SÉANCE

du mardi 3 décembre 2019

33e séance de la session ordinaire 2019-2020

présidence de Mme Catherine Troendlé, vice-présidente

Secrétaires : M. Guy-Dominique Kennel, M. Victorin Lurel.

La séance est ouverte à 9 h 30.

Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.

Questions orales

Mme la présidente.  - L'ordre du jour appelle 34 questions orales.

Petit commerce et manifestations

M. Jean-François Longeot .  - L'an dernier, avec le mouvement des gilets jaunes, la situation devenait de plus en plus catastrophique pour des milliers de commerçants à travers tout le territoire. Pour éviter les dégradations et pillages, nombre d'entre eux préféraient baisser le rideau, se privant ainsi de ce chiffre d'affaires dont ils ont tant besoin. D'autres, pourtant situés à l'écart des zones de manifestations, constataient une baisse de fréquentation. Le chiffre d'affaires perdu ne s'est jamais rattrapé et les dispositifs de soutien mis en place par le Gouvernement ne changent malheureusement pas la situation.

Début 2019, 70 000 personnes étaient en activité partielle, plus de 5 000 établissements concernés. Dans 93 % des cas, il s'agissait de petites et moyennes entreprises (PME). Le 5 décembre, une nouvelle grève s'annonce. Les commerçants ne sont pas responsables de la situation actuelle. Eux aussi sont excédés par les taxes et les impôts. Eux aussi sont victimes de réglementations trop strictes qui les étouffent.

Il est important à l'heure de manifestations passées ou à venir, que chacun comprenne que la disparition programmée de ces milliers de commerçants de proximité est lourde de conséquences pour les territoires. Quelles sont les mesures envisagées par le Gouvernement ?

M. Olivier Dussopt, secrétaire d'État auprès du ministre de l'action et des comptes publics .  - Le Gouvernement a mobilisé différents acteurs pour aider les commerçants qui ont obtenu un étalement du paiement de cotisation des impôts, des activités partielles ou encore plus d'ouvertures le dimanche. Quelque 231 millions d'euros de mesures sociales et 340 millions de mesures fiscales ont été prises. Les entreprises les plus touchées ont eu droit à des remises.

La fédération française de l'assurance a mobilisé ses adhérents pour accélérer les dossiers, qui représentent 230 millions d'euros. Les collectivités territoriales et leurs représentants ont été associés à ces mesures. Le 16 mai 2019, nous avons cofinancé à hauteur de 6 millions d'euros des opérations d'attractivité commerciale dans 35 collectivités de 11 régions.

Je forme, comme vous, le voeu que les manifestations respectent les commerçants et leur outil de travail.

M. Jean-François Longeot.  - Je souhaite une prise de conscience. Le droit de manifester est légitime. On peut revendiquer mais on ne doit pas empêcher les autres de travailler. Je souhaite que le bon sens l'emporte.

Coopération décentralisée

M. Jean-Pierre Vial .  - Sur les 322 collectivités qui ont contractualisé avec l'État, et qui doivent respecter un taux de croissance de 1,2 % en moyenne par an de leurs dépenses de fonctionnement, un grand nombre porte de longue date des politiques volontaristes de coopération décentralisée pour certaines en zones très sensibles.

Or l'administration oblige actuellement les collectivités à intégrer dans leur budget principal les recettes et les dépenses de coopération alors même que, si les collectivités sont engagées sur leurs propres participations financières, ce qui est normal, elles servent souvent de simples boîtes aux lettres entre les financeurs extérieurs et des acteurs implantés localement.

À ce jour, les collectivités peuvent se trouver en difficulté et s'interrogent sur leur capacité à continuer certaines de leurs actions. Cela est d'autant plus lourd de conséquences quand il s'agit de territoires sensibles où la situation des déplacés ou des réfugiés notamment est critique pour le pays qui les accueille. Cela est parfaitement contradictoire et paradoxal alors qu'au même moment l'État s'engage à travers des actions d'urgence à intervenir dans les secteurs difficiles, voire dangereux, et où l'appui à des coopérations installées depuis de nombreuses années serait indispensable.

Il apparaît donc nécessaire d'obtenir une adaptation de la réglementation pour que les financements obtenus de l'extérieur de la collectivité et pour lesquels la collectivité n'a qu'un rôle d'intermédiaire ne soient pas pris en compte dans la limite imposée par la contractualisation.

Monsieur Le Drian a donné des assurances lors de l'examen du budget de l'aide publique au développement. Pouvez-vous nous les confirmer ?

M. Olivier Dussopt, secrétaire d'État auprès du ministre de l'action et des comptes publics .  - L'article 29 de la loi de programmation des finances publiques prévoit la contractualisation. Quelque 230 collectivités territoriales l'ont acceptée. Il s'agit de maîtriser l'augmentation de leurs dépenses de fonctionnement, c'est-à-dire d'en limiter l'augmentation à 1,2 % par an pendant trois ans. Nous maintenons les dotations en 2020 à son niveau de 27 milliards d'euros pour la troisième année de suite, après quatre ans de baisses successives. Nous avons pris en référence l'an 2017 pour l'indice. L'objectif est de mesurer la maîtrise des dépenses sur une base identique.

La participation volontaire d'une collectivité territoriale à un financement ne relève pas d'une dépense exceptionnelle. Cela n'ouvre pas droit à une dérogation. Pour toutes les collectivités territoriales qui avaient déjà ces actions en 2017, c'est inclus dans le périmètre.

M. Jean-Pierre Vial.  - Je suis déçu. Alors que les dépenses relevant de la collectivité territoriale sont prises en compte dans la contractualisation, on aurait pu espérer que les sommes issues de l'État et d'autres acteurs soient exclues.

Réorganisation de la DGFiP

Mme Nadia Sollogoub .  - J'attire votre attention sur la réorganisation du réseau territorial du Trésor et sur les moyens humains dédiés aux services de la Direction générale des finances publiques (DGFiP) pour assurer leurs missions.

Pas moins de 95 trésoreries ont été supprimées au 1er janvier 2019 et des transferts d'activités et autres regroupements ont eu lieu dans 76 directions régionales et départementales. Un département rural comme la Nièvre a ainsi perdu 74 postes en équivalents temps plein depuis 2015. La typologie de ces transferts ou regroupements d'activités s'établit majoritairement ainsi : des postes mixtes qui perdent leur partie « impôts », des postes de sociétés publiques locales (SPL) dont les portefeuilles de collectivités gérées sont rebattus par le jeu de l'intercommunalité pour tendre vers la cible d'une trésorerie par établissement public de coopération intercommunale (EPCI) et rien d'autre, soit un total de 1 263 trésoreries à terme. À quel niveau sera fixé le socle minimum pour garantir un service public de qualité ?

M. Olivier Dussopt, secrétaire d'État auprès du ministre de l'action et des comptes publics .  - Vous le savez, quelque 1900 perceptions ont fermé depuis vingt ans, en général sans que les gouvernements aient tenu parole. Avec Gérald Darmanin, nous changeons de méthode. Pour plus de visibilité, nous avons prévu une carte d'implantation pluriannuelle, d'ici 2022, avec 30 % de points de contact en plus, lesquels peuvent prendre des formes multiples : permanences d'agents des finances publiques, notamment.

Quelque 1 200 agents chargés de conseiller les élus locaux seront déployés. Nous voulons déconcentrer 2 800 ETP aujourd'hui implantés à Paris ou dans des métropoles régionales, vers des territoires ruraux, où les métiers concernés peuvent être exercés.

Nous avons élargi le calendrier de la concertation. Si nous arrivons, département par département, à disposer d'une cible de qualité de service à cinq, à six ans, nous gagnerons beaucoup.

Mme Nadia Sollogoub.  - La ville de Nevers est candidate. Bercy a 20 000 agents en moins depuis 2008. Comment cela se peut-il sans baisser la qualité ? Certes, les entreprises recouvrent les impôts - sans contrepartie, soit dit en passant.

Vous agissez comme dans un monde parfait sans fraude et sans erreur. Mais dans le monde réel, qui est le nôtre, quel est le socle minimum en effectifs ? J'imagine que vous le connaissez...

Lutte contre le chômage en Loire-Atlantique

M. Christophe Priou .  - J'attire votre attention sur la lutte contre le chômage et la pauvreté en Loire-Atlantique. Les initiatives innovantes en faveur de l'emploi sont encouragées par le département et c'est dans ce cadre que la commune de Pont-Château s'est engagée dans le dispositif « territoire zéro chômeur de longue durée » dont le principe de l'expérimentation pour dix territoires venait d'être rendu possible par la loi. Si sa candidature n'a pas été retenue en 2016, le territoire s'est néanmoins fortement investi et organisé dans la perspective d'une deuxième étape d'expérimentation. Ainsi, depuis plus de deux ans, tous les acteurs locaux ont été inclus dans la démarche et réunis plusieurs fois en comité de pilotage local. Une dynamique territoriale nouvelle s'est enclenchée avec enthousiasme. La préfiguration de cette expérimentation soulève beaucoup d'espoirs sur le territoire de Pont-Château qui compte 410 chômeurs de longue durée. Le président de la République ayant mentionné lui-même le « Territoire zéro chômeur de longue durée » au moment des annonces sur la stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté le 13 septembre 2018, les acteurs locaux s'attendaient à une accélération du calendrier. Mais rien ne vient...

Quelles seront les prochaines initiatives du Gouvernement pour la mise en place rapide de la deuxième étape d'expérimentation des territoires volontaires dont Pont-Château fait partie ?

M. Olivier Dussopt, secrétaire d'État auprès du ministre de l'action et des comptes publics .  - Veuillez excuser Mme Pénicaud, temporairement empêchée.

Lutter contre le chômage de longue durée est une priorité du Gouvernement. Nous en sommes à trois années d'expérimentation. Douze entreprises spécifiques ont été créées pour 900 personnes privées d'emploi, dont 750 salariés. La contribution de l'État s'élève à 28,5 millions d'euros dans le PLF 2020, soit 6,13 millions d'euros de plus qu'en 2020.

Cela permet de tester des innovations, dont l'approche territoriale dans laquelle la mobilisation des élus locaux est une des conditions de la réussite des projets.

La ministre du travail a réussi le 25 novembre dernier les principaux acteurs de l'expérimentation pour une évaluation, dont les conclusions sont en ligne sur le site du ministère. Le travail de diagnostic se poursuit pour des annonces en janvier.

M. Christophe Priou.  - Le chômage n'est pas une fatalité. Certes, mais n'attendons pas pour enclencher une dynamique vertueuse.

