Enseignement supérieur et recherche (Procédure accélérée)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif à l'enseignement supérieur et à la recherche.

Discussion générale

Mme Geneviève Fioraso, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche .  - Le prestige d'une nation, son rayonnement, sa place dans le monde, sa capacité à se projeter vers l'avenir se mesurent à l'aune de la performance de l'enseignement supérieur et de la recherche.

Telle est l'ambition de ce projet de loi, qui fait le pari de la compétitivité et de la dynamisation de l'enseignement supérieur et de la recherche dans un monde en mutation, pour relever les défis du présent et de l'avenir. L'enseignement supérieur est la meilleure arme anti-crise. Nous participons au redressement national et nous préparons l'après-crise. L'enseignement supérieur et la recherche sont élevés au rang de priorités nationales dans les pays développés mais tout autant dans les pays émergents. Dans un monde qui bouge vite, nous devons savoir nous adapter, et parfois nous remettre en cause.

Les objectifs fixés à Lisbonne il y a dix ans -consacrer 3 % du PIB à la R & D et atteindre 50 % de diplômés de l'enseignement supérieur par génération- ne sont pas atteints. Alors que l'Allemagne, les États-Unis, le Japon ont atteint les 3 % et que la Corée, à 4,3 %, vise les 7 %, nous en restons à 2,2 %.

La part que nous consacrons à l'enseignement supérieur et à la recherche dans le PIB est insuffisante. Dans un contexte international qui évolue rapidement, il était important de réformer l'université pour qu'elle redevienne un atout pour l'avenir. La France est distancée. Si nous partageons certains objectifs de la LRU de 2007, six ans de recul ont été mis en évidence par les Assises, le rapport de Jean-Yves Le Déaut et le bilan tiré par votre commission pour le contrôle de l'application des lois notamment.

L'échec en licence, la frénésie d'appels d'offres qui s'est abattue sur les chercheurs et les enseignants -avec son cortège d'effets pervers, la complexification qui fait parler d'un mikado ou millefeuille administratif, l'affaiblissement de la collégialité au profit d'une gouvernance trop centralisée, le choix idéologique du « tout-PPP », alors qu'aucune première pierre n'a été posée en dépit des études lancées, les impasses budgétaires dans nombre d'établissements nous contraignaient à agir.

Cette loi d'orientation fixe un cap ambitieux, quantitatif, concernant 50 % d'une classe d'âge, et qualitatif. De nombreux débats, auditions et consultations l'ont précédée, dressant un état des lieux partagé. On ne réforme pas contre la communauté académique ni en s'attaquant au service public de la recherche, comme ce fut le cas de certains discours de janvier 2009... (M. Philippe Bas proteste)

C'est une loi d'orientation de l'enseignement supérieur et de la recherche -une première !-, qu'elle ouvre sur la société car l'avenir des jeunes en dépend. Tout en maintenant des continuités, elle rééquilibre et change ce qui doit l'être.

L'autonomie, initiée par Edgar Faure et Alain Savary, est un outil précieux, qui implique une double responsabilité, celle de l'État stratège et des établissements eux-mêmes. Il fallait revenir à la collégialité.

Pour les regroupements d'université, une stratégie coordonnée par toutes les composantes académiques s'imposait. Il y a changement dans le rôle de l'Etat qui de démissionnaire redevient stratège.

La loi combine la dynamique territoriale et celle de l'État stratège, rompant avec l'opposition stérile entre recherche fondamentale et innovation. C'est la clé de la création d'emplois.

M. Bruno Sido.  - Absolument.

Mme Geneviève Fioraso, ministre.  - C'est pourquoi j'ai tenu à inscrire le transfert dans les missions du service public. Notre pays doit se maintenir dans le peloton de tête des grandes nations.

Les 730 millions d'euros du plan Réussite étudiants n'ont pas suffi à assurer un rattrapage avec l'Allemagne. Nous créons 1 000 postes par an, ce qui représente un effort considérable dans le contexte budgétaire actuel, car nous croyons qu'il est essentiel de renforcer l'encadrement des étudiants.

Alors que le chômage des jeunes atteint 25 %, nous devons plus que jamais leur donner les moyens de réussir à l'université. Ce sont les jeunes les plus modestes qui peinent le plus à trouver un emploi.

Notre objectif est de porter de 37 % actuellement à 50 % la proportion d'une classe d'âge qui atteint les études supérieures. Et le choix d'un parcours universitaire ne doit pas se faire par défaut : la clé de la réussite est une orientation choisie et non subie.

