Disponible au format PDF Acrobat


Vous pouvez également consulter le compte rendu intégral de cette séance.


Table des matières



Questions orales

Couverture mobile du territoire (I)

M. Pierre Médevielle

Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique, chargée du numérique

Couverture mobile du territoire (II)

Mme Gisèle Jourda

Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique, chargée du numérique

Chancre coloré

M. Roland Courteau

Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique, chargée du numérique

Situation des chantiers STX de Lorient

M. Michel Le Scouarnec

Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique, chargée du numérique

Devenir de l'entreprise Sanofi

M. Pierre Laurent

Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique, chargée du numérique

Le burn-out, maladie professionnelle ?

M. Yannick Vaugrenard

M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement

Trains d'équilibre du territoire

M. Alain Joyandet

M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement

Services publics en zone rurale

M. Bernard Fournier

M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement

Le règlement Reach et la production de plantes à parfum françaises

M. Jean-Yves Roux

M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement

Situation de l'hôpital d'Apt

Mme Delphine Bataille, en remplacement de M. Claude Haut

Mme Laurence Rossignol, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, chargée de la famille, des personnes âgées et de l'autonomie

Formation des masseurs-kinésithérapeutes

Mme Delphine Bataille

Mme Laurence Rossignol, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, chargée de la famille, des personnes âgées et de l'autonomie

Situation de l'hôpital Foch de Suresnes

M. Philippe Kaltenbach

Mme Laurence Rossignol, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, chargée de la famille, des personnes âgées et de l'autonomie

Financement des Ehpad

M. Jacques Genest

Mme Laurence Rossignol, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, chargée de la famille, des personnes âgées et de l'autonomie

Sécurité sociale des travailleurs frontaliers

M. Cyril Pellevat

Mme Laurence Rossignol, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, chargée de la famille, des personnes âgées et de l'autonomie

Fermeture de la trésorerie de Mourmelon-le-Grand

M. Yves Détraigne

M. Christian Eckert, secrétaire d'État auprès du ministre des finances et des comptes publics, chargé du budget

Désamiantage dans les logements sociaux

Mme Dominique Estrosi Sassone

M. Christian Eckert, secrétaire d'État auprès du ministre des finances et des comptes publics, chargé du budget

Femmes et jeunes enfants ayant besoin de soutien

Mme Dominique Gillot

M. Christian Eckert, secrétaire d'État auprès du ministre des finances et des comptes publics, chargé du budget

Permis de construire

M. Michel Houel

M. Christian Eckert, secrétaire d'État auprès du ministre des finances et des comptes publics, chargé du budget

Usurpation de plaques d'immatriculation

Mme Catherine Procaccia

M. Christian Eckert, secrétaire d'État auprès du ministre des finances et des comptes publics, chargé du budget

Mise au point au sujet d'un vote

Éloge funèbre de Jean-Yves Dusserre

M. Gérard Larcher, président du Sénat

M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement

Création d'une commission d'enquête

Élection à l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe (Ouverture des scrutins)

Règlement des différends entre investisseurs et États (Proposition de résolution européenne)

Discussion générale

M. Michel Billout, auteur de la proposition de résolution

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur de la commission des affaires économiques

M. Jean Bizet, président de la commission des affaires européennes

M. Matthias Fekl, secrétaire d'État auprès du ministre des affaires étrangères et du développement international, chargé du commerce extérieur, de la promotion du tourisme et des Français de l'étranger

M. Claude Kern

M. Daniel Raoul

M. André Gattolin

M. Éric Bocquet

M. Jacques Mézard,

M. Jean-Baptiste Lemoyne

M. Matthias Fekl, secrétaire d'État

Intervention sur l'ensemble

Mme Nicole Bricq

Élection à l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe (Résultat des scrutins)

Demande d'avis sur une nomination

Représentation équilibrée des territoires (Proposition de loi constitutionnelle)

Discussion générale

M. Philippe Bas, co-auteur de la proposition de loi constitutionnelle

M. Hugues Portelli, rapporteur de la commission des lois

M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement

Mme Esther Benbassa

M. Philippe Kaltenbach

M. Philippe Adnot

Mme Éliane Assassi

M. Jacques Mézard

M. François Zocchetto

M. Bruno Sido

M. Gérard Bailly

M. Hervé Maurey

Mme Nicole Duranton

M. Jean-Jacques Lasserre

M. François Bonhomme

M. Jacques Genest

Discussion des articles

ARTICLE PREMIER

Dépôt de documents

Ordre du jour du mercredi 4 février 2015

Analyse des scrutins publics




SÉANCE

du mardi 3 février 2015

58e séance de la session ordinaire 2014-2015

présidence de M. Jean-Claude Gaudin, vice-président

Secrétaires : M. Jean Desessard, Mme Valérie Létard.

La séance est ouverte à 09 h 30.

Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu intégral publié sur le site internet du Sénat, est adopté sous les réserves d'usage.

Questions orales

M. le président.  - L'ordre du jour appelle dix-neuf questions orales.

Couverture mobile du territoire (I)

M. Pierre Médevielle .  - Ma question n'est pas très originale mais récurrente. La couverture en téléphonie mobile est très insuffisante dans le sud du département de Haute-Garonne, comme dans les Hautes Pyrénées, les Pyrénées orientales ou les Pyrénées atlantiques.

Il est souhaitable que le gouvernement fasse pression sur les opérateurs de téléphonie mobile, afin que l'on raisonne en pourcentage du territoire couvert et non en pourcentage de la population. Les territoires enclavés et éloignés des pôles d'activités sont pénalisés : l'accès aux télécommunications est un facteur indispensable à leur développement économique et touristique.

Cette carence, inadmissible, pose de sérieux problèmes pour l'organisation des secours et les soins médicaux d'urgence, notamment en montagne.

Quelles sont les mesures que peut prendre le gouvernement, afin de mettre en place une couverture sinon intégrale, du moins meilleure du territoire ?

Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique, chargée du numérique .  - Avec France Très Haut Débit, le gouvernement a lancé un plan ambitieux pour déployer de nouveaux réseaux fixes d'accès à internet. Ce déploiement rend encore plus criant les défauts de couverture du réseau de téléphonie mobile. La colère de nos concitoyens est légitime.

Aucun territoire ne doit être oublié, afin que les territoires ruraux ne soient pas pénalisés. Notre couverture mobile est plutôt meilleure que celle de nos voisins : fin 2013, les opérateurs couvraient 99,9 % de la population en 2 G et plus de 99 % en 3 G. Mais ces chiffres ne correspondent pas au ressenti, les usagers étant sensibles aux coupures et aux pannes. Le président de l'Arcep entend travailler à de nouveaux indicateurs, plus représentatifs de la réalité.

Rien n'avait été fait depuis 2008. J'ai relancé l'action du gouvernement avec l'objectif de couvrir les 170 communes sans aucune couverture mobile ; répondre aux besoins non seulement des centres bourgs mais aussi des zones rurales ; offrir un accès à l'internet mobile en 3 G dans les territoires ruraux. Nous travaillons avec l'Arcep, les collectivités territoriales et les opérateurs pour couvrir les zones grises en 3 G.

M. Pierre Médevielle.  - Je suis ravi que le gouvernement ait pris la mesure du problème, du décalage entre le taux de couverture affiché par les opérateurs et la réalité vécue par nos concitoyens.

Couverture mobile du territoire (II)

Mme Gisèle Jourda .  - Ma question porte sur le même sujet. Depuis 2004, de nombreuses initiatives départementales, régionales et intercommunales ont permis de résorber la majorité des zones blanches dans l'Aude. Je salue l'investissement du conseil général dans le programme national. Le premier rapport du comité interrégional pour le développement et l'aménagement des Pyrénées a identifié dix-sept communes en zone blanche en 2012. Mais, en vérité, une quarantaine, sinon plus, de communes sont concernées.

Le syndicat audois d'énergies a été chargé d'achever le programme départemental de résorption des zones blanches. La réalisation des infrastructures de téléphonie mobile est suspendue à l'acceptation des opérateurs. À Marquein, les travaux d'alimentation électrique du site ont été engagés et permettront de couvrir treize autres communes, mais, à ce jour, les négociations avec SFR n'ont pas abouti.

Le défaut de couverture en téléphonie mobile est d'autant plus problématique que la distribution de la téléphonie fixe est régulièrement déficiente, surtout dans l'arrière-pays rural. L'absence d'entretien des lignes, pour ne pas dire leur abandon, provoque très régulièrement des coupures prolongées, parfois de trois semaines, qui, dans les secteurs ruraux, peut mettre en danger la vie d'autrui, notamment en cas d'accident, ou pour les personnes âgées maintenues à domicile. Disposer de moyens élémentaires de communication est devenue un facteur incontournable de développement et de sécurité.

Quelles mesures entendez-vous prendre pour que les opérateurs téléphoniques mettent un terme à ces situations et répondent enfin à leurs obligations ?

Lors des Assises de la ruralité, Mme Pinel a annoncé un plan pour la résorption des zones blanches et grises, dont le détail doit être connu courant février. Nos attentes sont grandes.

Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique, chargée du numérique .  - Le gouvernement entend les attentes des citoyens et a fait du numérique une de ses priorités. Le plan France Très Haut Débit a été engagé. Il faut aussi entretenir le réseau fixe et s'interroger sur la qualité du réseau mobile, alors que le ressenti des citoyens ne correspond pas aux statistiques des opérateurs.

Orange, prestataire du service universel, doit respecter un cahier des charges, qui induit l'entretien du réseau. Le réseau se dégrade, le gouvernement comme l'Arcep ont été alertés. Le régulateur a lancé deux enquêtes administratives en mai 2014 ; à leur suite, Orange s'est engagé le 28 novembre à respecter un plan d'amélioration de la qualité de service sur le réseau fixe, avec des moyens supplémentaires pour les unités d'intervention, une anticipation des dégradations futures et un renforcement de l'information des collectivités territoriales en cas de défaillance, notamment en période de crise. Des lignes dédiées pour les élus locaux ont été mises en place - encore faut-il qu'elles fonctionnent... Je serai vigilante pour que ce plan d'amélioration de la qualité se mette en oeuvre.

En parallèle, un nouveau programme de couverture en téléphonie mobile est en cours d'élaboration. Je souligne l'engagement de votre département mais il ne peut agir seul. Mon programme vise à couvrir les 170 communes non couvertes en 2 G, à répondre aux manques évidents du précédent programme de résorption des zones blanches et à faire en sorte que l'objectif de couverture en 3 G de 3 900 communes, qui devait être atteint fin 2013, le soit le plus rapidement possible. Le gouvernement et l'Arcep seront attentifs à ce que les opérateurs respectent leurs engagements, notamment dans l'Aude.

Mme Gisèle Jourda.  - Merci. Il faut prendre en compte non seulement les communes identifiées par l'Arcep, mais toutes les communes non couvertes.

Chancre coloré

M. Roland Courteau .  - Le chancre coloré a déjà touché plusieurs milliers de platanes parmi les 40 000 qui longent le canal du Midi entre Toulouse et Sète. Cette maladie étant très contagieuse, près de 4 000 arbres ont été abattus en 2014, 10 000 depuis 2011. Dès lors, en de nombreux endroits, la voûte végétale du canal du Midi, inscrit par l'Unesco au patrimoine de l'humanité, a disparu, tandis que le champignon continue de progresser ailleurs.

Depuis plusieurs mois, une solution alternative à l'abattage est étudiée, la micro-injection de fongicide dans les troncs. La DGAL est favorable au principe. Un protocole a été soumis à l'Anses le 20 octobre 2014. Nous attendons toujours le feu vert du ministère de l'agriculture... Il devient urgent de lancer cette expérimentation sinon il n'y aura plus d'arbres à sauver... Oui ou non, le ministère de l'agriculture donnera-t-il rapidement son feu vert ?

Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique, chargée du numérique .  - Je vous prie d'excuser M. Le Foll, retenu à l'Assemblée nationale.

Le chancre coloré est une maladie grave présente dans tout le sud de la France contre laquelle la lutte est obligatoire. Elle continue de progresser. Le ministère de l'agriculture est attentif à des solutions alternatives à l'abattage. Une méthode d'injection de produits phytosanitaires fongicides dans le tronc est en cours d'examen. Les résultats sont encourageants mais si le traitement freine la propagation de la maladie, il ne tue pas le ravageur. L'expérimentation va se poursuivre. En attendant, la poursuite des abattages est malheureusement la seule mesure propre à ralentir la progression du chancre.

M. Roland Courteau.  - Cette réponse ne me satisfait pas. Depuis plus d'un an, nous attendons le feu vert du gouvernement pour lancer l'expérimentation. Pourquoi ce délai, alors que nous sommes engagés dans une course de vitesse pour sauver les 40 000 platanes du canal du Midi, classé par l'Unesco ? Cela ne mérite-t-il pas plus d'attention et de réactivité ?

Situation des chantiers STX de Lorient

M. Michel Le Scouarnec .  - La situation des chantiers STX de Lorient est délicate. La direction a engagé un plan de licenciement collectif de 47 personnes, soit 50 % des effectifs. Le carnet de commandes est insuffisant, alors que les personnels ont fait la preuve de leur grande compétence. Ils ont proposé un projet alternatif au plan social, moins coûteux que celui-ci, centré sur la formation professionnelle et la construction de panneaux armés pour paquebots et de barges. La région Bretagne est prête à accompagner ce plan.

Comment l'État peut-il venir en aide à STX et à toutes les entreprises du secteur ? Après la rencontre avec une délégation du personnel à Matignon et au ministère de la défense le 8 janvier, quels engagements concrets pouvez-vous prendre pour leur apporter un peu d'espoir ?

Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique, chargée du numérique .  - STX Lorient est une filiale de STX France SA, spécialisée dans la construction de patrouilleurs militaires et de prototypes ; elle emploie 94 salariés.

Depuis 1994, elle a construit trente navires et le savoir-faire de ses salariés est reconnu. Mais aucune commande n'a été enregistrée depuis juillet 2013. Une adaptation de l'outil industriel semble donc nécessaire. La chaudronnerie pourrait être une piste. La maison mère a injecté dix-huit millions d'euros l'an dernier. Ce plan implique malheureusement la suppression de 47 postes. Tout sera mis en oeuvre pour en limiter les effets. Il faudra veiller à privilégier les reclassements internes pour limiter au maximum les licenciements.

La société est candidate après l'appel d'offres lancé par le conseil général pour un navire de desserte de l'île de Groix. L'État ne peut intervenir dans pareil processus, mais le gouvernement sait les élus particulièrement impliqués.

M. Michel Le Scouarnec.  - Rien ne garantit que la société STX Lorient remportera l'appel d'offres... Les salariés, dont la compétence est reconnue, sont inquiets. Vous ne leur avez apporté aucune assurance. L'État doit soutenir STX Lorient.

Devenir de l'entreprise Sanofi

M. Pierre Laurent .  - Sanofi représente 30 à 40 % du potentiel national de l'industrie pharmaceutique française. Son résultat net a été de 6,8 milliards d'euros en 2013 et devrait progresser de 5 % en 2014. Sa rentabilité est parmi les meilleures de l'industrie pharmaceutique dans le monde. Elle est parmi les premières capitalisations boursières au CAC 40.

Or elle a reçu, en 2013, 136 millions d'aides publiques, CICE et crédit d'impôt recherche (CIR) ... Dans le même temps, Sanofi redistribue une grande part de ses bénéfices aux actionnaires... et a supprimé plus de 5 000 emplois depuis 2008. Ces licenciements ont été grandement facilités par la loi du 14 juin 2013 prétendument relative à la sécurisation de l'emploi. La direction ferme et cède des sites et des activités sans se soucier ni des salariés, ni de la sécurité sanitaire, ni même de l'indépendance thérapeutique du pays et du maintien de son potentiel scientifique et industriel. Nombre de salariés et leurs représentants exigent un véritable contrôle des fonds publics versés à l'entreprise, CICE et CIR. Les pouvoirs publics doivent s'opposer aux suppressions d'emploi décidées par la direction.

Voilà longtemps que nous prônons l'abrogation de la loi dite de sécurisation de l'emploi et l'interdiction des licenciements boursiers, c'est-à-dire les suppressions d'emploi dans les entreprises bénéficiaires qui distribuent largement leurs profits à leurs actionnaires. Que compte faire le gouvernement pour mettre fin à cette situation, qui plus est dans un secteur stratégique pour le pays ?

Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique, chargée du numérique .  - Sanofi est le troisième groupe mondial dans son secteur. 80 % de la production de ses sites français sont tournés vers l'exportation ; un tiers de sa production a lieu en France, 40 % de la recherche et développement.

Depuis 2012, un plan de réorganisation a été lancé. Nous resterons attentifs à l'évolution des engagements pris par Sanofi sur la pérennité de deux sites touchés. A Toulouse, le gouvernement a été très pro-actif, de sorte que le plan a été revu dans une logique de départs volontaires, de mobilités internes et de contre parties pour les salariés et les territoires. Sanofi a annoncé récemment être en négociation exclusive avec la société allemande Evotec pour la reprise des plateformes de recherche et technologie et la création d'un bioparc ; Sanofi s'engage à hauteur de 250 millions sur cinq ans. Le ministère suit le dossier avec attention. Le site de Quetigny a été cédé au façonnier Delpharm. Un programme d'investissement significatif est prévu par cette société et Sanofi s'engage par un contrat de commandes sur sept ans. Ce transfert permet de garantir l'emploi des 350 salariés employés directement sur le site.

Nous souhaitons que Sanofi prépare son avenir en France. Elle a annoncé que dix-huit produits seront lancés d'ici à 2020, soit 30 milliards de ventes potentielles. Le gouvernement veillera à ce que le « site France » contribue de manière significative à la réussite de ce beau groupe français.

Faut-il abroger la loi de sécurisation de l'emploi ? L'ANI du 11 janvier 2013 a réformé la procédure de licenciement collectif en donnant la priorité au dialogue social. Les nouvelles règles, qui ont été soutenues par les partenaires sociaux, visent à prévenir les conflits et à créer un nouvel espace de négociation : 75 % des plans de sauvegarde de l'emploi sont négociés ; 61 % des décisions administratives concernent des accords majoritaires, seuls 7 % des plans de sauvegarde de l'emploi font l'objet d'un contentieux.

M. Pierre Laurent.  - Derrière les chiffres officiels, la réalité est plus complexe. Vous n'avez pas répondu sur le contrôle des aides publiques. Le rôle de l'État est-il simplement d'accompagner la vente par Sanofi de ses sites à des entreprises étrangères et d'aider au reclassement des salariés ? Ce que nous voulons, c'est sauver notre potentiel industriel et les emplois.

