Débat préalable au Conseil européen des 27 et 28 juin

M. le président.  - L'ordre du jour appelle le débat préalable à la réunion du Conseil européen des 27 et 28 juin 2013.

Orateurs inscrits

M. Thierry Repentin, ministre délégué auprès du ministre des affaires étrangères, chargé des affaires européennes .  - Je suis très heureux de revenir devant vous présenter les priorités que défendra la France lors du prochain Conseil européen, un an après l'adoption du pacte européen pour la croissance et l'emploi de 120 milliards d'euros. Martin Schulz, président du Parlement européen, a dit à raison que les Européens se défient de l'Europe parce qu'elle a cessé de tenir sa promesse d'une Europe de la croissance et de l'emploi. Notre cap est bien celui de la croissance retrouvée ; la politique européenne ne peut avoir pour seul horizon l'austérité et l'effort budgétaire.

Le 30 mai, Français et Allemands se sont mis d'accord pour mettre l'accent sur la compétitivité et l'emploi des jeunes. Avant de développer ce sujet, je veux saluer la victoire remportée par la France vendredi dernier : la reconnaissance par les vingt-sept États membres de l'exclusion des services audiovisuels de la négociation de l'accord de libre-échange avec les États-Unis. La diversité de l'offre culturelle est une des garanties premières que doit apporter toute démocratie. La culture n'est pas une simple marchandise.

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances.  - Très bien !

M. Thierry Repentin, ministre délégué.  - Autres points fixés à la Commission européenne dans ces négociations : la préservation de nos choix collectifs en matière de sécurité alimentaire -OGM, hormone de croissance, décontamination chimique des viandes...- et l'exclusion des marchés publics de défense. Un mandat clair et explicite a ainsi été fixé à la Commission ; il n'y aura pas d'accord s'il n'est pas strictement respecté.

Si le sérieux budgétaire est un cap, il doit aller de pair avec une politique vigoureuse de croissance ; il faut rompre avec une Europe de l'austérité qui fait le lit du populisme. L'équilibre entre efforts de consolidation budgétaire et mesures ciblées en faveur de la croissance devrait se traduire dans les recommandations par pays.

L'augmentation de capital de la Banque européenne d'investissement (BEI) de 10 milliards se soldera par 7 milliards par an injectés dans l'économie pendant trois ans au service de l'emploi dans les territoires, des projets innovants des entreprises et des investissements des collectivités territoriales -c'est 2,5 milliards de plus que ces dernières années. La BEI sera aussi plus accueillante aux PME.

Nous voulons mettre en oeuvre rapidement la garantie jeunesse, décidée en octobre, et l'initiative pour l'emploi des jeunes, dont 6 milliards devront être concentrés sur les années 2014-2015 ; nous entendons favoriser la mobilité des jeunes Européens, dans la ligne d'Erasmus plus, et la création d'un statut européen de l'apprenti.

L'Europe sociale semble en panne : les moyens de la relancer seront discutés au sein d'une table ronde que j'animerai lors de la conférence sociale des 20 et 21 juin. Il y sera entre autres question de la directive Détachement des travailleurs et d'un salaire minimum européen, auquel les Allemands sont désormais favorables. Nous avons échangé cet après-midi même sur ces sujets avec des représentants de la Confédération européenne des syndicats.

Mettre au pas la finance est notre troisième objectif. A cette fin, notre priorité absolue est la poursuite de la construction de l'union bancaire ; nous devons avancer sur les conditions d'une recapitalisation directe des banques par le MES et l'adoption d'un mécanisme unique de résolution bancaire afin que ni les contribuables ni les déposants n'aient à payer lorsqu'une banque fait défaut.

Au-delà, nous devons définir les conditions d'un approfondissement de l'Union économique et monétaire ; c'est l'objet du rapport que M. Van Rompuy présentera au Conseil. Nous avons en outre obtenu que la dimension sociale de cette union soit abordée. La France sera force de proposition, nous en débattrons avec les partenaires sociaux. Nous pourrons enfin envisager dans un second temps la mise en place des contrats de compétitivité et de croissance en lien avec celle d'un fond budgétaire pour la zone euro.

Voilà comment nous entendons défendre une Europe de la croissance et de l'emploi les 27 et 28 juin. Tel est le sens des engagements de la France, que je suis heureux d'avoir pu vous faire partager. (Applaudissements sur les bancs socialistes et écologistes)

M. Simon Sutour, président de la commission des affaires européennes .  - Je me félicite de l'accord intervenu sur le mandat donné à la Commission européenne pour les négociations avec les États-Unis. J'ai défendu au Sénat une proposition de résolution européenne sur le sujet, adoptée à l'unanimité, et je dois dire combien j'ai peu apprécié le qualificatif de « réactionnaire » dont M. Barroso a affublé la France quand elle défendait l'exception culturelle. La Commission est sortie de son rôle, elle devrait être plus respectueuse des positions nationales et des parlements des États.

La nouvelle majorité, si elle ne nie pas la nécessité d'un assainissement de nos finances publiques, soutient qu'une cure d'austérité généralisée en Europe a des effets récessifs -la Grèce en est un triste exemple. La Commission a accordé un délai de deux ans supplémentaires pour revenir à un déficit sous la barre des 3 %. Je me réjouis de cette nouvelle approche gradualiste, qui est dans l'intérêt de la construction européenne et de l'adhésion des peuples ; elle ne nous dispense pas de réaliser des efforts. Notre déficit, lourd héritage, atteindra l'an prochain 96 % du PIB ; réduire ce fardeau est un impératif durable. Il faut mettre fin au despotisme éclairé et laisser des marges de manoeuvre aux pays pour soutenir la croissance -c'est tout le sens du pacte de croissance, dont la mise en oeuvre doit être accéléré.

