Débat sur le bilan de l'application des lois

M. le président.  - L'ordre du jour appelle le débat sur le bilan de l'application des lois.

Notre séance plénière se tient dans la salle Clemenceau. Je rappelle que le groupe de réflexion sur les méthodes de travail du Sénat avait proposé, à l'initiative de ses deux rapporteurs, MM. Roger Karoutchi et Alain Richard, d'utiliser plus souvent cette faculté. Nous l'avons peu utilisée, mais nous y reviendrons...

Le bilan de l'application des lois prend cette année une forme un peu particulière, puisqu'il portera sur l'ensemble du quinquennat : plus exactement, sur 47 lois qui ont été jugées par les commissions comme les plus significatives.

Comme vous le savez, le Sénat attache une importance particulière au contrôle de l'application des lois, qui constitue depuis 1972 une spécificité de notre assemblée.

La Conférence des présidents a prévu cette année une organisation plus interactive de la discussion, afin que le dialogue s'engage, monsieur le ministre, de manière dynamique et constructive sur les points essentiels que soulèveront les présidents de commission et les orateurs des groupes.

Avec votre autorisation monsieur le ministre, je voudrais saluer l'attention portée par M. Marc Guillaume, Secrétaire général du Gouvernement, à la publication dans les meilleurs délais des nombreux textes d'application. Il a été entendu le 24 janvier dernier par le président Claude Bérit-Débat, en présence des présidents de commission ou de leurs représentants.

Sans plus attendre, je donne la parole pour dix minutes au président Claude Bérit-Débat, président de la délégation du Bureau chargée du travail parlementaire, du contrôle et des études, que je remercie pour la qualité de son rapport d'information sur le bilan de l'application des lois du quinquennat au 31 décembre 2016.

M. Claude Bérit-Débat, président de la délégation du Bureau chargée du travail parlementaire, du contrôle et des études .  - La séance publique de cet après-midi va nous permettre de faire le point sur l'application des lois, et je tiens à vous remercier de votre présence, monsieur le ministre.

Ce rendez-vous annuel poursuit cette année un objectif précis. Il n'est, en effet, pas seulement ici question de débattre, comme à l'accoutumée, de l'application des lois à l'aune des chiffres de la session parlementaire précédente ou de la législature en cours - exercice qui viendra dans les mois à venir - mais de se pencher sur l'application des lois considérées comme significatives par les commissions permanentes et promulguées au cours du quinquennat qui s'achève.

Tous les chiffres relatifs à ces lois significatives figurent dans mon rapport écrit.

Ces données ont été établies à partir des bilans détaillés des commissions permanentes - dont je salue la qualité - et des statistiques de la direction de la législation et du contrôle du Sénat, après recoupement avec les chiffres concordants du Secrétariat général du Gouvernement.

Comme en 2015 et 2016, dans le cadre du contrôle annuel de l'application des lois, nous avons également entendu le Secrétaire général du Gouvernement, M. Marc Guillaume.

Les sept commissions permanentes ont sélectionné 47 lois considérées comme significatives, dont le détail est fourni dans le rapport. Leurs dispositions cumulées nécessitent près de 1 600 mesures d'application de toute nature.

À l'exception de deux textes, le choix des commissions s'est porté sur des lois d'origine gouvernementale. La taille des lois sélectionnées est variée. Alors que certaines illustrent bien le phénomène souvent décrit selon lequel les textes législatifs sont de plus en plus volumineux, d'autres lois significatives sont, à l'inverse, de taille plus modeste, mais revêtent néanmoins une portée politique justifiant leur entrée dans notre champ.

La loi la plus ancienne retenue a été promulguée fin décembre 2012 alors que les textes les plus récents datent du mois d'août dernier. Le délai de six mois que s'est fixé le Gouvernement pour appliquer les lois n'était donc, en ce qui concerne ces derniers textes, pas échu à la date du 31 décembre 2016, date d'établissement de nos statistiques. Nous en avons tenu compte. Ainsi, notre champ statistique est réduit à 33 textes puisque ont été soustraites sept lois d'application directe étudiées sous leurs seuls aspects qualitatifs par les commissions; trois collectifs budgétaires analysés sous l'angle de seulement quelques dispositions ainsi que les quatre lois promulguées après le 1er juillet 2016.

Le taux d'application des mesures de ce champ statistique est notable. Il atteint 86 % au 31 décembre 2016, selon les données de la base Apleg, alors que le taux de mise en application de l'ensemble des dispositions législatives de la XIIIe législature prescrivant un texte réglementaire était de 73 % à la fin du mois de décembre 2011.

Le taux d'application de 86 % est donc élevé. Les développements des bilans des commissions permanentes ne manquent pas de le souligner pour les lois qui les concernent, même si les réserves habituelles sur la portée relative des taux d'application sont souvent rappelées.

S'il ne s'agit pas d'un taux global, il semble cohérent avec la tendance à la hausse du taux d'application des lois depuis le début du quinquennat. Cette tendance est illustrée par l'évolution des taux d'application session par session présentée par les rapports d'information annuels du Sénat sur le sujet mais également par les bilans semestriels et désormais mensuels produits par le Gouvernement.

Le prochain bilan annuel sur l'application des lois qui prendra place au printemps prochain nous permettra, je l'espère, de constater une nouvelle fois cette tendance.

Enfin, un léger bémol concerne le taux de dépôt des rapports que le Gouvernement doit, le cas échéant, remettre au Parlement, qu'il s'agisse du rapport de droit commun sur la mise en application des lois prévu par l'article 67 de la Ioi de simplification du droit de 2004, ou des rapports ad hoc éventuellement prévus par certains textes.

