SÉANCE

du jeudi 7 mars 2019

67e séance de la session ordinaire 2018-2019

présidence de Mme Catherine Troendlé, vice-présidente

Secrétaires : Mme Agnès Canayer, M. Yves Daudigny.

La séance est ouverte à 15 heures.

Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.

Questions d'actualité

Mme la présidente.  - L'ordre du jour appelle les questions d'actualité au Gouvernement.

La séance est retransmise en direct sur Public Sénat, sur le site internet du Sénat et sur Facebook.

Au nom du Bureau du Sénat, j'appelle chacun à observer au cours de nos échanges l'une des valeurs essentielles du Sénat : le respect, des uns et des autres ou celui du temps de parole.

Sécurité pénitentiaire

M. Thani Mohamed Soilihi .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM) Mardi, deux surveillants ont été blessés par un détenu et sa compagne dans une unité de vie familiale de la maison centrale de Condé-sur-Sarthe. Nos pensées vont d'abord vers eux et leur famille, touchés dans leur chair par ce que vous avez qualifié, madame la ministre, d'attaque terroriste. L'émotion légitime est vive parmi le personnel pénitentiaire. Ces hommes et femmes exercent un métier difficile, méconnu de nos concitoyens mais essentiel pour la sécurité de notre pays. Je leur exprime notre gratitude et notre respect.

Depuis dix-huit mois, le Gouvernement a beaucoup agi, notamment via la loi de programmation et de réforme de la justice, que vous avez défendue à l'automne, et qui donne des moyens à l'administration pénitentiaire pour les quatre ans à venir, tout en réformant le sens et l'efficacité des peines, afin de renforcer la sécurité du personnel. Au-delà de cet effort nécessaire, que comptez-vous faire pour améliorer encore la sécurité de nos prisons ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice .  - Oui, je me suis rendue, il y a quarante-huit heures, au chevet des deux agents gravement blessés lors de l'attaque terroriste à Condé-sur-Sarthe. Je rends hommage à leur courage et à leur professionnalisme face à cet assaut d'une rare violence. Une enquête judiciaire est en cours et j'ai saisi l'Inspection générale de la justice. L'établissement sécuritaire de Condé-sur-Sarthe comprend un quartier pour les détenus radicalisés.

Nous devons nous poser les bonnes questions : les éléments de dangerosité des détenus sont-ils bien pris en compte pour assurer leur accès aux unités de vie familiale ? Les procédures de fouilles des visiteurs sont-elles adaptées ? Avons-nous les moyens techniques de détecter des objets interdits ? Depuis dix-huit mois, nous avons pris des mesures pour améliorer les moyens et l'action de l'administration pénitentiaire.

M. François Grosdidier.  - Non ! (On approuve sur les bancs du groupe Les Républicains.)

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux.  - Nous avons décidé de recruter 1 100 surveillants. Je recevrai prochainement les organisations syndicales. J'entends les impatiences et je les comprends. La résolution du Gouvernement est sans faille. La sécurité du personnel de l'administration pénitentiaire est un enjeu primordial. (Quelques applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)

Utilisation des fonds européens

Mme Maryse Carrère .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe RDSE) Mardi dernier, Sud-Ouest titrait : « Aides européennes pour le secteur rural, la France va-t-elle perdre ses millions? »

Le constat de sous-consommation du fonds Leader (Liaison entre action de développement de l'économie rurale) moteur de l'innovation depuis 1991, est cruel : sur 700 millions d'euros, 4 % seulement ont été versés ! Même si la constitution d'un dossier s'apparente à un parcours du combattant, il faut mieux faire. Dans une Europe éloignée des citoyens, le programme Leader est un axe fort de l'action en faveur des territoires ruraux. Il mobilise commerçants, artisans, acteurs sociaux et culturels.