C'est dans ces conditions qu'il faut apprécier les recommandations faites à la France, qui seront discutées et, je l'espère, amendées lors du prochain Conseil européen.

Nous sommes évidemment favorables à la coordination des politiques économiques, qui découle des traités. Mais si c'est aux institutions européennes de définir les objectifs à poursuivre ensemble, c'est aux pays de choisir les moyens pour les atteindre. La Commission n'a pas à se mêler de la réforme des retraites ou de notre organisation territoriale. Le principe de subsidiarité est un des principes directeurs de l'Union.

M. Aymeri de Montesquiou.  - Bien sûr !

M. Simon Sutour, président de la commission des affaires européennes.  - Pour finir, la Turquie. Nous ne pouvons accepter qu'un candidat à l'adhésion réprime des manifestations de manière excessive ou occupe une partie du territoire d'un État membre.

M. Jean-Claude Frécon.  - Très bien !

M. Simon Sutour, président de la commission des affaires européennes.  - Depuis un an, la France a adopté une attitude plus constructive, ce dont il faut se féliciter ; mais cela ne signifie pas qu'elle soit prête à transiger avec les valeurs fondamentales de l'Union. Il faut saluer, en revanche, la normalisation au Kosovo, gage de paix dans la région, et les efforts du gouvernement de Serbie. J'espère que le Conseil donnera une impulsion à l'ouverture de négociations avec ce pays. (Applaudissements sur les bancs socialistes et écologistes)

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances .  - Le Conseil européen des 27 et 28 juin, qui conclut le semestre européen, devrait donner l'onction politique au délai de deux ans accordé à six pays, dont la France, pour revenir sous la barre des 3 %. Cela traduit la prise de conscience par la Commission de l'impact récessif de mesures d'ajustement trop brutales ; c'est une inflexion majeure. En 2013, le déficit devrait se réduire de 1,1 point de PIB grâce à l'effort sans précédent du Gouvernement. Sans cela, la Commission européenne aurait-elle accordé ce délai de deux ans ? On peut en douter... (On ironise au centre et à droite)

M. Aymeri de Montesquiou.  - Quelle audace !

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances.  - La Commission, dans ses recommandations, appelle notre pays à renforcer la consolidation budgétaire et à intensifier les réformes structurelles. Elle est ici dans son rôle. Elle reconnaît les efforts accomplis, souligne l'intérêt de la modernisation de l'action publique (MAP) quand la RGPP, toujours selon elle, souffrait de ne pas suffisamment réexaminer les grandes politiques publiques.

Cela dit, la Commission ne prend en compte que des mesures « suffisamment précises ». Pour exemple, elle juge notre fiscalité écologique insuffisante, bien que le Gouvernement ait mis en place un comité sous la direction de M. Christian de Perthuis pour fonder les mesures qui seront prochainement prises dans ce domaine. De même pour la réforme des retraites, dont la Commission a reconnu qu'elle contribuerait à réduire notre déficit. Ses recommandations doivent donc être lues pour ce qu'elles sont. La France reste souveraine dans ses choix économiques et politiques

M. Simon Sutour, président de la commission des affaires européennes.  - Très bien !

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances.  - Alors que la France a perdu 11,2 % de parts de marché à l'exportation ces cinq dernières années, le Gouvernement a lancé le CICE, qui entraînera la création de 300 000 emplois et la hausse du PIB de 0,5 point d'ici 2017. Et la Commission a reconnu le caractère équilibré de l'accord national interprofessionnel de janvier 2013. La France est bien lancée dans des réformes structurelles. Le prochain conseil doit être l'occasion, pour notre pays, de continuer à porter son message en faveur de la croissance. Il ne faut pas confondre austérité et sérieux budgétaire -c'est ce que dit en substance le FMI. Il doit permettre aussi d'avancer sur le soutien à l'emploi des jeunes et le financement de l'économie européenne. La position équilibrée de la France entre croissance et réduction des déficits doit trouver à s'appliquer dans l'Europe entière. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Jean Bizet.   - Comme beaucoup d'entre vous, je suis heureux de débattre du prochain Conseil européen consacré à la croissance, alors que les perspectives économiques sont sombres.

Mais je veux vous entretenir de la relation franco-allemande. Si nous sommes sensibles à la tentative du président de la République de renouer une relation de proximité avec l'Allemagne, le groupe UMP ayant déposé une proposition de résolution sur ce sujet, nous restons perplexes, voire inquiets, face à certaines positions défendues par une partie de la majorité. Une clarification définitive s'impose, la France ne peut être l'otage des différences de sensibilités au sein du parti socialiste ou de la majorité.

M. Simon Sutour, président de la commission des affaires européennes.  - C'est un peu facile.

M. Jean Bizet.  - La France doit reconnaître l'Allemagne comme un partenaire stratégique, un partenaire économique et politique fiable. Le couple franco-allemand doit rester le moteur de l'Europe. L'Allemagne nous a rejoints sur la BCE, elle a initié une politique salariale qui soutient sa demande interne. Ne doutons pas d'elle, ne la faisons pas douter de notre engagement. C'est ainsi que nous entraînerons une nouvelle dynamique. Oui, le couple franco-allemand a un avenir, il est même consubstantiel à l'Europe elle-même.

Le redressement économique de notre pays est un impératif ; son échec ferait courir un risque à toute la zone euro. Le Gouvernement devrait en être convaincu, lui qui invoque si souvent la solidarité. Mais encore faut-il qu'il s'en donne les moyens. Le délai de deux ans est à la fois une opportunité tant que les taux d'intérêt restent bas et une exigence car nous devons entreprendre sans délai les réformes nécessaires. A cet égard, nous nous inquiétons des propos de certains membres de la gauche et des postures verbales du président de la République et du Premier ministre vis-à-vis des recommandations de l'Europe. Le regard de la Commission européenne nous est précieux ; ses positions ne doivent pas être considérées comme des ingérences mais de bons conseils tirés de l'expérience des autres pays européens.

