Lutte contre le terrorisme

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de résolution européenne relative à la lutte contre le terrorisme et tendant à l'adoption d'un Acte pour la sécurité intérieure de l'Union européenne.

Discussion générale

M. Jean Bizet, auteur de la proposition de résolution, au nom de la commission des affaires européennes .  - Notre pays a été frappé en janvier par de terribles attentats terroristes. Peu après, des attentats ont été déjoués en Belgique, mais le Danemark, lui aussi, a été endeuillé, puis Tunis. Il est temps que l'Europe combatte avec fermeté le terrorisme.

Après les attentats du 11 septembre 2001 à New York, du 11 mars 2004 à Madrid et du 7 juillet 2005 à Londres, l'Union européenne s'est dotée d'une stratégie en la matière, qui reste insuffisante. La commission des affaires européennes a entrepris l'inventaire des dispositions européennes dans ce domaine, tandis que la commission d'enquête, présidée par Nathalie Goulet et rapportée par Jean-Pierre Sueur, se penchait sur le phénomène djihadiste : signe de l'investissement du Sénat en la matière.

Dernièrement, la commission des affaires européennes a entendu six communications sur le Passenger Name Record (PNR) européen avec Simon Sutour, le renforcement de l'espace Schengen avec André Reichardt, la déchéance de nationalité avec Michel Mercier, la création d'un parquet européen, Jean-Jacques Hyest et Philippe Bonnecarrère, le renforcement de la coopération policière européenne notamment au moyen d'Europol, avec Michel Delebarre et Joëlle Garriaud-Maylam et la lutte contre la propagande terroriste sur internet avec Colette Mélot et André Gattolin. Elles ont donné lieu à des échanges féconds.

Cette proposition de résolution européenne en est le fruit, et je remercie la commission des lois et son rapporteur d'avoir procédé à un examen rigoureux du texte. La convergence de vues entre nos deux commissions n'est pas nouvelle. La commission des lois a cependant voulu disjoindre les dispositions relatives à la déchéance de nationalité, nous nous rangeons aux arguments juridiques du rapporteur, qui ont reçu l'assentiment de M. Mercier. Rappelons cependant que la nationalité française est un honneur, dont les terroristes ne sont pas dignes.

Le terrorisme porte atteinte aux valeurs fondamentales de l'Union européenne. Une menace grave et sans doute durable pèse sur nos sociétés. Elle exige des réponses immédiates, mais aussi une réflexion sur les causes profondes du terrorisme. Nous préconisons un Acte pour la sécurité intérieure de l'Union européenne, qui jouera ainsi tout son rôle pour garantir la sécurité de ses citoyens.

Nous avons visité Europol, l'an dernier : c'est un outil précieux, qu'il faut mieux utiliser, comme Eurojust. Les compétences du parquet européen doivent être étendues à la criminalité grave transfrontalière, car les terroristes se moquent des frontières.

Nous préconisons de renforcer l'agence de gardes-frontières européenne, Frontex ; une révision des frontières du code Schengen et l'adoption rapide du mécanisme PNR européen, assorti des garanties nécessaires.

La coopération entre États européens n'est pas encore assez opérationnelle, d'où l'accueil positif fait par Gilles de Kerchove, le coordonnateur européen sur le terrorisme à l'ONU à notre proposition de résolution européenne. Notre échange, à Bruxelles, avec le président Moraes et la députée européenne néerlandaise rapporteure du texte fut en revanche assez tendu : il nous a semblé que le Parlement européen n'était peut-être pas assez conscient des menaces.

Internet doit faire l'objet d'une vigilance accrue. Les citoyens nous demandent d'agir. Certes, la sécurité est une responsabilité éminente des États ; mais la coopération européenne peut être précieuse.

Lundi, nous avons reçu ici, grâce au président Gérard Larcher, des représentants du Bundesrat, des Cortes espagnoles, de la Chambre des Lords, du Folketing danois et de la Saeima de Lettonie, qui assure la présidence de l'UE. Nous avons appelé ensemble à une coopération accrue. Toute défaillance de l'Union en la matière serait inacceptable pour nos concitoyens. Il est de la responsabilité des Parlements nationaux de suivre les décisions qui seront prises au niveau européen.

Je l'ai dit, cette proposition de résolution est le fruit d'un travail collectif, sérieux et approfondi. En l'adoptant, le Sénat adressera au gouvernement une contribution de nature à mieux protéger les citoyens. Je suis persuadé qu'il entendra notre message. (Applaudissements sur les bancs UMP, UDI-UC, RDSE, écologistes, ainsi que sur plusieurs bancs socialistes)

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur de la commission des lois .  - Les États membres de l'Union européenne font face à une menace terroriste qui s'est récemment aggravée. Ils sont confrontés au départ de certains de leurs ressortissants ou de leurs résidents, parfois mineurs, vers des zones où opèrent des groupes terroristes, dont le retour soulève des questions de sécurité pour l'ensemble des États membres.

L'Union européenne est déjà intervenue en matière de terrorisme à de nombreuses reprises. Vu l'évolution récente des menaces, notre commission des affaires européennes a étudié les différents domaines dans lesquels le cadre juridique ou la coopération actuels pourraient être améliorés. La présente proposition de résolution européenne incite les institutions de l'Union européenne à adopter un acte législatif portant sur une législation antiterroriste commune, dénommé « Acte pour la sécurité intérieure ».

