualité pour amnistier ses proches ou enterrer la commission d'enquête sur l'affaire Benalla... Il n'y aura pas d'union nationale sans le peuple et sans les territoires.

M. le président.  - Amendement n°74, présenté par MM. Sueur, Daudigny et Kanner, Mme Rossignol, MM. J. Bigot, Durain et Fichet, Mme Harribey, MM. Kerrouche, Leconte, Marie et Sutour, Mmes Féret, Grelet-Certenais et Jasmin, M. Jomier, Mmes Lubin et Meunier, M. Tourenne, Mme Van Heghe, M. Antiste, Mme Artigalas, MM. Assouline, Bérit-Débat et J. Bigot, Mmes Blondin et Bonnefoy, MM. Botrel, M. Bourquin, Boutant et Carcenac, Mmes Conconne et Conway-Mouret, MM. Courteau, Dagbert, Daunis, Devinaz, Duran et Éblé, Mme Espagnac, M. Féraud, Mmes M. Filleul et Ghali, M. Gillé, Mme Guillemot, MM. Houllegatte, Jacquin et P. Joly, Mme G. Jourda, M. Lalande, Mme Lepage, MM. Lozach, Lurel, Magner, Manable et Mazuir, Mme Monier, M. Montaugé, Mmes Perol-Dumont et Préville, M. Raynal, Mme S. Robert, M. Roger, Mme Taillé-Polian, MM. Temal et Tissot, Mme Tocqueville et MM. Todeschini, Vallini et Vaugrenard.

Alinéa 1

Remplacer la date :

10 juillet

par la date :

23 juin

M. Jean-Pierre Sueur.  - Cet amendement prévoit une prorogation d'un mois de l'état d'urgence sanitaire. Depuis le début du confinement, les indications du Gouvernement sont si contradictoires et changeantes qu'un suivi parlementaire s'impose : on ne peut donner carte blanche au Gouvernement pour deux mois. Cet amendement restaure les droits du Parlement.

M. le président.  - Amendement n°3 rectifié ter, présenté par MM. Decool, Wattebled, Menonville et Longeot, Mme Mélot, MM. Lagourgue et Bonne, Mmes Garriaud-Maylam et Goy-Chavent et MM. Malhuret et Kern.

Alinéa 1

Remplacer la date :

10 juillet

par la date :

15 juillet

M. Dany Wattebled.  - Le projet de loi initial prorogeait l'état d'urgence sanitaire jusqu'au 23 juillet. La commission a préféré la date du 10 juillet. Cet amendement inclut dans la période d'état d'urgence le week-end précédent et le jour de la Fête nationale. Il fait correspondre l'état d'urgence sanitaire avec l'échéance de mi-juillet évoquée par le Président de la République.

La levée de l'état d'urgence juste avant le 14 juillet pourrait laisser penser que les restrictions imposées d'ici là seraient abandonnées, d'où une incertitude prolongée et une imprévisibilité pour les Français, et notamment pour les élus locaux organisateurs des festivités.

M. le président.  - Amendement n°164, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Alinéa 1

Compléter cet alinéa par les mots :

, date à laquelle il prend fin

Mme Cécile Cukierman.  - Je l'ai dit, il y a un risque de contamination du droit commun par les mesures de l'état d'urgence. Le projet de loi instaurant cet état d'urgence est incohérent : l'article 2 est en contradiction avec l'article 4 qui permet des prolongations indéfinies, jusqu'en avril 2021 ! D'où cet amendement.

M. le président.  - Amendement n°7 rectifié bis, présenté par Mmes Guillotin, M. Carrère, Costes, N. Delattre et Laborde, MM. Requier, Cabanel, Collin, Dantec et Gold, Mme Jouve, MM. Roux et Vall, Mme Pantel et M. Guérini.

Après l'alinéa 1

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

Pour toute la durée de la prorogation de l'état d'urgence sanitaire, à des strictes fins de préservation de la santé publique, les usagers des espaces publics et des lieux recevant du public observent les règles de protection des voies bucco-nasales et de distanciation sociale prévues par décret, appropriées aux circonstances de temps et de lieu.

Mme Véronique Guillotin.  - En matière de précautions individuelles, il faut sortir du droit mou de la simple recommandation, inadapté en matière de santé publique, et édicter des règles opposables.

Un individu précautionneux mettra un masque, un autre, confiant, s'en dispensera... Samedi dernier, j'ai vu des files serrées devant les grandes surfaces - autant de mini clusters potentiels. Pourquoi s'obstiner à ne pas rendre le port du masque obligatoire dans l'espace public ?

M. le président.  - Amendement n°144, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Après l'alinéa 1

Insérer deux alinéas ainsi rédigés :

À compter de la promulgation de la loi n°      du      prorogeant l'état d'urgence sanitaire et complétant ses dispositions, il est instauré un comité national de suivi de l'état d'urgence sanitaire, composé du Premier ministre, des ministres compétents, du directeur général de la santé, de deux représentants du comité de scientifiques, d'un représentant par formation politique représentée au Parlement et d'un représentant par association nationale d'élus locaux.

Le comité se réunit deux fois par semaine pour prendre connaissance des propositions de décision du gouvernement. Le compte-rendu de ces réunions est rendu public.

Mme Cécile Cukierman.  - Cet amendement avait été balayé d'un revers de main par le Gouvernement et les majorités du Sénat comme de l'Assemblée lors du projet de loi instaurant l'état d'urgence sanitaire.

Pourtant, l'état d'urgence ne peut rester entre les mains d'un seul homme - fût-il Président de la République. Nous proposions de mettre en place un conseil pluraliste, à l'écoute de toutes les propositions et remontées du terrain.

Certains ont parlé d'unité nationale, mais les groupes politiques, les partis politiques ne sont pas seulement là pour écouter. Ils ont vocation à apporter des réponses pour sortir de la crise.

La confiance - qui a été refusée au Gouvernement tout à l'heure - se construit. Elle ne s'impose pas. Cela suppose d'apporter des réponses avec l'ensemble des partis. Ce n'est pas la méthode du Gouvernement, manifestement.

M. le président.  - Amendement n°194 rectifié, présenté par le Gouvernement.

Alinéas 2 à 6

Supprimer ces alinéas.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux.  - Cet amendement supprime les dispositions introduites en commission sur la responsabilité pénale des personnes physiques pour des faits commis pendant l'état d'urgence sanitaire.

Je vous ai dit tout à l'heure combien le Gouvernement est sensible aux préoccupations des acteurs publics et privés sur le risque pénal lié à la reprise d'activité.

Nous ne voulons pas atténuer la responsabilité des décideurs publics mais prendre en compte la spécificité du contexte. Le droit pénal limite la responsabilité des acteurs publics et privés en cas d'infraction non intentionnelle. C'est la loi Fauchon : lorsque le lien de causalité avec le dommage est indirect, la responsabilité pénale ne peut être engagée que si le décideur public a violé délibérément une obligation prévue par la loi ou le règlement, ou commis une faute caractérisée.

Ce dispositif adopté depuis 20 ans fonctionne bien et il est protecteur. Je comprends la volonté de la commission de clarifier le cadre juridique, mais sa rédaction pose problème. D'abord, elle supprime la faute caractérisée permettant d'engager la responsabilité pénale. De plus, elle modifie le régime de responsabilité pénale pour les seuls faits commis en lien avec l'état d'urgence sanitaire. C'est un risque constitutionnel au regard du principe d'égalité devant la loi pénale. Selon que les faits sont antérieurs ou postérieurs à l'état d'urgence sanitaire, le traitement sera différent.

En troisième lieu, pourquoi distinguer le régime applicable au responsable de la police administrative - le préfet principalement - de celui applicable aux autres acteurs publics ? Le Premier ministre a montré tout à l'heure l'importance du couple constitué par le maire et le préfet dans le déconfinement. Or le texte de la commission semble engager la responsabilité générale du premier même en cas de négligence, alors que celle du second ne l'est qu'en cas de violation délibérée. Le Gouvernement est disposé à préciser la loi, mais la réponse mérite d'être travaillée à l'occasion de la navette.

M. le président.  - Amendement n°42, présenté par M. Sueur et les membres du groupe socialiste et républicain.

Alinéas 2 à 6

Remplacer ces alinéas par un alinéa ainsi rédigé :

II.  -  À compter de la déclaration de l'état d'urgence sanitaire et jusqu'à trois mois après sa cessation, tout acte accompli par un élu local ou un agent public ayant reçu délégation, visant à mettre en oeuvre une décision prise par l'État dans le cadre de l'état d'urgence sanitaire, ne peut engager sa responsabilité pénale et civile que s'il est établi qu'il a violé de façon manifestement délibérée et en connaissance des risques, compte tenu de ses compétences, du pouvoir et des moyens dont il disposait ainsi que des difficultés propres aux missions que la loi lui confie, une obligation particulière de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Le Sénat représente les collectivités locales de la République. Je comprends votre position, madame la ministre, mais elle diffère de la nôtre.

Comment ne pas entendre les élus locaux, qui n'ont pas été associés aux modalités d'ouverture des écoles ou d'organisation des transports en commun ?

Il faut apporter des garanties aux élus, qui seront en première ligne.

Notre proposition est cohérente avec celle de l'Association des maires de France (AMF) et autres associations d'élus. Dès lors qu'un élu local met en oeuvre une décision de l'État, sa responsabilité pénale ne saurait être engagée.

M. le président.  - Amendement n°154, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Alinéas 2 à 6

Remplacer ces alinéas par un alinéa ainsi rédigé :

II.  -  Un maire, ou un élu municipal le suppléant ou ayant reçu une délégation, ne peut voir sa responsabilité pénale engagée du fait d'avoir, par la mise en oeuvre des décisions prises par le Gouvernement pendant la durée de l'état d'urgence sanitaire déclaré à l'article 4 de la loi n°2020-290 du 23 mars 2020 d'urgence pour faire face à l'épidémie de covid-19, soit exposé autrui à un risque de contamination par le coronavirus SARS-CoV-2, soit causé ou contribué à une telle contamination, à moins que les faits n'aient été commis intentionnellement.

Mme Cécile Cukierman.  - Madame la garde des Sceaux, vous vous prévalez de la loi Fauchon, et voulez bien la préciser dès lors qu'elle va dans votre sens.

Ce n'est pas pour la rendre bavarde que nous voulons la modifier, mais parce qu'il y a urgence. Il faut sécuriser les décisions que prendront les maires et les élus ayant reçu délégation des maires. Il n'est pas question d'absoudre les élus de toute faute. Mais on ne peut pas non plus les rendre responsables de décisions dont ils ne sont pas responsables et auxquelles ils n'ont été que très partiellement associés. Ce sont les élus locaux qui rendront des comptes à leur population ; sécurisons-les.

M. le président.  - Amendement n°179 rectifié, présenté par MM. Gremillet et de Legge, Mme Deromedi, MM. Perrin et Raison, Mmes Deroche, Berthet, Chauvin et Noël, M. Priou, Mme Malet, MM. Cuypers, Pellevat et Pierre, Mmes Thomas et Chain-Larché, MM. Kennel, Bascher, Lefèvre, Charon, B. Fournier, Houpert, Piednoir et Bonne, Mme Micouleau, MM. Bouchet, Vogel et Vaspart, Mme Ramond, M. Danesi, Mme Canayer, MM. Joyandet, de Montgolfier, Grosdidier, Sido, Leleux et Regnard, Mmes Garriaud-Maylam et Lassarade, M. Bonhomme, Mme Morhet-Richaud, M. Brisson et Mme Dumas.

Après l'alinéa 6

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

Le maire ne peut être tenu responsable pénalement et administrativement pour les arrêtés pris, dans le cadre de l'application de la loi n°2020-290 du 23 mars 2020 d'urgence pour faire face à l'épidémie de covid-19, au titre de son pouvoir de police générale que si les mesures prises dans lesdits arrêtés répondent à trois critères cumulatifs : limitation dans la durée ; limitation dans leur amplitude géographique, limitation dans leur contenu en adoptant des mesures proportionnées à un danger identifié.

M. le président.  - Amendement n°58 rectifié, présenté par M. J. Bigot et les membres du groupe socialiste et républicain.

Après l'alinéa 6

Insérer un paragraphe ainsi rédigé :

...  -  La réouverture des établissements scolaires en période de crise sanitaire ne peut engager la responsabilité des collectivités territoriales.

M. Jérôme Durain.  - Cet amendement dans le même esprit que les précédents limite la responsabilité des élus locaux dans la réouverture des établissements scolaires. Le Premier ministre souhaite une adhésion la plus large possible. Elle ne va pas sans partage de responsabilités. Les élus locaux se voient imposer la réouverture des écoles, dans des conditions et des protocoles très complexes.

L'application du protocole sanitaire de 54 pages - on a gagné 9 pages - n'est pas possible, surtout dans des écoles qui n'ont pas été rénovées.

On érige le couple maire-préfet en garant du déconfinement ; mais, comme me le disait ce matin un maire, c'est le maire qui ira en prison, le préfet lui apportera des oranges !

M. le président.  - Amendement n°180 rectifié, présenté par MM. Gremillet et de Legge, Mmes Deromedi et Deroche, MM. Perrin et Raison, Mmes Chauvin et Noël, M. Priou, Mme Malet, MM. Cuypers, Pellevat et Pierre, Mmes Thomas et Chain-Larché, MM. Kennel, Bascher, Lefèvre, Charon, B. Fournier, Houpert, Piednoir et Bonne, Mme Micouleau, MM. Bouchet, Vogel et Vaspart, Mme Ramond, M. Danesi, Mme Canayer, MM. Joyandet, de Montgolfier, Grosdidier, Sido, Leleux et Regnard, Mmes Garriaud-Maylam et Lassarade, M. Bonhomme, Mme Morhet-Richaud, M. Brisson et Mme Dumas.

Après l'alinéa 6

Insérer trois alinéas ainsi rédigés :

La responsabilité pénale du maire et des directeurs d'école ne peut être engagée lorsqu'ils sont amenés, dans un temps très court, à évaluer la capacité d'accueil des élèves dans l'établissement scolaire.

La responsabilité pénale du maire ne peut être engagée dès lors que face à l'incapacité à respecter le protocole sanitaire des écoles élaboré conjointement par le ministre de l'éducation nationale et de la santé, le maire se retrouve dans l'incapacité de réouvrir son ou ses établissements scolaires.

La responsabilité pénale du maire ne peut être engagée en matière de restauration scolaire lorsqu'il ne peut pas réunir les conditions adéquates pour assurer la restauration des élèves dans le respect des mesures sanitaires.

Mme Catherine Deroche.  - Cet amendement limite la responsabilité des maires, notamment lorsqu'ils ne peuvent rouvrir les établissements ou les cantines.