En effet, pour les 33 textes considérés, le taux de dépôt des rapports relevant de l'article 67 précité avoisine seulement 60 %.

Votre communication en Conseil des ministres le 8 février dernier, monsieur le ministre, mentionne un taux d'application des lois de 90 % et cette déclaration : « l'ensemble des ministères poursuivront leurs efforts jusqu'à la fin du quinquennat, afin de maintenir le taux d'application des lois à un très haut niveau ».

Il est vrai que la qualité des taux d'application résulte du travail particulièrement significatif qui a été mis en oeuvre par le Gouvernement pour les obtenir. Le niveau très satisfaisant atteint par les chiffres actuels ne sera maintenu que si les efforts et la vigilance nécessaire sont conservés jusqu'à la fin de ce quinquennat, mais principalement au cours du prochain, par les futurs gouvernements.

Les enjeux de la qualité de l'application des lois dépassent de loin les seules questions juridiques qui y sont souvent attachées. Bien qu'administratif, le travail d'application des lois est empreint d'une profonde portée politique puisqu'il garantit la crédibilité de nos institutions démocratiques.

La qualité de l'application des lois est, en effet, une réponse définitive aux critiques populistes fréquentes qui remettent en cause l'effectivité des textes que nous votons et, par là même, l'essence du travail parlementaire.

Il n'est plus aujourd'hui possible de reprendre l'idée facile mais fausse selon laquelle les lois ne sont pas appliquées. Les faits sont là.

M. André Vallini, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement .  - Merci de m'accueillir pour ce dernier exercice annuel de la législature. Je remercie M. Claude Bérit-Débat, l'ensemble des présidents de commission ainsi que les services du Sénat, qui permettent de suivre avec précision le travail réalisé et les efforts restant à fournir afin que les lois votées ne restent pas lettre morte et se traduisent en réalités concrètes pour nos concitoyens.

Depuis 2012, l'application des lois est au coeur des préoccupations du président de la République et du Gouvernement : outre la mise en place du Comité interministériel de l'application des lois, que j'ai réuni il y a deux semaines et que je réunirai à nouveau dans la deuxième quinzaine de mars avec le Secrétaire général du Gouvernement, le suivi de l'application des lois fait toujours l'objet de communications régulières en Conseil des ministres et d'une grande attention, mêlée d'inquiétude, de la part de mes collègues. (Sourires)

Nous avons atteint d'excellents résultats. Bien que quelques modalités de calcul diffèrent, notamment sur les mesures de nature infra-décrétale et les décrets « spontanés », le Gouvernement parvient au même constat : au-delà de ce taux global prenant en compte la « règle des six mois », le taux d'application des lois s'est amélioré de plus de dix points par rapport à celui de la fin de la précédente législature.

Vous avez opté pour un bilan plus ciblé et qualitatif sur quarante-sept lois. Dans son rapport, le président Bizet a aussi pris en compte l'échelon européen. L'amélioration des résultats est indéniable. L'effort ne doit pas être relâché dans les derniers mois du quinquennat.

Des retards portent sur quatre textes promulgués il y a plus d'un an. Sur la loi ALUR, une dizaine de mesures restent à prendre. Sur la loi de transition énergétique, onze mesures sont attendues. L'application de la loi d'adaptation de la société au vieillissement nécessite encore dix mesures.

La loi relative à la création artistique et au patrimoine doit être complétée par 38 mesures ; la loi sur la biodiversité par 23 mesures.

Quant à la loi Travail, elle est déjà applicable à 80 %, 102 des 124 mesures ayant déjà été prises. Elle doit cependant être complétée par 22 mesures.

Les lois pour une République numérique, Égalité et citoyenneté ou encore pour la sécurité publique nécessitent aussi des mesures additionnelles. Les semaines qui viennent nous réservent encore beaucoup de travail.

M. le président.  - Nous allons maintenant procéder au débat interactif   chaque orateur peut intervenir pour deux minutes maximum avec possibilité d'une réponse du Gouvernement pour une durée équivalente.

Débat interactif

Mme Michèle André, présidente de la commission des finances .  - Il est subjectif de sélectionner les lois significatives votées au cours d'un quinquennat qui restera notamment marqué par de nombreuses et importantes réformes fiscales. Au-delà du décompte des textes d'application, la commission des finances, par ses travaux de contrôle, suit la manière dont les lois sont mises en oeuvre.

L'application de certaines lois est un travail de longue haleine. La révision des valeurs locatives des locaux d'habitation a été relancée à l'initiative du Sénat, dans des conditions précisées depuis cinq ans par plusieurs lois de finances. Le ministre du budget nous présentait à l'instant en commission le bilan de l'expérimentation. Le prochain gouvernement devra se saisir de ce sujet.

Certaines lois sont appliquées mais ne produisent pas les effets attendus. Je pense par exemple aux dispositions sur la gouvernance des finances publiques qui figurent dans les lois de programmation des finances publiques. Par exemple, les revues de dépenses devaient favoriser l'identification des gisements d'économies budgétaires mais aucune n'a débouché sur des réformes d'ampleur. Quel jugement portez-vous sur cette expérience ?

Certaines lois ne sont pas appliquées comme prévu. Par exemple, nous avons créé par une loi de 2012 la Banque publique d'investissement, qui devient un acteur incontournable du financement de l'économie mais qui ne verse toujours aucun dividende à l'État, contrairement par exemple à la Banque de France ou à la Caisse des dépôts. Le Gouvernement pense-t-il que cette situation sera durable ?