Le texte préconise en premier lieu d'améliorer les mécanismes existants. En matière de coopération policière et judiciaire, le texte souligne l'importance d'Europol et d'Eurojust dans la lutte contre le terrorisme et appelle à une amélioration du fonctionnement de ces deux structures, en rappelant que la transmission d'informations par les États devrait être plus systématique. Les auteurs de la résolution estiment aussi nécessaire de renforcer les moyens matériels de ces deux structures. Eurojust ne traite aujourd'hui que 1 576 dossiers, à grande majorité bilatéraux, alors que tout son intérêt est de traiter des dossiers impliquant plusieurs États. En 2013, seuls 17 dossiers ont été enregistrés par Eurojust sur le sujet du terrorisme.

En outre, les équipes communes d'enquête, qui favorisent l'échange d'informations sans passer par les canaux traditionnels de l'entraide judiciaire sont encore peu utilisées.

Le code Schengen, dans sa rédaction actuelle, donne de larges marges de manoeuvre aux États membres. À droit constant, des « indicateurs de risque appliqués uniformément par les États-membres » permettent d'exercer des contrôles approfondis de ressortissants de l'espace Schengen lorsqu'ils y entrent ou en sortent.

Le texte appelle à juste titre à poursuivre la politique de prévention de la radicalisation. La première stratégie de l'Union européenne visant à lutter contre la radicalisation et le recrutement de terroristes date de 2005 ! En 2010, un programme plus complet, mêlant approche policière et préventive a été développé, par le biais de groupes thématiques dédiés à différents aspects de la lutte contre la radicalisation. Son efficacité repose sur la participation des États membres.

Enfin, la résolution rappelle l'importance d'une diplomatie active de l'Union européenne à l'égard des pays tiers, où opèrent des groupes à caractère terroriste, notamment les pays du Maghreb. Les délégations de l'Union européenne qui relèvent du service d'action extérieure restent aujourd'hui très orientées sur la politique de développement et de coopération et peu sensibilisées aux questions de sécurité.

Le texte propose aussi de faire évoluer le cadre juridique actuel.

L'Union européenne veille à l'élaboration d'une définition uniforme et exhaustive du terrorisme par les États. Ainsi, la décision-cadre du 13 juin 2002 relative à la lutte contre le terrorisme donne une définition précise du terrorisme, empruntée aux traditions des États membres. Cette directive a été complétée par la décision-cadre du 28 novembre 2008 afin d'ajouter aux infractions terroristes l'apologie d'actes terroristes et le prosélytisme en faveur de tels actes. Toutefois, le phénomène nouveau de nationaux ou de résidents européens s'enrôlant dans des groupes terroristes, identifié comme une menace particulière par l'ONU dans la résolution du 24 septembre 2014 du Conseil de sécurité, justifie des évolutions du cadre juridique. Un comité sur les combattants terroristes étrangers et les questions connexes a d'ailleurs été constitué le 11 février 2015 par le Comité des ministres du Conseil de l'Europe, afin de rédiger un protocole additionnel à la Convention du conseil de l'Europe sur la prévention du terrorisme, pour prendre en compte la résolution précitée.

Il serait plus efficace pour les États de mener des contrôles permanents sur les personnes définies par les critères objectifs évoqués ci-dessus : d'où la nécessité de réformer le code frontières Schengen. Ce sera long, et il ne faut pas qu'à cette occasion l'équilibre général du code soit lui-même modifié. L'espace Schengen a suscité, il convient de le rappeler, le développement d'un système d'information commun, plus efficace qu'une juxtaposition de systèmes indépendants.

La résolution appelle en outre à l'adoption rapide de la directive relative à la mise en oeuvre d'un « PNR européen », mesure indispensable pour lutter efficacement contre le terrorisme.

Le PNR est un système d'exploitation et de partage des dossiers passagers, c'est-à-dire des données recueillies par les transporteurs au stade de la réservation commerciale. Le « PNR européen », désigne en réalité un mécanisme de coopération entre des PNR nationaux et non la création d'un instrument européen unique. Il est paradoxal que l'Europe, contrairement aux États-Unis, ne se soit pas encore dotée d'un tel outil.

Un premier projet de directive de la Commission européenne en date du 6 novembre 2007 a été finalement abandonné. Une nouvelle proposition de directive est en cours de discussion au Parlement européen. Dans sa résolution du 15 mars 2015, le Sénat a appelé à l'adoption rapide de cette directive, le système proposé respectant les droits des personnes concernées.

Le texte propose aussi de donner à l'agence européenne pour la gestion des frontières extérieures (Frontex) un rôle particulier dans la lutte contre le terrorisme. Cette recommandation, qui rejoint les conclusions du Conseil sur le terrorisme et la sécurité des frontières des 5 et 6 juin 2014, répond aux préoccupations suscitées par le retour de nationaux ou de résidents qui ont rejoint des zones où opèrent des groupes terroristes. La création d'un corps de gardes-frontières européens serait quant à elle une évolution majeure.

Enfin, les auteurs de la proposition de résolution appellent à mettre en place un parquet européen, en application de l'article 86 du TFUE (Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne), et estime nécessaire d'étendre « sans délai » les compétences de ce parquet européen à la criminalité grave transfrontière.

Lors de son examen par la commission des lois, la proposition de résolution a été largement approuvée. Les auteurs de la résolution rappellent que la lutte contre le terrorisme s'inscrit nécessairement dans le cadre du respect des valeurs de l'Union européenne et de l'État de droit.

À juste titre, la résolution insiste sur l'importance de mieux faire fonctionner ou d'améliorer à droit constant les dispositifs existants, en renforçant l'implication des États. La coopération entre Eurojust et Europol est également largement perfectible. Eurojust n'accède pas de manière privilégiée aux fichiers d'analyse d'Europol, notamment à ceux dédiés à la lutte contre le terrorisme. Il conviendrait de réviser rapidement la convention entre ces deux structures.

