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Table des matières



Débat sur les négociations commerciales transatlantiques

M. Daniel Raoul, au nom du groupe socialiste

M. Jean-Pierre Chevènement

M. André Gattolin

M. Jean Bizet

Mme Nathalie Goulet

M. Michel Billout

Mme Bernadette Bourzai

Mme Marie-Noëlle Lienemann

M. Jean-Yves Leconte

M. Alain Richard

Hommage à une délégation britannique

Débat sur les négociations commerciales transatlantiques (Suite)

Mme Nicole Bricq, ministre du commerce extérieur

Engagement de procédure accélérée

Questions d'actualité

Société nationale Corse Méditerranée

M. Nicolas Alfonsi

M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué auprès du ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche

Un tournant social-libéral ?

M. Philippe Dallier

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre

Redécoupage cantonal (I)

M. Hervé Marseille

M. Alain Vidalies, ministre délégué auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement

Tempête sur le littoral atlantique

Mme Françoise Cartron

Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée auprès de la ministre de la réforme de l'État, de la décentralisation et de la fonction publique, chargée de la décentralisation

Déraillement en gare de Drancy

Mme Aline Archimbaud

M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué auprès du ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche

Politique du Gouvernement

Mme Éliane Assassi

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre

Conséquences du cyclone à La Réunion

Mme Jacqueline Farreyrol

M. Victorin Lurel, ministre des outre-mer

Rôle des départements

M. Gérard Miquel

Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée auprès de la ministre de la réforme de l'État, de la décentralisation et de la fonction publique, chargée de la décentralisation

Redécoupage cantonal (II)

M. Éric Doligé

M. Alain Vidalies, ministre délégué auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement

Égalité professionnelle hommes-femmes

Mme Laurence Rossignol

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre des droits des femmes, porte-parole du Gouvernement

Défibrillateurs dans les lieux publics

M. Alex Türk

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé

Question prioritaire de constitutionnalité

Ordre du jour du mardi 14 janvier 2014




SÉANCE

du jeudi 9 janvier 2014

53e séance de la session ordinaire 2013-2014

présidence de M. Thierry Foucaud,vice-président

Secrétaires : M. Jean Boyer, M. Hubert Falco.

La séance est ouverte à 10 heures.

Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.

Débat sur les négociations commerciales transatlantiques

M. le président.  - L'ordre du jour appelle un débat sur les négociations commerciales transatlantiques.

M. Daniel Raoul, au nom du groupe socialiste .  - Je salue la méthode du Gouvernement qui, avant même l'ouverture de la négociation, a associé le Parlement, mais aussi la société civile, les syndicats et les organisations professionnelles. Pour preuve, la création d'un comité stratégique du partenariat transatlantique sur le commerce et l'investissement, associant parlementaires et personnalités qualifiées, qui s'est réuni le 8 octobre dernier et se retrouvera une fois par trimestre, ou encore la réunion organisée à Bercy le 18 décembre dernier avec des acteurs de la société civile. Ce souci de transparence doit satisfaire nos collègues, même les plus exigeants comme M. Bizet...

Madame la ministre, l'opacité en matière de négociations commerciales internationales a, en effet, montré, comme à Seattle en 1999 ou, de manière dramatique, à Gênes en 2001, où l'on a déploré un mort et six cents blessés, combien elle alimentait la suspicion, la désinformation, les fantasmes. Elle prive l'État du soutien de sa population, dont il a besoin pour défendre ses intérêts. Aurions-nous eu gain de cause sur l'exception culturelle sans le soutien de nos concitoyens ? L'opinion publique, qui est parfois un aiguillon, est aussi un atout.

C'est pourquoi je regrette que les gouvernements allemand, néerlandais et danois n'aient pas accepté la publication du mandat donné à la Commission européenne, d'autant que la France, grâce à votre ténacité, madame la ministre, a obtenu des garanties notables en matière sociale, culturelle ou environnementale. Les services audiovisuels et les marchés de défense sont exclus. Les préférences collectives, pour reprendre l'expression de Pascal Lamy, en font partie, c'est-à-dire la protection du consommateur et de l'environnement, domaine où les différences sont nombreuses de part et d'autre de l'Atlantique. Sur la protection du consommateur et de l'environnement, sur les OGM, la viande aux hormones ou le clonage, nos standards sont supérieurs à ceux de nos amis américains.

Les négociations portent sur quatre thèmes principaux : l'accès aux marchés de biens et de services ; l'ouverture des marchés publics, qui intéresse particulièrement les entreprises françaises -95 % des marchés publics en Europe sont ouverts aux entreprises extra-européennes, 30 % des marchés américains le sont aux entreprises étrangères ; la convergence réglementaire ; enfin le mécanisme de règlement des différends entre États et investisseurs, point qui suscite notre réticence pour ne pas dire notre opposition.

Les bénéfices potentiels d'un partenariat équilibré sont considérables. Union européenne et États-Unis ensemble représentent la moitié du PIB mondial, le tiers des échanges mondiaux. Les États-Unis sont le premier marché de nos exportations. Si la balance commerciale européenne présente un solde positif de plus de 70 milliards d'euros, l'économie américaine a, ces dernières années, considérablement amélioré sa compétitivité, grâce notamment à l'exploitation des gaz de schiste...

M. Jean Bizet.  - Eh oui !

M. Daniel Raoul, au nom du groupe socialiste.  - Le troisième cycle de négociations qui vient de s'achever à Washington clôt la phase préliminaire des négociations. Ce débat nous offre l'occasion de faire le point.

Les spécificités institutionnelles européennes posent un problème et soulèvent une équation à plusieurs inconnues. De son côté, le négociateur américain n'a pas de mandat en bonne et due forme et les États-Unis sont un état fédéral, ce qui peut avoir des conséquences sur l'application de l'accord à venir. Rien n'empêcherait le Congrès américain de remettre en cause le résultat des négociations ; et quand bien même il l'approuverait, les États fédérés pourraient ne pas se trouver liés par l'accord - on l'a vu par le passé. Madame la ministre, pouvez-vous nous éclairer sur ces difficultés institutionnelles ? A-t-on des engagements du partenaire américain sur application de l'accord à l'échelon sous-fédéral ?

Les positions de la France n'excluent pas les intérêts de nos partenaires européens. Madame la ministre, avez-vous pu rencontrer nos partenaires allemands et polonais pour défendre, dans le cadre d'une coopération renforcée, des positions fortes, en particulier dans les dossiers agricoles et agro-alimentaires ? Quels intérêts offensifs et défensifs défendez-vous pour ce secteur éminemment important pour notre économie ? Dans quels secteurs la France demande-t-elle des clauses de sauvegarde ?

Notre pays a tout à gagner à une levée des barrières non tarifaires. Mais nous devons éviter un nivellement par le bas des règles sanitaires et environnementales, de celles qui protègent les consommateurs. Il est essentiel d'obtenir des garanties sur ce point, alors que le modèle social européen présente un intérêt grandissant pour les Américains. Il y va de l'acceptabilité sociale du partenariat.

Où en sommes-nous des négociations sur l'ouverture des marchés publics, qui intéressent au premier chef nos entreprises, notamment dans les domaines des transports, de l'énergie, de l'eau ou du traitement des déchets ?

Quid du recours à l'arbitrage, que le Sénat a souhaité supprimer dans une proposition de résolution parce qu'il remet en cause le droit des États et coûterait très cher aux contribuables ? Où en sont les discussions ?

L'enjeu est de parvenir à un compromis win-win, gagnant-gagnant en français, alors que les deux parties ne partagent pas nécessairement les mêmes objectifs et que tous les pays européens n'en tirent pas les mêmes bénéfices. Nous devons être au clair sur nos objectifs, la Commission doit négocier sur leur fondement et non tomber dans le piège d'une négociation où tout serait inclus sauf ce qui serait explicitement exclu. Un tel partenariat pourrait aboutir à un accord modèle des relations commerciales internationales et être vecteur de progrès.

Madame la ministre, soyez assurée de notre soutien lors des négociations. Nous serons très vigilants sur le contenu final des accords. (Applaudissements sur les bancs socialistes et écologistes)

M. Jean-Pierre Chevènement .  - L'idée d'un partenariat transatlantique a été avancée en février 2013 par le président Obama -en présentant l'Union européenne comme demanderesse d'un accord... Aussitôt M. Barroso a repris l'idée au vol... Le Parlement européen avait souhaité, dès 2009, la formation d'un marché transatlantique intégré à l'horizon 2015. L'ouverture de cette négociation était actée dès juin 2013 par le Conseil européen. Tout est donc allé très vite. Même si le coup est parti, un tel débat est opportun.

Ce projet répond à un souci ancien des États-Unis, celui de supprimer tous les obstacles aux échanges internationaux ; il correspond aussi à la programmation libérale de la construction européenne qui découle des traités, sur le modèle de l'accord euro-coréen entré en vigueur en 2011.