M. le président.  - Amendement n°137 rectifié, présenté par M. Collombat et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

.... - Le dernier alinéa de l'article 121-3 du code pénal est complété par les mots : « ou en cas de décision prise par des maires ou des élus municipaux délégués dans le cadre de la mise en oeuvre de directives prises par le Gouvernement en lien avec un état d'urgence sanitaire tel que défini à l'article L. 3131-12 du code de la santé publique ».

Mme Cécile Cukierman.  - La redondance des amendements témoigne du malaise qui s'exprime dans notre pays face à la réouverture des écoles. Oui, nous insistons sur la responsabilité des maires.

La commission des lois a réglé quelques problèmes, mais il faut inscrire dans le code pénal l'exonération de responsabilité pénale pour des actes pris dans le cadre de l'état d'urgence. Les élus ne sont pas des acteurs comme les autres. Ils l'ont suffisamment montré ces derniers mois.

Le contexte a évolué depuis le 15 mars : nous dénoncions alors la pénurie de masques ; si les Français en auront quelques-uns le 11 mai, ce sera grâce aux élus locaux. (Marques d'approbation sur plusieurs travées du groupe Les Républicains ; M. François Patriat le conteste.) Oui, monsieur Patriat ! Ils ont démontré ces dernières semaines leur sens de la responsabilité ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur plusieurs travées du groupe UC)

M. le président.  - Amendement n°134 rectifié, présenté par Mmes Noël et Duranton, MM. Bascher, Lefèvre, Pellevat et Houpert, Mmes Bruguière et Raimond-Pavero, MM. Paccaud, Charon, Perrin, Raison, de Legge et Pemezec, Mme Bonfanti-Dossat, MM. Karoutchi, Duplomb, J.M. Boyer, Cuypers, Gilles, Pierre et Regnard, Mme Micouleau, M. Frassa, Mmes Dumas, Troendlé, Chain-Larché et Thomas, M. Reichardt, Mme Deroche et MM. D. Laurent, Panunzi, Morisset, Bouchet, Bonne, Genest, Savary et B. Fournier.

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

.... - Après le premier alinéa de l'article L. 2123-24 du code général des collectivités territoriales, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Une décision prise et mise en oeuvre dans le cadre de l'état d'urgence sanitaire déclaré par la loi 2020-290 du 23 mars 2020, en lien avec l'État ou tout autre collectivité territoriale, ne peut engager la responsabilité civile ou pénale d'un maire ou d'un élu municipal suppléant ou ayant reçu une délégation, que si une faute est totalement caractérisée avec une intention délibérée de la réaliser et que s'il est clairement établi qu'il disposait des moyens de la mettre en oeuvre entièrement. »

M. Olivier Paccaud.  - La garde des Sceaux s'appuie sur la loi Fauchon, qui a fait ses preuves dans des circonstances ordinaires. Les maires sont inquiets face à la réouverture des écoles. Fantassins de la République, ils l'incarnent, et la République doit être là pour protéger ceux qui la servent. Les maires en ont besoin.

M. Philippe Bas, rapporteur.  - Habituellement, face à un grand nombre d'amendements en discussion commune, je parviens à émettre au moins un avis favorable. Ce ne sera pas le cas ici...

Ce matin, la commission a voulu que le Gouvernement revienne devant le Parlement avant le 23 juillet, souhaitant pouvoir évaluer entre-temps l'efficacité des mesures prises. Nous avons retenu la date du 10 juillet. Si vous revenez devant nous, nous préférons que ce soit tôt plutôt que tard.

À la règle simple mais pas pour autant facile du confinement, va succéder une multitude de décisions d'organisation sur les écoles, les entreprises, les administrations. Dans ces circonstances exceptionnelles, ceux qui prendront des décisions doivent être protégés. Certes, ceux qui provoqueront volontairement des contaminations doivent être punis, comme doivent l'être ceux qui violeraient délibérément une obligation particulière de prudence prévue par les lois et règlements. Il n'y a pas d'exonération totale, il s'agit simplement d'éviter que le juge n'attraie la responsabilité pénale, au titre de la loi Fauchon, sur un maire qui aura appliqué la politique du Gouvernement.

Ce dispositif est équilibré. La commission des lois s'est inspirée des réflexions des uns et des autres - en premier lieu Hervé Maurey qui, guidé par les maires de l'Eure, a très tôt entamé la réflexion.

Je ne suis donc pas favorable à l'amendement n°135, qui exclut la prolongation de l'état d'urgence.

Les amendements nos5 rectifié bis, 62, 74, 3 rectifié ter et 164 portent sur les délais. Cent fleurs se sont épanouies : chacun a eu son idée ; la commission a la sienne, et elle ne va pas en changer ce soir.

L'amendement n°7 rectifié bis inscrit dans la loi les règles de distanciation sociale ; partant de là, que ne faudra-t-il pas y mettre ? Laissons à chaque échelon de responsabilité ses attributions.

Je découvre l'amendement n°194 rectifié du Gouvernement ; madame la garde des Sceaux, sans ironie, il m'a peiné. Nous travaillons depuis plusieurs semaines sur la question. Nous ne pouvons déconfiner sans protéger l'exercice des responsabilités de ceux qui en seront chargés. Vous n'avez pas eu le temps d'examiner de telles restrictions de responsabilité, dites-vous ? Nous avons découvert samedi après-midi un projet de loi qui met en cause le secret médical et le respect de la vie privée. Ne disqualifiez pas notre travail au motif que vous n'avez pas eu le temps de réfléchir !

Vous êtes inquiète, madame la ministre ? Moi aussi ! (Sourires) Les dispositions ne s'appliquent que pour la durée de l'état d'urgence sanitaire : c'est bien leur objet ! Si l'état d'urgence sanitaire justifie un droit différent, nous ne portons pas atteinte au principe d'égalité devant la loi. Ainsi peiné, madame la garde des Sceaux, je vous demande de retirer votre amendement pour nous laisser poursuivre notre réflexion. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur plusieurs travées du groupe UC ; M. Emmanuel Capus applaudit également.)

Sur les amendements nos42 et 154, 179 rectifié, 58 rectifié, 180 rectifié, 137 rectifié et 134 rectifié, qui portent notamment sur la responsabilité dans le cadre des ouvertures d'écoles, avis défavorable : les maires n'ont aucune décision à prendre à ce sujet, car le code de l'Éducation nationale confère cette responsabilité aux directeurs d'école, sous l'autorité des académies.

Mesdames et messieurs les maires de France, vous qui nous écoutez ce soir, sachez que votre responsabilité ne peut être engagée dans ce cadre. Il est important de le leur rappeler, en les assurant de notre confiance. Tous les amendements protégeant les maires à l'occasion de l'ouverture des écoles n'ont donc pas d'objet. L'avis leur est donc défavorable.

M. Olivier Véran, ministre.  - Ces amendements sont de deux types : les uns traitent de la prorogation de l'urgence sanitaire et les autres de la responsabilité des élus. Je traiterai des premiers pour lesquels je suis, dans leur totalité, défavorable, comme le président Bas. La commission des lois a choisi une autre date que le Gouvernement - le 11 juillet et non le 23 juillet, deux mois après la levée du confinement.

J'entends cet argument et le débat se poursuivra à l'Assemblée nationale : nous verrons ce que proposeront les députés. L'état d'urgence sanitaire ne doit certes pas être maintenu ad vitam aeternam, mais tout de même le temps nécessaire pour lutter contre l'épidémie. Le Conseil scientifique a estimé à l'unanimité qu'il fallait prolonger cet état d'urgence, car nous n'avons pas encore gagné la bataille.

En France, nous avons fait le choix de venir régulièrement devant le Parlement pour expliquer nos raisons. Ce n'est pas le cas dans tous les pays !

Le confinement a fonctionné, il n'y a qu'à regarder les courbes - mais on a déploré plus de 20 000 morts et les hôpitaux ont frôlé la saturation. Avec la levée du confinement, il ne faudrait pas que le virus se sente lui aussi déconfiné...

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux.  - Je regrette, monsieur le président Bas, de vous avoir peiné. (L'intéressé sourit.) Mais lorsque nous parlons de droit, nous ne sommes pas dans l'affect, nous sommes dans la décision juste. Je conçois que votre texte soit le fruit d'une longue réflexion. Concevez que le Gouvernement n'ait pas exactement la même analyse que la vôtre.

Vous avez soulevé la question de l'égalité. Je sais bien qu'il n'y a pas de rupture lorsque les circonstances sont différentes - mais au regard du Covid-19, elles ne le sont pas.

De nombreux amendements visent le cas des seuls élus locaux. Mais de très nombreux autres décideurs publics sont confrontés à des difficultés comparables, comme les directeurs d'hôpitaux. Une telle différence de traitement dans l'application de la loi pénale ne me paraît pas envisageable.

J'entends votre demande de réassurance. Il faut tenir compte des circonstances spécifiques de la crise sanitaire, mais pour tous les décideurs publics. C'est pourquoi je ne retirerai pas mon amendement de suppression.

Les amendements nos3 ter, 7 rectifié bis, 179 rectifié et 180 rectifié sont retirés.

M. Olivier Paccaud.  - Le président Bas a évoqué l'article L.411-1 du code de l'Éducation donnant le droit aux directeurs d'école d'ouvrir ou de fermer les écoles. Les nombreux arrêtés pris par les maires interdisant les ouvertures sont-ils dès lors illégaux ?

Mme Cécile Cukierman.  - Nous maintenons tous nos amendements. On peut être d'accord ou non avec des amendements, mais chacun contribue à faire avancer le débat.

Lorsque vous dites, madame la garde des sceaux, qu'un maire est un agent local comme un directeur d'hôpital, vous oubliez que le premier est en place par le fait du suffrage universel, ce qui n'est pas le cas d'un fonctionnaire. En outre, des maires ont perdu les élections municipales, donc perdu leur légitimité démocratique et, pourtant, ils décident d'ouvrir ou de garder fermées leurs écoles. C'est problématique, non ? dans certaines communes, la situation est ubuesque...

Et je ne parle pas des communes où le second tour n'a pas eu lieu.

L'amendement n°135 n'est pas adopté, non plus que les amendements nos5 rectifié bis et 62.

Mme Marie-Pierre de la Gontrie.  - Je veux expliquer la position de mon groupe sur tous les amendements.

Cette situation est le résultat d'un flou extraordinaire dans les propos du Gouvernement. Mme la garde des Sceaux, aux questions d'actualité au Gouvernement, et Mme Gourault reconnaissaient comme le Président de la République le rôle spécifique des maires qui ont pris à bras-le-corps les problèmes. Mme Cukierman l'a bien rappelé, sous les applaudissements de tout l'hémicycle.

Le groupe socialiste et républicain votera ses propres amendements, s'abstiendra sur les autres mais votera contre l'amendement du Gouvernement, en notant cependant avec satisfaction qu'il renonce au régime totalement exorbitant du droit commun des délais de procédure en matière pénale, et notamment pour la détention provisoire. Nous soutiendrons la rédaction de la commission des lois.

L'amendement n°74 n'est pas adopté, non plus que les amendements nos164, 7 rectifié bis et 144.

M. Max Brisson.  - Depuis plusieurs jours, les maires de ce pays ont mal à la tête. Jeudi, ils ont dû digérer un protocole apocryphe dont on leur a dit quelques jours après qu'il n'avait aucune valeur. Ils en ont reçu ce week-end un second, tout aussi irréalisable que le premier. Le président Retailleau a dit tout à l'heure qu'il s'agissait d'une usine à gaz et dont la dimension s'accroît à mesure que la taille des communes diminue.

Les maires s'inquiètent, ils sont dans l'angoisse. Le déploiement des moyens matériels et humains qui leur est demandé n'a jamais existé : nettoyer tous les jours les stylos des élèves, c'est irréel ! Il faut être hors sol pour imaginer cela !

Oui, ce soir, le président Bas a rassuré les maires. De la vallée d'Aspe aux bords de l'Adour, je leur dirai : écoutez le président Bas, il a bien expliqué comment le directeur déciderait, alors qu'il est seul et sans statut ! Comment pourra-t-il prendre la décision ? Avec quelle capacité de discernement ? Nous sommes dans l'irréel le plus complet.

Monsieur le président Bas, que se passera-t-il pour la restauration scolaire ? La responsabilité des maires sera engagée, n'est-ce pas ?

M. Bruno Retailleau.  - Ainsi, le Gouvernement a déposé un seul amendement, qui supprime un dispositif issu de la réflexion de la commission des lois dans le but d'éclaircir le régime de responsabilité, notamment des maires. Je vais vous expliquer, madame la ministre, pourquoi nous allons nous opposer à votre amendement.

Il n'est pas question de placer les élus au-dessus de la loi. Il n'est pas question non plus d'amnistier à l'avance des responsables publics. Le texte prévoit bien le cas des fautes intentionnelles, délibérées. Nous n'exonérons pas ceux qui sont revêtus des prérogatives de police en matière de santé publique.

Pourquoi soutenir cet amendement désormais intégré dans le texte ? Parce que la responsabilité civile et pénale est une matière hautement évolutive. Madame la garde des Sceaux, il n'y a pas de matière qui ait été autant construite par le juge et non pas par le législateur. Cet après-midi, vous nous avez rappelé que la jurisprudence évoluait : ce fut le cas en 2015. Nous ne voulons pas de tels revirements !

Enfin, vous ne créerez pas de confiance si vous ne réassurez pas les maires.

Édouard Philippe l'a dit cet après-midi : au Parlement de décider si cette question doit prendre la forme d'un amendement ou d'un texte spécifique. Et voilà que vous présentez un amendement de suppression ! Quelle faute caractérisée que ce manquement à la parole publique ! Nous ne céderons pas sur ce point. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; Mme Sophie Joissains applaudit également.)

M. François Patriat.  - Une fois n'est pas coutume : mon groupe ne suivra pas le Gouvernement.

Personne ici n'a le monopole du coeur quant aux préoccupations pour les élus locaux. Dans tous les départements, l'inquiétude des élus monte.

Nous avions déposé un amendement en commission, mais il est tombé. Nous avons considéré que nous pouvions nous rallier à la rédaction de la commission des lois, un premier pas pour répondre à l'inquiétude des élus locaux. Cette rédaction pourra être revue et enrichie à l'occasion de la navette. En cohérence avec la tribune que nous avons signée hier, le groupe LaREM ne votera donc pas l'amendement du Gouvernement. (Applaudissements sur les travées des groupes SOCR, RDSE, UC et Les Républicains)

Mme Françoise Laborde.  - En écoutant le président Patriat, nous buvions du petit-lait : d'habitude, il nous gronde quand nous ne suivons pas le Gouvernement ! (Rires et applaudissements) Je ne m'en remets pas !

Les élus locaux, pierres angulaires de la République, ont toujours su s'adapter et surtout adapter leurs services municipaux pour appliquer les décisions de l'État dont ils sont les délégataires. Avant de penser à la responsabilité pénale ou civile, je pense à la responsabilité morale d'un maire à l'égard des parents qui confient leurs enfants à l'école de la commune.