Quid de l'efficacité des fonds publics, CICE et CIR ? A notre demande une commission d'enquête sur l'utilisation du CIR, que présidera Mme Gonthier-Maurin, a été créée au Sénat.

Le bilan de la loi de 2013 est loin d'être convaincant. Elle a accéléré les procédures et privé les salariés de moyens de contre-expertise. Nous ne demandons pas que les plans de sauvegarde de l'emploi soient mieux organisés mais que l'hémorragie industrielle soit arrêtée. Autant dire que votre réponse est très loin de me rassurer...

Le burn-out, maladie professionnelle ?

M. Yannick Vaugrenard .  - L'épuisement professionnel ou burn-out concerne potentiellement trois millions de salariés. Il faut le reconnaître comme maladie professionnelle. Une proposition de résolution du groupe socialiste à l'Assemblée nationale a été déposée en ce sens. Le groupe de travail sur les risques psycho-sociaux rendra bientôt son rapport. Quelles sont les orientations du gouvernement ? Quand sera lancée l'enquête qu'il a annoncée ?

M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement .  - Je vous prie d'excuser l'absence de M. Rebsamen.

Le gouvernement est sensible au sujet et à l'écho qu'il suscite dans l'opinion. Les interpellations portent sur la reconnaissance du caractère professionnel du burn-out, et plus précisément de certaines pathologies, comme la dépression. Des travaux sont en cours avec les partenaires sociaux pour élaborer une typologie qui permette cette reconnaissance. La priorité doit toutefois être la prévention. Une réflexion est en cours dans le cadre du troisième plan de santé au travail.

M. Yannick Vaugrenard.  - Merci. Le burn-out est la maladie des temps modernes. Il faut en traiter à la fois les effets et les causes. À quelle échéance le burn-out pourra-t-il être reconnu comme maladie professionnelle ? Il faut prévenir mais aussi guérir, il est important que cette maladie soit reconnue.

Trains d'équilibre du territoire

M. Alain Joyandet .  - Les trains d'équilibre du territoire (TET) sont une alternative intéressante aux lignes à grande vitesse ; pour les usagers, les tarifs varient du simple au double. Ils sont 100 000 chaque jour à emprunter les 40 lignes existantes.

La ligne ferroviaire n°4 Paris-Belfort, qui relie plusieurs départements de l'est de la France, importante pour l'aménagement du territoire, est menacée. Plus généralement l'avenir des TET est incertain. La commission présidée par Philippe Duron a été chargée d'y réfléchir. La volonté de l'État de transférer leur gestion aux régions inquiète usagers et élus. En outre, l'ouverture de nouvelles lignes de transport en autocar risque d'accroître leur fragilité.

En 2016, une nouvelle convention d'exploitations des trains d'équilibre du territoire sera proposée. Quelles sont les intentions du gouvernement à l'égard des lignes TET, et de la ligne n°4 en particulier ?

M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement .  - Je vous prie d'excuser M. Vidalies.

Depuis 2010, l'État est l'autorité organisatrice des TET. L'offre est très hétérogène ; la forte imbrication avec le réseau TER exige une clarification des services dans un contexte de ressources contraintes. Une commission comprenant des parlementaires, des élus régionaux et des experts a été mise en place, sous la houlette de Philippe Duron ; elle se penchera sur l'articulation des TET avec les autres services de transport ferroviaire et les nouvelles formes de mobilité. Elle rendra ses conclusions en mai, qui pourront contribuer à l'élaboration du schéma national des services de transport. Le gouvernement s'est engagé à financer 34 rames Régiolis, qui seront notamment déployées sur la ligne n°4. Nous ferons le point régulièrement de la qualité de service sur les lignes.

M. Alain Joyandet.  - La disparition des 800 millions d'euros de l'Écotaxe nous inquiète, l'avenir des lignes TET passe par leur modernisation.

Ce matin, un billet Vesoul-Paris en TET coûte 50 euros ; en TGV, le double... Il est indispensable pour nos concitoyens de préserver ces lignes.

Services publics en zone rurale

M. Bernard Fournier .  - Il faut maintenir une véritable offre de services publics et de services au public en zone rurale. L'accès aux services publics est un aspect déterminant de la politique d'aménagement du territoire. Il faut arrêter le délitement et l'éloignement des services publics qui sont l'armature de nos territoires. Les regroupements à l'échelon supérieur se font systématiquement au détriment de la qualité du service rendu, sans pour autant réduire les coûts.

Les politiques successives ont détricoté toujours un peu plus les services publics. Dans la Loire, les trésoreries qui constituaient le réseau de proximité ont fermé, à Belmont-de-la-Loire, ou sont menacées, à Saint-Jean-Soleymieux. Les bureaux de poste sont également concernés -  celui de Sail-sous-Couzan a disparu -, certes remplacés parfois par des agences postales communales, mais les conditions des services changent. Les antennes locales des CAF ne sont pas épargnées.

En outre, la désertification médicale est particulièrement inquiétante. Enfin, il convient de promouvoir une école rurale de qualité. C'est un critère déterminant dans l'installation des familles.

Repensons la proximité et l'accessibilité des services publics avant de toucher au maillage territorial. C'est l'équilibre trouvé localement qui garantira un service efficace et de qualité pour les habitants des communes rurales. Quelles sont les intentions du gouvernement en la matière ?

M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement .  - Je vous prie d'excuser Mme Pinel, retenue à l'Élysée.

L'accès aux services publics est déterminant pour la politique d'aménagement du territoire. Les maisons des services au public (MSAP) rassemblent en un lieu unique des agents qualifiés, des outils de visio-conférence, qui permettent d'abolir les distances. On compte désormais 363 sites, l'objectif étant de 1 000 en 2017. Une fois la loi NOTRe adoptée, le financement viendra d'un fonds de développement alimenté par l'État et les opérateurs.

La lutte contre la désertification médicale passe par le développement des maisons de santé pluridisciplinaire. Plus de 300 ont été financées entre 2010 et 2013 à hauteur de 30 millions d'euros. En outre, le pacte Territoire-Santé met en oeuvre des contrats de praticien salarié de médecine générale et des bourses pour les internes qui s'engagent à exercer en zone rurale. De nouvelles mesures seront annoncées lors du prochain comité interministériel à l'égalité des territoires.

M. Bernard Fournier.  - Réponse décevante... Le monde rural devrait être au coeur des préoccupations de l'État : ce sont des millions de Français qui sont concernés. La ruralité peut être une chance pour notre pays.

Le règlement Reach et la production de plantes à parfum françaises

M. Jean-Yves Roux .  - La filière lavandicole est inquiète pour sa production et son avenir. Dans les Alpes de haute Provence, les acteurs sont en grande difficulté. Une pétition nationale a déjà été signée par 20 000 personnes.

Le projet de règlement européen Reach prévoit que chaque substance chimique soit enregistrée et que les producteurs en fournissent les données toxicologiques. L'objectif de réduire la présence de produits allergènes est légitime mais qualifier les huiles essentielles issues des plantes de produits chimiques, c'est inconcevable. Il faut distinguer le linalol artificiel, incorporé dans les lessives, et celui contenu naturellement dans l'huile essentielle de lavande. Comment peut-on appliquer un label « toxique » sur un produit tel que l'huile essentielle de lavande. Et exiger des données pour chaque huile est une aberration, elles varient selon le sol et l'ensoleillement...

Les pieds de lavandin sont en outre menacés par une bactérie véhiculée par un insecte, la cicadelle ; des champs entiers ont été ravagés. La sélection variétale peut être une solution, mais cela prendra plusieurs années.

Phare de la Provence, la lavande génère deux milliards d'euros en consommation touristique. En l'état, le règlement Reach peut porter à la filière un coup fatal. Que compte faire le gouvernement pour sauvegarder un secteur si précieux ?

M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement .  - Veuillez excuser Mme Royal. Merci de vous mobiliser pour les producteurs français d'huile essentielle de lavande. Ces productions sont très importantes, pour les paysages du sud tout comme pour l'industrie du luxe. Elles peuvent toutefois être allergènes. Reach prévoit donc l'évaluation et un enregistrement de ces huiles d'ici 2018. Cela peut poser problème à certaines PME. C'est pourquoi nous avons mis en place un help desk, qui assure une hotline quotidienne...

M. le président.  - Ce n'est pas du provençal, tout ça...

M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d'État.  - Oui, quel jargon !

Nous sensibilisons les instances européennes aux difficultés du secteur. Avec une aide financière et une capacité de pilotage associant tous les acteurs, Reach devrait aider les producteurs à valoriser le caractère naturel de leur produit.

M. Jean-Yves Roux.  - Merci. Il est vrai que les producteurs de lavande sont très inquiets.

Situation de l'hôpital d'Apt

Mme Delphine Bataille, en remplacement de M. Claude Haut .  - M. Haut, retenu au Conseil constitutionnel, m'a demandé de le suppléer.

L'agence régionale de santé de Provence-Alpes-Côte d'Azur veut transformer la maternité de l'hôpital d'Apt en centre de périnatalité et en fermer la chirurgie. C'est incohérent et infondé, tant du point du vue économique, géographique qu'humain. Cet établissement a pu rester en équilibre financier malgré les incertitudes qui pèsent sur lui et qui sont responsables des fuites vers d'autres établissements. Dans une région où le coût du transport est de 26 % supérieur à la moyenne nationale, cette décision ne fera qu'accentuer ce différentiel.

Géographiquement ensuite : il est impossible que les 300 accouchements du centre hospitalier puissent être assurés ailleurs dans les mêmes conditions de sécurité. Le centre hospitalier d'Apt reste le dernier hôpital de l'est du département et de l'ouest des Alpes-de-Haute-Provence, avec la maternité de Manosque, elle-même menacée de fermeture. Tout autre choix porterait le temps d'accès pour les parturientes à plus de trente minutes.

Au moment où l'on cherche à combattre la désertification médicale, cette fermeture risque de porter un coup très sérieux à la médecine de ville et un coup fatal au dynamisme de ce territoire. À court terme, c'est le service de maternité qui apparaît le plus menacé de fermeture, alors que des solutions de coopération interhospitalière, entre Avignon, Cavaillon et Apt, sont en train d'être mises en place qui pourraient être étendues aux médecins-obstétriciens.

Pourriez-vous intervenir auprès de l'ARS pour assurer la pérennisation de la maternité et du service de chirurgie de l'hôpital d'Apt ?

Mme Laurence Rossignol, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, chargée de la famille, des personnes âgées et de l'autonomie .  - Je comprends votre inquiétude sur le maintien d'une offre de proximité. La question du temps d'accès à une maternité est centrale, mais elle n'est pas la seule : la sécurité doit primer. C'est au cas par cas que nous devons articuler ces deux exigences. Mme Touraine a confié une mission d'expertise à deux professeurs en médecine, qui remettront leurs conclusions au deuxième trimestre.

Mme Delphine Bataille.  - Merci de ces précisions. Un rapport de la Cour des comptes préconise une recomposition du réseau des maternités, qui cible les structures les plus petites et les plus isolées. N'allons pas pour autant aggraver les inégalités territoriales en matière d'accès aux soins. Le temps d'accès à une maternité pourrait atteindre quarante-cinq minutes dans certains points de la région. Si ce n'est pas le seul critère, ce doit tout de même être un élément déterminant pour une démographie dynamique. C'est pourquoi les petites structures doivent rester une composante essentielle de l'offre de soins.

Formation des masseurs-kinésithérapeutes

Mme Delphine Bataille .  - Depuis plusieurs années, a été engagée la réforme de la formation des masseurs-kinésithérapeutes, accessible sur concours, soit directement après le baccalauréat, soit après une année d'étude universitaire, et qui se déroule sur trois années dans l'un des 42 centres de formation. En février 2013, les ministres de la santé et de l'enseignement supérieur se sont engagés à une réingénierie de la formation initiale de kinésithérapeute sur les bases d'un cursus de quatre ans, reconnu master 1, dont une première année préparatoire qui serait, à terme, universitaire, tout en laissant les universités proposer une offre de formation complémentaire de niveau master 2.

La profession ainsi que les étudiants souhaitent un niveau master 2 pour le métier socle, comprenant quatre ans de formation précédés d'une année de préparation universitaire. Il s'agit de valoriser les années d'études afin que la profession dispose d'une recherche universitaire spécifique, tout en améliorant le statut de la profession au regard de l'harmonisation européenne des formations.

Début décembre, un nouvel arbitrage interministériel a été rendu, qui améliore considérablement les choses. Reste néanmoins le souhait d'atteindre le niveau de master 2.

Mme Laurence Rossignol, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, chargée de la famille, des personnes âgées et de l'autonomie .  - Dès 2012, le gouvernement s'est engagé à intégrer les formations de santé dans le système licence-master-doctorat. Il n'était de fait pas possible de faire tenir en trois ans la formation de masseur-kinésithérapeute. Une formation en quatre ans sera en place dès la rentrée 2015 avec une première année universitaire, soit en santé, soit en sciences et techniques des activités physiques et sportives, soit en biologie. Le concours physique-chimie-biologie sera supprimé au plus tard en 2016.

Mme Delphine Bataille.  - Merci pour cette réponse détaillée et très claire. Cette réforme de la formation présente des avancées notables. Cet arbitrage a effectivement constitué une réelle avancée. Nous restons toutefois vigilants sur les équivalences de diplôme au niveau européen.

Situation de l'hôpital Foch de Suresnes

M. Philippe Kaltenbach .  - Ma question porte sur la situation de l'hôpital Foch de Suresnes. Cette structure privée à but non lucratif participe largement au service public hospitalier dans les Hauts-de-Seine. Les usagers en sont très satisfaits.

En septembre 2012, une mission a été confiée à l'inspection générale des affaires sociales ainsi qu'à l'inspection générale de l'administration sur les rapports entretenus par la fondation Foch, propriétaire de l'hôpital, avec l'association Foch, en charge de sa gestion. Ces deux structures ont été dirigées, durant quinze ans, par le même président. Suite à ces rapports, un administrateur provisoire a été nommé en février 2013 à la tête de l'association, dans l'attente d'une réorganisation et d'une refonte de ses statuts, comme l'a préconisé le ministre de l'intérieur de l'époque. Depuis, les agents de l'hôpital sont dans l'expectative.

La réorganisation institutionnelle de cette structure interviendra-t-elle prochainement ? Il convient d'apporter des réponses aux inquiétudes des agents de l'hôpital, pénalisés par la situation en cours. Derrière la gouvernance, il y a aussi des enjeux financiers.

Mme Laurence Rossignol, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, chargée de la famille, des personnes âgées et de l'autonomie .  - Le gouvernement est attentif au bon fonctionnement de l'hôpital Foch. Le rapport des deux inspections générales préconise une refonte de la gouvernance. Les nouveaux statuts doivent éviter tout conflit d'intérêt entre la fondation et l'hôpital. Ce travail est long et nécessite de nombreux échanges. Nous veillons à l'aboutissement de ce dossier. Maintenant qu'elle a apuré sa dette auprès de l'association, il appartient à la fondation de prendre rapidement position sur les nouveaux statuts. À défaut, l'autorité publique prendra ses responsabilités, afin d'assurer la pérennité de l'hôpital Foch.

M. Philippe Kaltenbach.  - Merci. La position du gouvernement est très claire et très ferme. Les salariés l'auront entendue. La balle est donc dans le camp de la fondation.

Financement des Ehpad

M. Jacques Genest .  - Ma question porte sur le retard - de un à trois ans - dans la signature des conventions tripartites liant les établissements d'hébergement des personnes âgées dépendantes (Ehpad), les conseils généraux et l'État via les agences régionales de santé.

Ces trois parties signent une convention fixant des objectifs à chacun des signataires, qui attribue des moyens aux Ehpad. Les départements financent une partie des dépenses d'aide médico-sociale, et rémunèrent les salariés à 30 %, l'État à 70 %.

Le retard actuel met en difficulté les établissements : les personnes prises en charge entrent plus tard dans les Ehpad, avec un niveau de dépendance supérieur et des besoins de soins plus importants. Les conditions d'accueil sont dégradées et les Ehpad sont contraints de recourir à des postes non financés, ce qui déséquilibre leurs comptes ou les oblige à facturer les frais aux résidents.

Comment comptez-vous faire respecter les échéances tripartites et assurer une réelle prise en charge du cinquième risque ?

Mme Laurence Rossignol, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, chargée de la famille, des personnes âgées et de l'autonomie .  - Plus de 7 000 Ehpad accompagnent près de 600 000 personnes âgées. Les ressources publiques consacrées à ce dispositif représentent 11,5 milliards d'euros dont 7,5 au titre des crédits d'assurance maladie. Grâce à la médicalisation de ces établissements, les 400 000 agents intervenant en Ehpad représentent un taux d'encadrement de 61 ETP pour 100 places. Ce processus, financé par la caisse nationale de solidarité pour l'autonomie, se poursuit : 100 millions d'euros sont budgétés en 2015 dans la loi de financement de la sécurité sociale.

Le co-financement avec les conseils généraux est indispensable pour pouvoir renouveler la convention tripartite. J'ai installé en décembre un groupe de travail en anticipant l'adoption du texte sur le vieillissement. Il a pour but de simplifier la gestion et de moderniser le pilotage des Ehpad, en leur donnant plus d'autonomie. Les dispositions législatives nécessaires seront intégrées dans le projet de loi sur l'adaptation de la société au vieillissement, que vous examinerez en mars.

M. Jacques Genest.  - Les difficultés sont aussi dues à un manque de personnel au niveau de l'ARS. Et, en reculant l'échéance, l'État gagne un peu d'argent.

Sécurité sociale des travailleurs frontaliers

M. Cyril Pellevat .  - La Haute-Savoie compte 70 000 travailleurs qui, chaque jour, traversent la frontière pour occuper un emploi en Suisse. Avec les accords bilatéraux entre l'Union européenne et la Suisse dans les années 2000, les frontaliers français actifs en Suisse bénéficiaient de trois options pour être assurés : l'affiliation au régime d'assurance-maladie suisse, l'affiliation volontaire à la sécurité sociale, ou le recours aux assurances privées. Le droit d'option entre une assurance privée française et le régime général de l'assurance-maladie française, introduit en 2002, a été prorogé en 2006. En effet, l'affiliation à une assurance privée était plébiscitée par 90 % des travailleurs frontaliers. Ce droit d'option a pris fin le 1er juin 2014, et l'affiliation en France se fait désormais uniquement auprès de l'assurance-maladie. Depuis cette date, ce sont 163 000 frontaliers qui basculent dans le système de sécurité sociale français, à la date d'échéance de leur contrat annuel, ou au plus tard le 31 mai 2015.