Loyer de la gendarmerie de La Mure

Mme Frédérique Puissat .  - L'exécution du bail de sous-location pour la gendarmerie que la commune de La Mure, en Isère, a fait construire, met en péril le budget communal. Ces difficultés tiennent au fait que le montant des loyers financiers versés par la commune n'est pas intégralement couvert, loin s'en faut, par les loyers que l'État lui verse pour l'occupation de la gendarmerie. La différence s'élève aujourd'hui à 150 000 euros par an. Or, au renouvellement du bail, le nouveau loyer est alors estimé par le service des domaines en fonction de la valeur locative réelle des locaux, sans pouvoir excéder celui qui résulterait de l'actualisation du loyer initial en fonction de l'évolution de l'indice du coût de la construction (ICC), cette disposition étant plus dommageable à la commune. De plus, la commune a confié la construction de cette gendarmerie à la société Auxifip par le biais d'un bail emphytéotique. Le plan de financement d'Auxifip reposait sur un emprunt avec un taux de 4,75 %. Ce taux n'est pas au cours du marché.

D'autres communes se trouvent-elles dans la même situation que la commune de La Mure ? Il semblerait en effet qu'un groupe interministériel soit créé, à l'initiative du ministre de l'Intérieur, de sorte de permettre à plusieurs communes de se fédérer et de peser ensemble face à Auxifip pour renégocier des taux de crédit acceptables. Il faut poursuivre une collaboration entre les services de l'État et les collectivités, pour que les loyers soient réévalués et gelés à des montants supportables pour les communes.

M. Laurent Nunez, secrétaire d'État auprès du ministre de l'intérieur .  - J'entends votre inquiétude sur les baux emphytéotiques. Il y a parfois une décorrélation significative. Une vingtaine de communes dans ce cas ont fait état de leurs difficultés financières à l'occasion du renouvellement du bail. Les communes ont négocié un plan de financement au vu des conditions du marché au jour de signature. C'est différent du bail signé entre État et collectivités territoriales, pour lequel il est prévu de plafonner l'actualisation du loyer en fonction de l'ICC. Dans un cas, la collectivité territoriale qui a vocation à devenir propriétaire et dans l'autre, l'État n'est qu'occupant temporaire.

Un groupe de travail a été installé le 16 octobre pour envisager les renégociations avec les bailleurs. Un accompagnement personnalisé sera mis en place.

Mme Frédérique Puissat.  - L'État n'a pas vocation à devenir propriétaire de la gendarmerie mais elle est dédiée à l'État. Il serait opportun que les collectivités territoriales participent au groupe de travail.

Ne mettons pas les communes en difficulté, alors qu'elles se substituent à l'État.

Élection des conseillers départementaux

M. Jean Louis Masson .  - Le mode de scrutin pour l'élection des conseillers départementaux a été modifié et les cantons ont été redécoupés. Le système actuel avec des binômes homme-femme présente de nombreux inconvénients car il arrive qu'au sein du binôme, les rapports soient très conflictuels. Par ailleurs, le redécoupage des cantons a été arbitraire et ceux-ci n'ont plus aucune cohérence territoriale ni politique.

Serait-il possible d'instaurer pour les élections départementales un mode de scrutin proportionnel avec prime majoritaire ? Cela pourrait faciliter par la suite des rapprochements conduisant à terme au rétablissement du conseiller territorial, exerçant à la fois les fonctions de conseiller départemental et de conseiller régional.

M. Laurent Nunez, secrétaire d'État auprès du ministre de l'intérieur .  - La loi du 17 mai 2013 a modifié le mode de scrutin des conseillers départementaux afin de conserver le lien étroit des élus avec le territoire et encourager l'égal accès des femmes et des hommes aux fonctions électives. Une mésentente entre les membres du binôme ne gêne pas l'exercice du mandat, puisque le binôme n'est formé que pour l'élection elle-même, chacun recouvrant ensuite toute sa latitude pour l'exercice de son mandat.

Le redécoupage n'est pas arbitraire mais répond à des critères démographiques : plus de 2 600 recours ont été déposés contre les décrets de 2014, sans succès.

Quant au conseiller territorial, dont vous proposez le rétablissement, la proportionnelle ne permet pas le lien local, et fait peser un risque d'instabilité. Enfin, les régions étant devenues plus vastes, les assemblées régionales deviendraient pléthoriques.

M. Jean Louis Masson.  - Le président Macron a condamné le scrutin uninominal majoritaire comme une distorsion insupportable à la représentativité. Dans le cas du département, le scrutin binominal est deux fois plus injuste !

Le Conseil constitutionnel s'est prononcé seulement sur le critère démographique, pas sur les charcutages qui donnent naissance à des cantons démesurément étendus.

La seule justification du scrutin par grands cantons serait la cohérence territoriale. Mais il n'en est rien : tout a été fait pour satisfaire des arbitrages politiques de sorte qu'il n'y a plus aucune cohérence territoriale des cantons, qui sont des moutons à neuf pattes.

Carte grise

M. Olivier Cigolotti .  - C'est aujourd'hui l'agence nationale des titres sécurisés (ANTS) qui assure la maîtrise d'oeuvre du service d'immatriculation des véhicules, en accord avec plusieurs services du ministère de l'Intérieur.

Le fonctionnement de ce système est satisfaisant à partir du moment où l'on reste dans un cadre simple, pour une immatriculation d'un véhicule livré en concession et non par un mandataire, ou encore pour l'immatriculation d'un véhicule d'occasion déjà immatriculé en France sans modification des caractéristiques.

Mais le système n'est pas adapté aux importations ou modifications.

Seul un numéro de téléphone permet de contacter un service basé à Charleville-Mézières, constitué d'un personnel de bonne volonté, mais qui n'a pas la capacité de donner suite aux demandes formulées. Ce service ne peut qu'envoyer une alerte au centre de traitement. Il est donc impossible de joindre ou de transmettre un complément d'information ou un document si le gestionnaire du dossier ne recontacte pas le demandeur par message via le site internet de l'ANTS.

Certains messages laissent d'ailleurs penser que le personnel chargé de traiter les dossiers ne maîtrise pas les spécificités de chaque cas, et manque significativement d'expérience, notamment sur la fiscalité.

Enfin, le site internet présente des dysfonctionnements qui n'ont jamais été corrigés -  je pense à des messages d'information envoyés en plus de dix exemplaires ou à des dossiers en cours d'analyse alors qu'une seconde demande a déjà été traitée...

Quelles mesures seront mises en place pour que l'ANTS dispose d'un outil informatique fonctionnel et pour qu'une réelle assistance téléphonique puisse être créée afin de garantir et de simplifier les démarches menées par les utilisateurs ?

M. Laurent Nunez, secrétaire d'État auprès du ministre de l'intérieur .  - Le service d'immatriculation des véhicules enregistre plus de 30 millions d'opérations par an ; 95 % d'entre elles sont automatisées, avec un délai de réponse très court. Les enquêtes de satisfaction témoignent de 70 % d'usagers satisfaits.

Quelque 5 % des opérations nécessitent des contrôles plus poussés. L'administration instruit les dossiers dans un délai de cinq jours. Lorsque les opérations se faisaient au guichet, l'usager devait souvent attendre et revenir.

Mais des améliorations sont toujours possibles. Depuis 2018, seize modifications sont intervenues pour améliorer la qualité des télétransmissions. L'accompagnement au numérique en préfecture a été renforcé. Le centre de contact citoyen est disponible 6 jours sur 7. Un parcours guidé a été mis en place sur le site de l'ANTS. Elle a été classée « Service client de l'année » dans la catégorie service public.

Devenir de la Miviludes

Mme Brigitte Lherbier .  - La Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (Miviludes), créée en 2002, a pour mission d'observer et d'analyser le phénomène des dérives sectaires, d'informer le public des risques qu'elles représentent et de coordonner l'action préventive et répressive des pouvoirs publics.

Le fait d'être composée d'une équipe permanente interdisciplinaire justifie que la Miviludes soit placée sous l'autorité du Premier ministre. La rationalisation de ses services ne doit donc pas conduire à la suppression de la Mission, sauf à vouloir faire un cadeau aux groupes sectaires.

Les personnes radicalisées n'ont rien de commun avec les victimes de sectes. J'ai dirigé les travaux du centre d'études judiciaires de Lille pendant vingt ans. J'ai fait venir chaque année Mme Charline Delporte pour évoquer le cas des enfants victimes des sectes ; c'était très fort. Ne laissez pas les associations toutes seules. N'abandonnez pas un système de lutte contre les dérives sectaires, que le monde nous envie.

M. Laurent Nunez, secrétaire d'État auprès du ministre de l'intérieur .  - Les dérives sectaires sont très évolutives. La réorganisation de la Miviludes tient à la mutualisation de ses moyens avec le Comité interministériel de prévision de la délinquance et la radicalisation.

Je vous rassure, son rattachement au ministère de l'Intérieur n'emporte pas l'effacement d'un bilan positif de vingt ans, ni la disparition de la prise en compte spécifique des dérives sectaires. Les missions de la Miviludes perdurent.

Mme Brigitte Lherbier.  - Le rattachement suscite beaucoup d'inquiétude.

Agression du directeur de la prison de Fontenay-le-Comte

M. Didier Mandelli .  - Le 7 octobre 2019, un détenu a agressé le directeur du centre pénitentiaire de Fontenay-le-Comte dans son bureau.

La situation de la prison de Fontenay-le-Comte est bien connue ; elle souffre d'une surpopulation carcérale flagrante avec un taux de remplissage à 149 %. J'ai pu apprécier sur place les conditions dans lesquelles le personnel pénitentiaire est contraint de travailler.

Le Gouvernement a refusé la construction d'une nouvelle prison en Vendée, après avoir divisé par deux les places qu'il était prévu de construire.

Mme Belloubet aurait indiqué un budget supplémentaire pour moderniser les prisons construites il y a un siècle.

M. Laurent Nunez, secrétaire d'État auprès du ministre de l'intérieur .  - Oui la prison de Fontenay-le-Comte est surpeuplée, à 182 %. Le 2 décembre, on y comptait 71 détenus pour 39 places. Des couchages supplémentaires ont été mis en place et une politique de transfèrement de certains détenus condamnés est développée pour lutter contre la surpopulation.

Le 7 octobre, le chef d'établissement a été agressé par un détenu qui faisait l'objet d'un suivi régulier pour radicalisation et violence. Il a été transféré dans un autre établissement.

Le projet de loi de finances pour 2020 prévoit 58,1 millions d'euros pour la sécurité dans les prisons, soit 16 % de plus qu'en 2019. Les programmes de prévention de la radicalisation violente ont été généralisés, avec 90 binômes.

M. Didier Mandelli.  - J'avais omis le fait qu'il s'agissait d'un détenu radicalisé, car mon propos portait sur la rénovation de ces deux prisons centenaires. Où en sont les engagements de Mme Belloubet à hauteur de 4 millions d'euros ? Je n'ai pas eu de réponse, je vous reposerai la question.