Quels sont les engagements que prendra la France devant ses partenaires en matière de redressement budgétaire et de réformes ? Comment entendez-vous traduire ces engagements par des politiques cohérentes ? (Applaudissements à droite)

M. Michel Billout .  - Une fois de plus, le prochain Conseil européen est qualifié de crucial. Pour autant, les réunions se succèdent sans se traduire par des mesures concrètes, provoquant la désillusion. Surtout, le président de la République suit une voie qui n'est pas la nôtre : pour que soient tenus les engagements pris devant les Français, notre pays doit peser pour une réorientation économique et politique de l'Union. Hélas, tandis que le parti socialiste se déchire à Paris, on s'aperçoit que le président de la République ne peut faire entendre sa voix à Bruxelles.

L'heure serait à la création d'un Gouvernement économique de l'Union vite chapeauté par une union politique -qui n'aura d'autre résultat que le renforcement de la politique austéritaire. Quelle sera la différence avec l'Eurogroupe ? Quelle politique différente serait-elle mise en oeuvre ? Le président de la République parle d'harmonisation fiscale, l'intention est louable mais, à moins de défendre clairement la politique de croissance, il se verra imposer une harmonisation vers le bas. Quand donc mettra-t-on fin au dumping fiscal ? Tant que les dogmes libéraux s'imposeront, nous n'avancerons pas.

Quant à l'union politique, de quoi parlons-nous ? Ce serait laisser les mains libres à Angela Merkel, qui fera l'Europe dont les peuples ne veulent pas.

Quelles sont les pistes ? Il nous faut une banque indépendante de la grande finance mais dépendante du politique, à l'inverse de la BCE qui vient d'enterrer la taxe sur les transactions financières. Il faut refuser toute régression sociale et toute mise en concurrence de secteurs comme l'énergie ou les transports -en d'autres termes, un protectionnisme solidaire fondé sur des critères sociaux et environnementaux.

Le président de la République a-t-il l'intention d'aller dans ce sens et de convaincre nos partenaires ? Sans lui faire de mauvais procès, je déplore l'ambiguïté de ses déclarations : on ne peut défendre la politique de Schroeder à Leipzig et la croissance par l'endettement à Tokyo. Surtout, il faut se donner les moyens de mettre ses propos en actes.

Si on peut se féliciter de l'exclusion de l'audiovisuel, l'accord de libre-échange avec les États-Unis est particulièrement dangereux. Tous les secteurs seront touchés. Comme le titrait Libération aujourd'hui : L'exception culturelle, l'arbre qui cache la forêt. (Applaudissements sur les bancs CRC ; M. André Gattolin applaudit aussi)

M. Aymeri de Montesquiou .  - Les recommandations de la Commission sont identiques à celles de l'OCDE, du FMI et de la Cour des comptes, que vous vous entêtez à ne pas suivre...

M. Richard Yung.  - C'est faux !

M. Aymeri de Montesquiou.  - Le temps qui passe aggrave l'état de nos finances et fragilise l'Union. La France n'a qu'une parole, a dit le ministre de l'économie ; comment tiendra-t-elle les engagements pris devant ses partenaires ?

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.  - C'est bien le problème !

M. Aymeri de Montesquiou.  - En votant le TSCG en novembre dernier, nous avons accepté la politique de convergence et le contrôle européen de nos finances publiques. Détrompez-moi, monsieur le ministre...

M. Thierry Repentin, ministre délégué.  - Oh oui !

M. Aymeri de Montesquiou.  - Et pourtant, le président de la République déclare que la France est souveraine et décide de sa politique économique...

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances.  - Il a raison !

M. Aymeri de Montesquiou.  - Est-ce parce que certains refusent la social-démocratie ? Sommes-nous donc liés par l'article 14 de la convention nationale du parti socialiste...

M. Simon Sutour, président de la commission des affaires européennes.  - Bonne lecture !

M. Aymeri de Montesquiou.  - ...très hostile à l'intégration européenne ? Gide disait : « La promesse de la chenille n'engage pas le papillon ». (Exclamations sur les bancs socialistes)

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances.  - Hors sujet !

M. Aymeri de Montesquiou.  - Qu'avez-vous mis en oeuvre pour redresser nos comptes publics et relancer la compétitivité ? Où est la convergence fiscale avec l'Allemagne ?

M. Jacques Chiron.  - Que s'est-il passé de 2002 à 2012 ?

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances.  - Vous souteniez Sarkozy !

M. Richard Yung.  - Vous avez tout cassé !

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.  - C'est percutant ! Cela vous touche !

M. Aymeri de Montesquiou.  - Nos dépenses publiques restent bloquées à 56,6 % du PIB, huit points de plus qu'en Allemagne ! Notre compétitivité a chuté par rapport à nos voisins. Le CICE est trompeur car il aide seulement les entreprises à embaucher sans avoir d'effet sur la compétitivité. Seuls 5 000 contrats ont été signés sur 2 millions d'entreprises. C'est dire son attractivité...

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances.  - Faux ! Le CICE explose.

M. Aymeri de Montesquiou.  - Votre politique de matraquage fiscal obère les capacités d'investissement de la France. Vous auriez dû faire la TVA anti-délocalisation...

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances.  - Vive le libéralisme !

Plusieurs voix sur les bancs socialistes.  - C'est l'héritage !

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.  - Il a bon dos !

M. Aymeri de Montesquiou.  - La France a un coût du travail supérieur de trois points à celui de l'Allemagne, de huit points à celui de l'Italie, de treize points à celui du Royaume-Uni.

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances.  - Merci Sarkozy !

