Transparence, lutte contre la corruption et modernisation de la vie économique

Protection des lanceurs d'alerte

(Procédure accélérée - Suite)

M. le président.  - Nous reprenons la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique et de la proposition de loi organique, adoptée par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relative à la compétence du Défenseur des droits pour l'orientation et la protection des lanceurs d'alerte.

Discussion des articles du projet de loi (Suite)

ARTICLE 6 A (Suite)

Mme Marie-Christine Blandin .  - Notre législation comporte déjà cinq textes sur l'alerte, mais ils sont imparfaits et ne couvrent pas tous les champs. Pire, cette mosaïque, et l'imprécision de certains termes, offrent des arguments aux avocats qui veulent faire condamner les lanceurs d'alerte.

Je salue l'ambition de créer un socle commun. Encore faudrait-il une définition exhaustive, couvrant les fuites financières comme les fuites de benzène...

J'avais fait des propositions en 2013 : la loi, saluée par le Conseil d'État, a été quelque peu érodée à l'Assemblée nationale, M. le ministre n'ayant pas voulu de droit à la formation spécifique des membres du CHSCT... Dommage !

À propos d'un récent amendement sur la commission nationale de déontologie et de l'alerte, vous aviez persiflé, monsieur le ministre, sur sa non-existence... Mais qui est défaillant ? Sur les 25 membres de la commission, 23 ont été nommés : manquent les deux que doit désigner le Gouvernement ! Pourquoi ne veut-on pas installer cette commission ? Gênerait-elle quelque firme pharmaceutique ?

M. Éric Bocquet .  - Concrètement, les lanceurs d'alerte s'exposent à des représailles : diffamation, mise au placard, sanction disciplinaire, licenciement... Les salariés sont démunis, faute de législation, de procédure et d'interlocuteur connu.

Selon Transparency international, la peur des représailles expliquerait le silence dans 39 % des cas, la conviction que l'alerte ne sera pas suivie d'effet, dans 40 % des cas.

Le risque de fausse alerte existe, mais nous pouvons faire confiance à l'Agence pour séparer le bon grain de l'ivraie.

M. Deltour a rendu service à l'intérêt général. Il a été condamné pour avoir enfreint la loi luxembourgeoise, qui protège le secret bancaire. Mais le droit évolue : l'apartheid, l'esclavage ont bien été légaux à leur époque, avant d'être abolis !

M. Pierre-Yves Collombat .  - Comme le disait Jean Arthuis, M. Juncker nous fait la leçon le matin, et les poches l'après-midi avec sa législation permissive. Il est temps de mettre un terme à cette Europe à deux vitesses, de faire cesser ce scandale permanent !

Pour en revenir au sujet, il me paraît difficile d'autoriser des pratiques illégales. Un lanceur d'alerte est une personne qui, de par sa profession, a accès à des informations, mais qui est dans une position de dépendance.

Un arrêt de la Cour de cassation définit le périmètre de l'alerte comme « les conduites ou actes illicites constatés (...) sur leur lieu de travail » et le lanceur d'alerte comme un salarié ayant « relaté ou témoigné, de bonne foi, des faits dont il a eu connaissance dans l'exercice de ses fonctions et qui, s'ils étaient établis, seraient de nature à caractériser des infractions pénales ».

M. Bocquet est en avance - comme le sont toujours les révolutionnaires ! (Sourires)

M. le président.  - Amendement n°309, présenté par M. Anziani et les membres du groupe socialiste et républicain.

Rédiger ainsi cet article :

Un lanceur d'alerte est une personne qui signale ou révèle, de bonne foi, une information relative à un crime, un délit, un manquement au droit en vigueur, une menace ou un préjudices graves pour l'intérêt général.

M. Alain Anziani.  - À l'oral, le rapporteur et le président Bas sont convaincants - mais l'écrit est autre chose. Si la définition du lanceur d'alerte se limite à celui qui dénonce un crime ou un délit, inutile de voter un statut : l'article 434-1 du code pénal suffit. Il faut, en réalité, aller plus loin.

Le Conseil de l'Europe, dans sa recommandation du 30 avril 2014, invite les États membres à mettre en place un cadre législatif pour les personnes révélant des « activités qui constituent une menace ou un préjudice pour l'intérêt général ». Une note des Nations-Unies de 2015 définit les lanceurs d'alerte comme des personnes ayant des « motifs raisonnables de croire véridiques » les faits qu'elles révèlent.

Allons ! La France peut-elle rester constamment en arrière ? Le Sénat va-t-il être, une nouvelle fois, le grand timoré de la République ? Ne donnons pas l'image d'une Haute assemblée qui tremble devant toute innovation ! (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste républicain et citoyen)

M. François Pillet, rapporteur.  - Non, le Sénat n'a pas peur. Il se veut mesuré, il réfléchit à l'équilibre des libertés, quitte à être un rempart à certaines d'entre elles. S'il faut protéger certains lanceurs d'alerte, il ne faut pas oublier les victimes collatérales.

Qu'est-ce qu'un « manquement au droit en vigueur » ? Cela englobe-t-il les conventions internationales ? Notre rédaction, qui vise les lois et les règlements en vigueur, est plus précise. Comment le juge interprétera-t-il une « menace pour l'intérêt général » ? Attention à ce que l'imprécision de la définition ne se retourne pas contre ceux-là mêmes que vous voulez protéger ! Plus la définition est large, moins elle est protectrice, pour les victimes comme pour les lanceurs d'alerte eux-mêmes.

Le juge constitutionnel, très exigeant en matière pénale, risque de trouver votre rédaction trop imprécise.

En outre, avec une interprétation extensive, des entreprises risquent d'être accusées à tort et contraintes au dépôt de bilan avant de pouvoir faire la preuve de leur innocence.

M. Michel Sapin, ministre.  - L'amendement n° 309 réécrit l'article quand les autres, dont celui du Gouvernement, réécrivent l'alinéa 1er. Il faudrait pouvoir les discuter tous ensemble, puisqu'ils sont en réalité concurrents.

M. Alain Anziani.  - Soit.

M. le président.  - L'amendement n° 309 est donc rectifié pour viser l'alinéa 1er et est ainsi en discussion commune avec les autres.

M. le président.  - Amendement n°417, présenté par Mme N. Goulet.

Alinéa 1

Rédiger ainsi cet alinéa :

Un lanceur d'alerte est une personne physique ou morale qui signale, dans l'intérêt général, de manière désintéressée et de bonne foi, un crime, un délit ou une violation grave et manifeste des droits fondamentaux, de la loi et du règlement, dont elle a eu personnellement connaissance.

Mme Nathalie Goulet.  - Cet article est très attendu, tant notre législation sur les lanceurs d'alerte est disparate et fragmentée. Comme l'action de groupe, cette notion heurte nos habitudes juridiques. Il faut une définition précise ; celle que je propose intègre plusieurs préoccupations.