Vous connaissez mon niveau en droit. Je pense parfois avec mon coeur, avec mes tripes. Dans ce moment exceptionnel, il faut penser à nos élus : on ne peut pas leur en demander autant, et leur donner si peu. (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe Les Républicains)

M. Hervé Maurey.  - Je suis stupéfait par cet amendement du Gouvernement. J'ai entendu le Premier ministre cet après-midi, qui n'était pas hostile à l'idée que nous défendons, même s'il ne voulait pas d'un dispositif catégoriel ni d'un régime d'irresponsabilité des élus.

Présenter un amendement de suppression révèle une ignorance du terrain incroyable. Il faut vraiment ne pas avoir rencontré un élu depuis plusieurs semaines pour faire cela.

Si le texte de la commission des lois est perfectible, proposez un amendement ; ou laissez faire la navette !

La rédaction de la commission correspond à l'objectif de la proposition de loi que j'avais déposée en avril et que le groupe de l'UC a reprise sous forme d'amendement dans ce projet de loi. Il s'agissait de protéger les acteurs locaux, dans un temps limité et tout en maintenant la responsabilité. Quelle incompréhension totale de votre part ! (Applaudissements à droite)

M. Emmanuel Capus.  - Je l'ai dit, les maires, avec les préfets, sont les éléments indispensables de la sortie de crise. J'ai bien entendu la position du Gouvernement : la loi Fauchon a apporté des garanties, les inquiétudes des maires sont injustifiées. En temps normal, sans doute ! Mais les circonstances sont exceptionnelles.

Il y a déjà des plaintes pénales contre le Premier ministre, contre d'autres responsables. Il faut une réponse exceptionnelle.

En ce moment, nos téléphones vibrent. Ce sont des maires, mais aussi des responsables de ces associations qui gèrent le périscolaire. Personne ne veut reprendre, hors garantie de ne pas être poursuivi. Au Parlement de fixer la doctrine.

M. Loïc Hervé.  - Je voudrais évoquer la mémoire du sénateur Pierre Fauchon, que j'ai connu dans mon département. Nous vivons un curieux vingtième anniversaire de sa loi.

Malgré l'heure tardive, beaucoup de maires nous écoutent, mais pas seulement eux : présidents d'association, directeurs d'école s'inquiètent aussi.

Je ne comprends pas l'amendement du Gouvernement qui annihile le débat, alors que tous les groupes ont déposé des amendements.

La conception de la navette qui consiste à effacer intégralement le travail du Sénat parce que ce sera forcément mieux à l'Assemblée nationale n'est pas la mienne. (M. Bruno Retailleau applaudit.)

Mme Catherine Morin-Desailly.  - Moi aussi, je suis très déçue. J'avais perçu une volonté de concertation entre le Gouvernement et le Sénat. Merci à Hervé Maurey d'avoir mis la question sur la table.

Je le redis, les maires s'engagent. Ils ne se cachent pas derrière leur petit doigt. Madame la garde des Sceaux, la présidente d'une communauté de communes m'adressait il y a quelques jours ce texto : « Je me prépare à la réouverture des écoles, (...) mais quelques maires sont prêts à faire machine arrière, à la lecture du protocole. » Tout est dit. Personne ne comprend l'amendement du Gouvernement. (Applaudissements à droite)

Mme Catherine Dumas.  - Le Sénat n'a pas le monopole du coeur des territoires, mais tout de même. L'inquiétude gagne de nombreux maires alors qu'est annoncée la réouverture des écoles.

Le Premier ministre reconnaît qu'il y a « peut-être un petit sujet »... Les maires ne veulent pas être des kamikazes, ils n'endosseront pas la responsabilité pour les décisions qu'ils n'ont pas prises. Le déconfinement est une opération à haut risque, madame la garde des Sceaux, dites oui à l'équilibre prôné par la commission des lois.

M. Hervé Marseille.  - Il est naturel que le Sénat se préoccupe des élus locaux. Mais nous avons pensé à tous les décideurs publics et privés. Bien sûr, en premier lieu aux maires - nous avons souvent été maires, avant d'être sénateurs. Mais le texte de la commission protège aussi les chefs d'entreprise et les autres décideurs qui prennent des risques. Mon groupe soutient cette position. (Applaudissements sur les travées du groupe de l'Union centriste et sur quelques travées du groupe Les Républicains.)

M. Philippe Bas, rapporteur.  - Monsieur Brisson, le directeur d'école sera protégé par la disposition votée par la commission des lois.

Il est vrai qu'il sera bien seul pour prendre une décision. Mais si le maire ne prend pas la décision de rouvrir les écoles, il devra décider du sort des activités périscolaires et de la restauration scolaire.

À la demande du groupe Les Républicains, l'amendement n°194 rectifié est mis aux voix par scrutin public.

M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°101 :

Nombre de votants 343
Nombre de suffrages exprimés 327
Pour l'adoption     0
Contre 327

Le Sénat n'a pas adopté.

(Applaudissements à droite)

L'amendement n°42 n'est pas adopté, non plus que les amendements nos154, 58 rectifié et 137 rectifié.

L'amendement n°134 rectifié est retiré.

M. le président.  - Amendement n°181, présenté par MM. Gremillet et de Legge, Mme Deromedi, MM. Perrin et Raison, Mmes Deroche, Chauvin et Noël, M. Priou, Mme Malet, MM. Cuypers, Pellevat et Pierre, Mmes Thomas et Chain-Larché, MM. Kennel, Bascher, Lefèvre, Charon et B. Fournier, Mme Lamure, MM. Houpert, Piednoir et Bonne, Mme Micouleau, MM. Bouchet, Vogel et Vaspart, Mme Ramond, M. Danesi, Mme Canayer, MM. Joyandet, de Montgolfier, Grosdidier, Sido, Leleux et Regnard, Mmes Garriaud-Maylam et Lassarade, M. Bonhomme, Mme Morhet-Richaud, M. Brisson et Mme Dumas.

Compléter cet article par deux alinéas ainsi rédigés :

En complément du décret n°2020-293 du 23 mars 2020 prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l'épidémie de covid-19 dans le cadre de l'état d'urgence sanitaire, il convient de définir la portée normative que peuvent avoir l'ensemble des obligations incombant à la fois à l'employeur et au salarié afin de limiter la propagation du virus.

Il s'agit de pouvoir identifier les responsabilités respectives, dans le respect du code du travail tout en sachant qu'à l'heure actuelle aucune disposition relative à une quelconque obligation liée à l'épidémie covid-19 n'y est retranscrite. En droit pénal, s'agissant de la situation de risque de mise en danger d'autrui, la reconnaissance d'une quelconque méconnaissance présente un caractère trop général. En conséquence, il convient de pouvoir identifier les responsabilités de chacun étant donné que la période d'incubation du covid-19 demeure, à ce stade, de quatorze jours et qu'il reste difficile de pouvoir isoler le lieu où la maladie a pu être contractée.

M. Antoine Lefèvre.  - D'une façon générale, les entreprises ont une obligation de sécurité. Dans la lutte contre le coronavirus, elles doivent signaler et interdire les zones à risques, recourir au télétravail si c'est possible et fournir des masques et des gels. Face à ces obligations, l'employeur court des risques d'être assigné devant le conseil des prud'hommes pour manquement à la sécurité.

Actuellement, le code du travail ne prévoit pas d'obligation particulière liée à l'épidémie de Covid-19. En revanche, les dispositions du décret du 23 mars 2020 prévoient que les mesures barrières doivent être observées en tout lieu et en toutes circonstances.

Indiscutablement, ce décret est un règlement au sens précité et impose à tout un chacun les gestes barrières. Toutefois, il ne définit pas les mesures d'hygiène, ni le principe de distanciation sociale. Le décret n'est pas suffisamment précis.

Cela étant, les salariés aussi ont une obligation quasi juridique, celle de protéger leur santé et celle d'autrui. La non-pratique des gestes barrières peut entraîner des plaintes à leur encontre venant de l'employeur ou d'autrui, qui peut en être victime.

M. Philippe Bas, rapporteur.  - Nous avons déjà réglé ce problème soit par le renvoi au décret d'application de la loi d'urgence du 23 mars, soit par le régime de responsabilité introduit par le texte de la commission. Retrait ?

L'amendement n°181 est retiré.

M. le président.  - Amendement n°6 rectifié, présenté par Mmes Guillotin, M. Carrère, Costes et N. Delattre, M. Labbé, Mme Laborde, MM. Requier, Cabanel, Collin, Dantec, Gabouty et Gold, Mme Jouve, MM. Roux et Vall, Mme Pantel et M. Guérini.

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

.... - Le Gouvernement remet un rapport au Parlement faisant état des mesures prises pour renforcer les capacités d'accueil en service de réanimation, des moyens affectés à la recherche médicale, des moyens affectés à l'équipement des Français nécessaires à la prévention de la propagation du virus covid-19, mais également du nombre de décisions individuelles prises au titre de l'état d'urgence, et le nombre de recours portant contre ces décisions individuelles et les interdictions de manifestations. 

M. Jean-Claude Requier.  - Cet amendement, initié par Véronique Guillotin, vise à mieux informer le Parlement sur les mesures prises dans le temps de la prorogation accordée, afin de lutter à long terme contre l'épidémie Covid-19.

M. Philippe Bas, rapporteur.  - Dans chacune de nos commissions, nous faisons un gros travail de suivi de l'état d'urgence sanitaire. Nous avons recueilli beaucoup d'informations et d'explications de la part des ministres, oralement lors des auditions, ou par écrit. Le Premier ministre m'a répondu sur son premier rapport d'étape, par exemple.

Prévoir dans la loi un tel rapport ne me semble pas le meilleur moyen pour exercer notre contrôle. Les deux chambres du Parlement créeront une commission d'enquête pour avoir une vue d'ensemble sur les mesures prises pour préparer le pays à l'épidémie et la lutte contre le virus. Retrait ?

L'amendement n°6 rectifié est retiré.

L'article premier est adopté.

ARTICLES ADDITIONNELS

M. le président.  - Amendement n°57, présenté par M. Kerrouche et les membres du groupe socialiste et républicain.

Après l'article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le code général des collectivités territoriales est ainsi modifié :

1° Après l'article L. 2121-41, il est inséré un article L. 2121-... ainsi rédigé :

« Art. L. 2121-....  -  Lorsque l'état d'urgence sanitaire prévu à l'article L. 3131-15 du code de la santé publique est déclaré, un protocole établit les modalités de coopération de gestion de la crise sanitaire, entre le maire et le représentant de l'État territorialement compétent.

« Le maire et le représentant de l'État peuvent décider conjointement d'y associer le président de l'établissement public de coopération intercommunale dont est membre la commune.

« Un protocole-type est défini par décret. » ;

2° Après l'article L. 3121-26, il est inséré un article L. 3121-... ainsi rédigé :

« Art. L. 3121-....  -  Lorsque l'état d'urgence sanitaire prévu à l'article L. 3131-15 du code de la santé publique est déclaré, un protocole établit les modalités de coopération de gestion de la crise sanitaire entre le président du conseil départemental et le représentant de l'État territorialement compétent.

« Un protocole-type est défini par décret. »

M. Jérôme Durain.  - La gestion de la crise sanitaire est une affaire de couples : maire-préfet, mais aussi président du conseil départemental-préfet. Des réunions se tiennent, nous y sommes souvent conviés, mais le manque de formalisation de cette coopération fait peser sur les maires une responsabilité qui peut dépasser leur compétence.

Notre amendement répond à une demande de l'AMF et associe les groupements de commune à ces protocoles.

M. Philippe Bas, rapporteur.  - Dans la gestion de crise, on ne doit pas passer trop de temps à remplir des documents pour déterminer comment collaborer : il faut agir vite. Une telle mesure aurait été intéressante à froid, avant la crise.

Il y a beaucoup de communes en France, cela ferait beaucoup de conventions à négocier.

Je propose que nous réservions cette proposition à la grande loi que nous proposerons, le moment venu, pour la préparation de la Nation aux crises sanitaires et qui devra tirer les leçons de la présente crise.

M. Olivier Véran, ministre.  - Même avis. Ne passons pas trop de temps à rédiger des protocoles.

Le binôme maire-préfet est essentiel, mais n'oublions pas non plus les ARS. Il y a beaucoup à écrire sur la façon dont la France doit se préparer aux épidémies. Mais la répartition des rôles est claire, elle a été fixée en 2010 par la loi Hôpital Patient Santé Territoire : en cas de crise, c'est le préfet qui prend la main, en collaboration avec l'ARS. Le Gouvernement a fait le choix fort de la concertation dans les territoires, avec le binôme préfet-maire, au vu du rôle de ce dernier dans l'application du déconfinement. Retrait ou avis défavorable.

L'amendement n°57 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°162, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Après l'article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

La décision d'accueillir des usagers dans un établissement scolaire est conditionné à l'accord express des conseils d'école pour le premier degré et des conseils d'administration des établissements pour le second degré.

Mme Céline Brulin.  - Cet amendement prévoit la consultation des conseils d'école du premier degré et des conseils d'administration des établissements scolaires du second degré dans la décision de reprise des cours. Les conseils d'école rassemblent les élus, les chefs d'établissement, les enseignants et les parents d'élèves.

Décider ensemble, au regard de la situation sanitaire, de la possibilité ou non d'appliquer les protocoles sanitaires - dont on a vu la nature hors-sol - est de nature à sécuriser les élus locaux. On doit faire appel, pour certaines décisions, à la communauté éducative. La concertation, qui a trop fait défaut, s'impose pour préparer la reprise, y compris à plus long terme.

M. Philippe Bas, rapporteur.  - Avis défavorable. Cela reviendrait à transférer la décision de reprise à un organe collectif : on ne saurait plus qui prend la décision. Chaque membre serait responsable. Il est légitime de réunir le conseil d'école mais ce n'est pas à lui de décider.

M. Olivier Véran, ministre.  -  Avis défavorable.

L'amendement n°162 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°56, présenté par M. Kerrouche et les membres du groupe socialiste et républicain.

Après l'article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I.  -  Le code de l'éducation est ainsi modifié :

1° Après l'article L. 212-15, il est inséré un article L. 212-... ainsi rédigé :

« Art. L. 212-...  -  Lorsque l'état d'urgence prévu à l'article L. 3131-15 du code de la santé publique est déclaré, les mesures spécifiques et exceptionnelles d'hygiène et de sécurité prévues sont inscrites au règlement intérieur de l'école.

« Aux heures ou périodes au cours desquelles les locaux scolaires ne sont pas utilisés pour les besoins de la formation initiale et continue, une convention entre le maire et le directeur de l'école définissant les conditions d'accueil et les mesures sanitaires est établie, après avis du conseil d'école.