Entre 55 et 86 milliards d'excédents commerciaux pour l'Europe dit-on. Mais ce solde est dû à l'Allemagne pour 46 milliards d'euros... Les États-Unis voient dans l'accord un moyen de rééquilibrer leurs échanges et de créer des emplois sur leur sol. Les bénéfices estimés de la négociation, 0,5 point de PIB étalé sur plusieurs années, sont imperceptibles... Rappelons-nous que le marché unique devait créer 6 millions d'emplois en 1992 -3 à 4 millions ont été détruits la même année...

L'accord s'inscrit dans la stratégie des États-Unis pour contenir la montée en puissance de la Chine ; et l'intérêt des multinationales pour réduire le pouvoir des États est patent. Les États-Unis ont revu leur attitude à l'égard de la Chine, dont ils avaient sous-estimé la fulgurante émergence. L'Asie est leur enjeu principal. Il leur faut rassembler tous les pays bordant les rives des océans qui baignent les États-Unis pour limiter la progression de la Chine. En 2011 est intervenue la signature du Transpacific partnership, bientôt rejoint par le Japon. Les États-Unis n'entendent pas laisser l'Europe s'autonomiser ; le partenariat transatlantique est pour eux second.

Les conséquences pour l'Europe et la France de ce partenariat transatlantique sont préoccupantes. Les intérêts des industries allemandes ne rejoignent pas forcément ceux des États et des salariés, y compris dans leur propre pays. Il faut faire passer cette idée auprès de nos amis du SPD.

Pour la France, je ne crois pas que ce partenariat nous aide à surmonter le handicap de compétitivité que vous évoquiez ce matin sur les ondes de France-Info, madame la ministre...

Mme Nicole Bricq, ministre du commerce extérieur.  - J'avais au moins un auditeur. (Sourires)

M. Jean-Pierre Chevènement.  - Sur le pilotage de cette négociation, avez-vous un mandat interministériel clair ? La France exerce-t-elle un contrôle réel sur la Commission, sur le commissaire au commerce international ? Vous devez rassembler tous les secteurs, y compris la défense...

M. André Gattolin.  - Et la culture !

M. Jean-Pierre Chevènement.  - ...pour que nos intérêts soient sauvegardés. Vous avez besoin du soutien de la Délégation générale pour l'armement. Il s'agit de lutter contre le protectionnisme américain, qui va bien au-delà de la pax americana. Vous devez avoir un oeil là-dessus, madame la ministre.

Nos préférences collectives sont en cause : viandes, OGM, mais aussi industrie nécessitent une attention vigilante. J'attire particulièrement votre attention sur l'automobile.

Quid de l'accord sur les investissements, qui devrait permettre aux multinationales de contester devant les tribunaux ce qui restera de la réglementation des États ? Quelle clause de sauvegarde entendez-vous maintenir ?

À l'arrière-plan de la négociation se trouve la question fondamentale de la remise en ordre du système monétaire international ; un serpent monétaire transatlantique permettrait une remise en ordre en douceur des parités, ce qui serait bon pour la croissance des deux côtés de l'Atlantique. On ne peut parler de libre-échange dès lors que la parité euro-dollar peut varier du simple au double en l'espace de dix ans. Nous allons, en outre, vers l'internationalisation du yuan.

Dans la négociation d'un accord de libre-échange transatlantique se joue l'avenir de la mondialisation. Il ne faut pas l'aborder pas par le petit bout de la lorgnette. La France doit rester vigilante pour ne pas passer sous les roues du char. (Mme Marie-Noëlle Lienemann et M. André Gattolin applaudissent)

M. André Gattolin .  - « Approcher le projet de traité transatlantique comme un accord de libre-échange de plus, alors qu'il s'agit de l'accord bilatéral de trop, révèle une myopie stratégique étonnante. Comment l'expliquer sinon par le conformisme néolibéral, qui prévaut toujours dans les enceintes européennes malgré la crise, et par l'activité des lobbies ? » Ces propos, que je partage largement, sont de l'ex-bras droit de Pascal Lamy, M. Pierre Defraigne, que l'on ne peut soupçonner d'être eurosceptique acharné, anti-américain ou antilibéral.

Cette négociation participe d'une dynamique récente, renforcée par le Commissaire au commerce international : la démultiplication des traités bilatéraux, qui traduit l'affaiblissement de l'OMC.

Si l'Europe ne s'est jamais construite contre, ni même en dépit des États-Unis, elle a su conserver une identité propre, fondée sur une culture partagée de la démocratie libérale, enracinée dans les Lumières. D'où la norme, la loi, le droit dont on se plaint tant outre-Manche, qui apportent standards et protections que beaucoup nous envient.

Quelles seront les conséquences du traité ? Les droits de douane sont déjà très bas : de 5,2 % et de 3,5 % en moyenne de part et d'autre de l'Atlantique. De quelles barrières parle-t-on en réalité ? Des règles d'attribution des marchés publics, des normes sociales et environnementales qui empêchent de commercialiser les OGM, les viandes aux hormones, les produits informatiques ou les multinationales de renforcer des positions déjà extravagantes...

Comment seront résolus les éventuels conflits ? Les négociations sont menées dans l'opacité quasi complète, en dépit du présent débat que nous saluons.

Conformément aux souhaits de Mme Merkel et de M. Cameron, la commission a reçu un mandat très large ; la culture, la défense, exclues a priori, peuvent être réintroduites à tout moment pour faire pression sur d'autres points... Auditionnons le Commissaire Karel de Gucht, comme l'a fait le Sénat néerlandais !

Le manque de vision à moyen terme de ce projet est sidérant : qu'en est-il de ce demi-point de croissance promis ? Quelles industries en bénéficieront-elles ? Les ports d'Anvers, de Rotterdam et autres en profiteront-ils au détriment d'autres États membres ? Qu'attend-on pour communiquer aux parlements nationaux tous les aspects de cette négociation, dont des études d'impact ?

Fervent partisan d'une Europe fédérale et ami des États-Unis, je tiens pourtant que ce projet en l'état est mauvais. Une clarification s'imposait dès qu'avait éclaté le scandale des écoutes de la NSA. Je ne suis pas certain que le Parlement européen votera ce projet de traité. Notre incapacité à réagir vite alimentera le scepticisme des citoyens européens.

Les nouvelles institutions européennes devront oeuvrer avec détermination à une réorientation politique de l'Union européenne, ce qui passe par la remise en question de ce projet de traité.

M. Jean Bizet .  - Je me réjouis de la tenue de ce débat. Il importe que le Sénat s'en préoccupe et informe nos concitoyens. Il est vrai qu'il serait souhaitable de nous hisser au niveau du Sénat néerlandais...

Notre économie est mondialisée, toute amélioration des flux commerciaux est un avantage incontestable pour nos entreprises et pour l'emploi dans nos territoires. Selon une étude d'un cabinet londonien, le bénéfice attendu pour l'Union de cet accord s'élèverait à 119 milliards d'euros par an, soit 545 euros par ménage. Madame la ministre, confirmez-vous ou infirmez-vous cette analyse ?

Nous sommes plutôt dans le réglementaire que dans le tarifaire, la moyenne des droits de douane étant déjà de l'ordre de 4 %. En revanche, les obstacles non tarifaires -normes, règles administratives, contingences bureaucratiques- restent importants et ont un coût, payé par le consommateur.

Il ne faut pas opposer le partenariat transatlantique à l'accord récemment conclu à Bali. Le bilatéralisme complète le multilatéralisme.

Mme Nicole Bricq, ministre.  - Très bien !

M. Jean Bizet.  - Le partenariat recentre vers l'hémisphère nord un commerce international focalisé sur l'Asie. Les normes sociales et environnementales ne seront pas harmonisées à la baisse, les standards européens seront maintenus : rassurons les Français, inquiets de la mondialisation.

Le règlement des différends investisseurs-États protégerait nos industriels investisseurs outre-Atlantique.

Après mon récent déplacement à Washington, je suis persuadé que le président Obama, le 28 janvier, lors du discours sur l'état de l'Union, dira sa volonté de concrétiser rapidement un accord avec les pays de la zone pacifique, qui exclura les marques et indications géographiques protégées (IGP) -les partenaires des Américains y attachent peu d'importance. Or celles-ci sont l'image et la signature de l'agro-alimentaire européen et français, fruit du savoir-faire et des investissements de nos agriculteurs. Attention : on ne peut pas comparer le Pacifique et l'Union européenne ! Ces signatures agro-alimentaires ont un prix élevé. Ce point est toujours en négociation dans le cadre du cycle de Doha, ayant été exclu du récent accord de Bali. Élu de Normandie, je considère ce point comme majeur.

Mme Nathalie Goulet.  - Très bien !

M. Jean Bizet.  - La guerre du champagne est en passe d'être réglée, il ne serait pas responsable, je le dis en tant que normand, d'ouvrir celle du Camembert.

Mme Nathalie Goulet.  - Très bien !