M. le président.  - Amendement n°646, présenté par le Gouvernement.

Alinéa 1

Rédiger ainsi cet alinéa :

Le lanceur d'alerte est une personne physique qui, de manière désintéressée et de bonne foi, signale un crime, un délit, une violation grave ou manifeste d'un engagement international régulièrement ratifié ou approuvé par la France, d'un acte unilatéral pris sur le fondement d'un tel engagement, de la loi ou du règlement ou un risque ou un préjudice grave pour l'intérêt général, dont il a eu personnellement connaissance.

M. Michel Sapin, ministre.  - La définition du lanceur d'alerte conditionne l'application des autres dispositions du texte. Si la définition est trop restrictive, ceux qui nous considérons comme lanceurs d'alerte risquent de ne pas être reconnus comme tels devant le juge ; si elle est trop large, elle englobera des personnes qui n'entrent pas dans ce cadre.

Monsieur Collombat, la législation européenne a évolué depuis le Luxleaks. Nous avons agi ! La directive sur la transparence est désormais appliquée dans tous les États membres. (M. Pierre-Yves Collombat s'exclame). Une situation type Luxleaks serait connue de l'administration française, qui aurait considéré qu'il n'y a pas d'imposition réelle au Luxembourg et imposé en France les bénéfices réalisés en France.

M. Pierre-Yves Collombat.  - Vous étiez au courant.

M. Michel Sapin, ministre.  - Allons !

La situation que dénonçait Luxleaks n'existe plus.

M. Jean-François Husson.  - Tout va bien !

M. Michel Sapin, ministre.  - Mais les entreprises concernées n'avaient pas transgressé les lois du Luxembourg. La rédaction de la commission des lois, qui vise une « violation grave et manifeste de la loi ou du règlement » ne couvre pas le cas de M. Deltour qui a dénoncé une pratique anormale mais légale. Notre définition est plus complète, elle mentionne les normes internationales et le cas d'un « risque ou un préjudice grave pour l'intérêt général ». L'Assemblée nationale en a longuement débattu, j'y ai beaucoup réfléchi : le beau statut de lanceur d'alerte ne saurait servir de prétexte à des règlements de compte.

M. le président.  - Sous-amendement n°651 à l'amendement n°646 du Gouvernement, présenté par Mmes Blandin, Aïchi, Archimbaud, Benbassa et Bouchoux et MM. Dantec, Gattolin, Poher, Labbé et Desessard.

Amendement n° 646, alinéa 3

Après les mot :

un préjudice grave

insérer les mots :

pour l'environnement, la santé, les libertés, les finances, la sécurité publiques, ou

Mme Marie-Christine Blandin.  - La notion d'intérêt général est sujette à débat. Quel parti politique ne s'en réclame pas ? Il est préférable de préciser les secteurs concernés.

Par ailleurs, monsieur Collombat, un lanceur d'alerte n'est pas nécessairement un salarié : ce peut être un riverain, un citoyen.

M. le président.  - Amendement n°310, présenté par M. Anziani et les membres du groupe socialiste et républicain.

Alinéa 1

Supprimer le mot :

physique

M. Alain Anziani.  - Pourquoi exclure les personnes morales, ONG, associations, syndicats ou même entreprises ? Le Conseil de l'Europe ne fait aucune distinction entre personnes physiques et morales, pas plus que le Conseil d'État dans son rapport de 2016.

M. le président.  - Amendement n°547 rectifié, présenté par MM. Mézard, Arnell, Bertrand, Castelli, Collin, Collombat, Esnol, Fortassin et Guérini, Mmes Laborde et Malherbe et MM. Requier, Vall et Hue.

Alinéa 1

Après le mot :

qui

insérer les mots :

, ne pouvant utiliser la procédure prévue à l'article 40 du code de procédure pénale,

M. Jean-Claude Requier.  - Le RDSE craint de voir l'autorité judiciaire court-circuitée. Nous inscrivons la référence à l'article 40 du code de procédure pénale au coeur de la définition, car le recours au juge doit rester la norme et le statut de lanceur d'alerte, l'exception.

M. le président.  - Amendement n°379, présenté par Mme Blandin et les membres du groupe écologiste.

Alinéa 1

1° Supprimer les mots :

, dans l'intérêt général,

2° Après le mot :

règlement

insérer les mots :

ou des faits présentant des risques ou des préjudices graves pour l'environnement, la santé, les libertés, les finances, la sécurité publiques, ou l'intérêt général,

Mme Marie-Christine Blandin.  - Même argumentation que pour le sous-amendement.

M. le président.  - Amendement n°311, présenté par M. Anziani et les membres du groupe socialiste et républicain.

Alinéa 1

Après le mot :

délit

rédiger ainsi la fin de cet alinéa :

, un manquement grave à un engagement international régulièrement ratifié ou approuvé par la France, à un acte unilatéral d'une organisation internationale pris sur le fondement d'un tel engagement, à la loi ou au règlement, ou des faits présentant des risques ou des préjudices graves pour l'environnement ou pour la santé ou la sécurité publiques.

M. Alain Anziani.  - Cet amendement, comme celui du Gouvernement, intègre les manquements graves à un engagement international. Je ne comprends pas pourquoi la commission a abandonné la référence aux risques pour l'environnement, la santé ou la sécurité publiques : elle a toute sa place dans la définition.

M. le président.  - Amendement n°528 rectifié, présenté par MM. Collombat, Arnell, Bertrand, Castelli, Collin, Esnol et Fortassin, Mmes Jouve, Laborde et Malherbe et MM. Mézard, Requier, Vall, Guérini et Hue.

Alinéa 1

Compléter cet alinéa par les mots :

, dans le cadre de sa relation de travail

M. Pierre-Yves Collombat.  - N'en déplaise à Mme Blandin, un riverain qui lance une alerte risque tout au plus d'être poursuivi pour diffamation, difficile à prouver si les faits dénoncés sont réels...

En revanche, il faut protéger les salariés lanceurs d'alerte car eux sont placés dans des situations de subordination, et prennent un vrai risque. Mieux vaut recentrer le statut de lanceur d'alerte sur le cadre professionnel, cela évitera les dérives.

M. François Pillet, rapporteur.  - Autant d'amendements, autant de définitions ! Pas facile... Monsieur le ministre, soutiendrez-vous notre texte si je vous démontre que le cas de M. Deltour est bien couvert par notre rédaction ?

M. Michel Sapin, ministre.  - J'attends de voir...

M. François Pillet, rapporteur.  - M. Deltour serait couvert car certaines pratiques abusives visant à se soustraire à l'impôt sont des violations graves de la loi, même si ce ne sont pas des délits.

M. Jean-François Husson.  - Très bien.

M. François Pillet, rapporteur.  - L'article 64 du livre des procédures fiscales prohibe l'abus de droit fiscal, même si celui-ci n'est pas pénalement sanctionné.