« La conformité du règlement et de la convention précités au protocole sanitaire prescrit par le ministère en charge de l'éducation nationale est validée par le directeur académique des services de l'éducation nationale ou son représentant. » ;

2° Après l'article L. 213-10, il est inséré un article L. 213-... ainsi rédigé :

« Art. L. 213-...  -  Lorsque l'état d'urgence prévu à l'article L. 3131-15 du code de la santé publique est déclaré, les mesures spécifiques et exceptionnelles d'hygiène et de sécurité prévues sont inscrites au règlement intérieur du collège.

« Aux heures ou périodes au cours desquelles les locaux scolaires ne sont pas utilisés pour les besoins de la formation initiale et continue, une convention entre le président du conseil départemental et le directeur de l'établissement définissant les conditions d'accueil et les mesures sanitaires est établie, après avis du conseil d'administration.

« La conformité du règlement et de la convention précités au protocole sanitaire prescrit par le ministère en charge de l'éducation nationale est validée par le directeur académique des services de l'éducation nationale ou son représentant. » ;

3° Après l'article L. 214-11, il est inséré un article L. 214-... ainsi rédigé :

« Art. L. 214-...  -  Lorsque l'état d'urgence prévu à l'article L. 3131-15 du code de la santé publique est déclaré, les mesures spécifiques et exceptionnelles d'hygiène et de sécurité prévues sont inscrites au règlement intérieur du lycée.

« Aux heures ou périodes au cours desquelles les locaux scolaires ne sont pas utilisés pour les besoins de la formation initiale et continue, une convention entre le président du conseil régional et le directeur de l'établissement définissant les conditions d'accueil et les mesures sanitaires est établie, après avis du conseil d'administration.

« La conformité du règlement et de la convention précités au protocole sanitaire prescrit par le ministère en charge de l'éducation nationale est validée par le directeur académique des services de l'éducation nationale ou son représentant. »

II.  -  Après l'article L. 3111-25 du code des transports, est insérée une section ainsi rédigée :

« Section ...

« Organisation du transport scolaire pendant l'état d'urgence sanitaire

« Art. L. 3111-...  -  Lorsque l'état d'urgence prévu à l'article L. 3131-15 du code de la santé publique est déclaré, les mesures exceptionnelles d'hygiène et de sécurité prévues pour le transport scolaire sont inscrite au règlement du transport scolaire par l'autorité organisatrice compétente et après validation conjointe par le représentant territorialement compétent du ministre en charge de la santé et du ministre en charge des transports. »

M. Jérôme Durain.  - En réponse à une demande de l'AMF, cet amendement prévoit que les services de l'État valident formellement la conformité au protocole prescrit par le ministère de l'Éducation nationale des conditions d'accueil et des mesures sanitaires de chaque école, afin que les maires n'en portent pas seuls la responsabilité.

Vu le rôle des parents d'élèves dans la réussite de la réouverture des classes, il apparaît opportun que le conseil d'école soit au moins consulté, notamment s'agissant de la fourniture de masques aux enfants par leurs parents.

Enfin, s'agissant des transports scolaires, il est également proposé qu'un règlement soit validé par le représentant du ministère de la Santé et des Transports.

M. Philippe Bas, rapporteur.  - C'est trop. Avis défavorable.

M. Olivier Véran, ministre.  - Avis défavorable.

L'amendement n°56 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°187, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Après l'article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Pendant la durée de l'état d'urgence sanitaire prévu par la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d'urgence pour faire face à l'épidémie de covid-19, les salariés au sens de l'article L. 1111-1 du code du travail ayant fait le choix de garder leurs enfants scolarisés à leur domicile pour en assurer la garde et la surveillance ne peuvent faire l'objet à raison de leur absence de l'entreprise pour ce motif, d'un retrait sur salaire, d'une sanction, quelle qu'en soit la nature, d'un licenciement ou de toute autre mesure discriminatoire en matière de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat.

Il en de même pour les fonctionnaires et agents contractuels de droit public de la fonction publique de l'État, de la fonction publique territoriale, des établissements publics, de l'éducation nationale et fonctionnaires à statut spécial ainsi que les personnels ouvriers de l'État.

Mme Céline Brulin.  - Les parents d'enfants ont d'abord bénéficié d'un congé maladie pour garde d'enfant, rémunéré à 90 % jusqu'au 1er mai, puis du chômage partiel, à 84 %, jusqu'au 1er juin. Pour la suite, le flou règne. Or le sujet est déterminant, à l'heure où l'on demande aux parents de dire s'ils souhaitent ou non remettre leurs enfants à l'école. (M. Loïc Hervé s'exclame.)

Faute de garantie des revenus, le choix n'en sera pas un ; il y aura des inégalités selon les moyens financiers des uns et des autres. Les familles ont besoin de connaitre les dispositifs sur lesquels elles pourront s'appuyer pour faire leur choix.

M. Philippe Bas, rapporteur.  - Avis défavorable.

M. Olivier Véran, ministre.  - Avis défavorable.

L'amendement n°187 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°149, présenté par Mme Cohen et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Après l'article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Les quatrième et cinquième alinéas du b du 1° du I de l'article 11 de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d'urgence pour faire face à l'épidémie de covid-19 sont supprimés.

Mme Laurence Cohen.  - La loi du 23 mars permet aux employeurs de déroger au droit du travail et déconstruit le code du travail. L'état d'urgence sanitaire a servi d'excuse pour affaiblir encore les protections collectives, sur la durée de travail ou le repos minimal, par exemple.

L'inspection du travail, dont les moyens sont en baisse, observe une augmentation du non-respect par les employeurs des règles de sécurité.

Dérégler les temps de travail, faire exploser le seuil de 40 heures, expose les salariés à des risques de santé, et donc à une recrudescence des arrêts de travail. Cela nuira à la reprise de l'activité.

M. Philippe Bas, rapporteur.  - Avis défavorable.

M. Olivier Véran, ministre.  - J'entends les critiques, mais j'ai du mal à entendre que l'état d'urgence sanitaire aurait « servi d'excuse » à quoi que ce soit. L'état d'urgence sanitaire n'a servi d'excuse à rien, mais a permis de ...

M. François Patriat.  - ...sauver des vies !

M. Olivier Véran, ministre.  - Oui, de protéger la vie des Français grâce des mesures qui ont été suivies par la moitié de l'humanité. À la différence d'autres pays, nous n'avons pas eu 4 millions de chômeurs supplémentaires en deux jours, car 11 millions de personnes ont bénéficié du chômage partiel, qui garantit 84 % du salaire et 100 % au Smic. Pour l'État, cela signifie une perte de cotisations conséquente. Je gage qu'au moment de l'examen du PLFSS, vous ne serez pas la dernière à attirer l'attention sur le trou de la sécurité sociale. Ce trou, nous l'assumerons, car c'est grâce à lui que la pauvreté n'aura pas explosé en France. Faisons attention à ce qui est dit dans cette enceinte. (« Très bien ! » et applaudissements sur les travées des groupes LaREM, Les Indépendants, UC et Les Républicains)

Mme Laurence Cohen.  - En effet, faisons attention, quand certains disent qu'il faudra travailler plus longtemps, renoncer aux congés payés, au repos dominical ! Le chômage partiel n'est pas un cadeau, c'est un droit. Les salariés cotisent. Ce sont des acquis, des conquis qu'il faut préserver. Pas de leçons ! (Exclamations à droite)

L'amendement n°149 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°150, présenté par Mme Cohen et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Après l'article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le sixième alinéa du b du 1° du I de l'article 11 de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d'urgence pour faire face à l'épidémie de covid-19 est supprimé.

Mme Cathy Apourceau-Poly.  - Selon la CGT, nombre d'employeurs demandent à leurs salariés de poser des congés payés. Certains, salariés censés être au chômage partiel ou se croyant en télétravail, découvrent même a posteriori qu'ils ont été placés en congés payés !

Dans ce contexte, nous ne pouvons que nous inquiéter des demandes du patronat, relayées par une partie de la droite, de déroger aux règles en matière de temps de travail au-delà de la crise sanitaire. (M. Vincent Segouin proteste.) Ce n'est pas en diminuant le nombre de jours de congés que vous motiverez les salariés et relancerez l'économie.

M. Philippe Bas, rapporteur.  - Avis défavorable.

M. Olivier Véran, ministre.  - Avis défavorable.

L'amendement n°150 n'est pas adopté.

L'amendement n°8 rectifié est retiré.

M. le président.  - Amendement n°142, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Après l'article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après le mot : « ministres », la fin du dernier alinéa de l'article 4 de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d'urgence pour faire face à l'épidémie de covid-19 est ainsi rédigée : « ou par le vote du Parlement avant l'expiration du délai fixé par la loi le prorogeant. »

Mme Laurence Cohen.  - Actuellement, il n'est pas prévu que le Parlement puisse voter la fin de l'état d'urgence sanitaire. Alors que le premier projet de loi fixait une date butoir, le Gouvernement peut, avec ce texte, reconduire autant de fois qu'il le veut l'état d'urgence, avec l'appui de sa majorité. Rétablissons les prérogatives du Parlement.

M. Philippe Bas, rapporteur.  - Avis défavorable.

M. Olivier Véran, ministre.  - Avis défavorable.

L'amendement n°142 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°165, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Après l'article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Pendant la durée de l'état d'urgence sanitaire, une proposition de loi ou de résolution ou un débat relatifs à l'état d'urgence sont inscrits par priorité à l'ordre du jour à l'initiative de la Conférence des présidents de chaque assemblée pendant la session ordinaire ou une session extraordinaire ou, le cas échéant, pendant une réunion de plein droit du Parlement.

Mme Cathy Apourceau-Poly.  - Cet amendement reprend l'une des propositions du président Bas lors de l'examen du projet de loi constitutionnelle du 9 mars 2016. Il est nécessaire de limiter dans la durée l'état d'urgence, sanitaire ou pas. Armons le Parlement pour lui permettre de faire cesser les pleins pouvoirs, dangereux pour la démocratie.

M. Philippe Bas, rapporteur.  - Nous avons voté ce régime d'exception pour une durée d'un an, pendant laquelle le Gouvernement pourra décider d'interrompre ces mesures ou de les prolonger par décret - sanctionné, au bout d'un mois, par un vote du Parlement. Il y a bien une date butoir : un an. Avis défavorable.

M. Olivier Véran, ministre.  - Avis défavorable.

L'amendement n°165 n'est pas adopté.

ARTICLE PREMIER BIS

M. le président.  - Amendement n°141, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Compléter cet article par les mots :

ou par le vote du Parlement avant l'expiration de ce délai

Mme Laurence Cohen.  - Défendu.

M. Philippe Bas, rapporteur.  - Défavorable.

M. Olivier Véran, ministre.  - Idem.

L'amendement n°141 n'est pas adopté.

L'article premier bis est adopté.

ARTICLE ADDITIONNEL

M. le président.  - Amendement n°87, présenté par M. Sueur et les membres du groupe socialiste et républicain.

Après l'article 1er bis

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après la première phrase du deuxième alinéa de l'article L. 3131-13 du code de la sante? publique, est insérée une phrase ainsi rédigée : « Le Gouvernement ainsi que les autorités administratives concernées leur transmettent sans délai copie de tous les actes qu'ils prennent en application de ces dispositions. »

M. Jean-Pierre Sueur.  - Cet amendement reprend les exigences du contrôle parlementaire tel qu'instauré par la loi du 30 octobre 2017 et l'article L. 22-10-1 du code de la sécurité intérieure. Le président Bas dira peut-être que ça va de soi - raison de plus pour l'adopter.

M. Philippe Bas, rapporteur.  - Tout est dit sauf notre avis : défavorable. (Sourires)

M. Olivier Véran, ministre.  - Défavorable car satisfait.

L'amendement n°87 n'est pas adopté.

ARTICLE 2

M. Dany Wattebled .  - À Wallis et Futuna, la perspective du déconfinement inquiète. Ce territoire a jusqu'à présent été épargné par le Covid-19 - heureusement, car les hôpitaux y sont sous-dotés et le nombre de diabétiques important. Le Covid-19 y ferait des ravages.

Le retour des habitants bloqués en Nouvelle-Calédonie interroge, tout comme la possibilité d'appliquer la quatorzaine après la fin mai. Les craintes sont réelles, notamment de recours administratifs.

Pouvez-vous, monsieur le ministre, nous rassurer sur la volonté du Gouvernement de protéger les habitants contre la pandémie ?

M. Emmanuel Capus.  - Excellent !

M. Bruno Retailleau .  - Hier, le Gouvernement a indiqué ne pas vouloir soumettre les ressortissants de l'espace Schengen à la quarantaine. À quel titre, sachant que le virus circule beaucoup dans certains de ces pays ? Les Français de l'étranger y voient une rupture d'égalité insupportable. Quel est le raisonnement sanitaire derrière une telle décision ?

Mme Joëlle Garriaud-Maylam .  - Les Français établis hors de France ont été catastrophés d'apprendre qu'ils devraient subir une quarantaine à leur retour en France. C'est d'autant plus absurde que le plus grand nombre de victimes du Covid, en proportion de la population, se trouve en Belgique quand le Vietnam n'en a aucune !

Les 3,5 millions de Français de l'étranger se sentent oubliés, traités en citoyens de troisième zone.

Nos petits entrepreneurs à l'étranger n'ont aucune aide, pas de chômage partiel : ils doivent payer les salaires de leurs employés, sans rentrée d'argent.

Ces Français n'ont souvent que quinze jours de vacances par an, par exemple aux États-Unis. Ils passeraient ces vacances en quarantaine, sans pouvoir voir leur famille, alors qu'ils ne viennent pas forcément de zones contaminées ? On peut être sain en zone rouge ou contaminé en zone verte ! Les Français de l'étranger sont désespérés ; rassurez-les, ils méritent d'être traités comme tous les autres Français.

M. Olivier Véran, ministre .  - Je mesure pleinement l'inquiétude de nos compatriotes de Wallis et Futuna où, pour le moment, aucun cas n'a été détecté.

Seuls les Français ayant des motifs familiaux ou impérieux pourront se rendre en outre-mer et devront observer une quarantaine stricte. Je salue la décision judicieuse de faire effectuer cette quatorzaine à bord d'un bateau de la compagnie des îles du Ponant, battant pavillon de Wallis et Futuna. Pour l'avenir, nous devons réfléchir à des mesures qui entraîneront des garanties équivalentes en termes de santé publique et qui seront moins contraignantes, pour les personnes comme pour le fret. Soyez assuré de l'attention que le Gouvernement porte à la situation de Wallis et Futuna.

Je ne peux pas ne pas répondre à l'interpellation du président Retailleau et de sa collègue sur les Français de l'étranger, mais aussi sur les ressortissants de l'espace Schengen,

Les dispositions que j'ai annoncées à la sortie du dernier Conseil des ministres prévoient qu'une personne entrant sur le territoire national, y compris en outre-mer et en Corse, devra bénéficier d'une quatorzaine. Rappelons qu'un très grand nombre de Français de l'étranger, qui souhaitaient revenir en France, plus de 130 000, ont été rapatriés, dans des conditions remarquées comme optimales.