M. Aymeri de Montesquiou.  - La France a donné son accord à l'augmentation du temps de travail des fonctionnaires européens ; à quand la même mesure sur le territoire national ? Votre réforme des retraites est à contre courant. Et les jeunes quittent la France comme jamais, notre pays se vide de ses forces vitales !

M. Richard Yung.  - Bavardages !

M. Aymeri de Montesquiou.  - C'est alarmant. Si vous n'écoutez pas les parlementaires de l'opposition, écoutez au moins les aspirations des jeunes !

M. Jean Bizet.  - Très bien !

M. Aymeri de Montesquiou.  - Nous voulons une Europe de l'engagement, de l'espérance, de combat. (Applaudissements à droite)

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances.  - On vous a connu meilleur...

M. Jean-Claude Requier .  - Grâce à la France, les 27 ont choisi de changer de cap et d'en venir à une Europe de la croissance.

M. Jean Bizet.  - Ah ?

M. Jean-Claude Requier.  - Celle-ci, nécessairement, n'est pas simple à construire. En témoignent les relations tumultueuses entre la France et la Commission européenne ces dernières semaines : M. Barroso a qualifié les Français de « réactionnaires » parce qu'ils défendaient l'exception culturelle dans le traité de libre-échange avec les États-Unis.

Au-delà des mots, avançons. La France a besoin de poursuivre sur la voie des réformes structurelles en mettant en oeuvre l'excellent rapport Gallois -et non seulement parce que la Commission les lui imposerait.

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.  - Il y a encore du travail !

M. Jean-Claude Requier.  - Les retombées du pacte de croissance se font attendre, de même que la recapitalisation de la BEI. En mars, votre prédécesseur, monsieur le ministre, annonçait que la France bénéficierait de 11 milliards du pacte de croissance avec un impact global de 24 milliards. Je m'en réjouis mais où sont les 5 milliards de project bonds, dont 400 millions devaient être investis en France dans les transports, l'énergie et les télécommunications ? Quelle sera leur répartition ?

Le pacte européen est insuffisant à lui seul pour nourrir la croissance de demain. Il n'est qu'une première étape. La France plaide, à juste titre, pour consacrer 6 milliards d'euros sur deux ans à la lutte contre le chômage des jeunes.

La garantie pour la jeunesse est une initiative importante.

M. Jacques Mézard.  - C'est vrai !

M. Jean-Claude Requier.  - L'Union économique et monétaire et l'union bancaire sont une avancée majeure. Où en sommes-nous sur le mécanisme unique de résolution des crises et la garantie des dépôts, monsieur le ministre ?

Il semble que l'Allemagne ait renoncé à demander une révision préalable des traités. La voie pour l'union bancaire est-elle dégagée ? Grâce à l'union bancaire, le MES pourra recapitaliser les banques, ce qui mettra fin au cercle vicieux crise bancaire/crise des dettes.

C'est grâce à une politique européenne budgétaire, économique et sociale que nous sortirons par le haut de la crise et que nous garantirons à nos concitoyens un emploi et une vie meilleure. N'est-ce pas le sens même de la construction européenne ? C'est pourquoi les radicaux de gauche et la majorité du groupe RDSE soutiennent le Gouvernement. (« Très bien ! » et applaudissements sur les bancs socialistes et du RDSE)

M. André Gattolin .  - L'ordre du jour du Conseil européen fait oublier un fait symbolique essentiel : il y a vingt ans, nous adoptions la notion de citoyenneté européenne, problématique aujourd'hui tant elle paraît curieusement apolitique. Le droit de participation aux élections européennes et locales ne résume pas la citoyenneté. Le citoyen européen est un citoyen qui s'ignore, de même qu'il n'existe pas d'espace public européen. L'émergence de projets autour de valeurs concurrentes et librement débattues apparaît difficile.

Alors que beaucoup se félicitaient que les ministres du commerce aient décidé d'exclure de la négociation du traité de libre-échange avec les États-Unis l'exception culturelle, le président de la Commission européenne a traité la position française de réactionnaire, feignant d'ignorer que c'était aussi celle du Parlement européen.

M. André Gattolin.  - Ce problème ne nécessitait ni cet excès d'honneur, ni cette indignité. Cette exception réduira, au fur et à mesure des négociations, les autres concessions que nous aurions pu exiger des États-Unis. Quelle est la légitimité de M. Barroso à un an du renouvellement du Parlement européen et de la Commission ?

Aucune procédure de concertation publique n'a été lancée. Pourquoi les gouvernements ont-ils accepté d'ouvrir aussi rapidement ces négociations ?

Nous avons les mêmes inquiétudes à propos d'autres volets de la politique européenne. Les recommandations faites aux États membres, axées sur la rigueur budgétaire, oublient la lutte contre la pauvreté et la transition écologique. Cela nous paraît à courte vue. Il manque une colonne vertébrale à cette politique.

La parité est reconnue comme une valeur essentielle par le traité. Pourtant, certaines institutions clé de l'Union européenne en font fi. Charité bien ordonnée commence par soi-même...

William Faulkner disait que « la sagesse suprême est d'avoir des rêves assez grands pour ne pas les perdre de vue tant qu'on les poursuit ».

Je crains que nous ayons manqué de sagesse ces dix dernières années. L'ordre du jour du Conseil européen est tristement technique, financier et commercial ; mettons fin à cette dérive. Un droit d'inventaire est nécessaire avant que s'ouvre la campagne européenne, pour retrouver le goût de l'Europe et redonner aux citoyens toute leur place. (Applaudissements à gauche et au centre)

M. Jean-Vincent Placé.  - Excellent !

M. Richard Yung .  - Monsieur de Montesquiou, franchement, cette litanie d'arguments éculés est dramatique ! Comment nos partenaires jugeront ce manque de confiance dans nos entreprises, dans la richesse de notre pays ? Personne ne peut vous croire ! (Applaudissements à gauche)

M. Daniel Raoul.  - Excellent !

M. Richard Yung.  - M. Bizet a été plus modéré.

M. Jean-Vincent Placé.  - C'est dire !

M. Richard Yung.  - Nous avons vu hier M. Rehn, qui a rédigé les recommandations à la France. L'appréciation de la Commission sur la baisse des coûts du travail, sur l'accord national interprofessionnel, sur les retraites, sur les déficits publics, dont nous héritons... Tout n'est pas parfait mais sachons voir la confiance qui se lit dans le regard des autres !