Au Luxembourg, M. Deltour est poursuivi pour divulgation du secret des affaires et pour s'être introduit frauduleusement dans un système informatique - ce que tout lanceur d'alerte n'a pas vocation à faire. (M. André Gattolin s'exclame)

Mme Goulet étend aux personnes morales la notion de lanceur d'alerte. Celle-ci n'est pas un titre de gloire mais avant tout un moyen de défense pour ceux qui seraient poursuivis pour violation du secret professionnel ou qui seraient victimes de discriminations. Étendre le statut aux personnes morales - qui ne peuvent pas avoir « personnellement » connaissance des faits - diluerait la responsabilité. Avis défavorable aux amendements nos417 et 310, à défaut de retrait.

Même avis sur l'amendement n°646 du Gouvernement, certes un peu plus restrictif que celui de M. Anziani, mais qui reste trop imprécis. Renvoyer à l'intérêt général comme motif d'alerte se heurte à la jurisprudence constitutionnelle, car de cette définition découle l'irresponsabilité pénale : une définition trop large mettrait le lanceur d'alerte lui-même en difficulté.

Avis défavorable également au sous-amendement n°651 : la loi pénale est d'application stricte, je crains que le Conseil constitutionnel ne nous invite à revoir notre copie...

L'article 40 du code de procédure pénale ne concerne que les agents publics. Il fait obligation à ceux-ci de dénoncer un délit ou un crime dont ils auraient eu connaissance dans l'exercice de leurs fonctions. Le lanceur d'alerte doit suivre une autre procédure. Avis défavorable à l'amendement n°547 rectifié, ainsi qu'aux amendements nos379 et 311, pour les raisons déjà exposées.

L'arrêt de la Cour de cassation n'est pas révolutionnaire : le droit du travail n'autorise pas à licencier un salarié parce qu'il a dénoncé un fait délictuel. Sagesse toutefois sur l'amendement n°528 rectifié car la protection du lanceur d'alerte doit être proportionnée au risque de représailles. Le salarié, à la différence du témoin, du journaliste ou de la victime, n'a pas de statut protecteur.

M. Michel Sapin, ministre.  - Vous ne m'avez pas convaincu, monsieur le rapporteur. (On le déplore à droite) La pratique des rescrits au Luxembourg était légale, mais choquante, à tel point que depuis le Luxleaks la législation a changé.

Si en France la législation était aussi laxiste et permettait au ministre des finances d'accorder de la sorte des rescrits à des entreprises, le lanceur d'alerte ne serait pas protégé par votre définition.

Avis défavorable aux amendements nos309, 417, 311, 379, qui sont concurrents de celui du Gouvernement. Je suis assez sensible à l'amendement n°528 rectifié, car il est utile de prendre en compte la position de subordination du salarié, qui se met en danger - ce que ne fait pas une association dont la vocation est précisément de dénoncer la corruption ou de protéger l'environnement.

Avis défavorable au sous-amendement n°651, qui cherche à illustrer l'amendement du Gouvernement plus qu'il ne le précise. Attention à ne pas restreindre la définition !

M. Philippe Bas, président de la commission.  - Nous pouvons être en désaccord, mais ne restons pas sur un malentendu. Nous ne faisons pas de la loi-fiction, monsieur le ministre ! Pour qu'un Antoine Deltour soit condamné en France, encore faudrait-il que le Gouvernement français puisse délivrer des rescrits comme au Luxembourg, ce qui n'est pas le cas. Notre définition ne ferait courir aucun risque à M. Deltour, dont la condamnation n'est due qu'à la loi luxembourgeoise, que personne ne propose de transposer en droit français.

Notre définition est claire et ne souffrira pas de divergence d'interprétation : elle repose sur la divulgation d'un délit, d'un crime ou d'une violation de la loi et des règlements - formule très large qui inclut l'abus de droit fiscal. Or l'article 64 du livre des procédures fiscales permet d'exonérer de responsabilité pénale un lanceur d'alerte qui révèle un abus de droit fiscal.

M. François Pillet, rapporteur.  - Si en France un ministre distribuait dans l'ombre des faveurs fiscales, il commettrait un délit de concussion. Le lanceur d'alerte serait non seulement protégé mais sanctifié ! (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)

M. Alain Anziani.  - Je retire l'amendement n°309 au profit de l'amendement du Gouvernement. L'utilisation de l'amiante a longtemps été légale ; elle l'était au moment où sa toxicité a été révélée. Ceux qui l'ont dénoncée n'auraient pas été couverts par le texte de la commission des lois ! (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste)

L'amendement n°390 est retiré.

M. Pierre-Yves Collombat.  - Le système financier est criminogène : il crée la tentation de transgresser. Les textes sont toujours susceptibles d'interprétations, les financiers agissent dans le flou, dans cet entre-deux entre le licite et l'illicite qu'il faut résorber. C'est pourquoi il importe aussi de pénaliser les pratiques frauduleuses et de prévenir les scandales, au lieu d'attendre qu'un lanceur d'alerte veuille bien les dénoncer.

Mme Nathalie Goulet.  - J'ai compris que la commission voulait s'en tenir aux personnes physiques. Reste la référence aux droits fondamentaux, plus large, qui comprend les questions environnementales et sanitaires évoquées par Mme Blandin.

Je retire mon amendement - en disant mon opposition à l'amendement n° 528 rectifié : outre les salariés, les bénévoles, les stagiaires peuvent aussi être amenés à révéler de faits...

L'amendement n°417 est retiré

M. Patrick Abate.  - Deux visions s'affrontent : d'un côté ceux qui veulent avant tout éviter les abus, de l'autre, ceux qui veulent créer un statut du lanceur d'alerte.

Il ne faut pas limiter la définition au cadre professionnel. De simples citoyens peuvent être soumis à des pressions : souvenez-vous de ce film sur le scandale de l'eau potable ! Notre droit est suffisamment armé pour dissuader la diffamation et la délation.

Nous nous retrouvions dans la rédaction des députés et sommes donc favorables à l'amendement du Gouvernement, assorti de la mention des personnes morales. Inutile de l'illustrer davantage : l'intérêt général inclut forcément les questions financières et fiscales.

Mme Marie-Christine Blandin.  - La rédaction que je proposais mentionnait bien la finance.

Les fuites de benzène ne sont pas couvertes par le texte de la commission des lois. Ce n'est pas une violation délibérée du droit en vigueur, mais un tuyau qui s'est rompu ! Le texte du Gouvernement, celui de M. Anziani sont plus satisfaisants. Réduire le statut du lanceur d'alerte à la relation de travail !

Pensez à Véronique Lapides, qui a mis l'accent sur le nombre élevé de cancers parmi les enfants ayant fréquenté une école maternelle de Vincennes construite sur le site d'une ancienne usine chimique. Nulle relation de travail ! Voyez aussi Pierre Méneton, chercheur à l'Inserm, qui avait dénoncé les effets de la consommation de sel sur les artères et qui s'est fait tomber dessus par une société de salines ! On n'est pas dans le cadre d'une relation de travail, mais dans celui de l'outing des résultats de recherches personnelles d'un chercheur. Ne revenons pas en arrière !