L'afflux de ces nouveaux inscrits sature les caisses primaires d'assurance-maladie et mobilise un nombre important d'agents : le délai de carence atteint quatre mois dans l'agglomération d'Annemasse. Quelles sont les mesures et les garanties qu'envisage de prendre le gouvernement pour assurer l'inscription des demandeurs frontaliers dans les temps et la délivrance de leurs cartes Vitale dans des délais raisonnables ? Un nouveau sursis à la date du 31 mai serait bienvenu.

Et pour l'accès aux soins de ces nouveaux assurés auprès des médecins traitants français, eux-mêmes saturés dans une zone de désert médical ? Mon épouse a appelé en octobre pour un rendez-vous gynécologique : on lui a répondu de rappeler en décembre, pour un rendez-vous en mars. Six mois d'attente !

Enfin l'article 65 du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2015 prévoit des sanctions pour les personnes qui ne seraient pas affiliées à un régime de sécurité sociale au 1er janvier 2015. Quels aménagements seront prévus pour que ces sanctions ne touchent pas les travailleurs frontaliers ?

Mme Laurence Rossignol, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, chargée de la famille, des personnes âgées et de l'autonomie .  - À l'issue d'un long processus de concertation, le gouvernement a organisé l'extinction du régime spécifique applicable à ces frontaliers. Toutes les garanties leur sont apportées pour que la transition soit facilitée. L'affiliation à la sécurité sociale française est progressive. Des assouplissements sont prévus : le médecin traitant peut ainsi être choisi en Suisse. La validité de la carte européenne d'assurance est de deux ans. L'article 65 de la loi de financement de la sécurité sociale vise les personnes cherchant à se soustraire délibérément à leurs obligations, il ne concerne donc pas les frontaliers, qui doivent prendre attache avec leur caisse primaire.

M. Cyril Pellevat.  - J'ai voulu insister sur la traduction concrète de ces dispositions...

J'ajoute que je m'inquiète de voir les hauts revenus opter pour une installation en Suisse, avant de revenir exercer leur droit d'option en France. J'attire aussi l'attention sur le mode de calcul de la cotisation sur le revenu fiscal de référence.

Fermeture de la trésorerie de Mourmelon-le-Grand

M. Yves Détraigne .  - La décision - encore non officielle - de fermer la trésorerie de Mourmelon-le-Grand, dixième ville de la Marne, n'a pas fait l'objet de concertation. Un an auparavant, la question d'une restructuration des services avait simplement été évoquée par le directeur régional des finances publiques et différentes hypothèses de regroupement avaient été évoquées, sans aller plus avant. Prévoir une fermeture d'ici la fin de l'année paraît déraisonnable puisque les élus n'en ont pas été officiellement informés et qu'il va falloir tenir compte de la carte de l'intercommunalité.

Le transfert du personnel de Mourmelon-le-Grand à la trésorerie de Suippes pose des problèmes d'aménagement, puisqu'il n'y aurait pas d'espace autre que les sous-sols de la maison des associations de la commune pour les accueillir.

En tout état de cause, il faudrait que l'on en reste à la demi-mesure actuelle et que la fermeture de la trésorerie de Mourmelon-le-Grand reste partielle.

M. Christian Eckert, secrétaire d'État auprès du ministre des finances et des comptes publics, chargé du budget .  - La fermeture de cette trésorerie a été précédée de deux ans de concertation menée par le directeur régional des finances publiques. Si l'objectif d'une présence locale est au coeur des choix du gouvernement, la direction générale des finances publiques peut être conduite à adapter son réseau, dans un souci d'aménagement du territoire, quitte d'ailleurs à ouvrir de nouveaux centres. Les élus locaux et nationaux sont systématiquement consultés.

La fermeture de la trésorerie de Mourmelon a été discutée, notamment lors de la dernière réunion avec les élus le 28 novembre 2014, à Suippes. Cette trésorerie ne comptait que deux agents ; ses missions sont désormais assurées à Suippes et à Verzy. Des permanences bihebdomadaires seront mises en place en mairie de Mourmelon-le-Grand pour les personnes qui ne pourraient se déplacer. Quant aux difficultés d'aménagement que vous avez évoquées, elles sont provisoires.

M. Yves Détraigne.  - Le service minimum mis en place doit être maintenu. Il y a une réelle activité autour de cette petite ville. Le territoire concerné est vaste. Ne fermons pas totalement les services de la trésorerie de Mourmelon.

Désamiantage dans les logements sociaux

Mme Dominique Estrosi Sassone .  - Ma question porte sur le surcoût lié aux opérations de désamiantage dans le parc des HLM. Depuis le 1er juillet 1997, la législation interdit toute construction de logement contenant de l'amiante. Mais 80 % des permis de construire de logements sociaux ont été délivrés avant cette date. Quelque 3,1 millions de logements collectifs sont donc susceptibles de contenir des traces d'amiante. Les codes de la santé et du travail protègent les habitants et les professionnels du bâtiment mais, en contrepartie, les organismes HLM doivent faire face à une forte hausse du prix des travaux de rénovation. L'Union sociale pour l'habitat chiffre ce surcoût à 2,3 milliards d'euros par an, soit l'équivalent de 120 000 constructions ou 400 000 rénovations.

Depuis 2001 jusqu'à la loi Alur, la législation a été renforcée. Le seuil d'exposition passif aux poussières d'amiante a été abaissé, les règles d'information des habitants et des intervenants ont été élargies. Un décret du 4 mai 2012 a changé la méthode de mesure de l'empoussièrement.

Lors du congrès des HLM de septembre 2014, la ministre a annoncé une enveloppe de 10 000 euros par logement, via un prêt de la Caisse des dépôts et consignations, à hauteur de 40 000 logements par an. Comment mettre en pratique ces prêts ? Existera-t-il des critères d'éligibilité ou des conditions d'attribution pour les organismes HLM ? Le gouvernement entend-il créer une structure interministérielle pour harmoniser les actions de désamiantage des logements, sachant que les inspecteurs du travail n'ont pas tous la même interprétation ?

M. Christian Eckert, secrétaire d'État auprès du ministre des finances et des comptes publics, chargé du budget .  - Le gouvernement a la volonté d'engager la rénovation énergétique des bâtiments, ce qui implique des désamiantages. Les surcoûts sont estimés à 2,3 milliards d'euros, vous l'avez dit. La ministre du logement a annoncé la création d'un prêt pour les opérations de désamiantage, à un taux très avantageux, inférieur au taux du livret A. Ce prêt sera plafonné à 10 000 euros pour bénéficier à 50 000 logements. La convention entre l'État et la Caisse des dépôts est en cours de finalisation.

Le gouvernement mobilisera aussi 20 millions d'euros du fonds de compensation assurance-construction pour la recherche et le développement de nouveaux procédés d'extraction robotisée de l'amiante. Un appel à manifestations d'intérêt sera bientôt lancé. Il s'agit de développer des technologies fiables pour réduire les coûts. Une réflexion interministérielle est aussi en cours pour élaborer un programme d'action pérenne.

Mme Dominique Estrosi Sassone.  - . Les opérations sont de plus en plus difficiles à mener dans des sites occupés. Imaginez la réaction des locataires qui voient arriver une équipe de désamiantage équipée en scaphandriers pour retirer le mastic des fenêtres : ils habitent dans ces logements depuis longtemps et ce serait donc si malsain !

Femmes et jeunes enfants ayant besoin de soutien

Mme Dominique Gillot .  - Ma question porte sur la continuité et la sécurisation des politiques publiques en direction des femmes avec enfants de moins de trois ans qui ont besoin d'un soutien matériel et psychologique. Par courrier du 27 octobre 2014, le conseil général du Val-d'Oise informait les associations à caractère social - dont Espérer 95 - de son désengagement du dispositif d'allocation de logement temporaire. Cette perte de 122 428 euros prive les associations partenaires des financements nécessaires à la continuité de leur action. En plein hiver, elles devront assumer leur mission sans avoir le temps de trouver un autre financement.

L'allocation de logement temporaire est une subvention qui permet d'accueillir des personnes éprouvant, en raison de leurs faibles ressources ou de leurs conditions d'existence, des difficultés particulières pour accéder à un logement ou s'y maintenir.

Le conseil général a décidé de se retirer unilatéralement. Aucune concertation, aucune solution transitoire ou d'attente n'a été proposée. Cette annonce risque de mettre - rien que pour l'association Espérer 95 - plus de 72 adultes et 68 enfants à la rue. Elle ajoute donc de la précarité à la précarité et, en bout de chaîne, du malheur au malheur.

Que compte faire l'État ? Il ne faudrait pas que se radicalise le sentiment d'être abandonné par la République.

M. Christian Eckert, secrétaire d'État auprès du ministre des finances et des comptes publics, chargé du budget .  - La ministre du logement est retenue ce matin par la présentation du rapport annuel de la Fondation Abbé Pierre.

La priorité accordée aux femmes avec enfants de moins de trois ans repose sur une articulation très claire des compétences entre l'État et les conseils généraux. Si l'État assume la charge, au titre de l'aide sociale, des familles sollicitant un accueil dans un centre d'hébergement et de réinsertion sociale, le département a des compétences spécifiques de droit commun au titre de l'aide sociale à l'enfance.

À ce titre, sont prises en charge les femmes enceintes isolées ou avec des enfants de moins de 3 ans sans domicile. Le département doit en outre disposer de structures d'accueil.

Depuis quelques mois, nous constatons un désengagement de certains conseils généraux dans la prise en charge de ce public vulnérable. Dans le cadre du contrôle de légalité, le préfet du Val-d'Oise a engagé un recours devant le tribunal administratif à l'encontre de la décision du Conseil général de ne pas appliquer la loi relative à l'hébergement des femmes enceintes et des mères isolées avec leurs enfants de moins de trois ans.

Le dispositif d'aide au logement temporaire, cofinancé à parité par l'État et les organismes de protection sociale, est chargé de couvrir les frais engagés par les organismes qui mettent des logements à disposition des personnes privées de domicile stable. Il n'est aucunement remis en cause. La dépense à la charge de l'État, 39,2 millions en 2015, est maintenue tant au niveau national, que dans le Val-d'Oise. Ce dispositif doit cependant être distingué de l'allocation logement temporaire, qui est un dispositif facultatif mis en oeuvre par le Conseil général du Val d'Oise, et qui est destiné à accorder une participation financière aux associations et centres communaux d'action sociale qui gèrent des structures d'hébergement accueillant ces personnes.

Mme Dominique Gillot.  - L'allocation de logement temporaire est certes une politique facultative du département mais le retrait de son aide accroît les difficultés des plus vulnérables.

Permis de construire

M. Michel Houel .  - La loi Alur prévoit des évolutions significatives dans différents domaines du logement mais aussi sur l'instruction du droit des sols. Or l'État supprime, à partir du 1er juillet 2015, l'appui aux communes de moins de 10 000 habitants actuellement assuré par la direction départementale des territoires. Les communes vont devoir reprendre à leur compte cette instruction, soit en instruisant elles-mêmes la demande, ce qui appelle une vraie compétence technique, soit en déléguant cette compétence à une autre commune ou à un EPCI, soit en la confiant à une agence départementale, l'instruction des autorisations d'urbanisme ne pouvant être réalisée par un bureau d'études. Or les petites communes n'ont pas les moyens d'instruire elles-mêmes les demandes sur une matière très complexe. Le risque est donc d'aboutir à la délivrance de permis tacites.

Le désengagement de l'État engendre un transfert de charges financières non négligeable qui vient s'ajouter à la baisse drastique des dotations aux collectivités locales et au coût des nouveaux rythmes scolaires. Les collectivités n'ont pas de trésor caché sur lequel on peut prélever sans dommage ! Si l'État ne revient pas sur sa décision, il ne reste qu'une solution : supprimer la gratuité du permis de construire et en fixer le prix en pourcentage du coût de la construction. Cela assurerait une véritable égalité entre les territoires, et une transparence financière vis-à-vis des contribuables qui, de toute façon, auront à assumer ce transfert de charges.

M. Christian Eckert, secrétaire d'État auprès du ministre des finances et des comptes publics, chargé du budget .  - L'article 134 de la loi Alur prévoit que l'appui de l'État sera recentré, mais les communes de moins de 10 000 habitants seront toujours aidées. Il s'agit non d'un désengagement de l'État, mais d'un recentrage de ses missions.

La délivrance des permis de construire est une compétence des collectivités territoriales. Une instruction ministérielle du 3 septembre 2014 précise qu'une commune ne peut confier l'ingénierie à un prestataire privé. Une mutualisation entre communes est la meilleure solution, avec un service d'instructions au niveau intercommunal, tout en conservant la signature du maire. Enfin, il n'est pas possible de rendre la délivrance des permis de construire payante, car il s'agit d'un service public administratif.

M. Michel Houel.  - On ne règle pas tout d'un coup, il n'en demeure pas moins que la mutualisation a un coût !

Usurpation de plaques d'immatriculation

Mme Catherine Procaccia .  - Il est urgent de résorber le phénomène persistant des usurpations de plaques d'immatriculation, connu sous le terme « doublette ».

En 2012, les forces de l'ordre recensaient 17 479 délits d'usurpation de plaques d'immatriculation contre 5 079 en 2010, loin des 400 000 cas estimés par les sociétés d'assurance. La procédure de ré-immatriculation, gratuite, est de plus en plus utilisée par les victimes sans que le phénomène en soit pour autant réglé.

Une réflexion a été menée entre les directions ministérielles en charge du dossier, le Défenseur des droits et des associations de défense des conducteurs, mais ses conclusions n'ont pas été suivies d'effets. La meilleure preuve en est la facilité déconcertante avec laquelle un magazine automobile a fait reproduire le numéro d'immatriculation du véhicule officiel du président de la République auprès de plusieurs revendeurs de plaques, ainsi que celle du ministre de l'Intérieur. Plus grave, les frères Kouachi avaient utilisé une doublette parfaite.

L'Agence nationale de traitement automatisé des infractions a recruté quinze fonctionnaires à temps plein pour éviter l'envoi de procès-verbaux injustifiés mais rien n'est fait pour lutter en amont contre ces usurpations. Le gouvernement compte-t-il suivre les recommandations du Défenseur des droits pour réglementer la profession de fabricant de plaques, pour sécuriser leur fabrication et encadrer la vente libre de ces appareils de fabrication sur internet ?

M. Christian Eckert, secrétaire d'État auprès du ministre des finances et des comptes publics, chargé du budget .  - La falsification de fausses plaques est passible de sept ans de prison, 30 000 euros d'amende, le retrait de six points du permis de conduire, lequel peut même être pour trois ans.

Les victimes de doublettes sont mieux accompagnées. Le site de l'Agence nationale de traitement automatisé des infractions comporte une aide en ligne, un système de pré-plainte en ligne est également disponible. On a pu ainsi éviter de devoir recruter de nouveaux agents et le nombre des contraventions a baissé. Le nombre de plaintes en 2013 était de 22 164 ; le nombre de ré immatriculations de véhicules, de 17 840. En 2014, le nombre de falsifications a reculé. Nous n'en restons pas là. Nous réfléchissons à un marquage des plaques par l'État mais cette piste, en vigueur à l'étranger, n'est pas aisément transposable en France. Des radars double-face sont testés, et facilitent la détection des doublettes parfaites, même si, monsieur le président, il ne s'agit pas de pétanque... (Monsieur le président apprécie)

Mme Catherine Procaccia.  - Le nombre des usurpations ne cesse de croître. Vous n'avez rien dit sur le contrôle de certaines machines en vente sur internet.

La question est ancienne, et devient, avec le grand banditisme et le terrorisme, de plus en plus grave. Sans doute les règles en vigueur à l'étranger sont-elles difficilement transposables, mais la situation actuelle n'est pas satisfaisante. Il faut développer la prévention avec des puces sur les plaques par exemple. Est-il normal que nous devions attendre l'envoi d'une contravention pour constater que la plaque d'un automobiliste a été contrefaite ?

Mise au point au sujet d'un vote

Mme Dominique Gillot.  - Dans l'analyse du scrutin n°89 sur la proposition de loi organique relative à Saint-Barthélemy, mon nom a été substitué à celui de mon homonyme Jacques Gillot. Je souhaitais m'abstenir et lui, sénateur de Guadeloupe, voter pour.

M. le président.  - Acte vous est donné de cette rectification.

La séance est suspendue à 12 h 5.

présidence de M. Gérard Larcher

La séance reprend à 14 h 35.

Éloge funèbre de Jean-Yves Dusserre

M. Gérard Larcher, président du Sénat .  - (Mmes et MM. les sénateurs et MM. les ministres se lèvent)

C'est avec une très grande tristesse, et une certaine stupeur, que nous avons appris, le 27 décembre dernier, la brutale disparition de notre collègue Jean-Yves Dusserre, à son domicile de Chabottes, commune qui lui était si chère et qui l'avait vu naître le 1er janvier 1953.

C'est donc avant même d'avoir fêté ses 62 ans que notre collègue nous a quittés. Nous savions certes - il m'en avait fait la douloureuse confidence quelques semaines plus tôt comme à son président de groupe - qu'il luttait depuis plusieurs mois contre la maladie. La volonté de se battre et, espérait-il, de revenir parmi nous plein d'énergie ne l'a jamais quitté, mais son état de santé s'était rapidement dégradé en fin d'année.

Victime d'un malaise lors des cérémonies du 11 novembre à Gap, il avait encore fait l'effort d'une ultime apparition publique le 18 décembre à Briançon, à l'occasion de l'inauguration du pont sur la Durance qui lui tenait tant à coeur...

Nous le savions donc très fatigué mais, comme tous ses proches, nous gardions espoir et n'imaginions pas que le mal contre lequel il luttait, avec la discrétion et le courage qui le caractérisaient, allait l'emporter avec une telle rapidité.

L'annonce de son décès a bouleversé l'ensemble du département des Hautes-Alpes qui s'est trouvé, comme le Sénat, brutalement en deuil, en pleine période de fêtes de fin d'année.

Jean-Yves Dusserre nous avait rejoint au Palais du Luxembourg le 28 septembre dernier, après avoir été durant près de quatorze ans le suppléant de notre collègue - et futur président de l'Assemblée nationale - Patrick Ollier, qui est présent dans nos tribunes.

Les 438 grands électeurs du département des Hautes-Alpes se sont, à l'automne dernier, largement prononcé en sa faveur pour succéder à notre ancien collègue Pierre Bernard-Reymond.

Il avait, tout au long de la campagne sénatoriale, plaidé pour les thèmes qui lui étaient chers en faveur de son département, qu'il s'agisse du développement du tourisme ou de l'économie, du désenclavement du département, sans parler de la question récurrente des éleveurs et du loup.

