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Table des matières



Échec en CMP

Question prioritaire de constitutionnalité

Nouvelles libertés et protections pour les entreprises et les actif-ve-s (Procédure accélérée - Suite)

Rappel au Règlement

Mme Annie David

Discussion des articles (Suite)

ARTICLE PREMIER (Suite)

Hommage au couple de policiers tués

Questions d'actualité

Lutte contre le terrorisme (I)

Mme Catherine Tasca

M. Manuel Valls, Premier ministre

Lutte contre le terrorisme (II)

M. François Zocchetto

M. Manuel Valls, Premier ministre

Lutte contre le terrorisme (III)

M. Bruno Retailleau

M. Manuel Valls, Premier ministre

Violences à Marseille (I)

Mme Mireille Jouve

M. Bernard Cazeneuve, ministre de l'intérieur

Soutien à l'agriculture bio

M. Joël Labbé

M. Stéphane Le Foll, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement

Loi Travail

M. Patrick Abate

Mme Myriam El Khomri, ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social

Violences à Marseille (II)

Mme Samia Ghali

M. Bernard Cazeneuve, ministre de l'intérieur

Violences à Marseille (III)

M. Bruno Gilles

M. Bernard Cazeneuve, ministre de l'intérieur

Attractivité et image de la France

Mme Caroline Cayeux

M. Manuel Valls, Premier ministre

Loi Vieillissement

M. Georges Labazée

Mme Pascale Boistard, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée des personnes âgées et de l'autonomie

Nouvelles libertés et protections pour les entreprises et les actif-ve-s (Procédure accélérée - Suite)

Discussion des articles (Suite)

ARTICLES ADDITIONNELS après l'article premier

CHAPITRE PREMIER BIS (Renforcer la lutte contre les discriminations, le harcèlement sexuel et les agissements sexistes)

ARTICLES ADDITIONNELS

ARTICLE PREMIER BIS

Mme Laurence Cohen

ARTICLE PREMIER TER

Mme Brigitte Gonthier-Maurin

ARTICLE PREMIER QUINQUIES

Mme Laurence Cohen

ARTICLES ADDITIONNELS

ARTICLE 2

Mme Marie-Noëlle Lienemann

Mme Éliane Assassi

Mme Annie David

Mme Laurence Cohen

Mme Cécile Cukierman

M. François Marc

Mme Dominique Gillot

M. Martial Bourquin

M. Pierre Laurent

M. Yves Daudigny

M. Jean Desessard

M. Alain Néri

M. Yannick Vaugrenard

Mme Myriam El Khomri, ministre

Ordre du jour du mercredi 15 juin 2016

Analyse des scrutins publics




SÉANCE

du mardi 14 juin 2016

110e séance de la session ordinaire 2015-2016

présidence de M. Thierry Foucaud, vice-président

Secrétaires : M. Bruno Gilles, M. Serge Larcher.

La séance est ouverte à 14 h 30.

Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.

Échec en CMP

M. le président.  - J'informe le Sénat que la commission mixte paritaire chargée d'élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi visant à renforcer la liberté, l'indépendance et le pluralisme des médias n'est pas parvenue à l'adoption d'un texte commun.

Question prioritaire de constitutionnalité

M. le président.  - Le Conseil constitutionnel a informé le Sénat, le 14 juin 2016, qu'en application de l'article 61-1 de la Constitution, la Cour de cassation lui a adressé deux arrêts de renvoi de questions prioritaires de constitutionnalité portant sur les articles 691-11 et 696-19 du code de procédure pénale (Placement sous écrou extraditionnel).

Les textes de ces arrêts de renvoi sont disponibles à la direction de la Séance.

Nouvelles libertés et protections pour les entreprises et les actif-ve-s (Procédure accélérée - Suite)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la suite de l'examen du projet de loi, considéré comme adopté par l'Assemblée nationale en application de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution après engagement de la procédure accélérée, visant à instituer de nouvelles libertés et de nouvelles protections pour les entreprises et les actif-ve-s.

Rappel au Règlement

Mme Annie David .  - Hier après-midi, Mme la ministre a rappelé qu'un accord d'entreprise pouvait être une bonne chose et que nous devions l'invention de la troisième semaine de congés payés à un tel accord au sein de la régie Renault. Rappelons que cette entreprise avait été nationalisée à la Libération, pour sanctionner la collaboration de Louis Renault, le « saigneur de Billancourt », en référence à l'usine de l'île Seguin. Cette forteresse ouvrière, haute cathédrale de la métallurgie, avait arraché en 1955 une troisième semaine de congés payés à l'issue d'une longue grève ; en 1962, ces ouvriers obtinrent aussi la quatrième semaine de congés payés après une lutte sociale d'ampleur. C'est à la suite d'un autre mouvement revendicatif, suivi au niveau confédéral par Henri Krasucki, que fut signé un accord créant le premier dispositif de retraite complémentaire du pays.

Nulle avancée sociale n'a jamais été le fait du prince dans notre pays, pas plus que le fruit de la générosité du patronat. Faisons peut-être une exception pour la participation aux bénéfices, traduisant la vieille chimère de la réunion du capital et du travail dans un intérêt commun, dont on peut penser qu'elle fut inspirée par l'action d'un Marcel Bloch Dassault, à l'entreprise d'autant plus florissante qu'elle vit de commandes publiques.

Le code du travail, né en 1910, ne fut guère que la compilation des lois ouvrières du XIXe siècle arrachées par la lutte. (On s'impatiente)

Pour prendre la parole et négocier, il faut d'abord agir.

Discussion des articles (Suite)

ARTICLE PREMIER (Suite)

M. le président.  - Amendement n°456, présenté par M. Watrin et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.

I.  -  Alinéa 5

Supprimer cet alinéa.

II.  -  Alinéa 6, seconde phrase

Supprimer cette phrase.

III.  -  Alinéa 11

Supprimer cet alinéa.

M. Dominique Watrin.  - Les objectifs de cet article sont en contradiction totale avec la réalité et même le sens de l'Histoire : il n'y a aucun lien entre épaisseur du code du travail et compétitivité des entreprises. Son épaisseur, d'ailleurs, est due principalement aux dérogations que les employeurs n'ont même cessé d'obtenir. En 2008, pour répondre à la prétendue complexité des règles du licenciement a été instaurée la rupture conventionnelle. Résultat : plus d'un million ont été signées en 2014... Le discours sur la compétitivité des entreprises est éculé !

Nous demandons la suppression des alinéas 5 et 11 qui élargissent à l'excès les compétences de la commission.

M. le président.  - Amendement n°241 rectifié, présenté par MM. Cadic, Canevet, Bockel, Delahaye, Guerriau, Longeot et Pozzo di Borgo.

Alinéa 11

Remplacer les mots :

de deux ans

par les mots :

d'un an

M. Olivier Cadic.  - Je veux d'abord adresser toutes mes condoléances à la famille du commandant de police assassiné hier. (Applaudissements)

Avant de donner le temps de mettre en place la simplification du code du travail que nous appelions de nos voeux, je demandais l'an dernier par amendement la création d'une telle commission. Mais deux ans, c'est trop ; un an suffit.

M. le président.  - Un hommage sera rendu dans quelques instants aux victimes de cet attentat par le président du Sénat.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur de la commission des affaires sociales.  - Au XXIe siècle, le succès des entreprises dépend de la rapidité avec laquelle elles parviennent à se réorganiser : d'où l'importance des alinéas 5 et 11. Peugeot, par exemple, a attendu d'être au bord du gouffre avant de modifier son organisation... Avis défavorable à l'amendement n°456.

Je vois bien la logique de l'amendement Cadic : faire en sorte que la majorité en place à l'automne 2017 puisse légiférer en disposant des conclusions de cette commission. Encore faut-il qu'elle ait eu le temps de bien travailler. M. Combrexelle souhaitait quatre ans ; il lui en faut au moins deux. Retrait de l'amendement n°241 rectifié ?

Mme Myriam El Khomri, ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.  - Le Gouvernement souhaite que cette recodification se fasse à droit constant. C'est aux parlementaires qu'il revient de faire évoluer le droit, pas à une commission d'experts ! Je ne souhaite donc pas que lui soient assignés des objectifs. Dans cet esprit, je ne peux donc être hostile à l'amendement Watrin : c'est une question de cohérence.

Je n'oppose pas la protection des salariés à la compétitivité des entreprises ; ce projet de loi vise précisément à allier les deux. Le plan 500 000 formations supplémentaires, par exemple, conjugue protection des salariés et compétitivité de notre économie. Si notre code du travail est épais, c'est parce que le patronat a demandé de nombreuses dérogations. L'accord majoritaire, dans ce contexte, est le meilleur moyen de parvenir à un équilibre - en l'absence d'un tel accord, le droit en vigueur aujourd'hui s'appliquera.

Les concertations et la refondation des règles en matière de dialogue social, soit sur 125 pages du code du travail, nous ont demandé cinq mois de travail : c'est assez dire que refonder le code entier prendra du temps.

Sagesse sur l'amendement n°456 ; avis défavorable au n°241 rectifié.

Mme Annie David.  - J'entends bien ce que vous dites, madame la ministre ; mais cet article premier a été profondément réécrit par l'Assemblée nationale et surtout par la commission des affaires sociales du Sénat : il dispose désormais que la commission propose la refondation de la partie législative du code du travail.

Cet article premier fixe des objectifs aux travaux de la commission, parmi lesquels renforcer la compétitivité des entreprises, « en particulier celles qui emploient moins de 250 salariés » : c'est on ne peut plus clair ! (Brouhaha sur divers bancs) Vous voulez m'empêcher de parler ? Au Parlement, nous devons avoir encore le droit de parler ! Les millions de salariés qui cherchent à se faire entendre dans la rue ont droit à un relais ici !

Mme Nicole Bricq.  - Pour ceux qui n'étaient pas là hier, je rappelle que l'article premier crée une commission d'experts chargée de proposer une refondation du code du travail. Mais ce ne sera pas à elle de refaire la loi !

Nous sommes d'accord avec les deux premiers points de l'amendement n°456. En revanche, on ne peut supprimer en totalité l'alinéa 11 : cela reviendrait à faire disparaître tout délai de remise des conclusions de cette commission. Si ses auteurs acceptent de rectifier cet amendement pour supprimer seulement la proposition relative, nous sommes disposés à le voter.

M. Gaëtan Gorce.  - Dans deux ans, nous aurons une nouvelle majorité présidentielle et parlementaire...

M. Jean-Claude Lenoir.  - Dont acte !

M. Gaëtan Gorce.  - ...dont je crains fort que l'objectif premier ne soit pas la défense des intérêts des salariés. Alors que ce projet de loi provoque aujourd'hui encore des manifestations et que la pression de la droite est très forte, le Gouvernement joue ici aux apprentis sorciers. N'allons pas mettre délibérément en danger les principes que nous disons vouloir défendre ! Fixer un délai, pourquoi pas, mais alors le plus court possible, pour que ce soit cette majorité qui légifère ensuite sur le code du travail.

Attendre début 2016 pour se rendre compte que l'on a un problème de formation pour les chômeurs de longue durée, c'est louable - mieux vaut tard que jamais - mais nous aurions sans doute pu obtenir des résultats si nous nous y étions pris plus tôt.

M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales.  - L'alinéa 5 dispose que la commission fera des propositions visant à renforcer la compétitivité des entreprises et le 11 fixe un délai de remise du rapport. Si nous les supprimons, il n'y a plus ni réflexion, ni rapport... D'où notre demande de scrutin public sur ces amendements.

Mme Laurence Cohen.  - Est-il dans le rôle du code du travail d'assurer la compétitivité des entreprises ?

M. Alain Milon, président de la commission.  - De la commission, oui.

Mme Laurence Cohen.  - Une commission qui a du pouvoir sans en avoir !

Sur l'égalité salariale femmes-hommes, il a fallu argumenter hier soir à n'en plus finir, pour que, finalement, l'amendement soit rejeté ! Nous acceptons la proposition de rectification de notre amendement mais on ne peut ignorer l'atmosphère quand des millions de personnes bataillent contre ce projet de loi.

M. Olivier Cadic.  - Avec l'alinéa 3 de l'article, le code du travail fera encore le même volume ! Je souhaite que la commission se préoccupe de ce qui est d'ordre public ou pas. Le meilleur moyen d'être sûr que rien ne se passe, c'est de ne fixer ni objectif, ni délai... Puisqu'il en est ainsi, je retire mon amendement.

L'amendement n°241 rectifié est retiré.

M. Dominique Watrin.  - Nous rectifions notre amendement dans le sens proposé.

M. le président.  - Il faut le rédiger soigneusement, cela demande quelques minutes : je suspends la séance.

La séance, suspendue à 15 heures, reprend à 15 h 05.

M. le président.  - Amendement n°456 rectifié, présenté par M. Watrin et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.

I.  -  Alinéa 5

Supprimer cet alinéa.

II.  -  Alinéa 6, seconde phrase

Supprimer cette phrase.

III.- Alinéa 11

Supprimer les mots :

, qui portent sur les dispositions relatives aux conditions de travail, à l'emploi et au salaire,

M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur.  - L'avis reste défavorable.

Mme Myriam El Khomri, ministre.  - J'en reste à l'avis de sagesse.

À la demande de la commission des affaires sociales, l'amendement n°456 rectifié est mis aux voix par scrutin public.

M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°246 :

Nombre de votants 343
Nombre de suffrages exprimés 342
Pour l'adoption 154
Contre 188

Le Sénat n'a pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°185 rectifié bis, présenté par M. Gorce, Mme Lienemann et MM. Durain, Néri, Masseret et Cabanel.

Après l'alinéa 5

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

...° Lutter contre le « dumping social » en encadrant les pratiques sociales d'entreprises françaises exerçant sur les salariés à l'étranger une pression contraire à leur sécurité et à leur protection sociale. Pour prévenir cette situation, chaque année, le comité d'entreprise est saisi dans le cadre du bilan social, d'un rapport faisant état des conditions de travail, de salaire et de protection sociale des salariés des entreprises situées en dehors de l'Union européenne contrôlées par le groupe ou dépendant principalement de ses commandes.

M. Jérôme Durain.  - Afin de lutter contre le dumping social, cet amendement crée un droit de regard des salariés sur les politiques sociales conduites par leur groupe dans ses éventuelles filiales extra-européennes. La délocalisation des activités et des investissements doit s'accompagner d'une délocalisation des droits sociaux.

Tirons les conséquences de l'effondrement du Rana Plaza et de l'extension excessive des chaînes de sous-traitance, dans la lignée de la proposition de loi de Dominique Potier. À ce propos, Mme la ministre a eu l'occasion de réitérer auprès de l'Organisation internationale du travail (OIT) le souhait de voir des normes être mises en place pour les rémunérations, les conditions et le temps de travail.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur.  - La lutte contre le dumping social est au coeur de l'article 13, et l'alinéa 6 vous donne satisfaction. Avis défavorable.

Mme Myriam El Khomri, ministre.  - À nouveau, cette commission n'a pas à légiférer à votre place : avis défavorable.

La proposition de loi Potier n'aurait de sens que si nous pouvions légiférer au niveau européen et international. J'étais à l'OIT la semaine dernière pour évoquer ce sujet.

Le Gouvernement est de plus en pointe sur la lutte contre la fraude au détachement, en demandant la révision de la directive européenne de 1996. Le problème, ce n'est pas le travail détaché lui-même : nous sommes le troisième pays fournisseur de travailleurs détachés, et la liberté de circulation est une richesse. C'est la fraude qui doit être combattue.

Mme Évelyne Didier.  - Mme la ministre tient-elle compte de tout ce qui se trame avec le Tafta, le Tisa et le Ceta ? Nos mesures de protection des salariés et des entreprises sur notre territoire risquent de devenir caduques du fait de leur adoption... Expliquez-moi !

L'amendement n°185 rectifié bis n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°458, présenté par M. Watrin et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.

Alinéa 6, première phrase

Après les mots :

négociation collective

insérer les mots :

, au respect du principe de faveur et de la hiérarchie des normes

M. Dominique Watrin.  - Favoriser la flexibilité, la démocratie dans l'entreprise, les termes sont toujours les mêmes pour désigner un recul social : la fin du principe de faveur, qui protège pourtant les salariés des pressions et du chantage. Niez-vous le déséquilibre du marché du travail et la dissymétrie entre salarié et employeur dans le rapport contractuel ?

Rétablir le principe de faveur et la hiérarchie des normes ne nuit pas à l'efficacité économique, c'est au contraire l'asseoir sur le progrès social !

M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur.  - Depuis les lois de 2004 et de 2008, l'accord d'entreprise tend à primer. Le principe de faveur n'a même jamais été total : une loi Auroux de 1982 prévoyait déjà qu'un accord de branche élargi puisse déroger à la loi ! Avis défavorable : sans vouloir revenir à l'opposition entre la solidarité chère à Proudhon et la conflictualité de Marx, la commission reste favorable à l'esprit général du texte.

Mme Myriam El Khomri, ministre.  - Regardons en effet ce qui a été fait depuis trente ans. Les lois Auroux prévoyaient déjà que l'accord d'entreprise peut modifier le contingent d'heures supplémentaires. L'intérim, la précarité, le chantage à l'emploi sont une réalité. C'est précisément pour cela qu'il faut renforcer la présence des syndicats dans l'entreprise.

Je n'oppose pas le droit au travail au droit du travail, je cherche un nouvel équilibre. La société fordiste a vécu ! Nous renforçons notamment le principe majoritaire, alors qu'avec les lois Auroux, un accord d'entreprise pouvait s'appliquer à partir du moment où ses signataires représentaient 5 % des salariés.

Pour finir, je citerai Philippe Martinez (Étonnement amusé à droite) que l'on interrogeait hier sur l'accord intervenu à la SNCF : « C'est aux salariés de dire ce qui est bon pour eux ». Tel est bien l'esprit de ce projet de loi ! (Applaudissements sur la plupart des bancs du groupe socialiste et républicain)

M. Gaëtan Gorce.  - Ce débat sur le principe de faveur, que nous aurons de nouveau à propos de l'article 2, est fondamental. Nous l'avions déjà tenu lors des lois Fillon et Bertrand sous une précédente majorité. Je reprendrai donc les arguments qui furent alors ceux de M. Vidalies lequel, heureusement pour sa cohérence personnelle, n'a pas à défendre le présent texte.

Que les accords soient adaptés au plus près du terrain est très bien en théorie.

M. Jean-Louis Carrère.  - Cela vous va bien !

M. Gaëtan Gorce.  - Voilà l'esprit moutonnier...

La réalité est que la capacité à négocier dans l'entreprise est extrêmement faible : le taux de syndicalisation dans le secteur privé n'est que de 7 %. Quand la situation économique est difficile, le chantage à l'emploi est inéluctable. Notre préconisation devrait donc être non de nous adapter à une pratique d'individualisation des salaires et du temps de travail mais de faire progresser les droits collectifs. En l'état, ce texte encourage la balkanisation des droits et la compétition sur le terrain social.

Merci au sénateur socialiste des Landes de m'avoir laissé aller au bout de mon raisonnement.

Mme Annie David.  - J'adhère à la brillante argumentation de Gaëtan Gorce. La hiérarchie des normes s'appliquait dans beaucoup de domaines, madame la ministre, à l'époque. Le passage de l'accord à 30 % était la contrepartie de cette évolution.

Vous citez M. Philippe Martinez aujourd'hui. Et hier ? Plus de 30 000 accords sont déjà signés dans l'entreprise, vous le dites vous-même. Pourquoi, dans ces conditions, changer la loi ? Vous mettez des salariés dans une situation difficile, en les forçant à négocier des normes moins favorables que la loi.

Ce n'est pas en rappelant jour après jour le précédent des lois Auroux - nous les connaissons - que vous nous convaincrez !

Mme Marie-Noëlle Lienemann.  - L'intérêt général qui doit être fixé par la loi, commande qu'aucune régression des droits sociaux n'ait lieu, que rien ne justifie au demeurant, ni le progrès technique, ni la mondialisation. Nous sommes favorables au développement des accords d'entreprise. Le champ de la négociation est loin d'être neutre : l'intérêt de la population riveraine de Notre-Dame-des-Landes est-il identique à celui des habitants de la Loire-Atlantique, ou à celui de la Nation tout entière ?

Lorsque les salariés d'une entreprise auront accepté des reculs sociaux, les autres entreprises auront beau jeu de réclamer les mêmes reculs.

L'intérêt général est d'éviter un tel dumping, en France comme en Europe. L'UPA est d'accord avec nous. (Claquements de pupitres à droite pour indiquer au président de séance que l'oratrice a dépassé son temps de parole)

L'amendement n°458 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°457, présenté par M. Watrin et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.

Alinéa 6, première phrase

Après les mots :

ordre public

rédiger ainsi la fin de cette phrase :

tels le principe de faveur, la hiérarchie des normes, l'égalité professionnelle, les droits syndicaux, la santé et la sécurité au travail, le respect de la vie privée, la durée maximale du travail à trente-cinq heures, une rémunération minimale égale au salaire minimal de croissance, à mettre en place pour les salariés de nouvelles protections face aux mutations du travail au XXIème siècle.

Mme Laurence Cohen.  - La suppression du principe de faveur au profit de celui de défaveur ou de chantage, aura pour conséquence une dégradation des conditions de travail, des rémunérations et du temps de travail.

Vous privilégiez le gré à gré, c'est croire au pouvoir de la main invisible d'Adam Smith qui, s'appuyant sur la somme des intérêts particuliers, parvient à trouver l'intérêt général. L'Histoire a amplement montré le contraire.

M. le président.  - Amendement n°459, présenté par M. Watrin et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.

Alinéa 6, première phrase

Après les mots :

ordre public

insérer les mots :

tels que la durée maximale du travail à trente-cinq heures et le salaire minimum,

Mme Marie-France Beaufils.  - Nos concitoyens sont attachés à leurs rémunérations et aux 35 heures ; ils le montrent massivement dans la rue aujourd'hui, mais aussi sur les réseaux sociaux. Ne revenez pas dessus sous prétexte de refonder le code du travail.