M. François Pillet, rapporteur.  - Votre loi de 2013, madame Blandin, c'est grâce au Sénat qu'elle n'est pas passée à la trappe ! (Mme Marie-Christine Blandin le concède) La commission nationale de déontologie continuera à exister, les dispositions en vigueur le resteront.

M. Maurice Vincent.  - Personne ne veut d'une société de la délation. Mais en s'arc-boutant sur les principes du droit actuel, la commission des lois se ferme aux réalités nouvelles. Une banque française a été lourdement condamnée aux États-Unis ; si un salarié avait donné l'alerte, il n'aurait pas été couvert par son texte. Rassurons-nous, un « préjudice grave à l'intérêt général » est exceptionnel par définition.

Le sous-amendement n°651 est retiré.

À la demande du groupe Les Républicains, l'amendement n°646 est mis aux voix par scrutin public.

M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°413 :

Nombre de votants 343
Nombre de suffrages exprimés 341
Pour l'adoption 139
Contre 202

Le Sénat n'a pas adopté.

À la demande du groupe Les Républicains, l'amendement n°310 est mis aux voix par scrutin public.

M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°414 :

Nombre de votants 343
Nombre de suffrages exprimés 341
Pour l'adoption 139
Contre 202

Le Sénat n'a pas adopté.

L'amendement n°547 rectifié n'est pas adopté.

L'amendement n°379 est retiré.

L'amendement n°311 n'est pas adopté.

Mme Marie-Christine Blandin.  - Le vote de l'amendement n°528 rectifié serait une grande régression...

Après une épreuve à main levée déclarée douteuse, l'amendement n°528 rectifié, mis aux voix par assis et levé, n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°644, présenté par le Gouvernement.

Après l'alinéa 1

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

Les faits, informations ou documents, quel que soit leur forme ou leur support, couverts par le secret de la défense nationale, le secret médical ou le secret des relations entre un avocat et son client sont exclus du régime de l'alerte défini par le présent chapitre.

M. Michel Sapin, ministre.  - Il s'agit d'exclure, dès la définition du lanceur d'alerte, le secret médical et le secret des relations entre un avocat et son client.

L'amendement n°644, accepté par la commission, est adopté.

M. le président.  - Amendement n°312, présenté par M. Anziani et les membres du groupe socialiste et républicain.

Alinéa 2

Supprimer cet alinéa.

M. Alain Anziani.  - Le premier alinéa de cet article reconnaît le droit d'alerte, mais le second dit : « Faites attention, cela pourrait vous coûter cher ! ». Cela manque d'enthousiasme... Les sanctions existent déjà contre les lanceurs d'alerte de mauvaise foi ou malintentionnés.

La commission des lois accepte-t-elle désormais que la loi bégaye ?

Il est paradoxal de parler d'emblée de la sanction, pas de la protection...

M. le président.  - Amendement n°544 rectifié, présenté par MM. Mézard, Arnell, Collombat, Esnol, Fortassin et Guérini, Mme Laborde et MM. Requier, Vall et Hue.

Alinéa 2

Compléter cet alinéa par les mots :

ainsi que la publication de la décision de condamnation dans trois journaux diffusés dans le département de son domicile à ses frais, au choix de la personne victime de la dénonciation calomnieuse

M. Jean-Claude Requier.  - Afin d'éviter tout dévoiement, il convient d'assurer une large publicité aux condamnations de ceux qui, sous couvert d'une alerte, se seraient livrés à une dénonciation calomnieuse.

M. François Pillet, rapporteur.  - Avis défavorable à l'amendement n°312 : ainsi, la loi sera claire, nul ne sera censé l'ignorer.

Retrait de l'amendement n°544 rectifié, une peine complémentaire de publication de la condamnation existe déjà depuis la loi de 1881.

M. Michel Sapin, ministre.  - Avis favorable à l'amendement n°312, défavorable à l'amendement n°544 rectifié.

M. Patrick Abate.  - Nous voterons contre. On voit ici toutes les contradictions du texte : que de précautions pour éviter tout dérapage, alors que vous avouez vous-même que la loi y pourvoit déjà !

Mme Nathalie Goulet.  - Je voterai contre ces deux amendements. Il est indispensable de rappeler les règles, d'autant qu'une entreprise victime d'une alerte abusive mettra des années à obtenir réparation... si elle n'a pas, entre-temps, mis la clé sous la porte !

M. Pierre-Yves Collombat.  - Je ne les voterai pas non plus. En France, on passe d'un extrême à l'autre. Il a fallu des années pour que l'on reconnaisse le scandale de l'amiante. Et maintenant, n'importe qui pourrait lancer n'importe quelle alerte ?

M. Alain Anziani.  - Ce n'est pas ce que nous disons.

M. Pierre-Yves Collombat.  - Vous mesurez mal où nous nous engageons. Il n'est pas inutile de rappeler à chacun ses responsabilités.

L'amendement n°312 n'est pas adopté.

L'amendement n°544 rectifié est retiré.

M. le président.  - Amendement n°134 rectifié ter, présenté par Mme Deromedi, MM. Frassa, G. Bailly, Béchu et Cambon, Mme Canayer, MM. Cantegrit, Cardoux, Charon, Chasseing, Commeinhes, Danesi, Darnaud, Delattre, de Nicolaÿ, de Raincourt et Doligé, Mme Duchêne, MM. Duvernois, Grand, Houel, Houpert, Huré et Laménie, Mme Lamure, M. Lefèvre, Mme Lopez, MM. Mandelli, A. Marc, Milon et Mouiller, Mme Primas et M. Vasselle.

Compléter cet article par deux alinéas ainsi rédigés :

Lorsqu'une personne est présentée publiquement, avant toute condamnation, par le lanceur d'alerte comme étant soit suspectée soit coupable de faits faisant l'objet d'un signalement alors qu'il a la connaissance au moins partielle de leur inexactitude, le juge peut, même en référé, sans préjudice de la réparation du dommage subi, prescrire toutes mesures, telles que l'insertion d'une rectification ou la diffusion d'un communiqué, aux fins de faire cesser ces agissements, et ce aux frais du lanceur l'alerte responsable de cette atteinte.

La décision de condamnation peut ordonner les mêmes mesures aux frais du lanceur d'alerte condamné.

Mme Jacky Deromedi.  - Il importe de préciser les conditions dans lesquelles la diffusion de fausses informations par un lanceur d'alerte peut être empêchée ou corrigée dans les médias. Des réputations peuvent être ruinées par de fausses accusations. Certes, le recours aux dispositions du droit commun offre des garanties aux personnes lésées, mais il a paru nécessaire d'apporter des précisions dans un souci de rapidité dans les cas les plus urgents.

M. François Pillet, rapporteur.  - Cet amendement est satisfait par le droit en vigueur, voyez les référés « présomption d'innocence », « droit de réponse » et « atteinte à la vie privée ». Retrait ?

