SÉANCE

du mercredi 11 mars 2015

73e séance de la session ordinaire 2014-2015

présidence de M. Hervé Marseille, vice-président

Secrétaire : Mme Catherine Tasca.

La séance est ouverte à 14 h 30.

Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.

Stationnement des personnes handicapées (Deuxième lecture)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle l'examen, en deuxième lecture, de la proposition de loi, modifiée par l'Assemblée nationale, visant à faciliter le stationnement des personnes en situation de handicap titulaires de la carte de stationnement.

Discussion générale

Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion .  - Cette proposition de loi a pour objectif de faciliter le stationnement des personnes handicapées titulaire de la carte de stationnement, c'est un acte supplémentaire pour leur accessibilité universelle.

L'accessibilité universelle des personnes handicapées est une priorité de ce gouvernement, dans la continuité des travaux menés par Mme Carlotti sous le gouvernement Ayrault. C'est pouvoir aller seul dans les locaux administratifs, les commerces, les restaurants ; c'est aussi pouvoir stationner à proximité. Les objectifs de la loi de 2005 sont loin d'être encore tous atteints. C'est pourquoi nous avons pris des mesures pour en faire une réalité, comme les agendas d'accessibilité programmée. La question a été longuement abordée lors de la conférence nationale du handicap, en décembre 2014. L'accessibilité, telle que les associations la définissent, signifie l'accessibilité à tout, que ce soit logement, information ou consommation, et pour tous, que le handicap soit moteur, sensoriel ou psychique.

Nous avons signé la charte de qualité générale élaborée par le CSA pour l'usage de la langue des signes et nous continuons les travaux de la direction interministérielle pour l'accessibilité des sites internet. Nous expérimentons aussi les systèmes de relais téléphoniques afin de ne plus exclure les personnes malentendantes et sourdes.

En matière d'accès à la consommation, la vente à distance sur internet a été un progrès indéniable pour les personnes à mobilité réduite, mais pas pour celles à vision réduite. De même, l'usage du numérique pour améliorer la performance des appareils ménagers les rend plus inaccessibles à certaines personnes handicapées et moins à d'autres.

Le Gouvernement veut lutter contre les inégalités à l'école, considérant comme la première des injustices de ne pouvoir être scolarisé avec les autres. La scolarisation des élèves handicapés en milieu normal progresse de 10 % par an ; ils sont aujourd'hui 240 000. C'est encore trop peu. C'est pourquoi nous prévoyons de transformer à terme 28 000 CDD d'auxiliaire de vie scolaire en CDI ; 3 000 l'ont été dès cette année. Nous ouvrons dans chaque académie des unités d'enseignement maternel pour enfants autistes et développons les classes IME pour que l'école s'ouvre à tous.

M. Didier Guillaume.  - Excellent !

Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État.  - Les personnes handicapées sont deux fois plus frappées par le chômage que la moyenne nationale. Pour elles, le taux atteint 22 %. Le Gouvernement a pris des mesures pour les auto-entrepreneurs et pour faciliter l'accès à la formation professionnelle. La loi du 5 mars 2014 doit améliorer les choses.

Le Gouvernement a engagé deux réformes d'envergure de l'accompagnement médico-social. Celle de la tarification était attendue depuis longtemps car celle-ci varie beaucoup selon les établissements accueillant des personnes handicapées. D'autre part, sur la base des propositions du rapport Zéro sans solution, nous recherchons les moyens d'éviter les situations dans lesquelles des personnes lourdement handicapées se retrouvent privées d'un accompagnement adapté malgré une orientation par la maison départementale des personnes handicapées. Des amendements seront proposés dans le cadre de la future loi de santé.

Cette proposition de loi modifie l'article L 241-3-2 du code des familles pour autoriser les personnes handicapées à stationner gratuitement sur toutes les places, avec une durée étendue. Certes, ce texte n'est pas la panacée mais il constitue une avancée réelle.

La gratuité doit être vue commune invitation à la mobilité. S'agissant des cartes de stationnement, le Gouvernement cherche à dématérialiser les procédures auprès des maisons départementales des personnes handicapées (MDPH) ; l'attribution sera désormais automatique pour les GIR 1 et 2. Un système d'information dédié à ces cartes de stationnement est en cours d'expérimentation et sera déployé dans le courant de l'année. La durée de validité de ces cartes sera prolongée pour éviter les ruptures, en attendant leur remplacement par un autre système.