En revanche, à mon initiative, la commission a estimé que les dispositions de la résolution relatives au droit de la nationalité des États membres, qui rappellent simplement la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne et le droit international, ne relèvent pas du périmètre d'une résolution européenne. Ces dispositions ont donc été supprimées.

La commission des lois soumet donc à la délibération du Sénat le texte ainsi établi. (Applaudissements au centre, à droite, sur les bancs RDSE, écologistes)

M. Michel Billout .  - Depuis les attentats de New York en 2001, Madrid en 2004, et Londres en 2005, l'Union européenne s'est dotée d'une stratégie de lutte contre le terrorisme qui, selon beaucoup, pèche par ses insuffisances. D'où le recensement accompli par la commission des affaires européennes et cette proposition de résolution européenne. Manquent toutefois certains objectifs précis. Nous soutenons le renforcement de la coopération entre organismes et États - Lord Boswell a rappelé l'importance de la coopération volontaire en cette matière - et des moyens dédiés à la lutte antiterroriste, mais cela ne peut se faire que dans un climat de confiance et ne doit pas occulter la nécessaire amélioration des mécanismes de partage d'informations.

Je soutiens la mise en place de quelques PNR européens, telle que l'a recommandée M. Sutour, mais non celle d'indicateurs de risques. Renforçons plutôt les moyens humains aux frontières de l'Union. La lutte contre le trafic d'armes et le blanchiment de capitaux devrait être prioritaire. Le transfert d'armes doit être interdit dès lors qu'il existe un risque substantiel que les armes soient utilisées pour commettre ou faciliter de graves violations du droit international. Cela suppose la mise en place de mécanismes d'assurances concernant l'utilisation finale.

Sur le code Schengen, les points 23, 24 et 26 de la proposition de résolution comportent des orientations trop floues, que nous n'approuverons pas, car elles pourraient s'appliquer, si elles étaient mal interprétées, aux immigrés ou aux réfugiés.

De même, les dispositions relatives à la déchéance de la nationalité, qui relèvent d'un débat purement franco-français, n'avaient pas leur place ici.

Focalisé sur la réponse policière et judiciaire, ce texte occulte les facteurs idéologiques. On combat aussi le terrorisme par l'éducation. Or celle-ci est en berne, sous les politiques d'austérité, dont je doute qu'elles contribuent efficacement à lutter contre le terrorisme. La misère, la peur et la défiance de l'autre rendent le terreau encore plus fertile.

On annonce une baisse des crédits du programme Erasmus pour financer le plan Juncker : si nous n'encourageons pas l'ouverture d'esprit, ne soyons pas surpris que des jeunes se tournent vers des groupes radicaux ! La proposition de résolution fait référence au programme Erasmus, mais pour y intégrer une dimension de sécurité informatique. C'est trop réducteur.

Le même problème se pose au niveau national, comme en témoigne le récent projet de décret d'avance, qui finance les dépenses supplémentaires liées à la lutte contre le terrorisme par des ponctions sur les programmes « conduite et soutien des politiques sanitaires, sociales, du sport, de la jeunesse et de la vie associative » ou « soutien à la politique de l'éducation nationale » ou encore sur des budgets de recherche...

À regret, nous nous abstiendrons. (Applaudissements sur les bancs CRC)

M. Jacques Mézard .  - Sans regret, le groupe RDSE votera unanimement ce texte.

M. Charles Revet.  - Bravo !

M. Jacques Mézard.  - Non que nous ne comprenions pas les préoccupations exprimées par M. Billout.

Les attentats perpétrés contre les citoyens européens ont démontré les difficultés de l'Union européenne à se prémunir d'une menace qui est à la fois extérieure et intérieure. L'interférence des événements géopolitiques au Proche-Orient, au Sahel ou en Afrique dans notre vie quotidienne est incontestable.

Les démocraties par nature, répondent lentement à la menace terroriste. D'autres États peu démocratiques mais laïques sont aussi frappés par le terrorisme, et les interventions occidentales qui les ont déstabilisés n'ont rien arrangé. Fallait-il armer les combattants islamistes contre des régimes laïques devenus soudainement importuns ? La question est toujours d'actualité et je suis de ceux qui considèrent que l'Occident a, en partie, mal fait. (MM. Yves Pozzo di Borgo, Philippe Bonnecarrère et Jean-Claude Requier applaudissent)

Si l'Union européenne est un espace de justice et de liberté, fondé sur des valeurs humanistes - qui ne sont pas nécessairement celles de Bernard-Henri Lévy... (M. Roger Karoutchi s'amuse) - elle doit être aussi un espace de sécurité, car sans sécurité, il n'y a pas de liberté - ainsi que le proclame la déclaration de Paris sur le terrorisme.

Après le vote des eurodéputés demandant une feuille de route de la lutte antiterroriste, la présente résolution permet au Parlement français et au Sénat de peser sur le débat européen. Parce que notre Europe des libertés est devenue exportatrice de terrorisme, il est urgent de coordonner les initiatives nationales et européennes. Il faut décliner la maxime : « Penser global, agir local ».

Des outils existent, mais certains États rechignent et la France n'est pas très bien placée : quatre États membres seulement alimentent 80 % du fichier relatif aux voyageurs suspects ; 2 % seulement des informations figurant dans le fichier Europol sont relatives aux terroristes.

Le Parlement européen, en février dernier, a relevé que les États membres n'ont transféré que 50 % de leurs informations en matière de terrorisme et de criminalité organisée à Europol et Eurojust !

Le renforcement des moyens des agences Europol, Eurojust et Frontex est une priorité, compte tenu du départ de près de 3 000 djihadistes pour les théâtres d'opérations syrien et irakien. Si l'on ne les a pas empêchés de partir, il faut les empêcher de revenir. J'espère que les négociations sur la révision du code Schengen, demandée par le ministère de l'intérieur, aboutiront rapidement.