M. Michel Sapin, ministre.  - Même avis.

Mme Nathalie Goulet.  - Pour avoir survécu à ce genre d'épreuve, je sais qu'il y a loin de la loi à son application dans la réalité... Il faudra y revenir si nous avons droit à une deuxième lecture convenable du projet de loi Justice du XXIsiècle.

M. Alain Vasselle.  - Le lanceur d'alerte est une création récente, nous manquons de recul sur l'application de la loi par le juge. M. le rapporteur parle d'expérience, mais Mme Goulet n'a pas tort. Le temps venu, il faudra peut-être revenir sur le sujet pour que le droit soit strictement appliqué.

L'amendement n°134 rectifié ter est retiré.

L'article 6 A est adopté.

ARTICLE 6 B

M. le président.  - Amendement n°313, présenté par M. Anziani et les membres du groupe socialiste et républicain.

Alinéa 2

Supprimer les mots :

, qu'elle intervient dans le respect des procédures de signalement définies par la loi

M. Alain Anziani.  - Il est superfétatoire, et redondant, de préciser que l'irresponsabilité pénale du lanceur d'alerte est subordonnée à son respect de la procédure de signalement. N'ayons pas peur du lanceur d'alerte, un jour ou l'autre, il pourra nous être utile à tous !

M. François Pillet, rapporteur.  - Avis défavorable, évidemment. C'est en imposant le respect de la procédure de signalement que l'on protège le lanceur d'alerte de bonne foi, et que l'on se prémunit contre ceux qui sont de mauvaise foi. La commission y tient beaucoup.

À la demande du groupe Les Républicains, l'amendement n°313 est mis aux voix par scrutin public.

M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°415 :

Nombre de votants 343
Nombre de suffrages exprimés 343
Pour l'adoption 139
Contre 204

Le Sénat n'a pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°151 rectifié, présenté par MM. Cabanel et Lalande, Mmes Claireaux, Lepage et Yonnet, MM. Labazée et Duran, Mme Schillinger, M. Courteau, Mme Monier, M. Mazuir et Mme Tocqueville.

Après l'alinéa 2

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Toute obligation de confidentialité faisant obstacle au signalement ou à la révélation d'une information définie au premier alinéa est réputée nulle.

M. Roland Courteau.  - La nullité de l'obligation de confidentialité, notamment contractuelle, doit être inscrite dans la loi. Son omission laisserait l'agent public ou le salarié dans une totale incertitude quant à la hiérarchie de ses divers droits et obligations face à l'alerte.

M. François Pillet, rapporteur.  - Cet amendement inverse la logique du lanceur d'alerte, qui a vocation à violer un secret professionnel, voire des obligations légales, mais qui bénéficie d'une protection s'il l'a fait dans l'intérêt général.

Cet amendement supprimerait toute obligation de confidentialité même en l'absence du lanceur d'alerte. Avis défavorable.

M. Michel Sapin, ministre.  - Avis favorable.

Mme Marie-Christine Blandin.  - Je voterai l'amendement. Après l'affaire du Mediator, un salarié de la nouvelle Agence du médicament m'a averti du verrouillage, par un règlement interne, de la commission du retour d'expérience. Le règlement a heureusement été modifié, grâce à Dominique Maraninchi, mais cet amendement est très utile, car les blocages ne viennent pas nécessairement des directeurs ou des présidents des organismes, mais parfois d'échelons intermédiaires qui font du zèle, en voulant tout verrouiller.

M. François Pillet, rapporteur.  - La protection accordée au lanceur d'alerte rend cet amendement inutile : il bénéficiera d'une immunité pénale et sera protégé contre les préjudices qu'il pourrait subir sur son lieu de travail. En revanche, l'imprécision ainsi introduite dans la loi pourrait servir à des gens qui ne sont pas des lanceurs d'alerte.

À la demande du groupe Les Républicains, l'amendement n°151 rectifié est mis aux voix par scrutin public.

M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°416 :

Nombre de votants 343
Nombre de suffrages exprimés 326
Pour l'adoption 139
Contre 187

Le Sénat n'a pas adopté.

Rappel au règlement 

M. Daniel Raoul.  - Rappel au futur Règlement. Une réflexion est en cours sur la gouvernance du Sénat. Après ce que nous avons vécu il y a quelques semaines, il faudrait fixer une limite au nombre de scrutins publics demandés sur un même texte. Où donc est la majorité sénatoriale ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain, du groupe écologiste et du groupe communiste républicain et citoyen)

Mme Catherine Troendlé.  - Ce n'est pas un rappel au Règlement. Le Règlement permet d'organiser autant de scrutins publics que nous le souhaitons.

M. Daniel Raoul.  - C'est bien ce que nous avons constaté !

Discussion des articles du projet de loi (Suite)

M. le président.  - Amendement n°645, présenté par le Gouvernement.

Alinéa 3

Supprimer cet alinéa.

M. Michel Sapin, ministre.  - Amendement de cohérence.

L'amendement n°92 rectifié n'est pas défendu.

M. le président.  - Amendement n°422, présenté par Mme Aïchi et les membres du groupe écologiste.

Alinéa 3

Remplacer les mots :

au secret des relations entre un avocat et son client

par les mots :

au secret professionnel de l'avocat

M. André Gattolin.  - Nous approuvons l'exclusion du secret professionnel de l'avocat mais l'expression utilisée « secret des relations entre un avocat et son client » manque de clarté et ne figure nulle part dans la loi.

L'amendement n°272 rectifié quater n'est pas défendu, non plus que l'amendement n°487.

M. François Pillet, rapporteur.  - Seul le secret des relations entre l'avocat et le client est intégralement protégé, contrairement à d'autres aspects de la vie professionnelle de l'avocat. Avis défavorable à l'amendement n°422, favorable à l'amendement n°645.

M. Michel Sapin, ministre.  - Même avis.

L'amendement n°645 est adopté.

L'amendement n°422 devient sans objet.

L'article 6 B, modifié, est adopté.

ARTICLE ADDITIONNEL

M. le président.  - Amendement n°595, présenté par M. Gattolin et les membres du groupe écologiste.

Après l'article 6 B

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le premier alinéa de l'article 323-1 du code pénal est complété par une phrase ainsi rédigée :

« Toute personne qui a tenté de commettre ou commis ce délit est exemptée de poursuites si, ayant averti immédiatement l'autorité administrative ou judiciaire ou le responsable du système de traitement automatisé de données en cause, elle a permis d'éviter toute atteinte ultérieure aux données ou au fonctionnement du système. »

M. André Gattolin.  - Nous protégeons les lanceurs d'alerte découvrant des failles de sécurité informatique, qui en avertissent les responsables des systèmes concernés, sans modifier ces derniers, pour éviter la condamnation ubuesque de ceux qui, sans aucune intention de nuire, ont révélé des failles gravement préjudiciables à l'entité concernée et à la sécurité nationale.

Il ne s'agit pas, j'y insiste, de protéger les pirates qui supprimeraient ou modifieraient des données du système.