D'autres lois sont voulues par le Parlement mais leur mise en oeuvre est interrompue par des décisions du Conseil constitutionnel, saisi de questions prioritaires de constitutionnalité. Nos auditions organisées à la suite des Panama Papers ont montré que le registre des trusts créé en 2013 constituait un outil très utile dans la lutte contre la fraude et l'évasion fiscales. Or, en octobre 2016, le Conseil constitutionnel a censuré le caractère public de ce registre et nous attendons le décret sur sa nouvelle mouture.

J'insiste sur le caractère parfois utile des rapports demandés au Gouvernement. En 2014, notre rapporteur François Marc a demandé un rapport sur l'application de la loi Eckert sur les contrats d'assurance et les comptes bancaires en déshérence, déposé en 2016. Albéric de Montgolfier y a découvert que 6,7 milliards d'euros de retraites supplémentaires n'étaient pas versés à leurs bénéficiaires et a donc amendé la loi Sapin 2 pour prévoir une obligation pour les compagnies d'assurances d'informer les bénéficiaires de ces contrats. Les rapports sont donc aussi un outil d'évaluation de l'application des lois.

M. André Vallini, secrétaire d'État .  - Les revues de dépenses sont un exercice utile, que nous souhaitons poursuivre. En 2016, 500 millions d'euros d'économies en provenant étaient proposées ; en 2017, 400 millions d'euros. Ces montants peuvent paraître faibles, mais ils ne concernent pas que l'État : pas moins de 22 % des recommandations en 2016 étaient adressées aux collectivités.

La BPI a été créée en 2013. Son actionnariat est composé de la Caisse des dépôts et d'un établissement public (Bpifrance). Les mécanismes sont donc difficiles à suivre, compte tenu de décalages temporels qui peuvent être importants. L'État devrait toucher entre 115 et 120 millions d'euros pour les années 2016 et 2017.

La censure du registre public des trusts pour atteinte au droit au respect de la vie privée n'affecte pas notre capacité à lutter contre la fraude.

D'un point de vue général, Parlement et Gouvernement ont suscité une rupture en matière de fraude fiscale, avec l'adoption de 80 mesures.

Mme Élisabeth Lamure, vice-présidente de la commission des affaires économiques .  - Le bilan établi en ce début d'année par la commission des affaires économiques étudie l'application de six lois promulguées depuis 2012.

Je souhaite attirer votre attention sur l'application de deux de ces textes, la loi ALUR et la loi Transition énergétique.

Le taux d'application de la loi ALUR était de 84 % au 31 décembre 2016.

Pour la partie de la loi relative au logement, on constate que la majeure partie des modifications portant sur les rapports entre les locataires et les bailleurs sont applicables. La quasi-totalité des mesures relatives à la formation, à la déontologie et au contrôle des professionnels de l'immobilier ont été prises. En matière de prévention des expulsions et de facilitation des parcours de l'hébergement au logement, l'ensemble des mesures attendues a été publié. La quasi-totalité des mesures relatives à l'habitat participatif, plusieurs mesures d'application pour lutter contre l'habitat indigne et l'ensemble des mesures relatives à l'Agence nationale de contrôle du logement social ont été prises.

Si l'on examine les dispositions de la loi relative à l'urbanisme, on constate que 98 % des articles normatifs sont applicables.

Un dispositif emblématique de la loi ALUR, la garantie universelle des loyers, a été abandonné et plusieurs mesures d'application de cette loi restent à prendre, notamment le décret relatif à l'adaptation des caractéristiques de décence aux établissements d'hébergement, qui pourrait conduire à faire sortir du parc de logement de nombreux appartements.

Monsieur le ministre, pouvez-vous nous indiquer précisément quand cette mesure sera prise ?

Au 31 décembre 2016, 83 % des dispositions de la loi Transition énergétique étaient devenues applicables.

Ce bilan globalement satisfaisant n'en reste pas moins en deçà des objectifs très volontaristes affichés par le Gouvernement qui s'était engagé à publier tous les textes avant la fin de l'année 2015.

Des mesures d'application importantes ont été publiées, comme celles relatives à la programmation pluriannuelle de l'énergie, à la réglementation des concessions hydroélectriques ou celles en faveur des industries électro-intensives.

Mais il reste que plusieurs dispositions demeurent inapplicables. Quatre mesures portant sur l'effacement électrique sont encore attendues pour en définir les modalités générales, dresser la liste des différentes catégories d'effacement, arrêter le régime dérogatoire de versement au fournisseur effacé et fixer les règles des appels d'offres à venir.

Là encore, pouvez-vous, monsieur le ministre, nous indiquer précisément quand ces mesures seront prises ?

M. André Vallini, secrétaire d'État.  - La concertation avec la Fondation Abbé Pierre a pris du temps sur le projet de décret d'application de la loi ALUR. Je ne peux pas vous fournir de date.

Les mesures portant sur l'effacement électrique sont regroupées dans le projet de décret relatif à la valorisation des effacements de consommation conduisant à des économies d'énergie significatives, qui précise les catégories d'effacement et encadre pour chacune d'elles la part du versement qui peut être prise en charge par le gestionnaire du réseau public de transport.

Le décret devait être examiné par le Conseil d'État aujourd'hui même. Si un accord est trouvé avec la DGEC, il pourra aboutir très rapidement.

Celui sur les modalités d'appels d'offres n'est pas attendu avant plusieurs mois, car il nécessite des négociations.

M. Christian Cambon, vice-président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées .  - Pour dresser ce bilan, la commission des affaires étrangères et de la défense a tout naturellement choisi la loi de programmation militaire de 2013, actualisée en 2015.

La commission est satisfaite de l'application de ces deux lois : elles ont reçu toutes leurs mesures réglementaires, sauf un arrêté. Nous en donnons acte au Gouvernement.

La commission a toutefois deux regrets.