Cette proposition de loi aura des effets rapides car elle entrera en vigueur deux mois après son adoption. Je remercie M. Guillaume pour son initiative. (Applaudissements à gauche et au centre)

Mme Claire-Lise Campion, rapporteure de la commission des affaires sociales .  - Plus de 250 communes ont déjà instauré la gratuité du stationnement pour les personnes handicapées, initiative qui améliore considérablement la vie quotidienne de celles-ci tant les difficultés de stationnement sont un véritable parcours du combattant quotidien.

La première lecture au Sénat de cette proposition de loi, que nous devons à Didier Guillaume, a apporté des améliorations en élargissant la gratuité de toutes les places et en prévoyant une durée de stationnement de douze heures minimum pour éviter le phénomène des voitures ventouses. Ces mesures s'inscrivaient dans la droite ligne de recommandations de l'Observatoire pour l'accessibilité, alors présidé par M. Philippe Bas.

Les communes auront deux mois pour notifier leur droit. Pour les parkings gérés dans le cadre d'une délégation de service public, la gratuité entrera en vigueur lors du renouvellement de contrat.

L'Assemblée nationale a adopté trois amendements de nature rédactionnelle. Le texte qui nous est proposé est donc quasiment identique à celui que nous avions adopté en première lecture.

Si une ville comme Saint-Étienne a déjà pu mettre en oeuvre ces mesures, pourquoi ne pas les étendre à toute la France ? D'autres évolutions sont en cours parallèlement, comme l'instauration de quota réservé pour les personnes handicapées et la sécurisation des cartes de stationnement, avec la future carte mobilité.

Je forme le voeu que ce texte recueille un large consensus dans notre Haute assemblée. (Applaudissements)

M. Jean Desessard .  - En décembre 2013, nous adoptions en première lecture cette proposition de loi de Didier Guillaume. Comme l'Assemblée n'a adopté que trois amendements rédactionnels, le texte est presque identique et les écologistes le voteront.

Cette proposition de loi prévoit la gratuité du stationnement pour les personnes handicapées sans limitation de durée et l'étend aux parkings en délégation de service public. Paradoxalement, la gratuité est la solution la moins coûteuse : elle n'impose pas de modifier tous les horodateurs !

Notre pays compte 1,2 million de personnes souffrant d'un handicap moteur. La mobilité est essentielle. Notre cadre juridique semble étendu : loi de 1975, aménagement de la voirie en 1991, obligation d'accessibilité d'établissements recevant du public en 2005. Pourtant les difficultés demeurent.

Aussi les écologistes ont-ils défini le concept de « ville lente », c'est-à-dire une ville où tous les déplacements sont prévus d'emblée pour faciliter la vie des personnes handicapées, des personnes âgées, des mères et des pères avec leur poussette, des enfants. Les transports en commun sont au coeur de cette « ville lente ». Les trottoirs s'élargissent, les marches disparaissent, les voitures se font moins nombreuses. Chacun va à son rythme pour que chacun en profite.

En attendant ce changement de paradigme, nous voterons ce texte. Merci à Didier Guillaume de l'avoir déposé ! (Applaudissements à gauche et au centre)

M. Dominique Watrin .  - Cette proposition de loi est une avancée pour les personnes handicapées. Les places accessibles seront multipliées, facilitant la mobilité, qui est un véritable enjeu démocratique.

Certains responsables associatifs se sont émus d'une forme de discrimination positive. Certes, il y a des personnes handicapées millionnaires, comme dans le film Intouchable, mais globalement, les personnes handicapées sont frappées par un taux de chômage très élevé. L'AAH est, à vrai dire, dérisoire. De plus, les transports publics ne sont pas toujours accessibles. Le cas parisien est loin d'être la règle.