L'État a renforcé sa mobilisation mais des doutes subsistent. Le président de Leader France parle de crash généralisé du programme. Monsieur le ministre, pouvez-vous nous rassurer sur les versements prévus entre 2014 et 2020 et sur le maintien de l'enveloppe actuelle au-delà ? (Applaudissements sur les bancs du groupe RDSE, ainsi que sur plusieurs bancs des groupes UC et Les Républicains)

M. Didier Guillaume, ministre de l'agriculture et de l'alimentation .  - La situation n'étant pas rassurante, je ne peux pas vous rassurer... Les 700 millions d'euros du fonds doivent passer par les groupements d'action locaux en relation avec les collectivités locales, notamment les intercommunalités, elles-mêmes reliées aux régions. Or tous les dossiers ont été présentés mais très peu de dossiers ont pu être payés. La France va perdre plusieurs millions d'euros, voire des centaines de millions, liés à l'Europe, c'est un drame inacceptable. (M. Gérard Larcher approuve.)

Les régions sont responsables de ces projets. C'est pourquoi il faut un décroisement total des aides, une simplification et une clarification dans la prochaine PAC : j'en ai parlé avec le président Morin. Nous intervenons pour accélérer le dossier en Europe. Essayons ensemble de faire en sorte que les actions engagées soient payées dans les temps.

Mme Maryse Carrère.  - Il faut simplifier ce fonds en réduisant le nombre d'échelons décisionnels et donner plus de pouvoir aux régions. (Applaudissements sur les bancs du groupe RDSE ; Mme Valérie Létard applaudit également.)

Égalité professionnelle entre les femmes et les hommes

Mme Laurence Cohen .  - À la veille de la journée internationale de lutte pour les droits des femmes, celles-ci n'ont toujours pas obtenu l'égalité professionnelle. Elles ont 26 % de salaire en moins, en moyenne, en France. Pourtant l'arsenal législatif est là, avec une obligation de résultat pour les entreprises, obtenue, lors de l'examen de la loi sur la « liberté de choisir son avenir professionnel », grâce à la mobilisation des femmes, des associations féministes et des organisations syndicales unies. Hélas, disposition après disposition, le décret vide de son contenu le dispositif voté en juillet. L'index de l'égalité salariale permet en effet aux entreprises, à l'encontre du pouvoir législatif, de dissimuler les données relatives à l'égalité femmes-hommes. (Applaudissements sur les bancs du groupe CRCE et sur quelques bancs du groupe SOCR)

Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances .  - Les femmes représentent 50 % de la population active et contribuent pour 37 % au PIB. Elles gagnent 9 % de moins à fonction égale. Selon le Women's Forum, il faudrait attendre, au rythme actuel, l'an 2234 pour atteindre une parfaite parité... N'attendons pas ! La loi de septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel prévoit une obligation de résultat. L'index de l'égalité professionnelle, unanimement salué, comporte des items spécifiques sur ce thème, incluant notamment les chances de carrière et de promotion, ainsi que la parentalité et les congés maternité. Il est exigeant, puisqu'assorti de pénalités pouvant aller jusqu'à 1 % de la masse salariale.

Quelque 118 entreprises sur 732 de plus de 1 000 salariés, sont en alerte rouge et quelque 600 ont des progrès à faire, à partir des premiers résultats publiés. Cet index témoigne de notre engagement sans faille. Des sociétés se sont aussi engagées à publier le taux de femmes à chaque niveau hiérarchique et à entendre un candidat homme et une candidate femme pour chaque poste d'encadrement.

Mme Laurence Cohen.  - Les sanctions financières, c'est de la poudre aux yeux. Elles sont inopérantes. L'index permet de dissimuler les discriminations. Il introduit aussi dans la loi un seuil de tolérance de la violation de la loi... On ne peut se satisfaire de ce tour de passe-passe. Je serai demain dans la rue pour la défense des femmes, à 15 h 40, heure symbolique, à partir de laquelle les femmes travaillent gratuitement. L'égalité femmes-hommes rapporterait 62 milliards d'euros à l'économie française selon la Fondation Concorde. Madame la ministre, qu'attendez-vous ? Pas de belles paroles, des actes ! (Applaudissements sur les bancs du groupe CRCE et sur plusieurs bancs du groupe SOCR ; Mme Marie-Thérèse Bruguière applaudit aussi.)