Surpopulation carcérale à Caen

Mme Sonia de la Provôté .  - Depuis cet été, les avocats du barreau de Caen ont alerté sur la situation critique de l'établissement pénitentiaire de Caen, surpeuplé. Au 1er juillet 2019, le ministère de la justice comptabilisait 464 détenus pour 222 places, soit un taux de 172,5 %. Depuis, ce taux a encore augmenté jusqu'à atteindre près de 200 %.

Selon l'observatoire international des prisons, la surpopulation carcérale à Caen est chronique puisque le quartier des hommes présente quasi en permanence un taux de 190 % depuis dix ans. Les conditions de détention sont très difficiles. Datant de 1904, la maison d'arrêt est d'un autre temps.

Dans ce contexte tendu, moins de 10 % du public hébergé bénéficie d'un encellulement individuel et les détenus sont trois, parfois quatre, dans la même cellule d'environ 9 m2. Cette situation de promiscuité augmente les tensions, elle est source de violences. Cela a des conséquences également sur le travail des conseillers en insertion et l'accès aux soins. Cette situation favorise la récidive et non la réinsertion.

En 2022, une nouvelle maison d'arrêt verra le jour à Caen, avec 550 places. Elle doit apporter une solution. Mais il n'est pas possible d'attendre dans ces conditions trois années de plus.

Quelles solutions rapides proposez-vous pour éviter de faire perdurer une situation aussi tendue ?

M. Laurent Nunez, secrétaire d'État auprès du ministre de l'intérieur .  - Au 2 décembre, le taux de population carcérale de la prison de Caen est de 152 % pour une capacité de 269 places.

Pas de matelas au sol. Des lits superposés ont été installés dans les cellules où c'était possible. Seuls 2 % de la population pénale sont hébergés dans des cellules de cinq places. 80% des détenus sont en cellule double ou individuelle.

Le taux d'encellulement individuel est de 12,8 %. Bien qu'insuffisant, il est meilleur qu'en 2017. Une politique de transfèrement contribue à réguler la surpopulation carcérale. Si la maison d'arrêt est surpeuplée, elle fait l'objet de travaux de rénovation : chaudière et toiture en 2018, quartier disciplinaire en 2019.

La construction du nouveau centre pénitentiaire, pour 115 millions d'euros, débutera au troisième trimestre 2020, pour s'achever en 2022.

Mme Sonia de la Provôté.  - Merci de me confirmer le calendrier. Mes chiffres datent de la semaine dernière, mais nous n'avons pas les mêmes. Il y a des sites qui sont devenus ingérables : il faut des solutions !

Clercs de notaire habilités en Alsace-Moselle

Mme Patricia Schillinger .  - J'attire l'attention de Mme la garde des Sceaux sur le devenir des clercs de notaire habilités alsaciens-mosellans. Une passerelle a été mise en place par le Gouvernement pour obtenir le titre de notaire.

À la condition d'expérience, s'ajoute en Alsace-Moselle l'exigence de l'obtention d'un concours de droit local conformément à l'article 110 du décret du 5 juillet 1973. En comparaison avec le reste de la France, l'accès à la profession de notaire pour les clercs habilités s'y trouve donc plus compliqué. Sur l'ensemble des clercs habilités ayant accès au dispositif « passerelle », aucun n'a pu s'installer comme notaire.

Seule une poignée s'est présentée et seuls deux ont réussi le concours. Au regard des résultats plus que mitigés de cette passerelle en Alsace-Moselle, n'envisagez-vous pas de supprimer ce concours de droit local ?

M. Laurent Nunez, secrétaire d'État auprès du ministre de l'intérieur .  - Les clercs ne peuvent plus être habilités à partir du 31 décembre 2020, ceci sur l'ensemble du territoire national. Pour compenser cette mesure, les clercs habilités ayant quinze années d'existence peuvent être dispensés des conditions de diplôme pour devenir notaire.

Le concours prévu à l'article 110 du décret est lié aux particularités de l'Alsace-Moselle, lesquelles sont un principe fondamental reconnu par les lois de la République depuis la décision du Conseil constitutionnel, lors de la question prioritaire de constitutionnalité du 5 août 2011.

La réflexion sera menée en concertation avec l'ensemble des parties prenantes.

Mme Patricia Schillinger.  - Certains de ces clercs ne souhaitent pas devenir notaires. Sans ce concours, ils risquent d'être déclassés. Il n'y aura pas de solution sans dialogue.

Situation des sapeurs-pompiers de l'Aisne

Mme Pascale Gruny .  - Le climat social est particulièrement tendu. Depuis plusieurs mois, les pompiers de l'Aisne sont en grève, dénonçant leur suractivité et leur difficulté à compenser les carences en ambulances privées du département, très vite surchargées. Le nombre de ces interventions a triplé en cinq ans, ce qui pose la question de la nécessaire hausse de moyens du système hospitalier. Les pompiers dénoncent également le non-remboursement par le service mobile d'urgence et de réanimation (SMUR) des trajets effectués par le service départemental d'incendie et de secours (SDIS) de l'Aisne.

En l'absence de conventions signées, les établissements de santé n'ont pas honoré les factures présentées par les SDIS et sont donc poursuivis au tribunal pour non-paiement. Le 2 juillet 2019, le Gouvernement a assuré que l'agence régionale de santé (ARS) des Hauts-de-France travaillait activement à une solution, en associant les SDIS et les établissements sièges de SMUR. Quel est ce calendrier précis des travaux de l'ARS ? Comment le Gouvernement envisage-t-il de faciliter la conclusion d'un accord satisfaisant pour les deux parties ? Les pompiers sont là pour gérer les urgences et non jouer aux brancardiers.

M. Adrien Taquet, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé .  - S'agissant des carences ambulancières, le Samu peut faire appel au SDIS. Cette intervention est financée par l'ARS. Nous avons conscience des difficultés rencontrées par les SDIS du fait de cette situation. Des travaux sont en cours à l'échelle régionale pour lutter contre le problème. Dans l'Aisne, des décisions ont été actées sous l'égide de l'ARS et de la préfecture dont la création d'un poste de coordination ambulancier, en cours de recrutement, l'élaboration d'un cadre tarifaire entre les ambulanciers et le SDIS, la modification du cadre réglementaire de la garde ambulancière ou encore un contrat entre les établissements de santé et le SDIS.

Mme Pascale Gruny.  - Ces mesures doivent être mises en oeuvre dès à présent et non pas prochainement. Ces pompiers ont pour mission première de gérer des situations d'urgence. Ces personnes se sont engagées à servir les autres. Or parfois elles sont appelées par une personne âgée qui a fait tomber sa télécommande. Le recrutement est très dynamique dans l'Aisne. Il ne faudrait pas ralentir le mouvement par manque de moyens financiers.

Financement des centres de ressources et de compétences de la mucoviscidose

Mme Laurence Rossignol .  - La mucoviscidose est une maladie génétique rare qui affecte gravement les voies respiratoires et digestives. À ce jour, il n'existe aucun traitement qui permette d'en guérir mais l'espérance de vie des patients s'allonge. Des recherches ont établi différentes stratégies de traitement des malades atteints de mucoviscidose qui permettent, d'une part, de ralentir la progression de la maladie et ses conséquences sur l'organisme et, d'autre part, de vivre mieux avec la maladie.

Ces stratégies de traitement reposent sur l'intervention pluridisciplinaire, la mise en place de traitements symptomatiques et l'émergence de médicaments innovants, cependant, peu nombreux et pas accessibles à l'ensemble des 7 500 personnes atteintes de la maladie.

Les centres de ressources et de compétences de la mucoviscidose (CRCM) manquent de soignants. L'association « Vaincre la mucoviscidose » se voit contrainte de financer chaque année une vingtaine de postes de soignants pour un montant annuel de 900 000 euros environ pour les six dernières années.

Cette situation obère la capacité de l'association à financer la recherche, sa mission première, pour laquelle elle reçoit des dons et fait perdre une chance aux malades de disposer d'un suivi médical adapté à leurs besoins.

Une dotation d'au moins 10 millions d'euros est requise pour pallier les problèmes de financement rencontrés par les CRCM, et subis par les malades.

Le Gouvernement a-t-il l'intention d'assurer ce financement adéquat ? Je précise que ma question a été déposée avant l'examen du PLFSS.

M. Adrien Taquet, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé .  - Le financement des CRCM et la mobilisation de tous ont permis d'accroître l'espérance de vie des patients. La dotation n'est pas destinée à financer la totalité des personnels des centres, mais seulement l'activité de coordination du réseau. Le financement des centres est mixte.

Pas moins de 420 000 euros sont destinés à la filière des maladies rares, chaque année, et 15 000 euros vont aux programmes de diagnostic et de soins, entre autres financements supplémentaires. Le financement des plateformes d'expertise redonnera de la marge aux CRCM. Ces plateformes faciliteront la prise en charge médico-sociale des patients.

Qu'il s'agisse de la permanence d'accueil des patients ou de la pluridisciplinarité des recherches sur les maladies rares, la France est en accord avec les normes européennes.

Mme Laurence Rossignol.  - Je n'ai pas bien compris si l'association devra continuer à financer les postes de soignants. Le cumul des conséquences de la suppression de l'ISF et la suppression des postes de soignants mettent en péril les capacités de recherche.

Création d'un registre des malformations congénitales et des cancers

Mme Josiane Costes, en remplacement de Mme Mireille Jouve .  - Au sein du département des Bouches-du-Rhône, les populations sont particulièrement exposées à différents types de pollution : zones industrielles de l'étang de Berre et du golfe de Fos, usine Alteo de Gardanne ou encore Marseille qui, outre son passé industriel, doit faire face à des émissions polluantes de transports routiers et fluviaux parmi les plus fortes de France. C'est depuis cette commune qu'a été lancé le 1er décembre 2018 « l'appel de Marseille » qui demande la mise en place d'un registre des malformations congénitales et d'un registre général des cancers sur le territoire de la métropole Aix-Marseille-Provence et sur l'ensemble du territoire national.

Le Gouvernement entend-il mieux appréhender dans l'avenir les problématiques liées à la santé environnementale ?

M. Adrien Taquet, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé .  - La couverture des 27 registres des cancers en France est riche : 22 % de la population adulte et toute celle des enfants.

En juin dernier, le Haut-Conseil de la santé publique, saisi, a rendu des conclusions utiles pour un dispositif de relevé. Pour Paca, les résultats de l'observatoire Révéla 13, restitué en juillet, indiquent des taux d'incidence plus élevés que pour l'ensemble de la France métropolitaine, mais ne déterminent pas de facteurs d'exposition.