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances.  - Très bien ! (Mme Marie-Hélène Des Esgaulx ironise)

M. Daniel Raoul.  - C'est l'aveu de leur bilan !

M. Richard Yung.  - Faut-il mettre la clé sous la porte ? Faut-il se féliciter que le CICE n'avance pas suffisamment ? Vieilles rengaines ! Voyons plutôt comment progresser.

Nous nous rapprochons de l'Allemagne.

M. Jean Bizet.  - C'est nouveau !

M. Richard Yung.  - J'espère que vous vous en félicitez, comme moi. Se construit une position commune dans la perspective du prochain conseil, en particulier sur l'intégration économique de la zone euro. Oui, nous progressons. Même chose pour l'Union bancaire. Le président de l'Eurogroupe l'a dit, il y a encore des banques européennes pour le moins fragiles. Il est très important d'obtenir la supervision et le mécanisme unique de résolution. On a perdu un an, je n'y reviens pas. Il est proposé de mutualiser les fonds de garantie de chaque pays. Vous rendez-vous compte de l'importance d'une telle mesure ? Imaginez que le système slovène saute. L'Allemagne, la France, l'Italie prêteront ce qui lui manquerait. C'est formidable.

Monsieur le ministre, où en est-on sur la licence bancaire qui pourrait être accordée au mécanisme européen, qui agirait directement et non par l'intermédiaire des États ?

Dans le domaine fiscal, la taxe sur les transactions financières pose des problèmes pratiques mais elle a une portée symbolique, quel que soit son rendement. Nous ne sommes que 11, dans un ensemble à 17 ou à 27. Imaginons un fonds de type BEI, pour des projets. Il y a un rétropédalage, semble-t-il, sur le champ d'application. La France voudrait l'élargir aux opérations de change. Pourriez-vous nous éclairer sur ce point ? (Applaudissements sur les bancs socialistes et RDSE)

M. Daniel Raoul.  - Très bien !

M. Thierry Repentin, ministre délégué .  - Monsieur de Montesquiou, le Gouvernement mène une politique volontariste, pour créer les conditions d'une croissance qui s'appuie sur le sérieux budgétaire -on ne peut s'abstraire du passé ! Nous avons besoin de restaurer notre souveraineté budgétaire, indépendamment des recommandations européennes.

Mme Michèle André.  - Absolument !

M. Thierry Repentin, ministre délégué.  - Le déficit ne date pas de 2012.

Notre diagnostic diffère de celui de la Commission européenne sur certains points, comme les moyens d'augmenter la compétitivité des entreprises, par exemple. Le Gouvernement dialoguera avec le Sénat, l'Assemblée nationale et les partenaires sociaux, trop oubliés par le passé. Nous discuterons de l'Europe sociale et des réformes structurelles dès demain à la conférence sociale.

Nous sommes favorables au renforcement de la coordination des politiques économiques...

M. Aymeri de Montesquiou.  - Il faut le faire.

M. Thierry Repentin, ministre délégué.  - Nous en discuterons au Conseil sur la base du rapport Van Rompuy. Nous sommes ouverts à la coordination ex ante mais cela ne signifie pas que la Commission décide en lieu et place des Parlements nationaux des politiques économiques nationales, comme l'a marqué le président de la République.

Nous respecterons le cadrage général ; en revanche, les mesures demeureront nationales.

Nous sommes déterminés à redresser la compétitivité de notre pays. C'est le sens du pacte de compétitivité et de croissance.

Nos engagements sur les réformes à mener ? Mais monsieur de Montesquiou, vous les connaissez puisque le programme de stabilité a été soumis au parlement en avril, avant sa transmission à la commission.

Mme Michèle André.  - C'est vrai !

M. Thierry Repentin, ministre délégué.  - La Commission l'a d'ailleurs salué. Le Sénat, je le sais, est une maison bien tenue, vous y trouverez facilement ces documents.

La Commission a salué la crédibilité de la France, que le Conseil en fasse autant.

Le Gouvernement économique pour la zone euro, esquissé par le président de la République le 16 mai dernier, doit être responsable devant les citoyens. Cela reste à construire. En proposant un président à temps plein qui portera la parole de l'Eurogroupe, la France joue son rôle historique pour faire évoluer la gouvernance européenne. La contribution franco-allemande a jeté les bases de ce Gouvernement économique, le 30 mai. Outre le président de l'Eurogroupe, il faut des ministres des finances disposant de moyens renforcés, c'est-à-dire des ressources propres. D'autres ministres y pourraient siéger, par exemple les ministres des affaires sociales et du travail. C'est nouveau.

Nous proposons qu'au sein du Parlement européen, qu'une structure démocratique soit constituée, face au président de l'Eurogroupe et que les partenaires sociaux soient traités avec respect, comme ils le sont désormais en France.

M. Roland Courteau et Mme Gisèle Printz.  - Très bien !

M. Thierry Repentin, ministre délégué.  - J'en viens au fantasme selon lequel il y aurait une crise entre la France et l'Allemagne.

Si Mme Merkel n'a pas été élue sur les mêmes bases que François Hollande, nous pouvons néanmoins travailler ensemble. Notre relation est unique au monde : connaissez-vous beaucoup de pays dont les gouvernements font un point hebdomadaire ? Elle est équilibrée, rééquilibrée même, car nous ne sommes plus dans le suivisme, sans débat. Elle est sereine. Nous ne cachons pas nos difficultés ; nous nous les disons, tout en sachant que nous devons trouver un compromis. Si on veut une solution à vingt-sept, il faut d'abord trouver une solution franco-allemande.