M. Jean Bizet.  - Une préoccupation que je partage avec le président Raoul : nous importons 75 % de la couverture alimentaire de nos animaux. Or les céréales américaines sont très majoritairement OGM. Des avis scientifiques positifs sont toujours en attente d'être suivis de permis d'importation ; cette rétention administrative est dommageable. Il faut être pragmatique : en cas d'avis scientifique clair, la réglementation doit être adaptée. La transparence sur ce dossier est loin d'être optimale.

La fiscalité des activités numériques n'est pas au coeur de l'accord. Mais celui-ci nous offre l'occasion de nous entendre avec les Américains sur le concept d'établissement stable virtuel, afin de fiscaliser à terme les activités des géants du numérique. Je ne suis pas un ayatollah de la fiscalisation, mais je tiens à ce que ce travail de longue haleine soit mené à bien. Le début des négociations transatlantiques nous donne l'occasion de reposer le problème. À Bali, je me suis fait renvoyer dans les lignes par la délégation chinoise. Naïvement, je pensais que nos amis chinois voulaient s'attaquer à Google -quand ils veulent créer un Google chinois...

Il est impératif de rester exigeant sur la sécurité sanitaire et la qualité environnementale imposée unilatéralement à nos entreprises depuis longtemps. Qu'elles engrangent les bénéfices de leur avance dans ce domaine ! Le principe de réciprocité doit s'appliquer dans toute sa rigueur. Retrouvons ainsi un peu de ... compétitivité puisqu'il est désormais permis de prononcer ce mot.

Mme Nicole Bricq, ministre.  - Il l'est depuis qu'il y a une nouvelle majorité !

M. Jean Bizet.  - Je me suis montré gentil jusqu'à présent. Je vais l'être moins... La compétitivité de l'industrie française n'est pas, certes, atteinte depuis mai 2012...

M. Daniel Raoul, président de la commission des affaires économiques.  - Ah tout de même !

M. Jean Bizet.  - Mais depuis le Gouvernement a surchargé la barque. Entre les roues du char allemand qu'a évoquées M. Chevènement...

M. Jean-Pierre Chevènement.  - Plutôt américain !

M. Jean Bizet.  - ... et les voies d'eau du paquebot France, il y a de quoi être inquiet. La mise en place des instruments de convergence et de compétitivité est une urgence. L'opposition, madame la ministre, sera constructive, il y va de l'avenir de la France.

Mme Nicole Bricq, ministre.  - Très bien !

Mme Nathalie Goulet .  - Revenant des États-Unis, je suis en plein décalage horaire... Après le débat d'hier soir, l'Amazon bashing se poursuit...

Quand les États-Unis cherchent à négocier, c'est qu'ils espèrent en tirer profit. La Grande-Bretagne va essayer de maintenir sa place financière, l'Allemagne sa place industrielle. La France qui a une politique culturelle, agricole, de défense a beaucoup plus à perdre qu'à gagner dans cette affaire.

Ne m'en voulez pas d'aborder le Camembert, je suis élue de l'Orne !

Mme Nicole Bricq, ministre.  - N'oublions pas le Pont-L'Evêque !

Mme Nathalie Goulet.  - Que deviendra la question des OGM, que l'on croyait tranchée par le Conseil constitutionnel en 2008, après cet accord ?

Mme Nicole Bricq, ministre.  - C'est un débat...

Mme Nathalie Goulet.  - Qui va revoir ses standards, l'Union ou les États-Unis ? Quid des subventions de la PAC ? En attente de réponse, les agriculteurs et les éleveurs risquent de freiner leurs décisions d'investissements.

Les banques new-yorkaises ont porté un coup d'arrêt aux tentatives américaines de régulation. En France, nous venons de mettre en place un régime de séparation entres activités commerciales et financières des banques. De quel côté penchera la balance, face aux levées de boucliers de Wall Street mais aussi de l'Allemagne ? Les mauvaises habitudes ont repris le dessus aux États-Unis et sur certaines places financières.

Le mot « régulation » sera-t-il rayé de la carte au moment même où la France et l'Europe s'emploient à lui donner un contenu ? Une nouvelle crise financière menacerait si c'était le cas. D'un côté à l'autre de l'Atlantique, la régulation n'a pas le même sens... Les banques américaines dérégulées pourront-elles s'implanter librement chez nous ? Des banques régulées et d'autres qui ne le seront pas coexisteront-elles ? Nous avons fort à faire.

J'en viens à la protection de données personnelles, après le scandale des écoutes de la NSA. Facebook dispose d'un quasi-monopole de la gestion des données en Grande-Bretagne. Comment réagir en France à l'emprise de tels géants ? Comment envisager une offre alternative ? Nous avons vu, dans la loi de programmation militaire, la difficulté que nous éprouvons à protéger nos données ; et la question de la géolocalisation va venir bientôt devant nous. Je pense qu'il est illusoire, dans cette vie connectée, de vouloir protéger complètement les données personnelles. Dès que nous ouvrons notre portable, nous acceptons la géolocalisation.

Pour autant, la protection des données personnelles comme la gestion bancaire sont absolument essentielles dans ces négociations. Gardons-nous des États-Unis qui n'ont absolument pas tiré les leçons de la crise et sont prêts à nous faire sombrer à nouveau avec eux dans ce naufrage.

M. Michel Billout .  - La plus grande opacité règne malgré vos efforts, madame la ministre. Quel mauvais signe à l'approche des élections européennes ! Souvenons-nous de l'accord multilatéral sur l'investissement, négocié entre 1995 et 1997, retiré au dernier moment. De cet accord-ci résulterait, dit-on, un gain de 0,5 à 1 % du PIB et des centaines de milliers d'emplois. Même au sein de la Commission européenne, on critique ces hypothèses idéalistes.

Pour réussir ce type d'accord, il est indispensable de leur donner un volet social ; le projet ne doit pas se solder par un surcroît de libéralisme. Compte tenu des disparités en Europe, comment garantir le haut niveau de protection sociale, de l'environnement, des travailleurs, des consommateurs, mentionné dans le mandat de négociation ? Et pour la « haute qualité des services publics européens », censée être maintenue ?

Le Sénat, dans sa résolution de juin dernier, énonçait les priorités de ces négociations : sécurité sanitaire, non-brevetabilité du vivant, OGM... Or des firmes étasuniennes comme Monsanto bataillent sans relâche pour obtenir de nouvelles parts de marché.

L'exception culturelle, garante de la diversité, est également à défendre, comme l'a marqué la proposition de résolution européenne du groupe CRC. Malgré l'exclusion des services culturels du mandat de négociations, restons vigilants.

Le règlement des différends constitue une autre préoccupation de taille. Une cour spéciale pourrait juger un État, les entreprises pourraient mettre en cause des décisions intéressant, par exemple, la santé ! Ce serait un nouveau coup à la souveraineté nationale et à la démocratie. Quelles garanties obtenir ?

J'aurais pu évoquer la pêche, l'agriculture, les données personnelles, mais le temps presse. Alors, une seule question : quels moyens humains la Commission se donne-t-elle pour négocier ce traité si important ?

Parce qu'il s'agit de coopération solidaire entre les peuples, cet accord doit être soumis à un véritable contrôle démocratique et à la consultation de la population, manière de vérifier qu'il sert les intérêts de notre pays.

Mme Marie-Noëlle Lienemann.  - Très bien !

Mme Bernadette Bourzai .  - Je me réjouis de ce débat sur ce projet de traité qui pourrait insuffler un nouvel élan à la croissance et à nos relations avec les États-Unis. L'enjeu est de taille : l'Europe et les États-Unis représentent la moitié du commerce mondial, un quart des exportations et 32 % des importations. Les États-Unis sont le cinquième partenaire commercial de la France.

Madame la ministre, je connais votre volonté de protéger les consommateurs et le refus de la France du mécanisme de résolution des différends.

Parmi les points de particulière vigilance, comme l'harmonisation des normes, des règles phytosanitaires et environnementales pour les produits agricoles, je tiens à mentionner les certificats d'obtention végétale.

Vous le savez, les OGM et la décontamination des carcasses sont des motifs de crispation entre les deux parties. Vous défendez les préférences collectives, nous le savons, mais les États-Unis pourraient réintroduire ces questions. Pouvez-vous nous rassurer ?

Les indications géographiques protégées visées par l'accord entre le Canada et l'Europe sont au nombre de 145 en Europe, dont 31 sont françaises. Défendons-les! L'Europe doit être ferme et solidaire sur ses valeurs. Mes collègues ont parlé des produits laitiers ; j'ajouterai le roquefort pour le Massif central... (Sourires) La filière de la viande est très fragilisée. L'accord avec le Canada sur les viandes bovine et porcine ne doit pas servir d'exemple.

Nous comptons sur vous, madame la ministre. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

Mme Nicole Bricq, ministre.  - Les intérêts agricoles seront bien défendus !

M. Daniel Raoul, président de la commission des affaires économiques.  - Ceux des fromages en particulier !

Mme Marie-Noëlle Lienemann .  - Merci au groupe socialiste d'avoir organisé ce débat sur ce projet de traité qui ne doit pas être signé en l'état.