D'autres études sont prévues pour compléter l'analyse, en lien avec l'INCa. Les six registres actuels sur les malformations couvrent 19 % des naissances en France. Un septième registre est à l'étude qui devrait porter sur le champ environnemental. Les ARS copilotent les plans Santé environnement.

Plus de 90 projets ont été financés. Ces enjeux seront au coeur du plan Santé environnement qui sera porté en 2020.

Assistants de régulation médicale

Mme Martine Filleul .  - La situation des assistantes de régulation médicale est préoccupante. Leur rôle est essentiel dans la chaîne de la santé car ils permettent de sauver de nombreuses vies. Pour la seule région des Hauts-de-France, ce n'est pas moins de six millions d'appels pour environ deux millions de dossiers qu'ils traitent annuellement.

Pour autant, ils ont vu leur système de formation profondément modifié, et ce - malheureusement - sans prise en compte de leurs revendications légitimes. Alors qu'ils demandaient une formation de deux ans, celle-ci a été réduite à un an.

Je vous interroge également sur les choix qui ont conduit à écarter Lille et le lycée Valentine-Labbée des dix nouveaux centres de formation. Cet établissement était pourtant expérimenté en la matière.

Enfin, les assistants de régulation médicale attendent toujours une revalorisation salariale, au regard des missions essentielles qu'ils accomplissent et des responsabilités qui leur incombent.

Vous avez annoncé la mise en place d'une nouvelle instance censée réguler les appels. Ce nouveau dispositif suscite, là aussi, beaucoup d'inquiétudes et de craintes de la part du secteur, notamment concernant les personnes qui seraient en charge de recevoir les appels. De quelles formations vont-ils bénéficier avant la mise en oeuvre de la réforme ?

Quelles mesures le Gouvernement compte-t-il mettre en place pour les assistants de régulation médicale afin d'améliorer leurs formations et donc l'exercice de leur profession ? La qualité de l'accès à la santé et aux soins adaptés en fonction des situations de nos concitoyens en dépend.

M. Adrien Taquet, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé .  - Le Gouvernement a engagé une démarche d'ampleur, il y a un an : la formation d'adaptation à l'emploi de 259 heures, non validante, a été jugée comme ne répondant plus aux besoins des professionnels ni aux enjeux. Après une phase de concertation en 2018, un nouveau dispositif propose une formation initiale d'un an délivrée par des centres agréés. Elle est obligatoire. Des dispositions transitoires sont prévues pour les assistants déjà en poste.

Le régime indemnitaire des assistants a été revalorisé, avec une prime de 120 euros bruts décidée en octobre, qui était due sur les feuilles de paie de novembre.

Mme Martine Filleul.  - Vos propositions ne satisfont pas la profession qui attend des actes de reconnaissance beaucoup plus forts.

Accessibilité des petits meublés de tourisme

Mme Nicole Duranton .  - L'article 41 de la loi du 11 février 2005 avait porté des modifications au code de la construction et de l'habitation. Il avait prévu des dérogations et posé le principe général d'accessibilité pour les établissements recevant du public (ERP). Or les meublés de tourisme ne sont soumis aux obligations de sécurité et d'accessibilité des ERP qu'au-delà d'une capacité de quinze personnes. En deçà de ce seuil, une simple déclaration préalable à la mairie suivie de l'enregistrement auprès du centre de formalités des entreprises du greffe du tribunal de commerce suffit à recevoir du public.

L'immatriculation au registre du commerce et des sociétés n'est d'ailleurs obligatoire que si l'activité est exercée à titre « habituel ou principal », ce qui ne concerne qu'une infime partie des gîtes, notamment en zone rurale.

De la même manière, rendre accessible le bâti existant n'est obligatoire qu'au-delà du seuil de quinze personnes. En cas de construction neuve, les chambres d'hôtes de moins de cinq chambres peuvent éviter la mise en accessibilité si elles constituent l'habitation principale du propriétaire, et les meublés de plus de cinq chambres si le permis de construire ne mentionne pas explicitement la destination locative du bien.

Les propriétaires contournent la loi en subdivisant leur bien en plusieurs lots. Dans l'Eure, seule une dizaine de gites sur 287 respectent les règles.

Il existe donc un vide réglementaire concernant les petits meublés de tourisme, et ce vide est préjudiciable aux personnes en situation de handicap. S'il paraît exagéré de restreindre trop fortement l'ensemble des dérogations permettant aux propriétaires de rentabiliser leur bien immobilier face à la concurrence toujours plus grande des plateformes permettant la location de courte durée chez le particulier, il est donc essentiel d'envisager l'encadrement de ces établissements.

Serait-il possible d'envisager l'extension du cadre légal prévu pour les ERP à l'ensemble des meublés de tourisme quelle que soit leur taille, tout en veillant à la bonne prise en compte des dérogations existantes, et en assurant la vérification de leur bien-fondé par un service de contrôle de l'accessibilité spécifiquement formé ?

Mme Emmanuelle Wargon, secrétaire d'État auprès de la ministre de la transition écologique et solidaire .  - Sophie Cluzel m'a chargée de vous répondre.

La chambre d'hôte est définie légalement par la loi du 14 janvier 2010. Il s'agit de la location d'une chambre avec le petit-déjeuner. Le seuil maximal des cinq chambres et de quinze personnes a été fixé en cohérence avec la réglementation sur les incendies. Les ERP définis par le code de la construction et de l'habitation, désignent les lieux publics ou privés accueillant des personnes autres que des touristes à l'exception des chambres d'hôtes accueillant jusqu'à quinze personnes.

Les chambres d'hôtes dépendent de la réglementation logement. L'accessibilité ne concerne donc que les constructions neuves, astreintes aux mêmes obligations que les locations de courte durée chez les particuliers.

La subdivision en plusieurs lots peut permettre de contourner la réglementation. Cependant, ce n'est pas la majorité des cas : sur les quelque 5 000 adresses labellisées « Tourisme et handicap », la moitié sont des meublés de tourisme, c'est dire que nombre d'entre eux se soucient d'accessibilité.

Opportunité de déclarer l'alimentation « Grande cause nationale 2020 »

Mme Catherine Dumas .  - En août dernier, j'ai attiré l'attention de M. le ministre de l'Agriculture et de l'alimentation sur l'opportunité de déclarer l'alimentation « Grande cause nationale 2020 », dans le cadre d'une question écrite.

La France fête, cette année, les dix ans de l'inscription du repas gastronomique des Français au patrimoine mondial immatériel de l'organisation des Nations unies pour l'éducation, la science et la culture (Unesco). La place de l'alimentation en France est intimement liée à notre histoire et à nos territoires et son rôle social est essentiel.

Parallèlement à une gastronomie d'excellence que le monde entier nous reconnaît, des familles peinent à se nourrir suffisamment et correctement chaque jour. Lancés par Coluche en 1985, les Restos du coeur viennent de reprendre leur campagne et distribuent cette année encore 130 millions de repas, une aide alimentaire qui constitue le volet fondamental de l'aide à la personne et représente le premier pas vers la réinsertion pour les 860 000 personnes accueillies chaque année.

Dans sa déclaration de politique générale, le Premier ministre a invité la classe politique à faire de la lutte contre l'obésité une cause nationale. Le président de la République entend réunir prochainement, à Paris, un grand sommet Paris Food Forum afin de sensibiliser les Français sur la nécessité du « bien manger ».

Envisagez-vous de déclarer l'alimentation « Grande cause nationale » en 2020 ?

Mme Emmanuelle Wargon, secrétaire d'État auprès de la ministre de la transition écologique et solidaire .  - M. Guillaume m'a chargé de vous répondre. Nous devons être fiers de notre alimentation en France, sûre, saine et durable.

La promotion d'une alimentation de qualité en lien avec une agriculture résiliente doit être une priorité. Après les États Généraux de l'alimentation en 2017 et la loi EGalim 2018, nous avons deux plans phares : le programme national alimentation (PNA) et le programme national nutrition santé (PNNS) dont le but est de lutter contre le gaspillage, favoriser le local et promouvoir notre excellence. L'an prochain, l'inscription du repas gastronomique des Français à l'Unesco aura dix ans.

Mais l'alimentation est déjà au coeur des politiques du Gouvernement depuis 2017 ; il n'est donc pas nécessaire d'en faire une grande cause nationale.

Mme Catherine Dumas.  - C'est pourtant absolument nécessaire et je ne doute pas que vous porterez à mes côtés ce sujet auprès du Premier ministre.

Accueil des élèves en cas de grève des enseignants

M. Patrick Chaize .  - En cette veille de grève, ma question porte sur le calcul du pourcentage de grévistes qui déclenche la mise en place du service d'accueil des élèves par les municipalités, lesquelles sont confrontées à de grandes difficultés pour recevoir les enfants.

La loi du 20 août 2008 a instauré un droit d'accueil pour les élèves pendant le temps scolaire. L'article L. 133-4 du code de l'éducation dispose que « la commune met en place le service d'accueil à destination des élèves d'une école maternelle ou élémentaire publique située sur son territoire lorsque le nombre de personnes qui ont déclaré leur intention de participer à la grève en application du premier alinéa est égal ou supérieur à 25 % du nombre de personnes qui exercent des fonctions d'enseignement dans cette école ».

Or le mode de calcul de ce pourcentage pose question. En effet, il n'est pas clairement indiqué si les enseignants remplaçants qui, en dehors de toute affectation, sont rattachés à une école ou un établissement et y exercent des missions pédagogiques, doivent être pris en compte.

Les considérer uniquement s'ils ont déclaré leur intention de participer à la grève fausse la valeur du nombre total de personnes exerçant des fonctions d'enseignement dans ledit établissement, et semble injuste aux yeux des communes qui doivent prendre en charge l'accueil des élèves.

Ainsi l'on peut obtenir un pourcentage de grévistes supérieur à 100 % dans une même école. La manière dont ces enseignants sont comptabilisés ou non prête à confusion, et mérite d'être explicitée. Il est indispensable de clarifier ce mode de calcul.

Mme Emmanuelle Wargon, secrétaire d'État auprès de la ministre de la transition écologique et solidaire .  - M. Blanquer, absent, m'a chargé de vous répondre.

Comme vous le rappelez, la réglementation est claire et prévoit que la commune mette en place un accueil à partir de 25 % de grévistes.

Le premier alinéa de l'article L. 133-4 du code de l'éducation précise que « toute personne exerçant des fonctions d'enseignement dans une école maternelle ou élémentaire publique » est soumise à une obligation de déclaration préalable de son intention de participer à une grève.

Les intervenants qui interviennent en classe en présence de l'enseignant ne doivent pas être décomptés, non plus que les directeurs ayant une décharge totale. Le décompte se fait exclusivement par agent : l'agent à temps partiel est compté pour un ; le professeur en service partagé est pris en compte dans chaque école dans laquelle il effectue un service d'enseignement.