Dès son arrivée au Sénat, Jean-Yves Dusserre avait su, par sa convivialité, son humanisme et sa finesse d'esprit, gagner la sympathie et le respect de tous par la simplicité, la sincérité et l'enthousiasme de son engagement passionné en faveur de son département, et plus généralement, des territoires ruraux et de la montagne.

Il avait pris toute sa place au sein du groupe UMP - formation politique qu'il avait rejoint dès sa constitution - comme à la commission des affaires sociales, où il était intervenu à l'occasion de la dernière discussion budgétaire sur le logement.

Il avait également participé aux travaux de la nouvelle délégation sénatoriale aux entreprises dont nous avons décidé la création.

Si Jean Yves DUSSERRE n'a malheureusement pas eu le temps de donner toute sa mesure au Sénat de la République, il avait auparavant gravi, durant trente-sept ans de carrière publique et politique, tous les échelons.

Jean-Yves Dusserre était d'abord un homme de consensus, toujours à la recherche des compromis constructifs et à l'écoute des uns et des autres, y compris de ses adversaires politiques qui ne cachaient pas leur sympathie à son égard, comme une reconnaissance pour les décennies de travail accompli au service de son territoire et de son département.

Ces traits de caractère, Jean Yves Dusserre les tenait de la richesse de sa formation et des valeurs qu'il avait reçues. Ses valeurs étaient d'abord celles du monde rural, dont il était l'héritier, par ses parents, viscéralement attaché à l'agriculture de  montagne et à l'élevage, et au développement des stations alpines pour lequel il s'est inlassablement battu .

Après des études secondaires au lycée Dominique Villars puis au lycée Aristide Briand de Gap, le jeune Jean-Yves Dusserre prit la direction d'Aix-en-Provence pour y obtenir une maîtrise en droit en 1976. Cette formation de juriste l'aura servi, tout au long de ses mandats, pour mener une gestion rigoureuse et avisée, à la tête de sa commune puis de son département.

Mais Jean-Yves Dusserre était également un homme de l'entreprise, ayant été responsable d'une société pendant sept ans, puis à nouveau d'une structure commerciale pendant près d'une décennie. Cette école a contribué à forger son approche pragmatique de la politique et des réalités économiques de notre pays.

Enfin, l'engagement politique de Jean-Yves Dusserre s'inscrivait dans la droite ligne d'un investissement ancien et constant dans la vie associative, puisqu'il s'était impliqué dès l'adolescence, dans son village de Chabottes, dans de multiples activités de proximité, en présidant aux destinées de diverses associations.

Cette carrière d'élu local avait commencé à 24 ans, lorsqu'il intégra le conseil municipal de sa commune natale. Son dynamisme, son caractère chaleureux, son dévouement le conduisirent à être élu maire deux ans plus tard seulement. Il occupera cette fonction sans discontinuer de 1979 à 2008.

Jean-Yves Dusserre, qui était encore premier adjoint au maire de sa commune, n'oubliera jamais sa passion. Elle lui avait naturellement servi d'ancrage jusqu'à la présidence du Conseil général des Hautes-Alpes.

Il fut successivement : conseiller général de Saint-Bonnet-en-Champsaur en 1992, deuxième vice-président du Conseil général de 1998 à 2001, puis premier vice-président de l'assemblée départementale de 2001 à 2004. C'est finalement en 2008, après avoir patiemment retissé les fils d'une opposition divisée, que Jean-Yves Dusserre accède, à l'issue des élections cantonales de mars 2008, à la présidence du Conseil général.

Il se dévouera dès lors sans compter, avec la passion qui le caractérise, à cette nouvelle mission, qu'il s'agisse du réseau routier, de l'entretien des collèges et bâtiments départementaux, ou de la nouvelle agence départementale de l'économie et du tourisme, sans oublier les relations entre le département des Hautes-Alpes et la Société du Tour de France, qui lui étaient si chères et lui permirent d'obtenir le passage sur son territoire, l'été prochain, de cette compétition de légende.

Le dévouement de Jean-Yves Dusserre pour ses concitoyens, sa passion pour son territoire et pour son département, expliquent les hommages unanimes qui lui ont été rendus au cours des dernières semaines, de ses amis comme de ses « adversaires » politiques.

Le maître-mot de la politique mise en oeuvre par Jean-Yves Dusserre était sans aucun doute celui de proximité. Rester proche de chacun, à l'écoute de ses concitoyens était le meilleur moyen de répondre à leurs besoins. Écoutons-le : « La proximité, c'est ça ma politique ».

Jean-Yves Dusserre aura ainsi, durant près de quarante ans, servi sa commune, son canton puis son département et aura puissamment contribué au développement économique de son territoire et à son rayonnement en France et en Europe.

Tel était aussi l'objectif qu'il visait à travers le mandat sénatorial qui était le sien depuis septembre dernier, et qui s'inscrivait dans la droite ligne de son engagement local.

Écoutons-le encore : « La politique est la meilleure manière d'agir, pour que chaque voix soit entendue et pour que l'équité, la proximité, la solidarité règnent en maître-mots sur notre département rural de montagne dont nous sommes si fiers ».

Ce message, Jean-Yves Dusserre aura su le faire entendre durant quelques mois dans ces murs, au sein du Sénat de la République. Nous ne l'oublierons pas.

La personnalité de Jean-Yves Dusserre et l'action exceptionnelle qu'il a conduite tout au long de sa vie publique justifient que lui soit rendu aujourd'hui, dans notre hémicycle, l'hommage de la République.

À nos collègues du groupe UMP, à ceux de notre commission des affaires sociales, qui perdent aujourd'hui l'un de leurs membres, ainsi qu'à Patricia Morhet-Richaud, qui a la lourde charge de lui succéder, j'exprime notre sympathie attristée.

Mme Dusserre m'a prié de remercier toutes celles et tous ceux qui, sur tous les bancs de cette assemblée, lui ont prodigué des messages de courage et de réconfort. Je lui présente ainsi qu'à ses deux enfants, Sylvie et Hervé, et à chacun de ses petits-enfants, mes condoléances sincères et émues du Sénat de la République et leur dis la peine personnelle que je prends aujourd'hui à leur chagrin.

M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement .  - C'est avec une très grande tristesse que le gouvernement a appris la disparition de Jean-Yves Dusserre, trois mois après son élection au Sénat. La République a perdu un élu sincère et passionné, profondément attaché à son territoire. Fils d'agriculteurs champsaurins, il a regagné le Champsaur dès la fin de ses études de droit à Aix pour devenir conseiller municipal, dès l'âge de 24 ans, puis, maire de Chabottes deux ans plus tard. Élu conseiller général en 1992, il devient vice-président du conseil général en 1998, puis président du conseil général des Hautes-Alpes en 2008.

Il savait rassembler, écouter. Sa sincérité, ses qualités humaines étaient appréciées de tous. Jean-Yves Dusserre a oeuvré sans relâche pour améliorer la vie des Hauts-Alpins. Je rends hommage en particulier à son action en faveur des jeunes. Il était convaincu que la vie publique doit faire vivre les politiques publiques comme laisser place à l'initiative privée.

Il a affronté la dramatique épreuve de la maladie, son courage est pour nous une source d'admiration. Je tiens à présenter les plus sincères condoléances du gouvernement à son épouse, ses enfants, sa famille, à ses collègues des Hautes-Alpes et du Sénat.

M. le président.  - Je vous invite à partager un moment de recueillement en sa mémoire. (Mmes et MM. les sénateurs et MM. les ministres observent une minute de silence)

La séance est suspendue à 14 h 50.

présidence de Mme Jacqueline Gourault, vice-présidente

Secrétaires : M. Jean Desessard, M. Claude Haut, Mme Valérie Létard, Mme Colette Mélot.

La séance reprend à 15 heures.

Création d'une commission d'enquête

Mme la présidente.  - Par lettre en date du 2 février 2015, M. Jean Vincent Placé, président du groupe écologiste, a fait connaître à M. le président du Sénat que le groupe écologiste demande, en application de son droit de tirage prévu à l'article 6 bis du Règlement, la création d'une commission d'enquête sur le coût économique et financier de la pollution de l'air.

La Conférence des présidents sera saisie de cette demande de création lors de sa prochaine réunion.

Élection à l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe (Ouverture des scrutins)

Mme la présidente.  - L'ordre du jour appelle les scrutins pour l'élection d'un membre titulaire et d'un membre suppléant représentant la France à l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe, en remplacement de M. Jean-Marc Todeschini.

En application des articles 2 et 3 de la loi du 23 juillet 1949, la majorité absolue des votants est requise.

Il va être procédé à ces scrutins dans la salle des Conférences, en application de l'article 61 du Règlement.

Pour être valables, les bulletins de vote ne doivent pas comporter, pour chacun des scrutins, plus d'un nom, sous peine de nullité.

J'ai été saisi des candidatures de Mme Maryvonne Blondin, pour siéger comme membre titulaire, en remplacement de M. Jean Marc Todeschini et de M. Jacques Bigot, pour siéger comme membre suppléant, en remplacement de Mme Maryvonne Blondin.

Je prie M. Jean Desessard, Mmes Valérie Létard, Colette Mélot et M. Claude Haut, secrétaires du Sénat, de bien vouloir superviser les opérations de vote et de dépouillement.

Je déclare ouverts les scrutins pour l'élection d'un membre titulaire et d'un membre suppléant représentant la France à l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe.

Ils seront clos dans une heure.

Règlement des différends entre investisseurs et États (Proposition de résolution européenne)

Mme la présidente.  - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de résolution européenne sur le règlement des différends entre investisseurs et États dans les projets d'accords commerciaux entre l'Union européenne, le Canada et les États Unis, présentée, en application de l'article 73 quinquies du Règlement, par M. Michel Billout et plusieurs de ses collègues.

Discussion générale

M. Michel Billout, auteur de la proposition de résolution .  - La proposition de résolution, déposée par mon groupe, amendée, a été adoptée à l'unanimité par la commission des affaires européennes. Ce texte dénonce l'opacité des négociations menées jusqu'à la fin de l'année dernière avecle Canada pour l'Accord économique et commercial global (Ceta) et de celles ouvertes avec les États-Unis depuis janvier 2013 en vue d'établir un partenariat transatlantique de commerce et d'investissement (Ttip).

D'autre part ce texte s'oppose à un projet d'accord prévoyant un mécanisme de règlement privé des différends entre un investisseur et un État. Votre commission des affaires européennes a considéré, en adoptant cette proposition de résolution, que ces négociations représentaient une menace. Nous devons considérer comme un impératif démocratique la transparence de ces négociations. Il subsiste une interrogation sur la nature mixte de ces accords, qui relèvent tant de l'Union européenne que des États membres qui doivent, chacun, les ratifier.

Raison de plus pour que la commission européenne ne cultive pas un secret qui ne fait qu'alimenter les inquiétudes. Le contrôle démocratique, ce n'est pas : « Voici l'accord, à prendre ou à laisser ! ».

C'est pourtant ce qui se passe pour l'accord conclu avec le Canada, qui fait 1600 pages ! Les négociateurs ont achevé leur travail mais il revient maintenant aux citoyens et à leurs représentants de ratifier le traité, de l'amender ou de le rejeter.

M. Daniel Raoul.  - Très bien !

M. Michel Billout, auteur de la proposition de résolution.  - Sur le partenariat transatlantique, le Conseil européen s'est enfin résolu à publier le mandat qu'il avait confié à la Commission. Cet effort de transparence doit être poursuivi. Monsieur le ministre, vous êtes, sur cette ligne, suivi par la nouvelle commissaire européenne au commerce. Nous nous en félicitons mais les textes américains et les documents communs américains et européens restent, hélas, confidentiels.

L'accès aux documents de négociation, classifiés « UE restreints » sera ouvert aux députés européens dans une salle de lecture sécurisée, et la Commission en réduira le nombre, mais la partie américaine reste fermée sur l'accès à ses propres documents.

Cette proposition de résolution est donc une invitation à rester ferme sur la transparence. Le coeur du problème tient à un dispositif d'arbitrage privé auquel un investisseur peut recourir, inspiré de l'arbitrage commercial auquel les entreprises font appel pour les différends contractuels selon l'acronyme anglais ISDS (pour Investor-State Dispute Settlement)... Nous avons de tels accords -  destinés normalement à des pays où l'état de droit est fragile  - avec des pays du sud, mais aussi la Corée, la Chine, voire certains États d'Europe de l'est.

S'il est légitime de dédommager une entreprise victime d'une expropriation directe, qu'entend-on par expropriation indirecte ? Des abus retentissants ont eu lieu : plusieurs entreprises ont obtenu des dédommagements spectaculairement élevés, comme Petroleum contre l'Équateur, Philip Morris contre l'Australie. Une plainte a été déposée par Veolia contre l'Égypte au motif que la nouvelle loi instaurant un salaire minimum contreviendrait à l'accord conclu avec la ville d'Alexandrie pour le traitement des déchets.

Pour nos partenaires d'outre-Atlantique, il s'agit d'harmoniser des règles de protection des investissements dans toute l'Union européenne. L'objectif est d'encourager les investissements croisés, de faciliter la résolution des litiges, enfin de moderniser la protection des investissements. La Commission européenne fait valoir que l'accord avec le Canada présente de nombreuses avancées par rapport aux ISDS bilatéraux existants.

Il est vrai que ces avancées sont certaines. Mais ces modifications ne règlent pas tous les conflits d'intérêt, et renvoient à un hypothétique avenir la création d'une juridiction d'appel.

Aussi, je persiste à penser qu'il nous faut nous opposer à un tel système d'arbitrage, sans fondement, entre États de droit bien établis.

Voulons-nous indemniser des entreprises étrangères pour « compenser » les conséquences de nos choix démocratiques, privilégier une justice privée, applicable aux litiges entre investisseurs ? Le 13 janvier dernier, la Commission européenne a commencé à livrer les premières conclusions de sa consultation de la société civile, qui montrent une grande réserve, voire une franche hostilité.

Il faut progresser sur le droit des États à réglementer, la procédure arbitrale, l'instauration d'un mécanisme d'appel. Les motifs d'opposition sont suffisamment sérieux pour que la ratification des accords sur le Canada se heurte à de sérieuses difficultés. Le jeu est plus ouvert dans la négociation avec les États-Unis. Des règles de protection des investissements doivent reconnaître le droit de l'Europe à mener ses politiques propres en matière industrielle et à préserver ses acquis sociaux, environnementaux et sanitaires.

La résolution suggère d'examiner systématiquement l'opportunité d'adopter un ISDS au lieu de le rendre automatique.

Je vous invite à adopter cette proposition de résolution. (Applaudissements sur les bancs CRC, socialistes, écologistes)

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur de la commission des affaires économiques .  - Je vous prie d'excuser les collègues du groupe UMP, réunis en séminaire, dont l'absence ne traduit nul désintérêt à l'égard d'une question qui suscite beaucoup d'espoirs mais aussi d'inquiétudes, de méfiance, voire d'hostilité.

Concernant le « TTIP », acronyme anglais, le Sénat s'est tôt manifesté, grâce au président Raoul, qui avait rédigé une proposition de résolution, qui mettait en avant deux inquiétudes fortes, sur les produits d'élevage et sur l'exception culturelle.

L'accord entre l'Union européenne et le Canada, le « Ceta », n'a pas fait beaucoup parler de lui, sauf dans les dernières semaines. Mais Daniel Raoul avait voulu aller y voir plus de près en conduisant une délégation au Canada, ce qui nous a permis de rencontrer les responsables fédéraux et provinciaux ainsi que le négociateur canadien, avant la conclusion de l'accord final , un texte volumineux, en cours de traduction, qui viendra un jour devant le Parlement français. Bien sûr, celui-ci doit intervenir dans le processus. La question avait été posée et le gouvernement avait apporté des réponses imprécises, qui furent précisées au cours d'une séance de questions-cribles.

L'érable ne doit pas cacher la forêt !

M. Daniel Raoul.  - Joli !

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur.  - L'accord avec le Canada peut être jugé globalement positif : sur 173 IGP, 42 profitent à la France.

Figurent dans cet accord un assouplissement des règles douanières, qui facilitera les échanges, l'accès aux marchés publics du Canada, estimés à quelque 100 milliards de dollars, la liberté donnée aux cadres d'entreprises, français notamment, de circuler plus facilement dans le cadre de leurs missions professionnelles.

Devons-nous nous engager dans la voie du Ttip pour asseoir les relations économiques entre l'Union européenne et les États-Unis ? La proposition de résolution adoptée à l'unanimité après modification par la commission des affaires européennes a été transmise à notre commission, qui a adopté à l'unanimité le texte qui vous est soumis, qui diffère sur certains points de la proposition initiale.

La transparence et le règlement des conflits sont les deux points essentiels. Tout ne peut être rendu public dans des négociations internationales. Pour autant, la volonté de transparence s'affiche à tous les niveaux.

La nouvelle Commission a voulu que le mandat de négociation soit publié. Son site fait largement écho à tous les travaux en cours. La transparence prévaut sur les discussions sur les services au sein de l'OMC. Je salue aussi l'initiative du gouvernement qui a créé un comité stratégique, composé de deux collèges, l'un représentant la société civile, l'autre les parlementaires, dont je fais partie. Enfin le Sénat a institué un comité de suivi.

Des rapports annuels du gouvernement nous permettent de disposer d'une synthèse des négociations. Le groupe d'étude créé par le Sénat ajoute à cette meilleure connaissance du sujet.

Le négociateur américain a souligné que la transparence pouvait s'appliquer également aux ONG. On peut en effet se demander si elles ne sont pas susceptibles de s'exposer à des conflits d'intérêt.

M. Jean Bizet, président de la commission des affaires européennes.  - Il n'est pas inutile de se poser la question.

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur.  - Merci. L'arbitrage est un sujet sensible, car il touche à la souveraineté nationale. Nous défendons l'intérêt supérieur de notre pays. Pour autant, il existe un mécanisme de recours à l'arbitrage privé en cas de litige entre un investisseur et un État, l'ISDS.

Il faut néanmoins prendre en compte la situation d'entreprises qui peuvent s'estimer victimes de discrimination, voire de spoliations ou d'expropriations. Plusieurs solutions existent. On peut se tourner vers la justice du pays concerné. Cela suppose qu'il soit un état de droit - c'est le cas des États-Unis. Mais la justice américaine exclut tout recours non permis par un traité ratifié par le Congrès, et celui-ci refuse généralement toutes les clauses qui prévoient la saisine par une entreprise de la justice ordinaire. Une autre formule serait celle du règlement interétatique telle qu'elle existe dans le cadre de l'OMC - les investisseurs ne se sentent pas mieux protégés... D'où la solution de l'arbitrage. Les formules proposées sont relativement souples. Il y a l'organisme de règlement des conflits adossé à la banque mondiale, la cour internationale d'arbitrage de Paris et la cour permanente de la Haye.