M. François Pillet, rapporteur.  - Avis radicalement défavorable. Avec cet amendement, toute personne qui s'introduirait frauduleusement dans un système informatique pour modifier ou supprimer des données bénéficierait de l'immunité si elle prévient après-coup un responsable du système.

M. Michel Sapin, ministre.  - Avis défavorable.

L'amendement n°595 n'est pas adopté.

ARTICLE 6 C

Mme Marie-Christine Blandin .  - Le Sénat propose une gradation dans la procédure de remontée des alertes, supposant que l'organisation interne de l'entreprise ou de l'entité concernée suffit à régler le problème. La loi, cependant, doit pourvoir à tout. Merci à la commission des lois d'avoir rétabli un alinéa indispensable dans une telle loi.

Mes amendements concerneront ici les alertes autres que financières et leurs exigences propres. Pensez au Mediator, mais aussi aux irradiés de l'hôpital d'Épinal : dans certains cas, trois mois, c'est trop !

L'arrêt du 6 juin 2007 définit les trois critères de la bonne foi : but légitime, absence d'animosité personnelle, expression prudente et mesurée. Point n'est besoin d'enfermer le lancement d'alerte dans une procédure applicable en toutes circonstances.

M. le président.  - Amendement n°589 rectifié, présenté par MM. Collombat, Arnell, Bertrand, Castelli, Collin, Esnol, Fortassin et Guérini, Mmes Jouve, Laborde et Malherbe et MM. Mézard, Requier, Vall et Hue.

Rédiger ainsi cet article :

Toute personne qui, dans le cadre de ses relations de travail, prend personnellement connaissance de faits susceptibles de constituer un crime, un délit ou une violation grave et manifeste de la loi et du règlement, a fortiori s'ils présentent le risque de causer un dommage grave, imminent et irréversible, en alerte son supérieur hiérarchique direct ou indirect ou son employeur.

Lorsque l'alerte met en cause un supérieur hiérarchique ou l'employeur, elle est signalée à la personne de confiance désignée par l'employeur chargée de recueillir de manière confidentielle les alertes. L'alerte n'ayant pas fait l'objet de traitement est adressée à l'Agence de prévention de la corruption ou de la Commission nationale de la déontologie et des alertes en matière de santé publique et d'environnement au-delà du délai de trois mois, sans délai en cas de risque de dommage imminent.

En dernier ressort, au-delà d'un délai de trois mois après le signalement de l'alerte par la voie hiérarchique et interne, à défaut d'avoir fait l'objet d'un traitement, et après avoir été transmise à l'autorité judiciaire selon la procédure prévue à l'article 40 du code de procédure pénale, l'alerte peut être rendue publique.

M. Pierre-Yves Collombat.  - Nous proposons une procédure beaucoup plus courte, et faisons référence à la commission nationale de déontologie.

M. François Pillet, rapporteur.  - Avis défavorable, comme à tous les amendements qui remettent en cause une rédaction à laquelle la commission tient beaucoup.

M. Michel Sapin, ministre.  - Même avis.

L'amendement n°589 rectifié n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°314, présenté par M. Anziani et les membres du groupe socialiste et républicain.

Alinéas 1 à 4

Remplacer ces alinéas par trois alinéas ainsi rédigés :

I.  -  L'alerte peut être portée à la connaissance du référent désigné par l'employeur ou, à défaut, de tout supérieur hiérarchique ou de l'employeur.

En cas de crainte de représailles ou de destruction de preuves, celle-ci peut être adressée à l'autorité judiciaire, à l'autorité administrative, au Défenseur des droits, aux instances représentatives du personnel, aux ordres professionnels ou à toute association régulièrement déclarée depuis au moins cinq ans à la date de l'alerte se proposant par ses statuts d'assister les lanceurs d'alerte.

À défaut de prise en compte par l'un des organismes mentionnés au deuxième alinéa ou en cas d'urgence, l'alerte peut être rendue publique.

M. Alain Anziani.  - Il faut certes une gradation dans l'alerte, mais qui ne soit pas trop rigide. Rien n'est prévu pour le cas où l'on n'est pas dans une relation de travail. Et que se passe-t-il si l'employeur est lui-même l'objet de l'alerte ? On doit s'adresser à une personne de confiance... elle-même désignée par l'employeur !

À défaut, il faudra s'adresser à l'autorité judiciaire ou administrative. Si elle n'a pas réagi avant trois mois, il sera possible d'avertir la presse. Mais on dit en même temps au lanceur d'alerte : « Attention, vous risquez d'en prendre plein la figure ! ». Les conditions sont extrêmement strictes.

Ma rédaction peut sans doute être parfaite, mais elle vaut mieux que le texte de la commission.

M. le président.  - Amendement n°438, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.

Alinéas 1 et 2

Rédiger ainsi ces alinéas :

I.  -  L'alerte est préalablement effectuée par voie interne auprès de la personne de confiance désignée par l'employeur, les instances représentatives du personnel, les supérieurs hiérarchiques ou l'employeur lui-même.

En cas d'impossibilité d'emprunter la voie interne ou si aucune suite n'est donnée à l'alerte dans un délai de deux mois, celle-ci peut être adressée à l'autorité judiciaire, à l'autorité administrative, au Défenseur des droits, aux ordres professionnels, à un parlementaire ou à toute association régulièrement déclarée depuis au moins cinq ans à la date de l'alerte se proposant par ses statuts d'assister les lanceurs d'alerte.

Mme Éliane Assassi.  - Mon propos vaut aussi pour l'amendement n°439. L'amendement n°438 instaure deux paliers de signalement : interne et externe.

Le premier passe par la voie interne : la personne de confiance désignée par l'employeur, les instances représentatives du personnel, les supérieurs hiérarchiques et l'employeur lui-même. S'il n'est pas possible d'emprunter ce canal par crainte de représailles ou de pression, le signalement pourra être fait par la voie externe, voie que nous avons complétée.

M. le président.  - Amendement n°538 rectifié, présenté par MM. Collombat, Arnell, Bertrand, Castelli, Collin, Esnol, Fortassin et Guérini, Mmes Laborde et Malherbe et MM. Mézard, Requier, Vall et Hue.

Alinéa 1

Supprimer le mot :

éthique

M. Pierre-Yves Collombat.  - Le terme éthique est vague. Nous ne visons pas seulement les questions de moralité générale.

M. le président.  - Amendement n°439, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.

Alinéa 1

Après les mots :

direct ou indirect,

insérer les mots 

des instances représentatives du personnel, lorsqu'elles existent,

Mme Éliane Assassi.  - Défendu.