Mme Bourzai a parlé de points de vigilance ; je parlerai plutôt de verrous que la France doit lever ou fermer. Pourquoi ? « Chat échaudé craint l'eau froide », comme l'on dit dans mon village. On nous a fait des promesses mirifiques sur le libre-échange généralisé, qui apporterait la croissance et l'emploi. La mondialisation heureuse n'a pas eu lieu. Le plein emploi en 2015 avec le marché unique ? Bidon de chez bidon ! On fait le même constat sur les conséquences de l'Alena.

J'entends des cris d'orfraie sur nos normes françaises qui seraient trop dures ; c'est oublier que 80 % des normes viennent de l'Union européenne.

Par parenthèse, pour obtenir 0,5 % de croissance, on ferait mieux de mettre en oeuvre une stratégie de croissance européenne concertée.

Mme Nicole Bricq, ministre.  - C'est clair !

Mme Marie-Noëlle Lienemann.  - Les verrous, ce sont les normes sociales et environnementales. Au-delà des discours lénifiants, quelles garanties sur leur respect ? Le risque de désindustrialisation est réel ; la Commission européenne reconnaît qu'il y aura un choc initial et un choc durable. Bois, sucre, bioéthanol, transports, équipements électriques, services à la personne, excusez du peu ! La liste est longue. La France sera percutée de plein fouet, comme les autres pays du sud de l'Europe. Bruxelles parle d'« ajustements », c'est-à-dire des pertes d'emplois. Le libéralisme a une logique implacable : le fort devient plus fort, le faible plus faible et l'intermédiaire est polarisé entre les deux.

Le gouvernement Jospin avait refusé l'AMI, l'accord sur les investissements. Le gouvernement Ayrault ne doit pas être moins exigeant.

Enfin, le mécanisme de décision lui-même : pas de transparence. Nous n'avons toujours pas le texte de l'accord avec le Canada. Pourquoi ?

Mme Nicole Bricq, ministre.  - C'est une question de traduction.

Mme Marie-Noëlle Lienemann.  - On sait pourquoi : à sa lecture, on comprendra que les filières de la viande bovine et porcine, mais aussi la sous-traitance automobile, seront percutées de plein fouet. Les indications géographiques et le roquefort sont des hochets, des cacahuètes, comparées à ces enjeux économiques !

À défaut d'un coup de pied dans la fourmilière, posons des verrous pour défendre nos intérêts. (Applaudissements à gauche)

M. Jean-Yves Leconte .  - Je vous félicite, madame la ministre, pour le redressement des résultats de notre commerce extérieur. Je me réjouis de ce débat, signe que l'on accomplit des progrès dans la transparence depuis deux ans.

Ce traité est très différent de ceux que l'Union européenne a signés jusque-là. Ce n'est pas une négociation d'association ou d'adhésion, c'est tout autre chose. L'Union européenne est beaucoup plus intégrée économiquement que les États-Unis, même en termes de TVA, on l'ignore souvent. En revanche, pour les négociations politiques, nous sommes un nain. L'exact contraire des États-Unis, en somme. Difficile de bien cadrer les négociations si l'on annonce d'emblée que cet accord apportera 120 milliards de bénéfices à l'Union européenne et 90 aux États-Unis.

Normes techniques, régulation des entreprises, sanctions contre l'Iran, nous avons des positions très différentes. Par exemple, les États-Unis appliquent des sanctions simples mais universelles avec l'Iran ; nous, le contraire et nous y avons perdu des milliards.

Mme Nicole Bricq, ministre.  - Je sais bien.

M. Jean-Yves Leconte.  - Le prix de l'énergie est un autre sujet de préoccupation, entre autres pour l'industrie pétrochimique, un secteur dans lequel les États-Unis prévoient une balance commerciale excédentaire pour le futur. Attention à ce tsunami de compétitivité qui sera encore plus ravageur que celui que nous connaissons. À cet égard, le gaz de schiste appelle un choix de société : face au principe de précaution, il faut poser un devoir d'anticipation.

Est-ce indispensable de privilégier l'approche bilatérale ? Le multilatéralisme est la seule option pour éliminer les trous noirs du libéralisme.

Les États-Unis négocient également avec le Pacifique. C'est un risque car, s'ils vont plus vite avec l'Orient, ils nous imposeront leurs normes.

Cet accord n'est pas comme les autres. Ayons conscience de nos forces plutôt que d'insister sur nos faiblesses. Ce projet emporte un choix de société, comme le traité de Rome. Qu'il fasse l'objet d'un large débat public lors de la campagne des élections européennes ! (Applaudissements sur les bancs socialistes et écologistes)

M. Alain Richard .  - L'affaire est de bâtir notre stratégie d'intérêt dans un monde en mouvement. Si nous nous replions dans l'abstention, la marche du monde n'en continuera pas moins.

Cet accord sera-t-il favorable à nos entreprises intermédiaires et à nos innovateurs ? Où se créeront nos emplois demain ? Dans les zones où nous avons des intérêts défensifs ou dans celles où sont nos intérêts offensifs ?

Pour l'heure, un mot du débat euro-européen : tout le monde est inclus dans les négociations, des débats semblables se déroulent dans les 28 autres parlements nationaux ; la difficulté surgira quand nous toucherons au dur. Si nous jouons les oies du Capitole, nous risquons d'y perdre.

Les institutions américaines -y compris les États et les autorités régulatrices- doivent s'investir, cela est évident, davantage dans la négociation de cet accord. Si l'Europe n'a pas de stratégie, mieux vaut ne pas signer l'accord.

Si celui-ci débouche sur l'affadissement de nos normes, l'accord achoppera. Les Américains le savent. Nos normes ne sont pas forcément supérieures aux leurs. Voyez leur mécanisme de supervision bancaire.

M. Jean Bizet.  - Très juste !

M. Alain Richard.  - Finalement, avons-nous une stratégie de position ? Ou une stratégie offensive ?

Le renforcement de nos préférences collectives et de nos choix de société passera-t-il par ces accords ? Quoi que nous fassions, d'autres suivront, avec l'Inde, la Chine, l'Amérique latine, tous pays qui prônent un libéralisme totalement débridé. Contourner l'espace transatlantique ne semble pas la bonne solution.

Le Gouvernement a bien fait d'ouvrir les négociations, adoptons une stratégie résolument offensive. (Applaudissements sur certains bancs socialistes et à droite)

Hommage à une délégation britannique

M. le président.  - (Mmes et MM. les sénateurs se lèvent) J'ai le plaisir de saluer en votre nom la présence, dans notre tribune d'honneur, d'une délégation de la Chambre des Lords, conduite par Lord Boswell, président de sa commission des affaires européennes.

Cette délégation vient de se réunir avec notre commission des affaires européennes que préside Simon Sutour. Le président du groupe d'amitié Éric Bocquet participait à cette réunion.

Nous formons tous le voeu que cette visite contribue à l'approfondissement de la coopération entre nos deux assemblées et nous souhaitons à nos Collègues de la Chambre des Lords la plus cordiale bienvenue au Sénat, ainsi qu'une bonne année 2014 ! (Applaudissements)

Débat sur les négociations commerciales transatlantiques (Suite)

Mme Nicole Bricq, ministre du commerce extérieur .  - Merci au Sénat de lancer le débat sur les négociations transatlantiques, dans la continuité de sa résolution de juin dernier. Le débat et la transparence, j'y tiens, car cet accord n'est pas comme les autres. D'abord, il s'appelle partenariat. Ensuite, il se négocie sous l'oeil vigilant de la démocratie.

Les interprétations diffèrent. D'emblée, disons que nous ne devons pas aborder ces négociations avec un sentiment d'infériorité. L'Union européenne est la toute première puissance commerciale du monde ; nous sommes sur un pied d'égalité même si, M. Leconte a raison, il existe des écarts de compétitivité de part et d'autre de l'Atlantique.

J'insisterai sur trois notions : confiance, vigilance, transparence.

Nous devons avoir confiance en nos partenaires européens. M. Billout a soulevé la question des moyens que se donne l'Europe. Toutes les directions générales de la Commission sont mobilisées, 80 négociateurs européens ont participé au troisième cycle de négociations de décembre ; le Parlement européen, dont les pouvoirs ont été considérablement renforcés, a aussi tout son rôle à jouer.

Ayons confiance, aussi, dans notre pays. Le président de la République a eu des mots qui me sont allés droit au coeur lors de ses voeux aux corps constitués : « Nous devons être en tête de la mondialisation et aussi, parfois, sans arrogance, montrer l'exemple ». La France est le premier destinataire des investissements américains : 88 milliards d'euros à l'origine de 450 000 emplois.

Mme Marie-Noëlle Lienemann.  - Certes, mais notre balance commerciale est déficitaire.