M. le président.  - Amendement n°460, présenté par M. Watrin et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.

Alinéa 6, première phrase

Après les mots :

ordre public

insérer les mots :

telles l'égalité professionnelle, les droits syndicaux, la santé et la sécurité au travail, le respect de la vie privée,

Mme Évelyne Didier.  - Nous sommes favorables à la négociation collective. Mais nous sommes conscients des rapports de force dans les entreprises. C'est un vrai désaccord de fond. Vous niez, madame la ministre, le déséquilibre des forces entre salariés et employeurs. La négociation collective devrait toujours respecter l'ordre public social et les principes essentiels en matière de droit du travail que sont l'égalité professionnelle, les droits syndicaux, la santé et la sécurité au travail, le respect de la vie privée. Ce sont des principes sur lesquels les employeurs peuvent se retrouver.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur.  - Rendons hommage à la constance du groupe CRC, de M. Gorce, mais aussi de la droite et du centre, qui avait la même position lors du vote sur la loi de 2008.

M. Alain Néri.  - C'est bien ce qui nous inquiète !

M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur.  - Mais qu'en est-il de la majorité du groupe socialiste ?

Nous sommes...

M. Jean-Louis Carrère.  - Conservateurs !

M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur.  - ... droits dans nos bottes, sans avoir la réforme honteuse. (« Très bien ! » à droite) Avis défavorable à ces trois amendements.

Mme Myriam El Khomri, ministre.  - Je n'ai pas la réforme honteuse. Je suis favorable au maintien des 35 heures et des conditions de rémunération, mais aussi à la négociation et au principe majoritaire.

Plusieurs voix socialistes.  - Bravo !

Mme Myriam El Khomri, ministre.  - Le fond de cet article n'est pas de lister tout ce qui doit rester dans l'ordre public social ! Avis défavorable sur ces trois amendements.

Mme Marie-France Beaufils.  - Comment pouvez-vous parler de renforcement de la présence syndicale dans les entreprises quand on voit leur fragilité dans les entreprises de moins de 250 salariés ? Le patronat trouve toutes les solutions pour se débarrasser du salarié qui veut créer un syndicat.

Votre discours n'a rien à voir avec la réalité sur le terrain. Le salarié ne doit pas être seul : l'accord de branche doit le protéger.

L'amendement n°457 n'est pas adopté, non plus que les amendements nos459 et 460.

M. le président.  - Amendement n°141, présenté par Mme Deromedi, M. Bouchet, Mme Cayeux, MM. Chasseing, Doligé, Frassa et Gremillet, Mme Gruny, M. Husson, Mme Kammermann et MM. Laménie, Magras, Masclet, Morisset, Pellevat, Soilihi et Vasselle.

Après l'alinéa 6

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

Elle attribue également une place majeure aux dispositions tendant à favoriser l'emploi, à enrayer le chômage, à adapter le droit du travail aux évolutions techniques, notamment à l'ère du numérique, à renforcer la formation professionnelle et l'apprentissage, à simplifier les démarches des entreprises, à tenir compte de la situation particulière des très petites et moyennes entreprises, au développement du commerce extérieur de la France.

M. Daniel Chasseing.  - Les principes de refondation du droit du travail ne peuvent se limiter à la convention collective.

Entre autres, le texte, très hexagonal, ne dit rien du développement de notre commerce extérieur.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur.  - L'amendement énonce des principes qui nous ont utilement inspirés. C'est pourquoi nous avons inclus dans notre rédaction de l'article premier la simplification, l'attention aux TPE-PME à l'alinéa 3.

Votre amendement est donc au moins en partie satisfait. Retrait ?

Mme Myriam El Khomri, ministre.  - Avis défavorable.

M. René-Paul Savary.  - Cet amendement traduit bien la philosophie de la majorité du Sénat. Avec l'économie collaborative, les emplois de demain ne sont pas ceux d'aujourd'hui.

Plus de la moitié de ces derniers seront à réinventer. En face, nous créons une commission et on ajoute une référence à la lutte des classes...

Mme Laurence Cohen.  - Elle est toujours là !

M. René-Paul Savary.  - N'oublions pas que cette loi est faite pour ceux qui n'ont pas de travail ! (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)

L'amendement n°141 est retiré.

M. le président.  - Amendement n°186 rectifié, présenté par M. Gorce.

Après l'alinéa 6

Insérer cinq alinéas ainsi rédigés :

La commission se fixe comme priorité d'établir des règles pour favoriser la réinsertion des demandeurs d'emploi. À ce titre, elle évalue l'opportunité de créer, dans chaque bassin d'emploi, une Maison du travail, avec le statut d'une association relevant de la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d'association. Dans le cadre de ses travaux, la commission examine notamment les principes énoncés ci-après.

Son président est le directeur afférent de Pôle emploi.

Son conseil d'administration est composé des représentants du ou des Pôles d'équilibre territoriaux et ruraux et de délégués élus par les salariés et les employeurs des entreprises situées sur le territoire couvert.

La Maison du travail signe, dans les conditions fixées par son conseil d'administration, les contrats de retour à l'emploi dont la mise en oeuvre est assurée par Pôle emploi ou tout autre organisme défini par ses soins.

Les bénéficiaires de ces contrats élisent chaque année trois délégués qui siègent au conseil d'administration avec voix consultative.

M. le président.  - Amendement n°187 rectifié, présenté par M. Gorce.

Après l'alinéa 6

Insérer trois alinéas ainsi rédigés :

La commission évalue l'opportunité d'établir des règles pour favoriser la réinsertion des demandeurs d'emploi. À ce titre, elle définit les conditions dans lesquelles, dès son inscription à Pôle emploi, tout demandeur d'emploi âgé au moins de 18 ans se voit proposer, par la Maison du travail dont il relève, un contrat de retour au travail pour une durée d'un an renouvelable par trimestre dans la limite de douze mois.

La commission examine l'hypothèse d'une allocation plafonnée. Ses propositions devront s'inscrire dans le cadre des moyens disponibles et n'induire aucune dépense supplémentaire.

Ce contrat implique l'exécution des missions précisées d'un commun accord avec la Maison du travail, à savoir : recherche d'emploi, bilan de compétence, formations, activités d'utilité collective. Ces missions sont définies dans le but de faciliter le retour rapide à l'emploi de leurs bénéficiaires et s'inscrivent dans un parcours cohérent.

M. Gaëtan Gorce.  - Avec ces deux amendements, je suggère d'entreprendre une démarche qui consisterait à créer un système universel, où les sans-emploi se verraient proposer des offres d'insertion, de travail, de formation sous la forme de contrats.

Tenant beaucoup à la sérénité du débat, je tiens à présenter mes excuses si un sénateur a pensé que je m'en prenais à lui personnellement. C'était malvenu.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur.  - Évitons de créer de nouvelles institutions. Avis défavorable aux amendements nos186 rectifié et 187 rectifié.

Mme Myriam El Khomri, ministre.  - La notion de parcours du demandeur d'emploi est essentielle. Ce texte y fait référence, notamment avec la garantie Jeunes. La « maison du travail » me rappelle notre débat en projet de loi de finances sur les maisons de l'emploi.

En revanche, cela n'a pas de rapport évident avec cet article premier. Mais je suis prête à travailler avec vous sur cette piste, monsieur le sénateur Gorce, car je partage vos constats.

M. Alain Néri.  - L'amendement de M. Gorce arrive au bon moment pour apaiser les inquiétudes de M. Savary quant aux demandeurs d'emploi.

Si l'amendement n'a pas beaucoup de rapport avec l'article premier, il nous ramène à la création des comités de bassins d'emplois en 1981. Pôle Emploi n'est pas un succès dans la lutte contre le chômage ; cela se saurait ! (Marques d'approbation) Merci, madame la ministre, de votre proposition. Soutenons l'amendement de M. Gorce ; je compte bien sur l'appui de M. Savary. (On en doute à droite)

Mme Myriam El Khomri, ministre.  - Je ne peux pas laisser dire que c'est la faute de Pôle Emploi s'il y a du chômage dans ce pays. L'année 2015 a été importante : les agents de Pôle Emploi n'avaient pas accès à l'intégralité des offres. Nous avons formé 4 000 agents.

M. Alain Gournac.  - C'est efficace ?

Mme Myriam El Khomri, ministre.  - Concernant les chômeurs de longue durée, nous sommes mauvais : nous formons un demandeur d'emploi sur dix, contre deux ou trois pour dix en Allemagne et en Autriche. Pour autant, nos efforts commencent à porter leurs fruits.

Plusieurs voix à droite.  - Ça va mieux !

Mme Nicole Bricq.  - Vous ne voyez que le négatif. Et les créations d'emplois ? (Nouvelles exclamations à droite)

Mme Myriam El Khomri, ministre.  - Oui, les indicateurs économiques sont meilleurs : 160 000 emplois créés en 2015, ce n'est pas rien ! (Même mouvement) Nous nous employons à mieux positionner les maisons de l'emploi sur le territoire.

M. René-Paul Savary.  - Nous sommes d'accord avec vous pour dire que ça va mieux : tout le monde a pu le constater ! (Marques de satisfaction sur les bancs du groupe socialiste et républicain) J'ai entendu tout à l'heure des bruits dans la rue qui en témoignent ! (Sourires à droite) L'amendement de M. Gorce est cohérent ; il rejoint nos propositions sur le rôle de la région en matière d'emploi, en collaboration avec le préfet. C'est la logique, la région a les compétences de développement économique et d'apprentissage. Vous n'avez pas cru bon de reprendre cette proposition dans la loi NOTRe. C'est dommage. Je ne soutiendrai pas l'amendement de M. Gorce car j'en étais le rapporteur, et ici, je suis l'avis du rapporteur, qui est défavorable. (Quelques applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)

M. Gaëtan Gorce.  - La compétence de la région avait un inconvénient, celui de créer autant de Pôle Emploi que de régions ; si décentralisation il faut, c'est au niveau des bassins d'emplois. Il faudrait une fusion d'une grande partie des crédits d'assurance chômage avec la formation professionnelle pour bien marquer leur complémentarité.

L'amendement n°186 rectifié n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°187 rectifié.

M. le président.  - Amendement n°275 rectifié, présenté par Mmes Jouanno et Morin-Desailly, MM. Lasserre, Longeot et Capo-Canellas, Mme Hummel et MM. Laménie et Cigolotti.

Alinéa 8

Rédiger ainsi cet alinéa :

La commission comprend un nombre égal de femmes et d'hommes. 

Mme Chantal Jouanno.  - La future commission doit être paritaire et non pas seulement poursuivre un objectif de parité. La délégation aux droits des femmes y tient.

M. le président.  - Amendement identique n°415, présenté par Mme Bouchoux, M. Desessard, Mmes Archimbaud, Benbassa et Blandin et MM. Dantec, Gattolin, Labbé et Poher.

Mme Corinne Bouchoux.  - Cet amendement devrait faire consensus, à la différence d'autres sujets. Regardons-nous, regardons l'Assemblée nationale : peu de femmes... Quand l'on tend à la parité, cela peut prendre beaucoup de temps. Nous sommes en 2016 !

M. le président.  - Amendement identique n°461, présenté par M. Watrin et les membres du groupe CRC.

Mme Laurence Cohen.  - Ce sont des députés qui ont introduit la parité. Je suis choquée que la commission des affaires sociales revienne dessus ! Nous l'avons vu hier dans le débat autour de l'amendement de M. Antiste ; il est temps de ne plus « viser à... », mais de réaliser la parité.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur.  - Pourquoi avoir choisi « tendre à... » ? (Marques d'attention) C'est que nous avions imaginé que les femmes puissent être plus nombreuses que les hommes... (Rires)

La commission a émis un avis défavorable à ces amendements. Mais, tout bien considéré, nous pouvons les adopter d'un même élan.

Mme Myriam El Khomri, ministre.  - Avis particulièrement favorable. Il y a, sur les bancs du Gouvernement, au sein de mon cabinet, plus de femmes que d'hommes, vous le voyez.

M. François Grosdidier.  - Et la parité ?

Mme Hermeline Malherbe.  - Contrairement à l'amendement d'hier soir, et parce que cet amendement porte sur la composition d'une commission d'experts, le groupe RDSE le votera.

M. Jean Louis Masson.  - Le texte de la commission est en retard sur l'évolution des moeurs. Mais ces trois amendements posent un problème de forme : leur rédaction ne reprend pas celle que l'on trouve dans la législation électorale. Prévoyons plutôt qu'il ne peut y avoir une différence de plus de un entre les deux sexes ; une commission composée d'un nombre impair de membres est toujours souhaitable. Il aurait été mieux de s'inspirer de la loi Copé-Zimmermann, plus souple, qui prévoit au moins 40 % de chaque sexe au sein des conseils d'administration.

Mme Laurence Cohen.  - Pourquoi ne pas faire simple ?

Mme Nicole Bricq.  - Le rapporteur ne devient sage que devant le risque d'être battu...

M. Alain Joyandet.  - Remerciez-le, plutôt !

Mme Nicole Bricq.  - Il aurait pu l'être dès les réunions de commission.

Les amendements identiques nos275 rectifié, 415, 461 sont adoptés.

M. le président.  - Amendement n°462, présenté par M. Watrin et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

Le présent projet de loi ne peut être mis en application avant la remise du rapport de la commission.

Mme Annie David.  - Nous votons une loi à l'obsolescence programmée : une commission d'experts pourra la remettre en cause. Décalons l'entrée en vigueur de ce texte à la remise de son rapport dans deux ans.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur.  - Ce n'est pas possible dans l'état d'urgence social actuel. Avis défavorable.

Mme Myriam El Khomri, ministre.  - Avis défavorable : on ne peut pas attendre pour mettre en oeuvre, entre autres mesures, le compte personnel d'activité (CPA), le doublement du droit à la formation pour les moins qualifiés, la garantie Jeunes, le droit à la déconnexion et la lutte accrue contre le travail détaché. Tout cela doit être mis en oeuvre rapidement, impérativement au 1er janvier 2017.

Mme Annie David.  - J'entends bien ; c'est pourquoi nous demandions que le délai soit raccourci.

Cette commission d'experts n'a aucun sens ; le groupe CRC n'est pas le seul à le dire.

L'amendement n°462 n'est pas adopté.

M. le président. - Je vais mettre aux voix l'article premier.

Mme Laurence Cohen.  - Lors de la discussion générale, on nous a reproché d'adopter des postures politiques... Il faudrait de la souplesse, de la flexibilité pour les chefs d'entreprises contre tous les conservatismes d'un pays qui n'arrive pas à se réformer. On entend ce discours, usé, depuis trente ans. Comment prétendre incarner la modernité en présentant un texte de recul social ? Comment prétendre être efficace en reprenant des solutions qui ont échoué depuis trente ans ? Comment prétendre simplifier alors qu'on complexifie le code du travail ? L'article premier énonce des principes auxquels la gauche n'a jamais adhéré. Le groupe CRC votera contre, cela montrera de quel côté se trouve la modernité.

M. Dominique Watrin.  - Il eût été plus judicieux, plus démocratique, de faire appel aux forces vives quotidiennement en contact avec le monde du travail, plutôt qu'à des experts.

Le code du travail doit protéger les salariés, et non renforcer la compétitivité. Des postures ? Personne ne dénonce celle de M. Rachline - lequel vient d'arriver - qui prétend être du côté des salariés, massivement opposés au texte, mais ne parle que des textes européens.

D'ailleurs, les deux amendements déposés par les sénateurs FN, puis subtilement retirés avant la séance, valaient leur pesant d'or : doublement des seuils sociaux, facilitation des licenciements et j'en passe.

M. François Grosdidier.  - C'était Marion, pas Marine !

M. Dominique Watrin.  - Les salariés mobilisés aujourd'hui sauront à quoi s'en tenir.

Mme Nicole Bricq.  - Le groupe socialiste ne peut voter cet article premier, profondément remanié par la commission. Son objet était de créer une commission pour revoir le code du travail à droit constant.

À la demande de la commission des affaires sociales et du groupe communiste républicain et citoyen, l'article premier est mis aux voix par scrutin public.

M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°247 :

Nombre de votants 343
Nombre de suffrages exprimés 342
Pour l'adoption 187
Contre 155

Le Sénat a adopté.

La séance est suspendue à 16 h 30.

présidence de M. Gérard Larcher

La séance reprend à 16 h 45.

Hommage au couple de policiers tués

M. le président.  - (Mmes et MM. les sénateurs se lèvent) Hier soir, à Magnanville, un policier et sa compagne, également fonctionnaire du ministère de l'intérieur, ont été lâchement assassinés par un homme se réclamant de l'État islamique.

Je veux dire mon émotion et celle de mes collègues des Yvelines, saluer aussi la présence, à mes côtés, du ministre de l'intérieur, ce matin, auprès des policiers des commissariats des Mureaux et de Mantes-la-Jolie. Mes pensées vont à cet enfant de moins de 4 ans, désormais orphelin, aux familles et collègues des victimes, et au-delà d'eux aux forces de sécurité.

Je veux saluer l'action inlassable, éprouvante, efficace des forces de l'ordre au service de la population. Quand on touche à l'un de leurs membres, c'est à la République que l'on s'attaque.

Je vous invite à observer un instant de recueillement. (Mmes et MMles sénateurs observent une minute de silence)

Questions d'actualité

M. le président.  - L'ordre du jour appelle les questions d'actualité au Gouvernement.

J'appelle chacun de vous à observer au cours de nos échanges le respect des uns et des autres.

Lutte contre le terrorisme (I)

Mme Catherine Tasca .  - Il y a deux jours, nous étions frappés d'horreur devant le carnage perpétré contre la communauté LGBT à Orlando. Les faits montrent qu'au-delà des considérations religieuses, Daech s'en prend à notre mode de vie et aux libertés que nous défendons.

Hier, c'est chez nous, à Magnanville, dans les Yvelines, que la terreur a frappé en assassinant un couple de fonctionnaires de police. Au nom du groupe socialiste, j'adresse mes condoléances émues aux familles des victimes et à la communauté policière. Le 8 avril dernier, le ministre de l'intérieur avait inauguré le nouveau commissariat des Mureaux en juste reconnaissance du travail des policiers. Ceux-ci sont aujourd'hui en deuil, comme tous les citoyens.

Monsieur le Premier ministre, où en est l'enquête sur ces deux meurtres abominables, sur la personnalité du tueur et son parcours ? Monsieur le ministre Cazeneuve, nous savons l'attention que vous portez à la difficile mission des forces de l'ordre, trop souvent décriées, et à leurs conditions de travail. Qu'entendez-vous faire pour protéger ceux qui oeuvrent avec courage pour défendre nos libertés ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain et sur de nombreux bancs au centre et à droite)

M. Manuel Valls, Premier ministre .  - Oui, le terrorisme frappe. À Orlando, 49 personnes ont perdu la vie dans un terrible attentat terroriste et homophobe. Hier, avec François Hollande, nous avons marqué notre solidarité avec ce peuple ami, le peuple américain, à l'ambassade des États-Unis. Le terrorisme a frappé hier à Magnanville, où un individu a tué dans des conditions atroces deux fonctionnaires de police et fait un orphelin. Il frappe tous les jours en Irak et en Syrie. Mes pensées vont au commandant Jean-Baptiste Salvaing, à sa compagne, Jessica Schneider, et à leur enfant. Ils ont été tués parce qu'ils représentaient la nation.

Soutien à la police et à la gendarmerie, hommage et solidarité doivent s'exprimer tous les jours. Nous serons d'une intransigeance absolue à l'égard de toute violence qui s'exercerait à son encontre, comme c'est encore le cas cet après-midi. (Applaudissements sur les bancs des groupes socialiste et républicain, RDSE, sur quelques bancs du groupe écologiste, sur les bancs des groupes UDI-UC et Les Républicains)

Même s'il est trop tôt pour se prononcer, le procureur Molins vient de s'exprimer, le suspect avait été identifié comme appartenant à un réseau djihadiste en mai 2011 ; il avait été condamné en 2013 et de nouveau fait l'objet d'une judiciarisation en 2015. L'enquête déterminera son mode d'action et son degré de préméditation. Aujourd'hui, 295 dossiers judiciaires sont ouverts à la DGSI contre 1 216 individus. Ces quinze derniers jours, seize personnes suspectées d'activités terroristes ont été présentées aux magistrats.

La menace est élevée, diffuse, protéiforme. La lutte contre le terrorisme a vu ses moyens s'accroître : 1 680 emplois supplémentaires et 425 millions d'euros sur trois ans pour la police et la justice, deux lois sur le renseignement et une loi sur la procédure pénale.

Les terroristes veulent nous faire peur. Comme les Français, nous devons être forts face à l'épreuve, dans l'unité et le rassemblement. (Applaudissements sur les bancs des groupes socialiste et républicain et RDSE, sur de nombreux bancs des groupes UDI-UC et Les Républicains)

Lutte contre le terrorisme (II)

M. François Zocchetto .  - Monsieur le Premier ministre, notre pays est à nouveau la cible d'un crime abject : deux de nos compatriotes ont été sauvagement assassinés à leur domicile. Nos pensées vont à leur famille, à leurs proches, à leur enfant et à nos forces de police qui exposent chaque jour leur vie. Personne n'est à l'abri, Daech frappe nos alliés, nos symboles, notre mode de vie, avec toujours plus de barbarie.

L'assassin avait été condamné, il était connu, suivi, sur écoute. Cela n'a pas empêché son passage à l'acte. Nos concitoyens, légitimement, sont plongés dans la perplexité et l'inquiétude.