Droits des femmes

Mme Corinne Féret .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR) Je vois que Mme Darrieusecq me répondra en lieu et place de la ministre du travail. Il suffit d'observer les cortèges qui défilent dans nos rues pour constater à quel point les femmes sont frappées par l'aggravation de la précarité et des inégalités révélées par la profonde crise sociale actuelle. À la veille du 8 mars, journée internationale des femmes, comment ne pas s'indigner ? Les chiffres sont têtus : à poste égal, une femme touche, en moyenne, 9 % de salaire en moins qu'un homme. Sur l'ensemble de sa carrière, c'est 25 % de moins.

Où sont les actes ? Vous avez créé un « index de l'égalité femme-homme », certes d'intention louable, mais il ne concerne que les entreprises de plus de 1 000 salariés alors que 48 % des salariés travaillent dans les PME. Et comment se fier à cet indicateur si les entreprises s'évaluent elles-mêmes ?

L'égalité homme-femme doit faire l'objet d'une politique coercitive. Pas moins de 62 % de femmes connaîtront la précarité professionnelle au cours de leur carrière contre 32 % des hommes. Le président de la République a déclaré que l'égalité homme-femme serait une des grandes causes du quinquennat. Mais pour l'instant, le budget pour cette cause n'est que de 80 millions d'euros, soit 0,066 % du budget national...

Mme la présidente.  - Il faut conclure.

Mme Corinne Féret.  - Quelles mesures prendrez-vous pour être à la hauteur de vos engagements en faveur des femmes ? (Applaudissements sur les bancs des groupes SOCR et CRCE)

Mme Geneviève Darrieussecq, secrétaire d'État auprès de la ministre des armées .  - Les femmes sont les premières victimes de la pauvreté, du travail partiel subi, des inégalités salariales, des petites retraites. On les a entendues sur les ronds-points. L'égalité homme-femme est la grande cause du quinquennat.

Une voix sur les bancs du groupe CRCE.  - Ça ne se voit pas !

Mme Geneviève Darrieussecq, secrétaire d'État.  - Nous développons la mixité des filières avec la Fondation France numérique, avec la création d'un fonds en faveur de l'égalité professionnelle dans la fonction publique, lancé il y a quelques jours par Olivier Dussopt. Congés maternité améliorés, transparence sur les places en crèche, développement de l'entreprenariat au féminin, nominations paritaires dans les entreprises, telles sont quelques-unes des mesures que nous avons développées. C'est un combat culturel que nous devons mener à tous les niveaux en commençant par celui de l'éducation.

Fermeture de sites sucriers

M. Jérôme Bignon .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Indépendants) Protéger, transformer, anticiper : voilà les trois piliers de notre politique agricole selon le président Macron. L'entreprise Südzucker ne les respecte pas, qui a décidé de fermer trois de ses usines de Saint-Louis sucre en France, notamment celle d'Eppeville dans la Somme.

Heureusement que l'Allemagne et la France sont étroitement unies par différents traités de coopération, le dernier signé à Aix-la-Chapelle, et que la PAC existe depuis le traité de Rome !

Malheureusement, à la veille des élections européennes, le capitalisme débridé dégrade les écosystèmes locaux ; avec pas moins de 1 275 exploitations agricoles touchées, soit 20 000 hectares, dans la Somme, l'Aisne, l'Oise et le Pas-de-Calais. Les 600 emplois directs, les emplois indirects, les transporteurs, les sous-traitants, les commerces locaux et les entrepreneurs agricoles en subissent les conséquences.

La filière sucrière contribue pourtant à réduire le déficit annuel de notre balance commerciale de 1,3 milliard d'euros. Le Gouvernement doit tout mettre en oeuvre pour éviter que la décision du Südzucker se concrétise. Il s'agit d'une filière performante déjà durement affectée par la fin des quotas et la chute des prix.

Le Sénat veut être associé aux négociations que vous avez annoncées avec la Commission européenne, comme l'Assemblée nationale. Quelles sont les perspectives d'avancement de ce dossier ? (Applaudissements)

M. Didier Guillaume, ministre de l'agriculture et de l'alimentation .  - La décision unilatérale de Südzucker de fermer trois sites, ou quasiment, est inacceptable. La situation est grave pour les filières sucrière et betteravière, même si cette dernière n'est pas menacée dans son ensemble.