Mme Nicole Bricq, ministre.  - Les États-Unis sont déjà notre partenaire. Alors, c'est vrai, nous n'avons pas la même monnaie, la versatilité des cours gêne nos entreprises. Le système monétaire international est discuté dans les enceintes internationales. Imaginons un instant les pertes qu'auraient subies nos entreprises sans la monnaie commune européenne, sachant que c'est dans l'Union que se font 50 % de nos exportations.

Le multilatéralisme, monsieur Leconte et madame Lienemann, protège mieux les faibles. Nous devons tirer les leçons de l'échec de Bali. Ce n'est pas en contournant l'espace transatlantique que nous nous renforcerons, M. Richard a raison.

Parlons de la Chine, monsieur Chevènement. Cette négociation ne peut pas avoir pour but d'isoler la Chine, qui est un de nos grands partenaires. (Mme Marie-Noëlle Lienemann acquiesce) L'idée est que cet accord débouche sur des standards internationaux auxquels les Chinois s'intéressent de près.

Les États-Unis voulaient conclure très vite l'accord pacifique pour peser ensuite sur l'accord transatlantique. À Singapour, j'ai vu que ce fut un échec. Le Japon, ne l'oublions pas, a rejoint la négociation et il est un redoutable négociateur. Cela n'en accélérera pas le rythme.

Il y a deux politiques communes au niveau européen, la PAC, chacun le sait, et aussi, on l'oublie trop souvent, la politique commerciale. Dans une négociation demeure toujours la possibilité d'actionner une clause de sauvegarde. Avec les Japonais, elle concerne d'emblée l'automobile. Nous exportons aussi d'ici des voitures japonaises vers les États-Unis, ne l'oublions pas !

Question de méthode, la meilleure vigilance provient du contrôle démocratique. Je m'appuie sur les ONG, les organisations syndicales, les organisations patronales ; elles ont été consultées. Cela n'est pas toujours spontanément le cas en Europe. Aux États-Unis, un débat surgit sur les OGM. Rien n'est perdu !

Il n'y a pas que les normes. À M. Gattolin, je rappelle qu'il existe des pics tarifaires. Le textile européen, le sucre -avec un pic de 300 %- sont pénalisés.

Messieurs Billout et Bizet, madame Lienemann, les projections macro-économiques à l'horizon 2025, je les lis, bien sûr, sans pour autant en faire mes livres de chevet.

M. Alain Richard.  - Certes.

Mme Nicole Bricq, ministre.  - Vigilance sur la réciprocité, pour l'ouverture des marchés publics. La France soutient la proposition de règlement de la Commission européenne sur l'accès aux marchés publics dans les pays tiers. Le Parlement européen se réunit le 15 janvier en plénière, puis le Conseil sera saisi.

Oui, les États-Unis sont un État fédéral. Treize états fédérés ne sont pas liés par des accords internationaux. Avec le Canada, cela était différent : les provinces participaient aux négociations. Seul le gouvernement fédéral américain négocie. Vigilance, donc.

Monsieur Bizet, madame Bourzai, la génétique, les semences végétales sont un secteur français d'excellence.

M. Daniel Raoul, président de la commission des affaires économiques.  -  Nous sommes les premiers...

Mme Nicole Bricq, ministre.  - ...exportateurs de semences agricoles. Nous voulons garder cette excellence. Le débat parlementaire sur la loi Le Foll vient à point nommé.

Les indications géographiques protégées ne nous concernent pas exclusivement. Les Italiens, les Espagnols en ont aussi. Pour voyager beaucoup, je constate que des pays asiatiques en adoptent à leur tour. Les États-Unis sont réticents. Chez eux, le droit des marques prime, nous le savons. La Commission et les États membres sont mobilisés.

L'accord avec le Canada reconnaît 145 indications géographies protégées, dont 31 françaises. Le roquefort, que Mme Bourzai, sénatrice de Corrèze, a annexé (Sourires), en fait partie. Il n'y a pas de raison qu'il ne soit pas reconnu par les États-Unis.

Sur l'élevage, le président de la République s'est engagé, au salon de l'élevage, en Auvergne, à ce que l'agriculture ne soit pas la variable d'ajustement de la négociation.

Le numérique, dont on a moins parlé que l'exception culturelle, est très important. Il ne sera pas, je l'ai dit très tôt, le butin de guerre de la négociation. Parce qu'elle compte de nombreuses PME qui innovent en la matière, la France porte plus que d'autres le message en Europe. Nous avons un atout unique : le conseil national du numérique, qui doit remettre ses propositions bientôt.

Mme Goulet a évoqué la protection des données personnelles. Rassurons les citoyens. L'Union européenne veillera à renforcer la protection de la vie privée. Les données transmises par les consommateurs ne doivent pas pouvoir être revendues sans leur autorisation et à condition que le destinataire dispose d'un niveau de protection aussi exigeant que celui de l'Europe. Mme Reding y tient et vous connaissez son obstination.

Vigilance particulière sur le mécanisme de règlement des différends. La commission européenne devra revenir vers les États membres qui voteront à l'unanimité s'il faut modifier le mandat. Nos partenaires allemands aussi sont très vigilants. Je les rencontrerai très prochainement sur ce sujet.

Vigilance aussi sur les services publics, pour garantir un haut niveau de protection, de même que sur la protection des consommateurs et des travailleurs, et celle de la santé. L'acquis réglementaire des États membres ne saurait être remis en cause. Le mandat est clair.

Nous voulons obtenir une référence mondiale dans le domaine de l'environnement. Nous ne sommes pas seuls, mais il n'est pas facile de trouver des alliés à cette fin. De nombreuses ONG dans le monde mettent beaucoup d'espoir en nous pour pousser les normes américaines.

Où en est-on ? Les trois cycles de négociations préliminaires sont clos. Nous entrons dans le vif du sujet sans que la partie américaine se soit beaucoup dévoilée. Le volet réglementaire a fait apparaître des divergences très fortes. Sur les services, l'Union européenne attend des éclaircissements sur les contradictions entre niveaux fédéral et sub-fédéral. Le négociateur américain a été peu disert. Quel est son pouvoir de persuasion sur des autorités de régulation qui ne sont pas toutes fédérales ?

Les premiers échanges sur le rythme des baisses tarifaires devraient avoir lieu début février. La troisième semaine de février aura lieu une réunion politique, importante, entre le commissaire de Gucht et le négociateur américain. Je devrai donc revenir devant le Sénat. Les négociations doivent être le plus transparentes possible, même si dans un accord commercial, on ne peut pas tout mettre sur la table.

Monsieur Richard, il faut effectivement de la cohérence au sein de l'Union européenne. J'ai un très mauvais souvenir d'un conseil informel à Dublin où il suffisait de se promener dans les couloirs pour comprendre que les Européens n'étaient pas d'accord sur grand-chose.

On connaît le comportement américain en matière d'intelligence économique. Nous ne pouvons emprunter un chemin solitaire. Transparence, oui, mais il faut trouver des alliés. Ce n'est pas évident sur la réciprocité avec les pays tiers. Le règlement doit être adopté au Parlement européen avec un rapporteur allemand.

L'enjeu démocratique est important. Nous aurons des élections européennes après les municipales. N'ayons pas peur de débattre en toute transparence. Le Congrès américain doit aussi adopter le projet de traité. On connaît ses rapports avec l'État fédéral, l'oeil démocratique veille.

La démocratie aura le dernier mot, le débat est son moteur. Nous sommes tous motivés par le fait que cet accord doit marquer un progrès. (Applaudissements)

Engagement de procédure accélérée

M. le président.  - En application de l'article 45, alinéa 2, de la Constitution, le Gouvernement a engagé la procédure accélérée pour l'examen du projet de loi relatif à l'artisanat, au commerce et aux très petites entreprises, déposé sur le Bureau de l'Assemblée nationale le 21 août 2013.

La séance est suspendue à 12 h 25.

présidence de M. Jean-Pierre Bel

La séance reprend à 15 heures.

Questions d'actualité

M. le président.  - L'ordre du jour appelle les questions d'actualité au Gouvernement. L'auteur de la question, de même que la ou le ministre pour sa réponse, disposent chacun de deux minutes trente.

Société nationale Corse Méditerranée

M. Nicolas Alfonsi .  - L'image est devenue familière de passagers en attente de départs problématiques des navires de la SNCM. Régulièrement, des grèves sont déclenchées pour des motifs futiles, comme le licenciement de salariés, ou pittoresques, quand les marins larguent les amarres pour jouer les pirates. Cette fois, avec la grève déclenchée il y a une semaine par la CGT, le cynisme le dispute à l'iiresponsabilité avec le dépôt d'un préavis prenant effet, en guise de cadeau de Noël, le 1er janvier, alors que la collectivité territoriale a renouvelé sa délégation de service public pour dix ans. En apparence, il s'agit d'obtenir que tous les navires soient sous pavillon français, ce qui est contraire à la réglementation européenne ; en fait, il s'agit de mettre fin à la concurrence de Corsica Ferries, sous pavillon italien.