M. le président.  - Amendement n°655, présenté par M. Pillet, au nom de la commission des lois.

I. - Alinéa 1

Remplacer les mots :

ou de l'employeur

par les mots :

de l'employeur ou d'un référent désigné par celui-ci

II. - Alinéa 2

1° Remplacer les mots :

auprès d'une personne de confiance désignée

par les mots :

auprès du seul référent désigné

2° Remplacer le mot :

chargée

par le mot :

chargé

III. - Alinéa 3

Remplacer les mots :

personne de confiance

par les mots :

référent désigné

M. François Pillet, rapporteur.  - Cet amendement permet aux entreprises qui le souhaitent de préférer une première médiation du signalement par un référent désigné. En dehors de cette hypothèse, il précise que seuls deux critères permettent de ne pas prévenir les supérieurs hiérarchiques : l'absence de diligences de ces derniers à traiter le signalement dans un délai raisonnable ou la mise en cause des supérieurs hiérarchiques.

Enfin, il vise à préférer le terme de référent à celui de personne de confiance.

M. le président.  - Amendement n°380, présenté par Mme Blandin et les membres du groupe écologiste.

Alinéa 1

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Si le risque imminent, le délit ou le danger sont du fait d'un supérieur hiérarchique, le lanceur d'alerte peut s'adresser directement aux instances publiques ou au défenseur des droits.

Mme Marie-Christine Blandin.  - Cet amendement traite du pire : le cas où le désordre est causé par un receveur de l'alerte en position hiérarchique. Dans ce cas, le lanceur d'alerte peut sauter une étape... Une salariée qui aurait dénoncé le scandale du gel PIP dans les prothèses n'aurait pas été protégée avec le texte actuel.

M. le président.  - Amendement n°381, présenté par Mme Blandin et les membres du groupe écologiste.

Alinéa 3

Compléter cet alinéa par les mots :

ou un professionnel ou à toute association régulièrement déclarée depuis au moins cinq ans à la date de l'alerte proposant par ses statuts d'assister les lanceurs d'alerte

Mme Marie-Christine Blandin.  - Un colloque de droit comparé a eu lieu le 10 juin à l'université Paris-Descartes sur le sujet ; les lanceurs d'alerte ont toujours besoin d'appui et de conseil. Les associations régulièrement déclarées doivent pouvoir les aider.

M. le président.  - Amendement n°382, présenté par Mme Blandin et les membres du groupe écologiste.

Alinéa 4, première phrase

Rédiger ainsi cette phrase :

Le signalement peut être rendu public à défaut de traitement par l'un des organismes mentionnés au précédent alinéa dans un délai raisonnable, ou en cas de danger grave et imminent ou en présence d'un risque de dommages irréversibles.

Mme Marie-Christine Blandin.  - Cet amendement reprend une mesure consensuelle votée lors de l'examen de la loi sur l'indépendance des médias mais qui n'existe plus, la CMP ayant échoué.

Le signalement peut être rendu public si l'alerte n'aboutit pas dans un délai non plus de trois mois mais « raisonnable », ou en cas de danger grave et imminent de dommages irréversibles. Je vous renvoie à une étude du Conseil d'État de février 2016.

M. François Pillet, rapporteur.  - Avis défavorable à l'amendement n°314, dont la liste d'acteurs est inappropriée. Pourquoi signaler à une association, qui n'a pas le pouvoir de mettre fin au crime ou au délit et n'est pas habilitée à connaître de secrets protégés par la loi ? Pourquoi placer les instances représentatives du personnel ou le Défenseur des droits au même niveau que l'autorité judiciaire ?

Avis défavorable à l'amendement n°438, la hiérarchie proposée n'est pas opportune. Avis favorable à l'amendement n°538 rectifié. Les instances représentatives du personnel ne sont pas aptes à juger de la véracité de l'alerte - ce qui ne les empêche pas d'oeuvrer à une procédure interne de signalement. Avis défavorable à l'amendement n°439.

L'amendement n°380 est plus restrictif que le texte de la commission des lois, à l'inverse de l'amendement n°381 qui vise « tout professionnel » et est trop extensif.

Avis défavorable à l'amendement n°382 : la notion de délai raisonnable est imprécise. Restons-en au délai de trois mois, qui est celui laissé au procureur pour agir, après un dépôt de plainte, avant saisine du juge d'instruction.

M. Michel Sapin, ministre.  - La rédaction de l'amendement n°314 n'est pas aboutie, retrait. Avis défavorable aux amendements nos438 et 439 pour les mêmes raisons que la commission, sagesse sur l'amendement n°538 rectifié. Avis favorable à l'amendement n°655. Avis défavorable aux amendements nos380, 381 et 382.

M. Alain Anziani.  - Je retire l'amendement n°314, mais il faudra être attentif à trouver une meilleure rédaction.

L'amendement n°314 est retiré.

L'amendement n°438 n'est pas adopté.

L'amendement n°538 rectifié est adopté.

L'amendement n°439 n'est pas adopté.

L'amendement n°655 est adopté.

L'amendement n°380 n'est pas adopté, non plus que les amendements nos381 et 382.

M. le président.  - Amendement n°135 rectifié bis, présenté par Mme Deromedi, MM. Frassa, G. Bailly, Béchu, Cambon, Cantegrit, Cardoux, Charon, Chasseing, Commeinhes, Danesi, Darnaud, Delattre, de Nicolaÿ, de Raincourt et Doligé, Mme Duchêne, MM. Grand, Houel, Houpert, Huré et Laménie, Mme Lamure, M. Lefèvre, Mme Lopez, MM. Mandelli, A. Marc, Milon et Mouiller, Mme Primas et M. Vasselle.

Après l'alinéa 6

Insérer deux alinéas ainsi rédigés :

Lorsqu'une personne est présentée publiquement par le lanceur d'alerte comme étant soit suspectée soit coupables de faits faisant l'objet d'un signalement alors qu'il a la connaissance au moins partielle de leur inexactitude, le juge peut, même en référé, sans préjudice de la réparation du dommage subi, prescrire toutes mesures, telles que l'insertion d'une rectification ou la diffusion d'un communiqué, aux fins de faire cesser ces agissements, et ce aux frais du lanceur l'alerte responsable de cette atteinte.

La décision de condamnation peut ordonner les mêmes mesures aux frais du lanceur d'alerte condamné.

Mme Jacky Deromedi.  - En cas de signalement d'une alerte éthique, il importe de préciser les conditions dans lesquelles la diffusion de fausses informations par un lanceur d'alerte peut être empêchée ou corrigée dans les médias. Des réputations peuvent être ruinées par de fausses accusations.

M. François Pillet, rapporteur.  - Retrait pour les mêmes raisons que précédemment.

M. Michel Sapin, ministre.  - Même avis.

L'amendement n°135 rectifié bis est retiré.

M. le président.  - Amendement n°383, présenté par Mme Blandin et les membres du groupe écologiste.

Alinéa 7

Supprimer les mots :

de plus de 10 000 habitants

Mme Marie-Christine Blandin.  - Les motivations d'un lanceur d'alerte ne dépendent pas de la taille de la commune. On ne compte que 900 communes au-dessus du seuil proposé. Je sais le Sénat attentif à l'allégement des contraintes des collectivités territoriales mais un panneau et un registre ne coûtent rien...