Nous travaillons avec l'ensemble des coopératives. Cet après-midi, à 17 heures, l'ensemble des parlementaires sont invités au ministère de l'agriculture et de l'alimentation, car c'est par la transparence et la solidarité que nous avancerons. Nous ne pouvons pas laisser faire les choses. Vous m'avez interpellé, ainsi que le sénateur Daniel Dubois et les sénatrices Corinne Féret et Samia Ghali. La semaine prochaine, avec Bruno Le Maire, nous rencontrerons le président de Südzucker qui menace 17 % de la filière betteravière française, dont nous voulons réorienter la réorganisation. Le Gouvernement sera au rendez-vous pour accompagner la filière, avec les parlementaires, et négocier avec l'entreprise. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe Les Indépendants)

M. Jérôme Bignon.  - Ce capitalisme sauvage entre États membres, les usages dévoyés de l'argent public ne sont pas acceptables. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Indépendants, ainsi que sur quelques bancs des groupes UC et RDSE)

Gazoduc en Corse

M. Jean-Jacques Panunzi .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) La Corse a été le premier territoire français à se doter d'une programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE) en 2015, en misant sur l'efficacité énergétique et une meilleure intégration des énergies renouvelables.

Or cette PPE, unanimement saluée et validée par les parties prenantes, semble remise en question. Nicolas Hulot, juste avant sa démission, l'a laissé entendre dans une lettre à la Collectivité de Corse.

Quelles sont les intentions du Gouvernement ? Il y a urgence. Les sites actuels sont censés être déclassés en 2023, notamment la centrale du Vazzio, qui vieillit et fonctionne au fuel lourd. Aller au-delà de 2023, ferait peser un risque sur l'alimentation énergétique de la Corse et serait inacceptable pour la population du pays ajaccien.

Le décret du 18 décembre 2015 sera-t-il respecté, qui prévoyait la réalisation d'une infrastructure d'alimentation au gaz naturel de la Corse ...

Mme la présidente. - Veuillez conclure.

M. Jean-Jacques Panunzi.  - ... mais aussi d'un cycle combiné d'une puissance de 250 MW dans la région d'Ajaccio ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)

Mme Jacqueline Gourault, ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales .  - Un tiers de l'électricité corse provient en effet de centrales au fioul, situées à Ajaccio et à Bastia, vieillissantes et polluantes. Elles devaient être remplacées par des centrales à gaz. Un projet consistait à installer une barge de gaz à Bastia qui alimenterait le reste du territoire par gazoduc. Mais cela soulève beaucoup de difficultés, eu égard au terrain montagneux et au morcellement du foncier en parcelles privées dont le régime est complexe.

Le ministre de la Transition écologique a récemment exprimé ses doutes sur la faisabilité du projet au président Simeoni, en ma présence, et proposé un second terminal de gaz immergé au large d'Ajaccio. Nous restons engagés sur ce projet.

Violences faites aux femmes

Mme Annick Billon .  - Le président a affirmé en novembre 2017 que l'égalité entre les femmes et les hommes était la grande cause du quinquennat. À la veille du 8 mars, j'attire votre attention sur la recrudescence des féminicides.

Depuis janvier 2019, 30 femmes ont été tuées par leur conjoint, soit deux fois plus que l'année précédente à la même époque. 225 000 femmes sont victimes de violences conjugales.

En 2018, dans le sillage de l'affaire Weinstein, les plaintes pour viol ont augmenté de 17 % et celles pour agressions sexuelles de 20 %. Or les condamnations effectives stagnent.

La délivrance d'ordonnances de protection par le juge aux affaires familiales, qui ne nécessite pas de plaintes, est loin d'être systématique.

La lutte contre les violences faites aux femmes doit être globale. Seuls 80 millions d'euros sur les 420 millions d'euros prévus sont dédiés chaque année à la lutte contre ces violences.

Le Gouvernement se donne-t-il les moyens de lutter contre les féminicides? (Applaudissements sur les bancs des groupes UC, RDSE et Les Républicains)

Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé .  - Veuillez pardonner l'absence de Mme Schiappa (Murmures ironiques sur les bancs des groupes Les Républicains et UC) L'égalité entre les hommes et les femmes est une des grandes causes de ce quinquennat. Depuis notre arrivée au pouvoir, cette politique est largement interministérielle. Pas moins de 530 millions d'euros ont été inscrits au budget 2019, c'est le budget le plus important jamais dédié à cette cause à ce jour.