Le premier - il est de taille - est de n'avoir reçu aucun des bilans annuels politiques, opérationnels et financiers des opérations extérieures en cours. Le Gouvernement aurait dû les transmettre, chaque année, en application de l'article 4 de la loi de programmation de 2013.

Ce rapport est la contrepartie indispensable des modalités d'autorisation des opérations extérieures sous la Ve République : une fois que le Parlement a voté, en application de l'article 35 de la Constitution, au bout de quatre mois, l'autorisation de poursuivre une OPEX est en quelque sorte éternelle ; le Parlement ne se prononce plus.

C'est un système qui a une efficacité toute gaullienne (Sourires) mais aussi quelques limites en matière de contrôle parlementaire...

Ce rapport annuel avait pour objet de rééquilibrer cette architecture en donnant lieu à un bilan et à un débat, qui doit théoriquement se tenir chaque année.

Pas de rapport, donc. La commission a donc choisi de faire son propre bilan dans un rapport d'information en juillet 2016.

Chacun se rappelle que le Gouvernement a finalement décidé de tenir ce débat pour la première fois, trois ans après l'entrée en vigueur de la LPM, en octobre dernier - toujours sans rapport.

Second regret : la programmation militaire n'a pas été actualisée après les attentats du Bataclan.

Le président de la République avait annoncé une augmentation des moyens des forces armées pour protéger le territoire national mais cette augmentation n'a pas été gravée dans le marbre de la loi de programmation.

Notre commission a réclamé une nouvelle actualisation conforme aux annonces du Congrès du 16 novembre 2015, ainsi qu'aux décisions du Conseil de défense du 6 avril 2016.

Il reviendra vraisemblablement au prochain Gouvernement de la réaliser car à ce stade, la programmation comporte plusieurs milliards d'euros d'impasse financière.

M. André Vallini, secrétaire d'État.  - Le ministère de la défense n'a pas rendu le rapport prévu par l'article 4 de la loi de programmation de juillet 2015.

Jean-Yves Le Drian m'a toutefois indiqué son attachement à tenir le Parlement constamment informé sur les OPEX. Depuis juillet 2012, le ministère de la défense a été entendu 93 fois par les trois commissions parlementaires concernées.

Il a été entendu 24 fois par votre commission, à laquelle j'ai appartenu et où j'aurai plaisir à revenir en juin prochain... (Sourires)

M. le président. - Cela figurera au Journal officiel...

M. André Vallini, secrétaire d'État.  - ... dont sept fois en 2013, huit fois en 2014, cinq fois en 2015 et quatre fois en 2016. À chacune de ces occasions, il a présenté aux sénateurs un point complet, opérationnel (cartes des théâtres à l'appui) sur les effectifs déployés et le coût financier des opérations extérieures. À partir de 2015, le point sur les OPEX devant la Commission s'est également enrichi d'un point opérationnel et financier sur l'opération Sentinelle. En outre, neuf déclarations du Gouvernement suivies de débats au titre de l'article 35 de la Constitution furent organisées, pour les opérations Serval (2013), Sangaris (fin 2013-début 2014), Chammal (fin 2014-début 2015), et survol de la Syrie (septembre et novembre 2015).

Sur l'actualisation de la loi de programmation militaire, vous comprendrez que je ne puisse pas vous répondre.

M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales .  - Les lois suivies par la commission des affaires sociales enregistrent un taux de mise en application très satisfaisant.

Un seul texte antérieur au 1er octobre 2015 affiche un taux inférieur à 90 %. Il s'agit de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2015, et je note, monsieur le ministre, que deux mesures dont votre prédécesseur avait annoncé la parution imminente lors du débat de juin dernier sont, à notre connaissance, toujours en attente : l'une sur les achats groupés de vaccins, l'autre sur la régulation par l'assurance maladie des transports de patients par taxi.

Pour les lois plus récentes, nous avons relevé l'effort de mise en application des lois relatives au travail et à l'emploi, y compris la loi du 8 août dernier, même si la majorité de la commission considère que les dispositifs retenus ne sont pas à la hauteur de la situation de notre pays.

Nous suivons très attentivement la mise en oeuvre de la loi sur l'adaptation de la société au vieillissement, à laquelle le Sénat a apporté une contribution importante. Certains textes réglementaires soulèvent des interrogations, tel celui sur les résidences-services ; d'autres sont encore en attente, notamment sur les procédures de transmission d'information.

Nos observations portent principalement sur la loi de modernisation de notre système de santé. Malgré le rythme accéléré de parution des textes réglementaires ces derniers jours, plusieurs dispositions demeurent sans application. C'est le cas par exemple de celles relatives aux compétences de plusieurs professionnels de santé, et notamment aux conditions d'exercice en pratique avancée, pourtant particulièrement attendues par les infirmiers.

Au cours des débats, notre commission avait critiqué le caractère inflationniste de ce texte et mis en doute l'applicabilité même de certaines mesures ajoutées en cours de discussion, tels que l'obligation pour les industriels du tabac de déclarer l'ensemble des dépenses liées à des activités d'influence, le contrôle de la traçabilité des produits du tabac ou l'interdiction du bisphénol A dans les jouets. Peut-être l'absence de parution des mesures réglementaires est-elle liée aux difficultés que nous avions soulevées ?

Enfin, sur d'autres points, les mesures réglementaires ont bien été prises, mais nous avons des réserves, comme sur les conditions retenues pour la définition du projet médical de territoire dans le cadre des groupements hospitaliers de territoire, voire une opposition réitérée, comme sur le tiers payant généralisé.

M. André Vallini, secrétaire d'État.  - Le décret sur les achats groupés de vaccins est prêt mais en attente de l'avis du Conseil national d'évaluation des normes (CNEN), présidé par Alain Lambert, qui devrait se prononcer le 9 mars pour une publication fin mars.