Le ministère de l'Éducation nationale, en lien avec les collectivités locales, oeuvre afin qu'une solution puisse être trouvée pour tous les élèves concernés.

M. Patrick Chaize.  - Une commune ayant une école de dix classes avec deux remplaçants et un professeur gréviste a 30 % de grévistes, donc le seuil est dépassé. Or il manque seulement un professeur dans une classe. Dans certaines écoles, on arrive à des taux dépassant 100 % : il y a des cours de maths à donner pour obtenir les bons chiffres !

Le francoprovençal au baccalauréat ?

Mme Martine Berthet .  - J'attire l'attention sur l'enseignement du francoprovençal ou savoyard.

« Les langues régionales jouent leur rôle dans l'enracinement qui fait la force des régions. Nous allons pérenniser leur enseignement ». Ce sont les mots du président de la République qui n'a cessé d'affirmer son engagement pour l'enseignement des langues régionales à l'école.

Le francoprovençal ou savoyard s'est mis en place dans une partie des Alpes du Nord, comprenant mon département, la Savoie, au cours du premier millénaire et perdure depuis plus de soixante générations. C'est une langue qui a des origines essentiellement latines avec quelques traces de celte. On compte en France, selon le CNRS, plus de 126 langues régionales dont le francoprovençal. Ces langues sont l'histoire même de nos régions.

Des groupes de locuteurs travaillent à la sauvegarde de ce patrimoine vivant en faisant intervenir des enseignants et des bénévoles, ainsi qu'en organisant des groupes de théâtre et de chants en francoprovençal dans les écoles des départements concernés tels que la Savoie, la Haute-Savoie, l'Isère, l'Ain, le Rhône et la Loire. Elle est également parlée dans une partie de la Suisse et de l'Italie. Par ailleurs, des rencontres internationales de locuteurs ont lieu chaque année. Ainsi s'est tenue une conférence de travail, le samedi 5 octobre 2019, au Sénat avec des représentants de ces régions mais aussi avec des représentants des associations parisiennes d'émigrés valdôtains et savoyards.

Ces initiatives traduisent la volonté de ne pas voir s'éteindre cette partie de notre culture, reconnue à l'article 75-1 de la Constitution. Pourtant, les langues régionales ont été classées par l'Unesco comme « en grand danger d'extinction », et la crainte de les voir disparaître est forte en Savoie où les élus, les professeurs et les familles souhaitent en préserver l'apprentissage.

Afin de continuer à protéger et promouvoir ces langues, il est nécessaire de les transmettre aux plus jeunes. Pour réussir cette transmission, leur enseignement doit passer par nos écoles primaires, collèges et lycées. Cependant le francoprovençal n'est toujours pas reconnu par l'Éducation nationale malgré des demandes répétées depuis plusieurs décennies alors qu'à l'inverse, d'autres langues régionales, telles que l'occitan, l'alsacien, le breton et le créole le sont. Il est injuste qu'une telle inégalité de traitement perdure.

Le Gouvernement envisage-t-il d'ajouter le francoprovençal ou savoyard au nombre des langues régionales proposées aux épreuves du baccalauréat ?

Mme Emmanuelle Wargon, secrétaire d'État auprès de la ministre de la transition écologique et solidaire .  - Veuillez excuser M. Blanquer.

La préservation et la transmission du patrimoine régional français font l'objet d'une grande attention du ministère. L'introduction d'une nouvelle langue dans l'enseignement doit être étudiée au regard de nombreux critères : zone de diffusion, nombre de locuteurs, corpus littéraire...

La situation du francoprovençal doit être appréciée finement. Le faible nombre de locuteurs ainsi que l'instabilité de sa norme syntaxique nous empêchent de l'inscrire au baccalauréat mais des activités éducatives sur cette langue sont déjà organisées.

Dans l'académie de Grenoble, cette langue fait ainsi depuis trente ans l'objet d'une à trois heures de sensibilisation à l'école, d'une initiation en école primaire dans le cadre des projets culturels, d'une à deux heures dans les collèges et lycées, et d'une action de sensibilisation dans les écoles supérieures de professorat et de l'éducation.

Application de l'article 144 de la loi du 17 août 2015

Mme Françoise Férat .  - Agriculture et bioéconomie sont des atouts pour notre pays. Il faut aider la bioéconomie à se développer. Elle est un vecteur important de débouchés.

Or le décret d'application de l'article 144 de la loi du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte n'a toujours pas été publié alors que la loi est parue au Journal officiel il y a plus de trois ans.

Cet article dispose que « la commande publique tient compte notamment de la performance environnementale des produits, en particulier de leur caractère biosourcé ».

Il fait de la commande publique un levier de développement durable et constitue un encouragement au développement des produits biosourcés, qui représentent pour la France une opportunité écologique et économique. Issus de matières renouvelables, les produits biosourcés peuvent en effet contribuer à la réduction de nos émissions de gaz à effet de serre par absorption de CO2 et à l'économie de ressources, tout en stimulant l'agriculture et en réduisant les importations de matières fossiles. Si le potentiel français sur ces innovations à forte valeur ajoutée est important, le taux de croissance de la filière française de bioéconomie demeure toutefois deux fois inférieur à la moyenne européenne.

La stratégie nationale de bioéconomie, publiée par le ministère de l'Agriculture en février 2018, rappelle la nécessité de prendre ce décret d'application : il facilitera en effet, selon ce plan, le recours systématique aux produits biosourcés dans les administrations et les organismes publics.

Où en est le Gouvernement et à quelle date le décret d'application sera-t-il publié ?

Mme Emmanuelle Wargon, secrétaire d'État auprès de la ministre de la transition écologique et solidaire .  - L'objectif du Gouvernement est de concilier « la protection et la mise en valeur de l'environnement, le développement économique et le progrès social », selon les termes de la loi constitutionnelle du 1er mars 2005.

La France compte environ 50 000 autorités adjudicatrices et 200 000 personnes exerçant une fonction d'acheteur public. En représentant près de 10 % du PIB, la commande publique constitue donc un levier majeur pour réussir la transition écologique et solidaire de notre modèle de développement. L'été 2015 a été marqué par la transposition de la directive du 26 février 2014 sur les marchés publics.

L'article 144 de la loi du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte a introduit dans le code de l'environnement l'article L. 228-4 disposant que « la commande publique tient compte notamment de la performance environnementale des produits, en particulier de leur caractère biosourcé ».

Cela ne fait pas renvoi à un décret d'application et doit être appliqué directement par les adjudicateurs. L'État assume un rôle de facilitateur dans les achats publics en développant un inter-réseau sur la commande publique et le développement durable.

Protection du courlis cendré

Mme Esther Sittler .  - Ma question porte sur la protection des oiseaux sauvages, en particulier le courlis cendré, qui fait partie des espèces les plus menacées de France.

Le 31 juillet 2019, un arrêté a été pris par la ministre de la Transition écologique, autorisant la chasse de 6 000 courlis cendrés sur le territoire français pour la saison de chasse 2019-2020. Or cet arrêté est contraire à l'accord sur la conservation des oiseaux d'eau migrateurs d'Afrique-Eurasie, signé par la France, qui aurait dû suspendre la chasse du courlis cendré.

Saisi par la Ligue de protection des oiseaux, le Conseil d'État a ordonné le 26 août 2019 la suspension de cet arrêté pendant la saison 2019-2020, estimant que le quota autorisé de courlis devait être égal à zéro, compte tenu de l'état de mauvaise conservation de l'espèce. Il est impossible de déterminer le nombre durable de prélèvements.

La Ligue pour la protection des oiseaux a également déposé une plainte globale à l'encontre de la France auprès de la Commission européenne visant des infractions relatives à la chasse, dont celle du courlis cendré, espèce menacée d'extinction en Europe. La Commission a jugé la plainte recevable et une procédure judiciaire est en cours. La réponse du Gouvernement était attendue pour la fin octobre 2019.

Quelles mesures le Gouvernement compte-t-il mettre en oeuvre pour respecter les exigences écologiques, scientifiques et réglementaires qui s'imposent ?

Mme Emmanuelle Wargon, secrétaire d'État auprès de la ministre de la transition écologique et solidaire .  - Le courlis cendré est inscrit à l'annexe II de la directive sur la conservation des oiseaux sauvages. C'est donc une espèce chassable dans notre pays.

Le plan d'action international de l'accord sur la conservation des oiseaux d'eau migrateurs d'Afrique-Eurasie, qui subordonne la chasse en France à la mise en place d'un plan international de gestion adaptative des prélèvements.

Soucieuse de l'état de conservation défavorable de cette espèce, la France participe aux travaux qui y sont consacrés, par le groupe de travail international de l'accord sur la conservation de ces oiseaux migrateurs, comme dernièrement en Ecosse et à Paris.

Un plan international doit être mis encore dans un futur proche.

Le principe de la gestion adaptative des espèces a été inscrit dans notre législation par la loi du 24 juillet 2019 portant création de l'Office français de la biodiversité.

Le prélèvement maximal est de 6 000 individus soit une baisse de 20 % par rapport aux années précédentes, en attendant le plan international.

Quant à la plainte adressée par la LPO à la Commission européenne, elle ne concerne pas le courlis cendré mais la tourterelle des bois, espèce qui également identifiée comme prioritaire pour être soumise à la gestion adaptative.

Mme Esther Sittler.  - Le courlis cendré était notre fierté, dans ma commune, mais nous n'avons plus qu'un couple, alors que nous avons tout fait pour le conserver.

Un véritable plan de protection est nécessaire, assorti d'un moratoire, pour évaluer la démographie de l'espèce et sensibiliser les chasseurs à sa conservation.

M. Louis-Jean de Nicolaÿ.  - Bravo !

Ligne à grande vitesse Perpignan-Montpellier

M. Roland Courteau .  - Combien de fois ai-je interpellé le Gouvernement dans cet hémicycle, au cours des trente dernières années, sur la ligne à grande vitesse (LGV) Perpignan-Montpellier ?

Nous sommes passés par le chaud et par le froid, en effet, depuis près de trente ans, c'est-à-dire depuis la mission gouvernementale qui l'avait promise, pour dix ans plus tard, la réalisation de ce chaînon manquant, argument majeur pour l'essor et le développement de nos territoires, tant attendue. Le projet est arrêté, relancé...Vieux serpent de mer, lit-on dans la presse. On nous promène ! Quand cela prendra-t-il fin ?

Mme Borne a annoncé cet été qu'un financement de 2,5 millions d'euros, nécessaire pour des acquisitions financières, était prévu, sans autres précisions. Qu'en est-il ? L'Europe a indiqué que le projet était éligible à ses financements. Les collectivités territoriales sont prêtes. L'État a la clé. Sans langue de bois, madame la ministre, veuillez préciser le calendrier et les intentions du Gouvernement !