Parmi les plus de 100 mesures concrètes qui ont été prises, je citerai le délit d'outrage sexiste, pour sanctionner le harcèlement de rue, dont Mme Schiappa a porté la création. La France est le premier pays au monde à le mettre en oeuvre. En six mois, plus de 330 amendes ont été infligées allant jusqu'à 750 euros.

Mme Patricia Schillinger.  - Très bien !

Mme Agnès Buzyn, ministre.  - Ce dispositif sera évalué par le Parlement au début de l'été.

Je citerai également l'égalité salariale avec la loi de Mme Pénicaud mais vous m'interrogez sur les féminicides. Nous avons ainsi créé dix centres de prise en charge des psychotraumatismes pour les femmes victimes de violences. C'est une première mondiale.

Vous le voyez, le Gouvernement est tout entier mobilisé. (Mme Patricia Schillinger applaudit.)

Lignes aériennes d'aménagement du territoire

Mme Josiane Costes .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe RDSE) Le groupe RDSE est très préoccupé par la question des mobilités, il veut agir efficacement pour sortir les territoires fragiles d'un enclavement mortifère qui est souvent routier, ferroviaire, aérien mais aussi numérique. Nous espérons que votre projet de loi Mobilités reprendra sa proposition de loi, que le Sénat a votée le 20 février dernier par 305 voix.

J'insisterai sur la desserte aérienne et les lignes d'aménagement du territoire. Au-delà des moyens, que vous avez prévu d'augmenter, il faut s'inquiéter de la qualité du service : elle est de plus en plus déplorable malgré le prix prohibitif des billets et l'aide des pouvoirs publics. Annulations fréquentes, retards, la compagnie nationale, en situation de quasi-monopole, traite ces lignes comme secondaires. Il n'est pas concevable, en 2019, de traiter ainsi nos compatriotes habitant dans des territoires fragiles.

Reprendrez-vous la proposition de loi du Sénat ? Quelles mesures prendrez-vous pour que les voyageurs bénéficient de tarifs raisonnables et d'un service digne de ce nom ? (Applaudissements sur les bancs du groupe RDSE)

Mme Élisabeth Borne, ministre auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports .  - Je l'ai dit, je partage largement les orientations de votre proposition de loi et la loi Mobilités devrait répondre à vos attentes. Ces liaisons aériennes sont essentielles, c'est pourquoi j'ai quadruplé leur budget. Dès 2019, l'on en ressentira le bénéfice à Limoges, Castres, Quimper, Poitiers et La Rochelle. Nous n'avons pas attendu pour agir.

Il y a plusieurs mois, j'ai demandé un programme d'action à Hop, qui a réduit les annulations et les retards. L'organisation et la gestion des vols seront reprises directement par Air France. Les appareils de type ATR seront retirés de la flotte en 2020.

Au demeurant, ces liaisons sont régulièrement remises en concurrence, on peut espérer que ce soit l'occasion d'une amélioration de leur qualité. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM ; M. Jean-Claude Requier applaudit également.)

Mme Josiane Costes.  - Il le faut car les habitants et les entreprises de ces territoires pâtissent de cette situation. Nombre de rendez-vous d'affaires sont manqués à cause de vols annulés ou retardés. (Applaudissements sur les bancs du groupe RDSE ; Mme Patricia Schillinger applaudit également.)

Politique industrielle

Mme Laurence Harribey .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR) En 2017, le Gouvernement a fait de la réindustrialisation une priorité. Mais les faits sont cruels : 850 emplois rayés de la carte chez Ford, 450 suspendus à des plans de reprise chez Arcoval, 750 aux Fonderies du Poitou, 900 dans les sites sarthois du papetier Arjowiggins. Et la liste n'est pas close... Le Gouvernement a jugé indigne l'attitude de Ford. Au-delà de l'indignation, quelle est la colonne vertébrale de sa politique industrielle ? Pourquoi se désengager d'industries stratégiques quand la Chine et les États-Unis font le contraire ? Les reproches que vous avez adressés aux Pays-Bas vis-à-vis d'Air France-KLM étonnent au regard de l'énergie que vous avez déployée pour privatiser Aéroports de Paris.