Pour la régulation par l'assurance maladie du transport des patients par taxi, la concertation avec la profession de taxis a été reportée car la période n'y est pas propice.

Le décret d'application de l'article 74 de la loi sur l'adaptation de la société au vieillissement est en cours d'examen au Conseil d'État et devrait sortir en mars.

Le texte d'application des articles 73 et 75 est également en cours d'examen et le Conseil d'État se prononcera le 21 février.

Enfin, sur la loi de modernisation de notre système de santé, 47 mesures sur 153 restent à prendre. Les décrets seront publiés mi-2017.

Sur le tabac, le décret sera publié début mars.

Des expertises techniques sur la migration du bisphénol A sont en cours.

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication .  - Je concentrerai mon propos sur la loi du 7 juillet 2016 relative à la liberté de la création, à l'architecture et au patrimoine, dont la discussion a constitué le coeur de nos travaux la session passée.

J'émets, d'une part, une remarque positive. Nous avons été sensibles au fait que les services du ministère de la culture prennent l'initiative de présenter à Françoise Férat, le rapporteur de notre commission pour le volet patrimoine de cette loi, les projets de décret d'application en cours de concertation avant leur soumission au Conseil d'État. Je n'avais pas rencontré cette pratique par le passé et je ne peux que formuler le voeu qu'elle se développe à l'avenir pour d'autres lois. C'est une manière d'associer le Parlement au devenir des lois, sans interférer sur un processus qui reste, évidemment, l'apanage de l'exécutif.

Je ne peux que regretter qu'autant de retard ait été pris dans la publication des textes réglementaires par rapport au calendrier que le Gouvernement a lui-même annoncé sur le site Legifrance. Monsieur le ministre, vous l'avez-vous-même reconnu. Plusieurs dizaines de décrets, dont la publication devait intervenir avant la fin de l'année dernière, ne devraient pas paraître avant le mois de mars. Je veux bien comprendre que le Conseil d'État ait fort à faire en cette fin de législature, mais pourquoi ne pas l'avoir pris en compte au moment de fixer l'échéancier ? Dans le même ordre d'idées, le délai d'un mois envisagé entre la publication du décret instituant la Commission nationale du patrimoine et de l'architecture et celui établissant la liste et le périmètre des domaines nationaux me semble bien optimiste, sachant que ladite commission doit obligatoirement donner son avis sur le projet de décret relatif aux domaines nationaux. Pensez-vous que l'ensemble des mesures réglementaires pourront être publiées avant la fin du mois d'avril ? Pour certaines de ces mesures, l'urgence est réelle. Je pense en particulier aux labels, qui attendent depuis des mois la publication des décrets et arrêtés. Ces textes, qui fixeront le nouveau cadre de leur partenariat des établissements concernés et collectivités territoriales qui les portent avec l'État, sont indispensables pour leur permettre dès aujourd'hui de construire leurs projets.

M. André Vallini, secrétaire d'État.  - Il reste en effet 38 mesures à prendre sur la loi relative à la liberté de la création, à l'architecture et au patrimoine. Le taux d'application est à ce jour de 12 %. Un projet de décret est au Conseil d'État pour l'article 5 sur les labels.

Des dispositions seront prises en avril. Au total, 250 décrets seraient en attente au Conseil d'État, qui croule sous le travail.

Six décrets correspondant à sept mesures devraient être rapidement publiés dont l'une sur le médiateur de la musique.

Une dizaine de mesures devraient être prises avant fin mars, une quinzaine avant fin avril, les autres d'ici la fin du quinquennat.

M. le président. - Espérons !

M. Hervé Maurey, président de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable .  - Le taux d'application est en effet élevé. Mais en bonne logique, il devrait être de 100 % ! Pourquoi devrions-nous nous satisfaire du fait que 10 % des lois demeurent inapplicables et inappliquées ? Je ne suis pas certain que nos concitoyens comprennent que vous, Gouvernement, n'appliquiez pas les lois que nous votons, et que nous, Parlement, ne vous contrôlons pas davantage...

D'autant que certains de ces dispositifs inappliqués sont loin d'être insignifiants. Parmi ceux-ci figure la règle d'or qui plafonne l'endettement de SNCF Réseau, adoptée en 2014, réaffirmée par la loi Macron. Or c'était l'une des dispositions clé de la réforme ferroviaire, la raison pour laquelle une majorité a pu la voter au Sénat. Pourquoi le Gouvernement tarde-t-il tant à prendre ce décret ?

J'ajoute qu'il a décidé de contourner cette règle pour le financement du Charles de Gaulle Express et qu'il semble vouloir passer outre certaines remarques que lui a faites à ce sujet l'Arafer.

Des dispositifs méconnaissent la volonté du législateur, tel que celui du 1er mars 2016 précisant les modalités de renforcement du contrôle du secteur autoroutier. Il n'a pas prévu la présidence des commissions par une personnalité indépendante, voulue par le législateur. Ce sujet est au coeur des enjeux portés par les plans de relance autoroutiers, de la mobilisation des petites et moyennes entreprises de notre pays et de la création d'emplois sur nos territoires.

M. André Vallini, secrétaire d'État.  - Comme vous l'indiquez, le décret précisant les modalités d'application de cette règle a pris du retard et est encore attendu : l'Arafer a rendu le 30 novembre 2016 un avis sur le projet de décret que lui a soumis le Gouvernement, désormais en cours d'examen par le Conseil d'État. Il devrait être publié dans le courant du mois de mars.