Mme Emmanuelle Wargon, secrétaire d'État auprès de la ministre de la transition écologique et solidaire .  - La ligne existante Sète-Narbonne a été endommagée par les précipitations des 22 et 23 octobre. Je peux vous assurer que SNCF Réseau met tout en oeuvre pour assurer une réouverture complète de la ligne attendue pour le 2 décembre...

M. Roland Courteau.  - Ce n'est pas ma question !

Mme Emmanuelle Wargon, secrétaire d'État.  - Le principe de la ligne nouvelle ne fait pas débat.

Je vous confirme l'engagement de l'État pour l'axe ferroviaire méditerranéen, que ce soit aux côtés de l'Espagne, dans la réalisation de la liaison internationale Perpignan-Figueras, ou le projet ligne nouvelle Montpellier-Perpignan (LNMP). L'État a sécurisé l'ensemble du tracé de l'opération. Le calendrier de réalisation prévu par la LOM est tenable, avec le tronçon Montpellier-Béziers à horizon de dix ans et le tronçon Béziers-Perpignan à horizon de vingt ans. (M. Roland Courteau se désole.)

Quant au financement, l'État privilégie le scénario 2 du Conseil d'orientation des infrastructures. Le budget de l'Afitf sera construit en fonction au cours des prochaines années. Une participation européenne est prévue.

M. Roland Courteau.  - Dix ans pour Montpellier-Béziers ! Vingt ans pour Béziers-Perpignan ! Oh là là ! Mais ça fait trente ans déjà que nous attendons ! Nous aurions donc à attendre cinquante ans ! La colère monte. Je vous préviens !

Possibles suppressions de lignes de train

Mme Josiane Costes .  - L'État et la région Auvergne-Rhône-Alpes se sont engagés à hauteur de 50 et 150 millions d'euros pour sauver les petites lignes. Les Cantaliens craignent la suppression des trains, le taux de remplissage étant plus faible que dans la périphérie des routes.

Or le réseau routier n'est pas facile à emprunter dans le Cantal, surtout en hiver, à cause des conditions météorologiques et du tracé de l'unique route nationale, comportant de nombreux virages et manquant de zones de dépassement. Nous sommes inquiets. Afin d'enrayer la spirale du déclin, pouvez-vous nous assurer que ces zones feront l'objet d'une attention particulière ?

Mme Emmanuelle Wargon, secrétaire d'État auprès de la ministre de la transition écologique et solidaire .  - Les services TER relèvent uniquement de la compétence de la région, qui décide des tracés, des arrêts et des services.

Hormis la liaison Intercités entre Clermont-Ferrand et Béziers, la desserte des gares du Cantal est essentiellement décidée par la région Auvergne-Rhône-Alpes. L'État ne participe pas à ces décisions. La situation du réseau des lignes secondaires est préoccupante. Le Gouvernement est pleinement conscient de leur importance.

C'est pourquoi il a demandé au préfet Philizot, dans un premier temps, un état des lieux. Nous en sommes à la phase de discussion avec les régions, pour élaborer avec elles, ainsi qu'avec SNCF Réseau, un plan d'action.

Mme Josiane Costes.  - Dans le Cantal, mettre des cars à la place de trains pollue, et c'est absurde sur une route qui passe par le Lioran, l'un des points culminants du Massif central, couverte de neige et de verglas en hiver, et comportant de nombreux virages. C'est une aberration, la région n'est pas adaptée au trafic routier. Il faut de l'argent pour aménager le territoire. À poursuivre dans cette voie, le département finira par se vider.

Couverture de la Sarthe en téléphonie mobile

M. Louis-Jean de Nicolaÿ .  - Dans le cadre du récent contrat d'avenir (2019-2021) signé entre l'État et la région Pays de la Loire, il est prévu d'attribuer 140 nouveaux sites sur trois ans, notamment les zones les plus défavorisées dont la Sarthe.

Or pour être correctement couvert, le département a besoin impérativement de l'implantation d'au moins cinquante pylônes, alors qu'aujourd'hui, renseignements pris auprès des autorités régionales et locales, il semblerait qu'une vingtaine seulement soit prévue.

La Sarthe connaît de graves difficultés économiques, notamment dans les communes rurales. Il est d'une impérieuse nécessité que l'État permette aux territoires de bénéficier d'un véritable levier de dynamisation.

À ce titre, huit communes ont été identifiées par le département comme présentant potentiellement une carence de couverture et n'ont toujours pas de réponse ; les opérateurs ont confirmé que neuf pylônes étaient nécessaires : Saint-Jean de la Motte ; Avoise ; Boëssé-le-Sec ; Gesnes-le-Gandelin ; Gréez-sur-Roc et Saint-Ulphace ; Mont-Saint-Jean ; Marçon et Flée ; Bazouges-Cré et Crosmières attendent.

Depuis le dépôt de cette question, une nouvelle demande d'études a été adressée aux opérateurs pour sept communes : Ancinnes, Le Brel-sur Mérize, Parcé-sur-Sarthe, Pontvallain, Saint-Calez en Saosnois, Tennie et Vaas.

Une liste de plus de 60 communes reste à étudier. Merci de confirmer que 50 nouveaux pylônes, identifiés par les opérateurs, seront bel et bien construits.

Mme Jacqueline Gourault, ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales .  - Le Gouvernement, l'Arcep et les opérateurs ont conclu un accord historique afin de généraliser une couverture de qualité pour l'ensemble du territoire français. Chacun des quatre opérateurs s'est engagé à couvrir 5 000 nouveaux sites.

Les quatre critères objectifs de choix, déterminés de façon collégiale, dans le cadre du comité France Mobile où sont représentées des associations de collectivités, sont les suivants : la population du département en zone où aucun opérateur ne dispose d'une bonne couverture ; le pourcentage de surface du département en zone où aucun opérateur ne dispose d'une bonne couverture ; le pourcentage de locaux du département situés en territoire de montagne ; le nombre de communes du département ayant fait l'objet de signalements sur la plateforme France Mobile.

En Pays de la Loire, il y a cumul d'un bonus de pluridépartementalité et d'un autre lié au contrat d'avenir signé avec l'État. La dotation est conséquente par rapport à d'autres territoires. Votre département s'est vu attribuer six sites en 2019, six sites en 2020, plus des sites issus de ces deux bonus.

Le choix des sites ne peut s'affranchir des quatre critères de France Mobile, mais la décision est prise au plus près du terrain.

M. Louis-Jean de Nicolaÿ.  - Nous souhaitons que la téléphonie mobile soit disponible où il y a des difficultés : sans elle, on aura beaucoup de mal à redynamiser ces territoires.

Aménagement du territoire

M. Olivier Paccaud .  - Quelles sont au juste les fonctions des maires ? Au-delà des services de proximité, elles consistent à mener des projets de A à Z, pourvu qu'ils soient en adéquation avec l'intérêt local, les besoins de la population, l'attractivité de leur territoire.

Or le 29 juillet, une instruction gouvernementale « relative à l'engagement de l'État en faveur d'une gestion économe de l'espace » adressée aux préfets leur a donné pour mission de surveiller de près les documents d'urbanisme communaux et intercommunaux, et de faire pression sur les élus pour les inciter à un urbanisme « sobre, vertueux et dense ».

N'est-ce pas là une recentralisation qui ne dit pas son nom ?

Si la campagne se vide, c'est sûr, le président de la République pourra se féliciter d'une France verte.

Les élus locaux aiment leur territoire, leur village et ne souhaitent que les embellir, les faire vivre. Ils ne veulent pas qu'ils deviennent des réserves de peaux rouges ! Je souhaite savoir si le Gouvernement compte faire enfin confiance aux élus qui savent, mieux que quiconque, ce que la population réclame et comment valoriser leurs communes.

Mme Jacqueline Gourault, ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales .  - Votre interprétation de la circulaire du 29 juillet est différente de la mienne : son rôle est de mobiliser tous les services de l'État afin qu'ils veillent à ce que l'économie de l'espace soit prise en compte dans toutes les procédures. Cette circulaire est à droit constant : elle ne contient aucune nouvelle norme. L'accroissement de l'artificialisation des sols est de la responsabilité de tous. L'objectif de l'État n'est pas de recentraliser. Le dialogue entre les élus et les préfets est primordial.

Il faut aussi sensibiliser la population à de nouvelles formes d'habitat. Le sujet n'est pas nouveau mais les pertes de la biodiversité sont de plus en plus importantes.

En cette semaine d'inondations, nous constatons la nécessité d'une urbanisation raisonnée. Oui, les mots ruralité et campagne sont importants. 100 000 de nos concitoyens ont choisi d'y retourner. Nous ne sommes pas dans une période d'exode rural.

M. Olivier Paccaud.  - Ces mots ne figurent pas dans votre circulaire. J'ai rencontré des maires ruraux fous furieux, car les directions départementales des territoires leur faisaient des misères alors qu'ils voulaient juste boucher une dent creuse.

Gemapi

Mme Annick Billon .  - Je souhaite attirer votre attention sur la situation kafkaïenne dans laquelle se trouvent les porteurs de programmes d'actions et de prévention des inondations, dits PAPI, qui disposent de la compétence de gestion des milieux aquatiques et de prévention des inondations (Gemapi) sur le littoral.

Les lourdeurs administratives découragent les responsables locaux qui se voient imposer un empilement de procédures administratives, financières ou environnementales de toute sorte.

En effet, la révision quasi systématique des pièces obligatoires ou encore le prolongement d'études diverses et la multiplication d'avenants sont autant d'éléments concourant au ralentissement des procédures. Dès lors, les projets de restauration de digues deviennent obsolètes et leur révision entraîne une modification des dossiers d'autorisation environnementaux.

Le syndicat mixte du marais poitevin, par exemple, se retrouve responsable de nombreuses digues plus ou moins entretenues depuis soixante ans...

Xynthia, c'était il y a dix ans et les travaux de digues viennent seulement de s'achever ! La faute à une bureaucratie lourde, à des obstacles réglementaires, à une décentralisation seulement partielle des compétences.

De quels moyens dispose l'autorité en charge de la Gemapi pour construire une digue sur un tracé refusé par le maire ?

Mme Jacqueline Gourault, ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales .  - Après les dramatiques inondations dans le Sud, je me disais : « nous ne sommes pas au bout de ces questions ». Les PAPI sont un instrument majeur : 179 programmes sont en cours, c'est un succès. Cela a représenté 2 milliards d'euros de travaux, dont 800 millions financés par l'État via le fonds de péréquation des risques naturels, ou fonds Barnier. Pour faciliter les travaux, le ministre de la transition écologique et solidaire et le mien ont lancé une mission d'évaluation sur les PAPI. Elle préconise un accompagnement renforcé par les services de l'État et un pouvoir d'arbitrage accru pour les préfets.