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.  - C'est clair !

M. Thierry Repentin, ministre délégué.  - Il n'y avait pas d'accord sur la taxe sur les transactions financières. En janvier 2013, sa création a été actée.

Étions-nous d'accord sur le fonds d'aide alimentaire aux démunis ? Non plus, ce fonds sera néanmoins sauvé grâce à la France dans quelques semaines.

M. Roland Courteau.  - Très bien !

M. Thierry Repentin, ministre délégué.  - L'Allemagne souhaitait-elle un mécanisme de supervision bancaire ? Le MES ? La France a emporté la décision. Et la lutte contre l'évasion fiscale ? La directive était « plantée » depuis cinq ans. Le 22 mai dernier, jour noir pour les fraudeurs, nous avons remporté l'adoption de la directive Épargne avant la fin de l'année. Avec une force tranquille, nous avons développé une autre vision de l'Union européenne, pour lui faire prendre une direction nouvelle.

Monsieur Gattolin, c'est l'année de la citoyenneté européenne. Oui, il y a des efforts à faire. Il faut que chacun, dans chaque région, agisse afin que les citoyens se sentent concernés. La citoyenneté européenne peut être confortée par la présence de l'Europe à nos côtés, sur nos territoires. C'est le rôle de la Banque européenne d'investissement qui vient d'être recapitalisée : une soixantaine de milliards d'euros vont être débloqués.

Monsieur Requier nous avons signé avec la CDC un accord sur 7 milliards cette année, autant l'an prochain, également l'année suivante. Renault en bénéficiera, le syndicat intercommunal d'assainissement de l'Île-de-France et l'aéroport de Lyon Saint-Exupéry.

Le mandat adopté vendredi dernier sur l'accord de libre-échange Europe-États-Unis n'est pas uniquement défensif, mais aussi offensif -l'ouverture des marchés publics dans les États fédérés, la suppression des barrières non tarifaires. Ce dont on n'a pas parlé est aussi essentiel.

M. Daniel Raoul.  - Plus !

M. Thierry Repentin, ministre délégué.  - Nous nous attacherons à préserver nos intérêts au fur et à mesure des négociations au-delà de l'exception culturelle. Je félicite Aurélie Filippetti qui a mobilisé treize de ses collèges et Nicole Bricq qui a tenu vendredi la ligne de front, avec la ténacité que vous lui connaissez.

Monsieur le président Sutour, sur le Kosovo, la France a une position très ouverte. D'accord pour engager le processus d'adhésion de la Serbie, et pour l'association du Kosovo, sous réserve que les accords d'avril dernier soient respectés. Mme Ashton rencontrera cette semaine les responsables des deux pays.

M. Simon Sutour, président de la commission des affaires européennes.  - Très bien !

M. Thierry Repentin, ministre délégué.  - Quant à la Turquie, le respect des règles de droit fonde l'adhésion à l'Union européenne. Je l'ai redit à mon confrère turc que j'ai rencontré récemment, à propos du droit de manifester.

S'agissant de la taxe sur les transactions financières, les discussions en cours se focalisent sur l'assiette, sur les produits financiers à inclure, au cas par cas, pour éviter tout effet pervers sur le financement de l'économie sans oublier certaines transactions sur les dérivés. (Applaudissements à gauche et au centre)

M. le président.  - Nous passons au débat interactif et spontané.

Débat interactif

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx .  - Nous avons connaissance des rapports de la Cour des comptes, de l'OCDE, de la Commission européenne, du FMI sur notre pays. Tous convergent sur le diagnostic et sur les mesures à prendre : la France doit sans tarder mener des réformes structurelles. Quels engagements prendra le Gouvernement à l'égard de l'Allemagne au Conseil européen ? Quelles réformes selon quel calendrier ? Comment conjuguer une coopération renforcée avec l'Allemagne, sans fantasme, avec votre hausse massive d'impôts, qui a accentué la divergence entre nos deux économies ?

M. Daniel Raoul.  - C'était déjà le cas avant !

M. Thierry Repentin, ministre délégué.  - Franchement, pas de fantasme ! Il n'y a pas de divergence entre nous. Nous sommes d'accord sur de nombreux points, dont le Smic européen, la lutte contre le dumping social, la convergence sociale par le haut. Nous travaillons sereinement.

Le programme de réformes, c'est celui du pacte compétitivité emploi, c'est la réforme des retraites, que nous avons amorcée mais qui n'a pas été suggérée par la Commission européenne. Nous en débattrons quarante heures demain et après-demain. C'est aussi la réforme de l'apprentissage et de la formation professionnelle et la mise en oeuvre du choc de simplification annoncé par le président de la République, dont le Sénat sera saisi prochainement.

M. Yvon Collin .  - L'emploi des jeunes est à l'ordre du jour, alors que la France se situe au-dessus de la moyenne européenne pour le chômage des jeunes. Le président Obama a mis en garde à Berlin contre l'émergence d'une « génération perdue ».

Ce sous-emploi massif alimente l'euroscepticisme. Nous avons épargné la guerre à nos jeunes mais un autre mal les guette : le repli sur soi et la peur de l'autre. Nous comptons sur le Gouvernement pour que l'Europe fasse de la jeunesse une priorité.