Nos moyens de surveillance et de renseignement ne sont-ils pas manifestement insuffisants ? Nos forces de police ne sont plus en mesure de faire leur travail, elles sont exténuées, harcelées qu'elles sont par les zadistes, casseurs et autres groupes violents de tous ordres.

Quelle politique comptez-vous proposer aux Français pour que cesse l'escalade de la violence ? (Applaudissements au centre)

M. Manuel Valls, Premier ministre .  - Nous faisons face à une menace globale, à un ennemi extérieur que nous combattons sur son terrain ; en Syrie et en Irak il recule. Mais nous savons qu'il a encore la capacité de frapper partout.

Nous combattons l'ennemi intérieur, sur notre sol. Je le dit depuis des années, nous sommes en guerre et cette guerre sera de longue haleine. Pour la gagner, il faudra faire preuve de beaucoup de sang froid, de détermination et d'unité. Nous avons augmenté les moyens de la police et du renseignement à cette fin, proposé des textes que le Parlement a votés à une large majorité. Bernard Cazeneuve et moi-même restons à votre disposition pour vous en rendre compte.

Il y aura des répliques, l'ennemi est déterminé et ne craint pas la mort. Nous luttons contre des organisations mais aussi contre des individus isolés, fanatisés seuls, sans s'être rendus en Syrie. Face à la menace, et bien que nous soyons 100 % mobilisés, il n'y a pas de risque zéro. Nous avons été frappés, nous le serons malheureusement de nouveau - croyez bien que prononcer ces mots me coûte. François Hollande et moi-même partageons l'angoisse de nos concitoyens, nous sommes tous directement touchés. Dans de tels moments, l'heure n'est pas à de nouvelles mesures ; elle est à utiliser les nouveaux moyens de lutte contre le terrorisme dont nous nous sommes dotés. Notre responsabilité collective, notre devoir envers les Français, effrayés par ce qu'il se passe en Tunisie, aux États-Unis, en Belgique et sur notre sol, est de faire preuve d'unité. Parce que le terrorisme veut nous diviser, nous fracturer, jeter les Français les uns contre les autres.

Dans ces moments-là, nous devons combattre, rassemblés, avec les moyens de l'État de droit et de la démocratie. Il n'y aura pas en France de retour de la peine de mort, pas de distribution d'armes, pas de Guantanamo... Mais il faut tenir ferme ; je vous y invite. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain, du RDSE, à gauche et sur plusieurs bancs au centre et à droite)

Lutte contre le terrorisme (III)

M. Bruno Retailleau .  - Après la tuerie d'Orlando, je veux dire au nom de mon groupe au peuple américain notre soutien le plus total.

La France a été frappée encore une fois par la barbarie islamiste - il faut avoir le courage de qualifier ces actes. C'est un double crime : contre une famille française, un père, une mère, un enfant dont le regard est blessé à jamais, mais aussi contre la France. Quand on attaque un policier, c'est la nation qui est attaquée, ses valeurs, ses couleurs. Je dis notre compassion aux proches des victimes et notre soutien aux forces de l'ordre, qui sont à bout de forces. Dans ce contexte, la violence anti-flics, qui se manifeste en ce moment même, est inadmissible. (Applaudissements au centre et à droite et sur plusieurs bancs des groupes RDSE et socialiste et républicain)

L'État islamique est en recul territorial mais il projette son venin aux quatre coins du monde, avec toujours le même message : nous voulons vous détruire pour ce que vous êtes ; ceux qui s'y emploient sont parfois isolés, mais pas inconnus de vos services...

M. Manuel Valls, Premier ministre.  - De nos services !

M. Bruno Retailleau.  - Il faut éviter deux écueils : la critique facile et systématique, l'autosatisfaction. Il n'y a d'autres réponses que la valeur de nos convictions, la force de notre résistance et l'arme du droit. (Applaudissements au centre et à droite)

M. Manuel Valls, Premier ministre .  - Il faut toujours nommer les choses : l'islamisme radical, le djihadisme est en guerre contre ce que nous sommes. Il choisit ses cibles : journalistes parce qu'ils caractérisent la démocratie, policiers parce qu'ils incarnent la nation, juifs parce qu'ils sont Français juifs, jeunesse de Paris pour son mode de vie, homosexuels parce qu'ils incarnent la liberté d'aimer, la Tunisie - ce modèle de démocratie dans le monde arabo-musulman. Il faut combattre l'État islamique avec la plus grande force et sans naïveté, en nous rassemblant. Dans ce contexte, il serait dérisoire et vulgaire d'éprouver la moindre autosatisfaction...

Nous pensons à Jean-Baptiste Salvaing et à Jessica Schneider, à cet enfant qui a vécu l'horreur, mais aussi aux fonctionnaires de police qui remplissent leur mission avec courage et abnégation. Je suis fier d'avoir présenté des textes qui ont reçu le soutien d'un grand nombre de parlementaires ; je suis fier de dénoncer les mots, les actes qui s'attaquent à la police, une police exemplaire. Il n'est pas question d'être complaisant avec ceux qui s'attaquent aux forces de l'ordre. On ne peut pas s'attaquer à elles et ensuite s'apitoyer sur son sort lorsqu'il arrive un drame. (Applaudissements au centre et à droite et sur de nombreux bancs du groupe socialiste et républicain)

C'est le commandant de police de Magnanville, ce sont ses collègues qui font face à Mantes, aux Mureaux, à Évry, aux trafiquants, à la violence de tous les jours. Nous leur devons notre soutien. C'est au nom de l'État de droit que nous sommes déterminés à lutter contre le terrorisme. Nous gagnerons avec nos valeurs, qui sont celles de la France. (Applaudissements sur les bancs des groupes socialiste et républicain, UDI-UC et sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains)

Violences à Marseille (I)

Mme Mireille Jouve .  - Lors du match de l'Euro Angleterre-Russie, Marseille a été la scène de guérillas urbaines. Les Marseillais et les touristes qui se trouvaient sur le Vieux-Port en ont été horrifiés. Comment cela a-t-il été possible alors que nous sommes en état d'urgence ? Quelque 150 hooligans russes, entraînés comme des commandos, ont déferlé sur la ville sans être stoppés avant leur passage à l'acte. Comment l'expliquer ?

Comment prévenir de nouveaux débordements et empêcher que les hooligans fassent de nouveau parler d'eux, en ville comme au stade Vélodrome ? La Direction nationale contre le hooliganisme a fait preuve d'impréparation. Les Marseillais attendent des réponses. (Applaudissements)

M. Bernard Cazeneuve, ministre de l'intérieur .  - Une dizaine de matchs ont eu lieu sans encombre ; ce n'est qu'à Marseille que des violences ont éclaté à cause de personnes ivres de bière, qui préfèrent la violence aux valeurs du sport. De tels événements ne sont pas nouveaux : on en a connu en 1998 ou lors de l'Euro 2000.

Pour prévenir les violences, nous avons empêché 3 000 supporters britanniques de venir en France, en accord avec les autorités de leur pays ; 2 500 personnes signalées ont été contrôlées à la frontière et, pour certaines, interdites d'entrée en France. Mais pour agir, il faut que des actes aient été commis ou que l'on soit certain qu'ils le seront.

Plus de 1 000 policiers, dix unités mobiles étaient présents à Marseille ; il n'a pas fallu plus d'une heure aux CRS pour rétablir l'ordre. En ces temps troublés, je préfère saluer leur efficacité plutôt que les critiquer. Je sais que la police donne le meilleur d'elle-même. (Applaudissements sur les bancs des groupes socialiste et républicain et RDSE ; M. Bernard Saugey applaudit aussi)

Soutien à l'agriculture bio

M. Joël Labbé .  - Les écologistes partagent l'indignation et la peine exprimées à l'instant.

Le marché français du bio a crû de plus de 14,5 % entre 2014 et 2015. Le nombre d'installations et de conversions a augmenté de 9 % ; la France a enfin dépassé le seuil de 5 % de SAU en bio, soit 10 % de l'emploi agricole.

Cette croissance nécessite un accompagnement territorial et technique à la hauteur. Or les budgets d'animation manquent dans certaines régions ; les 2,5 millions prévus pour 2016 ne seront peut-être pas au rendez-vous. Monsieur le ministre, tiendrez-vous vos engagements ? Les arbitrages budgétaires seront-ils revus pour prendre en compte un essor du bio sans précédent ? (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste)

M. Stéphane Le Foll, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement .  - Les conversions et les surfaces en bio ne cessent de s'accroître, c'est vrai : elles seront en 2016 une fois et demie plus importantes qu'en 2012. Un marché existe, il faut répondre à la demande. Et d'autant plus alors que la crise fait durement souffrir nos agriculteurs.

Cela nous a conduit à réévaluer le budget de soutien au bio : il a été doublé depuis mon arrivée, passant de 90 à 180 millions d'euros ! L'Agence bio dispose d'un budget de 4 millions d'euros. En même temps, nous aidons les acteurs locaux et l'animation ; la Fédération nationale de l'agriculture bio a vu son budget Casdar passer à 700 000 euros pour 2015-2020. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)

M. Joël Labbé.  - Si vous souhaitez vous rafraîchir les idées, Pierre Rabhi sera au Sénat jeudi après-midi pour évoquer la sobriété heureuse, qui va si bien avec l'agriculture bio... (Sourires ironiques à droite ; applaudissements sur les bancs du groupe écologiste et sur quelques bancs du groupe socialiste et républicain)

Loi Travail

M. Patrick Abate .  - Le groupe CRC souhaite d'abord dire son émotion et sa solidarité envers les forces de sécurité, après le meurtre odieux perpétré hier contre deux policiers.

Madame la ministre du travail, voilà trois mois que votre loi est contestée. Il est temps de sortir des postures, en ce jour où une immense manifestation se déroule à Paris.

Voix à droite.  - Avec des violences !

M. Patrick Abate.  - Notre pays a perdu assez de temps et d'énergie, il vous faut donner des signes. Le Gouvernement doit revenir sur l'inversion de la hiérarchie des normes. Les travailleurs sont plus fragiles au plus près du terrain, c'est là que le rapport de forces est le plus déséquilibré. Mais en inversant la hiérarchie des normes, vous mettrez aussi en difficulté les chefs d'entreprises qui considèrent que les travailleurs sont la vraie richesse des entreprises et vivent une concurrence déloyale avec ceux qui ont une autre conception. Allez-vous enfin ouvrir les négociations, dans l'intérêt des travailleurs et de l'immense majorité des entreprises ? (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste républicain et citoyen)

Mme Myriam El Khomri, ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social .  - Nous avons une divergence de fond, qui traverse aussi le champ syndical.

Le Gouvernement n'a eu de cesse de dialoguer. Il y a trois mois, un avant-projet a cristallisé les oppositions ; le Premier ministre a repris les négociations avec les organisations syndicales qui ont accepté de le faire, et qui soutiennent désormais le projet de loi. Nous n'avons pas cessé de le faire évoluer, 800 amendements ont été intégrés au texte de l'Assemblée nationale. Notre volonté de dialogue est intacte.

Nous considérons qu'il faut revitaliser le dialogue social, le syndicalisme, que performance sociale et performance économique vont de pair. Le verrou de l'accord majoritaire est de nature à protéger les salariés.

Ma porte est toujours ouverte ; une seule organisation syndicale a refusé pour l'heure de la franchir. Mais vendredi, je rencontrerai enfin Philippe Martinez.

M. Alain Gournac.  - Ah !

Mme Myriam El Khomri, ministre.  - La position du Gouvernement est connue, nous ne reviendrons pas sur les éléments essentiels du texte, en particulier son article 2.

M. Patrick Abate.  - Vous ne m'avez pas répondu sur la question de la concurrence déloyale. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste républicain et citoyen)

Violences à Marseille (II)

Mme Samia Ghali .  - Avant même le coup d'envoi du match Angleterre-Russie de l'Euro 2016, Marseille a été le théâtre d'une scène de scènes d'une rare violence. Ayant assisté moi-même aux premiers affrontements, j'ai vu la ville se paralyser. Je salue l'action des forces de l'ordre et le sang-froid des commerçants. J'ai appelé à prendre en urgence la décision d'interdire la vente au détail de boissons alcoolisées dans les périmètres sensibles. J'ai été entendue et j'en remercie le ministre de l'intérieur.

Un autre match à risque aura lieu dans ma ville, qui opposera la Pologne à l'Ukraine. Il faut s'y préparer avec les pays concernés, les organisateurs, les commerçants - pour lesquels un comité d'indemnisation doit être mis en place au regard des préjudices qu'ils ont subis. Les commerçants et les Marseillais attendent d'être rassurés. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)

M. Bernard Cazeneuve, ministre de l'intérieur .  - Je salue le travail des forces de l'ordre. Je suis las de les voir constamment mises en cause. Ce qu'il s'est passé à Marseille renvoie dos à dos les théoriciens patentés des violences policières et ceux qui s'en prennent aux forces de police plutôt qu'aux individus violents qui troublent l'ordre public. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain, à droite et au centre)

Nous avons empêché 3 000 supporteurs anglais de venir, 250 personnes figurent sur le fichier des personnes recherchées. L'UEFA, en liaison avec les clubs, doit nous communiquer les informations dont elle dispose. La Russie est menacée de sanctions et nous venons d'interpeller un car de quarante hooligans. Nous continuerons car nous ne laisserons pas les matchs être ternis par des individus ivres de bière. (Applaudissements sur les bancs des groupes socialiste et républicain et RDSE)

Violences à Marseille (III)

M. Bruno Gilles .  - Je vous dirai un mot des incidents qui ont eu lieu à l'intérieur du stade Vélodrome après la rencontre Angleterre-Russie.

Le filtrage des spectateurs avait été confié à des sociétés privées ; il n'a pas été efficace puisque des fumigènes et même une bombe agricole ont été déclenchés pendant la rencontre. Les supporters russes ont facilement franchi les cordons de sécurité - une rangée de stadiers et une simple corde - pour se ruer vers les supporters anglais, au milieu de familles tétanisées.

Le dispositif de filtrage était très léger et peu approprié à une telle rencontre, dont on pouvait deviner les dérapages compte tenu des événements survenus la veille.

J'associe M. le maire de Marseille à ma question. Que comptez-vous faire pour que de tels événements ne se reproduisent plus ? Qu'allez-vous demander à l'UEFA ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)

M. Bernard Cazeneuve, ministre de l'intérieur .  - La sécurité à l'intérieur des stades relève de l'UEFA. Mais une grande confiance ne doit pas exclure une petite méfiance... J'ai fait procéder à la vérification des dispositifs ; si aucun drame n'a été déploré, c'est parce que nos forces de l'ordre étaient sur place pour suppléer les agents de sécurité privés.

Les dispositifs de l'UEFA ont depuis été renforcés. Plus de dix matchs ont été joués, on a déploré des violences à Marseille seulement. Notre vigilance reste totale. Nous faisons de notre mieux en améliorant les dispositifs existants, mais faire de son mieux, vous le savez, ne signifie pas toujours faire aussi bien que l'on souhaiterait... (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)

Attractivité et image de la France

Mme Caroline Cayeux .  - Notre pays traverse une période difficile, une crise économique et morale qui exige solidarité et efficacité. Quelle image la France donne-t-elle d'elle-même ? Comment une minorité peut-elle entraîner un pays entier dans le discrédit et le déshonneur ? Aujourd'hui encore, des casseurs et des violences émaillent les manifestations - je m'associe à l'hommage rendu par Bruno Retailleau aux forces de l'ordre.

Pour ces raisons, la France perd en attractivité. En 2015, les investissements étrangers ont reculé, alors qu'ils progressent de 14 % partout en Europe. Onze décisions d'investissement sur notre territoire ont été prises contre cent cinquante au Royaume-Uni. Le tourisme chute de 30 % et même les agents de la Tour Eiffel se mettent en grève ! Dans ce contexte, la candidature de Paris aux Jeux olympiques et à l'Exposition universelle paraît compromise.

Quand, monsieur le Premier ministre, passerez-vous aux actes qu'attend la représentation nationale ? (Applaudissements à droite)

M. Manuel Valls, Premier ministre .  - Vous abordez de nombreux sujets différents... Parlons du tourisme, qui a en effet baissé. C'est d'abord lié, pour Paris et le Mont Saint-Michel, aux attentats de novembre, vous le savez. Les Japonais ont décidé du jour au lendemain qu'ils ne venaient plus.

Les chiffres ne trompent pas : la croissance est meilleure qu'annoncée au premier trimestre, la prévision de 1,5 % pour 2016 se confirme. Les investissements reviennent, le moral des ménages, y compris sur l'emploi, s'améliore. Il y a 70 000 chômeurs de moins. Je comprends toutes les critiques, c'est le rôle de l'opposition... Mais les choses avancent dans le bon sens.

M. Alain Gournac.  - Ça va mieux !

M. Manuel Valls, Premier ministre.  - La candidature de Paris aux Jeux olympiques... La France a été capable, quelques jours après les attentats de novembre, d'accueillir plus de 180 chefs d'États et de Gouvernements pour la COP2. Elle organise à présent l'Euro.

Certes les grèves qui perdurent sont inadmissibles et incompréhensibles, en particulier sur le RER D. (Protestations sur les bancs du groupe communiste républicain et citoyen) mais le nombre de grévistes est très faible, à Air France aussi. Nous faisons front, nous ne changerons pas la loi. Je défends la France et son attractivité, elle gagne en compétitivité. Dans la majorité ou dans l'opposition, je ne dis, pour ma part, que du bien de la France...

Mme Caroline Cayeux.  - Je ne partage pas votre optimisme... Je crains que la France doive dire adieu aux Jeux olympiques, à l'Exposition universelle, adieu au tourisme, adieu à l'emploi ! (Les exclamations sur les bancs du groupe socialiste et républicain couvrent la voix de Mme Caroline Cayeux, dont le temps de parole est écoulé)

Loi Vieillissement

M. le président.  - Je remercie la chaîne parlementaire d'avoir accepté de prolonger la diffusion de cette séance de questions d'actualité.

M. Georges Labazée .  - À la fin de l'année 2015 était promulguée la loi d'adaptation de la société au vieillissement. Le Sénat a joué un rôle majeur et co-construit avec le Gouvernement un texte ambitieux et responsable. Les décrets sont parus près de six mois après, le Gouvernement a pris ses responsabilités. Elle est financée à hauteur de 700 millions.

Cette loi, attendue depuis plus de dix ans, répond aux attentes des familles, des élus et des territoires. Oui, le grand chantier de l'autonomie avance à grands pas ; avec l'adaptation des logements, la valorisation de l'allocation personnalisée d'autonomie (APA) en passant par l'unification du régime des services d'aide à domicile. Quelles mesures concrètes d'application le Gouvernement entend-il prendre ?

Mme Pascale Boistard, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée des personnes âgées et de l'autonomie .  - L'ensemble des textes réglementaires a été publié. La loi est financée intégralement par l'État pour 700 millions d'euros, 25 millions ont été débloqués pour le secteur de l'aide à domicile, 453 millions chaque année pour la valorisation de l'APA.

Les versements ont été effectués pour tous les départements au mois d'avril dernier. En avril également, les conférences des financeurs ont bénéficié d'un concours financier de 102 millions d'euros. La semaine dernière, Mme Touraine et moi-même avons débloqué 5,58 millions d'euros de plus pour les départements. Enfin, l'objectif de 80 000 logements adaptés sur le quinquennat sera tenu dès cette année.

Le Gouvernement apporte, vous le voyez, toute son attention à ce sujet crucial pour notre société. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)

La séance est suspendue à 17 h 45.

présidence de M. Thierry Foucaud, vice-président

La séance reprend à 18 h 05.

Nouvelles libertés et protections pour les entreprises et les actif-ve-s (Procédure accélérée - Suite)

Discussion des articles (Suite)

ARTICLES ADDITIONNELS après l'article premier

M. le président.  - Amendement n°465, présenté par M. Watrin et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.

Après l'article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le chapitre IV du titre III du livre Ier de la première partie du code du travail est ainsi modifié :

1° Au début, est ajoutée une section 1 intitulée : « Dispositions communes » et comprenant les articles L. 1134-1 à L. 1134-5 ;

2° Est ajoutée une section 2 ainsi rédigée :

« Section 2

« Dispositions spécifiques à l'action de groupe

« Art. L. 1134-6.  -  Sous réserve des articles L. 1134-7 à L. 1134-10, le chapitre Ier du titre V de la loi n° du de modernisation de la justice du XXIème siècle s'applique à l'action de groupe prévue à la présente section.

« Art. L. 1134-7.  -  Une organisation syndicale de salariés représentative au niveau national interprofessionnel, au niveau de la branche ou au niveau de l'entreprise peut agir devant une juridiction civile afin d'établir que plusieurs candidats à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou plusieurs salariés font l'objet d'une discrimination, directe ou indirecte, fondée sur un même motif parmi ceux mentionnés à l'article L. 1132-1 et imputable à un même employeur privé.

« Une association régulièrement déclarée depuis au moins cinq ans pour la lutte contre les discriminations ou oeuvrant dans le domaine du handicap peut agir aux mêmes fins, en faveur de plusieurs candidats à un emploi ou à un stage en entreprise.

« Art. L. 1134-8.  -  Cette action peut être exercée en vue soit de la cessation du manquement, soit de l'engagement de la responsabilité de la personne ayant causé le dommage afin d'obtenir la réparation des préjudices subis, soit de ces deux fins.

« Art. L. 1134-9.  -  Par dérogation à l'article 22 de la loi n°   du de modernisation de la justice du XXIème siècle, préalablement à l'engagement de l'action de groupe mentionnée à l'article L. 1134-7, les personnes mentionnées à ce même article L. 1134-7 demandent à l'employeur de faire cesser la situation de discrimination collective.