Les services de l'État sont invités à renforcer le dialogue entre eux et avec les collectivités territoriales.

Mme Annick Billon.  - Les événements météorologiques se succèdent : Amélie, Miguel... Il faudra que la France acquière la culture du risque. Oui, les PAPI sont un succès, mais il est difficile de faire avancer les projets. À la Faute-sur-Mer, ils n'ont pu aboutir que grâce à l'opiniâtreté des élus et au courage du préfet, contre les rigidités administratives.

Retraitement des dépenses d'éducation d'Ille-et-Vilaine

Mme Sylvie Robert .  - Le département d'Ille-et-Vilaine a signé avec l'État un pacte financier qui lui permet de prendre en compte des variations fortes des dépenses liées à l'éducation.

Or la croissance démographique brétillienne progresse à un rythme annuel d'1,8 % ; le nombre des 5-19 ans, entre 2013 et 2019, a crû trois fois plus dans le département que la moyenne française. Ainsi, d'ici à cinq ans, 1 400 collégiens supplémentaires sont attendus dans les établissements publics.

Cette perspective rend impérieuses la création et l'extension de nombreux collèges. À partir de 2021, l'impact financier représentera une charge annuelle légèrement supérieure à 2 millions d'euros.

On ne peut que se féliciter de cette croissance, qui témoigne de la vitalité du département, mais c'est aussi un défi.

En vertu du contrat de maîtrise de la dépense locale et du décret du 27 avril 2018, l'ouverture de ces collèges constitue un changement de périmètre, qui doit faire l'objet d'un retraitement.

Le Gouvernement entend-il le prévoir, dans le cadre de la contractualisation entre l'État et le département d'Ille-et-Vilaine ?

Mme Jacqueline Gourault, ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales .  - En effet, la loi de programmation des finances publiques du 22 janvier 2018 fixe un taux de croissance annuel des dépenses de fonctionnement des collectivités, 1,2 % entre 2018 et 2022, mais il existe des critères de modulation en fonction des caractéristiques propres à chacune, comme l'évolution démographique ou la construction de logements à un rythme plus soutenu que prescrit par la loi de programmation. L'Ille-et-Vilaine n'est pas éligible à ce titre au retraitement que vous demandez.

En effet, sa croissance démographique de 1,08 % en moyenne entre 2013 et 2018, ne dépasse pas de 0,75 point la moyenne nationale. Et le taux des permis de construire entre 2014 et 2016 à 1,76 % ne dépasse pas la moyenne nationale à 2,5 %.

Cependant pour les exercices 2021 et 2022, les critères de modulation ne sont pas arrêtés ; ils le seront dans une future loi de programmation des finances publiques.

Mme Sylvie Robert.  - Nous voyons bien que les critères ne sont pas complets. Le cas d'école du département d'Ille-et-Vilaine montre qu'un département peut se trouver en difficulté.

Unités touristiques nouvelles

M. Cyril Pellevat .  - Une association de protection de l'environnement a fait annuler partiellement par le Conseil d'État le décret de création des unités touristiques nouvelles (UTN).

Créées dans les années 1980, pour déroger au principe de continuité des constructions, les unités touristiques nouvelles étaient un préalable à la délivrance de toute autorisation de permis de construire.

Le décret du 10 mai 2017, pris en application de la loi du 28 décembre 2016 de modernisation, de développement et de protection des territoires de montagne dite loi montagne II, visait à rénover l'ensemble de la procédure des UTN. Le décret modifiait la procédure de création et d'extension en adoptant une nouvelle distinction entre les UTN structurantes (UTNS), qui continuaient à être planifiées par les schémas de cohérence territoriale (SCoT), et les UTN locales (UTNL) devaient désormais être précisées par les plans locaux d'urbanisme (PLU).

Il s'agissait d'inciter les communes de montagne dépourvues de documents d'urbanisme à s'engager dans la voie de la planification. Le texte modifiait également plusieurs seuils existants, trop stricts, et déconnectait les seuils UTN des seuils de soumission à étude d'impact.

La décision du Conseil d'État dispose que le décret méconnaît l'obligation pour tous les plans et programmes d'être précédés par une évaluation environnementale. Le Conseil d'État a donc partiellement annulé le décret car il ne soumettait pas à une évaluation environnementale les UTN créées dans les communes non couvertes par un schéma de cohérence territoriale (SCoT) ou par un plan local d'urbanisme (PLU).

Il faudra un nouveau décret, prévoyant une étude environnementale. Ce qui ne dispensera pas une seconde évaluation environnementale au moment du permis de construire. Le risque est donc de multiplier les étapes et de retarder certains projets. D'autant qu'une évaluation environnementale s'accompagne d'une enquête publique, il faudra l'organiser conjointement.

Quel est le nombre d'UTN concernées et quelles sont les conséquences pour celles-ci ? Quelles sont les intentions du Gouvernement pour alléger le dispositif, ce qui était l'objectif initial défendu en son temps par le ministre Emmanuel Macron ?

Mme Jacqueline Gourault, ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales .  - Vous avez raison. La décision du Conseil d'État du 26 juin 2019 a considéré que les UTN résiduelles devaient être soumises à une évaluation environnementale. C'est le silence du décret qui a été annulé. Tout le contenu est en revanche validé et opérationnel. Il n'y a donc pas lieu de modifier le décret. La décision du Conseil d'État implique de compléter les textes en vigueur et de soumettre les autorisations à venir à cette même évaluation environnementale.

Le Conseil d'État ayant reconnu la méconnaissance du droit européen en la matière, l'annulation est rétroactive. Les demandes d'autorisations d'urbanisme ne seront pas rejetées d'office en cas d'autorisation préfectorale d'UTN ayant été remise en cause au nom du décret du Conseil d'État.

M. Cyril Pellevat.  - L'essentiel reste de simplifier. Président du groupe « Développement économique de la montagne », j'estime qu'il faudrait supprimer les unités touristiques locales jusqu'à 1 200 km2 ce qui est parfaitement envisageable.

Plan d'urgence pour l'hébergement

Mme Laurence Cohen .  - Les personnes en situation de mal logement ou vivant à la rue sont dans une situation dramatique. Le président de la République s'était engagé en juillet 2017 à ce que plus personne ne dorme dehors. Deux ans plus tard, près de 240 000 personnes vivent à la rue, privées de logement, comme le souligne le vingt-quatrième rapport de la Fondation Abbé Pierre.

Les associations féministes n'ont toujours aucune précision sur le financement des mille places d'hébergement d'urgence promises par le Gouvernement pour les femmes victimes de violences.

L'État doit octroyer des moyens supplémentaires de nouvelles places d'hébergement d'urgence et des logements temporaires. Avez-vous la volonté de mettre en place un véritable plan d'urgence?

Mme Jacqueline Gourault, ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales .  - L'hébergement des plus fragiles est un enjeu de cohésion nationale ; le Gouvernement en a fait une priorité. Quelque 14 000 places supplémentaires ont été créées depuis mai 2017. Le parc d'hébergement d'urgence généraliste compte plus de 146 000 places journalières financées par l'État, dont 120 000 en Ile-de-France, soit une place pour 102 habitants hors période hivernale. En hiver, il y a 6 400 places supplémentaires, dont 2 300 en Ile-de-France. Même si je n'ai pas lu le chiffre de 240 000 dans le rapport de la Fondation Abbé Pierre, trop de personnes sont encore à la rue.

Le Gouvernement augmente les crédits de 100 millions d'euros dans le projet de loi de finances 2020 pour atteindre 2 milliards d'euros.

Mais la réponse n'est pas seulement budgétaire. Les maraudes sont également renforcées, ainsi que les effectifs du 115. Nous améliorons la prise en charge les femmes victimes de violences avec 5 715 places d'hébergement dédiées. Mille places temporaires supplémentaires ont été annoncées lors du Grenelle des violences conjugales. Le cahier de charge vient d'être transmis aux services déconcentrés. Le financement se fera via l'allocation de logement temporaire.

Le plan de prévention des expulsions permet d'agir en amont. Enfin, le plan Logement d'abord vise à sortir définitivement les gens de la rue. Il concerne 70 000 personnes.

Mme Laurence Cohen.  - Heureusement que c'est une priorité du Gouvernement ! Vous économisez 57 millions d'euros en quatre ans, dont 20 millions en 2018, et 1,2 milliard d'euros sur les APL, alors que deux allocataires sur cinq sont sous le seuil de pauvreté.

Quelque 700 enfants dorment dehors, 20 000 sont logés dans des hôtels indignes en Ile-de-France, une dizaine de jeunes mères ont été refoulées de l'hôpital Trousseau où elles étaient venues chercher refuge le 27 novembre dernier. Comment ne pas s'indigner ?

En 2019, 146 bébés sont nés dans la rue, contre 46 en 2017. Comment prétendre aider les personnes à la rue sans lutter contre les expulsions locatives - 36 000 en 2018 ?

Je vous invite à mieux lire le rapport de la Fondation Abbé Pierre et à débloquer les subventions pour les associations.

Conséquences de la dématérialisation

Mme Hélène Conway-Mouret .  - Le ministère de l'Europe et des affaires étrangères est profondément touché par les économies qui lui sont demandées. Vous me direz que votre budget est stabilisé, mais il n'est toujours pas au niveau de 2016...

Dans le cadre de la réforme Action publique 2022, les chefs de postes du réseau diplomatique ont fait des propositions pour réorganiser le personnel et répartir les 81 suppressions de postes, qui s'ajoutent aux 160 de l'an dernier. Je regrette qu'elles n'aient pas toujours été retenues.

Je me félicite que le Gouvernement soit revenu sur la suppression du consulat de Moncton, mais sur quels postes les ETP seront-ils récupérés ?

La suppression du chargé des affaires sociales à l'ambassade du Brésil, qui veille à la bonne application de la convention sur les pensions de retraite, pose de nombreux problèmes pour les retraités.

C'est une erreur de croire que la dématérialisation peut compenser les suppressions de poste du ministère. Elle n'est bénéfique que si elle est accompagnée de moyens humains. Le Quai d'Orsay sera toujours un ministère de contact. Pour leurs démarches administratives, les citoyens français ont besoin d'être accompagnés, non par un écran mais par un agent formé et compétent.

Le décret du 28 septembre 2019 précisant les modalités de la dématérialisation des actes d'état civil touchera l'ensemble de nos compatriotes de l'étranger. Comment accompagner ce processus tout en préservant des services de qualité, notamment dans les pays où l'internet est peu accessible ?

Mme Amélie de Montchalin, secrétaire d'État auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères, chargée des affaires européennes .  - Moderniser l'action publique tout en apportant des services adaptés à nos citoyens, tel est l'objectif. La dématérialisation ne vise pas à supprimer des emplois ou à déshumaniser le service, ou à supprimer l'accueil au guichet.