La règle d'or entrera ainsi en application à très court terme, et conduira à interdire la participation de SNCF Réseau au financement d'opérations de construction de lignes nouvelles, tant que sa situation financière ne sera pas rétablie. Le contrat de performance qui sera prochainement conclu entre l'État et SNCF Réseau donnera les moyens nécessaires au redressement de cette situation financière durant la prochaine décennie.

Une dérogation législative concernant la règle d'or pour réaliser le CDG Express, comme Alain Vidalies l'a expliqué au Sénat, n'a rien à voir avec un financement à fonds perdus de SNCF Réseau. Sa présence au capital de l'entreprise est justifiée par le fait que l'entreprise participe aux travaux.

M. Philippe Bas, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale .  - La commission des lois a établi un triple constat. Le premier est celui de l'accroissement du volume des lois, très net en fin de législature.

Le coefficient multiplicateur du nombre d'articles en cours de navette parlementaire a ainsi été de trois à quatre pour plusieurs textes comme la loi Macron, passée de 106 à 308 articles, ou la loi NOTRe, passée de 37 à 136 articles. Par rapport aux législatures précédentes, le coefficient moyen est ainsi passé de 1,83 entre 2007 et 2014 à 2,14 en 2015-2016.

Même si le Parlement doit lui aussi accomplir sa part du chemin, la responsabilité de cette boursouflure législative incombe d'abord au Gouvernement, qui conserve une large maîtrise du processus législatif. Qu'il cesse d'encombrer le calendrier parlementaire avec des textes de circonstance et renonce à parasiter la discussion de ses propres projets par des dizaines d'amendements préparés ou acceptés dans l'improvisation. À titre d'exemple, la loi de modernisation de la justice du XXIe siècle est passée de 54 à 115 articles, avec l'insertion de 55 articles additionnels par l'Assemblée nationale en première lecture, dont les deux tiers à l'initiative du Gouvernement.

Deuxième constat : si la plupart des mesures d'application des lois promulguées sous la législature ont été prises, elles ont souvent tardé : près de 60 % de celles qui relèvent de notre champ ont attendu plus de six mois.

Dernier constat : si, heureusement, la plupart des mesures d'application respectent la volonté du Parlement, certaines sont allées à son encontre. Ainsi, les décrets pris en application de la loi Macron concernant les professions réglementées du droit ont créé un mécanisme de régulation plus administré, plus lourd et plus complexe qu'auparavant, restreint la liberté d'activité et dénaturé les intentions affichées lors de l'adoption de la loi. Pour les seuls notaires, 1 002 offices supplémentaires doivent être créés. Environ 28 000 candidatures ont été recueillies. La procédure de tirage au sort choisie par le Gouvernement a provoqué désordre et incompréhension en permettant aux sociétés existantes de présenter leur candidature, au détriment de la promesse de renouvellement. Pour rétablir la confiance, ces textes doivent être revus profondément et rapidement.

M. André Vallini, secrétaire d'État.  - Sur les notaires, le Conseil d'État a rejeté le recours en suspension du décret du 9 novembre 2016 considérant qu'il n'allait pas à l'encontre de l'objectif de la loi.

Le tirage au sort ne vise pas à attribuer directement les nouveaux offices notariaux mais à fixer un ordre d'examen des dossiers. Cette procédure a été suggérée par le Conseil d'État lui-même.

Sur les zones d'installation des notaires, l'arrêté contient une clause de réexamen un an après l'ouverture des candidatures.

La responsabilité de l'inflation législative est partagée entre le Gouvernement et le Parlement ; celle-ci est surtout due aux amendements adoptés au cours de la navette, même s'il s'agit aussi d'amendements du Gouvernement pour trouver des compromis ; certains sont parfois éloignés du domaine législatif ou de l'objet initial du texte.

Le Gouvernement ne peut que se féliciter de l'initiative du Sénat de se saisir pleinement de ses compétences constitutionnelles en vérifiant la conformité des amendements aux articles 41 et 45 de la Constitution. Nul doute que cette bonne pratique limitera l'inflation législative.

M. Jean Bizet, président de la commission des affaires européennes .  - Je me réjouis que la commission des affaires européennes ait toute sa place dans ce débat. De mon récent rapport d'information sur le suivi des résolutions européennes adoptées sur le fondement de l'article 88-4 de la Constitution, il ressort que le Sénat est vigilant sur les affaires européennes, écouté et plus encore entendu.

Ces résolutions européennes ont des conséquences sur les négociations qui conduisent à l'élaboration de la législation européenne et donc, via la transposition des directives, sur la législation française.

Dans les deux tiers des cas, nos résolutions ont été prises totalement ou très largement en compte. Citons le plan Juncker, les conséquences du traité transatlantique pour l'agriculture, la réglementation viticole, la réforme de l'espace Schengen et la crise des réfugiés, la politique de voisinage, les perspectives de la PSDC ou encore l'accord commercial relatif à la banane.

Dans un peu plus de 25 % des cas, les positions du Sénat ont été partiellement suivies, par exemple sur la lutte contre le terrorisme, les sanctions européennes contre la Russie, le détachement des travailleurs ou encore la phase 1 de l'approfondissement de l'union économique et monétaire.

Nos résolutions sont un instrument efficace dans l'établissement d'un dialogue avec le pouvoir exécutif. Je me réjouis que le SGAE nous adresse désormais largement des fiches de suivi, y compris sur des résolutions ne concernant pas des actes législatifs. Enfin, notre commission a récemment auditionné M. Harlem Désir sur le suivi des résolutions européennes, avec un débat interactif.

Le bilan est donc très positif. J'espère qu'il sera tenu compte des recommandations que nous avons formulées avec Jean-Pierre Raffarin dans notre rapport sur le renouveau de l'Union européenne concernant l'implication des parlements nationaux.