Mais le recours à ces procédures fait peur. Les États craignent d'être dépossédés de leurs pouvoirs régaliens en matière sociale, de santé ou d'environnement. C'est pourquoi il est important de bien cerner les conditions du recours à l'arbitrage. Tout d'abord, il convient de préciser la notion d'expropriation indirecte, pour prévenir les abus, à l'image du recours introduit par le suédois Vattenfall à l'encontre du gouvernement allemand après la décision de celui-ci de sortir du nucléaire, ou de celui de Philip Morris contre l'Australie.

Il faut aussi définir les actions autorisées et celles qui ne le sont pas ; prévoir un dispositif répressif contre les recours abusifs ainsi qu'une procédure d'appel. Enfin la transparence la plus complète doit prévaloir pour prévenir les conflits d'intérêts.

Notre position est une position de sagesse, équilibrée. Ne sous-estimons pas l'impact bénéfique de ces traités. Le CETA sera source de bénéfices économiques mais aussi moraux et politiques. (Applaudissements à droite ; M. Jean Bizet, président de la commission des affaires européennes, applaudit aussi)

Élection à l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe

Mme la présidente.  - Il est 15 heures 30. Je vous rappelle que se déroulent en ce moment, en salle des Conférences, les deux scrutins pour l'élection d'un membre titulaire et d'un membre suppléant représentant la France à l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe. Il vous reste donc 30 minutes pour voter.

Règlement des différends entre investisseurs et États (Proposition de résolution européenne - Suite)

Discussion générale (Suite)

M. Jean Bizet, président de la commission des affaires européennes .  - Lorsque la commission des affaires européennes a engagé, il y a un an et demi, des négociations pour aboutir à des accords de libre-échange, il s'agissait de dynamiser les échanges et de prévoir des règles d'une ambition supérieure à celles prévalant au sein de l'OMC ; les PME étaient explicitement visées. Plusieurs mois plus tard, les blocages demeurent sur des questions majeures, l'accès des Européens aux marchés publics américains, la coopération règlementaire sur les services financiers ou les préférences collectives européennes. Les négociations portent, non pas sur les tarifs, mais l'harmonisation et l'homologation des normes.

Avec le renouvellement de la Commission européenne et du Congrès américain, une nouvelle étape s'ouvre. Les partenaires semblent décider à conclure avant la fin de l'année. Le président Obama peut obtenir du Congrès républicain un mandat qui accélérerait le cours des négociations. Je ne suis pas aussi optimiste sur le calendrier, tant il reste de points durs.

M. Billout a bien posé les termes du débat, et pointé les inquiétudes sur l'arbitrage et la transparence. Deux remarques toutefois. La réserve d'examen de la France sur le Ceta sera-t-elle suffisante pour amender significativement le dispositif d'ISDS ? Quid d'autre part d'un mécanisme d'appel et de l'implication des tribunaux nationaux, qui figurent déjà dans le mandat de négociation ?

Je rejoins donc l'interrogation de M. Billout : monsieur le ministre, que souhaitez-vous voir la Commission européenne proposer sur le règlement des litiges ? La consultation de la société civile conduite par Bruxelles a donné des résultats très négatifs. Entre parenthèses, le procédé de réponses prédéfinies via des plateformes en ligne a pu donner lieu à des détournements. M. Timmermans, vice-président de la Commission européenne, sera bientôt à Paris. Nous pourrons lui demander de préciser sa position sur l'ISDS...

Mes autres observations concernent la transparence. L'ignorance est la pire conseillère... La création d'un comité de suivi stratégique est une bonne chose. Le Sénat a créé aussi un groupe de suivi conjoint aux commissions des affaires européennes et des affaires économiques. Quant à l'implication des parlements nationaux, Mme Pellerin a affirmé l'an dernier le caractère mixte de ces traités ; ils doivent être ratifiés au niveau européen comme à celui des États. Monsieur le ministre, le confirmez-vous ?

Notre proposition de résolution est concrète, équilibrée ; elle témoigne de notre attention inquiète. Mais celle-ci ne doit pas occulter les bienfaits attendus pour la croissance et l'emploi. La vigilance des États devra s'articuler avec l'Union européenne qui, seule, négocie. Plus la transparence sera au rendez-vous, plus la confiance de l'opinion s'affermira. Je propose au Sénat d'adopter cette proposition de résolution. (Applaudissements)

M. Matthias Fekl, secrétaire d'État auprès du ministre des affaires étrangères et du développement international, chargé du commerce extérieur, de la promotion du tourisme et des Français de l'étranger .  - Tout d'abord, je m'associe à l'hommage rendu à votre ancien collègue, Jean-Yves Dusserre.

Je salue le travail des commissions des affaires européennes et économiques. Plus que jamais, il est indispensable que les parlementaires se saisissent des questions que soulèvent les négociations commerciales internationales dans laquelle la France est engagée. Politiques, ils appellent des réponses politiques. Je me réjouis que l'intérêt pour ces questions dépasse les clivages partisans.

Des négociations d'une ampleur inédite ont été engagées avec les États-Unis et le Canada. Elles visent à créer le premier marché au monde, représentant 800 millions d'habitants et un tiers des flux commerciaux mondiaux. Nos interlocuteurs sont des partenaires de premier rang, sachant que leur système juridique est très différent du nôtre. Les enjeux sont considérables : il s'agit de s'assurer que l'Europe pourra tenir son rang, défendre ses valeurs et ses intérêts dans la définition des normes mondiales. Les accords devront être équilibrés, ambitieux et efficaces.

Le Ceta a été officiellement conclu le 26 septembre 2014. Il est entré dans la phase de toilettage. Tant qu'il n'est pas ratifié, il n'est pas figé...

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur.  - Très bien !

M. Matthias Fekl, secrétaire d'État.  - Nous aurions à défaut un problème de contrôle démocratique... Quant aux négociations avec les États-Unis, elles sont loin d'être closes. Un huitième cycle s'est ouvert, mais demeurent de très nombreux points de désaccords. L'ISDS fait l'objet de débats virulents ; ils témoignent d'une forte attente démocratique de la part des peuples trop longtemps tenus à l'écart. La proposition de résolution prévoit à juste titre d'associer pleinement les représentants démocratiquement élus. Rien ne saurait justifier l'opacité, les négociations ne peuvent rester l'affaire des experts. La transparence est une exigence.

Dès mon entrée en fonction, j'ai réitéré notre demande de déclassification du mandat de négociation. Mme Bricq avait oeuvré dans le même sens avant moi. Nous l'avons obtenue. Cette déclassification n'est pas une fin en soi, elle constitue le début d'un agenda de transparence robuste et exigeant.

Je vous confirme qu'aux yeux du gouvernement, le CETA et le TTIP sont des accords mixtes. Les parlements nationaux seront amenés à se prononcer.

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur  - Très bien !

M. Matthias Fekl, secrétaire d'État.  - J'ai élargi la composition du comité de suivi stratégique créé par Mme Bricq ; il rassemble aujourd'hui un collège de parlementaires, un autre qui réunit les acteurs de la société civile. Je salue la création au Sénat d'un groupe de suivi. Au sein du comité stratégique, des comités thématiques sont en cours de constitution ; tous les sujets pourront y être abordés, sans a priori. Une page spéciale du site internet du ministère est consacrée à ces questions. Je suis soucieux d'associer le plus étroitement possible le Parlement à la conduite des négociations.

L'ISDS cristallise les inquiétudes. Des collectivités territoriales ont voté des motions ou des résolutions pour se déclarer zones hors TTIP ou zone de débat TTIP. Beaucoup craignent que le traité ne soit abusivement utilisé pour réduire la souveraineté normative de l'État. Il ne serait pas acceptable que des juridictions privées pussent remettre en cause les normes sanitaires, environnementales ou culturelles prises de manière démocratique. Il faut le dire clairement et la France a fixé la ligne rouge. La crainte de se voir infliger des sanctions pécuniaires ne doit pas limiter la capacité des États à légiférer. Ce serait inacceptable au plan des principes et insupportable pour le contribuable.

Les négociations sur le TTIP sont en cours...

Mme Nicole Bricq.  - Elles n'ont pas commencé !

M. Matthias Fekl, secrétaire d'État.  - ...mais aucune avancée substantielle n'a eu lieu. Quant au CETA, il sera, hormis ce qui concerne le mécanisme d'arbitrage, un accord bénéfique pour notre économie. Il nous offrira un accès inédit aux marchés publics canadiens, à tous les niveaux. Le Canada a d'ailleurs pris soin d'associer ses collectivités territoriales aux discussions. Il protégera l'agriculture française avec la reconnaissance de 42 nouvelles indications géographiques, dans la charcuterie ou les produits laitiers.

L'ISDS n'est pas un objet nouveau : 3 000 traités incluent des clauses de ce type dans le monde. Depuis 1972, notre pays a signé 108 traités qui autorisent des investisseurs privés à demander un règlement des différents avec un État par arbitrage. Mais l'esprit en a été détourné. Les entreprises attaquent désormais des décisions souveraines et démocratiques, comme l'illustrent les affaires Vattenfall en Allemagne ou Philip Morris en Australie.

Le gouvernement n'entend pas accepter ce dispositif par routine. Toutes les options sont sur la table. La proposition de résolution européenne en avance deux, il y en a d'autres que le gouvernement entend toutes étudier. Unique raison pour laquelle il s'en remettra à la sagesse sur la proposition de résolution.

Nous avons plusieurs exigences. Tout d'abord, il faut réaffirmer le droit des États à réguler. Des avancées ont eu lieu, mais sont trop limitées. Il faut préciser la notion d'attentes légitimes des investisseurs ou celle de traitement juste des entreprises. Les praticiens de l'arbitrage reconnaissent en outre que les règles encadrant les arbitres internationaux sont insuffisantes. Quel pays accepterait que le juge d'une affaire devienne ensuite l'avocat de l'entreprise concernée dans une autre ?

Il faut aussi prévoir des mécanismes d'appel. Les juridictions nationales doivent avoir leur place.

La commission européenne a mené une vaste consultation publique sur l'ISDS : 150 000 réponses, dont 10 000 de citoyens français.

Comment ne pas en tenir compte ? La Commission européenne a identifié quatre pistes : la protection du droit des États à réguler, la transparence et la déontologie des arbitres, la création d'un mécanisme d'appel, et l'articulation entre l'instance arbitrale et les juridictions nationales. L'enjeu est d'inventer des mécanismes de règlement des différends commerciaux internationaux adaptés à la réalité du XXIe siècle. La France a en la matière une expertise reconnue, elle est partie prenante de nombreuses instances internationales. Elle continuera de défendre une mondialisation régulée, une gouvernance mondiale démocratique. Pourquoi pas, à terme, une cour internationale permanente qui siégerait en Europe ? Il y a deux semaines, je me suis rendu à Berlin pour m'entretenir avec mes homologues allemands. Nous avons lancé une phase de consultation ouverte à tous les États pour préserver les intérêts des peuples.

Nous ne sommes pas obligés d'inclure automatiquement un mécanisme tel l'ISDS dans les accords commerciaux internationaux. L'Australie n'y a pas eu recours. Je le répète, toutes les options sont sur la table. Le gouvernement, comme vous, veut plus de transparence et un mécanisme de règlement des différends protégeant la capacité des États à réglementer.

Nous partageons le même état d'esprit, comptez sur notre détermination. (Applaudissements)

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur.  - Très bien !

Élection à l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe (Suite)

Mme la présidente.  - Il est 16 heures, je déclare clos les deux scrutins pour l'élection d'un membre titulaire et d'un membre suppléant représentant la France à l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe.

Règlement des différends entre investisseurs et États (Proposition de résolution européenne - Suite)

Discussion générale (Suite)

M. Claude Kern .  - Le libre-échange est souvent mal perçu par nos concitoyens. Entendu comme synonyme de dérégulation, dumping social, concurrence déloyale, il fait peur. Cette inquiétude n'est pas infondée. La forme est la soeur jumelle de la liberté : sans cadre juridique et politique, le libre-échange peut être source d'abus.

L'Union européenne négocie deux accords majeurs avec les États-Unis et le Canada. Nous en espérons pour l'Europe un gain économique de plusieurs centaines de milliards d'euros, soit autant que le plan de d'investissement annoncé. De l'autre côté de l'Atlantique, nos partenaires sont engagés dans un mouvement de réindustrialisation et cherchent des débouchés. Ces négociations sont d'une ampleur sans précédent ni comparaison avec les précédents de l'OMC ; tous les secteurs sont concernés.

Le Sénat y a pris la mesure de ses responsabilités. Cette proposition de résolution pointe des carences de fond et de forme.

Sur le fond, l'ISDS menace l'autonomie de nos politiques publiques. Je ne peux que souscrire à la position des commissions des affaires européennes et des affaires économiques. Les enjeux sont trop importants. L'arbitrage risque de miner le pouvoir des États. Songez aux litiges entre Vattenfall et l'Allemagne, entre Philip Morris et l'Australie.

Des alternatives sont envisageables, par exemple sur le modèle de ce qui existe à l'OMC. Il faut faire vite, avant la ratification du CETA, sinon celui-ci fera jurisprudence.

Le libre-échange demande la confiance. L'opacité des négociations alimente les suspicions, en dépit d'améliorations récentes. Jamais la France n'a confié de telles négociations à un tiers, le mandat de la Commission ne saurait être un blanc-seing. L'exécutif et le Parlement sont responsables devant les citoyens, leurs premiers devoirs sont l'information et la transparence.

Je félicite M. Billout et salue le travail de MM. Bizet et Lenoir. La proposition de résolution européenne est exigeante. Le groupe UDI-UC la votera. (Applaudissements)

M. Daniel Raoul .  - Je salue la vigilance de Michel Billout. L'inclusion d'un mécanisme de règlement des différends par arbitrage constitue un point d'achoppement. Le résultat de la vaste consultation lancée par la Commission européenne montre qu'il fait l'objet d'un rejet massif.

Notre proposition du 9 juin 2013 exprimait déjà le souhait d'exclure la formule de l'arbitrage privé ; nous l'avons réitéré lors du débat du 9 janvier 2014.

L'ISDS en l'État n'est pas acceptable. Il instaure une juridiction privée qui place sur le même plan États et entreprises, dont la jurisprudence primerait sur le droit national et européen, et remet en cause la capacité des États à légiférer comme les règlementations existantes.

Si ce mécanisme existait, les entreprises américaines auraient pu réclamer des indemnités de plusieurs milliards à l'État français lorsqu'il a interdit la fracturation hydraulique pour exploiter les gaz de schiste. Et je ne reviens pas sur le cas de Philip Morris qui a obtenu 1,5 milliard de dollars de l'Australie à cause de cigarettes génériques.

Je salue le travail de la commission des affaires européennes : grâce à l'introduction de l'alinéa 17, nous devrions pouvoir trouver une solution constructive si d'autres États nous suivent.

L'Union européenne, depuis l'entrée en vigueur du Traité de Lisbonne en 2009, a le monopole de la négociation des accords économiques. Que des collectivités territoriales se déclarent « zones hors Tafta » a obligé la Commission européenne à suspendre les négociations en 2014 et à lancer une consultation. Son résultat est éloquent : les citoyens européens ne veulent pas du mécanisme ISDS. Pour l'heure, seules la France et l'Allemagne ont pris une position claire. Puisse cette proposition de résolution européenne appuyer notre position dans les discussions avec nos partenaires européens.

Nous espérons que la Commission européenne confirmera le caractère mixte de ces deux accords et que le gouvernement nous transmettra l'étude d'impact demandée - quatre études en fait, puisque quatre scénarios sont envisagés. La pression conjuguée des parlements nationaux, du Parlement européen et de certains États a conduit la Commission européenne à plus de transparence : je vous renvoie à sa décision du 25 novembre 2014. Puissent les députés nationaux bénéficier du même accès aux documents de négociation. C'est essentiel si nous voulons éviter un rejet de l'Europe. « Bien informés, les hommes sont des citoyens ; mal informés, ils deviennent des sujets » disait le grand démographe Alfred Sauvy.

Cela dit, le groupe socialiste votera cette résolution, malgré quelques réserves. (Applaudissements à gauche)

M. André Gattolin .  - Je salue d'abord l'initiative du groupe CRC et de notre excellent collègue Michel Billout. Ce n'est ni la première ni sans doute la dernière fois que le Séant débat des traités transatlantiques, je me souviens d'une séance fameuse en janvier dernier.

Cette proposition de résolution européenne souligne l'opacité inadmissible des négociations et les questions posées par le mécanisme d'arbitrage privé des différends.

Les écologistes que nous sommes sont attachés au multilatéralisme, et opposés à la multiplication des accords bilatéraux qui accentuent les déséquilibres entre forts et faibles. Nous ne sommes pas hostiles par principe à la conclusion de nouveaux accords économiques. Il n'est pas absurde d'en conclure avec les États-Unis et le Canada quand la Chine réclame à cor et à cri son traité de libre-échange, à l'heure où notre diplomatie est si prévenante à son égard. Nul anti-américanisme, nous partageons avec ces pays l'État de droit, une histoire commune et de profonds liens culturels, fondés sur les valeurs démocratiques.

Les écologistes ne cultivent pas le dogme de l'infaillibilité d'un État tout-puissant et il nous paraît légitime que des entreprises et des citoyens puissent attaquer ses décisions lorsqu'ils s'estiment lésés. Nous ne sommes pas pour autant naïfs sur la capacité qu'ont les grands groupes multinationaux d'engager des procédures tortueuses contre les choix souverains d'États démocratiques.

J'en viens aux deux points litigieux soulignés par l'accord. La transparence, d'abord. Pour l'heure, les négociations ont été conduites de façon opaque et centralisatrice.

M. Joël Guerriau.  - Tout à fait !

M. André Gattolin.  - Je salue l'engagement du ministre de nous transmettre des études d'impact mais n'est-ce pas un peu tard ?

J'approuve pleinement la position prise par le rapporteur concernant le mécanisme d'arbitrage privé. Il est très inquiétant que de grandes multinationales puissent ainsi faire prévaloir leurs intérêts privés contre des États, lesquels pourraient ainsi être dissuadés de légiférer. J'ajoute que le coût de ces arbitrages sera si élevé que les petites entreprises ne pourront en bénéficier.