La possibilité de s'inscrire en ligne au registre des Français de l'étranger a été utilisée par 31 % de nos concitoyens en 2018, 44 % sur les premiers mois de 2019. C'est un progrès car beaucoup habitent à des centaines de kilomètres du consulat. Le vote électronique facilitera la participation des Français de l'étranger aux élections. Il y a aussi France visa et bientôt le régime d'état civil électronique, qui permettra de déclarer une naissance en ligne.

Pour les agents, la dématérialisation est l'occasion de disposer d'outils renouvelés et de se recentrer sur leur valeur ajoutée, à savoir la protection consulaire et un service de proximité plus humain. Nous aurons toujours besoin de l'expertise d'agents pour étudier des dossiers qui concernent des vies humaines : aucun système informatique ou d'intelligence artificielle ne prendra des décisions régaliennes. Les agents ne seront pas remplacés par des algorithmes. Point de conséquences sur les effectifs donc, mais des progrès pour la vie quotidienne de nos concitoyens.

Stratégie de fermeture des consulats

M. Ronan Le Gleut .  - Il aura fallu des trésors de mobilisation des conseillers consulaires, des parlementaires et de la société civile pour que vous reveniez enfin sur la fermeture du consulat de France à Moncton. Vous n'êtes pas revenus, malheureusement, sur la fermeture de celui de Séville alors que 10 000 Français sont inscrits au registre en Andalousie et que 40 000 y vivent.

Les Français d'Asunción sont rattachés au consulat de Buenos Aires, en Argentine. Fermer un consulat, c'est comme fermer une mairie. Les Français de l'étranger sont des proies faciles : ils ne font pas grève, n'enfilent pas de gilet jaune, ne manifestent pas.

Avez-vous une véritable stratégie d'avenir pour le rayonnement de la France à l'étranger ou privilégiez-vous une gestion comptable à la petite semaine ?

Mme Amélie de Montchalin, secrétaire d'État auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères, chargée des affaires européennes .  - Nous procédons à une revue dans le cadre du programme Action publique 2022, qui répond bien à une vision stratégique. Grâce aux moyens de dématérialisation qui l'accompagnent, les services restent accessibles, même si certains postes sont fermés, et plus pratiques d'accès, quand bien même demeure un bureau physique.

Je vous rassure sur l'importance politique des consulats que nous maintenons ouverts, avec de vrais moyens.

Le consulat de Moncton a été installé en 1964 par le Général de Gaulle pour renforcer nos liens avec l'Acadie et défendre la francophonie, puisque le Nouveau-Brunswick et la seule province officiellement bilingue du Canada. M. Le Drian a confirmé son maintien.

Ce consulat participe à l'intégration de Saint-Pierre-et-Miquelon dans son environnement régional et contribue à la densification de nos relations politiques et économiques avec le Canada, dans le cadre du CETA.

Nous n'avons pas une stratégie de planter de drapeau mais présence stratégique là où elle est la plus utile, en partenariat avec nos ambassadeurs. Certains consulats participent au rayonnement économique, culturel et scientifique, d'autres ont un périmètre d'action plus restreint. L'essentiel, c'est qu'ils apportent des services modernes et de qualité aux Français de l'étranger. L'approche est politique, économique et culturelle.

M. Ronan Le Gleut.  - Je ne suis pas rassuré. Comme vous l'avez fait avec le moratoire fiscal, je crains que le maintien de l'Institut français de Norvège ou du consulat de Moncton ne soient qu'enfumage, pour passer le cap des élections consulaires. Et après, ce sera le coup de bambou !

Fermeture du consulat de France à Moncton

M. Frédéric Marchand .  - Le projet de fermeture du consulat de Moncton en 2022 a provoqué une forte émotion dans la communauté acadienne. Le président de la République avait pourtant assuré que la francophonie était une force dans la mondialisation. Comment la France peut-elle prétendre être solidaire des Français d'Amérique du Nord et tourner le dos aux Acadiens ?

Ce consulat est un outil formidable de création de richesses. Il a facilité le partage d'expertise, les liens économiques, la mobilité des jeunes et la promotion d'artistes. Il est un acteur clé dans les relations triangulaires entre la France, l'Acadie et le Québec.

Une vingtaine de collectivités souhaitent renouveler leur jumelage avec des villes acadiennes. Le flux d'immigration française vers les provinces atlantiques risque de décliner si le consulat ferme. Les acteurs politiques, économiques et associatifs ont appelé la France à revenir sur cette décision qui aurait été vécue comme un nouvel abandon après le tragique épisode de 1755. Le prix Goncourt 1979, Antonine Maillet, a pris la plume pour rappeler une lutte qui dure depuis quatre siècles pour garder vivant l'un des fleurons de la France transplanté en Amérique. L'appel d'un peuple pour qui l'amour de la France transcende les clivages a été entendu, nous pouvons nous en réjouir.

Comment comptez-vous donner un nouvel élan à nos relations avec l'Acadie ?

Mme Amélie de Montchalin, secrétaire d'État auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères, chargée des affaires européennes .  - Les consulats ont des rôles multiples, économiques, politiques, culturels. Il est important de définir les besoins pour assurer une meilleure présence.

Les Acadiens sont un peuple bilingue avec lequel nous avons des liens privilégiés. Le président de la République et le ministère des Affaires étrangères souhaitent soutenir ceux qui veulent se rapprocher de la France. Les grands enjeux - océans, climat, biodiversité - sont majeurs pour cette province. Ce sont des domaines de partenariat naturel. La société nationale de l'Acadie est également très active en France.

Tout ne se résume pas aux accords économiques. Saint-Pierre-et-Miquelon est un petit bout de France aux portes de l'Acadie et nous y renforcerons aussi notre présence.

Bateaux-usines et surpêche dans la Manche

Mme Corinne Féret .  - Les artisans-pêcheurs du Calvados sont inquiets des conséquences de l'activité de chalutiers industriels géants dans la Manche. Mesurant jusqu'à 140 mètres de long et pouvant collecter 250 tonnes de poisson en une journée, soit l'équivalent annuel de cinq bateaux normands, ces bateaux-usines pillent tout, détruisant les fonds marins, la flore et la faune, mettant en danger les espèces et menaçant la ressource halieutique.

Va-t-on laisser faire de tels ogres des mers ? Après le passage du Margiris, géant néerlandais, que reste-t-il pour nos artisans pêcheurs ?

Le modèle économique pérenne et respectueux de l'environnement mis en place par les pêcheurs du Calvados est mis en danger par une telle concurrence déloyale.

À la veille d'un Brexit qui inquiète, la France doit défendre une pêche artisanale, durable, responsable. Le Gouvernement compte-t-il agir au niveau européen pour demander une révision de la politique commune de la pêche ? Dans quel cadre et à quelle échéance ?

Mme Amélie de Montchalin, secrétaire d'État auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères, chargée des affaires européennes .  - Ce sujet, à la fois territorial et stratégique, a été soulevé sur tous les bancs. Nous travaillons avec le ministère de l'Agriculture - que je vous prie d'excuser - pour avancer à Bruxelles.

Nous sommes très mobilisés contre la surpêche ; c'est le sens de la politique commune de la pêche et de la position que défend l'Union européenne dans les organisations internationales. La négociation des quotas de pêche en fin d'année, en consultation avec les comités de pêche, permettra un ajustement. Notre message est de privilégier la stabilité et le réalisme dans un contexte marqué par les incertitudes du Brexit. En la matière, la perspective d'un accord garantissant la réciprocité nous donnera de la visibilité.

Le Margiris a transité par les eaux françaises et pêché dans les eaux communautaires, non dans nos eaux territoriales. Il pêche principalement du chinchard et respecte son quota, qui est de 2 150 tonnes ; nous y veillons. Nous devons avoir la même vigilance pour tous, afin de faire respecter les quotas et défendre la pêche artisanale et locale.

Mme Corinne Féret.  - J'aurais aimé une condamnation plus ferme de cette pêche industrielle déloyale. Les pêcheurs vous demandent d'agir. L'Union européenne doit modifier la politique commune de la pêche pour éviter des conséquences irréversibles.

Éligibilité des surfaces pastorales aux aides de la PAC

Mme Viviane Artigalas .  - Depuis 2015, la PAC a reconnu les surfaces pastorales comme des surfaces productives. S'agissant de milieux naturels et hétérogènes où l'herbe et les fourrages ne sont pas toujours abondants, la France a opté pour une méthode de calcul proratisée, qui estime la part de surface admissible à partir du taux de recouvrement d'autres éléments non admissibles. Le règlement Omnibus a confirmé la reconnaissance des surfaces pâturables où l'herbe et les fourrages herbacés ne sont pas prédominants.

Dans les Hautes-Pyrénées, les 145 000 hectares de surfaces pastorales peu productives constituent l'essentiel des surfaces alimentaires du cheptel. Pour un hectare de surface exploité en vallée, ce sont près de trois hectares valorisés et entretenus en zone pastorale, contribuant à la qualité environnementale, à la sécurité publique et à l'économie touristique.

La reconnaissance de l'éligibilité de ces surfaces est indispensable au maintien d'une agriculture familiale et pastorale. Or la future réforme de la PAC fait craindre une remise en cause des aides aux surfaces pastorales, qui ont pourtant contribué au rééquilibrage des aides à l'élevage. Pouvez-vous nous rassurer sur ce point ?

Mme Amélie de Montchalin, secrétaire d'État auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères, chargée des affaires européennes .  - Veuillez excuser Didier Guillaume, qui assiste avec le président de la République aux Assises de la Mer - où sera évoquée la question de la surpêche.

L'élevage extensif pratiqué sur les surfaces pastorales peu productives maintient une activité économique cruciale dans certaines zones rurales. La France a obtenu la reconnaissance de ces territoires, qu'elle défend farouchement, dans le cadre la PAC actuelle et étendue leur prise en compte dans 38 départements.

Nous nous battons pour conserver cette reconnaissance dans le cadre de la future PAC. Un travail a été lancé avec les professionnels pour faciliter la gestion de ces surfaces et sécuriser leur admissibilité aux aides européennes. En travaillant ensemble, je ne doute pas que nous réussirons à conserver ce régime. Comptez sur ma détermination.

Mme Viviane Artigalas.  - Merci de votre réponse. Nos concitoyens souhaitent un retour à une agriculture traditionnelle. Ces aides sont indispensables au pastoralisme, à la qualité environnementale, à la biodiversité, ce qui a aussi des effets sur le tourisme.

La séance est suspendue à 12 h 35.

présidence de Mme Hélène Conway-Mouret, vice-présidente

La séance reprend à 14 h 30.