« Dans un délai d'un mois à compter de cette demande, l'employeur en informe le comité d'entreprise ou, à défaut, les délégués du personnel, ainsi que les organisations syndicales représentatives dans l'entreprise. À la demande du comité d'entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel, ou à la demande d'une organisation syndicale représentative, l'employeur engage une discussion sur les mesures permettant de faire cesser la situation de discrimination collective alléguée.

« L'auteur de la demande mentionnée au premier alinéa du présent article peut exercer l'action de groupe mentionnée à l'article L. 1134-7 lorsque, dans un délai de trois mois à compter de cette demande, l'employeur n'a pas pris les mesures permettant de faire cesser la situation de discrimination collective en cause. 

« Art. L. 1134-10.  -  L'action de groupe suspend, dès la mise en demeure mentionnée à l'article L. 1134-9, la prescription des actions individuelles en réparation des préjudices résultant du manquement dont la cessation est demandée.

« Le délai de prescription recommence à courir, pour une durée qui ne peut être inférieure à six mois, soit à compter du jour où le demandeur s'est désisté de son action, soit à compter du jour où le jugement tendant à la cessation du manquement n'est plus susceptible de recours ordinaire ou de pourvoi en cassation. »

M. Dominique Watrin.  - Face à des discriminations individuelles qui n'ont pas faibli dans le monde du travail, notre arsenal juridique est malheureusement peu efficace. Pour nous, l'action de groupe constitue une arme de reconquête des valeurs qui fondent notre pacte républicain. Il s'agit aussi, par l'intégration du principe de réparation intégrale, de renforcer la prévention.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur.  - Cela relève du projet de loi Justice du XXIe siècle, en cours de navette parlementaire. Pour cette raison, avis défavorable.

Mme Myriam El Khomri, ministre.  - Les discriminations sont un cancer pour notre cohésion sociale. Il y en a de nombreuses et plusieurs façons de lutter contre elles ; le Défenseur des droits nous a d'ailleurs remis un rapport récemment.

Le Gouvernement a déployé plusieurs armes : la sensibilisation avec la campagne en cours « mes compétences d'abord », le parrainage, le testing que je fais effectuer sur les groupes de plus de 1 000 salariés qui ne sont pas volontaires, la saisine du Défenseur des droits, ainsi que le préconisait le Conseil économique, social et environnemental, mais aussi l'action de groupe à l'initiative d'une association ou d'un syndicat. Un rapport de l'Institut Montaigne a révélé qu'une personne prénommée Mohamed avait quatre fois moins de chances d'obtenir un entretien d'embauche.

Le sujet est essentiel mais il est traité dans un autre texte. Retrait ?

L'amendement n°465 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°2 rectifié, présenté par Mme Laborde, MM. Amiel, Arnell, Barbier, Castelli, Collin, Esnol, Fortassin et Guérini, Mme Malherbe et MM. Mézard, Requier et Vall.

Après l'article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après l'article L. 1321-2 du code du travail, il est inséré un article L. 1321-2-... ainsi rédigé :

« Art. L. 1321-2-...  -  Le règlement intérieur peut, par accord d'entreprise, contenir des dispositions inscrivant le principe de neutralité et restreignant la manifestation des convictions des salariés si ces restrictions sont justifiées par l'exercice d'autres libertés et droits fondamentaux ou par les nécessités du bon fonctionnement de l'entreprise et si elles sont proportionnées au but recherché. »

Mme Françoise Laborde.  - La jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme repose sur l'article 9 de la Convention européenne des droits de l'homme. Cet article nous contraint.

Qu'est l'entreprise ? Un lieu où se rencontrent des individus ? Un espace de rapport de forces ? Une communauté de destins ? Elle est un espace neutre et sa neutralité passe par l'indifférence de l'employeur à l'égard des convictions religieuses de ses salariés.

Cet amendement consoliderait le choix d'entreprises qui ont choisi d'adopter des chartes de la laïcité, utiles mais fragiles juridiquement.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur.  - Nous devons progresser vers ce principe de neutralité, on ne peut pas nier que des problèmes existent. La question est comment, avec nos engagements européens et internationaux ? Qu'en pense le Gouvernement ?

Mme Myriam El Khomri, ministre.  - Nous avons établi un guide de la gestion du fait religieux en entreprise. Quand j'aurai un emploi du temps un peu plus souple, je le présenterai aux partenaires sociaux. Poser le principe de neutralité peut être justifié dans certaines situations ; son affirmation ne peut pas être automatique - ce serait sans doute contraire à la Constitution et aux textes européens. Avis favorable à cet amendement. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)

Mme Nicole Bricq.  - Autant c'était clair dans les services publics, autant nous étions désarmés par rapport à ce qu'il se passe dans l'entreprise. La Cour européenne des droits de l'homme, dans son arrêt de 2000, avait clairement distingué les deux secteurs. Après, entre autres, l'affaire Baby Loup, elle est désormais ouverte à une évolution, dès lors que le principe de neutralité a fait l'objet d'une négociation interne. Le groupe socialiste votera cet amendement.

Mme Laurence Cohen.  - Tout à fait d'accord mais pourquoi inscrire dans la loi quelque chose qui est de l'ordre du règlement intérieur des entreprises ? Le groupe CRC s'abstiendra.

Mme Marie-Noëlle Lienemann.  - La démarche de la ministre consistant à clarifier les droits et devoirs de chacun est excellente. À mon sens, c'est du domaine de la loi. Dans une période où les équilibres sont difficiles à trouver, votons cet amendement.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur.  - Je rends hommage au travail de Mme Laborde et du groupe RDSE, nous franchissons une étape importante en acceptant cet amendement. C'est une innovation puisque le règlement intérieur de l'entreprise est, en principe, un acte unilatéral.

M. Jacques Mézard.  - On sait l'attachement de notre groupe RDSE à la laïcité. Qu'est-ce sinon un principe de liberté ? Ne nous voilons pas la face... Ce n'est évidemment pas un lapsus ! (Sourires)

Il est des entreprises où il y a des problèmes.

M. Bruno Retailleau.  - C'est vrai !

M. Jacques Mézard.  - La laïcité autorise chacun à pratiquer sa religion dans la liberté, l'inscrire dans la loi est une nécessité face au communautarisme.

Mme Françoise Laborde.  - Dans l'affaire Baby Loup, que j'ai suivie de près et après laquelle j'ai déposé une proposition de loi, il existait un règlement intérieur... D'où cet amendement : l'expérience de l'entreprise Paprec montre son utilité.

M. Bruno Retailleau.  - Ensemble, nous pouvons être unis pour adopter le principe de neutralité. Nous sommes en guerre. (Mouvements sur les bancs du groupe communiste républicain et citoyen) On l'a déclarée contre nos valeurs ; ne laissons aucun interstice dans nos entreprises dans lesquels s'engouffreraient immanquablement des individus. Gravons dans le marbre de la loi un principe d'endiguement.

Mme Chantal Jouanno.  - Cet amendement, excellent, garantira également l'égalité entre les femmes et les hommes, qui fait partie de nos droits et libertés fondamentales.

M. Didier Guillaume.  - Merci à Mme Laborde pour son travail. Évitons les amalgames : certes, la République est secouée aujourd'hui mais la neutralité concerne tout le monde. Cet amendement est peut-être discutable juridiquement, mais il est essentiel à la République. Faisons claquer au vent le drapeau de la laïcité. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)

Mme Evelyne Yonnet.  - Absolument.

L'amendement n°2 rectifié est adopté et devient article additionnel.

M. le président.  - Amendement n°466, présenté par M. Watrin et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.

Après l'article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé 

Le code du travail est ainsi modifié :

1° À la première phrase de l'article L. 2251-1, les mots : « peut comporter » sont remplacés par les mots : « ne peut comporter que » ;

2° L'article L. 2252-1 est ainsi modifié :

a) Au premier alinéa, après le mot : « interprofessionnel », est inséré le mot : « ne » ;

b) Le second alinéa est supprimé ;

3° Le second alinéa de l'article L. 2253-1 est ainsi rédigé :

« Cet accord ne peut comporter des stipulations moins favorables aux salariés. » ;

4° Les articles L. 2253-4 et L. 3122-6 sont abrogés.

Mme Annie David.  - Par cet amendement, nous réaffirmons notre attachement à la hiérarchie des normes.

M. le président.  - Amendement n°463, présenté par M. Watrin et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.

Après l'article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le code du travail est ainsi modifié :

1° La seconde phrase de l'article L. 2251-1 est ainsi rédigée :

« Ils ne peuvent en aucune façon avoir pour objet ou pour effet de restreindre ou de limiter l'exercice des droits reconnus aux salariés par la loi. » ;

2° L'article L. 2252-1 est abrogé.

Mme Laurence Cohen.  - Même logique : si l'on veut renforcer la démocratie au coeur de l'entreprise, n'exposons pas les représentants des salariés au chantage à l'emploi.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur.  - Avis défavorable pour des raisons précédemment évoquées.

Mme Myriam El Khomri, ministre.  - Même avis.

À la demande du groupe communiste républicain et citoyen, l'amendement n°466 est mis aux voix par scrutin public.

M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°248 :

Nombre de votants 342
Nombre de suffrages exprimés 341
Pour l'adoption 29
Contre 312

Le Sénat n'a pas adopté.

L'amendement n°463 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°988, présenté par MM. Joyandet, J.P. Fournier, D. Laurent, Dufaut, Huré, B. Fournier, Nougein, Masclet et Vasselle.

Après l'article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article 66 de la loi n° 2012-1510 du 29 décembre 2012 de finances rectificative pour 2012, les articles 244 quater C, 199 ter C, 220 C, 223 O du code général des impôts, et le dernier alinéa de l'article L. 172 G du livre des procédures fiscales sont abrogés à compter du 1er juillet 2016.

M. Alain Joyandet.  - La TVA compétitivité n'est peut-être pas le sujet de ce texte. Pour autant, si j'ai bien compris, madame la ministre, votre but est de créer des emplois, autant que possible... La commission instituée à l'article premier n'y fera rien... Mieux vaut revenir sur la suppression de la TVA compétitivité votée à la fin du quinquennat, certes un peu tard, que François Hollande s'est empressé de supprimer avant de dire qu'il le regrettait. Les prix n'augmenteraient que sur les produits étrangers... On créerait ainsi des milliers d'emplois à toute vitesse.

M. Alain Néri.  - Ben voyons !

M. Alain Joyandet.  - Suivant en cela l'Allemagne ou le Danemark.

Mme Nicole Bricq.  - C'est de la pensée magique...

M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur.  - Cet amendement supprime le CICE pour rétablir la TVA compétitivité à l'amendement n°989.

Je crois à la TVA compétitivité. Néanmoins, faut-il faire ce Big Bang dans ce texte ? La loi de finances conviendrait mieux.

M. Alain Joyandet.  - Ce n'est jamais le bon moment ; jamais le bon texte !

M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur.  - Certes, mais le compte à rebours est lancé, vous finirez par avoir satisfaction sur ce sujet partagé. Je me souviens des plaidoyers de Jean Arthuis.

M. le président.  - Amendement n°988, présenté par MM. Joyandet, J.P. Fournier, D. Laurent, Dufaut, Huré, B. Fournier, Nougein, Masclet et Vasselle.

Après l'article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article 66 de la loi n° 2012-1510 du 29 décembre 2012 de finances rectificative pour 2012, les articles 244 quater C, 199 ter C, 220 C, 223 O du code général des impôts, et le dernier alinéa de l'article L. 172 G du livre des procédures fiscales sont abrogés à compter du 1er juillet 2016.

M. Alain Joyandet.  - La TVA compétitivité n'est peut-être pas le sujet de ce texte. Pour autant, si j'ai bien compris, madame la ministre, votre but est de créer des emplois, autant que possible... La commission instituée à l'article premier n'y fera rien... Mieux vaut revenir sur la suppression de la TVA compétitivité votée à la fin du quinquennat, certes un peu tard, que François Hollande a dit regretter. Les prix n'augmenteraient que sur les produits étrangers... On créerait ainsi des milliers d'emplois à toute vitesse.

M. Alain Néri.  - Ben voyons !

M. Alain Joyandet.  - Suivant en cela l'Allemagne ou le Danemark.

Mme Nicole Bricq.  - C'est de la pensée magique...

M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur.  - Cet amendement supprime le CICE pour rétablir la TVA compétitivité à l'amendement n°989.

Je crois à la TVA compétitivité. Néanmoins, faut-il faire ce Big Bang dans ce texte ? La loi de finances conviendrait mieux.

M. Alain Joyandet.  - Ce n'est jamais le bon moment ; jamais le bon texte !

M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur.  - Certes, mais le compte à rebours est lancé, vous finirez par avoir satisfaction sur ce sujet partagé. Je me souviens des plaidoyers de Jean Arthuis.

Mme Myriam El Khomri, ministre.  - Avec le CICE, nous avons, depuis 2013, rendu 30 milliards d'euros de marges aux entreprises, qui ont profité à 50 % aux TPE-PME ; 120 000 entreprises ont été créées ; le taux de marge des entreprises a progressé de plus de 2,2 % en 2015 - pour atteindre son plus haut niveau depuis 2011 - et leurs investissements de plus de 2,7 %, soit également la plus forte hausse depuis 2011. Il est donc efficace pour stimuler l'investissement, la croissance et la création d'emplois. Ne le supprimons pas. La TVA compétitivité, inéquitable puisqu'elle n'est pas progressive, sera un coup dur pour le pouvoir d'achat des ménages.

M. Alain Néri.  - Très bien !

M. Jean-Louis Tourenne.  - Vous demandez de la stabilité, ne supprimez pas le CICE ! Si c'était, comme on peut le penser à vous entendre, la solution miracle, nous le saurions et elle aurait sans doute déjà vu le jour ! L'établir, ce serait à coup sûr amoindrir le pouvoir d'achat des ménages, le principal ressort de la croissance.

M. Alain Néri.  - On ne peut qu'être d'accord avec les premières lignes de l'exposé des motifs de cet amendement : le chômage est de masse, la responsabilité est partagée.

Si les agents de Pôle emploi, qui sont de grande qualité, font un bon travail, ce que je ne conteste point, force est de constater que les résultats ne sont pas au rendez-vous, madame la ministre. C'est pourquoi nous devons chercher d'autres voies. Nous devons, en particulier, développer l'alternance. Dans une logique « gagnant-gagnant », pour employer votre langage, conditionnons le bénéfice du CICE à l'emploi d'un certain pourcentage de jeunes en alternance, en nous inspirant du dispositif en vigueur pour les personnes handicapées, qui a donné des résultats tangibles. Travaillons pour préciser le seuil.

Mme Annie David.  - Le groupe CRC s'étonne que le groupe Les Républicains veuille supprimer le CICE sans partager les arguments de la ministre. On s'inquiète du coût du travail mais jamais de celui du capital et de la politique des banques, qui privilégient la finance.

Le CICE est notoirement inefficace : le rapport de l'OFCE, plus nuancé, d'ailleurs cité dans l'exposé des motifs de l'amendement, le montre bien : on dépense 130 000 euros annuels par emploi et le nombre d'emplois créés n'est pas de 120 000 mais « devrait être de 150 000 sur cinq ans »... Je rappelle que les salaires mensuels bruts sont inférieurs à 2 200 euros dans notre pays.

La TVA compétitivité revient à transférer une nouvelle charge sur le dos des ménages modestes !

M. Olivier Cadic.  - Merci, monsieur Joyandet, d'avoir rappelé qu'il faut transférer la fiscalité de la production à la consommation. Le chômage en France s'explique essentiellement par le coût du travail.

Mme Éliane Assassi.  - C'est le travail qui crée la richesse.

M. Olivier Cadic.  - Dès 1993, un an après l'ouverture des frontières de l'Union européenne, Jean Arthuis dessinait cette piste que nous finirons, tôt ou tard, par emprunter. Je me souviens, il y a vingt ans, avoir dû aller à l'étranger pour sauver mon entreprise. Certes, la question est législativement complexe, puisqu'elle englobe des aspects relevant de la loi de finances, mais il est impératif de réduire les charges.

M. Michel Raison.  - Tout en sachant que personne ici ne détient « la » vérité ni ne prétend trouver « la » solution pour sortir du chômage qui se répand depuis tant d'années, je soutiendrai cet amendement logique : avec la TVA sociale, efficace dans d'autres pays. Ainsi les produits importés paieront une partie de notre protection sociale, les produits fabriqués en France bénéficiant de la baisse des charges due à cette mesure.

M. Jean-Pierre Bosino.  - Certes, M. Raison est logique dans sa logique : pour lui, le travail représente un coût ; pour nous, c'est une richesse, source de création d'autres richesses.

Les résultats du CICE sont à peu de chose près égaux à zéro ! Les mots veulent-ils dire quelque chose ? Les licenciements s'appellent « plan de sauvegarde de l'emploi », la TVA, l'impôt le plus injuste qui soit, puisqu'il frappe tout le monde, sans tenir compte des revenus, est qualifié de « sociale »... (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste républicain et citoyen)

M. Bruno Retailleau.  - Ce n'est sans doute pas le lieu d'instaurer la TVA sociale. Jean-Baptiste Lemoyne a raison.

Sur le fond, je crois qu'Alain Joyandet a raison de lancer ce débat ici, car c'est le dispositif dont nous avons besoin. J'ai la conviction qu'il ne peut qu'entraîner des effets positifs pour la France.

Les produits fabriqués à l'étranger contribueront ainsi à l'équilibre de nos comptes sociaux : quels parlementaires peuvent s'y opposer ? Si nous ne changeons pas le financement de notre protection sociale, celle-ci sera menacée...

M. Jean-Pierre Bosino.  - Il faut faire contribuer davantage le capital !

M. Bruno Retailleau.  - La TVA sociale n'accroîtra pas les prix des produits : aucune inflation n'a été observée dans les pays qui l'ont instaurée...

M. Jean-Pierre Caffet.  - Tiens ! C'est magique...

M. Bruno Retailleau.  - Non, parce que les charges diminuent d'autant. En revanche, c'est assurément positif pour l'emploi !

M. René-Paul Savary.  - Tirons le bilan du CICE : il a constitué un colossal effet d'aubaine pour les entreprises, ainsi que des distorsions de concurrence, au détriment de l'économie sociale et solidaire par exemple.

Ces 27 milliards d'euros rendus aux entreprises, étaient une nécessité urgente au regard du matraquage fiscal qui a précédé. Voilà enfin le genre de mesure qu'il faut prendre au début, non en fin de mandat.

M. Daniel Chasseing.  - Les entreprises n'attendent pas d'anticiper tel remboursement pour créer des emplois : la logique du CICE est erronée ; la TVA sociale, elle, aura des effets immédiats, M. Joyandet a raison.

J'ignore si le CICE a créé des emplois, au mieux peut-on dire qu'il a maintenu des emplois menacés par les hausses d'impôts des deux premières années de matraquage fiscal du quinquennat. Je suivrai le rapporteur.

M. Jean-Claude Lenoir.  - Notre pays souffre d'un manque d'attractivité. Les Échos, il y a trois semaines, ont révélé que nos voisins avaient vu leur taux d'investissement étranger progresser de 14 % au cours des cinq dernières années. Le nôtre est resté stable sur la même période, sauf en 2015, où il a fléchi de 2 %...

M. Jean-Pierre Caffet.  - Quel lien avec la TVA ?

M. Jean-Claude Lenoir.  - J'y viens. La lourdeur du code du travail, le coût du travail ont manifestement des effets très pénalisants.

M. Alain Néri.  - Et la TVA !

M. Jean-Claude Lenoir.  - Le travail est une richesse, entend-on sur les bancs du groupe CRC. Soit, mais la richesse est partagée par de nombreux pays, d'autant que la plupart offrent des charges moins lourdes. Si nous voulons créer des emplois en France, allégeons-les.

M. Gérard Bailly.  - Un ménage gagnant 1 600 euros par mois paiera quatre fois moins de TVA qu'un ménage gagnant 5 400 euros par mois et à un taux généralement plus faible ! Les classes aisées seront en fait les plus touchées par une telle mesure. (Mme Éliane Assassi le nie)

J'ajoute qu'il est juste de faire payer les produits importés qui envahissent les grandes surfaces. Les prix des produits fabriqués chez nous n'augmenteront pas, car ils bénéficieront de la baisse de charges.

M. Martial Bourquin.  - J'avoue ma surprise : qu'a donc tout cela à voir avec le code du travail, objet de ce projet de loi ? (Exclamations à droite) L'ordre du jour est suffisamment lourd pour ne pas se perdre dans un débat qui reviendra en son temps.

J'observe simplement que les partisans d'une baisse des impôts proposent d'en créer un nouveau ! (Applaudissements sur la plupart des bancs du groupe socialiste et républicain et sur ceux du groupe communiste républicain et citoyen)

M. Alain Néri.  - Très bien !

M. François Grosdidier.  - En baissant les charges ! Vous avez tant augmenté les impôts qu'il nous faut les diminuer pour compenser.

M. Martial Bourquin.  - Alain Madelin - qui n'est pourtant pas ma lecture de chevet - s'étonne de la « purge libérale » qui se prépare, et parle d'un « Robin des bois à l'envers », qui volera aux pauvres au profit des riches...

Passons donc à l'ordre du jour s'il vous plaît ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain et sur ceux du groupe communiste républicain et citoyen)

M. Dominique Watrin.  - À raisonnement idiot, raisonnement idiot et demi... Si le travail est un coût, pourquoi vouloir augmenter sa durée, comme vous ne cessez de le réclamer ? Le vrai problème est le coût du capital.

Sachez que nos entreprises, pour un euro gagné, versent deux euros aux actionnaires sous forme de dividendes... (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste républicain et citoyen)

Notre système de protection sociale serait devenu financièrement insupportable ? Le déficit de la sécurité sociale, ce n'est que quelques dizaines d'euros de découvert chez un salarié gagnant 1 500 euros par mois : ce n'est pas catastrophique.