Certains Français vivent depuis longtemps à l'étranger et n'ont plus de logement en France. Ils sont inquiets et souhaitent revenir à partir du 11 mai. La quatorzaine répond à cette difficulté. Il faudra agir avec intelligence et s'adapter à chaque cas.

Chacun comprend que l'objectif de la quatorzaine ou la mise en isolement le temps nécessaire des personnes présentant des symptômes est de ne pas faire entrer le virus sur le territoire et de protéger ces personnes. Les choses peuvent évoluer en fonction de la situation épidémique dans les pays d'origine.

La situation des frontaliers est très claire. Ils peuvent se déplacer de part et d'autre de la frontière, de quelques kilomètres, dans une limite de cent kilomètres, sans présenter plus de risques d'un côté de la frontière que de l'autre, même entre la France et l'Allemagne.

Quant aux ressortissants de l'espace Schengen, je suis prudent : peut-être serons-nous amenés, si la situation épidémique était incontrôlée dans l'un des pays de l'espace Schengen, ce que je ne souhaite pas, à l'heure actuelle, la situation étant plutôt sur la voie du contrôle grâce au confinement dans la plupart des pays européens, à adopter des restrictions. C'est le bon sens scientifique, médical, français.

Il s'agit en effet de protéger les Français et de lutter contre la reprise épidémique. L'enjeu n'est pas de privilégier tel ou tel par rapport à tel autre, ou d'empêcher des Français distants de plus de cent kilomètres de se rejoindre sur le territoire national, il est de prendre toutes les mesures de prévention et de précaution contre la propagation du virus. Nous partageons un même objectif de sécurité.

L'amendement n°9 rectifié bis est retiré.

M. le président.  - Amendement n°156, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Alinéa 4

Compléter cet alinéa par les mots :

afin de garantir la sécurité des usagers et des personnels

Mme Éliane Assassi.  - Le Gouvernement demande aux entreprises de poursuivre le télétravail et d'adapter les horaires. C'est sans obligation ni sanction.

En revanche, les usagers, eux, sont soumis à des obligations, mais comment croire que les restrictions dans les transports seront compatibles avec les besoins de mobilité ? Usagère quotidienne du RER B, je vous souhaite beaucoup de courage. (M. Fabien Gay renchérit.) L'équation est impossible.

Nous proposons l'adoption d'un plan de mobilité pour les salariés, garantissant un maximum de télétravail et des plages horaires aménagées, discuté avec les organisations syndicales, comportant des obligations clairement détaillées.

M. Philippe Bas, rapporteur.  - Avis défavorable.

M. Olivier Véran, ministre.  - Avis défavorable.

L'amendement n°156 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°158, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Alinéa 4

Compléter cet alinéa par les mots :

, ordonner l'adaptation du plan de mobilité des entreprises pour cette période d'urgence sanitaire afin d'éviter la saturation des transports collectifs

Mme Éliane Assassi.  - Par cet amendement de précision et d'appel, nous voulons rappeler qu'il faut assurer la sécurité des usagers. Le plan de déconfinement est trop peu ambitieux sur le volet des transports.

Comment obliger à porter un masque sans en distribuer gratuitement ? Une charte entre les autorités organisatrices, entreprises et organisations syndicales est en discussion mais elle ne sera pas contraignante : l'entreprise restera seul maître à bord.

Comment garantir la sécurité de chacun alors que les wagons seront trop occupés ? Comment faire primer les enjeux de santé publique sur ceux de l'économie, « quoi qu'il en coûte », selon les propres termes du président de la République, alors que les transports deviendront demain le principal foyer de propagation ? Remettons en cause le dogme de la libre concurrence dans les transports qui complique la mise en place de mesures de protection.

M. Philippe Bas, rapporteur.  - Avis défavorable.

M. Olivier Véran, ministre.  - Avis défavorable.

L'amendement n°158 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°45 rectifié, présenté par MM. Karoutchi, Daubresse, Bascher et Marseille, Mme Micouleau, M. Cuypers, Mmes Bonfanti-Dossat et Lavarde, M. de Nicolaÿ, Mme Eustache-Brinio, MM. Menonville, Bizet, Regnard, Canevet, Husson et Frassa, Mme Chauvin, M. Pierre, Mme M. Mercier, M. Lefèvre, Mmes Chain-Larché et Raimond-Pavero, M. Babary, Mme Imbert, M. Hugonet, Mme L. Darcos, M. Kennel, Mmes Procaccia, Duranton, Gruny et Lassarade, M. Bonhomme, Mmes Deroche et Deromedi, MM. Vogel et Dallier et Mme Dumas.

Alinéa 4, après la première phrase

Insérer une phrase ainsi rédigée :

Les particularités de la situation en Région Ile-de-France, compte-tenu de la très forte proportion de déplacements en transports en commun, nécessitent des mesures spécifiques et notamment l'obligation pour les usagers de présenter une attestation de déplacement dans les transports collectifs dans des conditions fixées par décret.

M. Antoine Lefèvre.  - En Île-de-France, les transports en commun sont susceptibles de constituer un goulet d'étranglement lors du déconfinement. Afin de ne pas saturer le système de transport, il est nécessaire de limiter les déplacements au moyen d'une attestation de déplacement dont le principe serait calqué sur l'attestation de déplacement dérogatoire aujourd'hui en vigueur en période de confinement.

M. Philippe Bas, rapporteur.  - J'ai posé cette question cette après-midi au Premier ministre. En effet, les transports en commun, notamment en région parisienne, risquent d'être saturés. Mais la gestion de l'outil proposé paraît très difficile. La commission considère qu'il faut traiter les transports collectifs sur l'ensemble du territoire national de manière homogène. Avis défavorable.

M. Olivier Véran, ministre.  - Avis défavorable. La réflexion est évidemment pertinente. Inclure une disposition spécifique à l'Île-de-France dans cette loi n'est pas le plus cohérent, mais il faudra réfléchir à une disposition plus large, applicable en Île-de-France comme ailleurs, si attestation il y a.

L'amendement n°45 rectifié est retiré.

M. le président.  - Amendement n°128 rectifié, présenté par MM. de Legge, Cuypers, Meurant, Vaspart et Paccaud, Mme Ramond, M. Reichardt, Mme Lavarde, MM. Bonne et Retailleau, Mmes L. Darcos et Gruny, MM. Charon, Courtial et Chevrollier, Mme Deseyne, MM. Mandelli, Piednoir, Mouiller, de Nicolaÿ, de Montgolfier, Bonhomme, Bouchet, Sol, Lefèvre et B. Fournier, Mme Boulay-Espéronnier, MM. Bizet, Bascher et Allizard, Mmes Estrosi Sassone, Chain-Larché et Thomas, M. Pellevat, Mme Imbert, MM. Savary et Sido, Mme Deroche, M. Danesi, Mmes Chauvin et Lamure, MM. del Picchia, Leleux, Vogel et Longuet, Mmes Gatel et Garriaud-Maylam, M. Duplomb et Mmes Micouleau et Lopez.

Alinéa 6

Compléter cet alinéa par les mots :

et aux lieux de culte, sauf si la situation particulière d'un département venait à justifier le maintien de la fermeture de ces derniers

M. Michel Vaspart.  - Cet amendement s'inscrit dans l'esprit de la loi de 1905 en vertu de laquelle « La République assure la liberté de conscience et garantit le libre exercice des cultes». Le plan de déconfinement semble méconnaître ce principe. Pour tous les pratiquants, quelle que soit leur religion, la pratique n'est pas accessoire mais essentielle au sens étymologique du terme. La liberté religieuse ne peut être assimilée à un loisir superflu. Cet amendement rétablit l'accès aux lieux de cultes là où c'est possible, et d'autant plus que ceux-ci présentent moins de risques que les salles de classe, les transports en commun ou les magasins.

M. Philippe Bas, rapporteur.  - Voilà une question importante pour nos concitoyens croyants, quelle que soit leur religion. La Déclaration des droits de l'homme et du citoyen fait de la pratique du culte une liberté fondamentale.

L'impératif sanitaire, en fermant les lieux de culte, a causé une difficulté très grande aux croyants, qu'ils ont acceptée. Mais quand d'autres lieux rouvrent, à la faveur du déconfinement, c'est plus difficile à accepter. Le Premier ministre, que vous avez interrogé cet après-midi a fait évoluer sa position, ayant annoncé que la date du 28 mai était à l'étude. On se rapproche donc de l'échéance.

Je souhaite un dialogue approfondi avec les représentants des cultes dont les positions sur le sujet peuvent varier. C'est pourquoi ils seront auditionnés par la commission des lois.

Dans certains cultes, comme le culte catholique, la participation à la messe a une valeur sacrée, ce qui n'est pas le cas au même degré pour d'autres cultes.

J'espère que nous serons en mesure de transmettre au Gouvernement des éléments plus précis la semaine prochaine sur la date et les modalités de reprise des cultes. Il ne s'agirait pas d'une décision d'autorité, mais émanant de propositions formulées par les organisations des cultes elles-mêmes, afin que la reprise des cérémonies soit tout à fait compatible avec les exigences sanitaires.

J'ai beaucoup de compréhension vis-à-vis de cet amendement mais je préfère son retrait.

M. Bruno Retailleau.  - Il y a quelques semaines, dans ma petite commune rurale, j'ai croisé une personne âgée ayant perdu son épouse quelques mois auparavant. Je lui ai demandé comment il allait. Il m'a répondu avec un air agressif que je ne lui connaissais pas : « très mal » car le petit cimetière de la commune avait été fermé. Or il se rendait tous les jours sur la tombe de son épouse, dans un dialogue singulier par-delà la mort. Je comprends qu'il faille fermer le Père Lachaise dans lequel les touristes se rendent sur la tombe de Frédéric Chopin, de Guillaume Apollinaire, d'Honoré de Balzac, de Jim Morrison ou d'Édith Piaf. Mais un petit cimetière rural ? La bonne mesure consisterait à territorialiser la décision, en chargeant le maire, avec le préfet, l'évêque, le rabbin ou l'imam de déterminer les conditions dans lesquelles peut s'exercer la liberté de culte.

Celle-ci n'est pas sous la liberté de consommer. Et tous les croyants ne sont pas des citoyens de seconde zone. Il n'est pas plus dangereux de se rendre dans un cimetière que dans un supermarché !

M. Olivier Véran, ministre.  - Les lieux de culte sont ouverts mais les cérémonies sont interdites car elles réunissent des groupes.

Peut-être les cimetières sont-ils fermés selon décision préfectorale ou municipale ? Nous pourrons le vérifier. (Murmures à droite) J'avoue n'en être plus certain, à cette heure, et après deux mois qui ont été intenses.

Je comprends ce que vous dites sur les petits cimetières. Nous aurions aimé dresser des listes de dérogation mais cela peut être très complexe. Je ne vous rappelle pas les commentaires sur les marchés, que le Gouvernement avait d'abord souhaité laisser ouverts.

À partir du 11 mai, les cimetières seront accessibles.

La réouverture des lieux de culte relève du décret, mais le message est passé. Et le Premier ministre vous a répondu tout à l'heure.

Mme Esther Benbassa.  - Je suis très étonnée que l'on parle avec tant de légèreté de la réouverture des lieux de culte...

M. Olivier Véran, ministre.  - Ils sont ouverts, je le répète ; nous avons parlé des cérémonies.

Mme Esther Benbassa.  - À Mulhouse, une réunion évangélique a été un foyer d'épidémie. Et en Israël, à Bnei Brak, haut lieu de l'orthodoxie juive, près de Tel Aviv, les synagogues ont dû être fermées. Il y a également des difficultés à New York, où le nombre de morts est proportionnellement plus élevé dans une communauté orthodoxe...

M. Bruno Retailleau.  - On va rouvrir les écoles !

Mme Esther Benbassa.  - Les enfants sont asymptomatiques... (Exclamations à droite) et certains lieux de culte sont plus fréquentés par des personnes d'âge mûr... (Protestations sur les mêmes travées)

L'amendement n°128 rectifié est retiré.

M. le président.  - Amendement n°132, présenté par Mmes Laborde et M. Carrère.

Alinéa 6

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Au-delà du délai prévu au troisième alinéa de l'article L. 3131-13 du présent code, des dérogations à ces fermetures et réglementations peuvent être admises par le représentant de l'État dans le département à la demande du maire en tenant compte des solutions sanitaires particulières pouvant être mises en oeuvre.

Mme Françoise Laborde.  - Cet amendement répond à la crise qui frappe le secteur culturel. Le Premier ministre a évoqué tout à l'heure « la liberté d'être bouleversé par une oeuvre d'art ».

Face aux difficultés des lieux de culture et des intermittents, la réouverture est l'aide la plus efficace, d'autant que l'intermittence ne couvre qu'une partie des contrats culturels.

Maires et préfets pourraient envisager ensemble les modalités de réouverture de ces lieux culturels, dont certains sont autant voués à l'expérience esthétique qu'à la vie sociale.

M. Philippe Bas, rapporteur.  - Avis défavorable.

M. Olivier Véran, ministre.  - Avis défavorable.

Mme Françoise Laborde.  - C'était un amendement d'appel.

Mme Catherine Morin-Desailly.  - Je comprends ce qu'a voulu exprimer Mme Laborde. En l'absence de toute capacité de prévision, on laisse les acteurs culturels au milieu du gué. Alors que les abonnements doivent se prendre maintenant, donnons-leur de la visibilité, comme cela a été fait, par exemple, en, Allemagne, où cette année a été déclarée « blanche » : on ne rouvrira pas les salles de concerts, les théâtres, et autres lieux avant un an. Ainsi, l'on peut s'organiser.

Ce chantier doit être ouvert rapidement. Le ministre de la culture, à qui j'en ai parlé, le sait.

M. Olivier Véran, ministre.  - Cet amendement est satisfait. J'ai répondu machinalement un avis défavorable à Mme Laborde, mais il est clair que le milieu culturel a énormément souffert. Les lieux culturels pourront rouvrir, surtout si ce sont de petits lieux accueillant un petit public, comme les petits musées. Il reviendra aux préfets d'en déterminer la liste, mais elle sera assez longue. Cela participera de la relance de l'activité culturelle.

L'amendement n°132 est retiré.

M. le président.  - Amendement n°79, présenté par M. Jomier et les membres du groupe socialiste et républicain.

Alinéa 7

Supprimer cet alinéa.

Mme Laurence Rossignol.  - Cet article autorise la réquisition, par décret réglementaire, non plus de « toute personne nécessaire au fonctionnement des services et à l'usage des biens nécessaires à la lutte contre la catastrophe sanitaire », mais de « toute personne » sans autre précision.