Quelle est votre politique industrielle ? Y a-t-il un État stratège ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR)

Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances .  - Les faits sont têtus. La France crée plus d'emplois industriels qu'elle n'en détruit, la France ouvre plus de sites qu'elle n'en ferme. La situation est nouvelle depuis deux ans. (Exclamations ironiques sur les bancs des groupes SOCR et Les Républicains) Depuis deux ans, nous avons mis en place une politique industrielle ambitieuse... (Les exclamations redoublent.)

M. Rachid Temal.  - ... qui se résume à l'ISF ?

Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d'État.  - L'emploi industriel chutait depuis vingt ans ; il augmente depuis deux ans, parce que nous développons des contrats stratégiques pour 18 filières.

La France est devenue la première destination industrielle des investissements directs étrangers. Toyota a investi 300 millions d'euros ; Daimler, 500 millions d'euros.

Le premier blocage, c'est le recrutement : 50 000 emplois industriels ne sont pas pourvus. (Protestations sur les bancs du groupe SOCR)

Ford, Blanquefort, Ascoval, oui, il y a des guerres que nous perdons mais pourquoi ne parlez-vous pas des 3 000 emplois sauvés chez William Saurin, de ceux sauvés chez Doux ? Trois entreprises menacées sur quatre sont redressées grâce à nous. (On en doute sur les bancs des groupes SOCR et Les Républicains ; applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)

Mme Laurence Harribey.  - Soyons sérieux ! Arracher 20 millions d'euros à un groupe comme Ford qui en a touché 24, plus 500 millions de CICE, est-ce une stratégie industrielle ? Alors, quelques pistes. Responsabiliser les grands groupes : si Renault pérennise ses commandes aux Fonderies du Poitou, la reprise devient crédible. S'appuyer sur les régions car les résultats que vous donnez sont ceux de leur politique industrielle : en Nouvelle-Aquitaine, « Usines du Futur » a accompagné près de 300 entreprises, représentant 35 000 emplois en deux ans. Enfin, oser une coopération industrielle européenne, à l'image d'Airbus. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR)

Hidjab

Mme Céline Boulay-Espéronnier .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) De l'autre côté de la Méditerranée, des femmes courageuses dénoncent un instrument d'oppression dans le voile sous le hashtag « Prisonnières du hidjab ». Chez nous aussi, la pression des quartiers et des familles ne laisse que peu de choix à certaines femmes, en particulier les plus jeunes. Or la position de votre majorité reste ambiguë alors que la France, la nation des droits de l'homme, devrait faire entendre un message clair. Le 16 avril 2018, le président de la République déclarait : « le voile n'est pas conforme à la civilité qu'il y a dans notre pays. » Le 28 février dernier, il se muait en défenseur du voile, expliquant que « les entreprises qui discriminent les femmes voilées à l'embauche devaient être sévèrement sanctionnées. » Un député de la majorité a fait un amalgame surréaliste entre hidjab et serre-tête.

Le voile est-il, oui ou non, un instrument d'oppression des femmes ? Que faites-vous pour les femmes contraintes de le porter en France ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains ; Mme Colette Mélot et M. Franck Menonville applaudissent également.)

Mme Geneviève Darrieussecq, secrétaire d'État auprès de la ministre des armées .  - La laïcité est la règle dans notre pays. (Exclamations ironiques à droite)

Plusieurs voix sur les bancs du groupe SOCR.  - Ce n'est pas la règle, c'est la loi !

Mme Geneviève Darrieussecq, secrétaire d'État.  - Elle est inscrite au fronton de toutes nos institutions. (Mme Patricia Schillinger applaudit.)

M. Roger Karoutchi.  - Pas dans nos rues !

Mme Geneviève Darrieussecq, secrétaire d'État.  - Nous devons respecter la liberté de chacun de porter les attributs vestimentaires de son choix dans l'espace public.

Mme Céline Boulay-Espéronnier.  - Ce n'est pas la question !

M. Bruno Retailleau.  - Y compris le niqab ?

Mme Geneviève Darrieussecq, secrétaire d'État.  - Pour le reste, je préfère une vraie diplomatie féministe (On se gausse chez Les Républicains.) qui défende des conceptions qui sont universelles comme la lutte contre les violences faites aux femmes, l'égalité entre les hommes et les femmes, l'émancipation des femmes.