Le groupe écologiste votera cette proposition de résolution tout en regrettant la confusion entre TTIP et CETA. La France entretient avec le Canada et, en particulier le Québec, des liens forts ; ne l'oublions pas ! (Applaudissements)

M. Jean-Claude Lenoir. rapporteur - Sans compter les liens personnels !

M. Éric Bocquet .  - L'adoption de cette proposition de résolution, certes modifiée mais à l'unanimité, par la commission des affaires européennes représente, pour nous, sénateurs du groupe CRC, un aboutissement à l'heure où quatorze chefs d'État et de gouvernement se sont prononcés fermement contre le mécanisme ISDS. Et pas moins de 88 % des 150 000 citoyens européens consultés !

Dès le 9 juin 2013, le Sénat demandait une étude d'impact et plus de transparence, face au risque que l'ISDS entame la capacité des États à légiférer dans les domaines environnementaux et sanitaires. Elle ne nous a toujours pas été fournie. Il faut pourtant s'assurer que la ligne rouge est bien respectée par la Commission européenne car de tels mécanismes pourraient dissuader les États de légiférer en matière de santé et d'environnement.

J'aurais préféré qu'on demande sa suppression. Néanmoins, la prudence est bienvenue quand s'ouvre le huitième cycle des négociations sur le TTIP.

Il n'y a pas plus de volonté de transparence dans ces négociations qu'auparavant. Une preuve en est que le médiateur européen pourrait ouvrir prochainement une enquête contre la commission, qui a refusé à cinq ONG l'accès à certains documents du TTIP. L'invocation de la transparence administrative ne peut légitimer des décisions qui suscitent la défiance des citoyens. Seul un contrôle démocratique peut gêner les "petits arrangements".

Les normes réglementaires étant vues par les promoteurs du traité comme des entraves au commerce, nous pouvons assez facilement imaginer quelle tournure vont prendre les négociations. Pourtant l'élevage animal et l'agro-alimentaire, les produits cosmétiques, la sécurité automobile, les fibres vestimentaires, la sécurité bancaire ou encore l'usage des bio-technologies préoccupent les citoyens. Elles devraient donc faire l'objet de débats publics ouverts. Mais non, l'affaire est envisagée de façon purement technique. Quelle place alors pour le Parlement européen, les parlements nationaux et surtout pour la démocratie ?

Cette proposition de résolution peut être la première d'une longue liste. Les mobilisations citoyennes, le travail des organisations civiles ont ébranlé le secret dans lequel devaient se dérouler ces négociations. Nous devons donc continuer de travailler dans ce sens pour protéger nos citoyens des dérives que peuvent constituer de tels accords et offrir un autre horizon, respectueux de la démocratie. (Applaudissements unanimes)

M. Jean Bizet, président de la commission des affaires européennes.  - Pas trop radical, c'est bien.

M. Jacques Mézard, .  - Dès lors que la négociation des traités est désormais du seul ressort de la Commission européenne, il ne reste aux parlementaires que les propositions de résolution pour peser dessus. Celle-ci est assurément bienvenue.

Les promoteurs du CETA nous assurent que des garde-fous -  le mot s'impose !  - ont été apportés au mécanisme ISDS dans le projet de texte final. Espérons-le, d'autant que cet accord avec le Canada préfigure celui avec les États-Unis. L'Allemagne, instruite par l'affaire Vattenfall, demande un encadrement strict.

Transparence, encore un mot à la mode. Vous avez, monsieur le ministre, réorganisé le comité stratégique de suivi ; puissiez-vous informer régulièrement nos assemblées, si tant est qu'elles existent encore... Les motifs d'inquiétude sont nombreux : 173 IGP dont 42 françaises sont reconnues dans le CETA, certes, mais qu'advient-il des autres ? Les viandes canadiennes ne sont pas soumises aux mêmes normes que les nôtres. Quid du respect de la non-brevetabilité du vivant ? Comme dans toute négociation, nous devrons faire des concessions ; nous nous interrogeons sur ce que sera leur coût.

Le groupe RDSE votera cette proposition de résolution en rappelant cette maxime de la Rochefoucauld : « Ce qui fait que l'on est souvent mécontent de ceux qui négocient, c'est qu'ils abandonnent presque toujours l'intérêt de leurs amis pour l'intérêt du succès de leurs négociations. » (Applaudissements unanimes)

M. Jean-Baptiste Lemoyne .  - Pardonnez-moi des redites après les interventions précises et détaillées de chacun des orateurs. Elles prouvent le large assentiment, sur tous nos bancs, sur cette proposition de résolution.

Les négociations avec les États-Unis et le Canada ont laissé comme une impression de gueule de bois... Le Sénat s'est saisi de la question, organisant des séances de questions cribles. Le gouvernement, de son côté, se veut rassurant. Les parlementaires auront in fine voix au chapitre et voteront... ou pas.

Les intérêts de secteurs clés, comme l'agriculture et l'industrie agro-alimentaire seront défendus, les IGP seront mieux protégés. J'espère que le pruneau d'Agen en fait partie, monsieur le ministre ! (Sourires)

Restent néanmoins des inquiétudes concernant le recours à l'arbitrage privé qui dessaisirait les États de leur capacité à réglementer. Par la force des choses, les États apparaissent comme des structures interstitielles face à de puissants groupes multinationaux. Les affaires Vattenfall contre l'Allemagne et Philip Morris contre l'Australie le démontrent. D'autres voies de règlement existent, notamment le recours à la justice ordinaire. Il est hors de question de signer un blanc-seing à la Commission européenne qui nous empêcherait d'être maîtres chez nous, comme le dit le ministre québécois Jean Lesage.

Selon la Frankfurter Allgemeine Zeitung, le TTIP constitue l'une des craintes majeures des Allemands pour 2015, car il porterait atteinte au standard de qualité des produits allemands.

La déprise économique produit des ravages dans nos territoires ; ouvriers et salariés en sont les premières victimes. Alors, oui à moins de paperasses, à la facilitation des échanges, mais non à l'abandon de nos normes juridiques et à la loi du plus fort. Je voterai sans état d'âme cette proposition de résolution ; il est des moments où le Parlement doit se montrer uni pour faire entendre sa voix. (Applaudissements unanimes)

M. Matthias Fekl, secrétaire d'État .  - Merci pour la qualité, la profondeur d'analyse et la hauteur de vue de vos interventions, le débat se prolongera.

À l'évidence, nous nous engageons dans un tournant marqué par des négociations de grandes aires régionales à grandes aires régionales qui ont des conséquences directes sur nos territoires. Après la consultation conduite par l'Europe, une nouvelle étape s'ouvre ; c'est indéniable. La France défendra ses valeurs et ses intérêts. La transparence accrue est une demande partagée, la Commission européenne s'y est engagée devant nous.

Le mécanisme ISDS pose une question de principe : la France n'est ni contre le Canada ni contre les États-Unis. Elle prend acte des évolutions intervenues avec la consultation des populations. Après Neuves-Maisons, près de Nancy, je serai prochainement à Strasbourg, qui s'est déclaré zone de débat « hors Tafta », comme ailleurs, pour désamorcer les inquiétudes qui sont infondées et les prendre en compte quand elles sont justifiées, afin de travailler à des réformes opérationnelles.

Nous assistons à un retour de l'État, qui doit se concrétiser par des amendes en cas de recours abusif par des entreprises.

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur.   - Tout à fait !

M. Matthias Fekl, secrétaire d'État.  - Ce n'est pas aux contribuables français et européens de payer pour les abus de certaines entreprises.

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur.  - Très bien !

M. Matthias Fekl, secrétaire d'État.  - Le gouvernement ne vous propose pas des retouches cosmétiques de l'accord ; il veut travailler à de nouvelles solutions de règlement avec le Parlement, quand il est comme vous exigeant, constructif et sérieux. Vous ne faites pas comme certains qui voudraient nous enfermer dans la stratégie de la ligne Maginot...

M. Jean Bizet, président de la commission des affaires européennes.  - Personne ne la défend au Sénat !

M. Matthias Fekl, secrétaire d'État.  - J'en suis bien conscient : vous aimez l'Histoire, dans cet hémicycle, et vous savez combien de temps a résisté la ligne Maginot.

Je viendrai devant le Sénat dès qu'il le demandera. Je m'engage à vous remettre un rapport annuel sur les négociations économiques.

M. Jean-Claude Lenoir, rapporteur.  - Merci, nous le demandions !

M. Matthias Fekl, secrétaire d'État.  - Comptez sur la détermination du gouvernement. (Applaudissements)

La discussion générale est close.

Intervention sur l'ensemble

Mme Nicole Bricq .  - Sans vouloir donner dans le discours ancien combattant, je tiens à dire que la France a été le premier État à demander la transparence et que nous avons été un peu seuls au début. Les choses se sont améliorées en février 2014, sous présidence grecque. La nouvelle Commission européenne a fait des progrès que M. le ministre a rappelés.

Merci au groupe CRC d'avoir accepté un texte moins radical. Si les États-Unis ont posé le verrou du mécanisme ISDS, c'est dans l'idée de refuser, en échange de son retrait, les quotas sur la viande bovine auxquels nous sommes tant attachés. Cela dit, l'arbitrage privé, par nature opaque, est inacceptable dans des États de droit.

M. le ministre a donné un avis de sagesse et de sagesse, nous avons bien besoin dans les négociations. C'est quand elles prennent fin, M. Mézard l'a dit, que l'on peut mesurer les intérêts et désavantages d'un accord.

Le huitième round des négociations s'ouvre enfin. Il faut maintenant avancer vite. Si nous traînions en longueur, ce serait de mauvais aloi. N'oublions pas que la zone Pacifique, elle, n'attendra pas. L'Europe ne doit pas rester à l'écart du mouvement du monde.

La proposition de résolution européenne est adoptée à l'unanimité.

Mme la présidente.  - En application de l'article 73 quinquies, alinéa 7, de notre Règlement, cette proposition de résolution sera transmise au gouvernement et à l'Assemblée nationale.

Élection à l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe (Résultat des scrutins)

Mme la présidente.  - Voici le résultat du scrutin pour l'élection d'un membre titulaire représentant la France à l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe.

Nombre de votants : 162

Majorité absolue des votants : 82

Mme Maryvonne Blondin a obtenu : 143 voix

Mme Maryvonne Blondin ayant obtenu la majorité absolue des suffrages des votants, je la proclame membre titulaire du Sénat représentant la France à l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe.

Voici le résultat du scrutin pour l'élection d'un membre suppléant du Sénat représentant la France à l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe.

Nombre de votants : 162

Majorité absolue des votants : 82

M. Jacques Bigot a obtenu : 145 voix

M. Jacques Bigot ayant obtenu la majorité absolue des suffrages des votants, je le proclame membre suppléant du Sénat représentant la France à l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe.

Demande d'avis sur une nomination

Mme la présidente.  - J'informe le Sénat que M. le Premier ministre, par lettre en date du 2 février 2015, a demandé à M. le président du Sénat de lui faire connaître l'avis de la commission compétente du Sénat sur le projet de nomination de M. Jean-Yves Le Gall comme président du conseil d'administration du Centre national d'études spatiales.

Représentation équilibrée des territoires (Proposition de loi constitutionnelle)

Mme la présidente.  - L'ordre du jour appelle l'examen de la proposition de loi constitutionnelle tendant à assurer la représentation équilibrée des territoires.

Discussion générale

M. Philippe Bas, co-auteur de la proposition de loi constitutionnelle .  - Voici un sujet que nous rencontrons au détour de nombreuses législations : la représentation équilibrée des territoires. Il est si aigu que le président Larcher en a fait une des priorités de son mandat. Nous nous sommes attelés rapidement à la tâche en déposant cette proposition de loi constitutionnelle.

Le Sénat, représentant des territoires en vertu de la Constitution, s'est trouvé bridé par le Conseil constitutionnel alors même que le constituant, c'est-à-dire nous, a décidé en 2003 l'organisation décentralisée de la République dans notre loi fondamentale à son article premier. Hélas, toutes les conséquences de cette novation n'en ont pas été tirées.

En vérité, la jurisprudence constitutionnelle s'est surtout fondée sur le principe d'égalité devant le suffrage. Depuis 1986 et jusqu'en 2009, elle s'est durcie du fait que le découpage des circonscriptions législatives n'a pas été révisé.

À juste titre, le Conseil constitutionnel a donc élevé son niveau d'exigence. Il en est arrivé même à contester la tradition républicaine de donner à chaque département au moins deux élus, c'était le cas de la Lozère. Ce faisant, il a battu en brèche le principe d'égalité des citoyens devant le suffrage.

Autant le Conseil constitutionnel pouvait dire que ce principe, sans valeur absolue certes, demeure un principe fort, autant il aurait pu se montrer plus souple pour la représentation des territoires. Il ne l'a pas fait.

Le président du Sénat et moi souhaitons par cette proposition de loi constitutionnelle poser une règle, dans le cadre d'un dialogue constructif avec le Conseil constitutionnel, qui ne touche qu'à la représentation des territoires et préserve intégralement l'interprétation du Conseil constitutionnel s'agissant de l'expression de la souveraineté nationale.

Le Conseil constitutionnel a admis des écarts de représentation possible, en fixant des limites aux délégués des conseils municipaux qui rejoignent le collège électoral considérant que ce dernier doit être en majorité constitué d'élus. Le Conseil constitutionnel a eu raison.

La règle du « tunnel » des plus ou moins 20 % ne s'est appliquée pour le Parlement qu'aux députés.

Pour les territoires, nous avons eu un enchaînement de décisions très difficiles à appliquer : sur les conseils territoriaux, en décembre 2010, la Savoie par exemple aurait eu une représentation d'à peine 21 % de plus que la moyenne. Le Conseil constitutionnel l'a censuré avec vigueur, sans même tenir compte des motifs d'intérêt général. Ce tunnel ne figure dans aucune de ses décisions, uniquement dans les commentaires qu'il en a fait lui-même. Comme quoi, la transparence laisse à désirer.

Autres décisions sur les « super-cantons » dotés de binômes, que nous expérimenterons dans quelques semaines. Là aussi, nulle souplesse malgré les flottements du gouvernement ! M. Valls, alors ministre de l'Intérieur, évoquait ici même un passage à 30 % du tunnel pour une représentation juste et équilibrée des territoires. Malheureusement, sans doute dissuadé par certains cercles de constitutionnalistes, le même, à l'Assemblée nationale, a évoqué des risques d'inconstitutionnalité. De ce fait la loi elle-même a anticipé une censure éventuelle du Conseil constitutionnel et refusé d'élargir le tunnel. D'où notre proposition de prévoir une révision de la Constitution, qui préserve totalement la jurisprudence actuelle du Conseil constitutionnel sur l'élection des députés.

Pourquoi appliquer une règle unique à des situations si différentes, alors que l'organisation de la République est décentralisée ?

Nous proposons de modifier l'article premier puis l'article 72 de la Constitution. L'ambition de cette proposition de loi constitutionnelle est limitée à l'expression des territoires et ne touche à aucun principe essentiel touchant à la représentation nationale.

Pourquoi modifier l'article premier ? Par un souci d'élégance d'abord ; d'efficacité aussi, tout simplement, celle-ci commandant, pour guider la jurisprudence du Conseil constitutionnel et notre législation, que le Conseil constitutionnel puisse s'appuyer sur ledit article retenant le seuil de 30 %.

La révision proposée ne retouche rien aux principes qui figurent à cet article, elle se borne à ajouter la nécessité d'une prise en compte équitable des territoires.

Nous avons besoin des deux dispositions, celle de l'article premier, et celle de l'article 72. On ne touche pas aux principes généraux. On précise qu'ils ne font pas obstacle à une représentation équilibrée des territoires.

Pour l'article 72, nous fixons un seuil, conformément à la jurisprudence du Conseil constitutionnel, mais un seuil différent. Il admet déjà des seuils différenciés, dans la limite des 20 %. Nous fixons cette limite au tiers, pour donner plus de liberté au Parlement pour la représentation équitable des territoires.

La rédaction même des décisions du Conseil constitutionnel est reprise exactement dans notre disposition. En effet, le motif d'intérêt général continue à exister et ce sera nécessaire, pour des régions montagneuses, désertiques ou insulaires, par exemple. Nos dispositions respectent parfaitement des raisonnements qui ont l'autorité de la chose jugée. Nous modifions le réglage de la décision du Conseil constitutionnel, nous n'en remettons pas en cause les principes.

Il est plus que temps de consolider les intercommunalités, fragilisées par une récente décision. Pour les listes départementales et régionales aussi, nous avons besoin de modifier la Constitution. Si le gouvernement hésite à provoquer un référendum, après l'adoption de cette proposition de loi constitutionnelle par le Sénat et l'Assemblée nationale, il lui sera loisible de déposer un projet de loi constitutionnelle, qui aboutira à un vote du Congrès, mais nous avons bien conscience que sur un tel sujet, convoquer un référendum peut apparaître au président de la République disproportionné...

Mme Françoise Cartron et M. Philippe Kaltenbach.  - En effet !

M. Philippe Bas, co-auteur.  - ... surtout en cette période. (Applaudissements sur les bancs du RDSE et à droite)

M. Hugues Portelli, rapporteur de la commission des lois .  - La commission des lois a adopté à l'unanimité des votants cette proposition de loi constitutionnelle. Pourquoi ? À cause de la jurisprudence constante du Conseil constitutionnel relative aux lois électorales, de plus en plus ferme dans ses considérants.

Mettons-nous un instant à la place du Conseil qui se trouve face à deux problèmes : le premier, lorsqu'il examine des lois relatives au découpage électoral ou à la représentation, il n'a que peu de temps pour entrer dans l'examen du découpage proposé, ce qui n'est pas de notre fait... Nous avions proposé en 2008 qu'il dispose de plus de temps. Il a donc fixé, de façon prétorienne, des règles strictes qu'il applique de façon invariable.

C'est un motif sérieux. Il en est un autre, également important. Le problème, ce n'est pas la nature du découpage, mais le fait qu'il n'y ait jamais de redécoupage. En cinquante-sept ans, il n'en a été effectué que trois fois, pour les élections législatives. La disproportion est flagrante avec les États-Unis et le Royaume-Uni.

La règle vaut aussi pour les autres découpages. Il eût fallu redécouper bien plus souvent les cantons... Quand on s'y attelle enfin, on se retrouve face à un problème ingérable. Le Conseil constitutionnel met un bémol à sa jurisprudence : le motif d'intérêt général, accordé de façon parcimonieuse, pour des raisons géographiques, pour des îles, par exemple.