Vous êtes avez été, presque tous, élus locaux. Vous avez constaté les dégâts causés par la déconnexion entre les impôts et les lieux de création de richesses, avec la suppression de la taxe professionnelle, puis les exonérations massives que l'on a accordées aux entreprises comme celle de la C3S...

Oui, il faut revoir le code du travail, pour changer de perspective. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste républicain et citoyen)

M. Alain Milon, président de la commission.  - Quelques précisions à ce stade : le CICE est un crédit d'impôt ; ce n'est donc pas un impôt supplémentaire...

M. François Marc.  - Cet amendement est un cavalier !

M. Alain Milon, président de la commission.  - La TVA sociale a été décidée sous le quinquennat précédent, avec une entrée en vigueur prévue en 2017 : elle n'a jamais fonctionné, puisqu'elle a été abrogée, on n'en connaît donc pas les effets.

La protection sociale peut être financée par la TVA, les cotisations sociales ou la CSG : aucune décision de modification n'a encore été prise.

L'idée est bonne, sans doute, mais il faut l'approfondir et l'on ne peut la mettre en place ainsi. Le retrait de l'amendement me semble s'imposer.

M. Alain Joyandet.  - Nous sommes au coeur de l'ordre du jour : « nouvelles libertés, nouvelles protections, pour les entreprises et les actifs » ! J'ai proposé de remplacer un complexe crédit d'impôt par une baisse de charges immédiate, visible et massive. En tant que chef d'entreprise, je suis bien placé pour savoir tous les effets positifs qui en sont attendus.

Cette proposition n'a rien de libéral. Cher collègue du pays de Montbéliard, la TVA sociale renchérirait le prix des Mercedes, et non des 506 Peugeot ! Comme dit M. Bailly, la TVA payée pour une 206 sera moins forte.

M. le président.  - Veuillez conclure.

M. Alain Joyandet.  - Oui, cette TVA est bien sociale ! Pour l'heure, je retire mon amendement.

L'amendement n°988 est retiré.

M. le président.  - Amendement n°989, présenté par MM. Joyandet, J.P. Fournier, D. Laurent, Dufaut, Huré, B. Fournier, Nougein, Masclet et Vasselle.

Après l'article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article 1er de la loi n° 2012-958 du 16 août 2012 de finances rectificative pour 2012 est abrogé.

M. Alain Joyandet.  - J'essaie de trouver des solutions pour les salariés, pour l'emploi, pour les entreprises. Dans ce but, je préfère de loin la TVA sociale à ce que propose l'article 2 ! Ce serait beaucoup plus efficace. Comment vais-je expliquer à mes salariés qui se lèvent à deux heures du matin que les heures supplémentaires auxquelles ils sont si justement attachées ne seront plus de 25 % mais ramenées à 10 % ? Qu'est-ce que cette mesure créera comme emplois ? Baisser les charges, grâce à la TVA sociale, en, créerait bien plus, sans aucun doute !

Nous avons passé la nuit dernière sur cinq amendements qui n'avaient aucune chance d'aboutir, alors ne dites pas que nous perdons du temps, monsieur Bourquin !

J'entends le rapporteur toutefois, et retire cet amendement également.

La TVA sociale, au moins, elle est sociale - en tout cas plus que ce projet de loi et ces mesures proposées par le parti socialiste qui ne verront de toute façon jamais le jour. (Plusieurs applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains et au centre)

L'amendement n°989 est retiré.

CHAPITRE PREMIER BIS (Renforcer la lutte contre les discriminations, le harcèlement sexuel et les agissements sexistes)

M. le président.  - Amendement n°242 rectifié, présenté par MM. Cadic, Canevet, Bockel, Delahaye, Guerriau et Pozzo di Borgo.

Supprimer cette division et son intitulé.

M. Olivier Cadic.  - Les articles premier bis à premier quinquies ajoutent des obligations en matière de lutte contre les discriminations, le harcèlement sexuel et les agissements sexistes.

Or le harcèlement figure déjà dans le code pénal, à l'article 222-3-2, qui le définit parfaitement et le punit de deux ans d'emprisonnement et de 30 000 euros d'amende.

Si nous modifions ces dispositions, c'est dans le code pénal qu'il faut le faire, afin d'éviter que les définitions diffèrent. Attachons-nous encore plus à voter des lois simples et cohérentes ; et surtout : appliquons-les !

M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur.  - Supprimer le chapitre, ce serait préjuger du sort donné aux articles qui le composent : retrait ? Nous discuterons ensuite du fond à propos de chacun de ces articles.

Mme Myriam El Khomri, ministre.  - La situation actuelle est préoccupante, et nous devons tout mettre en oeuvre pour lutter contre le harcèlement et les agissements sexistes. Avis défavorable ou retrait pour les mêmes raisons.

M. Michel Canevet.  - Ce texte a pour objet de simplifier le code du travail, dont on connaît l'épaisseur. Se référer au code pénal semble plus logique, et contribuerait à amincir le code du travail tout en réprimandant ces types d'agissements. (Mmes Evelyne Yonnet et Christine Prunaud s'indignent du mot employé)

M. Olivier Cadic.  - Ce n'est pas en l'écrivant trois fois qu'on améliore l'efficacité d'une disposition.

L'infraction relative au mariage forcé, par exemple, n'a donné lieu qu'à trois condamnations, alors qu'il est très répandu au Maroc. Le harcèlement continue hélas à exister, de même que les discriminations, que nombre de jeunes Français fuient en allant chercher un emploi, à l'étranger, et rendre le droit bavard ne le fera pas disparaître. Je le répète, tenons-nous en au code pénal et appliquons-le !

Mais, doutant que nous puissions réellement faire oeuvre utile à cet égard, je retire cet amendement, ainsi que les suivants, jusqu'à l'amendement n°249 rectifié.

L'amendement n°242 rectifié est retiré.

M. Alain Milon, président de la commission.  - La commission des affaires sociales se réunit à 20 h 30.

La séance est suspendue à 19 h 30.

présidence de M. Claude Bérit-Débat, vice-président

La séance reprend à 21 h 30.

ARTICLES ADDITIONNELS

M. le président.  - Amendement n°286 rectifié bis, présenté par Mmes Jouanno et Morin-Desailly, MM. Longeot, Capo-Canellas et Roche, Mme Hummel, M. Laménie, Mme Deromedi, M. Cigolotti et Mme Létard.

Avant l'article 1er bis

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après l'article L. 1142-2-1 du code du travail, il est inséré un article L. 1142-2-2 ainsi rédigé :

« Art. L. 1142-2-2. -  Nul ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat, pour avoir subi ou refusé de subir des agissements sexistes ou pour avoir témoigné de tels agissements ou les avoir relatés, y compris lorsque l'agissement sexiste n'est pas répété ». 

M. Gérard Roche.  - Cet amendement de Mme Jouanno interdit tout agissement sexiste dans le monde du travail.

M. le président.  - Amendement identique n°424, présenté par Mme Bouchoux, M. Desessard, Mmes Archimbaud, Benbassa et Blandin et MM. Dantec, Gattolin, Labbé et Poher.

Mme Corinne Bouchoux.  - Le code du travail protège les salariés contre les mesures de rétorsion pour avoir subi ou refusé de subir, pour avoir témoigné ou relaté des faits de harcèlement sexuel. Cet amendement élargit cette protection à tout agissement sexiste afin que les femmes, qui en sont souvent victimes, puissent s'y opposer sans crainte des conséquences.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur.  - Un agissement sexiste est une discrimination fondée sur le sexe, dirait M. de la Palice, déjà visée par le code du travail à l'article L. 1132-1, l'article L. 1132-3 protégeant les témoins.

Retrait ou à défaut avis défavorable.

Mme Myriam El Khomri, ministre.  - Je donnerai un avis global sur les amendements relatifs aux agissements sexistes, particulièrement insupportables et contre lesquels le Gouvernement s'est engagé comme jamais un gouvernement ne l'avait fait avant lui.

Nous avons introduit dans la loi Rebsamen d'août 2015 la notion d'agissement sexiste, c'était un pas extrêmement important car en nommant les choses, on a prise sur la réalité. Ce projet de loi oblige à rappeler dans le règlement intérieur de l'entreprise l'interdiction des agissements sexistes, qui feront explicitement partie des risques appelant des mesures de prévention de la part de l'employeur et du CHSCT. Ainsi toute la communauté de travail sera-t-elle mobilisée contre les agissements sexistes.

Cependant, si graves soient-ils, ils ne constituent pas du harcèlement sexuel, lequel entraîne une atteinte à l'intégrité physique et morale de la personne. D'où un régime particulier de la preuve et des sanctions pénales pouvant aller jusqu'à cinq ans d'emprisonnement et 70 000 euros d'amende. Confondre les deux, ce serait mettre à mal l'échelle des peines et banaliser le harcèlement sexuel.

Des sanctions civiles et pénales peuvent cependant être prononcées contre les auteurs d'agissements sexistes : le juge peut ainsi ordonner la réintégration d'un salarié licencié pour des motifs sexistes, annuler une autre sanction et imposer la réparation du préjudice.

Avis défavorable, donc.

Les amendements identiques nos286 rectifié bis et 424 ne sont pas adoptés.

M. le président.  - Amendement n°287 rectifié bis, présenté par Mmes Jouanno et Morin-Desailly, MM. Longeot, Roche et Capo-Canellas, Mme Hummel, M. Laménie, Mme Deromedi, M. Cigolotti et Mme Létard.

Avant l'article 1er bis

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après l'article L. 1142-2-1 du code du travail, il est inséré un article L. 1142-2-... ainsi rédigé :

« Art. L. 1142-2-... -  Toute disposition ou tout acte contraire aux articles L. 1142-2-1 et L. 1142-2-2 est nul. »

M. Gérard Roche.  - Même chose que le précédent concernant le régime de la nullité applicable aux actes et pratiques contraires au principe d'interdiction de tout agissement sexiste. Selon l'adage « pas de nullité sans texte », il doit être écrit que les actes pris à l'égard d'un-e salarié-e en méconnaissance des dispositions relatives à l'interdiction de tout agissement sexiste sont nuls.

M. le président.  - Amendement identique n°425, présenté par Mme Bouchoux, M. Desessard, Mmes Archimbaud, Benbassa et Blandin et MM. Dantec, Gattolin, Labbé et Poher.

Mme Corinne Bouchoux.  - Merci à la ministre pour ses explications assez convaincantes. Néanmoins, les auditions à la délégation sénatoriale aux droits des femmes nous ont persuadés que la nullité éviterait de nombreux agissements sexistes.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur.  - Même avis : ces amendements sont satisfaits par l'article L. 1132-4 même si nous partageons les préoccupations de leurs auteurs.

Mme Myriam El Khomri, ministre.  - Avis défavorable.

Les amendements identiques nos287 rectifié bis et 425 ne sont pas adoptés.

M. le président.  - Amendement n°292, présenté par Mme Meunier et les membres du groupe socialiste et républicain.

Avant l'article 1er bis

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Au premier alinéa de l'article L. 1144-1 du code du travail, les mots : « et L. 1142-2 » sont remplacés par les mots : « , L. 1142-2 et L. 1142-2-1 ».

Mme Michelle Meunier.  - Il s'agit de préciser que le régime d'administration de la preuve pour les discriminations à raison du sexe s'applique aux cas d'agissements sexistes. Ce projet de loi comporte des progrès, c'est vrai, mais je garde en mémoire le témoignage d'une femme qui racontait qu'on déposait tous les jours sur son bureau un calendrier avec des images pornographiques...

M. le président.  - Amendement identique n°428, présenté par Mme Bouchoux, M. Desessard, Mmes Archimbaud, Benbassa et Blandin et MM. Dantec, Gattolin, Labbé et Poher.

Mme Corinne Bouchoux.  - Parce qu'il est complexe de prouver la discrimination, il revient à l'employeur mis en cause de prouver que sa décision était justifiée par d'autres motifs. Or la loi du 27 mai 2008 a défini les agissements sexistes comme une forme de discrimination, dispositions codifiées par la loi du 17 août 2015. Nous proposons d'en tirer les conséquences en adoptant le même régime de preuve. Des études montrent que, même si les faits sont disjoints, agissements sexistes, harcèlement, etc. participent d'un continuum. La réalité, implacable, nous obligera un jour à voter cet amendement.

M. le président.  - Amendement identique n°464, présenté par M. Watrin et les membres du groupe CRC.

Mme Annie David.  - Je joins ma voix à celle de mes collègues. Il est essentiel de faire appliquer le régime d'aménagement de la charge de la preuve dans tous les cas de litiges liés au sexisme. Selon le Conseil supérieur de l'égalité professionnelle, 89 % des femmes ont déjà été confrontées à un comportement sexiste au cours de leur carrière. De tels comportements peuvent prendre des formes diverses, des remarques déplacées au harcèlement et au viol. Peu de femmes portent plainte - pas plus de 10 % selon la psychologue Marie Pezé - par peur de perdre leur emploi ou plus simplement de ne pas être entendues. Inverser la charge de la preuve serait un signal fort pour toutes ces femmes.

M. le président.  - Amendement identique n°927 rectifié, présenté par Mme Laborde, MM. Barbier, Bertrand et Guérini, Mmes Jouve et Malherbe et M. Vall.

Mme Françoise Laborde.  - Appliquons le régime de l'aménagement de la preuve des discriminations sexuelles aux actions en justice engagées sur le fondement de l'article L. 1142-2-1 relatif à l'agissement sexiste.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur.  - Les agissements sexistes relèvent de la discrimination ; s'ils sont répétés, ils peuvent être assimilés au harcèlement. À mon sens, le droit existant suffit. Mais, au vu des arguments, le Gouvernement pourrait sans doute nous éclairer...

Mme Myriam El Khomri, ministre.  - La notion d'agissement sexiste est trop neuve pour qu'on connaisse la pratique des juges. La frontière existe entre le viol, le harcèlement et l'agissement sexiste, évitons de banaliser les choses en effaçant toute gradation. Par prudence, je vous invite au retrait.

M. Jean-Pierre Godefroy.  - Je soutiens l'amendement de nos collègues féminines. Il y a malheureusement des traditions qui peuvent être hostiles aux femmes dans des milieux professionnels autrefois exclusivement masculins.

L'agression sexiste peut prendre des formes multiples. J'ai été amené à dénoncer une publicité d'un institut de beauté que les femmes qui y travaillaient devaient supporter tous les jours !

Mme Myriam El Khomri, ministre.  - Ce projet de loi, je le rappelle, prévoit que le règlement intérieur interdira les agissements sexistes, considérés comme des risques intégrés au plan de prévention.

Mme Annie David.  - Certes, mais le manquement au règlement intérieur ne sera pas sanctionné.

Jean-Pierre Godefroy parle des publicités sexistes ; on pourrait aussi évoquer les plaisanteries répétées quotidiennement : le règlement intérieur n'y changera rien. Nous proposons une mesure complémentaire qui ne s'oppose en rien à ce que, madame la ministre, vous proposez.

Les amendements identiques nos292, 428, 464 et 927 rectifié ne sont pas adoptés.

ARTICLE PREMIER BIS

Mme Laurence Cohen .  - Une fois n'est pas coutume, dans ce texte, l'article premier bis représente un progrès. Aujourd'hui, le régime de la preuve est différent selon qu'il s'agit de harcèlement ou de discrimination. Dans le second cas, le salarié doit présenter les faits, dans le premier il doit les établir, ce qui amoindrit évidemment ses chances de se voir rendre justice. Pour encourager les victimes, pour libérer la parole, il faut aligner le régime probatoire du harcèlement sur celui de la discrimination. C'est d'ailleurs conforme à l'évolution de la jurisprudence : voyez l'arrêt du 30 avril 2009 de la chambre commerciale de la Cour de cassation, sur un cas de harcèlement moral.

M. le président.  - Amendement n°1003, présenté par M. Lemoyne, au nom de la commission.

Rédiger ainsi cet article :

L'article L. 1154-1 du code du travail est ainsi modifié :

1° Le premier alinéa est ainsi modifié :

a) Les références : « et L. 1153-1 à L. 1153-4 » sont supprimées ;

b) Est ajouté le mot : « moral » ;

2° Après le premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Lorsque survient un litige relatif à l'application des articles L. 1153-1 à L. 1153-4, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement sexuel. » ;

3° Au deuxième alinéa, le mot : « tel » est supprimé.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur.  - Cet amendement, sans revenir sur l'assouplissement du régime probatoire du harcèlement sexuel afin de mieux protéger les victimes, conserve les règles en vigueur relatives au régime probatoire du harcèlement moral.

Mme Myriam El Khomri, ministre.  - Vous cherchez donc à distinguer régime de la preuve du harcèlement sexuel et du harcèlement moral. Je vous propose de prendre du temps pour y réfléchir. Sagesse.

L'amendement n°1003 est adopté et l'article premier bis est ainsi rédigé.

ARTICLE PREMIER TER

Mme Brigitte Gonthier-Maurin .  - Nous sommes très favorables à cet article, introduit à l'Assemblée nationale à l'initiative de Catherine Coutelle, qui oblige l'employeur à rappeler la définition des agissements sexistes dans le règlement intérieur de l'entreprise. Une enquête menée en 2013 dans neuf grandes entreprises françaises est révélatrice sur le sexisme enduré par les femmes dans le monde du travail, avec les conséquences que l'on sait sur la confiance en soi, la performance et le bien-être au travail : 80 % des salariées sont souvent confrontées à des attitudes sexistes, 40 % des manageuses estiment que l'on attend d'elles un comportement spécifique, 90 % des femmes considèrent qu'il est plus facile de faire carrière pour un homme.

Toutefois, cet article est insuffisant : le règlement intérieur n'est obligatoire que dans les entreprises qui emploient habituellement vingt salariés au moins ; et sans règlement intérieur, pas de sanction.

Rappelons que l'employeur, quelle que soit la taille de son entreprise, a l'obligation d'assurer la santé physique et mentale de ses salariés, et qu'il répond de ses agissements comme de ceux de ses employés.

L'article premier ter est adopté.

L'article premier quater est adopté.

ARTICLE PREMIER QUINQUIES

Mme Laurence Cohen .  - Cet article élargit les compétences du CHSCT pour s'attaquer au sexisme, ouvert ou « subtil », à propos duquel on n'a cessé d'osciller entre déni et réalité, pour reprendre le titre du rapport du Conseil supérieur pour l'égalité professionnelle de mars 2015. Les effets du sexisme sur la santé des femmes ont été prouvés par le Centre pour le leadership éthique de Melbourne. Faire participer le CHSCT est une bonne chose, même si celui-ci s'est vu rogner les ailes par la loi Rebsamen : réduction des moyens des représentants du personnel, du délai d'information-consultation, délégation unique du personnel... Malgré ces réserves, le groupe CRC votera cet article.

M. le président.  - Amendement n°467, présenté par M. Watrin et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.

Rédiger ainsi cet article :

L'article L. 4612-3 du code du travail est ainsi rédigé :

« Art. L. 4612-3.  -  Le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail contribue à la promotion de la prévention des risques professionnels dans l'établissement et suscite toute initiative qu'il estime utile dans cette perspective. Il peut proposer notamment des actions de prévention du harcèlement moral, du harcèlement sexuel et des agissements sexistes définis à l'article L. 1142-2-1. À sa demande, l'employeur est tenu de mettre à disposition des salarié-e-s une instance d'écoute et de prévention du harcèlement moral et sexuel dans les entreprises et sur les sites regroupant plus de cinquante salarié-e-s. »

Mme Brigitte Gonthier-Maurin.  - Cet article, inséré à l'Assemblée nationale, est la trace des vifs débats suscités par la copie initiale du Gouvernement, qui n'était guère de nature à satisfaire les attentes des salariés... Les députés ont donc voulu confier au CHSCT le soin de prendre toutes initiatives pour repérer et prévenir les agissements sexistes et le harcèlement sexuel, c'est bien, mais cela ne change rien aux responsabilités de l'employeur... Le chantage sexuel a toujours été l'une des armes utilisées par les employeurs pour asseoir leur autorité. Il est indispensable d'ouvrir une structure d'accueil pour les victimes, non seulement là où il y a un CHSCT ou un comité d'entreprise, mais aussi dans les zones d'activités où travaillent plus de 50 salariés.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur.  - Les salariées peuvent s'adresser à leurs représentants, au CHSCT, à l'inspection du travail... Un numéro vert pourrait être utile, mais pas une nouvelle instance. Avis défavorable.

Mme Myriam El Khomri, ministre.  - La loi du 6 août 2012 a défini le harcèlement sexuel ainsi que les obligations de l'employeur et des services de santé au travail. Elle a donné au délégué du personnel un véritable droit d'alerte, le CHSCT peut proposer des actions de prévention auxquelles l'employeur ne peut s'opposer que par une décision motivée. Dont-on aller plus loin en généralisant les cellules d'écoute ? Je ne crois pas : à chaque situation ses réponses propres.

J'ai demandé à l'inspection du travail de dresser un bilan de la loi en 2013. Cette année-là, il y a eu 2 143 rappels à la loi, dont 57 % pour non-respect de l'obligation de lutter contre le sexisme, 26 % pour manquement à l'obligation de protection contre le harcèlement, 17 % pour non-sanction d'agissements coupables, ainsi que 105 décisions de suspension ou d'interdiction.

Prenons un exemple concret : à Alfortville, une entreprise de reprographie de moins de cinquante salariés est rachetée ; la nouvelle présidente est saisie d'un conflit sexiste alors que, dans la nouvelle entité, les hommes sont surreprésentés. La nouvelle présidente multiplie les mesures : rappels auprès des salariés, campagne d'affichage, fermeté avec deux licenciements, formation des encadrants, rééquilibrage des effectifs, révision des fiches de poste avec l'aide de l'Agence nationale pour l'amélioration des conditions de travail...