Nous soutenons ce texte, malgré des réserves sur les mesures concernant les parkings dotés de bornes accessibles aux personnes handicapées depuis leur voiture. Ces bornes ne sont pas toujours faciles à manoeuvrer, même pour les personnes valides, qui sont parfois obligées de descendre de leur véhicule. Nous sommes dubitatifs aussi sur les cas des parkings en délégation de service public. Ne revient-il pas aux gérants de ces parkings de financer ces mesures ?

La fraude aux cartes de stationnement est en hausse. Mais Mme la ministre a répondu sur ce point...

Cette loi ne devra pas être le prétexte à une non-application de la loi de 2005 et à différer l'objectif de mobilité universelle. Beaucoup d'associations sont mécontentes à cause de l'arrêté de décembre 2014, jugeant les sanctions insuffisantes. Il faut continuer à avancer sur ce sujet important. (Applaudissements sur les bancs CRC ainsi que sur les bancs socialistes)

M. Jean-Claude Requier .  - L'accessibilité est un élément déterminant de la qualité de vie des personnes handicapées. Le groupe RDSE y est très attaché. Ce texte s'inscrit dans le prolongement de la loi de 2005 pour l'accessibilité universelle. Mais nous sommes encore très loin de l'accessibilité généralisée des bâtiments accueillant du public. L'accessibilité, c'est se rendre où l'on veut, à la mairie, dans un commerce ou au café ! (Rires) Les places réservées ne suffisent pas à faciliter le stationnement à cause de l'incivilité de certains automobilistes valides ou de l'obligation de retourner à l'horodateur pour recharger.

La commission des affaires sociales du Sénat avait étendu la gratuité à toutes les places, sans limitation ; l'Assemblée nationale a clarifié la rédaction. Ce texte facilitera la vie quotidienne des personnes handicapées, en supprimant la contrainte du stationnement. Il est conforme aux recommandations de l'Observatoire de la mobilité.

Toutefois, je crains une recrudescence de la fraude ; déjà, une carte de stationnement sur trois serait fausse et certaines personnes à mobilité réduite courent comme des lapins ! (Sourires) Le Gouvernement veille, tant mieux. Rassurons aussi les associations qui craignent que la gratuité ne masque un renoncement à l'accessibilité universelle.

Le groupe RDSE, dans sa très grande majorité, votera ce texte. (Applaudissements à gauche)

M. Olivier Cigolotti .  - Chacun se souvient de sa première prise de parole dans cet hémicycle... (Applaudissements) C'est ce moment émouvant que je partage avec vous aujourd'hui. Fraîchement élu de la Haute-Loire, j'ai été confronté au handicap tout au long de ma vie professionnelle dans le médico-social et il est gratifiant d'intervenir sur ce sujet important.

Avec la gratuité, cette proposition de loi valide l'expérience déjà menée dans 250 communes. Mais elle va plus loin en encadrant la durée de stationnement et en élargissant la mesure à toutes les places. Le nombre de carte de stationnement est en hausse de 11 % par an, rythme qui ne pourra pas s'arrêter, vu le vieillissement de la population.

Cette proposition de loi prend en compte une situation réelle et propose des mesures réalistes. Je salue aussi l'amendement qu'avait fait adopter notre ancienne collègue, Mme Dini, sur les parkings dotés de bornes.

Le groupe UDI-UC est favorable à ce texte consensuel. C'est justement pourquoi, d'ailleurs, le jeune sénateur que je suis s'étonne : que de temps écoulé depuis l'adoption de ce texte en première lecture, en décembre 2013 ! Je ne comprends pas la lenteur de la navette parlementaire sur un tel sujet.

Mme Catherine Génisson.  - Cela arrive fréquemment.

M. Olivier Cigolotti.  - C'est en tout cas difficilement admissible. Voilà un signal très négatif adressé aux personnes handicapées. Je pense également au texte défendu par M. Roche sur la compensation de l'APA. Là aussi, la navette est grippée. Pourquoi ?

La mesure portée par cette proposition de loi aura un coût, entre 16 et 21 millions d'euros. C'est peu mais, une fois encore, c'est une charge que l'État transfère aux communes sans compensation, alors que les dotations de l'État ne cessent de diminuer. Pourquoi ?

Toutefois, le groupe UDI-UC votera ce texte.