Un objectif s'impose aujourd'hui : tenter de sauver la compagnie de la faillite. Le toujours plus syndical et le retrait de l'État actionnaire ont conduit à la situation actuelle : une flotte vieillie, une condamnation de l'Union européenne à rembourser 440 millions d'euros à l'État et à la collectivité, un personnel pléthorique et une gestion calamiteuse ont abouti à ce désastre.

La crise actuelle sonne la fin de la récréation et l'État n'a plus le droit à l'erreur. Monsieur le ministre, à quelles conditions la SNCM puisse pourra-t-elle reprendre ces activités au plus vite ? Comment mettre fin à ces désordres ?

M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué auprès du ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche .  - L'Assemblée générale du personnel vient de voter la reprise du travail après une réunion très longue, mais décisive, à mon ministère. Des contentieux anciens se sont accumulés après des projets de privatisation. Il importe qu'il n'y ait plus de dumping social et qu'une concurrence loyale puisse s'exercer dans le transport maritime. La liquidation de la société a été évitée grâce aux décisions prises par le Premier ministre ; la trésorerie a été assainie. On peut passer au plan industriel et social. Le contentieux européen n'est pas clos : nous ferons valoir les arguments de la continuité territoriale et des obligations de service public. L'ensemble des représentants syndicaux avait été associé à la réunion d'hier, visant à donner des perspectives à cette société afin qu'elle soit plus compétitive -avec le renouvellement de sa flotte, avec la recherche d'un financement de la CDC et de la BPI- et bénéficie d'un pacte social permettant le départ volontaire de plusieurs centaines de salariés.

J'avais demandé que l'esprit de responsabilité l'emporte, ce qui s'est produit. L'accord qui vient d'être conclu marque la volonté d'assurer la continuité du service et indique aux usagers que l'activité de la société sera maintenue.

Un tournant social-libéral ?

M. Philippe Dallier .  - Le président de la République, dans ses voeux aux Français, a donné l'impression d'un infléchissement, au moins de son discours, en constatant que la croissance n'était pas au rendez-vous. François Hollande a reconnu a nouveau qu'il avait sous-estimé la gravité de la crise, ce qui est une forme de mea culpa. Le président de la République semble admettre qu'il y a toujours un problème de compétitivité de nos entreprises, dont la marge, en 2013, a atteint un bas niveau historique.

Le CICE était censé remédier à cette situation. Mais en attendant qu'il produise ses effets, augmenter les charges de 16 milliards d'euros consiste à reprendre d'une main ce que vous n'avez pas encore donné de l'autre. Vous avez perdu dix-huit mois et avez eu tort de refuser de mettre en oeuvre la TVA sociale. Le bilan, en termes d'emplois détruits, est lourd ; 13 000 PME ont mis la clé sous la porte, battant le record d'il y a vingt ans. Vous avez annoncé un pacte de compétitivité et de responsabilité.

M. Didier Guillaume.  - Bonne nouvelle !

M. Philippe Dallier.  - Encore faudrait-il engager de nouvelles réformes structurelles. Monsieur le Premier ministre, le changement, est-ce maintenant ? Y a-t-il une inflexion sociale-libérale ? Quels en seront les axes et le financement ? (Applaudissements sur les bancs UMP)

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre .  - Je suis toujours étonné d'entendre l'UMP faire la leçon au Gouvernement...

M. Alain Gournac.  - On pose des questions !

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre.  - ...sans faire la moindre proposition. Ah, si, M. Copé a proposé une baisse des dépenses de 130 milliards, sans indiquer comment la financer... Et, au pouvoir, vous fîtes exactement le contraire, je l'avais indiqué dans mon discours de politique générale dès juillet 2012 : en cinq ans de présidence Sarkozy, vous avez augmenté les dépenses publiques de 4 % du PIB, la dette de 600 milliards d'euros et le déficit aurait atteint 6 % si nous n'avions rien fait. (Exclamations sur les bancs socialistes)

Depuis que j'exerce la responsabilité de chef du Gouvernement, nous n'avons eu de cesse de mettre en oeuvre un programme de redressement.

M. Alain Gournac.  - Pas productif.

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre.  - Ayez un peu de mémoire ! Rappelez-vous vos amendements au projet de loi de finances pour 2014, au Sénat, tendant à augmenter les dépenses publiques de plus de 70 milliards d'euros.

M. Didier Guillaume.  - Belle cohérence !

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre.  - Vous savez le plan que j'ai annoncé après le rapport Gallois : organisation en filières, évolution du système de formation professionnelle, soutien aux PME, création de la BPI, et baisse du coût du travail qui coûte 20 milliards d'euros au budget de l'État ; c'est un effort considérable. Ces mesures, qui redonneront des marges de manoeuvre aux entreprises, seront effectives cette année, en 2014. Toutes les entreprises vont bénéficier de ces 4 % de baisse de coût du travail, qui se prolongeront l'an prochain jusqu'à 6 %.

Les efforts entrepris commencent à porter leurs fruits : notre rythme de croissance est plus élevé que l'an passé, alors que, pendant cinq ans, il fut en moyenne de 0 %, avec toutes les conséquences sur le chômage, les destructions d'entreprises. Il y a un redémarrage en France et en Europe. Tel est le sens du pacte pour l'emploi proposé aux entreprises, par le président de la République. L'emploi, c'est la bataille centrale et vous pourriez y apportez votre concours au lieu de vous cantonner à des propositions démagogiques !

Nous ne sommes pas au bout de nos difficultés, nous devons continuer à réduire la dette pour redonner des marges à notre pays mais nous tenons à préservons les fondamentaux de notre modèle social. L'enjeu, comme l'a dit le président de la République, c'est de moderniser notre pays sans le défaire. La France est capable de se réformer. (Murmures à droite) Ne vous laissez pas entraîner au French Bashing. Réforme du marché du travail, des retraites...

M. Gérard Longuet.  - Quelle réforme ?

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre.  - ...de la formation professionnelle, grâce à l'accord conclu entre patrons et syndicats fin 2013 : toutes ces réformes, y compris la refondation de l'école, essentielle pour la compétitivité et l'avenir, feront repartir la France en avant, tout en préservant son modèle social. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

Redécoupage cantonal (I)

M. Hervé Marseille .  - Depuis l'élection du président de la République, on ne compte plus les modifications des modes de scrutin. Le but recherché ne trompe personne. Ce charcutage n'a rien à voir avec les réformes de 1986 et 2009, qui respectaient les limites cantonales existantes et ont été effectuées sous le contrôle d'une commission nationale indépendante dont les avis ont été suivis. La loi de 1986, en respectant la démographie, a permis plusieurs alternances. Le nouveau découpage est censé instaurer la parité : il oublie les territoires.

Je salue le travail des élus locaux qui ont instauré l'intercommunalité dans les bassins de vie. Vous sacrifiez cette cohérence au profit du seul critère démographique, avec le redécoupage accéléré des cantons, qui ignore la continuité géographique et l'histoire des territoires. Ce texte ruralicide est arbitraire et politicien. Vous ne tenez pas compte des résultats du recensement au 1er janvier 2014, sans parler du problème du calendrier. Que se passera-t-il si des décrets sont annulés ?

De nombreux départements se sont opposés au nouveau découpage, y compris ceux de l'Aisne, du Tarn-et-Garonne et de Seine-Saint-Denis.

M. le président.  - Veuillez conclure.

M. Hervé Marseille.  - Allez-vous revoir votre démarche et définir les cantons sur la base des EPCI ? (Applaudissements à droite)

M. Alain Vidalies, ministre délégué auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement .  - M. Valls, en déplacement en Bretagne, vous prie d'excuser son absence. (Exclamations à droite) À ce jour, 93 projets de décrets de redécoupage ont été transmis aux conseils généraux ; 56 d'entre eux ont déjà rendu leur avis. Le Conseil d'État, saisi de 53 projets de décret, a émis un avis favorable sur 47 d'entre eux et ses propositions de modification ont visé à rendre plus stricts les critères démographiques.

Sur les délais de recours contentieux, la loi de 1990 n'est pas applicable. Quant à l'intercommunalité, elle est prise en compte (Exclamations ironiques à droite) mais les schémas intercommunaux ne peuvent toujours pas être respectés, en raison du critère démographique établi par la jurisprudence du Conseil constitutionnel et du Conseil d'État. La règle constante est de tenir compte au maximum des limites des cantons existants. Le redécoupage s'effectuera dans un cadre juridique strict, sous la surveillance du Conseil d'État. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Alain Gournac.  - Charcutage !

M. Jean-Louis Carrère   - C'est un charcutier qui vous le dit !

Tempête sur le littoral atlantique

Mme Françoise Cartron .  - Le littoral atlantique a été victime des assauts de l'océan. L'Aquitaine a été touchée, après la Bretagne, par de très hautes vagues, certaines de plus de douze mètres de haut. Les déferlantes ont causé de gros dégâts, dans les Pyrénées Atlantiques, dans les Landes, et en Gironde où Lacanau, Montalivet et Soulac ont été gravement touchés. À Biarritz, une femme est décédée, et l'on dénombre un disparu et de nombreux blessés.