D'où les dispositions proposées sur les bacs technologiques et professionnels dont la spécificité devrait être prise en compte. Les filières professionnelles et technologiques doivent comporter des passerelles. C'est ainsi que l'on formera les ingénieurs et les techniciens de demain, dont nous avons tant besoin. Au Bourget, j'ai entendu les difficultés de la filière aéronautique à recruter du personnel qualifié.

Il faut aussi préparer les lycéens à la réussite en licence. Le dispositif bac -3/+3 est déjà engagé avec l'éducation nationale. Adaptons notre offre aux jeunes qui sont confrontés, à la sortie du baccalauréat, à une myriade de plus de 10 000 offres de formations, au point qu'a émergé un nouveau métier, celui de « coach privé » en orientation ! (Mme Sophie Primas s'exclame)

Il faut aider les étudiants à définir leur projet professionnel. L'article 22 propose une expérimentation qui réduira le taux d'échec grâce à une réorientation précoce et aidera à diversifier les recrutements depuis les licences. Nous sommes les seuls au monde à sélectionner de façon aussi rigide nos futurs médecins.

La simplification et la lisibilité de l'offre de formation doivent être améliorées. Cela passe par une accréditation et une nomenclature simplifiées, qui ne se feront pas au détriment des matières rares.

Enseigner s'apprend. Les ESPE y pourvoiront. L'innovation pédagogique sera privilégiée. Le Québec nous montre la voie en la matière. Le numérique a un rôle essentiel à jouer. Les articles 6 et 7 portent sur l'obligation de rendre numériques les enseignements qui y sont adaptés.

L'insertion professionnelle des étudiants doit être traitée avec le même soin que les autres missions de l'enseignement supérieur et de la recherche. Elle sera assurée par les stages que ce projet de loi entend développer dès le premier cycle, avec un encadrement renforcé qui favorisera le lien entre les universités et leur environnement.

Le budget de la vie étudiante a été revalorisé de 7,7 % dès notre arrivée. L'offre de logements a été augmentée. L'engagement présidentiel de 40 000 logements supplémentaires en cinq ans sera tenu.

La réussite étudiante est notre première priorité, notre ambition pour la recherche, pour le redressement de la France, la seconde.

La marche en avant des filières qui embauchent est liée à la qualité de notre recherche publique, reconnue et enviée de par le monde. Il nous faut donc protéger notre recherche dans sa diversité, préserver ce patrimoine collectif.

L'État doit reprendre la maîtrise de la programmation et de l'orientation de recherche. Soyons fiers de nos prix Nobel, de nos médailles Fields, des succès de notre recherche. Mais nous ne sommes qu'au vingt-deuxième rang mondial pour l'innovation.

Ce projet de loi définit un agenda stratégique de la recherche. L'ANR s'était improvisée programmatrice de la recherche en France. Les États-Unis, le Japon et d'autres pays ont adopté des démarches volontaristes qui doivent nous inspirer.

J'ai demandé par anticipation aux cinq grandes alliances pour la santé, l'environnement, le numérique, l'environnement et les sciences de l'homme que soient formulés des axes de recherche pour relever les grands défis de notre pays d'ici à la fin de l'année. Le conseil stratégique de la recherche coordonnera cet agenda stratégique, harmonisé avec le programme européen, à l'horizon 2020 ; une évaluation régulière sera effectuée en relation avec l'Office parlementaire.

Il n'est pas question pour autant de se fonder sur une conception utilitariste de la recherche. Le CNRS reste le premier organisme publiant des recherches au monde. Il doit être préservé. Notre faiblesse, c'est le transfert de l'invention à l'innovation qui fait la force de l'Allemagne. L'innovation est à la source de 80 % des emplois créés en Europe.

La loi de 1999 sur l'innovation, votée à l'unanimité, doit être complétée. Je propose d'inscrire le transfert dans les misions de service public de la recherche chaque fois que cela est possible. La notion de transfert pourra être élargie et précisée au cours de notre débat, j'y suis favorable.

Pour susciter des vocations, trop rares aujourd'hui, le doctorat doit être revalorisé. Des négociations sont en cours avec les branches professionnelles à ce sujet. L'État doit donner l'exemple. Ce projet de loi reconnaît le doctorat dans toutes les grilles de la fonction publique.

Cette loi n'est pas de programmation mais notre politique ne fait pas l'impasse sur les moyens, grâce aux engagements présidentiels déjà traduits dans la loi de refondation de l'école de la République.

Un agenda social a été mis en place pour résorber la précarité grandissante dans les métiers de la recherche.

Enfin, la loi veut encourager l'ouverture à l'international. L'avenir de 6 millions de jeunes, futurs décideurs, est en jeu.