M. Jacques Mézard.  - Pas celles de l'intérieur...

M. Hugues Portelli, rapporteur.  - Il aurait pu estimer que face à des situations différentes, l'on peut appliquer des règles différentes. Il ne l'a jamais fait. Eh bien, nous lui tendons la perche... La représentation territoriale n'est pas la représentation nationale.

La révision constitutionnelle de 2003 a introduit la notion de décentralisation, celle de 2008 la notion d'équité à la demande de l'actuelle opposition sénatoriale pour la représentation des partis, mais les territoires n'ont-ils pas autant de légitimité que ceux-ci ?

Arrêtons-nous un instant sur la jurisprudence du juge des élections locales, le Conseil d'État. Il a validé tous les redécoupages. Pour quels motifs ? Des découpages ont été contestés car certains considéraient que l'on donnait trop de place aux territoires ruraux. Le Conseil d'État a considéré que la fameuse règle de 20 % n'était qu'une ligne directrice. Dans un arrêt récent, communauté de communes du Plateau vert, il a ajouté qu'aucun principe ni aucune règle jurisprudentielle ne fixait cette règle des 20 % comme absolue.

Donc le Conseil d'État, juge des élections locales, est beaucoup moins rigide que le Conseil constitutionnel à cet égard.

Les auteurs de la proposition de loi constitutionnelle modifient l'article premier et l'article 72 de la Constitution. Ce dernier définit les compétences et les pouvoirs des collectivités territoriales. Ils y introduisent la représentation équitable des territoires et la règle du tiers, après la disposition de cet article qui traite de la libre administration des collectivités territoriales par des conseils élus.

Mais les auteurs de la proposition de loi constitutionnelle ont également proposé une modification de l'article premier.

M. Philippe Kaltenbach.  - C'est tout le problème.

M. Hugues Portelli, rapporteur.  - Après débat, la commission des lois a conclu favorablement à cette proposition. Pourquoi ? Pour une raison très simple. Il y a dans la Constitution deux sortes de dispositions : les principes fondamentaux, dans les articles premier à quatre ; puis des dispositions plus techniques, dans les articles suivants, dont l'article 72, lequel renvoie à l'article 34, qui donne compétence au législateur pour définir la mise en oeuvre du principe.

À propos de la péréquation, il y a eu plusieurs recours, notamment des QPC. Le Conseil constitutionnel les a rejetées chaque fois que le principe de péréquation était invoqué seul. Il a estimé qu'il s'agissait d'un objectif de valeur constitutionnelle mais non un principe en lui-même. Alors les requérants l'ont adossé au principe de libre administration des collectivités territoriales. Et le Conseil constitutionnel a accepté d'examiner leurs recours.

Si l'on veut être sûr que le Conseil constitutionnel examine attentivement les recours introduits sur cette base, il ne fallait donc pas s'en tenir à l'article 72.

Voilà pourquoi la commission des lois a soutenu cette proposition de loi constitutionnelle. (Applaudissements sur les bancs RDSE et à droite ; M. Philippe Bas, président de la commission des lois, applaudit aussi)

M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement .  - Cette proposition de loi constitutionnelle est portée par deux signataires éminents : le président de la Haute Assemblée et le président de la commission des lois.

Des dérogations aux limites de plus ou moins 20 % existent déjà pour les zones de montagnes ou insulaires. Mais cela parait insuffisant aux auteurs de ce texte. D'où leur proposition, qui porte l'écart maximal de représentation démographique à un tiers de la population.

La question s'est posée récemment à propos de la loi du 17 mai 2013 sur la mise en place du mode de scrutin binominal. M. Valls, alors ministre de l'Intérieur, s'était montré réceptif aux arguments des sénateurs.

M. Jacques Mézard.  - Pas du tout !

M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d'État.  - Il avait rappelé que la jurisprudence et la loi permettaient déjà une variation en plus ou en moins de 20 % mais aussi que les élus, à tous les échelons, représentent avant tout des citoyens, et non des hectares. Je rappelle que la jurisprudence du Conseil constitutionnel n'est pas un carcan qui interdirait de prendre en compte les réalités territoriales, comme l'ont montré les exemples des cantons de l'île d'Yeu, en Vendée ou de Valréas dans le Vaucluse.

D'autres textes récents ont montré la volonté du gouvernement et du législateur de prendre en compte le fait territorial, notamment le projet de loi sur la délimitation des régions. (M. Jacques Mézard s'exclame)

Il n'y a donc pas de contradiction entre les habitants et les hectares, entre la démocratie et la démographie. L'écart de 20 % n'est pas inscrit dans la Constitution. Ce n'est qu'une possibilité de réaliser l'équilibre entre la prise en compte de la population et celle des territoires. Votre proposition de loi constitutionnelle remet en cause cet état de fait. L'écart maximal ne serait plus une faculté, mais un droit acquis qui ouvrirait la voie à tous les excès, à toutes les injustices, aux découpages les plus arbitraires.

Dans l'hypothèse où le nombre d'habitants d'une circonscription est supérieur de 20 % à la moyenne et celui d'une autre inférieur de 20 %, on aboutit à ce qu'un élu régional siégeant dans la même assemblée qu'un autre, représente 1,5 fois plus d'habitants. Prenons l'écart du tiers : on arrive à ce que le premier élu en représente deux fois plus que l'autre. Quelle inégalité ! Comment la justifier aux électeurs ?

Qu'en sera-t-il dans les zones enclavées ? Ira-t-on jusqu'au triple, au quadruple ?

La notion d'équité est digne d'intérêt, mais elle ne saurait faire échec à la justice et à l'égalité. Sous son couvert, vous proposez un système injuste, une démocratie à deux vitesses.

N'oublions pas que les élus de la République ne tirent leur légitimité que du suffrage de nos concitoyens. Cette proposition de loi ne pourra à terme que la mettre à mal. Elle risque de desservir, en ce sens, les territoires fragiles. D'où l'avis défavorable du gouvernement.

M. Philippe Bas, co-auteur de la proposition de loi constitutionnelle.  - Dommage !

Mme Esther Benbassa .  - Nous débattons d'une véritable proposition sénatoriale, portée par le président de la Haute Assemblée et le président de la commission des lois. Je salue cette initiative qui montre qu'en ce temps de Sénat-bashing notre institution est capable de débattre de nos territoires qui sont sa raison d'être.

L'article premier de la constitution rappelle des principes essentiels. L'article 72 est consacré aux collectivités territoriales. C'est dire l'enjeu de cette proposition de loi constitutionnelle qui les modifie. Il s'agit du principe de l'égalité devant le suffrage et de la démocratie.

À première vue, le premier point est simple à envisager. Comme l'écrivait Kelsen : « L'influence qu'un électeur exerce sur le résultat de l'élection doit être égale à celle qu'exerce chacun des autres électeurs. »

Ou plus simplement, je citerai l'adage « un homme - j'ajoute « ou une femme » - une voix ».

Le Conseil constitutionnel a souvent incité le législateur à corriger le désajustement résultant des évolutions démographiques. Sa jurisprudence est éloquente à cet égard.

La Constitution a été encore modifiée récemment par la loi du 23 juillet 2008. La représentativité démographique est parfois concurrencée par celle des territoires. Voyez une décision récente sur la représentation des petites communes pour l'élection des sénateurs, le seuil de 300 habitants était jugé arbitraire et justifié par la seule démographie. Et d'ajouter que la représentation de chaque collectivité territoriale doit tenir compte de la population qui y réside. Bien que les jurisprudences du Conseil constitutionnel et du Conseil d'État soient convergentes, leurs décisions ont différé. Ainsi le Conseil constitutionnel s'intéresse à l'égalité des suffrages au niveau national. Il contrôle que l'écart de population entre deux circonscriptions ne s'écarte pas de la moyenne du département de plus de 20 %.

Cette limitation paraît trop étroite pour les assemblées locales. D'où les interrogations soulevées par le président Larcher dans son allocution lors de son élection. Comment « combiner la démocratie du nombre et celle des territoires » ?

Nous, écologistes, avons longtemps milité pour la suppression du conseiller territorial et la modification du mode de scrutin des conseils généraux. Des conférences d'action territoriale pourraient proposer des améliorations au Parlement. Pour la démocratisation des intercommunalités nous réclamons un scrutin garantissant la représentation des populations et des communes.

Il faut réformer profondément nos institutions, à tous les niveaux, en instaurant une VIe République, qui n'a pas pour seule ambition de réparer la Ve. Modifier la Constitution par petits bouts n'est pas satisfaisant, alors qu'il faut s'atteler à la construction de cette VIe République. La préservation de la nature et de la biodiversité doit être intégrée dans les politiques publiques.

Le groupe écologiste ne soutiendra pas ce texte. (M. Philippe Kaltenbach applaudit)

M. Philippe Kaltenbach .  - Cette proposition de loi constitutionnelle vise à assurer « une représentation équilibrée des territoires de la République ».

Vaste et ambitieux programme ! (Mme Sylvie Goy-Chavent s'exclame) Il s'agit en fait de contrer la jurisprudence du Conseil constitutionnel, établie depuis 1985.

Le fameux « tunnel » de plus ou moins 20 % en découle, règle rappelée encore récemment par le Conseil, à propos des accords locaux dans nos intercommunalités, saisi le 30 avril 2014 d'une question prioritaire de constitutionnalité. Nos éminents collègues Jean-Pierre Sueur et Alain Richard ont déposé une proposition de loi que nous examinerons dans quelques jours.

Nous devons nous inscrire dans un cadre contraint, fixé par le Conseil constitutionnel, que les auteurs de la présente loi proposent d'assouplir, car il pose de nombreuses difficultés...

M. Philippe Bas, co-auteur de la proposition de loi constitutionnelle.  - Très bien !

M. Philippe Kaltenbach.  - Il s'agit d'élargir le tunnel. Des solutions ont toujours été recherchées pour l'adapter aux difficultés particulières des zones de montagne, par exemple, (M. Jacques Mézard s'exclame) certes insatisfaisantes aux yeux de certains, mais qui font en sorte d'équilibrer la représentation de nos territoires.

Ce texte propose de modifier l'article premier de la Constitution, puis l'article 72. J'ai proposé un amendement qui dissocie ces deux propositions. Autant il nous apparaît nécessaire de modifier l'article 72, autant nous sommes réservés sur la modification de l'article premier, pilier de notre Constitution. Comme Pierre Mauroy l'avait dit lors des débats sur l'organisation décentralisée de la République, il faut être extrêmement prudent, avant d'y toucher : il fixe les principes fondamentaux, celui de l'égalité. Aussi voulons-nous vous convaincre qu'il ne faut retenir que la modification de l'article 72. Est-il opportun, en effet, d'ajouter à l'article premier une expression floue, la « représentation équitable ».

Dans une grande décision de 1979, relative aux élections des conseils de prud'hommes, le Conseil constitutionnel a lié l'égalité des citoyens devant le suffrage à l'égalité devant la loi.

Et nous déciderions en petit comité de modifier ce principe fondamental de l'égalité devant la loi figurant dans la Déclaration de 1789...

Mme Éliane Assassi.  - Absolument.

M. Philippe Kaltenbach.  - ... et pour lequel tant de Français sont morts ? L'égalité devant le suffrage, équivalente à l'égalité devant la loi, figure au sommet de notre hiérarchie constitutionnelle, l'on ne peut y opposer un principe de représentation équitable des territoires qui aurait la même force.

Certains voudraient faire croire que cette modification est cosmétique, qu'elle n'est qu'une réforme technique et d'ampleur limitée. Ce n'est pas le cas, elle met en cause la valeur républicaine d'égalité.

Ce n'est pas en quelques heures que nous parviendrons à articuler justice et efficacité. Le président Larcher réunit tous les mardis un groupe de travail pour modifier nos méthodes de travail. Pourquoi prendre du temps là et modifier la Constitution, aujourd'hui, si rapidement ? Et l'équité est-elle à 33 % ? J'ai entendu il y a peu les auteurs du texte récuser toute conception arithmétique de la représentation... Chacun constate que cette proposition de loi est opportuniste, d'affichage politique, à quelques semaines des élections départementales... (M. Philippe Bas, co-auteur de la proposition de loi constitutionnelle, s'exclame)

M. Jean Bizet.  - C'est un hasard !

M. Philippe Kaltenbach.  - Au lendemain du redécoupage des cantons, qui n'ont fait l'objet d'aucune annulation par le Conseil d'État...

Mme Sylvie Goy-Chavent.  - Un charcutage plutôt !

M. Philippe Kaltenbach.  - Le charcutage, c'était du temps de M. Pasqua...

Mme Sylvie Goy-Chavent.  - C'est toujours la faute de celui qui tient les ciseaux. Le groupe socialiste sait manier le scalpel.

M. Philippe Kaltenbach.  - Ensuite, un référendum sur ce sujet est-il la priorité des citoyens en ce moment ?

Comme Montesquieu le disait : « Il ne faut toucher aux lois que d'une main tremblante. »

M. Philippe Bas, co-auteur de la proposition de loi constitutionnelle.  - La mienne l'est !

M. Philippe Kaltenbach.  - Je vous appelle à suivre la position du groupe socialiste en modifiant le seul article 72 de la Constitution. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Philippe Bas, co-auteur de la proposition de loi constitutionnelle.  - Au moins, avez-vous fait la moitié du chemin.

M. Philippe Kaltenbach.  - Faites donc l'autre et nous nous retrouverons...

M. Philippe Adnot .  - Si ce texte était entré en vigueur avant le redécoupage des cantons, bien des difficultés auraient été évitées. Mais remplacer le tunnel de 20 % par un tunnel de 30 % ne résoudra pas tout. On a vu le ministre de l'intérieur appliquer les moins 20 % en milieu urbain et les plus 20 % en milieu rural... Original.

L'essentiel est d'utiliser l'esprit de la loi pour mieux représenter le milieu rural. Je voterai ce texte de grande qualité. On n'est pas d'ailleurs obligé d'aller systématiquement à plus ou moins 30 %.

M. Philippe Bas, co-auteur de la proposition de loi constitutionnelle.  - Exactement !

M. Philippe Adnot.  - Je profite de l'occasion pour interroger le ministre sur un autre sujet : pourquoi ne pas autoriser les maires à transmettre les résultats à la gendarmerie qui se chargerait de les transmettre au bureau centralisateur ? A défaut on fera faire aux maires, dans mon département, des dizaines de kilomètres... (Applaudissements à droite)

Mme Éliane Assassi .  - Nous avons disposé de trois jours seulement pour déposer des amendements... Comment avoir une réflexion approfondie dans ces conditions ? C'est étonnant alors que le président Larcher souhaite moderniser nos méthodes de travail... Modernité ne signifie pas précipitation, ni restriction des débats aux spécialistes...

L'application de la règle de l'égalité devant le suffrage n'est pas aussi rigide que les principes et la jurisprudence ne le laissent croire. Le Conseil constitutionnel a accepté sans sourciller la création de deux sièges de sénateurs à Saint-Martin et Saint-Barthélemy, qui ne représentent chacun qu'une poignée d'électeurs.

Cela dit, qui ne souhaiterait que les territoires soient représentés dignement ? Qui ne souhaiterait un lien étroit entre la population et ses élus ? Si la proposition de loi est à l'évidence opportuniste, elle vient à l'appui de l'inquiétude légitime des élus ruraux. Mais il y a une contradiction manifeste entre le constat de la difficile représentation des territoires et l'acceptation passée, par les auteurs de ce texte, de la nouvelle architecture institutionnelle. Éloignement des centres de décision, création des métropoles et de grandes régions, incitation à l'émergence de communes nouvelles, rabaissement constant des communes, soumission aux marchés et à la mise en concurrence des territoires, autant de coups portés à la démocratie de proximité à la française. Vous déplorez la désertification des zones rurales mais vous avez laissé faire les politiques qui l'organisent et condamnent des pans entiers de nos territoires.

La création de grandes régions pousse cette évolution jusqu'à la caricature.

MM. Bruno Sido et Jacques Mézard.  - Très bien !

Mme Éliane Assassi.  - La création de ces super-régions est un contresens démocratique... La question de la représentation dans les assemblées locales était pendante depuis longtemps. Je suis surprise qu'elle ne surgisse que maintenant... Il faut en tout cas la traiter dans sa globalité, parler aussi de pluralisme, du scrutin proportionnel - question cruciale alors que le scrutin majoritaire bloque tout renouveau.

Il est frappant de constater que plus l'élu est éloigné, plus il est mal perçu par la population. Le maire est l'élu préféré des Français et... contrairement à ce que l'on entend dans les cercles parisiens, le conseiller général aussi. Le département est très apprécié.

M. Bruno Sido.  - Tout à fait.

Mme Éliane Assassi.  - Comment répondre à l'exigence citoyenne de représentation et de contrôle ? Il n'est que de constater le fort taux d'abstention lors de l'élection législative partielle dans le Doubs, pourtant fortement médiatisée.

Cette proposition de loi constitutionnelle est éloignée des préoccupations des citoyens. Ils réclament une juste représentation politique mais aussi un pouvoir qui leur échappe de plus en plus du fait de la domination de l'économie sur le politique, de la complexité des normes et de la tutelle de Bruxelles ou des marchés. Nous réclamons plus de décentralisation, non la déstructuration aujourd'hui à l'oeuvre ni la surreprésentation systématique des zones rurales.

Cette proposition de loi constitutionnelle tourne le dos au principe républicain de l'égalité. Même si nous comprenons les élus ruraux qui craignent une désertification territoriale et démocratique, nous ne voterons pas ce texte.

M. Bruno Sido.  - Quelle surprise !

Mme Éliane Assassi.  - Le groupe CRC estime que cette question doit être replacée dans un cadre plus large qu'il n'est proposé aujourd'hui.

M. Philippe Bas, co-auteur de la proposition de loi constitutionnelle.  - Et demain ?

M. Jacques Mézard .  - Sans surprise, le groupe RDSE votera ce texte...

M. Jean Bizet.  - Cela commence bien !

M. Jacques Mézard.  - Je remercie les auteurs de cette proposition de loi constitutionnelle. M. Le Guen, dans une approche très bartolonienne des relations avec le Sénat, nous a expliqué très clairement pourquoi le gouvernement y était hostile...

Il est pourtant nécessaire de compléter l'article premier de la Constitution pour y inclure la notion de territoire. J'ai entendu M. Kaltenbach.... Personne ici n'a de leçons à donner sur la notion d'urgence ou les arrière-pensées électorales... Tout cela est bien partagé...