Vous demandez la généralisation d'une cellule d'appui, je crois, moi, que chaque situation, particulière, appelle une réponse, particulière.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin.  - Pourvu que chacun trouve à qui parler !

M. Jean Desessard.  - Votre argument me laisse perplexe, madame la ministre. Vous donnez un exemple où tout est mis en oeuvre ; soit ! Mais cela ne s'oppose pas à la nécessité d'une instance dédiée.

Quant au rapporteur, qui est pour les accords d'entreprise, et contre les accords de branche, il veut un numéro vert... Encore plus haut que la branche ! (Rires sur les bancs du groupe CRC)

Mme Myriam El Khomri, ministre.  - L'amendement impose à tout employeur de mettre en place une cellule d'écoute et de prévention, ce n'est pas nécessairement la meilleure réponse partout.

Mme Marie-Christine Blandin.  - Mme la ministre parlait tout à l'heure de cellule d'appui, mais il s'agit bien d'une cellule d'écoute et de prévention. Cet amendement est modéré, il ne coûte pas cher, il est...

M. Jean Desessard.  - Pragmatique !

Mme Marie-Christine Blandin.  - En effet. Si celui-là est aussi rejeté, ce sera un bien mauvais signal...

Mme Brigitte Gonthier-Maurin.  - Quel monde merveilleux que celui dont parle la ministre ! Il ne s'agit pas de donner une réponse unique, mais de donner à ces femmes quelqu'un à qui parler.

M. Alain Joyandet.  - Et les hommes ?

Mme Nicole Bricq.  - Il n'y a pas de quoi s'enflammer... Nos collègues communistes n'ont pas confiance dans les outils dont disposent les salariés, à commencer par le CHSCT.

Mme Éliane Assassi.  - Il n'y en a pas partout !

Mme Nicole Bricq.  - Mais votre amendement ne vise que les cas où il existe ! À quoi servirait cette nouvelle cellule ?

Mme Sophie Primas.  - Avec de nouveaux permanents !

Mme Nicole Bricq.  - Il y a bien d'autres instances vers lesquelles se tourner, y compris la médecine du travail.

Enfin, la loi Rebsamen n'a pas amoindri le rôle des CHSCT, bien au contraire.

Mme Laurence Cohen.  - Si, je persiste et signe.

Quand on parle de harcèlement ou d'agissements sexistes en entreprise, et qu'on cherche à améliorer les outils qui existent, ce n'est jamais possible ! Il n'y a rien à améliorer : tout a été prévu, ou ce n'est pas le moment, pas le bon véhicule ! En attendant, les femmes souffrent.

Vous me parlez de la médecine du travail... Si ce n'était pas aussi triste, j'éclaterais de rire. Ses moyens sont réduits à peau de chagrin ! (Applaudissements sur les bancs du groupe CRC)

L'amendement n°467 n'est pas adopté.

L'article premier quinquies est adopté.

ARTICLES ADDITIONNELS

M. le président.  - Amendement n°470, présenté par M. Watrin et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.

Après l'article 1er quinquies

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article L. 2146-2 du code du travail est ainsi modifié :

1° Au premier alinéa, le montant : « 3 750 » est remplacé par le montant : « 45 000 » ;

2° Au second alinéa, les mots : « un an » sont remplacés par les mots : « trois ans » et le montant : « 7 500 » est remplacé par le montant : « 90 000 ».

M. Bernard Vera.  - Selon l'Observatoire de la discrimination et de la répression syndicale, les discriminations et répressions à l'égard des syndicalistes sont largement sous-estimées par les pouvoirs publics. Les militants savent qu'en faisant le choix du syndicalisme, ils ne facilitent pas leur carrière. Les sanctions actuelles sont peu dissuasives, nous les alourdissons.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur.  - Les sanctions existent : 3 750 euros d'amende, et même 7 500 euros et un an d'emprisonnement en cas de récidive. Votre proposition a de quoi étonner, puisque vous voulez au contraire, par l'amendement n°469, assurer une forme d'impunité aux personnes ayant pris part à un conflit social ! Quand on voit ce qui s'est passé aujourd'hui boulevard du Montparnasse...

Mme Éliane Assassi.  - Ce n'étaient pas des syndicalistes, mais des casseurs !

M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur.  - Votre amendement parle de personnes qui participent à une manifestation sur la voie publique. Avis défavorable. (Vifs applaudissements à droite ; M. Michel Canevet applaudit aussi)

Mme Myriam El Khomri, ministre.  - La loi d'août 2015 a établi un mécanisme de non-discrimination. Nous attendons un rapport du Défenseur des droits sur la discrimination syndicale dont nous nous inspirerons. Avis défavorable pour le moment.

M. Jean Desessard.  - Décidément, monsieur le rapporteur, ce n'est pas que je vous aie dans le viseur ce soir, mais n'assimilez pas casseurs et syndicalistes...

M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur.  - Je n'ai pas dit cela !

M. Jean Desessard.  - Presque !

Mme Éliane Assassi.  - Nous vivons cela depuis trois mois.

Mme Sophie Primas.  - Les syndicats ne sont pas respectueux. (On se récrie sur les bancs du groupe communiste républicain et citoyen)

M. Jean Desessard.  - Ceux qui créent la violence ne sont pas forcément ceux qui manifestent. Le patronat, dont cette loi ne parle pas... (Vives protestations sur les bancs du groupe Les Républicains)

Mme Sophie Primas.  - Vous n'avez jamais créé une entreprise de votre vie pour dire ça !

Mme Éliane Assassi.  - Cela s'appelle la lutte des classes !

M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur.  - Le grand soir arrive !

M. Jean Desessard.  - ...crée la désespérance sociale. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe communiste républicain et citoyen)

Mme Myriam El Khomri, ministre.  - Je ne puis laisser dire que nous entraverions le droit de faire grève et de manifester, même en plein état d'urgence. Je respecte le combat syndical mais je condamne les violences. Ma porte a toujours été ouverte. J'ai vu les numéros 1 de tous les syndicats, hormis ceux qui ont pratiqué la politique de la chaise vide. (Protestations sur les bancs du groupe communiste républicain et citoyen) Je verrai celui de la CGT vendredi.

Mme Éliane Assassi.  - Retirez votre loi !

Mme Hermeline Malherbe.  - Ce n'est pas ça la démocratie !

Mme Éliane Assassi.  - C'est aussi cela, la démocratie. (Vive rumeur)

M. Alain Joyandet.  - La gauche parle à la gauche !

M. le président.  - Seule la ministre à la parole !

Mme Myriam El Khomri, ministre.  - Nous respectons le droit de manifester, en plein état d'urgence. Mais manifester n'est pas casser, il faut bien séparer les deux. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain, à droite et au centre). J'ai consulté... (Exclamations sur les bancs du groupe communiste républicain et citoyen)

Mme Éliane Assassi.  - C'est faux !

Mme Myriam El Khomri, ministre.  - Je voudrais pouvoir parler dans la sérénité !

C'est vrai et ma porte demeure ouverte. Je suis pour le dialogue social. Le Gouvernement a montré sa volonté d'encadrer les manifestations de façon apaisée.

M. le président.  - Mes chers collègues, notre débat doit se poursuivre dans le respect des uns et des autres. On ne gagne rien à s'emporter.

Mme Laurence Cohen.  - Je dirai les choses sereinement : le groupe CRC n'opère aucun amalgame entre manifestants et casseurs. Nous avons toujours et sans ambiguïté condamné les violences.

La démocratie, le dialogue, ce n'est pas seulement écouter mais aussi entendre et en tirer les conséquences. Or le Gouvernement ne bouge pas d'un iota. Nous continuerons de lutter pacifiquement, avec les millions de Français qui sont dans la rue, contre cette loi. Nous démontrerons sans relâche qu'il y a d'autres possibilités pour améliorer le code du travail que de le détricoter et d'affaiblir les protections des salariés. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste républicain et citoyen)

Mme Myriam El Khomri, ministre.  - D'un côté, on me dit que mon projet de loi est vidé de son contenu, de l'autre on me reproche de ne pas bouger d'un pouce. Il faudrait savoir !

Le Gouvernement a utilisé l'article 49-3 à l'Assemblée nationale tout en acceptant huit cents amendements. La loi a changé !

Mme Éliane Assassi.  - Vous n'avez cessé de dire que vous êtes d'accord à 200 % avec votre loi, madame la ministre. Dont acte. Si ce n'est que tout le monde, à droite et à gauche, s'est élevé contre le recours au 49-3.

Mme Nicole Bricq.  - Pas moi.

Mme Éliane Assassi.  - C'est ça la démocratie ? Certes, vous avez accepté des amendements en commission ; mais cela n'a rien à voir avec le débat en séance publique. Vous restez droite dans vos bottes, soit ! Laissez-nous vous opposer nos propositions. Vous ne supportez pas de voir que la mobilisation ne fait que se renforcer.

L'amendement n°470 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°288 rectifié bis, présenté par Mmes Jouanno et Morin-Desailly, MM. Roche, Longeot, Capo-Canellas et L. Hervé, Mmes Hummel et Deromedi, MM. Laménie et Cigolotti et Mme Létard.

Après l'article 1er quinquies

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article 6 bis de la loi n°83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires est ainsi modifié :

1° Après le premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Aucun fonctionnaire ne doit subir d'agissement sexiste, défini comme tout agissement lié au sexe d'une personne, ayant pour objet ou pour effet de porter atteinte à sa dignité ou de créer un environnement intimidant, hostile, dégradant, humiliant ou offensant. » ;

2° Au deuxième alinéa, le mot : « toutefois » est supprimé ;

3° Le 1° est complété par les mots : « et au deuxième alinéa ».

M. Gérard Roche.  - Nous proposons d'insérer le principe de l'interdiction de « tout agissement sexiste » à l'article 6 bis de la loi de 1983 : la protection doit être la même dans la fonction publique que dans le secteur privé.

M. le président.  - Amendement identique n°426, présenté par Mme Bouchoux, M. Desessard, Mmes Archimbaud, Benbassa et Blandin et MM. Dantec, Gattolin, Labbé et Poher.

Mme Corinne Bouchoux.  - Cet amendement, fruit du travail de la délégation sénatoriale aux droits des femmes, revoit le statut général des fonctionnaires afin d'étendre la lutte contre le sexisme à la fonction publique. Espérons qu'il ramènera dans cette assemblée le calme dont j'allais me féliciter.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur.  - Effectivement : sagesse très positive. J'espère qu'une belle unanimité va se retrouver sur ce bel amendement.

Mme Myriam El Khomri, ministre.  - Favorable même si l'objet est un peu loin du texte.

Les amendements identiques nos288 rectifié bis et 426 sont adoptés et deviennent article additionnel.

M. le président.  - Amendement n°468, présenté par M. Watrin et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.

Après l'article 1er quinquies

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après le 6° de l'article 225-2 du code pénal, sont insérés trois alinéas ainsi rédigés :

« 7° À refuser une formation d'une personne ;

« 8° À refuser une promotion d'une personne ;

« 9° À refuser une classification d'une personne. »

M. Michel Le Scouarnec.  - Les discriminations forment une longue liste. Dans la société apaisée que nous appelons de nos voeux, nous ne pouvons plus les tolérer.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur.  - L'article 225-2 du code pénal vous donne satisfaction. Pour le reste, cela relève du droit commun de la discrimination.

Mme Clotilde Valter, secrétaire d'État auprès de la ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, chargée de la formation professionnelle et de l'apprentissage.  - Même avis défavorable, sachant que, sur préconisation du Conseil économique, social et environnemental, le Gouvernement a demandé un rapport sur les discriminations syndicales.

À la demande du groupe communiste républicain et citoyen, l'amendement n°468 est mis aux voix par scrutin public.

M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°249 :

Nombre de votants 341
Nombre de suffrages exprimés 331
Pour l'adoption 20
Contre 311

Le Sénat n'a pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°469, présenté par M. Watrin et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.

Après l'article 1er quinquies

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le code de procédure pénale est ainsi modifié :

1° Après l'article 706-55, il est inséré un article 706-55-1 ainsi rédigé :

« Art. 706-55-1.  -  Les empreintes des personnes poursuivies, condamnées ou à l'encontre desquelles il existe des indices graves ou concordants rendant vraisemblable qu'elles aient commis un délit ne sont pas conservées lorsque le délit est prévu aux articles 222-11 à 222-13, 222-17 et 222-18, 224-1, 322-1 à 322-14 du code pénal, que la peine encourue n'excède pas cinq ans d'emprisonnement et qu'il a été commis par des personnes participant :

« 1° À un conflit collectif du travail ou à des actions syndicales et revendicatives engagées par des salariés ou agents publics, y compris au cours de manifestations sur la voie publique ou dans les lieux publics ;

« 2° À un mouvement collectif revendicatif, associatif ou syndical, relatif aux problèmes liés au logement, à l'environnement, aux droits humains, à la santé, à la culture, à la lutte contre les discriminations, au maintien des services publics et aux droits des migrants, y compris au cours de manifestations sur la voie publique ou dans des lieux publics. » ;

2° Après le deuxième alinéa de l'article 706-56, sont insérés deux alinéas ainsi rédigés :

« Lorsque les faits ont été commis dans les circonstances prévues au 1° ou au 2° de l'article 706-55-1, le prélèvement biologique est soumis à l'accord préalable du procureur de la République compétent, donné par tout moyen. Mention en est faite au procès-verbal de la procédure.

« Lorsque les faits ont été commis dans les circonstances prévues au 1° ou au 2° de l'article 706-55-1, la personne, sur laquelle est effectué un prélèvement biologique à la demande ou avec l'accord préalable du procureur de la République est informée par l'officier de police judiciaire qui procède ou fait procéder à ce prélèvement qu'elle a le droit, à tout moment, de demander au procureur de la République compétent que ses empreintes génétiques soient effacées du fichier national automatisé des empreintes génétiques suivant la procédure prévue au deuxième alinéa de l'article 706-54 du présent code. Mention de l'information donnée est faite au procès-verbal de la procédure et émargée par la personne sur laquelle est effectué le prélèvement. En cas de refus d'émargement il en est fait mention. »

M. Pierre Laurent.  - Cet amendement risque de susciter de nouveaux débats... Le groupe CRC est extrêmement clair : nous condamnons les violences : pas d'amalgame entre manifestants et casseurs ! Cependant, il y a une extrême violence symbolique d'assimiler un million de manifestants dans la rue aujourd'hui... (Exclamations à droite)

Mme Sophie Primas.  - C'est la sardine qui bouche le port de Marseille !

Mme Éliane Assassi.  - Tous des casseurs, c'est ça ?

M. Pierre Laurent.  - ...aux centaines de casseurs !

M. Jean-Pierre Grand.  - Martinez en prison !

M. Pierre Laurent.  - Le fichier des empreintes génétiques a été créé pour les délinquants sexuels. Il est utilisé contre les militants syndicaux : l'inspectrice du travail de Tefal, les huit militants de Goodyear et les salariés d'Air France dans l'affaire dite de la chemise - dont on vient encore de remettre le procès à plus tard. C'est une dérive inacceptable. Il ne s'agit pas d'impunité, mais de faire respecter les libertés publiques.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur.  - Votre amendement ne vise pas les militants syndicaux mais des personnes participant à des actions revendicatrices...

Mme Nicole Bricq.  - Tout à fait !

M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur.  - Impossible à assumer : peut-on ne pas condamner ceux qui, à Nuit debout, ont boxé un représentant de la CFTC, et dont nous avons pu voir le visage tuméfié ?

Mme Clotilde Valter, secrétaire d'État.  - Le Gouvernement garantit la liberté syndicale. Aucune criminalisation syndicale dans ce pays ! Nous voulons assurer l'ordre public et le respect de la loi. Le fichier des empreintes digitales repose sur un critère de fait - la commission d'une infraction -, non sur un critère de statut : l'appartenance à un syndicat.

M. Pierre Laurent.  - Pas d'impunité, tout à fait d'accord, mais pas de fichage génétique des syndicalistes comme s'ils étaient de vulgaires criminels sexuels. Cela est arrivé à des travailleurs de Continental ou des Autoroutes du sud de la France et à d'autres...

M. Jacques Bigot.  - Je pourrais comprendre si vous vous opposiez par principe au fichage des données génétiques. Mais comment accepter des violences sur des personnes parce qu'elles auraient été commises dans des mouvements de masse ? Ce sont précisément les mouvements de masse qui sont propices à de telles violences. Je suis très étonné que le groupe CRC en arrive à faire pareille proposition.

Mme Nicole Bricq.  - Nous parlons de faits graves : violence ayant occasionné une incapacité de travail supérieure à huit jours, séquestration, destruction de biens d'autrui y compris par l'emploi d'explosifs. C'est quand même très grave ! Quand sont commis de tels actes, je ne vois pas pourquoi on en exempterait les auteurs du fichage génétique.

Je sais, vous portez une proposition de loi d'amnistie pour les gens de Continental...

Mme Cécile Cukierman.  - Malgré les promesses du candidat Hollande devenu président, notre proposition de loi a été renvoyée en commission et n'est toujours pas examinée et adoptée ! Vous refusez brutalement cet amendement sans même chercher à l'améliorer. Il est loin le temps où la gauche rassemblée défendait le syndicalisme ! (Exclamations ironiques à droite)

M. Marc Laménie.  - Soyons raisonnables : tout en comprenant que les militants syndicalistes militent pour le bien commun, on ne peut que suivre le rapporteur.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur.  - Merci.

M. Pascal Allizard.  - Ne légiférons pas dans l'émotion et l'urgence. La journée a été difficile, émaillée de violences lors de manifestations dans la capitale et dans des grandes villes de province.

Militer et basculer dans la délinquance, ce n'est pas la même chose. Dans le premier cas, c'est le droit du travail qui s'applique ; dans le second, le code pénal. Que dirions-nous si les élus locaux commettaient des violences ? Nous ne l'accepterions pas.

Mme Marie-Christine Blandin.  - Les syndicalistes n'ont pas envie d'être marqués au fer rouge, bien sûr. Cependant, la ministre a rappelé que les prélèvements génétiques sont réservés aux auteurs d'infractions. Une maladresse rédactionnelle nous empêche de soutenir cet amendement. Mais nous ne pouvions pas non plus voter contre. En effet, les prélèvements et leur traitement sont confiés à une boîte privée et ne sont pas sécurisés. On nous dit que c'est de l'ADN non codant. Si l'on en croit les récents prix Nobel, l'ADN non codant n'est que l'ADN dont nous ne savons pas ce qu'il code. Le jour où ces entreprises privées vendront ces données à des assurances, on aura les pires problèmes.

L'amendement n°469 n'est pas adopté.

L'article 2 A demeure supprimé.

M. le président.  - Amendement n°1 rectifié bis, présenté par MM. Karoutchi, Joyandet, Dufaut, Emorine et Cambon, Mme Joissains, M. Magras, Mme Micouleau, MM. Laufoaulu et Cantegrit, Mme Di Folco, MM. Rapin, Houel et Dallier, Mme Duchêne, M. César, Mmes Estrosi Sassone et Des Esgaulx, MM. Pointereau, Husson, Huré, A. Marc, B. Fournier, Savary, Pellevat et Béchu, Mme Canayer, MM. Fouché, Perrin, Raison et Gilles, Mme Deromedi, MM. Grand et G. Bailly, Mme Mélot, M. Bizet, Mme Troendlé, MM. Savin et P. Dominati, Mme Hummel, MM. Vasselle et Masclet, Mme Primas, MM. Vaspart, Fontaine, Chaize, Longuet, Laménie et Houpert, Mme Gruny et MM. P. Leroy et L. Hervé.

Après l'article 2 A

Insérer un article additionnel ainsi rédigé : 

I.  -  Après l'article 81 ter du code général des impôts, il est inséré un article 81 quater ainsi rédigé :

« Art. 81 quater.  -  I. - Sont exonérés de l'impôt sur le revenu :

« 1° Les salaires versés aux salariés au titre des heures supplémentaires de travail définies à l'article L. 3121-11 du code du travail et, pour les salariés relevant de conventions de forfait annuel en heures prévues à l'article L. 3121-42 du même code, des heures effectuées au-delà de 1 607 heures, ainsi que des heures effectuées en application de l'avant-dernier alinéa de l'article L. 3123-7 du même code. Sont exonérés les salaires versés au titre des heures supplémentaires mentionnées à l'article L. 3122-4 dudit code, à l'exception des heures effectuées entre 1 607 heures et la durée annuelle fixée par l'accord lorsqu'elle lui est inférieure.

« L'exonération mentionnée au premier alinéa du présent 1° est également applicable à la majoration de salaire versée, dans le cadre des conventions de forfait annuel en jours, en contrepartie de la renonciation par les salariés, au-delà du plafond de deux cent dix-huit jours mentionné à l'article L. 3121-44 du même code, à des jours de repos dans les conditions prévues à l'article L. 3121-45 du même code ;

« 2° Les salaires versés aux salariés à temps partiel au titre des heures complémentaires de travail définies au 4° de l'article L. 3123-14, aux articles L. 3123-17 et L. 3123-18 du code du travail ;

« 3° Les salaires versés aux salariés par les particuliers employeurs au titre des heures supplémentaires qu'ils réalisent ;

« 4° Les salaires versés aux assistants maternels régis par les articles L. 421-1 et suivants et L. 423-1 et suivants du code de l'action sociale et des familles au titre des heures supplémentaires qu'ils accomplissent au-delà d'une durée hebdomadaire de quarante-cinq heures, ainsi que les salaires qui leur sont versés au titre des heures complémentaires accomplies au sens de la convention collective nationale qui leur est applicable ;

« 5° Les éléments de rémunération versés aux agents publics titulaires ou non titulaires au titre, selon des modalités prévues par décret, des heures supplémentaires qu'ils réalisent ou du temps de travail additionnel effectif ;

« 6° Les salaires versés aux autres salariés dont la durée du travail ne relève pas des dispositions du titre II du livre Ier de la troisième partie du code du travail ou du chapitre III du titre Ier du livre VII du code rural et de la pêche maritime au titre, selon des modalités prévues par décret, des heures supplémentaires ou complémentaires de travail qu'ils effectuent ou, dans le cadre de conventions de forfait en jours, les salaires versés en contrepartie des jours de repos auxquels les salariés ont renoncé au-delà du plafond de deux cent dix-huit jours.