M. Didier Guillaume.  - La première intervention est passée, ça s'arrose ! (Sourires)

M. Claude Bérit-Débat.  - On attend la seconde avec impatience ! (Sourires)

Mme Vivette Lopez .  - Tout d'abord, une pensée pour ceux qui ont perdu la vie lors du tragique accident en Argentine, et notamment nos trois sportifs.

La mobilité est un facteur fondamental pour améliorer la vie quotidienne des personnes handicapées. Pourtant, l'espace public n'est pas toujours adapté aux personnes handicapées. Le principe de gratuité du stationnement avait déjà été proposé par M. Bas en 2012 mais la ministre de l'époque s'était montrée frileuse. Je me félicite du changement de position du Gouvernement.

Bien des automobilistes, peu scrupuleux, ne respectent pas les emplacements réservés aux personnes handicapées. Les enjeux sont importants car celles-ci doivent préparer minutieusement chacun de leurs déplacements. Cette loi diminuera leurs efforts.

Son coût est de 16 à 21 millions d'euros par an. Je regrette que cette loi n'aille pas plus loin et ne règle pas la question du manque de places réservées, notamment dans les Ehpad. Pour les personnes handicapées, accéder, c'est exister. Aussi, nous voterons ce texte.

M. Didier Guillaume .  - Cette proposition de loi a pour seul objectif d'instaurer une mesure pratique pour faciliter le stationnement des personnes handicapées. La loi de 2005 et les travaux de Mme Campion ont contribué à une prise de conscience. En la matière, chaque avancée, même modeste, contribue à progresser vers une société inclusive. Comme président de conseil général et, de fait, de MDPH, aussi bien que dans ma vie familiale, j'ai pu constaté que la mobilité des personnes handicapées constitue une chaîne. Quand un de ses maillons se défait, toute la chaine se brise.

Cette proposition de loi ne va pas changer la vie des personnes handicapées mais voilà un petit pas. Madame la ministre, les agendas d'accessibilité programmée sur lesquels vous travaillez auront des effets concrets. Nous avons besoin d'actes, non d'incantation !

À Valence, le conseil général et la préfecture sont sur la même place, et c'est là que se tient la commission départementale d'accessibilité -il faut donc bien que les personnes handicapées puissent y accéder ! la gratuité n'est pas une finalité mais une conséquences de cette proposition de loi.

Elle est déjà appliquée à Grenoble, à Bordeaux, à Saint-Étienne : il y a une prise de conscience des élus locaux. La mécanique est enclenchée. Nos concitoyens nous demandent de légiférer pour leur simplifier la vie. Mon seul objectif, à travers cette proposition de loi, est qu'un père, un oncle puisse continuer à faire ses courses de façon autonome, que les jeunes collégiens handicapés puissent se rendre facilement au collège, que chacun puisse se rendre à un spectacle ou un événement sportif. C'est cela, une cité inclusive. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

Mme Nicole Duranton .  - J'accueille avec satisfaction cette proposition de loi du président Guillaume -qui reprend un amendement défendu par Philippe Bas lors de la loi Mapam et à laquelle Mme Lebranchu avait donné un avis défavorable.

Vice-présidente du Grand Évreux Agglomération, en charge de la mobilité et de l'accessibilité, je salue ce texte. Mais il faut aller plus loin. La loi du 11 février 2005 propose, en son article 2, une définition du handicap et dresse la liste des six champs qui peuvent être atteints par le handicap. Le handicap moteur n'en est qu'un. Facilitons le stationnement des personnes en situation de handicap sans oublier que l'accessibilité, ce n'est pas la largeur des portes mais la grandeur d'esprit !

Ne serait-il pas plus approprié de faciliter d'abord le stationnement des personnes handicapées à proximité des lieux de santé, pharmacies ou médecins, ou des lieux du quotidien, comme les bureaux de poste ou les boulangeries ?

Le logo bleu représentant une personne en fauteuil, inventée par une étudiante danoise en design, date des années 60 ; il représente dans l'inconscient collectif tous les handicaps mais en réalité, les personnes en fauteuil sont très minoritaires... élargissons le débat !

L'accès à tout pour tous, voilà la véritable intention de l'accessibilité universelle. Remettons les personnes handicapées au centre du débat : souhaitent-elles être des citoyens à part ?