L'organisation de l'enseignement en langue étrangère dans les universités a fait couler beaucoup d'encre. Nous voulons accueillir les jeunes du monde qui, de francophiles, pourront devenir francophones. La maîtrise du français ne sera pas un préalable à leur venue mais continuera d'être exigée pour l'obtention d'un diplôme. Les grandes écoles ont bien compris l'intérêt de dispenser certaines formations en anglais, mesure qui a fait couler beaucoup d'encre mais ne remet en cause aucun fondement de notre enseignement. Elle peut, au contraire, favoriser le rayonnement de notre culture.

Ce projet de loi incarne un nouvel élan pour l'enseignement supérieur et la recherche de notre pays. Oui, notre monde en mutation entraîne des changements, des défis inédits ; le Gouvernement a engagé le redressement national pour y faire face ; ce projet de loi y participe, pour construire une société de progrès, fondé sur la formation et la recherche et les valeurs d'universalité et d'humanisme. (Applaudissements sur les bancs socialistes et du RDSE ; M. Bruno Sido applaudit aussi)

Mme Dominique Gillot, rapporteure de la commission de la culture .  - Depuis le milieu des années 80, le législateur s'est attaché à relever les défis scientifiques, technologiques, sociétaux de notre temps. Pour la première fois, nous somme saisis d'un texte qui lie enseignement supérieur et recherche pour nourrir la compétitivité de la Nation. L'enseignement supérieur et la recherche sont indissociables en effet et l'université est la seule institution à lier excellence pédagogique et excellence scientifique. Elle forme aux métiers d'aujourd'hui et prépare aux métiers de demain.

Ce projet de loi vise à l'avènement d'une société plus inclusive, en faisant de la réussite de tous les étudiants un objectif prioritaire, en cohérence avec le projet de loi pour la refondation de l'école, qui exprime la même ambition. Comme constaté avec Ambroise Dupont, la LRU pêche par de nombreux dysfonctionnements.

Il fallait renforcer la gouvernance collégiale par la création d'un conseil académique au sein des établissements universitaires, à côté du conseil d'administration, dont la vocation stratégique est confortée L'État est le garant de l'intérêt général et de l'accès de tous les étudiants à un service public de qualité sur tout le territoire.

En cohérence avec le renforcement du cadrage national, une coordination de l'offre de formation et de recherche académique, ainsi qu'inter-académique, sera opérée tandis qu'en sera renforcée la lisibilité à l'égard des partenaires.

Notre commission a adopté des amendements aux premiers articles du projet de loi, pour redéfinir le transfert comme valorisation des résultats de la recherche au service de la société. Nous avons intégré dans les missions de l'enseignement supérieur et de la recherche l'encouragement et la participation à la recherche, en introduisant une référence à la culture scientifique, technique et industrielle à inscrire dans le code de l'éducation.

Plusieurs amendements de la commission font de l'amélioration de la vie étudiante une priorité. Le réseau des oeuvres universitaires fera la synthèse des besoins en la matière, qui sera transmise à l'État et aux collectivités locales.

Attentive et respectueuse des travaux de la CPU, notre commission a conforté la situation des personnels et étudiants en situation de handicap au sein de l'université, qui deviendra ainsi plus inclusive.

La résorption de l'emploi précaire sera incluse dans le bilan social annuel.

Malgré les affichages ambitieux du plan Réussite en licence, les résultats se sont dégradés. Il fallait réaffirmer la continuité entre le dernier cycle du second degré et le premier cycle universitaire. L'enseignement au lycée doit préparer au passage dans le supérieur et l'enseignement supérieur doit s'intéresser au devenir des lycéens.

Notre commission a voulu optimiser les chances de réussite de chacun, en généralisant le principe de double inscription à l'université des étudiants de STS et de classes préparatoires.

Nous avons également voulu favoriser la préparation aux concours d'accès à la fonction publique au sein de l'université. L'alternance doit être également encouragée. Une spécialisation précoce n'est pas souhaitable, face aux évolutions rapides du monde du travail.

Tout ne dépend pas de la loi. Dans les universités se développent des dispositifs innovants de prise en charge des étudiants nouveaux arrivants. Un semestre « nouveau départ » est souvent proposé avant d'entreprendre un nouveau cursus.

Le rôle de sachant de l'enseignant doit évoluer. C'est une révolution pédagogique qui s'annonce. Le Gouvernement prévoit de nouvelles expérimentations des modalités d'accès aux études médicales, avec une réorientation précoce pour les étudiants de niveau insuffisant ou des admissions directes en seconde ou troisième années d'autres domaines des sciences ou de la santé, dispositions qui pourraient être étendues à d'autres filières.

Le doctorat doit être consacré comme une formation à la recherche et par la recherche, constituant une première expérience professionnelle.