M. François Pillet, rapporteur.  - L'obligation est un peu lourde pour les petites communes alors que nombreuses sont celles qui se plaignent de l'explosion des normes. Avis défavorable.

M. Michel Sapin, ministre.  - Même avis.

Mme Nathalie Goulet.  - Je suivrai le rapporteur mais de petites communes abritent des sites Seveso et pourront être confrontées à des difficultés.

L'amendement n°383 n'est pas adopté.

L'amendement n°384 est retiré.

L'article 6 C, modifié, est adopté.

ARTICLE 6 D

M. le président.  - Amendement n°656, présenté par M. Pillet, au nom de la commission des lois.

Alinéa 1

Supprimer les mots :

et les outils informatiques

M. François Pillet, rapporteur.  - Amendement de clarification rédactionnelle.

M. Michel Sapin, ministre.  - Avis favorable.

L'amendement n°656 est adopté.

M. le président.  - Amendement n°30 rectifié ter, présenté par MM. Vasselle, Milon, Morisset, Lefèvre et Houel, Mme Morhet-Richaud, MM. D. Laurent, B. Fournier et Bizet, Mmes Deromedi et Cayeux, M. Laménie, Mmes Gruny et Duchêne et MM. Pellevat et Chaize.

Après l'alinéa 3

Insérer deux alinéas ainsi rédigés :

Le caractère fondé de l'alerte est établi par l'autorité judiciaire ou administrative compétente, dans le respect de l'obligation de confidentialité et des règles procédurales en vigueur.

Un décret en Conseil d'État fixe les modalités de transmission de l'alerte entre la personne l'ayant recueilli et l'autorité publique compétente pour en vérifier le caractère fondé.

M. Alain Vasselle.  - Cet amendement garantit le respect des droits de la défense et évite l'instrumentalisation du dispositif. Le processus de vérification du bien-fondé de l'alerte doit être formellement encadré afin d'éviter toute dérive.

M. François Pillet, rapporteur.  - Seule une juridiction à l'occasion d'un litige particulier pourrait se prononcer sur le bien-fondé de l'alerte. Nul n'est fondé ni compétent pour l'apprécier priori. Retrait.

M. Alain Vasselle.  - Soit, mais il n'est pas dit, au regard de la jurisprudence à venir, que nous ne soyons pas amenés à y revenir.

L'amendement n°30 rectifié ter est retiré.

L'article 6 D, modifié, est adopté.

ARTICLE 6 E

M. le président.  - Amendement n°440, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.

Après l'alinéa 2

Insérer deux alinéas ainsi rédigés :

« En cas de révocation, de licenciement ou de non renouvellement de contrat faisant suite à une alerte de bonne foi, la nullité emporte la réintégration de l'agent public ou du salarié dans son emploi, ou sa réaffectation à un poste équivalent qui ne peut être inférieur ni en termes de rémunération ni en termes d'ancienneté ni en termes de droit à la retraite, ou le dédommagement intégral du préjudice qui en résulte.

« Ce dédommagement est assuré par l'employeur, public ou privé, mis en défaut et fixé par l'autorité judiciaire compétente.

M. Patrick Abate.  - La protection contre les représailles des lanceurs d'alerte mérite d'être consolidée : l'amendement traite des cas de licenciement ou de mesure disciplinaire injustifiée ; le lanceur d'alerte doit être réintégré ou dédommagé du préjudice. Et c'est au juge de statuer sur le dédommagement plutôt que le Défenseur des droits.

M. François Pillet, rapporteur.  - Sur ce dernier point, vous avez raison : nous préférons les prud'hommes au Défenseur des droits. Mais pour le reste, cet amendement est redondant avec le droit commun de la justice administrative et prud'homale. Laissons au juge la plénitude de ses pouvoirs. Avis défavorable.

L'amendement n°440, repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°583 rectifié, présenté par MM. Collombat, Arnell, Bertrand, Castelli, Collin, Esnol, Fortassin et Guérini, Mmes Laborde et Malherbe et MM. Mézard, Requier, Vall et Hue.

Alinéas 3 et 5

Supprimer le mot :

éthique

M. Pierre-Yves Collombat.  - Il est défendu...

M. François Pillet, rapporteur.  - Avis favorable.

M. Michel Sapin, ministre.  - Sagesse.

L'amendement n°583 rectifié est adopté.

M. le président.  - Amendement n°657, présenté par M. Pillet, au nom de la commission des lois.

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

...  -  L'article 6 ter A de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires est ainsi modifié :

1° Après le premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Aucun fonctionnaire ne peut être sanctionné ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, pour avoir signalé une alerte dans le respect des dispositions des articles 6 A à 6 C de la loi n°         du          relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique. » ;

2° La première phrase du quatrième alinéa est ainsi modifiée :

a) Le mot : « trois » est remplacé par le mot : « quatre » ;

b) Les mots : « ou d'une situation de conflit d'intérêts » sont remplacés par les mots : « , d'une situation de conflits d'intérêts ou d'un signalement constitutif d'une alerte au sens de l'article 6 A de la loi précitée ».

3° Le dernier alinéa est ainsi rédigé :

« Le fonctionnaire qui relate ou témoigne de faits relatifs à une situation de conflit d'intérêts de mauvaise foi ou de tout fait susceptible d'entraîner des sanctions disciplinaires, avec l'intention de nuire ou avec la connaissance au moins partielle de l'inexactitude des faits rendus publics ou diffusés est puni des peines prévues au premier alinéa de l'article 226-10 du code pénal. »

M. François Pillet, rapporteur.  - Cet amendement comble une lacune et étend aux fonctionnaires la protection contre toute mesure discriminatoire.

M. Michel Sapin, ministre.  - Le Gouvernement partage votre objectif mais la loi très récente du 20 avril 2016 relative à la déontologie des fonctionnaires le satisfait. Avis défavorable, par souci de stabilité.

M. François Pillet, rapporteur.  - La loi d'avril ne couvre pas le cas de violation grave des lois et règlements...

M. Alain Vasselle.  - Peut-être n'avons-nous pas été assez attentifs lors de l'examen du texte sur la déontologie. Le droit commun doit s'appliquer à tous, pourquoi faire un sort particulier aux fonctionnaires ?

M. François Pillet, rapporteur.  - Parce qu'ils ne sont pas soumis au code du travail...

L'amendement n°657 est adopté.

L'article 6 E, modifié, est adopté.

L'article 6 FA est adopté.

M. le président.  - Nous avons examiné aujourd'hui 68 amendements. Il en reste 528.

La séance de l'après-midi de demain sera suspendue à 19 heures, compte tenu de la réunion, ouverte à tous les sénateurs, de la commission des affaires européennes, pour l'audition de M. Harlem Désir, secrétaire d'État chargé des affaires européennes, sur les conclusions du Conseil européen des 28 et 29 juin. Elle reprendra à 21 heures.

Prochaine séance, mardi 5 juillet 2016, à 14 h 30.

La séance est levée à minuit.

Jacques Fradkine

Direction des comptes rendus