M. Thierry Repentin, ministre délégué.  - Vous touchez le coeur de l'agenda des 27 et 28 juin, centré en priorité sur la jeunesse. J'espère des résultats concrets, avec la création d'une ligne de 6 milliards d'euros dont nous souhaitons qu'ils soient utilisés dès 2014 et 2015 pour un effet de levier maximum et qui bénéficieront à tous les TOM français et à une dizaine de départements. C'est aussi la garantie jeunesse, la dotation du programme Erasmus, qui passera de 8 à 13 milliards d'euros, pour toucher plus de jeunes y compris ceux qui sont en formation en alternance ou en apprentissage, avec la reconnaissance d'un statut européen de l'apprenti, la mise en place de crédits spécifiques pour les jeunes créateurs d'entreprise.

Mme Claudine Lepage .  - « Une victoire pour la France » s'est exclamée Aurélie Filipetti. Nicole Bricq a remporté, après treize heures de négociations, son bras de fer européen. Non, nous ne sommes pas les seuls en Europe, quoi qu'en dise M. Barroso, à nous battre pour la diversité culturelle. Ces propos consternants du président de la Commission témoignent d'un profond mépris pour les pays et les peuples, mais aussi de son ultralibéralisme. Je félicite le Gouvernement pour sa détermination. Sans bouder notre plaisir, nous redoutons que cet accord de libre-échange pourrait harmoniser vers le bas notre réglementation sociale et environnementale. Comment le Gouvernement compte-t-il défendre notre modèle européen face au modèle américain moins protecteur ?

M. Thierry Repentin, ministre délégué.  - La France s'est toujours prononcée pour le principe d'un tel accord, sur la base de la réciprocité, pour autant que les gains pour la France et l'Europe soient réels. Ces négociations prendront trois à quatre ans. Seule l'exclusion explicite des services audiovisuels nous assure de la préservation efficace de l'exception culturelle.

Sur les propos du président de la Commission européenne, lutter pour la diversité culturelle, c'est le sens du progrès, contraire à l'aveuglement ultralibéral, lequel est réellement réactionnaire. L'accord devra être signé et ratifié par tous les États membres. La Commission est notre négociateur, avec le mandat qui lui a été confié. Nous suivrons attentivement ses travaux au sein du comité de politique commerciale et nous en reparlerons dans deux ou trois ans, lors de la ratification. Nous avons donc le moyen de vérifier que nos demandes sont respectées au pied de la lettre.

M. Michel Billout .  - J'espère que la situation en Turquie sera évoquée lors du Conseil européen. Secouée depuis plus de quinze jours par des manifestations antigouvernementales, ce pays laïc a connu une répression très violente qui a fait quatre morts. Parmi les nombreux blessés, dix personnes ont perdu la vue à cause de l'utilisation de gaz nocifs. De nombreuses personnes, dont une Française, attendent leur jugement.

Cette répression porte gravement atteinte aux principes fondamentaux de la démocratie. L'Europe a protesté, même Mme Merkel a donné de la voix. En revanche, malgré votre déclaration ferme de jeudi dernier, le Gouvernement français s'est montré discret. Ne faut-il pas retirer le projet de loi ratifiant le traité de coopération policière avec un tel pays ?

M. Thierry Repentin, ministre délégué.  - Nous avons dénoncé le recours à la violence excessive pour réprimer les manifestations sur la place Taksim. Je l'ai fait de vive voix et de visu avec le représentant de la Turquie. Néanmoins, nous avons confirmé notre intention de rouvrir les négociations avec ce pays car lui fermer la porte renforcerait le nationalisme. Cette ouverture du chapitre 22, doit avoir des contreparties sur la question migratoire, mais aussi sur Chypre. Il n'y aura pas de solution sans cela.

M. Simon Sutour, président de la commission des affaires européennes.  - Très bien !

M. Jean-Pierre Chauveau .  - Oui, il faut tout faire pour l'emploi des jeunes ; oui, nous approuvons l'initiative en faveur des jeunes du Conseil européen des 27 et 28 juin. Mais au coeur de la question de l'emploi, il y a la flexisécurité. Qu'allez-vous faire au-delà de l'ANI ? Au coeur de l'emploi, il y a les emplois marchands ; les emplois d'avenir n'ont d'avenir que de nom.

M. Simon Sutour, président de la commission des affaires européennes.  - Caricature !

M. Jean-Pierre Chauveau.  - Qu'entendez-vous faire pour réduire les coûts du travail ?

M. Thierry Repentin, ministre délégué.  - Je ne peux vous laisser dire cela : l'emploi d'avenir est assorti d'une obligation de formation qualifiante pour une expérience professionnelle de trois ans, et c'est là une nouveauté dans le code du travail. L'ouverture vers le secteur marchand est là, je le dis aux sénateurs qui s'y intéressent dans leurs départements. (M. Aymeri de Montesquiou approuve). La Commission européenne demande que nous nous préoccupions de l'emploi des seniors. Avec le contrat de génération, nous subventionnons une entreprise qui à la fois maintient dans l'emploi un salarié de plus de 55 ans et embauche un jeune de moins de 25 ans.

Que répondons-nous à la Commission européenne ? Cela ! Nous avons anticipé ses recommandations.

M. Yannick Vaugrenard .  - La Commission européenne outrepasse ses prérogatives et sort de son rôle. Au-delà des positions outrancières de M. Barroso, je pense aux propos du commissaire Karel De Gucht, en charge des négociations sur le partenariat transatlantique, déclarant qu'il discuterait audiovisuel avec les États-Unis. Pouvez-vous nous assurer de la vigilance extrême du Gouvernement, concernant le respect par les commissaires européens de leur mandat ?

Les États fédérés pourraient se soustraire à l'engagement de l'État fédéral, quelles garanties prendre ?

Quelle stratégie pour éviter un accord déséquilibré ? L'enjeu est important : il faut ramener le regard des États-Unis de l'Asie vers l'Europe, sans que les États fédérés puissent se soustraire aux engagements pris par l'État fédéral. États-Unis et Union européenne représentent ensemble 40 % des échanges commerciaux et plus de la moitié du PIB mondial.