De même, puisse le Parlement adopter rapidement le PNR européen, que nous avions recommandé en novembre dernier, mesure de bon sens, pourtant rejetée en avril 2013 par le Parlement européen, qui avait auparavant donné son aval à la conclusion d'un accord de ce type entre l'Union européenne et les États-Unis.

Sur le financement du terrorisme, le ministère des finances a annoncé, entre autres, la baisse du plafond des versements en liquide, de 3 000 euros aujourd'hui à 1 000 euros pour les personnes physiques ou morales résidentes en France, de 15 000 à 10 000 euros pour les non-résidents.

Mais c'est à l'échelle européenne, par une réponse politique, qu'il faut assécher le financement du terrorisme. Il y a urgence. Daech est assis sur un tas d'or, et certains États de la région financent le terrorisme.

Le combat antiterroriste doit être mené plus fermement, pour que la démocratie l'emporte sur ceux qui veulent la détruire. (Applaudissements des bancs socialistes aux bancs UMP)

M. David Rachline .  - Voilà des années que le Front national tente d'alerter sur l'urgence d'adapter notre système législatif pour lutter contre le terrorisme.

Après les attentats de janvier 2015, Vous avez ouvert nos frontières, favorisé le communautarisme en ne freinant pas une immigration massive qui empêche l'assimilation...

Mme Éliane Assassi.  - Toujours la même rengaine !

M. David Rachline.  - ... détricoté notre armée et notre police, nous laissant sans protection contre les fondamentalistes islamistes. Oui, ce sont eux qui ont attaqué Paris et il faut nommer notre ennemi pour le combattre sérieusement. Or son nom n'apparaît nulle part dans la proposition de résolution, il est édulcoré, caché : le terrorisme n'est qu'un moyen au service d'une idéologie.

Ce mal profond, vous le fuyez et vous pliez à présent aux lenteurs bruxelloises, alors qu'il faut prendre des mesures concrètes et urgentes.

Trente ans après son instauration, la sacro-sainte liberté de circulation des personnes est enfin remise en question.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - Pas du tout !

M. David Rachline.  - Néanmoins, vous faites fausse route : les États frontaliers ne renonceront pas facilement à leurs prérogatives. Un corps européen, coûteux, serait-il plus efficace que des gardes-frontières nationaux ? Évidemment, non ! La solution est de dénoncer les accords de Schengen, afin que chaque État puisse à nouveau protéger ses propres frontières. (Mme Nathalie Goulet s'exclame)

Enfin, il est urgent de rétablir la déchéance de nationalité pour ces binationaux ou pseudo-nationaux que sont les terroristes.

Mme Éliane Assassi.  - Qu'est-ce que c'est, un « pseudo-national » ?

M. David Rachline.  - Mais les terroristes de janvier étaient, c'est vrai, français : ne reste alors, pour ceux qui n'ont pas d'autre nationalité, qu'une mesure d'éloignement temporaire, envisagée par les Anglais, et la promotion, pour faire revenir ces égarés, de l'identité et des valeurs de la République. Plutôt que de nous demander, à l'instar du gouvernement, comment faire pour que les djihadistes ne partent pas, nous demandons, nous comment faire en sorte qu'ils ne reviennent pas.

Nous voterons contre cette proposition de résolution, car nous ne voulons pas confier notre sécurité à l'Union européenne, qui a prouvé sa mollesse.

Mme Nathalie Goulet.  - C'était tellement prévisible !

M. Philippe Bonnecarrère .  - J'ai trois convictions : nous sommes en guerre contre le terrorisme, et cette guerre sera malheureusement durable ; l'Europe coopérative à 29 (les 28 États membres et l'UE) peut apporter plus de sécurité ; les mesures utiles, pragmatiques, qui seront prises, pourront avoir un impact sur les libertés publiques.

La proposition de résolution de la commission des affaires européennes, dans la rédaction retenue par la commission des lois, dont je salue le rapporteur, est utile et je remercie le président Bizet d'avoir fait la synthèse des propositions des groupes : il est important et salubre que nous les défendions ensemble.

Ne laissez pas penser à nos concitoyens que des mesures utiles ne seraient pas prises contre le terrorisme, au motif qu'elles seraient contraires aux libertés. Le terrorisme est plus nuisible aux citoyens que le PNR européen. Tout est question d'équilibre et je fais confiance aux autorités publiques de notre pays pour y veiller.

La lutte antiterroriste suppose aussi que les moyens indispensables à nos armées soient mis à leur disposition et la réduction de nos forces est intenable.

Le champ de cette proposition de résolution européenne est large. Les moyens de lutte sont pour partie français et pour partie européens : preuve que l'Europe est aussi une solution en la matière. Cela montre également combien le débat entre souverainistes et fédéralistes est dépassé : c'est à une Europe coopérative, apte à agir pour plus de sécurité, que cette proposition de résolution européenne appelle.

Nos concitoyens, monsieur Rachline, sont très attachés à la libre circulation. Je doute que les habitants de Fréjus souhaitent se faire contrôler - ou changer leur monnaie contre des lires - lorsqu'ils arrivent à Vintimille, après avoir passé Menton. (Applaudissements sur de nombreux bancs)

M. Jean Bizet.  - Très bien !

M. Philippe Bonnecarrère.  - Monsieur Billout, je ne puis souscrire entièrement à vos propos. Vous évoquez la pauvreté, la misère. Je comprends vos raisons, mais le terrorisme qui a frappé New York en 2001, Madrid en 2004, Londres en 2005, Toulouse en 2012, Bruxelles en 2014 et Paris en 2015 ne peut, à l'évidence, être réduit à des problématiques sociales. Il est d'une tout autre nature.