M. Jackie Pierre.  - C'est la faute à Sarko ! (Sourires à droite)

Mme Françoise Cartron.  - Derrière la tempête, l'érosion continue de la côte sableuse, qui perd de un à trois mètres par an en moyenne, est en cause. Il faut encourager la prévention, la culture et la connaissance du risque.

Comment les systèmes d'alerte ont-ils fonctionné ?

Quel sera l'accompagnement des communes touchées ?

Quelles solutions pérennes peut-on prévoir pour protéger le littoral concerné ? (Applaudissements)

M. Jean-Louis Carrère.  - Très important.

Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée auprès de la ministre de la réforme de l'État, de la décentralisation et de la fonction publique, chargée de la décentralisation .  - Le Gouvernement est totalement mobilisé sur ce problème, dont vous avez souligné le caractère exceptionnel sur la côte atlantique, et en Bretagne, où se trouvent en ce moment les ministres de l'intérieur et de l'écologie.

L'alerte a fonctionné. La population a été alertée par les services préfectoraux les lundi 6 et mardi 7 et invitée à prendre des mesures. Le ministre de l'intérieur veille particulièrement, avec tous ses services, au retour à la normale. L'état de catastrophe naturelle sera déclaré dès que l'ensemble des composantes du phénomène auront été constatées.

En ce qui concerne la prévention, je vous rappelle que MM. Collombat et Nègre ont fait adopter dans la loi de modernisation publique des dispositions relatives aux inondations qui vont trouver à s'appliquer.

Le ministre de l'écologie a mis en place un fonds de prévention des risques naturels majeurs afin qu'efficacité et réactivité soient au rendez-vous. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

Déraillement en gare de Drancy

Mme Aline Archimbaud .  - Le 23 décembre dernier, un wagon a déraillé à Drancy, qui transportait des manières nucléaires, à 50 mètres d'habitations et à 100 mètres du RER B. Au même endroit, quinze jours avant, un wagon transportant de l'acide chlorhydrique en avait percuté un autre qui transportait du nitrate d'ammonium, les deux produits à l'origine de la catastrophe AZF.

Voix à droite.  - C'est le Gouvernement qui déraille.

Mme Aline Archimbaud.  - 44 accidents de ce type, dont 22 reconnus comme graves, sont survenus dans cette zone depuis quelques années. Cela ne peut plus durer. Des déchets très dangereux circulent dans des zones fréquentées par des dizaines de milliers de voyageurs et à proximité de sites Seveso, sans que les maires soient informés. L'alerte a été donnée sans que les riverains s'en aperçoivent, les cheminots se sont affairés autour du wagon sans aucun équipement spécial. Tous les ans, 200 à 300 convois de déchets radioactifs parcourent des milliers de kilomètres des centrales à La Hague puis Marcoule pour la fabrication du mox.

Quelles mesures de sécurité allez-vous prendre en urgence auprès de la gare de Drancy, monsieur le ministre, et quand allez-vous informer complètement les populations ? Quand allez-vous mettre fin au transfert de ces déchets, au profit de l'entreposage à proximité des centrales ? Le président de la République a pris des engagements sur le nucléaire. Il faut en finir avec la filière mox. (Applaudissements sur les bancs écologistes)

M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué auprès du ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche .  - Vous faites référence à deux incidents, survenus les 12 et 23 décembre. Le premier impliquait un wagon d'acide chlorhydrique vide, le second un wagon de transport de déchets nucléaires sorti du rail : l'Autorité de sûreté nucléaire a classé ce dernier incident, sur l'échelle de risque de zéro à sept ,au niveau zéro.

La réglementation en vigueur est appliquée. Nous avons demandé un retour d'expérience du préfet. Très rapidement, les élus locaux, les opérateurs seront réunis, comme je l'ai dit à Marie-George Buffet, maire du Blanc-Mesnil. J'ai demandé une expertise complémentaire sur le risque ferroviaire, même si nous savons que c'est le mode de transport le plus sécurisant.

Le président de la République a réaffirmé, lors du conseil de sécurité nucléaire en octobre 2012, les principes s'appliquant au combustible nucléaire. (Applaudissements sur plusieurs bancs socialistes)

Politique du Gouvernement

Mme Éliane Assassi .  - Une majorité de Français manifestent leur hostilité au Gouvernement.

M. Éric Doligé.  - Et au parti communiste.

Mme Éliane Assassi.  - Les promesses non tenues et les actes qui prennent le contrepied des discours nourrissent l'abstention et favorisent le populisme, symbolisé par le Front national. Notre peuple, en 2012, ne supportait plus les excès de la présidence Sarkozy et de son gouvernement pour les riches. (Exclamations à droite) François Hollande a promis la rupture avec la politique de la droite, notamment dans son discours du Bourget : il annonçait « le changement, maintenant ».

Plusieurs voix à droite.  - Raté !

Mme Éliane Assassi.  - Or François Hollande, en présentant ses voeux, a semblé s'être converti aux recettes éculées du libéralisme ; le mot changement n'a pas été prononcé dans un discours privilégiant le partenariat avec le patronat. (Exclamations sur les bancs socialistes) Aucun mot contre l'évasion fiscale, contre les patrons voyous, contre les profits scandaleux des entreprises du CAC 40, contre l'accroissement des inégalités, contre l'explosion de la précarité, contre l'érosion du pouvoir d'achat ou contre les conséquences dramatiques de l'austérité !

Gouverner à gauche, ce n'est pas faire le métier de comptable ; c'est embrasser la cause du peuple. Allez-vous, monsieur le Premier ministre, enfin gouverner à gauche ? (Applaudissements sur les bancs CRC)

Voix à droite.  - Nous sommes moins méchants !

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre .  - Je ne ferai pas de surenchère verbale.

M. Roger Karoutchi.  - Oh si !

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre.  - Pensez-vous vraiment ce que vous venez de dire ? Vous allez si loin que vos propos aboutissent au néant et à l'impuissance.

M. Éric Doligé.  - Le parti communiste, c'est le néant.

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre.  - L'essentiel, c'est que la justice progresse et que le chômage recule. Le Gouvernement n'est pas composé de comptables mais il a des comptes à rendre au peuple français.

M. Christian Cointat.  - Absolument !

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre.  - Mais nous ne pouvons continuer sans réduire la dette qui pèse sur les générations futures et compromet notre souveraineté. Notre dette dépasse 100 % du PIB : pouvez-vous accepter que demain, nous soyons dans la main des marchés financiers ?

L'enjeu du Gouvernement, ce n'est pas de mener une politique comptable mais de dégager des marges de manoeuvre pour investir, dans l'humain, dans l'école : qui peut se résigner à ce que 20 % des enfants échouent dans notre système scolaire ou que l'échec scolaire soit la norme dans certains quartiers ?

Gouverner, c'est choisir, c'est définir des priorités : je les ai nommées.

Ce que nous faisons est juste et utile, mais cela demande de la lucidité et du courage ; la fuite en avant n'est pas une solution !

Le courage exige de fournir des efforts, et des efforts justes. C'était le message du président de la République, évoquant le pacte de responsabilité.

M. Alain Gournac.  - Bla bla !

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre.  - Nous devons réformer notre modèle, non l'abandonner.

Le précédent président de la République -qui n'a pas, je le rappelle, été réélu- a voulu vous convaincre que le modèle social de notre pays empêchait son redressement : nous y voyons au contraire un levier. François Hollande l'a dit au Bourget : la France, ce n'est pas le problème, c'est la solution. Trouvons en nous même l'énergie, les forces nécessaires pour la remettre sur les rails...

Voix à droite.  - Elle déraille !

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre.  - Je vous invite à soutenir ces efforts.

M. Alain Gournac.  - Un pas en avant, deux pas en arrière !

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre.  - Avec de la simplicité et de l'écoute réciproque, nous pouvons avancer, en laissant de côté les paroles excessives et les anathèmes. (Applaudissements sur les bancs socialistes et écologistes)

Conséquences du cyclone à La Réunion

Mme Jacqueline Farreyrol .  - La transmission de la demande de déclaration de l'état de catastrophe naturelle pour La Réunion, frappée par le récent cyclone, doit nous permettre d'agir vite.

Le tourisme avait déjà été durement touché par différentes crises. Le cyclone n'a rien arrangé : 35 % du parc nautique a été endommagé, sans parler des hôtels, jardins et autres lieux touristiques. Les pertes d'exploitation justifient que la priorité soit donnée à la reprise d'activité, via le fonds de secours relatif aux catastrophes naturelles.

Quelles mesures spécifiques, envisagez-vous, en lien avec le ministère du tourisme, pour relancer l'activité à La Réunion ? (Applaudissements sur les bancs UMP)

M. Victorin Lurel, ministre des outre-mer .  - La Réunion a été durement touchée, je l'ai constaté de visu, mais non abattue. Heureusement, les réseaux ont été très rapidement rétablis.