Un mot sur les cartes de stationnement frauduleuses, facilement récupérables sur internet. Il faudra y veiller, avec la nouvelle carte européenne. Encore une fois, élargissons le débat aux six champs du handicap définis dans la loi de 2005.

Je conclurai en citant Marcel Proust : Le seul voyage, le vrai, l'unique, c'est de changer de regard. (Applaudissements)

Mme Catherine Génisson .  - C'est en décembre 2013 que le Sénat adoptait cette proposition de loi en première lecture, dans un large consensus. L'Assemblée nationale a adopté à son tour, avec quelques modifications rédactionnelles, ce texte qui recrée du lien social et améliore la qualité du quotidien. Je salue M. Guillaume et Mme Campion pour leur engagement auprès des personnes handicapées ; celles-ci pourront occuper gratuitement et sans limitation de durée toutes les places de stationnement : c'est une avancée concrète. Dans sa sagesse coutumière, le Sénat a confié aux autorités compétentes le soin d'encadrer la durée de stationnement, avec un seuil minimal de 12 heures.

La gratuité n'est pas une fin en soi mais une incitation. Certains s'inquiètent de l'effet de ce texte sur les finances locales. Le coût sera cependant marginal, d'autant que beaucoup de collectivités pratiquent déjà la gratuité. Reste le problème de la fraude aux cartes de stationnement : il faut lutter contre ces incivilités.

Le président de la République s'est engagé à faire du handicap une priorité ; une circulaire de janvier 2012 traduit cet engagement : le handicap doit être pris en compte dans l'ensemble des politiques publiques.

Des mesures concrètes ont été prises, notamment dans la loi sur les emplois d'avenir et la loi de refondation de l'école avec de nouveaux postes d'auxiliaire de vie scolaire, qui pourront bénéficier d'un CDI à terme. À la suite du rapport Campion-Debré, Mme Campion a été chargée d'une mission sur l'accessibilité. Les agendas d'accessibilité programmée vont dans le bon sens.

Cette proposition de loi s'inscrit dans une politique active en faveur des personnes en situation de handicap, menée depuis 2012. C'est une étape nécessaire, je vous invite à la voter avec conviction. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État .  - J'ai entendu vos inquiétudes sur l'utilisation frauduleuse des cartes ; celle-ci est déjà réprimée par le code pénal ; des instructions régulières sont données aux forces de l'ordre pour renforcer les contrôles.

Le ministère des affaires sociales teste un nouveau système informatique pour simplifier et harmoniser la délivrance des cartes ; il sera opérationnel fin 2015.

La future carte européenne regroupera carte de stationnement et carte d'invalidité. Je vous propose de mettre en place un groupe de travail pour sensibiliser les forces de l'ordre, au niveau national et municipal, pendant cette période transitoire. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

La discussion générale est close.

Discussion des articles

ARTICLE PREMIER

M. Joël Guerriau .  - Nombreuses sont les villes qui appliquent la gratuité du stationnement pour les personnes handicapées, par décision du conseil municipal. Pourquoi une loi, dès lors, puisque rien ne l'interdit ? Une personne âgée en fauteuil roulant, originaire de Bordeaux, ne comprenait pas que le stationnement soit payant à Nantes sur les places réservées aux personnes handicapées ; à Lille, elle peut être sanctionnée par un PV de 135 euros et une mise en fourrière si elle occupe une place non réservée. A Paris, gratuité... Quatre grandes villes, quatre situations différentes. Preuve qu'il faut une solution nationale. Sans quoi, se déplacer, pour une personne handicapée, restera une gageure, sans parler des difficultés d'accéder au point de paiement et de la variation dans les moyens de paiement d'un lieu à l'autre. Se garer sur les places réservées aux personnes à mobilité réduite est déplorable. Dans ma commune, plus d'infractions : depuis 1998, le conseil municipal d'enfants a créé des panneaux interpelant les automobilistes. Cela se révèle très efficace quand on est interpellé par un enfant ! (Applaudissements sur les bancs UDI-UC)

Il faudra lutter contre les fraudes, examiner les demandes liées au vieillissement -et veiller à la convoitise que ces cartes risquent de susciter...