M. Jean Bizet.  - Très bien !

M. Philippe Bonnecarrère.  - Un peu de cohérence, enfin, sur le financement, après ce que nous avons entendu en commission des affaires européennes sur le budget : on ne peut vouloir renforcer la lutte antiterroriste en Europe, et assécher continûment les finances de l'Union européenne. (Applaudissements sur les bancs UDI-UC et écologistes, ainsi que sur plusieurs bancs UMP ; M. Jean Bizet approuve aussi)

Un parquet européen décentralisé nous paraît également essentiel pour garantir la sécurité de nos concitoyens.

Les représentants d'Europol et Eurojust que nous avons rencontrés proposent, entre autres, d'interconnecter plus systématiquement nos fichiers nationaux, notamment ceux qui recensent les condamnations. (Applaudissements au centre et à droite, ainsi que sur les bancs RDSE et écologistes)

M. Simon Sutour .  - Cette proposition de résolution européenne est l'aboutissement d'un travail collectif, qui a associé dix rapporteurs de presque tous les groupes. Je me félicite que la lutte antiterroriste soit désormais une priorité en Europe, et que le Sénat, par un large consensus, soutienne le gouvernement dans ses négociations. Comme l'a dit le Premier ministre, il faut non des mesures d'exception, mais des mesures exceptionnelles.

Les parlementaires ont le devoir de trouver l'équilibre entre sécurité et libertés publiques. Au Sénat, cet équilibre semble avoir été trouvé. Cela rendra la France plus audible.

Nous nous sommes rendus la semaine dernière à Bruxelles, et avons reçu nos homologues lettons, danois, britanniques et espagnols à Paris. Il est bon que les parlements nationaux se saisissent de ce sujet, sur lequel le Parlement européen est trop souvent un frein. Je veux saluer la détermination du gouvernement. Le PNR européen ou en français « dossier de réservation de passagers », consiste à harmoniser les PNR nationaux. Le Sénat, le 15 mars, a adopté une résolution à ce sujet. Je veux dire aux parlementaires européens qui s'interrogent que l'empilement des PNR nationaux est plus préjudiciable à la protection des droits fondamentaux qu'une législation européenne commune. (M. Yves Détraigne approuve)

Il est d'autant plus surprenant que le débat se cristallise sur le sujet, que sous la pression de certains États membres, le projet de directive de la Commission européenne a été remanié pour protéger davantage les données personnelles. Le Sénat a joué son rôle en demandant au gouvernement - alors celui de Jean-Marc Ayrault - de faire pression sur nos partenaires en ce sens.

Pour l'heure, le PNR est géré par les compagnies aériennes et alimenté à chaque réservation individuelle. Créer un PNR européen permettrait de repérer les djihadistes désireux de partir sur zone. Le Mexique, l'Arabie saoudite demandent déjà communication de telles données : le Japon, le Qatar envisagent de faire de même.

Le Parlement européen craint toujours les menaces pesant sur les droits fondamentaux. Le 24 mars, notre commission s'est entretenue avec M. Moraes, président de la commission des libertés civiles du Parlement européen, et Mme Sophie in 't Veld, députée libérale néerlandaise ; le dialogue a été constructif ; un accord pourrait intervenir avant la fin de l'année. C'est heureux, car il y a urgence.

Le concept de guerre contre le terrorisme n'est pas adapté ; voire contre-productif. Les réseaux terroristes doivent être combattus d'abord par le renseignement. Le potentiel des agences Europol et Eurojust pourrait être développé à cette fin.

Les opérations communes d'enquête sont utiles, et donc le développement d'une culture commune du renseignement. Nous soutenons aussi l'adoption rapide de la directive relative au blanchiment d'argent et aux trafics liés au terrorisme. Il est temps de donner des références claires à nos concitoyens.

Ne pas réagir reviendrait à donner des arguments aux eurosceptiques et aux populistes. Nous voterons ce texte avec enthousiasme. (Applaudissements)

M. André Gattolin .  - Co-rapporteur avec Colette Mélot au sujet de la lutte contre le terrorisme sur internet, je veux saluer le rôle proactif du Sénat sur ces sujets, conformément au traité de Lisbonne. Nos concitoyens demandent à juste titre que leurs droits soient garantis. Nous voterons cette proposition de résolution européenne malgré des réserves sérieuses. C'est qu'elle a le mérite de mettre l'accent sur les maîtres-mots de la stratégie antiterroriste : coopération et prévention. En outre, elle incite à combattre efficacement les sources de financement du terrorisme et le trafic d'armes à feu ; elle exhorte à l'instauration rapide d'un parquet européen ; elle soulève l'enjeu capital de la sécurité informatique. Enfin, ce texte réajuste les outils existants sans sombrer dans le dogmatisme : la question de la déchéance de nationalité, purement nationale, n'y a effectivement pas sa place.

Il ne suffit pas d'être convaincu de la nécessité de renforcer la coopération, encore faut-il avoir les moyens de le faire. Faire coopérer des services de police nationaux, c'est déjà parfois difficile, alors imaginez quand les services de 28 États sont en jeu, qui ne partagent ni la même langue, ni la même expérience de lutte antiterroriste ! Sans une volonté de coopérer, les incantations politiques resteront vaines.

Sur le PNR, les points de blocage étaient au nombre de deux : la durée de détention des données, et la surveillance de masse, plus coûteuse et moins efficace qu'une surveillance ciblée. Le Parlement européen s'est finalement prononcé pour un PNR européen garantissant les libertés individuelles, ce qui va dans le bon sens.

Je ne suis pas convaincu de l'utilité de réformer le code frontières Schengen ; cela ne dissuadera pas les loups solitaires de quitter le territoire national.