Après la cascade d'élargissements de l'Union européenne dans le but louable d'arrimer des pays à une communauté démocratique, le moment n'est-il pas venu de se préoccuper avant tout d'approfondir et d'améliorer la gouvernance communautaire ?

M. Thierry Repentin, ministre délégué.  - Je le répète : le mandat de négociation est clair et définitif ; la Commission ne peut pas le modifier.

Tout cela, vous l'avez compris, n'est que le commencement d'un long processus où nous aurons un négociateur unique, la Commission européenne, que nous contrôlerons avec une commission ad hoc. Les négociations porteront aussi sur les barrières douanières non tarifaires et nous avons repéré les subtilités concernant les États fédérés.

Sur l'élargissement, la France veille à la capacité de chaque État d'intégrer l'acquis communautaire et à la capacité d'absorption de l'Union européenne. Plus l'Europe est intégrée, plus l'adhésion est difficile car le niveau d'exigence augmente. Peut-être y aura-t-il des avancées positives avec la Serbie après la rencontre avec Mme Ashton. En tout cas, il est significatif qu'en ces temps de doute interne, des pays frappent à notre porte ; c'est sans doute que nous sommes plus forts ensemble.

M. Aymeri de Montesquiou .  - Je ne voulais pas provoquer des convulsions chez mes amis socialistes. Mon but était simplement de rappeler les recommandations de l'Union européenne, de l'OCDE et du FMI. La France ne se donne guère les moyens d'avancer à mon goût.

J'ai été frappé que vous ayez commencé votre intervention en évoquant le poulet chloré et la qualité de la viande, sujets dont je ne méconnais pas l'importance pour nos négociations avec les États-Unis, mais que faites-vous pour la compétitivité, monsieur le ministre ?

Oui, je soutiens la TFF et le maintien du fonds d'aide aux démunis. Mais au-delà, la compétitivité des entreprises françaises doit être au coeur de vos préoccupations. N'aggravez pas l'héritage que vous invoquez sans cesse ! M. Sutour a eu raison de rappeler le principe de subsidiarité. Quel sera le chemin français pour réduire les dépenses, les impôts, les charges ? La taxation à 75 % est-elle stimulante ? N'a-t-elle pas provoquée un recul de 13 % des investisseurs étrangers ?

Je serai heureux d'entendre des réponses précises.

M. Thierry Repentin, ministre délégué.  - J'ai parlé de poulet chloré et de décontamination chimique de la viande, car c'est défendre l'agriculture française.

M. Aymeri de Montesquiou.  - Et la compétitivité ?

M. Thierry Repentin, ministre délégué.  - Le CICE passera de 4 % à 6 % de la masse salariale l'an prochain. Mon rôle n'est pas celui de M. Moscovici, il est d'obtenir des lignes de crédit européennes pour la recherche et l'innovation ; elles passeront de 53 à 70 milliards d'euros. Je pense aussi à l'emploi des jeunes. Je dois aussi m'assurer du maintien de la PAC pour les agriculteurs qui sont aussi des entrepreneurs. Je me bats pour du concret.

Je pense aussi aux 6 milliards pour la recherche géo-satellitaire avec l'agence spatiale européenne. Cela va représenter 69 satellites et 140 000 emplois. L'été prochain, il y aura les 7 milliards d'euros de la BEI éligibles pour les PME.

M. Simon Sutour, président de la commission des affaires européennes. - Cela, c'est du concret !

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances .  - Le Conseil des 27 et 28 juin sera consacré à des sujets économiques. J'ai apprécié, monsieur le ministre, votre détermination pour l'emploi et la croissance ; je ne doute pas que la France défendra avec pugnacité sa position à Bruxelles.

Je viens d'une région très tournée vers l'agro-alimentaire, où l'on a de grosses difficultés du côté du poulet, du porc, du saumon. On ne comprend pas que le coût horaire du travail soit de 4 ou 5 euros dans certains pays de l'Union quand il est de 13 ou 14 en France. Pouvez-vous me confirmer votre volonté de créer un Smic européen ?

M. Thierry Repentin, ministre délégué.  - Vous auriez pu, monsieur le rapporteur général, m'interroger sur l'union bancaire ; je vous sais gré de ne l'avoir pas fait à cette heure. (Sourires)

Pour lutter contre le dumping social, nous voulons un alignement vers le haut en surveillant sur la directive « détachement des travailleurs ». Même chose pour la directive « marché public » afin d'exclure les entreprises provenant de pays pratiquant le dumping social. Concernant le détachement des travailleurs, nous espérons un dialogue fructueux avec les partenaires sociaux, comme nous l'avons eu sur l'ANI.

J'ai rappelé au commissaire Laszlo Andor l'importance de ce deuxième semestre 2013, le dernier avant les élections européennes. Il doit être l'occasion d'avancées dans l'Europe sociale. Je vous confirme que notre priorité, avec l'emploi des jeunes, est la lutte contre le dumping social.

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances.  - Très bien !

Prochaine séance, demain jeudi 20 juin à 9 h 30.

La séance est levée à 23 h 55.

Jean-Luc Dealberto

Directeur des comptes rendus analytiques

ORDRE DU JOUR

du jeudi 20 juin 2013

Séance publique

A 9 heures 30

1. Suite du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif à l'enseignement supérieur et à la recherche (n°614, 2012-2013).

Rapport de Mme Dominique Gillot, fait au nom de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication (n°659, 2012-2013).

Texte de la commission (n°660, 2012-2013).

Avis de Mme Valérie Létard, fait au nom de la commission des affaires économiques (n°663, 2012-2013).

Rapport d'information de Mme Françoise Laborde, fait au nom de la délégation aux droits des femmes (n°655, 2012-2013).

A 15 heures

2. Questions d'actualité au Gouvernement.

A 16 heures 15 et le soir

3. Suite de l'ordre du jour du matin.