Bref, ce texte répond à un vrai besoin. C'est une réponse humaniste qu'apporte le Sénat. Nous le voterons sans hésitation. (Applaudissements sur les bancs UDI-UC)

Mme Agnès Canayer .  - Nous fêtons les dix ans de la loi du 11 février 2005, qui a permis de nombreuses avancées et fait changer le regard sur le handicap.

Cette proposition est d'apparence très consensuelle. Le problème du stationnement des personnes handicapées est déjà traité par de nombreuses communes, qui organisent un plan de stationnement et accordent parfois la gratuité.

Cette proposition de loi vient restreindre le pouvoir du maire d'accorder -ou non- cette gratuité. Au Havre, où je suis en charge de la politique du handicap, la mairie mène depuis vingt-cinq ans une politique volontariste en la matière : les titulaires de carte de stationnement peuvent se garer gratuitement sur toutes les places. La géolocalisation des places leur permet d'anticiper leurs déplacements. Rendre gratuites les places n'augmentera pas le nombre de places réservées -or c'est là le vrai besoin ! Faisons confiance aux mairies, cessons de légiférer, de multiplier les normes et faisons confiance aux élus locaux. Je souhaite que les communes restent libres et suis donc réservée sur ce texte. (Mme Françoise Gatel applaudit)

M. Yves Pozzo di Borgo .  - À Paris, la ville ne dispose que de 5 000 places de stationnement pour les 50 000 titulaires de la carte Personne handicapée, sans compter les non-Parisiens ! La mairie a mené une politique de réduction des emplacements de parking. N'oublions pas qu'un handicapé moteur a souvent besoin de deux places -pour sortir son fauteuil. Or, dans mon arrondissement, les rares places sont occupées par des fraudeurs. Et la police n'intervient pas, faute de formation. Attention aux critères d'attribution de la carte. Paris, pour le stationnement c'est un peu le struggle for life !

La gratuité, c'est très bien, et je soutiens ce texte, mais ne supprimons pas les places handicapées existantes ! Je soulèverai la question au Conseil de Paris car je ne peux tolérer que les personnes handicapées ne puissent pas se garer. Soyons plus rigoureux, à Paris et ailleurs ! (Applaudissements sur les bancs UDI-UC)

M. le président.  - Amendement n°1, présenté par Mme Procaccia.

Alinéa 6

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Les communes et les collectivités peuvent cependant limiter la durée de stationnement à moins de douze heures sur les places de stationnement situées à proximité immédiate d'établissements, de locaux ou de commerces liés à la santé publique.

Mme Catherine Procaccia.  - Dans les zones urbaines très denses, les douze heures minimum gratuites posent un problème, notamment quand il s'agit de places à proximité des pharmacies ou des médecins de garde. Il faut une rotation sans quoi d'autres personnes handicapées ne pourront pas accéder à ces services.

Je sais que l'on veut un vote conforme mais ne pourrait-on prévoir, dans un décret, que pour ces quelques places, le stationnement soit gratuit mais limité à moins de douze heures ?

Mme Claire-Lise Campion, rapporteure.  - Votre préoccupation est légitime ; la proposition de loi ne doit pas conduire à des situations de blocage. Le Sénat est conscient de cet enjeu : en première lecture, il a prévu une limitation à douze heures. Faut-il aller plus loin ? Je ne le pense pas. Le risque d'abus est très limité. Le principe de gratuité s'applique déjà dans de nombreuses villes sans que cela ne pose de difficulté majeure. Ne dénaturons pas la proposition de loi, qui a pour but d'aider concrètement nos concitoyens en situation de handicap. Douze heures, c'est un seuil équilibré.

Enfin, l'amendement est trop imprécis pour être opérationnel. Qu'est-ce qui ressort exactement de la santé publique ? Pourquoi seulement la santé publique ? Ce sera source de contentieux. Retrait ? À défaut, avis défavorable.

Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État.  - Je comprends l'intention, louable, de cet amendement mais je partage la position de la rapporteure. Dès lors que le texte de loi précise noir sur blanc que la durée ne peut être supérieure à douze heures, le décret devra s'y conformer.