L'Union européenne a enfin manifesté la volonté d'avancer sur le terrain numérique ; mais sans réflexion sur la sécurité informatique, nous courrons à la catastrophe. L'Union ne doit pas intervenir seulement en réaction, elle est aussi attendue en amont, sur la prévention. (Applaudissements)

M. André Reichardt .  - Notre pays a pris conscience depuis 2013 d'un phénomène quasi inconnu auparavant : le départ de centaines de nos concitoyens vers des zones de combat pour faire ce qu'ils appellent le djihad. On parle de 1 400 Français qui participeraient ainsi aux combats et aux exactions. Des mesures ont certes été prises pour endiguer le phénomène, mais il faut faire plus.

Opportune, cette proposition de résolution européenne est aussi adaptée et équilibrée. J'adhère à la proposition d'un Acte européen pour la sécurité intérieure, véritable législation commune. Il convient en outre d'attribuer à Frontex des moyens renforcés et de mettre enfin sur pied un corps de garde-frontières commun.

Je souscris également à des contrôles approfondis ciblés de personnes sur le fondement des informations recueillies par un système unique. Il est inadmissible que certains États prennent des libertés avec les contrôles dont ils sont responsables à la frontière extérieure de l'espace Schengen.

Sans un outil comme le système d'information Schengen 2, la lutte contre le terrorisme est compromise. En tant qu'élu frontalier, je peux témoigner qu'un PNR purement français serait peu efficace.

Une mutualisation de la surveillance de l'internet s'impose, de même qu'une coopération avec les géants du web dans la lutte contre la propagande terroriste.

Nous devons développer la collaboration, y compris financière, avec les États voisins de l'Union européenne aux prises avec ce terrorisme. Je pense à la Turquie, aux pays du Maghreb, à l'Égypte.

Je voterai bien sûr cette proposition de résolution européenne.

(Applaudissements à droite)

M. Roger Karoutchi .  - Il faut voter ce texte car, en réalité, nous ne sommes pas très sûrs de l'attitude du Parlement européen. Faisons un peu de lobbying !

Mme Nathalie Goulet.  - C'est bien vu.

M. Roger Karoutchi.  - J'ai toujours suivi avec intérêt les travaux du Parlement européen ; mais l'attention accordée au terrorisme varie selon les États. Si les Français, les Belges, les Allemands, les Britanniques sont sensibles à ce risque, le respect de la liberté et des droits de l'homme prime tout à l'est et au nord de l'Union, En somme, les pays menacés demandent à leurs voisins moins menacés de les aider.

Je suis favorable à la coopération européenne ; mais nous devons avoir un rôle moteur. Notre système Faros a donné 600 signalements en 2013, 1 600 en 2014 et 30 000 entre janvier et mars 2015 ! Renforcer Europol, Eurojust, oui. Mais sans corps de gardes-frontières efficace, cela ne sert à rien.

Un ministre grec a récemment dit qu'il ne ferait rien pour mieux surveiller les frontières de son pays, et même que si des djihadistes passaient ce serait tant mieux.

M. André Reichardt.  - Scandaleux !

M. Jean Bizet.  - Provocation !

M. Roger Karoutchi.  - Pour le moins. En période de renégociation de dette, les responsables européens n'ont rien osé dire. Nous sommes tous comptables de ce que certains ne jouent pas le jeu.

Nous avons également besoin, sur ce sujet plus que sur la loi Macron, d'une unité nationale. Voilà où doit être notre force, pour dire à nos partenaires européens que nous leur faisons confiance. Sur cette base solide, faites en sorte, monsieur le ministre, que l'Europe soit à la hauteur. Sinon nous perdrons définitivement la confiance de nos concitoyens. (Applaudissements)

M. Pascal Allizard .  - Je remercie les commissions des affaires européennes et des lois pour leur travail sur un sujet difficile et je salue la récente initiative internationale du président Larcher sur le dossier du terrorisme.

Les attentats de Paris ont fait ressurgir le spectre de l'islamisme radical et du terrorisme qui, pour la plupart des Français, ne constituaient pas une menace immédiate. Pourtant le phénomène n'est pas nouveau, puisque le terrorisme islamiste a été particulièrement meurtrier en France, au milieu des années 1990. Le plan Vigipirate existe depuis 1995 et les politiques de sécurité ont été renforcées après le 11 septembre 2001 et l'affaire Merah.

Même si des évolutions sont impératives, ainsi qu'une meilleure application des lois existantes, la France est sans doute l'un des pays européens les mieux préparés. Elle doit le rester car nous restons une cible prioritaire.

Ces terroristes ne portent pas un projet pour I'humanité, ils sont la négation de l'humanité, au point de vouloir effacer toute trace de son passé. Ils s'attaquent à la mémoire, aux témoignages de l'Histoire et des civilisations. Je pense aux destructions des bouddhas de Bâmiyân, à l'incendie de bibliothèques et mausolées au Mali. Que dire de l'acharnement à fracasser les statues préislamiques de Mossoul ou à raser la cité assyrienne de Nimroud ? À Bruxelles et à Tunis, ils visent des musées.

L'efficacité de la lutte contre le terrorisme réside dans la complémentarité des mesures défensives et offensives à court, moyen et long terme, et de mesures sectorielles complètes. Pour indispensable qu'elle soit, l'option militaire a montré ses limites. Le président Juncker appelait à une armée européenne. Le projet n'a malheureusement jamais pris corps et nos militaires supportent seuls la charge de certaines opérations.

Frontex doit monter en puissance, le code Schengen faire l'objet d'une révision ciblée, les moyens des forces de police et de justice être renforcés, le PNR européen enfin mis en place.