M. André Vallini, secrétaire d'État.  - Nous nous félicitions de ces bonnes pratiques, et de la coopération satisfaisante avec le SGAE.

La reprise par le Gouvernement des positions exprimées par les résolutions du Sénat illustre bien l'intérêt d'un dialogue constant et constructif entre nos institutions.

Le Gouvernement partage votre volonté d'affirmer le rôle des parlements nationaux dans la construction européenne. Le sort réservé aux avis politiques et avis motivés du Parlement dépend des seules institutions européennes. Je ne manquerai pas d'en parler à M. Désir.

M. Thierry Foucaud .  - Le 24 mars 2016, le Gouvernement déposait sur le Bureau de l'Assemblée nationale le projet de loi Travail, texte touffu qui a clivé la société et avivé la colère du monde du travail, tant par son contenu que par sa procédure d'examen peu respectueuse du Parlement.

Avec près de 150 articles nécessitant des dispositions réglementaires, quatre habilitations à légiférer par ordonnances et une quinzaine de rapports, ce texte laisse perplexe. À l'heure actuelle, trois des ordonnances prévues n'ont pas été ratifiées, les rapports prévus n'ont pas été déposés et une quarantaine de mesures réglementaires restent en suspens. Vingt-huit décrets d'application ont été promulgués par vagues en novembre et en décembre derniers. On s'est aperçu que certaines dispositions figuraient déjà dans le code du travail, parfois depuis 1979 !

À l'inverse, certains chapitres essentiels, par exemple sur l'intervention des inspecteurs du travail - essentielle pour les salariés des plateformes numériques ou des travailleurs détachés - restent sans mesures d'application.

Le Sénat et la commission des affaires sociales ne devraient-ils pas se préoccuper de la mise en oeuvre effective de ce texte, sauf à vouloir démontrer l'inanité de pareilles énormités législatives ? Quelle est l'efficacité réelle d'une loi qui n'a pu empêcher une hausse de la précarité de l'emploi et la relance des offres de stages ?

M. André Vallini, secrétaire d'État.  - Ce n'est pas le lieu de débattre du fond de la loi Travail ; la campagne présidentielle en donnera l'occasion. Le Sénat doit continuer à veiller à l'application de cette loi ; 84 % des 124 décrets prévus ont été pris, dont 106 dans les six premiers mois, sur le congé proche aidant, le compte personnel d'activité, l'apprentissage dans la fonction publique, la garantie Jeunes, l'aide à la recherche au premier emploi - autant de mesures bien accueillies. Sept mesures sont actuellement devant le Conseil d'État. La ministre du travail s'est engagée à ce que 100 % des mesures d'application aient été publiées d'ici la fin de la mandature.

M. Yvon Collin .  - Le Parlement ne peut que se féliciter de la meilleure application des lois, qui renforce la crédibilité des réformes et la sécurité juridique. Je pense notamment à la loi d'avenir sur l'agriculture, particulièrement importante en cette période de crise, ou de la loi Macron qui comporte de nombreux leviers pour doper la croissance et l'emploi.

La loi NOTRe a beaucoup mobilisé le Sénat. Son application ne cesse de poser problème sur le terrain et mon groupe ne regrette pas de s'y être opposé. Nous avons été conduits à examiner de nombreuses propositions de loi pour en corriger les manquements et effets pervers. Le groupe RDSE est à l'initiative de la loi relative à la protection des forêts contre l'incendie, adoptée par les deux chambres et promulguée en mars 2016, ainsi que de la proposition de loi qui reporte d'un an l'entrée en vigueur des nouvelles intercommunalités, adoptée par le Sénat en avril mais jamais inscrite à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale. Pourquoi le Gouvernement n'a-t-il pas permis aux députés de se prononcer sur ce texte qui soulagerait les élus locaux ?

Les décrets d'application paraissent dans des délais raisonnables, tant mieux, mais le Gouvernement peut mieux faire dans l'application du bicamérisme, surtout quand il s'agit de corriger les méfaits de la loi NOTRe.

M. André Vallini, secrétaire d'État.  - Le Sénat maintient la pression sur le Gouvernement, c'est son rôle. Le taux global d'application des lois s'est amélioré de 15 points par rapport à l'an dernier et de 25 points par rapport au bilan de la session 2013-2014.

Le Gouvernement a mis en oeuvre des bonnes pratiques : suivi mensuel de l'application des grandes réformes, comités interministériels sur l'application des lois, communications en Conseil des ministres. Elles ont porté leurs fruits.

Depuis la révision constitutionnelle de 2008, le Gouvernement ne dispose que de deux semaines sur quatre, dont l'ordre du jour est surchargé. Rien que durant cette session, quarante lois ont été adoptées. S'agissant de propositions de loi, elles auraient pu être mises à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale à l'initiative de la majorité ou dans le cadre d'un espace réservé aux groupes. La faute n'incombe pas au seul Gouvernement !

M. Michel Canevet .  - Nous nous satisfaisons de l'amélioration du taux d'application des lois, même s'il est possible d'aller plus loin. Le groupe UDI s'interroge sur l'interprétation règlementaire ou jurisprudentielle qui est faite de certains textes, comme la loi Macron ou la loi Littoral, qui nous obligent à trouver des véhicules législatifs pour préciser les choses. L'inflation législative, ce sont les demandes de rapport, mais aussi les normes nouvelles qui pénalisent les agriculteurs ou les entreprises...

Nous sommes particulièrement sensibles aux modifications introduites par la loi NOTRe. Ainsi, des communes jusqu'ici régies par un Plan d'occupation des sols (POS) vont se retrouver soumises au Règlement national d'urbanisme (RNU) à compter du 27 mars prochain, si elles n'ont pas mis en place de PLU. Comment l'éviter ?