« II.  -  L'exonération prévue au I s'applique :

« 1° Aux rémunérations mentionnées aux 1° à 4° et au 6° du I et, en ce qui concerne la majoration salariale correspondante, dans la limite :

« a) Des taux prévus par la convention collective ou l'accord professionnel ou interprofessionnel applicable ;

« b) À défaut d'une telle convention ou d'un tel accord :

«  -  pour les heures supplémentaires, des taux de 25 % ou 50 %, selon le cas, prévus au premier alinéa de l'article L. 3121-22 du code du travail ;

«  -  pour les heures complémentaires, du taux de 25 % ;

«  -  pour les heures effectuées au-delà de 1 607 heures dans le cadre de la convention de forfait prévue à l'article L. 3121-46 du même code, du taux de 25 % de la rémunération horaire déterminée à partir du rapport entre la rémunération annuelle forfaitaire et le nombre d'heures de travail prévu dans le forfait, les heures au-delà de la durée légale étant pondérées en fonction des taux de majoration applicables à leur rémunération ;

« 2° À la majoration de salaire versée dans le cadre des conventions de forfait mentionnées au second alinéa du 1° et au 6° du I, dans la limite de la rémunération journalière déterminée à partir du rapport entre la rémunération annuelle forfaitaire et le nombre de jours de travail prévu dans le forfait, majorée de 25 % ;

« 3° Aux éléments de rémunération mentionnés au 5° du I dans la limite des dispositions applicables aux agents concernés.

« III.  -  Les I et II sont applicables sous réserve du respect par l'employeur des dispositions légales et conventionnelles relatives à la durée du travail.

« Les I et II ne sont pas applicables lorsque les salaires ou éléments de rémunération qui y sont mentionnés se substituent à d'autres éléments de rémunération au sens de l'article 79 du présent code, à moins qu'un délai de douze mois ne se soit écoulé entre le dernier versement de l'élément de rémunération en tout ou partie supprimé et le premier versement des salaires ou éléments de rémunération précités.

« De même, ils ne sont pas applicables :

«  - à la rémunération des heures complémentaires lorsque ces heures sont accomplies de manière régulière au sens de l'article L. 3123-15 du code du travail, sauf si elles sont intégrées à l'horaire contractuel de travail pendant une durée minimale fixée par décret ;

«  -  à la rémunération d'heures qui n'auraient pas été des heures supplémentaires sans abaissement, après le 1er octobre 2012, de la limite haute hebdomadaire mentionnée à l'article L. 3122-4 du même code. »

II. - Le code de la sécurité sociale est ainsi modifié :

1° L'article L. 241-17 est rétabli dans la rédaction suivante :

« Art. L. 241-17. - I. - Toute heure supplémentaire ou complémentaire effectuée, lorsqu'elle entre dans le champ d'application du I de l'article 81 quater du code général des impôts, ouvre droit, dans les conditions et limites fixées par le même article, à une réduction de cotisations salariales de sécurité sociale proportionnelle à sa rémunération, dans la limite des cotisations et contributions d'origine légale ou conventionnelle rendues obligatoires par la loi dont le salarié est redevable au titre de cette heure. Un décret détermine le taux de cette réduction.

« Ces dispositions sont applicables aux heures supplémentaires ou complémentaires effectuées par les salariés relevant des régimes spéciaux mentionnés à l'article L. 711-1 du présent code dans des conditions fixées par décret, compte tenu du niveau des cotisations dont sont redevables les personnes relevant de ces régimes et dans la limite mentionnée au premier alinéa du présent I.

« II. - La réduction de cotisations salariales de sécurité sociale prévue au I est imputée sur le montant des cotisations salariales de sécurité sociale dues pour chaque salarié concerné au titre de l'ensemble de sa rémunération versée au moment du paiement de cette durée de travail supplémentaire et ne peut dépasser ce montant.

 « III. - Le cumul de cette réduction avec l'application de taux réduits en matière de cotisations salariales, d'assiettes ou de montants forfaitaires de cotisations ou avec l'application d'une autre exonération, totale ou partielle, de cotisations salariales de sécurité sociale ne peut être autorisé que dans des conditions fixées par décret. Ce décret tient compte du niveau des avantages sociaux octroyés aux salariés concernés.

« IV. - Le bénéfice de la réduction est subordonné à la mise à disposition du service des impôts compétent et des agents chargés du contrôle mentionnés à l'article L. 243-7 du présent code et à l'article L. 724-7 du code rural et de la pêche maritime, par l'employeur, d'un document en vue du contrôle des dispositions du présent article dans des conditions fixées par décret. Pour les salaires pour lesquels il est fait usage des dispositifs mentionnés aux articles L. 133-8-3 et L. 531-8 du présent code, les obligations déclaratives complémentaires sont prévues par décret. » ;

2° L'article L. 241-18 est ainsi rédigé :

« Art. L. 241-18. - I. - Toute heure supplémentaire effectuée par les salariés mentionnés au II de l'article L. 241-13, lorsqu'elle entre dans le champ d'application du I de l'article 81 quater du code général des impôts, ouvre droit à une déduction forfaitaire des cotisations patronales à hauteur d'un montant fixé par décret. Ce montant peut être majoré dans les entreprises employant au plus vingt salariés.

« II. - Une déduction forfaitaire égale à sept fois le montant défini au I est également applicable pour chaque jour de repos auquel renonce un salarié dans les conditions prévues par le second alinéa du 1° du I de l'article 81 quater du même code.

« III. - Le montant mentionné aux I et II est cumulable avec les autres dispositifs d'exonération de cotisations patronales de sécurité sociale dans la limite des cotisations patronales de sécurité sociale, ainsi que des contributions patronales recouvrées suivant les mêmes règles, restant dues par l'employeur, et, pour le reliquat éventuel, dans la limite des cotisations salariales de sécurité sociale précomptées, au titre de l'ensemble de la rémunération du salarié concerné.

« Il est déduit des sommes devant être versées par les employeurs aux organismes de recouvrement mentionnés aux articles L. 213-1 du présent code et L. 725-3 du code rural et de la pêche maritime.

« Le bénéfice des déductions mentionnées aux I et II est subordonné au respect des conditions prévues au III de l'article 81 quater du code général des impôts.

« Le bénéfice de la majoration mentionnée au I est subordonné au respect du règlement (CE) n° 1998/2006 de la Commission du 15 décembre 2006 concernant l'application des articles 87 et 88 du traité aux aides de minimis.

« IV. - Les employeurs bénéficiant de la déduction forfaitaire se conforment aux obligations déclaratives prévues par le IV de l'article L. 241-17 du présent code. »

III. - Les I et II ci-dessus sont applicables aux rémunérations perçues à raison des heures de travail effectuées à compter du 1er janvier 2017.

IV. - La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale des I et II ci-dessus est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

V. - La perte de recettes résultant pour l'État des I et II ci-dessus est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

M. Alain Joyandet.  - Cet amendement d'appel concerne la défiscalisation des heures supplémentaires... Nicolas Sarkozy voulait que les Français travaillent plus pour gagner plus. Avec cet article 2, les Français gagneront moins tout en travaillant plus.

M. le président.  - Amendement identique n°143 rectifié, présenté par Mmes Deromedi et Cayeux, MM. Chasseing, de Legge, Dufaut, Frassa et Gremillet, Mme Hummel, MM. Husson, Joyandet et Laménie, Mme Lopez et MM. Magras, Masclet, Mayet, Pellevat, Pointereau, D. Robert, Doligé, Soilihi et Vasselle.

Mme Caroline Cayeux.  - Il est défendu.

M. le président.  - Amendement n°901 rectifié, présenté par MM. Requier, Arnell, Barbier, Bertrand, Castelli, Collin, Esnol et Fortassin, Mme Laborde et MM. Mézard et Vall.

Après l'article 2 A

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I.  -  Après l'article 81 ter du code général des impôts, il est inséré un article 81 quater ainsi rédigé :

« Art. 81 quater.  -  I.  -  Sont exonérés de l'impôt sur le revenu :

« 1° Les salaires versés aux salariés au titre des heures supplémentaires de travail définies à l'article L. 3121-11 du code du travail et, pour les salariés relevant de conventions de forfait annuel en heures prévues à l'article L. 3121-42 du même code, des heures effectuées au-delà de 1 607 heures, ainsi que des heures effectuées en application de l'avant-dernier alinéa de l'article L. 3123-7 du même code. Sont exonérés les salaires versés au titre des heures supplémentaires mentionnées à l'article L. 3122-4 dudit code, à l'exception des heures effectuées entre 1 607 heures et la durée annuelle fixée par l'accord lorsqu'elle lui est inférieure.

« L'exonération mentionnée au premier alinéa du présent 1° est également applicable à la majoration de salaire versée, dans le cadre des conventions de forfait annuel en jours, en contrepartie de la renonciation par les salariés, au-delà du plafond de deux cent dix-huit jours mentionné à l'article L. 3121-44 du même code, à des jours de repos dans les conditions prévues à l'article L. 3121-45 du même code ;

« 2° Les salaires versés aux salariés à temps partiel au titre des heures complémentaires de travail définies au 4° de l'article L. 3123-14, aux articles L. 3123-17 et L. 3123-18 du code du travail ;

« 3° Les salaires versés aux salariés par les particuliers employeurs au titre des heures supplémentaires qu'ils réalisent ;

« 4° Les salaires versés aux assistants maternels régis par les articles L. 421-1 et suivants et L. 423-1 et suivants du code de l'action sociale et des familles au titre des heures supplémentaires qu'ils accomplissent au-delà d'une durée hebdomadaire de quarante-cinq heures, ainsi que les salaires qui leur sont versés au titre des heures complémentaires accomplies au sens de la convention collective nationale qui leur est applicable ;

« 5° Les éléments de rémunération versés aux agents publics titulaires ou non titulaires au titre, selon des modalités prévues par décret, des heures supplémentaires qu'ils réalisent ou du temps de travail additionnel effectif ;

« 6° Les salaires versés aux autres salariés dont la durée du travail ne relève pas des dispositions du titre II du livre Ier de la troisième partie du code du travail ou du chapitre III du titre Ier du livre VII du code rural et de la pêche maritime au titre, selon des modalités prévues par décret, des heures supplémentaires ou complémentaires de travail qu'ils effectuent ou, dans le cadre de conventions de forfait en jours, les salaires versés en contrepartie des jours de repos auxquels les salariés ont renoncé au-delà du plafond de deux cent dix-huit jours.

« II.  -  L'exonération prévue au I s'applique :

« 1° Aux rémunérations mentionnées aux 1° à 4° et au 6° du I et, en ce qui concerne la majoration salariale correspondante, dans la limite :

« a) Des taux prévus par la convention collective ou l'accord professionnel ou interprofessionnel applicable ;

« b) À défaut d'une telle convention ou d'un tel accord :

«  -  pour les heures supplémentaires, des taux de 25 % ou 50 %, selon le cas, prévus au premier alinéa de l'article L. 3121-22 du code du travail ;

«  -  pour les heures complémentaires, du taux de 25 % ;

«  -  pour les heures effectuées au-delà de 1 607 heures dans le cadre de la convention de forfait prévue à l'article L. 3121-46 du même code, du taux de 25 % de la rémunération horaire déterminée à partir du rapport entre la rémunération annuelle forfaitaire et le nombre d'heures de travail prévu dans le forfait, les heures au-delà de la durée légale étant pondérées en fonction des taux de majoration applicables à leur rémunération ;

« 2° À la majoration de salaire versée dans le cadre des conventions de forfait mentionnées au second alinéa du 1° et au 6° du I, dans la limite de la rémunération journalière déterminée à partir du rapport entre la rémunération annuelle forfaitaire et le nombre de jours de travail prévu dans le forfait, majorée de 25 % ;

« 3° Aux éléments de rémunération mentionnés au 5° du I dans la limite des dispositions applicables aux agents concernés.

« III.  -  Les I et II sont applicables sous réserve du respect par l'employeur des dispositions légales et conventionnelles relatives à la durée du travail.

« Les I et II ne sont pas applicables lorsque les salaires ou éléments de rémunération qui y sont mentionnés se substituent à d'autres éléments de rémunération au sens de l'article 79 du présent code, à moins qu'un délai de douze mois ne se soit écoulé entre le dernier versement de l'élément de rémunération en tout ou partie supprimé et le premier versement des salaires ou éléments de rémunération précités.

« De même, ils ne sont pas applicables :

«  -  à la rémunération des heures complémentaires lorsque ces heures sont accomplies de manière régulière au sens de l'article L. 3123-15 du code du travail, sauf si elles sont intégrées à l'horaire contractuel de travail pendant une durée minimale fixée par décret ;

«  -  à la rémunération d'heures qui n'auraient pas été des heures supplémentaires sans abaissement, après le 1er octobre 2012, de la limite haute hebdomadaire mentionnée à l'article L. 3122-4 du même code. »

II.  -  Le code de la sécurité sociale est ainsi modifié :

1° L'article L. 241-17 est rétabli dans la rédaction suivante :

« Art. L. 241-17.  -  I.  -  Toute heure supplémentaire ou complémentaire effectuée, lorsqu'elle entre dans le champ d'application du I de l'article 81 quater du code général des impôts, ouvre droit, dans les conditions et limites fixées par le même article, à une réduction de cotisations salariales de sécurité sociale proportionnelle à sa rémunération, dans la limite des cotisations et contributions d'origine légale ou conventionnelle rendues obligatoires par la loi dont le salarié est redevable au titre de cette heure. Un décret détermine le taux de cette réduction.

« Ces dispositions sont applicables aux heures supplémentaires ou complémentaires effectuées par les salariés relevant des régimes spéciaux mentionnés à l'article L. 711-1 du présent code dans des conditions fixées par décret, compte tenu du niveau des cotisations dont sont redevables les personnes relevant de ces régimes et dans la limite mentionnée au premier alinéa du présent I.

« II.  -  La réduction de cotisations salariales de sécurité sociale prévue au I est imputée sur le montant des cotisations salariales de sécurité sociale dues pour chaque salarié concerné au titre de l'ensemble de sa rémunération.

« III.  -  Le cumul de cette réduction avec l'application de taux réduits en matière de cotisations salariales, d'assiettes ou de montants forfaitaires de cotisations ou avec l'application d'une autre exonération, totale ou partielle, de cotisations salariales de sécurité sociale ne peut être autorisé que dans des conditions fixées par décret. Ce décret tient compte du niveau des avantages sociaux octroyés aux salariés concernés.

« IV.  -  Le bénéfice de la réduction est subordonné à la mise à disposition du service des impôts compétent et des agents chargés du contrôle mentionnés à l'article L. 243-7 du présent code et à l'article L. 724-7 du code rural et de la pêche maritime, par l'employeur, d'un document en vue du contrôle des dispositions du présent article dans des conditions fixées par décret. Pour les salaires pour lesquels il est fait usage des dispositifs mentionnés aux articles L. 133-8-3 et L. 531-8 du présent code, les obligations déclaratives complémentaires sont prévues par décret. » ;

2° L'article L. 241-18 est ainsi rédigé :

« Art. L. 241-18.  -  I.  -  Toute heure supplémentaire effectuée par les salariés mentionnés au II de l'article L. 241-13, lorsqu'elle entre dans le champ d'application du I de l'article 81 quater du code général des impôts, ouvre droit à une déduction forfaitaire des cotisations patronales à hauteur d'un montant fixé par décret. Ce montant peut être majoré dans les entreprises employant au plus vingt salariés.

« II.  -  Une déduction forfaitaire égale à sept fois le montant défini au I est également applicable pour chaque jour de repos auquel renonce un salarié dans les conditions prévues par le second alinéa du 1° du I de l'article 81 quater du même code.

« III.  -  Le montant mentionné aux I et II est cumulable avec les autres dispositifs d'exonération de cotisations patronales de sécurité sociale dans la limite des cotisations patronales de sécurité sociale, ainsi que des contributions patronales recouvrées suivant les mêmes règles, restant dues par l'employeur, et, pour le reliquat éventuel, dans la limite des cotisations salariales de sécurité sociale précomptées, au titre de l'ensemble de la rémunération du salarié concerné.

« Il est déduit des sommes devant être versées par les employeurs aux organismes de recouvrement mentionnés aux articles L. 213-1 du présent code et L. 725-3 du code rural et de la pêche maritime.

« Le bénéfice des déductions mentionnées aux I et II est subordonné au respect des conditions prévues au III de l'article 81 quater du code général des impôts.

« Le bénéfice de la majoration mentionnée au I est subordonné au respect des dispositions du règlement (CE) n° 1998/2006 de la Commission du 15 décembre 2006 concernant l'application des articles 87 et 88 du traité aux aides de minimis.

« IV.  -  Les employeurs bénéficiant de la déduction forfaitaire se conforment aux obligations déclaratives prévues par le IV de l'article L. 241-17 du présent code. »

III.  -  Les I et II ci-dessus sont applicables aux rémunérations perçues à raison des heures de travail effectuées à compter du 1er janvier 2013.

IV.  -  La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale des I et II ci-dessus est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

V.  -  La perte de recettes résultant pour l'État des I et II ci-dessus est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

M. Jean-Claude Requier.  - C'est le même esprit : le régime des heures supplémentaires apportait du pouvoir d'achat aux Français.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur.  - Retrait ? La commission proposera d'assouplir la règle des 35 heures à l'article 2.

Mme Clotilde Valter, secrétaire d'État.  - Avis très défavorable. La loi Tepa, qui a coûté 5 milliards d'euros aux finances publiques, sans aucune efficacité sur l'emploi. On a fait gagner plus à ceux qui gagnaient déjà plus et moins à ceux qui gagnaient moins.

Mme Sophie Primas.  - Et le pouvoir d'achat des Français ?

M. Jacques Grosperrin.  - Et le treizième mois pour les smicards ?

M. Daniel Chasseing.  - Nos rapporteurs ont véritablement écouté les partenaires sociaux. Les chefs d'entreprise et les salariés qui y gagnaient 100 à 200 euros par mois appréciaient extrêmement la défiscalisation des heures supplémentaires.

M. Alain Vasselle.  - La loi Tepa de 2007 a eu des effets sur l'emploi, bien plus que votre politique. Vous êtes très mal placés pour nous faire des leçons ! (M. Alain Néri proteste) Nous présenterons de nouveau cet amendement en loi de finances.

Mme Nicole Bricq.  - Au moins, ce sera sa place !

M. Bruno Retailleau.  - La situation est très différente de 2007. L'article 2 ouvre la voie à des accords d'entreprise revenant sur les 35 heures. Soyons clairs : soit on consacre les 35 heures, et l'amendement est justifié, soit on les assouplit et il ne l'est plus.

Ensuite, la situation des finances publiques. Nous n'avons plus les moyens de la dépense fiscale que représentait la défiscalisation des heures supplémentaires, alors que notre dette publique va tutoyer les 100 % du PIB. Suivons notre rapporteur.

Mme Catherine Deroche.  - Très bien !

M. Gérard Roche.  - Débat particulier : ce projet de loi, adopté avec le recours du 49-3 à l'Assemblée nationale, vient devant notre assemblée alors que les manifestations se durcissent. Certains témoignent de la philosophie de la lutte des classes, qui a également apporté beaucoup de choses. D'autres sont réformateurs. Être réformateur, ce n'est pas forcément défendre le patronat ; c'est défendre aussi ceux qui n'ont pas de travail, pas seulement ceux qui en ont, comme vous le faites.

Le groupe UDI-UC ne peut pas voter la défiscalisation des heures supplémentaires, l'état de nos finances nous l'interdit.

M. Alain Marc.  - Allez-vous dans les entreprises ? Des ouvriers ont perdu jusqu'à 150 euros par mois ! La plupart avaient voté pour François Hollande. Errare humanum est, perseverare diabolicum. (Applaudissements à droite)

M. Alain Néri.  - Traduisez ! (Sourires)

M. Alain Joyandet.  - Je n'ai pas élaboré cet amendement d'appel seul, nous étions une cinquantaine. La loi Tepa aurait coûté 5 milliards d'euros ? Et votre million de chômeurs, combien coûte-t-il à la collectivité ? On le saurait si le partage du travail créait de l'emploi. (M. Alain Néri proteste)

Les 35 heures, c'est une majorité socialiste, non ? Alors, merci de ne pas nous faire de leçons quand nous cherchons à rendre du pouvoir d'achat aux Français ! (Applaudissements à droite)

L'amendement n°1 rectifié bis est retiré.

Mme Caroline Cayeux.  - Après avoir entendu le rapporteur et M. Retailleau, je m'incline également.

M. Jean-Claude Requier.  - Moi aussi. Je ne voudrais pas demeurer seul.

L'amendement n°143 rectifié est retiré, de même que l'amendement n°901 rectifié.

M. le président.  - Amendement n°471 rectifié, présenté par M. Watrin et les membres du groupe CRC.

Après l'article 2 A

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le premier alinéa de l'article L. 3121-22 du code du travail est complété par deux phrases ainsi rédigées :

« Une convention ou un accord de branche étendu ou une convention ou un accord d'entreprise ou d'établissement peut prévoir un taux de majoration différent uniquement plus favorable. Ce taux ne peut être inférieur à 25 %. »

Mme Annie David.  - Oui, il faut moderniser mais le code du travail doit protéger les salariés. Il n'a pas pour fonction de créer de l'emploi ou accentuer la compétitivité des entreprises. Il n'a d'ailleurs aucun effet sur l'emploi d'après le FMI.