Que cherche le Gouvernement avec un tel élargissement ? Revenons à la rédaction actuelle du code de la santé publique. Je voudrais comprendre ce qu'a voulu le Gouvernement.

M. le président.  - Amendement n°75, présenté par M. Daudigny et les membres du groupe socialiste et républicain.

Alinéa 7

1° Remplacer les mots :

La première phrase du 7° est

par les mots :

Après la première phrase du 7° est insérée une phrase

2° Remplacer les mots :

à la lutte contre la catastrophe sanitaire

par les mots :

à l'identification, l'orientation et l'accompagnement des personnes infectées et des personnes susceptibles de l'être, à la surveillance épidémiologique aux niveaux national et local

Mme Laurence Rossignol.  - Cet amendement adapte le régime des réquisitions à la constitution de brigades départementales dans la perspective du déconfinement ; l'enquête et le suivi des individus doivent se faire par contact, grâce à des équipes sur le terrain, pas seulement par téléphone.

M. le président.  - Amendement n°10 rectifié, présenté par Mmes Guillotin, M. Carrère, Costes et N. Delattre, M. Labbé, Mme Laborde, MM. Requier, Cabanel, Collin, Dantec, Gabouty et Gold, Mme Jouve, MM. Roux et Vall et Mme Pantel.

Alinéa 7

Après le mot :

personne

insérer le mot :

qualifiée

Mme Véronique Guillotin.  - Cet amendement assure que les personnes qui recueilleront les données médicales sensibles sont qualifiées pour le faire.

M. le président.  - Amendement n°145, présenté par Mme Cohen et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Alinéa 7

Après le mot :

services

insérer les mots :

et entreprises privées

M. Fabien Gay.  - Je suis gêné par l'attitude du Gouvernement, qui s'apparente à du mépris pour le Parlement. Ainsi, en ce qui concerne les 20 milliards d'euros réservés aux entreprises stratégiques, les ministres de Bercy nous disaient qu'ils ne pouvaient pas nous en donner la liste ; vingt-quatre heures après, Bruno Le Maire annonce sur TF1 qu'il consacre 7 milliards d'euros à Air France, 5 milliards d'euros à Renault, mais il refuse 2 milliards à la SNCF. Il faut avoir ces débats collectivement. Bruno Le Maire refuse que l'État administre l'économie, même si des nationalisations ou des montées en capital sont envisagées.

Pourtant le Président de la République affirmait le 12 mars que certains biens et services devaient être en dehors des lois du marché. Monsieur le ministre, êtes-vous du côté de Bruno Le Maire ou du Président de la République ? N'oublions pas non plus les critères sociaux et environnementaux.

Sur Luxfer, on nous a dit que l'entreprise arrêtée depuis huit mois ne pouvait être remise en route du fait des délais. Mais prenons le temps ; investissons, nationalisons Luxfer parce que la question de la production des bouteilles d'oxygène se posera.

M. le président.  - Amendement n°146, présenté par Mme Cohen et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Alinéa 7

Après le mot :

services

insérer les mots :

et la préemption de tous les masques disponibles par les sociétés commerciales

M. Fabien Gay.  - On en arrive aux masques. Je ne sais pas si la grande distribution a constitué des stocks cachés de masques. Mais ce qui est sûr c'est que les masques manquent dans les hôpitaux, notamment de proximité. Dans le 93, ces manques sont criants ! Même remarque pour les usagers des transports qui n'ont pas de masques.

La réquisition des masques de la grande distribution ne doit donc plus être un tabou ! Comment l'État a-t-il eu tant de mal à se procurer des masques quand la grande distribution y arrive ?

Et que dire des prix ? Avant la crise, les masques coûtaient moins de 7 centimes, aujourd'hui 95 centimes ! Si nous sommes en guerre, il y a des profiteurs. À 29,50 euros la boîte de 50 masques, pour une famille de quatre, c'est 118 euros par mois !

Si ces masques sont d'une absolue nécessité, ils doivent être remboursés par la sécurité sociale. Si les stocks existent, ils doivent être réquisitionnés.

M. le président.  - Amendement n°76, présenté par M. Daudigny et les membres du groupe socialiste et républicain.

Alinéa 7

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Ces décisions de réquisition sont rendues publiques.

Mme Laurence Rossignol.  - Défendu.

M. le président.  - Amendement n°11 rectifié, présenté par Mmes Guillotin, M. Carrère, Costes et N. Delattre, M. Labbé, Mme Laborde, MM. Requier, Cabanel, Collin, Dantec, Gabouty et Gold, Mme Jouve, MM. Roux et Vall, Mme Pantel et M. Guérini.

Alinéa 7

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Un décret fixe les qualifications et les conditions de rémunération des personnes réquisitionnées et fonction de la mission justifiant la réquisition.

Mme Véronique Guillotin.  - Le code de la santé publique prévoit un régime de réquisition. Cet amendement précise les règles de rémunération des personnes réquisitionnées.

M. le président.  - Amendement n°133, présenté par Mme Laborde.

Alinéa 7

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Au-delà du délai prévu au troisième alinéa de l'article L. 3131-13 du présent code, le représentant de l'État dans le département peut procéder sur sollicitation du maire à des réquisitions destinées à garantir la continuité des services publics locaux.

Mme Françoise Laborde.  - Lors de son audition devant la commission des lois, le Défenseur des droits, Jacques Toubon, s'est dit préoccupé par les enfants de familles très modestes qui bénéficient de la cantine pour faire un vrai repas par jour. Il recommandait la réquisition de services de restauration pour aider ces enfants.

Cet amendement permet aux maires de solliciter les préfets pour envisager de telles réquisitions.

M. Philippe Bas, rapporteur.  - Le texte du 23 mars liait la réquisition des personnes à celles des biens et services. Désormais, pour répondre à des difficultés de réquisition de médecins, le Gouvernement veut se passer de ce lien pour éviter de réquisitionner l'organisme dont ils dépendent. Il en fut ainsi pour des ARS dont il voulait réquisitionner des médecins.

L'amendement n°79 rétablit le texte du 23 mars ; je n'y suis pas opposé par principe mais, ce matin, la commission des lois a repris la rédaction du Gouvernement. Avis défavorable donc.

L'amendement n°75 restreint la réquisition des personnes aux besoins de la brigade sanitaire, pour reprendre l'expression du professeur Delfraissy. Pourquoi limiter ces réquisitions aux seules brigades sanitaires, d'autant qu'elles n'ont pas de statut défini. Avis défavorable.

L'amendement n°10 rectifié est satisfait : seules des personnes qualifiées, bien entendu, seront réquisitionnées ! Avis défavorable car cet amendement me semble inutile.

L'amendement n°145 est lui aussi satisfait, car l'expression « biens et services » inclut les entreprises. Retrait ou avis défavorable.

L'amendement n°146 aborde un sujet d'une actualité toute particulière. Beaucoup de nos concitoyens se demandent si des stocks de masques n'auraient pas été constitués par la grande distribution, que le Gouvernement aurait omis de réquisitionner. Mais la loi du 23 mars permettait déjà au Gouvernement de réquisitionner ces stocks. L'amendement devrait être retiré car il est satisfait.

Même avis pour l'amendement n°76, qui n'est pas nécessaire puisque les réquisitions sont déjà rendues publiques, les arrêtés étant publiés. Retrait ?

L'amendement n°76 est retiré.

L'intention des auteurs de l'amendement n°11 rectifié est louable, puisqu'il prévoit que l'indemnisation des personnes réquisitionnées soit fixée par décret. Mais le Gouvernement l'a fait, sans que les personnes concernées ne s'en plaignent. Retrait ?

Quant à l'amendement n°133, qui autorise des réquisitions par le préfet au bénéfice des communes, pourquoi ne pas mentionner les départements et les régions ? Et pourquoi ne pas rendre ce dispositif opérant au cours du premier mois d'urgence sanitaire ? Avis défavorable.

M. Olivier Véran, ministre.  - Le président Bas m'a soufflé mes réponses... Le texte initial était sans doute mal rédigé, celui de la commission l'a amélioré ; pour réquisitionner un médecin, il fallait réquisitionner l'hôpital ou l'ARS qui l'employait...

Beaucoup des amendements sont satisfaits, comme l'a dit le président Bas.

Pour les masques, le droit de réquisition est appliqué, à l'échelle nationale et territoriale. On nous l'a d'ailleurs reproché, parfois pour de bonnes raisons...

Je crois profondément en l'État, comme les sénateurs communistes... (Plusieurs voix sur diverses travées : « Nous aussi ! ») C'est pourquoi je m'attriste d'entendre dire que la grande distribution a réussi là où l'État a échoué. Certes, l'unité nationale a vécu et le politique reprend ses droits, mais soyons rigoureux et au moins justes.

Le Premier ministre et moi-même avons été transparents sur les tensions sur les stocks. À un moment, nous ne disposions que de 114 millions de masques et nous étions obligés de rationner les médecins de ville pour faire en sorte que personne ne manque de masques à l'hôpital. Croyez-vous que des stocks privés auraient pu se constituer à notre insu ?

Les usines en Chine, en février et début mars, étaient fermées ! Elles ne tournaient pas pour les entreprises privées ! Des présidents de collectivités territoriales qui croyaient qu'ils feraient mieux que l'État m'appelaient car ils ne parvenaient pas à récupérer leurs commandes. L'État a passé des commandes massives de masques, jusqu'à deux milliards de masques. Une fois rouvertes, les usines chinoises ont produit à plein régime, et nous avons envoyé des Antonov récupérer des millions de masques. Croyez-vous que pendant ce temps la grande distribution amassait des stocks en secret ?

La grande distribution me dit qu'elle n'a pas encore reçu tous les masques qu'elle annonce. Tant mieux si nous arrivons à faire revenir des masques ! S'il n'y en avait pas début mars, c'est que la situation était grave, pas que nous étions mauvais.

Je rappelle que des groupes privés ont mis les masques dont ils disposaient à la disposition des hôpitaux.

Le réflexe naturel est de chercher des responsables. Nous venons de débattre de la responsabilité des élus ; l'État ne cherche pas à se dédouaner.

Mais rendons hommage à tous ceux qui se sont démenés pour que nous ne soyons pas privés de masques, comme ce fut le cas dans d'autres pays. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM)

L'amendement n°79 n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°75.

L'amendement n°10 rectifié est retiré.

L'amendement n°145 n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°146.

L'amendement n°11 rectifié est retiré, ainsi que l'amendement n°133.

M. le président.  - Amendement n°50, présenté par M. Durain et les membres du groupe socialiste et républicain.

Après l'alinéa 7

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

...° Le 7° est complété par une phrase ainsi rédigée : « Il est interdit d'utiliser les biens nécessaires à la lutte contre la catastrophe sanitaire à des fins de communication institutionnelle ou électorale. » ;

M. Jérôme Durain.  - Il y a eu 25 000 morts en France du fait du Covid-19. On a parlé de défaut de coordination et d'organisation concernant les masques, qui ont pris une grande importance symbolique dans l'espace public. (M. Olivier Véran, ministre, le confirme.) À la faveur de cette guerre des masques, certains présidents de région ou de département, certains élus ont fait du tapage sur leurs initiatives en la matière. C'est déplacé, malvenu, voire indécent, à la limite de la communication électorale. C'est le sens de cet amendement : limitons la récupération politique par égard aux personnes qui ont été malades.

M. Philippe Bas, rapporteur.  - La communication électorale est déjà interdite dès lors qu'elle se ferait aux frais de la collectivité.

De plus, je vous invite à la prudence sur la notion de communication institutionnelle. Une institution, précisément, peut vouloir assumer son geste et le rendre public. Faut-il lui reprocher de mauvaises intentions ?

Je préfère, à titre personnel, la discrétion, mais ne privons pas nos concitoyens de moyens en son nom.

M. Olivier Véran, ministre.  - Il ne me viendrait pas à l'idée de floquer les masques du logo d'une collectivité, d'une entreprise, ni même d'un pays. Cette mesure est inadaptée et n'a rien à faire dans la loi. Mais vous avez fait passer le message, à raison. Avis défavorable.

M. Alain Richard.  - Jérôme Durain a raison de soulever le problème des méthodes politiques même si une interdiction législative n'est pas adéquate.

Avec malignité, je ferai remarquer au président Bas qu'une personne candidate aux élections municipales qui met son nom sur un masque sera rapatriée par la patrouille. Mais certains présidents d'exécutif départemental ou régional sont plus à l'aise, dont l'élection n'aura pas lieu avant dix mois et demi...

M. Jean-Pierre Sueur.  - Ce qu'a dit le président Bas, c'est beau comme l'antique ! Que de vertu ! (Sourires) Je salue la pureté de ce que dit le ministre et je partage la préoccupation de Jérôme Durain. Des candidats, ou des maires en difficulté pour leur réélection, donnent qui un masque, qui un gel hydroalcoolique, pour mieux souligner son action. Il est bon que le signal d'alarme ait été tiré au Sénat car il est particulièrement odieux d'utiliser cette catastrophe à des fins électorales.

M. Jérôme Durain.  - Cet amendement ne vise personne en particulier. Je le retire puisque chacun a dit ce qu'il fallait.

L'amendement n°50 est retiré.

M. le président.  - Amendement n°93, présenté par Mme Lubin et les membres du groupe socialiste et républicain.

Après l'alinéa 7

Insérer deux alinéas ainsi rédigés :

...° Après le 7°, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« ...° Prendre toute mesure pour assurer la sécurité alimentaire des personnes en situation de fragilité sociale ; » 

Mme Corinne Féret.  - L'état d'urgence sanitaire ne peut avoir pour conséquence d'affamer les plus vulnérables de notre société.

Garantir à nos concitoyens qu'ils ne souffriront pas de la faim durant l'épidémie doit fait partie de l'arsenal des mesures visant à garantir la santé publique pendant l'état d'urgence sanitaire.

Le nombre des bénéficiaires de l'aide alimentaire augmente, avec de nouveaux profils. Le président du Secours populaire parle de tsunami. L'état d'urgence sanitaire est aussi un état d'urgence sociale.

M. Philippe Bas, rapporteur.  - Avis défavorable, quoique la commission soit favorable à la nécessité de garantir l'aide alimentaire.

M. Olivier Véran, ministre.  - Même avis.

L'amendement n°93 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°161, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Après l'alinéa 8

Insérer trois alinéas ainsi rédigés :

...° Le même 8° est complété par deux alinéas ainsi rédigés :

« Le prix des masques de type chirurgical à usage unique répondant à la définition de dispositifs médicaux, quelle que soit leur dénomination commerciale, des gels et des solutions hydro-alcooliques ne pourront être supérieurs à ceux constatés au 1er décembre 2019, et ce quel que soit le mode de distribution, y compris en cas de vente en ligne.

« Les prix des masques réutilisables en tissu sont encadrés ; »

Mme Cécile Cukierman.  - Cet amendement plafonne des prix.