Mme Sophie Primas.  - Vous restez dans l'ambiguïté !

Mme Geneviève Darrieussecq, secrétaire d'État.  - C'est en ce sens que travaille Mme Schiappa. (Nouvelles exclamations ironiques à droite) C'est aussi le sens du prix Simone Veil que le président de la République décernera prochainement.

Ce dont vous parlez, en réalité, c'est d'égalité entre les hommes et les femmes. Quoi qu'il en soit, la laïcité est la règle dans la République française.

M. Philippe Pemezec.  - Vous vous dérobez !

Mme Céline Boulay-Espéronnier.  - Votre réponse est en décalage total. Vous devez réaffirmer nos valeurs universalistes. Le relativisme que pratique votre Gouvernement est insupportable. Il faut nommer les problèmes pour mieux les combattre. Il est plus que temps ! (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains et sur quelques bancs du groupe UC)

Attaque de la prison de Condé-sur-Sarthe

Mme Nathalie Goulet .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe UC) Comme sénatrice de l'Orne, je n'ai pas la même vision de la situation que vous de l'attaque de Condé-sur-Sarthe. Je suis partagée entre colère et découragement. Comment comprendre l'improbable et surréaliste régime des fouilles ? En 2017, plus de 90 000 objets ont été introduits dans les prisons, dont 40 000 téléphones. Et je ne parle pas de la créativité des détenus à fabriquer de tout objet des armes par destination. Les gardiens n'ont toujours pas de gilet pare-lame. Comment expliquer l'accès d'un détenu signalé pour faits de radicalisation à une unité de vie familiale ? Quel calendrier et quelles mesures pour mieux protéger nos surveillants ? Ne les laissons pas avoir le sentiment que le confort des détenus passe avant leur sécurité. (Applaudissements sur les bancs des groupes UC et Les Républicains)

M. Ladislas Poniatowski.  - Très bien !

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice .  - Madame la sénatrice, je connais vos réflexions sur la question de la radicalisation, j'ai lu ce que vous avez écrit.

La détermination du Gouvernement à lutter contre la radicalisation en prison est totale. Nous avons agi pour prendre en charge les personnes radicalisées. Depuis janvier, il existe cinq quartiers d'évaluation de la radicalisation, contre deux l'an dernier. Nous avons mis en place un système de détention de ces individus dans des lieux adaptés : ils doivent être placés dans des quartiers d'isolement ou de prévention de la radicalisation. Et ce, afin d'éviter le prosélytisme. Cela se construit progressivement.

Nous avons renforcé la sécurité des établissements avec un nouveau système de brouillage des téléphones portables, qui sera déployé en commençant par la Santé et la prison de Vendin-le-Vieil, et un nouveau système contre les drones. Le budget pour la sécurisation des établissements pénitentiaires a augmenté de 16 %.

Nous agissons aussi pour la protection du personnel pénitentiaire. Nous déployons des équipements nouveaux, plus de 1 500 gilets pare-lame à ce jour et nous continuerons. La sécurité des Français est notre priorité, la sécurité des surveillants pénitentiaires l'est tout autant.

M. François Grosdidier.  - Il faut autoriser les fouilles systématiques !

Mme Nathalie Goulet.  - Il n'y a pas de baguette magique contre la radicalisation en prison, sinon le Sénat aurait trouvé la solution depuis longtemps. Ce phénomène ne date pas d'hier, Farhad Khosrokhavar l'a bien montré. On sait qu'il faut du temps au temps mais le personnel manque d'équipements et de formation. L'évaluation de la radicalisation est d'autant plus essentielle que des encombrants vont revenir d'Irak dont on ne sait que faire. (Applaudissements sur les bancs des groupes UC et Les Républicains)

Politique touristique

Mme Catherine Dumas .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) Selon une note interne du Quai d'Orsay, on envisage de soumettre Atout France à un plan drastique : une amputation d'un tiers de sa masse salariale, quatre millions d'euros d'économies. Business France serait aussi concerné. Ces coupes claires entraîneraient la fermeture de plusieurs bureaux à l'étranger et affecteraient notre rayonnement.