Même si l'on parvient à réarmer nos services de renseignement, il faudra également renforcer l'éducation aux valeurs de la République. C'est le rôle de l'école - dommage que certains syndicats d'enseignants ne partagent pas cette vision. Il existe une autre France que celle qui a manifesté le 11 janvier. On voit le communautarisme religieux s'afficher davantage depuis les attentats. Les déboires rencontrés récemment lors de tentatives de blocage de sites internet doivent aussi nous amener à réagir.

Cette résolution, dans ce contexte, prend tout son sens, il faudra la voter. (Applaudissements à droite et au centre)

M. Harlem Désir, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargé des affaires européennes .  - M. Cazeneuve est retenu à l'Assemblée nationale pour l'examen du projet de loi relatif au renseignement.

Cette proposition de résolution européenne est le signe de la forte mobilisation de votre assemblée. La menace est très élevée ; le nombre de combattants n'a jamais été aussi important ; les moyens mobilisés pour y faire face sont d'ampleur inédite.

Cette lutte est globale. Les moyens doivent être coordonnés. La France, dans cette action commune, joue un rôle moteur.

De nombreux chefs d'État et de gouvernement étaient présents à nos côtés le 11 janvier dernier, preuve que l'Europe est une communauté de valeurs et de destin. Le Danemark a d'ailleurs été touché également. Notre première force est donc l'unité. Tous les États de l'Union européenne sont concernés car tous sont menacés. C'est pourquoi Bernard Cazeneuve a proposé une stratégie globale aux ministres de l'intérieur de l'Union, réunis dès le 11 janvier. Une déclaration conjointe a suivi, sur cette base, le 29 janvier à Riga.

PNR européen, renforcement des contrôles aux frontières de l'Union européenne, lutte contre la propagande djihadiste, tels sont les trois piliers de notre action. La lutte contre le trafic d'armes et la mise en commun du renseignement ne sont pas oubliées pour autant.

Le PNR européen est un outil essentiel pour identifier les terroristes. Nous souhaitons aboutir rapidement à un texte efficace et respectueux des libertés individuelles. À cette fin, je me suis rendu le 12 janvier au Parlement européen dont j'ai rencontré le président, ainsi que le président de la commission des libertés, et j'ai reçu le 3 février avec Bernard Cazeneuve des députés européens français de tous les groupes. Le respect d'un code de bonne conduite, une formation des agents amenés à manipuler le PNR, l'inscription sur une liste blanche des passagers contrôlés à tort, toutes ces garanties ont été détaillées. Il s'agit bien de lutter contre le terrorisme, non de ficher les citoyens. À l'inverse, l'absence de contrôle dans le transport aérien serait extrêmement dangereuse.

Le rapport révisé de Gilles de Kerchove contient plusieurs garanties intéressantes, et rappelle qu'une gestion décentralisée des fichiers PNR serait sous-optimale. Nous croyons à un accord rapide.

Le contrôle des frontières extérieures de l'espace Schengen est un deuxième pilier essentiel. Les Européens sont attachés à la libre circulation à l'intérieur de Schengen. Les terroristes de janvier, monsieur Rachline, n'ont pas tous eu à franchir les frontières extérieures de l'Union européenne. Lorsque c'est le cas, il faut avoir les moyens de contrôler de manière approfondie tout individu, même ressortissant de l'Union européenne. La réponse n'est pas de renoncer à Schengen mais de le renforcer !

La déclaration du 12 février est une étape importante : un accord a été trouvé sur des contrôles coordonnés. La Commission proposera bientôt des critères de contrôle commun.

La France défend également une révision du code frontières Schengen conçu à une période où planait une menace conventionnelle, celle de groupes structurés. La menace est à présent diffuse, internationale et interne ; les terroristes peuvent circuler librement dans l'espace Schengen ; il faut en prendre acte.

Troisième priorité : la prévention de la radicalisation et la sauvegarde de nos valeurs. La propagande, elle aussi, est sans frontières. Nous ne pouvons laisser prospérer sur internet les appels au meurtre et les vidéos de torture, de décapitation ou de crucifixion. Cela suppose d'abord un dialogue, difficile, avec les entreprises du web pour faciliter le signalement et obtenir le retrait des contenus illicites. La France a déjà une législation autorisant le blocage de certains sites ; nous défendons l'extension de tels mécanismes, car les réseaux numériques sont transfrontaliers.

Nous devons aussi élaborer et diffuser un contre-discours afin d'enrayer la radicalisation.

Mme Colette Mélot.  - C'est important.

M. Harlem Désir, secrétaire d'État.  - Le gouvernement a publié une vidéo qui montre la réalité des crimes commis en Syrie. Des initiatives ont aussi été prises avec la Belgique et la Grande-Bretagne qui bénéficient de financements européens. Mi-avril, à Paris, le ministère de l'intérieur réunira les géants de l'internet pour élaborer un code de bonne conduite.

Nous développerons aussi une réponse sur le plan de la citoyenneté et de l'engagement social ; Mme Najat Vallaud-Belkacem s'y emploie avec détermination.

La menace a changé. Nous devons en prendre acte. L'Europe doit s'engager aussi dans la lutte contre les filières. Elle soutient les services de police et de douane. Le principe d'un corps européen de gardes-frontières a été adopté par le Conseil européen de juin 2014.

La création d'un parquet européen nous fera franchir un nouveau pas dans la lutte contre le financement du terrorisme. Sous les présidences italienne et lettone, le chantier a bien avancé. Collégial, ce parquet aura compétence concurrente pour engager des poursuites contre les auteurs d'infraction portant atteinte aux intérêts financiers de l'Union européenne. Les négociations devront aboutir sur ce point en 2016. Les autres actions nécessaires en matière de défense et d'immigration seront à l'ordre du jour du Conseil européen de juin 2015.