M. Philippe Bas, rapporteur.  - Avis défavorable.

M. Olivier Véran, ministre.  - Avis défavorable car il est satisfait.

L'amendement n°161 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°160, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Alinéa 8

Insérer deux alinéas ainsi rédigés :

....° Après le même 8° , il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« ...° Mettre en oeuvre, en tant que de besoin, les mesures définies par le code de commerce aux fins d'assurer la régularité et la sécurité des opérations commerciales relatives aux produits alimentaires ainsi qu'aux produits de première nécessité ; »

M. Pierre Laurent.  - Si le blocage des prix ne peut être effectué, il faudrait au moins les contrôler. Ceux des produits alimentaires s'envolent. L'UFC-Que choisir mentionne une augmentation de 4 % à 25 %. Certaines familles tombent dans la pauvreté.

M. Philippe Bas, rapporteur.  - Avis défavorable.

M. Olivier Véran, ministre.  - Même avis car l'amendement est satisfait.

L'amendement n°160 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°183 rectifié, présenté par MM. Magras et Darnaud.

Après l'alinéa 8

Insérer deux alinéas ainsi rédigés :

...°  Après le 10°, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« ...° Subordonner à des examens de dépistage l'entrée sur le territoire des collectivités énumérées à l'article 72-3 de la Constitution. Ces examens sont à la charge des personnes entrantes. » 

M. Mathieu Darnaud.  - Certains de nos compatriotes en Polynésie ont été déconfinés, Wallis et Futuna n'a jamais été contaminé. À Saint Barthélemy, le virus ne circule plus depuis le 21 avril.

Cet amendement propose une base légale pour des dépistages systématiques à l'entrée des territoires ultramarins qui bénéficieraient ainsi d'un déconfinement différencié.

M. Philippe Bas, rapporteur.  - Certains collègues considèrent que des tests à l'aéroport, à l'arrivée dans un territoire, permettraient de faire l'économie d'une mise en quarantaine.

Cependant, le test n'est pas une garantie absolue que la personne n'est pas porteuse du virus. Même si le résultat est négatif, la personne peut être en période d'incubation. C'est pour cela que nous allons demander aux cas contacts de rester 14 jours isolés même s'ils sont testés négatifs.

C'est pourquoi la commission a rejeté tous les amendements qui considéraient que l'on pouvait s'exonérer de toute contrainte en présence d'un test négatif.

M. Olivier Véran, ministre.  - Effectivement, le test négatif réduit la probabilité que la personne soit malade sans l'exclure. Imaginons que vous soyez testés pendant l'incubation : trois jours après, la maladie se déclare et vous pouvez faire exploser l'épidémie quelque part. La quatorzaine n'est pas un moment agréable, mais elle est indispensable. Le test ne peut remplacer ni le confinement ni la quarantaine. Ce n'est pas l'alpha et l'oméga. Pour autant, nous suivrons les recommandations de l'OMS et nous ferons plus de tests.

M. Mathieu Darnaud.  - Nous allons retirer l'amendement. Mais s'agissant de Saint-Barthélemy où le virus ne circule plus, je ne vois pas ce qui s'oppose à ce que les autorités locales mettent en place un dépistage systématique.

M. Olivier Véran, ministre. - Cela ne sert à rien.

M. Philippe Bas, rapporteur. - Mais ce n'est pas complètement inutile.

L'amendement n°183 rectifié est retiré.

M. le président.  - Amendement n°13 rectifié bis, présenté par Mmes M. Carrère, Costes et N. Delattre, M. Labbé, Mme Laborde, MM. Requier, Cabanel, Collin, Dantec, Gabouty et Gold, Mme Jouve et MM. Roux, Vall et Guérini.

Alinéa 10

Rédiger ainsi cet alinéa :

« II.  -  Les mesures ayant pour objet la mise en quarantaine, le placement et le maintien en isolement, ne peuvent intervenir que lors de l'entrée sur le territoire national ou lors de l'arrivée dans l'une des collectivités mentionnées à l'article 72-3 de la Constitution ou dans la collectivité de Corse, ou en provenance de l'une de ces collectivités, après la constatation médicale de l'infection de la personne concernée. En l'absence de disponibilité de moyens médicaux destinés à établir cette contestation dûment notifiée, les personnes ayant séjourné dans une zone de circulation de l'infection listée par décret peuvent être soumis à cette mesure à titre préventif.

M. Jean-Claude Requier.  - La logique de cet amendement et du suivant est que le test est préférable à la privation de liberté.

M. le président.  - Amendement n°12 rectifié bis, présenté par Mmes M. Carrère, Costes, N. Delattre et Guillotin, M. Labbé, Mme Laborde, MM. Requier, Cabanel, Collin, Dantec, Gabouty et Gold, Mme Jouve et MM. Roux, Vall et Guérini.

Alinéa 10

Rédiger ainsi cet alinéa :

« II.  -  Les mesures ayant pour objet la mise en quarantaine, le placement et le maintien en isolement, ne peuvent intervenir que lors de l'entrée sur le territoire national ou lors de l'arrivée dans l'une des collectivités mentionnées à l'article 72-3 de la Constitution ou dans la collectivité de Corse, ou en provenance de l'une de ces collectivités, après la constatation médicale de l'infection de la personne concernée.

M. Jean-Claude Requier.  - C'est un amendement de repli, prévoyant une quarantaine en dernier recours.

M. le président.  - Amendement n°195, présenté par M. Bas, au nom de la commission des lois.

Alinéa 10, première phrase

Après la référence :

insérer la référence :

du I

M. Philippe Bas, rapporteur.  - Amendement de coordination.

M. le président.  - Amendement n°111, présenté par M. Sueur et les membres du groupe socialiste et républicain.

Alinéa 10, première phrase

Après les mots :

en isolement

insérer les mots :

dont la durée totale ne peut excéder un mois

M. Jean-Pierre Sueur.  - Texte même.

M. le président.  - Amendement n°40, présenté par M. Rapin, Mmes Di Folco et C. Fournier, M. Bascher, Mme Gruny, MM. Paccaud et Lefèvre, Mme Lherbier, MM. Vanlerenberghe et Daubresse, Mme Duranton, MM. de Nicolaÿ et Regnard, Mmes Deroche et Lamure, MM. Husson, Mandelli, Bouchet, Savary, Gremillet, Courtial, Brisson et J.M. Boyer, Mme Deromedi, MM. Bonhomme, Duplomb, H. Leroy, Cuypers et Piednoir, Mme Imbert, MM. Meurant, Pierre, Danesi et Charon et Mme Lassarade.

Alinéa 10, première phrase

Après les mots :

viser que

insérer les mots :

les personnes en situation irrégulière, d'ores et déjà présentes sur le territoire national, ou

Mme Catherine Di Folco.  - Cet amendement de M. Rapin, répondant à une préoccupation de Mme Bouchart, maire de Calais, étend aux personnes en situation irrégulière, mais d'ores et déjà présentes sur le territoire national, la mesure de placement en quarantaine.

Depuis un mois, une opération de mise à l'abri de la population migrante dans le cadre de la crise sanitaire a été déployée dans le Pas-de-Calais mais repose sur une politique de volontariat. Un grand nombre de personnes en situation irrégulière continue de se déplacer, notamment sur le territoire du Calaisis, sans respecter les mesures de distanciation physique ni les gestes barrières.

Il est urgent d'imposer un placement en quarantaine, avec un appel à la solidarité nationale pour ne pas concentrer l'accueil de ces personnes sur un seul département.

M. le président.  - Amendement n°129 rectifié, présenté par Mmes M. Carrère, Costes et Laborde, MM. Requier, Collin, Roux et Gabouty, Mme Jouve, M. Vall et Mme Pantel.

Alinéa 10, première phrase

Supprimer les mots :

ou arrivent sur le territoire hexagonal en provenance de l'une de ces mêmes collectivités

Mme Maryse Carrère.  - Cet amendement supprime la notion de territoire hexagonal qui n'est pas juridiquement précise.

La rédaction actuelle écarte les personnes résidant en Corse de ce placement préventif, et rien ne semble justifier que les autres territoires d'outre-mer soient soumis à un traitement différencié.

En outre, les habitants de Saint-Pierre-et-Miquelon doivent passer par le Canada.

M. le président.  - Amendement n°101, présenté par M. Lurel et les membres du groupe socialiste et républicain.

Alinéa 10, première phrase

Compléter cette phrase par les mots :

qu'à la suite de l'organisation des examens de biologie médicale de dépistage et la collecte de leurs résultats sur les personnes concernées

Mme Laurence Rossignol.  - Cet amendement a le même objet que celui de M. Magras.

On pourrait imaginer des tests à cinq jours d'intervalle à compter de l'arrivée sur le territoire. On raccourcirait ainsi la quatorzaine. Mais la réponse du rapporteur sera sans doute la même...

M. le président.  - Amendement n°2 rectifié bis, présenté par MM. Decool, Wattebled, Menonville, Longeot et Chasseing, Mme Mélot, M. Lagourgue, Mme Loisier, MM. Bonne et Kern et Mmes Garriaud-Maylam et Goy-Chavent.

Alinéa 10

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Les mesures ayant pour objet la mise en quarantaine, le placement et le maintien en isolement peuvent également intervenir pour les personnes en situation irrégulière déjà présentes sur le territoire national.

M. Dany Wattebled.  - Cette disposition trouvera une application toute particulière dans tous les territoires touchés par la crise sanitaire qui connaissent un afflux majeur de personnes en situation irrégulière, dont la mise à l'abri sur la base du volontariat n'a pas été efficace.

Ainsi, dans les Hauts-de-France, le Calaisis connaît un regain de tensions dû à la pression migratoire dans un contexte de crise sanitaire. Les déplacements de populations en situation irrégulière qui ne peuvent pas respecter les consignes sanitaires laissent craindre une propagation plus rapide de l'épidémie, malgré le respect des mesures par la population.

L'État doit prendre ses responsabilités, afin de faire respecter les consignes sanitaires à des populations démunies et de rassurer les habitants du Calaisis.

M. le président.  - Amendement n°123, présenté par Mmes Garriaud-Maylam et Deromedi et MM. Regnard et Frassa.

Alinéa 10

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

La durée de la mise en quarantaine des Français établis à l'étranger qui se rendent sur le territoire national est limitée au temps strictement nécessaire à la réalisation d'un examen de biologie médicale de dépistage du covid-19 et à l'obtention de son résultat ; la mise en quarantaine de la personne concernée ne peut excéder cette durée que si elle a expressément renoncé à l'examen de dépistage.

Mme Joëlle Garriaud-Maylam.  - Nous devons réussir ce déconfinement pour notre économie. Je suis inquiète pour le tourisme, qui pèse 7,5 % du PIB. Il faudrait réduire la période de la quarantaine en recourant aux tests. Sinon, l'effet sera trop dissuasif pour les touristes étrangers qui souhaitent visiter notre pays et les Français de l'étranger qui veulent revenir.

M. le président.  - Amendement n°124, présenté par Mmes Garriaud-Maylam et Deromedi et MM. Regnard et Frassa.

Alinéa 10

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Le fait, pour une personne résidant à l'étranger de se rendre sur son lieu habituel de travail situé en France ou, pour une personne résidant en France, de revenir de son lieu habituel de travail situé à l'étranger n'est pas considéré comme une entrée sur le territoire national au sens du présent alinéa.

Mme Joëlle Garriaud-Maylam.  - Cet amendement concerne les frontaliers - mais il est satisfait, donc retiré.

L'amendement n°124 est retiré.

M. Philippe Bas, rapporteur.  - L'amendement n°13 rectifié bis pose le même problème que celui qu'a présenté M. Darnaud : retrait ?

L'amendement n°12 rectifié bis limite la quarantaine aux personnes chez lesquelles l'infection a été constatée - mais cela serait plutôt de l'isolement, la quarantaine étant quant à elle une mesure de prudence. Retrait ?

L'amendement n°111 est satisfait par le texte de la commission : vous pouvez le retirer.

L'amendement n°111 est retiré.

M. Philippe Bas, rapporteur.  - L'amendement n°40 pose le problème des migrants en situation irrégulière dans le Calaisis. Vivant dans des conditions de grande précarité, ils risquent de se contaminer entre eux et de contaminer leur environnement. Cependant, si nous votions la possibilité de les mettre en quarantaine, rien ne garantit que le Gouvernement l'applique. Tout est question de volonté politique, comme pour l'assignation à résidence.

Le Gouvernement ne doit pas s'en tirer à si bon compte et doit nous dire ce qu'il compte faire. Avis du Gouvernement. Idem sur l'amendement no129 rectifié.

Demande de retrait de l'amendement no101 : la quarantaine n'est pas pour les personnes que l'on sait infectées à coup sûr.

Même problème pour l'amendement no2 rectifié bis. Que compte faire le Gouvernement pour ces populations, et celles du territoire où elles s'agglutinent ?

L'amendement no123 limite la quarantaine pour les Français établis hors de France. Avis défavorable : les tests présentent trop d'incertitudes pour que l'on puisse se reposer sur eux seuls. En revanche, l'administration devra faire preuve de discernement selon le pays d'origine : la commission a exigé qu'un arrêté en fixe la liste. Un Français de l'étranger qui a une résidence en France pourra bien entendu réaliser sa quarantaine chez lui.

M. Olivier Véran, ministre.  - Avis favorable à l'amendement no195, demande de retrait sur les autres.

Je n'ai pas compris l'interpellation du président Bas : voudrait-il que l'on place en quarantaine les personnes en situation irrégulière pour ce seul motif ? En situation d'épidémie, les règles ne varient pas selon la situation administrative : tout le monde est protégé dans les mêmes conditions.

Quelque 17 000 places d'hébergement d'urgence ont été créées pour les populations les plus précarisées. Un travail remarquable est réalisé avec des associations telles que la Croix rouge, Médecins sans frontière ou Médecins du monde, de manière à éviter les risques de diffusion à bas bruit de la maladie. En aucun cas, des dispositifs particuliers de quarantaine ne seraient appropriés.

Les amendements nos13 rectifié bis et 12 rectifié bis sont retirés.

L'amendement n°195 est adopté.

Mme Catherine Di Folco.  - Le problème, c'est que la mise à l'abri repose sur le volontariat. Pour Natacha Bouchart, maire de Calais, il n'y aura pas de résultats sans une obligation. Il faudrait imposer une mise à l'abri, avec hébergement. Nous aurons lancé l'alerte.

L'amendement n°40 est retiré.

Mme Maryse Carrère.  - Je maintiens l'amendement 129 rectifié faute de réponse sur nos compatriotes d'outre-mer qui arriveraient sur le territoire hexagonal. J'ai cité l'exemple de Saint-Pierre-et-Miquelon. Seront-ils traités comme les Français de l'Hexagone ?