Mme Catherine Procaccia.  - Je sais que l'on veut un vote conforme mais j'attendais une autre réponse. Ma ville, qui est la deuxième plus dense de France, a une maison de santé avec des médecins de garde, des pharmacies de garde, pour lesquels nous avons créé des places spécifiques pour les handicapés. Douze heures, cela ne correspond à rien ! Il ne s'agit pas d'aller à la bibliothèque mais de consulter, d'acheter des médicaments. Si l'on reste douze heures sur un emplacement, on empêche des personnes handicapées de se rendre chez le médecin en cas d'urgence !

M. Didier Guillaume.  - Cette proposition de loi ne vise qu'une chose : avancer, faire un pas. Avec ce texte, on évite à la personne handicapée de devoir retourner à l'horodateur toutes les deux heures...

Certes, la situation reste difficile à Paris ou en Ile-de-France. J'en suis conscient : si toutes les places sont occupées, il y a un problème indéniable. Mais ne considérons pas que les personnes handicapées vont vouloir gruger ! Elles veulent être considérées comme des personnes à part entière, dans une société inclusive. Donnons-leur une bouffée d'oxygène ; allons vers l'accessibilité universelle, pierre après pierre, marche après marche. Merci à la ministre, les Adap sont un vrai progrès. Petit à petit, nous y arriverons !

M. André Reichardt.  - Le groupe UMP votera évidemment cette proposition de loi. Mais permettez-moi de voler au secours de Mme Procaccia. (Sourires) On sait bien que les places handicapées sont insuffisamment nombreuses ; elles ont été judicieusement installées, à proximité d'endroits stratégiques, comme les établissements de santé. Le but est que les gens puissent tourner. A tout le moins, menons la réflexion pour faire oeuvre utile.

Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État.  - Vous craignez qu'une place réservée devant une maison de santé soit bloquée pendant douze heures. Soit il s'agit réellement d'une personne handicapée, reconnue par les médecins des MDPH, tous les handicaps n'étant pas visible à l'oeil nu ; soit il s'agit d'une utilisation frauduleuse. Des contrôles sont effectués régulièrement. Je le sais pour avoir été alertée par des personnes handicapées verbalisées parce qu'elles avaient apposé une photocopie de leur carte, et non leur carte, sur leur pare-brise. Avec le nouveau modèle de carte, moins falsifiable, et la sensibilisation des forces de l'ordre, le cas devrait être limité.

Il me paraît délicat de faire une exception à la règle des douze heures minimales : vous ouvrez une porte... Les personnes en situation de handicap ont une responsabilité citoyenne, comme tout le monde, elles n'emboliseront pas une place de stationnement !

Mme Claire-Lise Campion, rapporteure.  - Le constat que nous pouvons faire dans les villes qui pratiquent déjà la gratuité du stationnement est rassurant. Cette proposition de loi améliorera la vie quotidienne de nos concitoyens ; ne retardons pas son application. Nous pourrons toujours revenir sur le sujet si le problème se pose. Retrait ?

Mme Catherine Procaccia.  - Soit, en attendant le prochain texte de Didier Guillaume ! (Applaudissements sur les bancs socialistes)

L'amendement n°1 est retiré.

M. le président.  - Je vais mettre aux voix l'article premier qui est désormais l'article unique de ce texte. Le vote vaudra donc pour l'ensemble de la proposition de loi.

Intervention sur l'ensemble

M. Philippe Bas .  - Que de progrès en deux ans ! Lorsque je défendais un amendement prévoyant la gratuité du stationnement pour les personnes handicapées, Mme Lebranchu m'avait répondu que c'était faire obstacle à la libre administration des collectivités locales... Malheureusement, le Sénat ne m'avait pas suivi, à l'époque. Je me réjouis donc qu'il adopte, aujourd'hui, cette disposition de bon sens. Le système actuel entrave la circulation des personnes handicapées en voiture : si la gratuité n'est pas générale, la personne handicapée ne pourra s'assurer que le stationnement est réellement gratuit sans se rendre à l'horodateur -ce que nous voulons précisément éviter ! Je voterai ce texte.

L'article unique de la proposition de loi est adopté.

La proposition de loi est définitivement adoptée.