En somme, nous souhaitons élargir à l'ensemble des salariés la dérogation accordée aux routiers. Il y a un recul évident dans ce texte sur la majoration des heures supplémentaires.

Les heures supplémentaires ne coûteront qu'un euro par heure à l'entreprise, une broutille. N'est-ce pas le président de la République qui disait que lorsqu'une heure supplémentaire est moins chère qu'une heure de nouveau recruté, cela réduit les recrutements ? C'est une faute politique et morale pour un gouvernement de gauche.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur.  - Alain Joyandet l'a dit : dans son entreprise, il peut payer des heures supplémentaires à 25 % ; mais dans une autre entreprise, l'accord peut se faire à 20 %, avec des compensations. Avis défavorable.

Mme Myriam El Khomri, ministre.  - L'article 2 élargit le champ de la négociation, sachant que les accords de branche peuvent comporter une clause de verrouillage : pas de majoration en deçà de 25 %. Dans l'audiovisuel, la convention collective prévoit 10 % pour les quatre premières heures supplémentaires, puis 25 % pour les quatre suivantes avec des jours de RTT en compensation : six pour 36 heures, onze pour 37 heures.

L'organisation du travail et du temps de travail, parce que cela structure le quotidien, doit être négociée au niveau de l'entreprise. Avis défavorable.

Mme Annie David.  - Il a suffi que les camionneurs bloquent la France pour qu'Alain Vidalies leur assure qu'ils ne se verraient pas appliquer la loi. Le million de manifestants dans les rues aujourd'hui demandent la même chose, mais vous ne les écoutez pas.

Mme Myriam El Khomri, ministre.  - Les routiers ont un régime différent qui relève d'un décret - ce qu'a rappelé Alain Vidalies.

M. Pierre Laurent.  - L'heure est-elle à l'augmentation des heures supplémentaires, surtout quand, comme le dit M. Roche, on se préoccupe de ceux qui n'ont pas d'emploi ? Est-ce là votre message ?

M. Jean Desessard.  - Eh oui.

M. Pierre Laurent.  - La souplesse, que vous proposez, ne servira qu'à sens unique, ce sera du moins-disant social.

Si un tiers des entreprises n'accorde que 10 %, celle qui accordait 25 % expliquera à ses salariés qu'elle ne peut pas se permettre cette générosité.

M. Alain Joyandet.  - Le sujet me tient à coeur. Dans la nouvelle économie, dans les entreprises où il n'y a jamais eu d'heures supplémentaires majorées, on peut comprendre des heures supplémentaires majorées à moins de 25 %.

En revanche, pas ailleurs, là où les heures supplémentaires étaient payées à 25 %. Il faut éviter le risque juridique à des personnes qui travaillent depuis vingt-cinq ans ! Je ne l'accepterai ni pour moi ni pour mes enfants. Si le Gouvernement nous donnait des garanties, cela calmerait les choses car il y a peut-être quelque chose de juste dans les manifestations...

Mme Éliane Assassi.  - Quand un million de personnes sont dans la rue, il y a une raison !

Mme Myriam El Khomri, ministre.  - Le projet de loi ne prévoit pas de baisse mécanique du taux de majoration. Cela n'aura lieu qu'en cas d'accord majoritaire. Nous ne faisons que casser le verrou de la branche.

L'amendement n°471 rectifié n'est pas adopté.

ARTICLE 2

Mme Marie-Noëlle Lienemann .  - L'intérêt des parties peut diverger de l'intérêt général. Vous nous dites, madame la ministre, que vous avez confiance dans les syndicalistes dans les entreprises - moi aussi - mais pourquoi pas au niveau national ? Vous prétendez avoir avec vous la majorité des organisations syndicales ?

Mais la CGT, FO et la CGC - oui, j'ai bien dit la CGC et il ne s'agit pas de révolutionnaires - considèrent l'article 2 comme du dumping social. Je ne peux pas citer un texte du parti socialiste, même émanant de ses courants les moins « à gauche », qui déroge au principe de non régression sociale.

Pas de majorité parmi les organisations syndicales, à l'Assemblée nationale et dans le pays. Ce n'est pas un dialogue social. C'est un dialogue de sourds ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste et républicain, ainsi que sur les bancs du groupe CRC)

Plusieurs voix à droite.  - Bravo !

Mme Éliane Assassi .  - Il est déjà possible de réduire la majoration des heures supplémentaires à 20 %, mais c'est le cas dans la seule branche du tourisme. Cela prouve qu'il n'y a pas de demande en ce sens. L'actuel secrétaire d'État aux transports et d'autres ténors socialistes auraient poussé des cris d'orfraie lorsqu'ils étaient dans l'opposition face à une telle proposition. Relancez la négociation, madame la ministre, en acceptant la possibilité de retirer in fine cette loi.

Mme Annie David .  - Cet article, en inversant la hiérarchie des normes et en remettant en cause le principe de faveur, tirera vers le bas les conditions de travail des salariés. Comme si cela allait augmenter les créations d'emploi : c'est oublier que c'est le coût du capital qui les freine et non pas le coût du travail, invoqué à tout bout de champ. Les salariés d'un même secteur seront mis en concurrence.

Pourquoi commémorer le Front populaire quand vous remettez en cause la primauté de la branche et de la loi qu'il a instaurée pour que les salariés puissent résister aux pressions exercées par les employeurs pour aller vers le moins-disant social ?

Mme Laurence Cohen .  - Cet article 2, substantifique moelle de ce projet de loi, fragilisera particulièrement les femmes qui sont majoritairement précaires. Les progrès en matière d'égalité professionnelle ont été obtenus par des luttes et par des lois. Si la loi devient supplétive, les conditions de travail reculeront. Najat Vallaud-Belkacem, alors ministre à l'égalité entre femmes et hommes, avait établi une durée minimale de 24 heures pour les temps partiels, sauf dérogation.

Pas moins de 60 branches y dérogent avec une durée fixée à 17 heures. Imaginez ce qu'il adviendra si cet article 2 était adopté : ce sont les 24 heures qui deviendront dérogation et les 17 heures, voire moins, la norme : toujours le moins-disant social !

Mme Cécile Cukierman .  - Cet article 2 est contraire au droit constitutionnel au sens large : la dérogation ne saurait devenir la norme. Il contrevient tant au préambule de la Constitution de 1946 qu'à l'article 23 de la Déclaration universelle des droits de l'homme de 1948 qui affirme le « droit au travail, au libre choix de son travail, à des conditions équitables et satisfaisantes de travail et à la protection contre le chômage ».

L'article 2 fait également courir le risque d'une censure pour incompétence négative puisque le Parlement renonce à légiférer en s'en remettant aux entreprises. La loi ne sera plus la même pour tous.

Enfin, cet article affaiblira le rôle de l'État, qui ne protègera plus les salariés. C'est une manifestation du retour de l'État gendarme contre l'État providence. C'est ce qui explique l'opposition de tant de nos concitoyens, qui ont compris les enjeux fondamentaux qui se cachent derrière cet article : inégalité, précarité, vulnérabilité !

M. François Marc .  - Article important, en effet. Les accords d'entreprise sont au nombre de 36 000 : c'est beaucoup et peu à la fois. C'est beaucoup, car dans les signataires, on trouve tous les syndicats. Cela apporte des garanties : ces accords génèrent des conditions favorables. C'est aussi peu, au regard des possibilités ouvertes depuis les lois Aubry.

Comme en 1982, ce texte cherche l'émancipation. Saluons les outils rénovés que propose le Gouvernement au bénéfice des travailleurs.

Mme Dominique Gillot .  - Ce projet de loi ouvre de nouveaux droits aux plus fragiles. Beaucoup de personnes handicapées attendent du travail et une intégration sociale que de nombreuses lois consacrent. Mais pour le maintien dans l'emploi, la déception est grande. Malgré un seuil obligatoire de 6 % d'emploi de personnes handicapées et les 450 000 recrutements auxquels l'État a contribué, le taux de chômage des personnes handicapées reste de 18 %, le double du taux général.

Le projet de loi pourra apporter de nouveaux progrès par la voie des accords d'entreprise. Je proposerai des amendements en ce sens.

M. Martial Bourquin .  - Je vous proposerai une sortie de crise. (Mme Nicole Bricq sourit) J'ai entendu vos raisons, madame la ministre, comme les craintes légitimes.

Les accords de branche et les accords d'entreprise sont indispensables, ne les opposons pas. Il y a eu 40 000 accords de branche. On regarde souvent du côté de l'Italie, de l'Espagne, qui a réformé son droit du travail dans un sens très libéral, moins du côté de l'Allemagne où tout se fait au niveau de la branche.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur.  - De moins en moins !

M. Martial Bourquin.  - C'est le pays où il y a le plus de dialogue social. Je proposerai un équilibre inédit par un amendement. Modernisons le dialogue social tout en sécurisant. (M. Alain Néri, Mme Marie-Noëlle Lienemann, MM. Jean-Pierre Godefroy et Jean Desessard applaudissent)

M. Pierre Laurent .  - Cet article 2 conduira à la généralisation du moins-disant social, sans aucunes garanties protectrices.

Le dogme selon lequel faire pression sur les salariés renforcera la compétitivité n'est pas de gauche.

Vous avez accordé 17 milliards d'euros aux entreprises, sans la moindre dynamique de création d'emploi. En revanche, les conditions de financement de la protection sociale se sont dégradées.

Veut-on, comme au Royaume-Uni, faire sortir des centaines de milliers de travailleurs du droit général ? Outre-Manche, 750 000 travailleurs sont en contrats zéro heure ! (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste républicain et citoyen ; Mme Marie-Noëlle Lienemann applaudit également)

M. Yves Daudigny .  - J'ai mené de multiples auditions qui me conduisent, après avoir beaucoup écouté, échangé, réfléchi, à vous soutenir, madame la ministre, dans le total respect des opinions contraires. L'accord d'entreprise n'apparait pas brutalement : il date de l'ordonnance de 1982, des lois Auroux de la même année ; les lois de 1986 et de 1987 ont consacré parmi ses domaines le temps de travail.

En 2001, une position commune signée par quatre organisations syndicales - FO, CFDT, CGC et CGT - ainsi que trois organisations patronales a affirmé la nécessité de la primauté de l'accord d'entreprise sur l'accord de branche. L'entreprise est le lieu pertinent pour aboutir aux compromis les mieux adaptés. (Mme Nicole Bricq et M. Jean-Pierre Sueur applaudissent)

M. Jean Desessard .  - Certains employeurs sont très réservés à l'égard de cet article 2. L'union des employeurs de l'économie sociale et solidaire, par exemple, souhaite que la branche garde un rôle de régulation. Cela représente deux millions de salariés !

Madame la ministre, pourquoi donc faites-vous cela ? Vous dites que vous êtes à 200 %. Cela signifie que vous croyez que cela vous apportera quelque chose. Je veux bien croire que vous croyez que la souplesse créera de l'emploi - même si je crois, pour ma part, comme Pierre Laurent, que cela permettra aux patrons de gagner plus d'argent, aux actionnaires de toucher davantage de dividendes. Mais quand cela prendra-t-il effet ? Après les élections ! Vous n'aurez pas à appliquer ces dispositions. Alors, madame la ministre, pourquoi vous fâcher avec les écologistes et les communistes ? Et pourquoi maintenant ? Quel intérêt avez-vous à gagner contre la CGT ? (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste républicain et citoyen ; Mme Marie-Noëlle Lienemann applaudit aussi) Vous ne créerez pas plus d'emplois, vous jetterez la pagaille dans la gauche. Pourquoi ? (Applaudissements sur les bancs du groupe CRC ; Mmes Marie-Christine Blandin et Marie-Noëlle Lienemann applaudissent aussi)

M. Alain Néri .  - Madame la ministre, je vous crois de bonne foi. Pour qu'une entreprise se développe, elle a besoin d'un climat apaisé, donc d'une discussion dans un cadre moins proche de la personnalité des employés et du patron.

Dans une petite entreprise, ce n'est pas possible d'affronter le patron. Nous pouvons tous citer des entreprises où les syndicalistes sont pénalisés dans leur vie de tous les jours.

Nous souhaitons donc que l'accord de branche demeure l'accord cadre. Acceptez de céder sur ce point ! Nous trouverons ainsi une porte de sortie. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste républicain et citoyen et sur plusieurs bancs du groupe socialiste et républicain)

M. Yannick Vaugrenard .  - La flexisécurité, objet du présent article, là où elle est appliquée, est bénéfique aux employeurs et aux salariés, mais comporte un risque de dumping social. Il faut donc trouver une forme d'équilibre gagnant-gagnant. Ce pourrait être d'autoriser les salariés à demander l'avis de la branche - un droit provisoire, un devoir d'alerte.

Je récuse qu'il faille casser le verrou de la branche. Au bout du compte, ce sont les salariés qui décideront. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste et républicain ; M. Jean Desessard applaudit également)

Mme Myriam El Khomri, ministre .  - Ce débat est important. Deux conceptions opposées s'y expriment. Les divergences sont respectables. Elles existent aussi dans le champ syndical.

Pourquoi je suis à 200 % pour ce projet de loi ? Dans une économie mondialisée, il faut une adaptabilité accrue. Ministre du travail, je constate quotidiennement les contournements de la loi sur l'intérim, le travail dominical et le travail détaché. (Mme Nicole Bricq approuve)

Nous le savons, il existe des dérogations dans les accords de branche. J'ai parlé de « casser un verrou », parce qu'on parle, sur les heures supplémentaires, en termes techniques, de clauses de verrouillage. Mais je n'ai jamais voulu opposer les deux niveaux. Je peux comprendre l'inquiétude sur le dumping social.

Le projet de loi ne touche pas aux quatre domaines qui demeurent hors champ : la formation professionnelle, la prévoyance, les qualifications et le smic.

Il renforce la branche avec l'instauration d'une commission permanente : elle se voit confier un rôle de régulation du temps partiel. Mais n'ayons pas une vision idyllique de la branche : la moitié d'entre elles, et non des moindres, n'ont pas négocié depuis vingt ans.

On dénombre 42 branches couvrant 4,2 millions de salariés où la rémunération est inférieure au smic. Et elles sont importantes : la boulangerie-pâtisserie, le bricolage ou encore les cafétérias en font partie.

Nous avons cherché une voie du compromis pour éviter un 49-3 ; elle n'a pas été trouvée. Le développement des accords d'entreprise répond à un besoin. C'est inéluctable. Cela a été porté par de nombreuses positions communes en 1995, en 2001. Nous sommes passés à une économie de services.

Pourquoi je suis à 200 % pour cette loi ? (Exclamations sur les bancs du groupe communiste républicain et citoyen) Parce que c'est un mouvement de confiance ! (Même mouvement) Les partis politiques, les syndicats et les médias ne donnent plus confiance aux citoyens ; dans ces conditions où va la démocratie ?

Mme Laurence Cohen.  - Ce n'est pas avec ce projet que vous allez rétablir la confiance !

Mme Myriam El Khomri, ministre.  - Aujourd'hui, 85 % des 35 600 accords d'entreprises sont signés par tous les syndicats, permettant de créer des milliers d'emplois.

Avec le verrou de l'accord majoritaire, avec le mandatement syndical dans les petites entreprises, les accords d'entreprise permettront des progrès, comme ceux qu'ont permis les accords de STX à Saint-Nazaire, de Michelin, à la Roche-sur-Yon, de Peugeot-Citroën et tant d'autres.

Les accords d'entreprise responsabilisent les organisations syndicales et les directions d'entreprise. Cela peut donc être un formidable outil de revitalisation du syndicalisme. (On en doute sur les bancs du groupe communiste républicain et citoyen)

L'article 2 autorisera une négociation dans l'entreprise sur le quotidien des salariés ; en cela, il est structurant. C'est ma conviction. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste et républicain)

M. le président.  - Nous avons examiné 40 amendements au cours de cette séance, il en reste 841 à examiner.

Prochaine séance aujourd'hui, mercredi 15 juin 2016, à 14 h 30.

La séance est levée à minuit trente-cinq.

Jacques Fradkine

Direction des comptes rendus

Ordre du jour du mercredi 15 juin 2016

Séance publique

À 14 h 30 et le soir

Présidence : Mme Isabelle Debré, vice-présidente Mme Françoise Cartron, vice-présidente

Secrétaires : Mme Colette Mélot - Mme Catherine Tasca

Suite du projet de loi, considéré comme adopté par l'Assemblée nationale en application de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution après engagement de la procédure accélérée, visant à instituer de nouvelles libertés et de nouvelles protections pour les entreprises et les actif-ve-s (n° 610, 2015-2016).

Rapport de MM. Jean-Baptiste Lemoyne, Jean-Marc Gabouty et Michel Forissier, fait au nom de la commission des affaires sociales (n° 661, 2015-2016).

Texte de la commission (n° 662, 2015-2016).

Analyse des scrutins publics

Scrutin n° 246 sur l'amendement n°456 rectifié, présenté par M. Dominique Watrin et les membres du groupe communiste, républicain et citoyen, à l'article premier du projet de loi, considéré comme adopté par l'Assemblée nationale en application de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution après engagement de la procédure accélérée, visant à instituer de nouvelles libertés et de nouvelles protections pour les entreprises et les actif-ve-s.

Résultat du scrutin

Nombre de votants :343

Suffrages exprimés :342

Pour :154

Contre :188

Le Sénat n'a pas adopté.

Analyse par groupes politiques

Groupe Les Républicains (144)

Contre : 142

N'ont pas pris part au vote : 2 - M. Gérard Larcher, Président du Sénat, M. Michel Bouvard

Groupe socialiste et républicain (109)

Pour : 109

Groupe UDI-UC (42)

Contre : 42

Groupe communiste républicain et citoyen (20)

Pour : 20

Groupe du RDSE (17)

Pour : 15

Contre : 1 - M. Gilbert Barbier

N'a pas pris part au vote : 1 - M. Robert Hue

Groupe écologiste (10)

Pour : 10

Sénateurs non inscrits (6)

Contre : 3

Abstention : 1 - M. David Rachline

N'ont pas pris part au vote : 2 - MM. Robert Navarro, Stéphane Ravier

Scrutin n° 247 sur l'article premier du projet de loi, considéré comme adopté par l'Assemblée nationale en application de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution après engagement de la procédure accélérée, visant à instituer de nouvelles libertés et de nouvelles protections pour les entreprises et les actif-ve-s.

Résultat du scrutin

Nombre de votants :343

Suffrages exprimés :342

Pour :187

Contre :155

Le Sénat a adopté.

Analyse par groupes politiques

Groupe Les Républicains (144)

Pour : 141

Abstention : 1 - M. Alain Joyandet

N'ont pas pris part au vote : 2 - M. Gérard Larcher, Président du Sénat, M. Michel Bouvard

Groupe socialiste et républicain (109)

Contre : 109

Groupe UDI-UC (42)

Pour : 42

Groupe communiste républicain et citoyen (20)

Contre : 20

Groupe du RDSE (17)

Pour : 1 - M. Gilbert Barbier

Contre : 15

N'a pas pris part au vote : 1 - M. Robert Hue

Groupe écologiste (10)

Contre : 10

Sénateurs non inscrits (6)

Pour : 3

Contre : 1 - M. David Rachline

N'ont pas pris part au vote : 2 - MM. Robert Navarro, Stéphane Ravier

Scrutin n° 248 sur l'amendement n°466, présenté par M. Dominique Watrin et les membres du groupe communiste, républicain et citoyen, tendant à insérer un article additionnel après l'article premier du projet de loi, considéré comme adopté par l'Assemblée nationale en application de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution après engagement de la procédure accélérée, visant à instituer de nouvelles libertés et de nouvelles protections pour les entreprises et les actif-ve-s.

Résultat du scrutin

Nombre de votants :342

Suffrages exprimés :341

Pour :29

Contre :312

Le Sénat n'a pas adopté.

Analyse par groupes politiques

Groupe Les Républicains (144)

Contre : 142

N'ont pas pris part au vote : 2 - M. Gérard Larcher, Président du Sénat, M. Michel Bouvard

Groupe socialiste et républicain (109)

Contre : 109

Groupe UDI-UC (42)

Contre : 42

Groupe communiste républicain et citoyen (20)

Pour : 20

Groupe du RDSE (17)

Contre : 16

N'a pas pris part au vote : 1 - M. Robert Hue

Groupe écologiste (10)

Pour : 9

Abstention : 1 - Mme Leila Aïchi

Sénateurs non inscrits (6)

Contre : 3

N'ont pas pris part au vote : 3 - MM. Robert Navarro, David Rachline, Stéphane Ravier

Scrutin n° 249 sur l'amendement n°468, présenté par M. Dominique Watrin et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, tendant à insérer un article additionnel après l'article premier quinquies du projet de loi, considéré comme adopté par l'Assemblée nationale en application de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution après engagement de la procédure accélérée, visant à instituer de nouvelles libertés et de nouvelles protections pour les entreprises et les actif-ve-s.

Résultat du scrutin

Nombre de votants :341

Suffrages exprimés :331

Pour :20

Contre :311

Le Sénat n'a pas adopté.

Analyse par groupes politiques

Groupe Les Républicains (144)

Contre : 142

N'ont pas pris part au vote : 2 - M. Gérard Larcher, Président du Sénat, M. Michel Bouvard

Groupe socialiste et républicain (109)

Contre : 109

Groupe UDI-UC (42)

Contre : 41

N'a pas pris part au vote : 1 - M. Bernard Delcros

Groupe communiste républicain et citoyen (20)

Pour : 20

Groupe du RDSE (17)

Contre : 16

N'a pas pris part au vote : 1 - M. Robert Hue

Groupe écologiste (10)

Abstentions : 10

Sénateurs non inscrits (6)

Contre : 3

N'ont pas pris part au vote : 3 - MM. Robert Navarro, David Rachline, Stéphane Ravier