M. Philippe Bas, rapporteur.  - Les règles sont les mêmes, mais les problèmes ne sont pas les mêmes. Certaines de nos collectivités d'outre-mer sont exemptes de contamination. Il faut les protéger. Ce n'est pas la même situation que sur le territoire métropolitain.

Le texte prévoit la quarantaine pour l'arrivée sur le territoire métropolitain ainsi que pour l'arrivée sur un territoire ultramarin, même en venant de la métropole.

L'amendement n°129 rectifié est adopté.

L'amendement n°101 est retiré, ainsi que les amendements nos2 rectifié bis et 123.

M. le président.  - Amendement n°66, présenté par M. Milon.

Après l'alinéa 11

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Les mesures prévues aux 3° et 4° du présent article peuvent, en outre, intervenir, dans le cas d'une maladie transmissible hautement contagieuse, lorsqu'une personne infectée ou présentant un risque d'infection crée, par son refus de respecter une prescription médicale et individuelle d'isolement prophylactique, un risque grave pour la santé de la population.

M. Alain Milon.  - La réussite de la levée du confinement est conditionnée, entre autres, au respect scrupuleux et potentiellement contraignant d'un isolement prophylactique. Limiter celui-ci à une simple recommandation médicale ne prémunit pas contre une seconde vague qui submergerait notre système hospitalier.

Cet amendement ajoute aux cas dans lesquels le préfet sera habilité à arrêter des mesures individuelles de mise en quarantaine et d'isolement, celui d'un refus réitéré d'une mesure médicale et individuelle d'isolement prophylactique. Il ne fait que rétablir un paragraphe du projet de loi dans la version transmise au Conseil d'État, qui n'a rien trouvé à y redire ; puis le paragraphe a disparu du texte adopté en Conseil des ministres, sans doute pour des raisons d'équilibre majoritaire à l'Assemblée nationale.

M. Philippe Bas, rapporteur.  - Nous avons beaucoup débattu de cette question, qui a partagé la commission des lois. À l'origine, le Gouvernement avait prévu quarantaine et isolement non à l'arrivée en France, mais pour les personnes ne respectant pas, de manière réitérée, les prescriptions de rester chez elles pendant une quatorzaine, en cas de simple risque, sans contamination établie. Le Gouvernement y a renoncé.

La commission des affaires sociales, sur proposition de son président, a proposé de rétablir la faculté d'imposer cet isolement aux récalcitrants.

Le régime de base est une recommandation. Son respect est attendu au nom du civisme et sens du devoir de nos concitoyens.

Qu'est-ce qui sera le plus efficace ? Une obligation ou un régime reposant sur la confiance ? Le débat mérite d'avoir lieu. L'inconvénient d'un régime de contrainte, c'est qu'il incite à développer des stratégies de contournement : ceux qui sont porteurs du virus seront tentés de le dissimuler. C'est probablement plus dangereux que le risque marginal que comporte le choix de faire confiance aux citoyens.

Deuxième argument : pour faire respecter une obligation, encore faut-il en avoir les moyens, cela suppose une organisation. Il y a eu près d'un million de procès-verbaux pendant le confinement. Avec le déconfinement, les contrôles généralisés par la police et la gendarmerie sur les lieux de circulation n'existent plus.

Si le préfet décide de mesures contraignantes de quarantaine, sans contrôle, comment vérifier que les personnes respectent leurs obligations ? On ne va pas placer un gendarme devant leur domicile. Même à supposer qu'elles se rendent coupables d'un excès de vitesse, il faudrait, pour agir, qu'elles aient été inscrites au fichier des personnes recherchées... C'est donc une fiction que de prévoir un régime de contrainte sans moyens de l'appliquer. Le meilleur choix pour que la quatorzaine soit respectée, c'est encore la confiance. Mais le débat est légitime, et si j'avais la conviction que la contrainte pouvait s'appliquer, ma réponse ne serait sans doute pas aussi ferme...

M. Olivier Véran, ministre.  - Nous nous sommes interrogés sur cette mesure, avant de l'écarter. Il y a à cela des raisons pratiques, des raisons idéologiques, de respect des libertés publiques. La presse a évoqué une première version du texte qui aurait contenu cette mesure, mais elle ne figurait pas, me semble-t-il, dans la version soumise au Conseil d'État.

Nous avons fait le choix de la confiance et de l'explication, c'est le meilleur moyen de convaincre.

D'autres maladies hautement contagieuses comme la tuberculose nécessitent un confinement de trois mois, mais même là, aucune contrainte légale. Demande de retrait.

Mme Catherine Deroche.  - Rappelons le contexte qui a entouré le vote de cet amendement par la commission des affaires sociales. Au vu des chiffres, l'épidémie sévit toujours, la contagion peut se poursuivre et la période du déconfinement est à risque. Aurait-on les moyens d'imposer le respect de la quarantaine à ceux qui arrivent de l'étranger mais pas aux récalcitrants qui sont visés par l'amendement ? Si le médecin constate qu'une personne ne respecte pas la règle et risque d'en contaminer d'autres, pourquoi ne pas prendre de telles dispositions ?

Mme Véronique Guillotin.  - Vu la gravité de la crise et la saturation de nos services de réanimation, vu le risque de seconde vague, je voterai cet amendement. La confiance n'exclut pas une obligation faite aux récalcitrants, surtout si l'on impose la quarantaine à ceux qui arriveront sur le territoire !

En décembre, nous avions voté les mêmes mesures ici-même dans la loi sur la sécurité sanitaire.

Mme Laurence Rossignol.  - Monsieur le ministre, j'essaye en vain de capter votre attention : pourriez-vous enfin m'écouter ? (M. le ministre se défend.) J'allais vous lire l'avant-projet de loi transmis au Conseil d'État, qui comporte bien la mesure que reprend M. Milon. Elle ne sort pas de nulle part !

Pour autant, je ne me rallie pas à cet amendement, car il ne tourne pas. Il n'y a pas de fichier des récalcitrants ; dans l'hypothèse d'un contrôle de police, comment savoir que le contrevenant est censé être en quarantaine ? Je crains surtout que cet amendement ne crée le trouble sur l'article 6 en laissant penser à une possibilité de croiser les fichiers...

M. Alain Milon, rapporteur pour avis.  - Monsieur le ministre, la tuberculose est une maladie à déclaration obligatoire, qui se soigne et pour laquelle il existe un vaccin.

Ce paragraphe était bien inscrit dans l'avant-projet de loi qui nous a été soumis ainsi que dans le texte transmis au Conseil d'État sans que ce dernier trouve à y redire.

M. René-Paul Savary.  - Très majoritairement, les malades font confiance aux médecins. Mais chaque praticien sait qu'il y a des fortes têtes qui ne veulent rien comprendre.

Monsieur le ministre, que proposez-vous pour ces récalcitrants qui font courir un risque aux autres ? Que faire sinon prendre des mesures coercitives, pour muscler la discussion et les ramener à la raison ? À situation exceptionnelle, mesures exceptionnelles.

M. Alain Richard.  - Je n'adhère pas totalement au raisonnement du président Bas.

Votre démonstration est trop systématique. La majorité des personnes ayant consulté le médecin, sachant que celui-ci est alerté, seront dissuadées de sortir. Le médecin aura les moyens, dans nombre d'endroits, d'être informé que la personne ne respecte pas la quarantaine.

De telles dispositions existent déjà dans le code de la santé publique. Il serait dommage de regretter notre vote dans un mois et demi. Avançons tout de suite.

M. Dany Wattebled.  - Il s'agit de délinquance ! Laisserons-nous des personnes qui outrepassent des règles volontairement mettre en danger la vie des autres ? Nous sommes en guerre, le Président de la République l'a dit.

M. Philippe Bas, rapporteur.  - Quand quelqu'un se voit recommander de rester chez lui, ni la police ni la gendarmerie n'en sont informées.

De plus, dans la plupart des cas, ce ne sera pas un malade, mais quelqu'un qui aura approché un malade. Qui saura que cette personne fait l'objet d'une consigne de quatorzaine ? Elle ne sera identifiée que si elle est dénoncée. C'est une vue de l'esprit de croire que le médecin sera au courant. Il est très occupé, il croise rarement ses patients chez le boulanger... N'imposons pas des obligations sans système de contrainte.

Les prescriptions de quatorzaine seront généralement données par une plateforme de l'assurance maladie, qui aura mené des investigations à distance sur 25 personnes, après un dépistage positif. Il n'est pas prévu que l'assurance maladie communique ses fichiers à la police, ou à la gendarmerie.

L'amendement est juste, moralement, mais inefficace en pratique. Face à cette impossibilité, mieux vaut s'en tenir à la solution du Gouvernement et de la commission des lois.

M. Vincent Segouin.  - Le même problème se pose pour les contrôles d'arrêt de travail menés par la CPAM. Celle-ci les réalise sans le concours des forces de l'ordre. Un contrôle est possible et indispensable.

M. Bruno Retailleau.  - Quelles mesures coercitives envisagez-vous pour les étrangers qui arrivent sur le territoire national ?

M. Olivier Véran, ministre.  - Rappelez-vous la quatorzaine, collective, imposée à Carry-le-Rouet aux rapatriés de Wuhan. Elle n'était pas coercitive. Le président Bas a raison : il n'est pas possible de mettre en place un système de sanctions. On ne peut mettre un policier devant chaque domicile.

L'expérience montre que le non-respect du confinement est une possibilité ; mais l'immense majorité de la population française l'a observé scrupuleusement, faisant baisser le taux de transmission à 0,5 par personne, le plus bas d'Europe.

Le problème, ce ne sont pas quelques individus qui ne respectent pas les règles.

Je ne suis pas favorable à l'amendement et j'essaie d'éviter, madame Rossignol, tout mauvais procès, sur le fondement de ce que vous auriez voté ici, à l'article 6 sur le traçage des contacts. Je tiens aux deux articles également !

L'amendement n°66 n'est pas adopté.

M. le président.  - Nous avons examiné 58 amendements ; il en reste 97.

Prochaine séance aujourd'hui, mardi 5 mai 2020, à 14 h 30.

La séance est levée à 2 h 45.

Pour la Directrice des Comptes rendus du Sénat,

Jean-Luc Blouet

Chef de publication

Annexes

Ordre du jour du mardi 5 mai 2020

Séance publique

À 14 h 30

Présidence : M. Gérard Larcher, président

Secrétaires : M. Dominique de Legge - M. Éric Bocquet

- Suite et fin du projet de loi prorogeant l'état d'urgence sanitaire et complétant ses dispositions (procédure accélérée) (n°414, 2019-2020)

Analyse des scrutins

Scrutin n°100 sur la déclaration du Gouvernement, en application de l'article 50-1 de la Constitution, relative à la stratégie nationale du plan de déconfinement dans le cadre de la lutte contre l'épidémie de Covid-19

Résultat du scrutin

Nombre de votants :344

Suffrages exprimés :170

Pour :81

Contre :89

Le Sénat n'a pas adopté

Analyse par groupes politiques

Groupe Les Républicains (144)

Pour : 7 - M. François Calvet, Mme Agnès Canayer, MM. Philippe Dominati, Jean-Pierre Grand, Benoît Huré, Alain Joyandet, Vincent Segouin

Abstentions : 135

N'ont pas pris part au vote : 2 - M. Gérard Larcher, Président du Sénat, qui présidait la séance, Mme Colette Giudicelli

Groupe SOCR (71)

Pour : 1 - M. Bernard Lalande

Contre : 68

Abstentions : 2 - Mme Catherine Conconne, M. Victorin Lurel

Groupe UC (51)

Pour : 19 - MM. Jean-Marie Bockel, Philippe Bonnecarrère, Michel Canevet, Bernard Delcros, Mmes Nassimah Dindar, Élisabeth Doineau, Françoise Gatel, MM. Claude Kern, Jacques Le Nay, Jean-François Longeot, Pierre Louault, Pascal Martin, Pierre Médevielle, Jean-Pierre Moga, Jean-Paul Prince, Mmes Denise Saint-Pé, Lana Tetuanui, M. Jean-Marie Vanlerenberghe, Mme Michèle Vullien

Contre : 1 - M. Vincent Delahaye

Abstentions : 31

Groupe RDSE (23)

Pour : 19

Contre : 2 - MM. Jean-Pierre Corbisez, Joël Labbé

Abstentions : 2 - Mme Maryse Carrère, M. Olivier Léonhardt

Groupe LaREM (23)

Pour : 23

Groupe CRCE (16)

Contre : 16

Groupe Les Indépendants (14)

Pour : 12

Abstentions : 2 - MM. Jean-Pierre Decool, Alain Fouché

Sénateurs non inscrits (6)

Contre : 2 - Mme Sylvie Goy-Chavent, M. Stéphane Ravier

Abstentions : 2 - M. Philippe Adnot, Mme Christine Herzog

N'ont pas pris part au vote : 2 - Mme Claudine Kauffmann, M. Jean Louis Masson

Scrutin n°101 sur l'amendement n°194 rectifié, présenté par le Gouvernement, à l'article premier du projet de loi prorogeant l'état d'urgence sanitaire et complétant ses dispositions

Résultat du scrutin

Nombre de votants : 340

Suffrages exprimés : 327

Pour : 0

Contre : 327

Le Sénat n'a pas adopté

Analyse par groupes politiques

Groupe Les Républicains (144)

Contre : 142

N'ont pas pris part au vote : 2 - M. Gérard Larcher, Président du Sénat, qui présidait la séance, Mme Colette Giudicelli

Groupe SOCR (71)

Contre : 71

Groupe UC (51)

Contre : 51

Groupe RDSE (23)

Contre : 23

Groupe LaREM (23)

Contre : 10 - MM. Arnaud de Belenet, Bernard Buis, Mme Françoise Cartron, M. Bernard Cazeau, Mme Agnès Constant, MM. Claude Haut, Xavier Iacovelli, Antoine Karam, Martin Lévrier, Mme Patricia Schillinger

Abstentions : 13

Groupe CRCE (16)

Contre : 16

Groupe Les Indépendants (14)

Contre : 14

Sénateurs non inscrits (6)

N'ont pas pris part au vote : 6 - M. Philippe Adnot, Mmes Sylvie Goy-Chavent, Christine Herzog, Claudine Kauffmann, MM. Jean Louis Masson, Stéphane Ravier

Nomination de membres d'une éventuelle CMP

Les représentants du Sénat à l'éventuelle commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi prorogeant l'état d'urgence sanitaire et complétant ses dispositions sont :

Titulaires : M. Philippe Bas, M. François-Noël Buffet, M. Alain Milon, M. Philippe Bonnecarrère, Mme Laurence Rossignol, M. Jean-Pierre Sueur, M. Alain Richard

Suppléants : M. Mathieu Darnaud, Mme Jacqueline Eustache-Brinio, M. Vincent Segouin, M. Hervé Marseille, M. Jean-Luc Fichet, Mme Maryse Carrère, Mme Esther Benbassa