À l'heure où les mouvements sociaux que nous subissons dégradent notre attractivité, quelle est votre ambition pour la promotion du tourisme ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe Les Républicains)

M. Marc Fesneau, ministre auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement .  - Le tourisme est un secteur clé et le Gouvernement fait du développement touristique l'une de ses priorités. En 2018, 90 millions de touristes étrangers ont visité notre territoire. C'est bien, mais il faut faire mieux.

Le plan Action publique 2022 entraîne logiquement la transformation des opérateurs de l'État, elle se fera à la lumière de l'évaluation de leur efficacité. Une réflexion stratégique sera menée sur la meilleure manière d'assurer la promotion touristique.

Concernant son financement, le Gouvernement s'est engagé, lors du conseil interministériel du tourisme du 19 janvier 2018 à apporter des ressources supplémentaires pérennes via les visas tout en continuant d'appliquer le modèle partenarial qui fait la caractéristique de notre politique touristique.

Le Gouvernement a conforté Atout France dans sa mission avec « France Tourisme Ingénierie » qui viendra en appui des territoires pour mener des projets d'envergure. Car c'est en agissant sur la demande et sur l'offre face à une clientèle mondiale toujours plus exigeante que nous atteindrons nos objectifs et ferons du tourisme un vecteur de croissance et d'emploi.

Mme Catherine Dumas.  - J'entends votre ambition, mais, membre du conseil interministériel du tourisme, je réaffirme qu'un vaste plan social à Atout France serait un paradoxe au regard des objectifs que vous fixez et de la concurrence de plus en plus vive des autres pays d'Europe et du reste du monde. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains)

Communes nouvelles

M. Stéphane Piednoir .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) Après un début de quinquennat à marche forcée, on sent un net ralentissement. Depuis le 15 janvier, le temps législatif est figé : les projets de loi sont reportés, les réformes sont suspendues dans l'attente des conclusions du grand débat.

Le 11 décembre dernier, le Sénat votait une proposition de loi de Mme Gatel qui apportait de la souplesse au fonctionnement des 755 communes nouvelles qui regroupent 2,5 millions de Français. Ce texte, soutenu par le Gouvernement, est très attendu, notamment dans mon département de Maine-et-Loire.

L'Assemblée nationale, qui avait inscrit ce texte à son ordre du jour, a reporté son examen sine die. Rassurez-nous : il ne s'agit pas d'un abandon ? (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains et UC ; M. Jean-Marc Gabouty applaudit également.)

M. Ladislas Poniatowski.  - D'un enterrement !

Mme Jacqueline Gourault, ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales .  - Les communes nouvelles ont été créées par la loi de 2010 et réformées en 2015 par le député Jacques Pélissard. Elles ont connu un grand succès : 2 508 communes se sont regroupées pour créer 774 communes nouvelles. En 2019, 239 se sont créées. Cela porte le nombre total de communes à 34 970.

Cette politique connaît un succès particulier dans l'ouest de la France, dans le Maine-et-Loire que vous représentez, mais aussi dans la Manche, le Calvados et l'Eure. Mais il ne faut pas y voir un quelconque effet de l'accompagnement financier... (Sourires entendus)

La proposition de loi, que le Sénat a adoptée en décembre, vise à faciliter le développement des communes nouvelles, notamment en aménageant la composition des conseils municipaux durant la deuxième période. Il est nécessaire d'envisager l'examen, par l'Assemblée nationale, de ce texte, que le Gouvernement a soutenu, à la lumière des concertations avec les maires dans le cadre du grand débat. D'où la nécessité de le différer. Ne voyez pas le mal partout !

M. François Patriat.  - Très bien !

M. Stéphane Piednoir.  - Entendrez-vous la volonté des parlementaires qui travaillent en étroite collaboration avec les élus locaux ? Allez-vous, enfin, respecter leur travail plutôt que de consacrer votre temps à l'animation du show médiatique de votre mentor ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains ; M. Olivier Cigolotti applaudit également.)

La séance est suspendue à 16 h 5.

présidence de M. Jean-Marc Gabouty, vice-président

La séance reprend à 16 h 15.