M. André Vallini, secrétaire d'État.  - La caducité des POS est programmée depuis la loi SRU de 2000, et a été rappelée dans la loi ALUR. Les communes ont eu le temps de se mettre en conformité. Un report a été octroyé jusqu'à l'approbation du PLU intercommunal.

L'Assemblée nationale a adopté dans la loi Égalité et citoyenneté un amendement du Gouvernement qui assouplit les modalités de mise en conformité des documents d'urbanisme, en supprimant les dates butoirs au bénéfice d'un principe de « grenellisation » au plus tard à leur prochaine révision, après la stabilisation de la carte intercommunale.

Le Gouvernement, conscient du retard pris, a rassuré les acteurs locaux sur les éventuelles conséquences contentieuses du non-respect de cette échéance.

Mme Corinne Bouchoux .  - Après le speed dating, voici le quick speaking. (Sourires)

Dans plusieurs départements, des arbres ont été abattus pour des motifs de sécurité routière, or l'article 172 de la loi Biodiversité ne prévoit l'abattage qu'en cas de risque sanitaire ou mécanique. En l'absence de décret d'application, comment le Gouvernement compte-t-il assurer l'application de ces dispositions législatives ?

Nous sommes attachés à la mixité de la vie publique, mais soumis à des injonctions contraires. Quid de la future présidence des nouvelles intercommunalités ? Les femmes se retrouvent évincées.

La Commission d'accès aux documents administratifs (Cada) a vu son rôle renforcé avec l'examen des documents numériques. Bénéficiera-t-elle de moyens supplémentaires ?

M. André Vallini, secrétaire d'État.  - Je saisirai Ségolène Royal et Barbara Pompili ; si l'abattage des arbres est contraire à la loi Biodiversité, les préfets devront intervenir.

Il est vrai que les femmes ont été pénalisées par la réduction des sièges de conseillers communautaires, l'élu restant généralement le maire... La loi sur le non-cumul devrait améliorer la situation, tout comme les élections municipales en 2020.

La Cada a vu ses moyens augmentés substantiellement dès le projet de loi de finances pour 2017 pour faire face à ses nouvelles missions. Ses crédits de fonctionnement sont en hausse de 168 %. Le montant des indemnités des membres augmente ; elle disposera de deux rapporteurs adjoints et de dix chargés de mission, contre six auparavant.

M. Alain Richard .  - Je rends hommage au ministère des relations avec le Parlement qui, de simple porte-parole il y a vingt ans, est devenu un maillon essentiel de la machine gouvernementale. Si nous avons encore des problèmes dans l'application des lois, ne serait-ce pas parce que nous n'avons pas forcément fait les lois les plus applicables ?

Aucun projet de loi de finances, projet de loi de financement de la sécurité sociale ou projet de loi de finances rectificative ne figure parmi les 47 lois examinées. Or nous légiférons beaucoup trop dans ces supports, qui sont surchargés. Le déroulement du débat rend le dialogue entre les deux assemblées particulièrement pauvre.

Il serait judicieux de faire des statistiques des textes sur lesquels le législateur est appelé à revenir un an ou deux après leur vote (M. François Bonhomme approuve)

Le renvoi au décret est parfois utilisé par le législateur pour renvoyer au Gouvernement la patate chaude, si j'ose dire, sur certains sujets délicats - je pense à l'organisation des taxis sanitaires, à l'ordre du jour depuis une demi-génération... Sans compter que pour publier un décret acceptable, le ministère doit d'abord négocier avec des interlocuteurs parfois difficiles.

Enfin, tous les ministères n'ont pas la même capacité à produire des textes : le ministère de la culture a-t-il même une direction juridique ?

Un voeu, enfin : les rapports nous seraient sans doute remis plus rapidement si nous organisions des débats, par exemple en commission, pour les exploiter !

M. André Vallini, secrétaire d'État.  - Alain Richard sait combien le Conseil d'État et d'autres organismes comme la CNIL sont surchargés de travail. Je retiens sa suggestion de procéder à un contrôle au long cours des dispositions votées.

Sur 205 lois adoptées depuis 2012, 38 procédaient d'initiatives sénatoriales. Les deux tiers l'ont été à la suite d'un compromis entre les deux assemblées, pour la seule session 2016-2017. C'est dire si le bicamérisme est utile aux yeux du Gouvernement !

M. le président.  - Et constructif !

M. Philippe Dallier .  - Le Conseil constitutionnel a censuré 46 articles du projet de loi Égalité et citoyenneté. On nous reproche les délais d'examen des textes - mais ils regorgent de cavaliers, dus tant au Gouvernement qu'au Parlement. Nous gagnerions en efficacité en nous régentant pour en limiter le nombre, car ces cavaliers finissent toujours par être retoqués par le Conseil constitutionnel.

M. André Vallini, secrétaire d'État.  - Je partage votre réflexion. Le Sénat a raison de mettre l'accent sur le respect des articles 41 et 45 de la Constitution. Il faut renforcer encore la vigilance des sénateurs et des gouvernements pour que la loi soit moins bavarde et purement législative.

M. le président.  - Et des députés, sous la vigilance du Secrétariat général du Gouvernement ...

Je remercie le ministre pour ses quinze interventions. Vous êtes vraiment le coordinateur de ce débat. Merci aussi au président Bérit-Débat pour son rapport et son intervention. Nous publierons en juin prochain le bilan annuel de l'application des lois arrêté au 31 mars 2017.

La séance est suspendue à 19 h 5.

présidence de Mme Françoise Cartron, vice-présidente

La séance reprend à 21 heures.