Ce que je demande, c'est la constance. Le Premier ministre, alors ministre de l'intérieur, lors de la discussion de la loi instaurant le binôme, se disait favorable à un desserrement du tunnel des 20 %, si possible. Oui c'est possible, si le Parlement le veut, pour peu qu'on lui rende un peu de pouvoirs et qu'on cesse de le mépriser... (Applaudissements au centre et à droite)

M. Valls disait aussi que les départements incarnaient mieux que les autres niveaux de collectivités la diversité des territoires et se déclarait désireux de prolonger fidèlement l'héritage. On a vu ce qui est advenu par la suite...

M. Bruno Sido.  - En effet.

M. Jacques Mézard.  - Le fameux tunnel des 20 % n'est pas inscrit dans la Constitution. Il est devenu pourtant un argument d'autorité permettant de rejeter sans autre forme d'examen toute disposition législative qui y déroge - dès la loi de décembre 2010, puis en invalidant le 20 juin 2014 la proposition de loi sur les accords locaux de représentation au sein des intercommunalités, et plus significativement encore lors de la réforme des élections départementales. Des adaptations en zones de montagne ? Dans mon département, elles n'ont pas dépassé les plus ou moins 15 %... C'est certes un progrès par rapport aux écarts intérieurs... Des adaptations pour les îles ? Vous ignorez la constitution d'îles de l'intérieur...

Je ne cesse de le répéter : les départements ruraux dans les grandes régions vont être abandonnés, écartés, marginalisés. Voués à l'inexistence. Leur représentation est garantie ? Dans le texte initial, ils avaient un représentant... Le ministre de l'Intérieur a fait depuis des efforts considérables, nous en sommes à quatre... Les territoires existent, ils veulent être entendus, c'est pourquoi le mot d'équité est central. La démographie ne suffit pas à la représentation dans la République. Dans l'article premier de la Constitution, il est d'ailleurs question, non d'habitants mais de citoyens ; certains pourraient avoir l'idée de le modifier... Pas vous, pas nous, mais il faut être vigilant...

Nos territoires veulent exister dans leur diversité politique. Je peux vous dire aujourd'hui quelle sera l'appartenance des conseillers régionaux de la Lozère quand ils ne seront plus que deux - un UMP et un PS...

La fusion des départements et des métropoles ou encore les règles de représentation des départements au sein des grandes régions sont contraires à l'aspiration des territoires qui ne supportent plus leur marginalisation. Le sentiment d'injustice est profond, la révolte est profonde. Vous avez voulu de super-régions, vous reléguez des territoires à 300 ou 400 kilomètres de leur chef-lieu. Vous mettez en cause l'existence des départements. Ce n'est une bonne vision ni de l'aménagement du territoire, ni de l'équité républicaine.

Ce texte apporte un progrès institutionnel. Le groupe RDSE le votera unanimement. (Applaudissements sur les bancs du RDSE, au centre et à droite)

M. François Zocchetto .  - Législateurs, nous ne devons modifier la Constitution qu'avec une grande prudence et sous l'empire de la nécessité. Au fil des révisions, notre loi fondamentale peut souffrir de manques. Ce texte en comble un : l'absence de représentation équitable des territoires.

Le principe d'égalité devant le suffrage s'accommode déjà d'applications diverses. En Lozère comme en Mayenne, les conseillers généraux ne représentent pas la même population. Doit-on considérer que certains sont plus légitimes que d'autres ? En réalité, il est impossible d'appliquer la même mesure partout sur le territoire. Le Conseil constitutionnel partage cette analyse qui a fixé de manière prétorienne et arbitraire la règle des plus ou moins 20 % - que le Conseil d'État reconnaît seulement comme une ligne directrice.

Le groupe UDI-UC salue cette proposition de loi constitutionnelle qui introduit la notion de représentation équitable des territoires dans leur diversité, qui donnera une base juridique plus solide à l'appréciation du juge administratif face à la jurisprudence peu évolutive du Conseil constitutionnel. Sans racines, la démocratie se vide de son sens.

Le groupe UDI-UC, fidèle à l'esprit de la Constitution comme à l'intelligence des territoires, votera unanimement cette proposition de loi constitutionnelle.

M. Bruno Sido .  - À l'heure où certains réclament une fusion du Sénat avec le CESE, voire sa suppression pure et simple, ce texte offre une bonne illustration de la plus-value qu'apporte notre Sénat. À l'inverse de l'Assemblée nationale qui s'attache à la représentation démographique, le Sénat veille, lui, à une représentation équitable et efficace des territoires.

Les sénateurs ont une connaissance fine des régions, des départements, des communes et de leurs groupements ; de leurs moyens, de leurs actions, de leur apport au bien commun. Les collectivités territoriales sont le socle de notre démocratie au quotidien, elles sont le meilleur rempart contre les assauts des populistes de droite comme de gauche. Plus que jamais l'action publique doit renforcer le lien entre les élus et les citoyens.

Refuser l'uniformité, c'est tenir compte de la réalité territoriale. Là est l'apport du Sénat, loin de l'effervescence qui saisit parfois nos collègues de l'Assemblée nationale. Le sentiment d'abandon est fort dans les banlieues ; il l'est aussi dans les zones rurales confrontées à la désertification, à la fermeture des services publics - même s'il s'exprime moins. Le désespoir est parfois muet.

Les élus locaux sont en première ligne, avant tout le maire et le conseiller général. L'instauration du binôme cantonal s'est accompagnée de l'application du tunnel de 20 %. Le Conseil constitutionnel y a veillé, mais la marge est trop étroite dans les zones rurales. En Haute-Marne, un canton compte plus de 70 communes et s'étend sur des dizaines de kilomètres...

Cette proposition de loi est un pas en faveur de la proximité. Mais le diable dit-on se cache dans les détails. Le gouvernement n'a pas toujours usé de la marge des 20 % pour réduire la taille des cantons ruraux mais l'a fait plutôt en milieu urbain pour découper des circonscriptions gagnables pour la majorité actuelle - ce fut le cas à Chaumont.

Il est bon que ce texte rappelle l'esprit de la loi, ce que doit être son application. (Applaudissements au centre et à droite)

M. Gérard Bailly .  - J'étais heureux, ce texte remédiait au problème de la représentation des territoires ruraux. La tristesse m'a pris quand j'ai compris que le gouvernement y était opposé...

Oui, le monde rural, hyper-rural est oublié, abandonné. La ruralité perd du poids au Sénat, tandis que le Conseil d'État remet en cause les accords amiables qui fixaient le nombre des délégués des communes dans les syndicats intercommunaux. Comment les petites communes pourront-elles se faire entendre ? Et que dire du découpage de l'absurde qui a été celui des cantons ? Mon ancien canton, que la presse qualifie de XXL, couvrira 702 km² et 74 communes ; il ne comptera que deux élus alors que Lons-le-Saunier, pour 103 km² et moins d'habitants, en aura quatre. Où est la justice ? Comment les deux élus, souvent bénévoles, vont-ils accomplir leur tâche, surtout avec la neige qui vient, tandis que leurs quatre collègues se marcheront sur les pieds ?

Les territoires ruraux sont exaspérés d'être considérés comme insignifiants alors qu'ils sont source de richesse et de projets. Je l'ai constaté en travaillant avec Mme Nicoux à notre rapport. Mais vous ne voulez pas en tenir compte.

Il faut corriger certaines absurdités et reconnaître l'immense diversité des territoires. Je souhaite que cette proposition de loi soit largement soutenue. (Applaudissements au centre et à droite)

présidence de M. Claude Bérit-Débat, vice-président

M. Hervé Maurey .  - J'ai déjà eu l'occasion de souligner que la représentation fondée sur le seul critère démographique n'était pas suffisante. Cette proposition de loi constitutionnelle sénatoriale témoigne à point nommé de la spécificité et de l'utilité constitutionnelle du Sénat. Alors que le Sénat bashing n'est plus l'apanage de journalistes peu scrupuleux mais aussi des plus hautes sphères de l'État PS, cette proposition de loi illustre la vocation de notre assemblée à défendre les territoires, conformément aux missions que lui assigne la Constitution et qu'a opportunément rappelées le président Larcher.

Le tunnel de 20 % s'est imposé au détriment du bon sens. Le découpage cantonal a montré l'absurdité du diktat des chiffres, surtout avec des arrière-pensées électorales en toile de fond... Dans l'Eure, qui n'est pas en montagne, certains cantons comptent plus de 60 communes et il faut plus d'une heure pour les traverser... Peut-on raisonnablement les considérer comme des cellules de la démocratie ?

Le Conseil constitutionnel a censuré le 20 juin dernier le mécanisme de correction des inégalités démographiques nous nous avions adopté pour les EPCI. Il faut de la souplesse. Oui, la République est une et indivisible. Mais comme citoyen, élu local et sénateur, je crois en nos territoires, espaces de vie, de solidarité et de projets, creuset de l'histoire et base de l'avenir. Aussi, inscrire dans l'article premier de la Constitution que la République assure la représentation équitable des territoires me semble-t-il nécessaire.

Au-delà, je plaide pour que le Sénat ait un réflexe territorial, comme il a un réflexe parité, à chaque fois qu'il examine un texte - mesurer l'impact sur les territoires de ce qu'il vote.

Le groupe UDI-UC votera ce texte avec enthousiasme en espérant qu'il ne tombera pas dans les oubliettes de l'Assemblée nationale. (Applaudissements au centre et à droite)

Mme Nicole Duranton .  - Un territoire s'apprend, se défend, s'invente et se réinvente. C'est un lieu de vie et d'action.

« La loi du nombre est celle de l'idiotie », voilà ce que j'ai retenu du discours de Bruno Retailleau en novembre dernier. Soyons fiers de notre Sénat, défenseurs des territoires, qu'insulte un Claude Bartolone en mal de visibilité médiatique ! (Applaudissements sur les bancs UMP)

Introduire la notion de territoire dans la Constitution, et ce dès le premier article, assurera la reconnaissance de tous les territoires dans leur diversité. De même, la notion d'équité, qui figure déjà à l'article 4 de la Constitution pour les groupes politiques, doit être appliquée à la représentation des territoires.

Le redécoupage cantonal, parlons-en. Sous couvert d'instaurer la parité, le gouvernement a réduit le nombre des cantons ruraux. Dans l'Eure, quatre cantons ont été fusionnés : 64 communes, plus de 65 kilomètres entre Berville sur Mer et Saint Germain la campagne. Où est le bassin de vie ?

Le Sénat se fait l'écho des préoccupations des territoires et des élus locaux, n'est-ce pas sa vocation naturelle ? Cette proposition de loi constitutionnelle, efficace, ne remet pas en cause le principe d'égalité devant le suffrage. Affirmer qu'elle bouleverse les grands équilibres territoriaux est inaudible face à un gouvernement qui n'a cessé de modifier les scrutins.

Oui, le Sénat est novateur ! À lui de reprendre la main. (Applaudissements à droite)

M. Charles Revet.  - Bravo !

M. Jean-Jacques Lasserre .  - J'espère que cette proposition de loi constitutionnelle sera adoptée. Pardonnez-moi de citer un exemple grandeur nature : le pays basque où le représentant de l'État nous pousse à constituer un Epci unique. À Bayonne, un conseiller général pour 2 200 habitants ; pour le territoire global, un élu pour 1 200 habitants ! Il nous faut réfléchir à une solution partagée par tous les élus, et applicable. Aujourd'hui, nous risquons l'inconstitutionnalité à cause de la loi de 2010. Voilà pourquoi je voterai ce texte qui assouplit la règle du tunnel des 20 % : les territoires ne sont pas uniformes, trouvons des solutions locales adaptées au cas par cas.

Monsieur le secrétaire d'État, d'importants obstacles législatifs se dressent devant le projet que je porte, celui du pays basque.

J'ai besoin de savoir ce que le ministre en pense et si cette proposition de loi constitutionnelle améliorera les choses. (Applaudissements à droite)

M. François Bonhomme .  - Comme beaucoup, je veux assurer une meilleure représentation des territoires. Elle passe, à mon sens, par un desserrement du principe d'égalité devant le suffrage. Trop de démographie, pas assez de géographie, pour paraphraser une célèbre formule. Il faut sortir du « tout arithmétique », desserrer le carcan jurisprudentiel, sans renoncer à la logique arithmétique d'un homme, une voix, au principe de la démocratie. Il s'agit de l'articuler à la réalité territoriale. Je veux éviter la formation d'une France périphérique, abandonnée, face à une France métropolisée.

Il faut prendre en compte les bassins de vie. Le gouvernement veut se montrer rassurant, en prétendant que toutes les décisions sont prises dans cette perspective. Pourtant, il a tourné le dos aux territoires. Les élections départementales se dérouleront dans des conditions baroques : on ne connaît toujours pas leurs compétences, le mode de scrutin est pour le moins confus dans les nouveaux cantons issus du redécoupage ou, plutôt, du charcutage. Un charcutage qui ferait rougir M. Pasqua !

M. Philippe Kaltenbach.  - Impossible !

M. François Bonhomme.  - Si ! Et ce terme est peu respectueux du travail des bouchers et charcutiers, s'agissant d'une découpe à la hache, sans discernement, à des fins électoralistes ! (Applaudissements sur les bancs UMP)

Avec ce texte, nous franchirons un pas dans la reconnaissance des bassins de vie. Monsieur le ministre, n'existe-t-il pas un ministère de l'égalité des territoires ? N'y a-t-il pas eu des Assises de la ruralité dont est sortie un fourbi aussi grandiloquent qu'inutile ? Que reste-t-il des états généraux de la démocratie territoriale qui voulaient libérer la parole des territoires ? En refusant cette proposition, vous manquez l'occasion de corriger les effets dévastateurs de votre politique d'affaiblissement des territoires. (Applaudissements sur les bancs UMP)

M. Jacques Genest .  - Ce texte est l'occasion de débattre sereinement de la juste représentation des territoires sans être accusé de dégainer la machine à calculer les voix.

Les élus urbains, regroupés en associations, font mieux entendre leur légitimes attentes. Cela est plus difficile pour des citoyens ruraux qui demandent la réfection de quelques kilomètres de route. Cela le sera encore plus si l'on amoindrit leur poids politique.

Parmi les 17 cantons ardéchois créés par le charcutage, deux représentent plus de 28 % de notre territoire et un quart de nos communes ; ils disposent seulement de 11 % des élus. La représentation de la montagne ardéchoise va être délaissée. Il suffit que la neige tombe les 22 et 29 mars pour que les maires des communes de montagne ne puissent apporter les résultats des élections départementales au chef-lieu à plus de 60 kilomètres. Oui, nous disons avec Jean Ferrat que la montagne est belle. Mais soit nous souhaitons exploiter ce potentiel soit nous l'abandonnons. Il est plus que temps de rendre aux territoires ruraux leur poids en votant cette proposition de loi constitutionnelle. C'est d'autant plus urgent que le Commissariat à l'égalité des territoires a proposé hier de transférer les compétences des communes aux EPCI, les transformant en collectivités fantômes ! (Applaudissements sur les bancs UMP)

La discussion générale est close.

Discussion des articles

ARTICLE PREMIER

M. le président.  - Amendement n°1, présenté par M. Kaltenbach.

Supprimer cet article.

M. Philippe Kaltenbach.  - La modification de l'article premier, un article fondamental, mérite plus que quelques heures de débat en séance. Aucun constitutionnaliste n'a été consulté, la population non plus. Nous sommes prêts à élargir le tunnel, à le porter à plus ou moins 30 %, et même 33,3 %, monsieur Mézard, mais nous ne voulons pas porter atteinte au socle fondamental de notre Constitution.

M. Hugues Portelli, rapporteur.  - Avis défavorable. Nous avons, en 2003 comme en 2008, modifié l'article premier pour y inscrire l'organisation décentralisée de la République et la parité. Par parallélisme des formes, faisons-en de même pour la représentation équitable des territoires.

M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d'État.  - Favorable. Le gouvernement est hostile à l'ensemble du texte.

L'amendement n°1 n'est pas adopté.

L'article premier est adopté.

L'article 2 est adopté.

La proposition de loi constitutionnelle est mise aux voix par scrutin public de droit.

M. le président.  - Voici le résultat du scrutin n°90 :

Nombre de votants 345
Nombre de suffrages exprimés 345
Pour l'adoption 205
Contre 140

Le Sénat a adopté.

Dépôt de documents

M. le président.  - M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre la contre-expertise de l'évaluation socio-économique du projet de réhabilitation des quartiers scientifiques du campus « Lyon-Tech-La Doua » accompagnée de l'avis du commissariat général à l'investissement sur ce projet.

Acte est donné du dépôt de ces documents qui ont été transmis à la commission des affaires économiques et à la commission des finances, ainsi qu'à la commission de la culture.

Prochaine séance, mercredi 4 février 2015, à 14 h 30.

La séance est levée à 20 h 5.

Jean-Luc Dealberto

Directeur des comptes rendus analytiques

Ordre du jour du mercredi 4 février 2015

Séance publique

De 14 h 30 à 18 h 30

Présidence : Mme Isabelle Debré, vice-présidente M. Jean-Pierre Caffet, vice-président

Secrétaires : M. Bruno Gilles - Mme Colette Mélot

1. Suite de la proposition de loi relative à l'instauration d'une journée des morts pour la paix et la liberté d'informer (n° 231, 2013-2014).

Rapport de M. Jeanny Lorgeoux, fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées (n° 576, 2013-2014).

Résultat des travaux de la commission (n° 577, 2013-2014).

2. Proposition de résolution relative à la préservation des insectes pollinisateurs, de l'environnement et de la santé et à un moratoire sur les pesticides de la famille des néonicotinoïdes, présentée en application de l'article 34-1 de la Constitution (n° 643, 2013-2014).

3. Proposition de loi autorisant l'usage contrôlé du cannabis (n° 317, 2013-2014).

Rapport de M. Jean Desessard, fait au nom de la commission des affaires sociales (n° 250, 2014-2015).

Résultat des travaux de la commission (n° 251, 2014-2015).

À 18 h 30

4. Débat préalable à la réunion du Conseil européen des 12 et 13 février.

Analyse des scrutins publics

Scrutin n° 90 sur l'ensemble de la proposition de loi constitutionnelle tendant à assurer la représentation équilibrée des territoires.

Résultat du scrutin

Nombre de votants :345

Suffrages exprimés :345

Pour :205

Contre :140

Le Sénat a adopté.

Analyse par groupes politiques

Groupe UMP (143)

Pour : 143

Groupe socialiste (111)

Contre : 111

Groupe UDI-UC (43)

Pour : 43

Groupe CRC (19)

Contre : 19

Groupe du RDSE (13)

Pour : 13

Groupe écologiste (10)

Contre : 10

Sénateurs non inscrits (9)

Pour : 6

N'ont pas pris part au vote : 3 - MM. David Rachline, Stéphane Ravier, Alex Türk