L'agriculture bénéficiera de l'aide du fonds de secours qui sera bien sûr mobilisé. Il faudra un peu de temps pour que tous les autres instruments le soient aussi. Si le dossier est complet, l'état de catastrophe naturelle sera déclaré le 15 janvier.

Comment relancer l'activité ? Grâce au fonds de réamorçage de l'agriculture et de la pêche qui garantira notamment les prêts bancaires.

Le tourisme continue de faire l'objet de toute notre sollicitude ; ainsi, avec les collectivités, nous avons réaménagé les sentiers de randonneurs, notamment à Mafate. (Applaudissements sur les bancs socialistes et sur plusieurs bancs UMP)

Rôle des départements

M. Gérard Miquel .  - Le 16 octobre, un accord portant sur l'allocation spécifique de solidarité a été signé entre l'État et l'Assemblée des départements de France. Il est historique car l'état des finances publiques ne s'y prête guère. Pas moins de 2 milliards d'euros seront ainsi affectés aux départements.

Je suis reconnaissant au Gouvernement pour cette mesure d'équité. Le Premier ministre a assumé avec courage ses choix. (On ironise à droite) Mieux armés, les départements prendront leur part dans le redressement du pays. (Mêmes mouvements)

D'aucuns voudraient les faire disparaître, ce qui serait fort préjudiciable, notamment aux territoires ruraux. Le renouveau des départements est en route.

Nous examinerons bientôt le deuxième volet de l'acte III de la décentralisation. Pouvez-vous précisez vos intentions ? (Applaudissements sur les bancs socialistes)

Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée auprès de la ministre de la réforme de l'État, de la décentralisation et de la fonction publique, chargée de la décentralisation .  - L'effort du Gouvernement en faveur des départements est en effet remarquable. Les mesures prises sont sans précédent : un fonds spécial de 570 millions d'euros, puis, à la suite du pacte de confiance et de responsabilité, des ressources pérennes et spécifiques ont été dégagées.

C'est opportun car les dépenses sociales ne cesseront d'augmenter, nous en sommes conscients, notamment en matière de dépendance. (On renchérit à droite)

La loi du 19 novembre 2013 a renforcé les compétences des départements en matière de solidarité. Les prochains textes feront de l'accès aux services publics une nouvelle priorité, dans la lignée des travaux de la mission commune d'information présidée par Jean-Pierre Raffarin. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

Redécoupage cantonal (II)

M. Éric Doligé .  - M. Valls est bien placé dans les sondages, on lui prête les plus hautes ambitions (Exclamations amusées) ; pourquoi donc s'est-il engagé dans le redécoupage des cantons, réforme qui suscite l'inquiétude des élus locaux ? La loi a été votée dans la douleur : le Gouvernement n'a pu obtenir son adoption que grâce au « dernier mot » accordé par la Constitution à l'Assemblée nationale. (Approbations à droite)

Avec fermeté, voire autoritarisme, M. Valls a précisé les critères du nouveau redécoupage, mais ils ne sont guère convaincants et, surtout, ils ne sont pas respectés. Sans compter que tous les maires n'ont pas été consultés. Vous étouffez les zones rurales. De plus, en divisant par deux le nombre de cantons, vous réduisez d'autant les services publics. (Exclamations sur les bancs socialistes)

Tiendrez-vous compte des avis des conseils généraux ? Avez-vous l'intention de publier en bloc les 98 décrets attendus pour février ? Que ferez-vous si le Conseil d'État procède à quelques annulations ? Envisagez-vous de revoir la date des élections ou de faire voter une nouvelle loi ? (Applaudissements sur les bancs UMP et UDI-UC)

M. Alain Vidalies, ministre délégué auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement .  - Il n'y a pas de lois votées dans la douleur : il n'y a que les lois de la République. (Rires à droite ; approbation sur les bancs socialistes) Celle-ci a été validée par le Conseil constitutionnel. (M. Carrère applaudit) Son objectif reste d'assurer la parité dans nos départements.

Dans votre département, le Loiret, seules sept femmes siègent au conseil général. Elles seront, avec cette réforme, vingt-et-une...

M. Éric Doligé.  - Hors sujet !

M. Alain Vidalies, ministre délégué.  - L'écart est de 1 à 5 entre petits et grands cantons : cette réforme rétablira l'égalité.

M. Éric Doligé.  - C'est faux !

M. Alain Vidalies, ministre délégué.  - Les règles et critères sont précis et hiérarchisés, et essentiellement fondés sur la démographie.

La procédure est claire et transparente. Et notez que votre idée d'un conseiller territorial conduisait tout autant à la nécessité d'un redécoupage...

M. Éric Doligé.  - Ce n'est pas la question !

M. Alain Vidalies, ministre délégué.  - ...qui eût été beaucoup plus drastique ! (Protestations à droite)

Enfin, il n'y a aucun lien entre redécoupage et redéploiement des services publics. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Éric Doligé.  - C'est M. Valls lui-même qui l'a dit !

Égalité professionnelle hommes-femmes

Mme Laurence Rossignol .  - La ministre de la santé a lancé récemment l'année de la mixité professionnelle. Il est vrai que les métiers d'aide à la personne ou du secteur sanitaire sont largement féminins. Les assistants maternels sont à 98 % des femmes. Pour progresser, comme s'y est engagé résolument le Gouvernement, il faut déconstruire les stéréotypes, qui enferment les femmes dans des métiers souvent sous-qualifiés.

Si le taux d'activité des femmes était au niveau de celui des hommes, nous gagnerions 0,5 point de croissance. C'est loin d'être négligeable !

Madame la ministre, pourriez-vous préciser votre méthode pour mieux assurer l'égalité professionnelle. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre des droits des femmes, porte-parole du Gouvernement .  - Le Gouvernement est déterminé à faire prévaloir l'égalité professionnelle. Près de 88 % des Français exercent leur activité dans des métiers non mixtes, c'est-à-dire où l'autre sexe est très minoritaire. Les femmes sont les plus concernées par cette spécialisation professionnelle ; le projet de loi que j'ai déposé devrait y remédier.

Nous avons décidé de nous atteler résolument à ce chantier. Tous les acteurs seront mis autour de la table. Une dizaine de plans Mixité, dotés d'objectifs chiffrés, seront lancés. D'ici dix ans, 30 % des métiers devront être réellement mixtes. (Applaudissements sur les bancs socialistes et sur certains bancs à droite)

Défibrillateurs dans les lieux publics

M. Alex Türk .  - La mortalité par accidents cardiaques est plus forte en France qu'aux États-Unis, faute d'équipements adéquats.

Dans le Nord, nous avons réussi à financer, grâce à la réserve parlementaire, l'achat de défibrillateurs qui ont permis de sauver des vies.

L'information et la formation, en cette matière, sont insuffisantes. Il est temps de rendre ces équipements et formations obligatoires. Dans les entreprises, par exemple, puis aussi les logements collectifs et les établissements d'enseignement. (Applaudissements sur les bancs UMP)

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé .  - Je veux saluer votre engagement de longue date pour faciliter l'accès aux défibrillateurs, qui sauvent effectivement des vies.

Depuis 2007, toute personne est autorisée à utiliser ces appareils. Vous avez raison : nous devons encourager leur déploiement dans davantage de lieux publics. Mme Fourneyron vient d'ailleurs de rendre leur installation obligatoire dans tous les établissements financés par son ministère.

Il faut également former les personnes à leur utilisation. Dans certaines écoles, plus de la moitié des élèves le sont. La journée d'appel et de préparation à la défense est également une occasion de généraliser ces formations. Mes services travaillent au recensement des défibrillateurs via une obligation déclarative. Nos efforts dans ce domaine, pour cette belle cause, sont constants. (Applaudissements sur tous les bancs)

Question prioritaire de constitutionnalité

M. le président.  - M. le président du Conseil constitutionnel a communiqué au Sénat, par courrier en date du 9 janvier 2014, une décision du Conseil sur une question prioritaire de constitutionnalité portant sur l'article 87 de l'ordonnance du 19 octobre 1945 et sur l'article 9 de l'ordonnance du 19 octobre 1945 issu de la loi du 9 avril 1954.

Prochaine séance mardi 14 janvier 2014 à 14 h 30.

La séance est levée à 16 h 10.

Jean-Luc Dealberto

Directeur des comptes rendus analytiques

Ordre du jour du mardi 14 janvier 2014

Séance publique

À 14 heures 30 et le soir

Présidence :

M. Jean-Patrick Courtois, vice-président

M. Charles Guené, vice-président

Secrétaires :

M. Alain Dufaut

M. François Fortassin

- Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, de programmation pour la ville et la cohésion urbaine (n°178, 2013-2014)

Rapport de M. Claude Dilain, fait au nom de la commission des affaires économiques (n°250, 2013-2014)

Avis de M. Jean Germain, fait au nom de la commission des finances (n°264, 2013-2014)

Texte de la commission (n°251, 2013-2014)