Vos travaux, qui créent un Acte européen pour la sécurité intérieure, contribue à rendre la lutte contre le terrorisme plus efficace et coordonnée. Ils sont utiles, seront prolongés par l'engagement de la France auprès de ses partenaires à Riga. (Applaudissements)

La discussion générale est close.

Discussion de la proposition de résolution européenne

M. le président.  - Amendement n°7, présenté par M. Hyest, au nom de la commission des lois.

Alinéa 4

Remplacer le mot :

juillet

par le mot :

juin

M. Jean-Jacques Hyest.  - Cet amendement corrige une erreur de référence.

M. Harlem Désir, secrétaire d'État.  - Avis favorable.

L'amendement n°7 est adopté.

M. le président.  - Amendement n°1, présenté par Mme. N. Goulet

Après l'alinéa 25

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

Souhaite que les inspections des matériels, logiciels et services de Frontex se fassent de façon inopinée et aléatoire afin de refléter au plus près la réalité du travail quotidien ;

Mme Nathalie Goulet.  - Les inspections font actuellement l'objet d'une information préalable. Il m'a été dit à de nombreuses reprises qu'elles seraient plus efficaces si elles étaient inopinées.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - Cet amendement ne semble pas du niveau d'une résolution. Avis défavorable.

M. Harlem Désir, secrétaire d'État.  - La résolution est déjà claire sur ce point. Avis défavorable.

Mme Nathalie Goulet.  - Les représentants de la PAF m'avaient fait une demande expresse, mais si la résolution le prévoit...

L'amendement n°1 est retiré.

M. le président.  - Amendement n°2, présenté par Mme N. Goulet

Après l'alinéa 33

insérer un alinéa ainsi rédigé :

Estime que les cartes bancaires prépayées, de par l'anonymat qu'elles offrent à leurs détenteurs, présentent un risque trop élevé d'être employées comme outils de financement de départs pour le djihad ; juge que leur interdiction sur le territoire européen doit être envisagée ;

Mme Nathalie Goulet.  - Il s'agit ici du financement. Cela vous impatiente peut-être, monsieur Sutour, mais lorsqu'un problème surviendra, on verra en lisant le Journal officiel que j'avais lancé l'alarme...

Cet amendement concerne les cartes bancaires prépayées anonymes. Coulibaly et les frères Kouachi s'en sont servis, elles sont utilisées dans tous les trafics dans nos banlieues. L'amendement n°5 traite du crowdfounding, que l'on ne peut pas laisser se développer sans contrôle.

M. le président.  - Amendement n°5, présenté par Mme N. Goulet.

Après l'alinéa 48

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

Souligne la nécessité d'un contrôle accru des opérations de financement participatif en ligne ; appelle à la création d'une procédure commune de déclaration préalable en ligne de ces opérations ;

Mme Nathalie Goulet.  - Je l'ai défendu.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - Le quatrième paquet anti-blanchiment aborde la question et prévoit un montant maximum de chargement des cartes prépayées. L'interdiction totale serait compliquée à mettre en oeuvre et aurait d'autres conséquences. Avis défavorable.

M. Harlem Désir, secrétaire d'État.  - Le plan du gouvernement entend combattre les paiements anonymes. Il faut transposer au plus vite le quatrième paquet anti-blanchiment ; une justification d'identité sera obligatoire pour tout rechargement supérieur à 250 euros et tout retrait de plus de 100 euros ; ces seuils sont déjà très bas. Avis défavorable.

Mme Nathalie Goulet.  - Merci pour cette excellente réponse. Je retire ces amendements.

L'amendement n°2 est retiré.

L'amendement n°5 est retiré.

M. le président.  - Amendement n°4, présenté par Mme N. Goulet.

Après l'alinéa 41

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

Invite les États membres à harmoniser leur politique de soutien aux victimes, particulièrement en envisageant la création d'un fonds européen de garantie des victimes des actes de terrorisme ;

Mme Nathalie Goulet.  - Cet amendement a pour objet d'harmoniser les politiques à l'égard des victimes, en particulier leur indemnisation. Des fonds nationaux existent déjà.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur.  - La résolution s'adresse non aux États membres, mais aux institutions européennes. Des règles européennes existent en la matière depuis la directive du 25 octobre 2012 relative aux normes minimum de droits et de protection des victimes.

La création d'un fonds paraît disproportionné au regard du nombre de dossiers d'indemnisation de victimes du terrorisme - 89 en France en 2013, pour une indemnisation totale de 2,5 millions d'euros. À comparer aux 16 328 dossiers ouverts hors terrorisme, pour un montant de 261 millions. Avis défavorable.

M. Harlem Désir, secrétaire d'État.  - La décision-cadre 2002-475 ainsi que les directives européennes 2004/80/CE et 2012/29/CE traitent des droits et de l'indemnisation des victimes. L'Union européenne a ainsi demandé aux États membres de mettre en place des mécanismes d'indemnisation. La création d'un fonds européen n'entre en outre pas dans les compétences de l'Union. Avis défavorable.

Mme Nathalie Goulet.  - Je m'incline. Les excellentes réponses de M. le ministre nous ont fait gagner le temps de quatre questions orales du mardi matin...

L'amendement n°4 est retiré, ainsi que l'amendement n°6.

La proposition de résolution européenne est adoptée.

M. le président.  - En application de l'article 73 quinquies, alinéa 7, du Règlement, la résolution sera transmise au gouvernement et à l'Assemblée nationale.

Prochaine séance demain, jeudi 2 avril 2015, à 9 heures.

La séance est levée à 20 h 45.

Jean-Luc Dealberto

Directeur des comptes rendus analytiques