La procédure d'habilitation à délivrer des diplômes est remplacée par une procédure d'accréditation. L'autonomie pédagogique des établissements est renforcée, l'offre de formation rendue plus lisible. Le régime en vigueur des diplômes et grades n'est en rien modifié. Dans les établissements privés, l'accréditation ne pourra valoir que pour les grades.

Repensant aux préoccupations exprimées lors des auditions sur la gouvernance, nous avons décidé d'augmenter le nombre de personnalités extérieures pour garantir plus d'assiduité. Outre des représentants du monde socio-économique, le conseil comptera un représentant du secondaire, pour assurer la continuité. Pour éviter le millefeuille hérité de la loi Goulard, trois modalités de regroupement sont proposées : travaux, participation ou association. L'article 38 a été modifié pour garantir qu'au moins la moitié des représentants seront élus au suffrage universel. Nous avons également voulu renforcer le caractère confédéral de l'association, en s'assurant que chacun aura le même poids dans la décision.

Pour la recherche, nous avons introduit le principe d'une évaluation par l'Opects, qui dispose de pouvoirs étendus. Initialement, le projet prévoyait que les entreprises partenaires de la recherche publique devraient s'engager à exploiter le brevet sur le territoire de l'Union européenne. Mais les acteurs s'en sont émus : nous prévoyons de n'exiger qu'une exploitation au moins partielle sur le territoire de l'Union européenne.

Les systèmes d'assurance-qualité sont, en Europe, très variés. En Basse-Saxe, par exemple, évaluations externe et interne sont combinées.

La mise en place d'un Haut conseil de l'évaluation s'inscrit dans la continuité des efforts de l'Agence d'évaluation de la recherche et de l'enseignement supérieur en respectant, dans l'évaluation, le principe du contradictoire. Pour remédier aux tristes effets de la circulaire Guéant, enfin, notre commission a adopté des dispositions relatives à l'accueil des étudiants étrangers.

Ce texte est certes technique mais c'est qu'il traite de sujets complexes et multiples. La demande est forte, de transparence et de sécurité budgétaire, pour faire servir l'université et la recherche à la dynamique nationale, à la réussite étudiante, à la qualité de vie professionnelle des enseignants et des chercheurs. Tout ne se résume pas aux moyens. La dispersion des forces, aggravée par la politique menée ces dernières années (protestations à droite), n'a pas arrangé les choses.

Dans un monde en mutation, il faut chercher de nouveaux savoirs plutôt que reproduire, pour développer un projet de société fort, démocratique, fondé sur l'évolution et le partage de la connaissance. Je vous engage à souscrire à ce projet pour une université du XXIe siècle. (Applaudissements à gauche)

Mme Valérie Létard, rapporteure pour avis de la commission des affaires économiques .  - Notre commission des affaires économiques s'est saisie de ce texte pour avis, se penchant plus particulièrement sur les volets gouvernance, recherche et transfert.

Notre recherche, une des meilleures au monde, est bridée par l'excès de bureaucratie et elle peine à établir des liens avec l'entreprise. Le mikado institutionnel qui la caractérise, les tâches bureaucratiques qui étouffent les chercheurs les empêchent de soumissionner aux appels d'offre passés par l'Union, si bien que notre taux de retour a reculé d'un tiers depuis 2007. Nous donnons deux fois plus à l'Union européenne que nous ne recevons au titre de la recherche.

Or, votre projet, madame la ministre, ne lève pas les obstacles. Comment mieux tirer partie des financements européens ? Trop dispersée et mal connectée avec l'Union européenne, notre recherche souffre d'un « pilotage des moyens défaillant » comme dit la Cour des comptes, et l'État ne remplit pas son rôle de stratège, tandis que les PRES sont d'efficacité variable. L'évaluation laisse à désirer, même si la présidence de l'Aeres l'a fait progresser.

Nous nous occupons, surtout, trop peu des retombées économiques de la recherche, en dépit des instruments mis en place pour établir des ponts. Comme le relève encore la Cour des comptes, la France est « bonne en recherche » mais « nettement plus faible en innovation ». De ce point de vue, elle est un pays suiveur, à la 24e place mondiale.

Louis Gallois nous l'a rappelé en commission, une grande partie des 35 milliards du programme d'investissements d'avenir sont consacrés à la recherche, or cela n'apparaît pas dans ce projet de loi. Réduire le financement de l'Agence nationale de la recherche, comme le prévoit la programmation triennale 2013-2015, affectera le dynamisme des équipes. Quelles évolutions de plus long terme, madame la ministre, pour cette structure essentielle dans notre paysage ?

Sur la gouvernance, vous auriez pu étendre votre politique de rénovation à la question des transferts. Parmi les collectivités territoriales, il n'y a pas que les régions qui contribuent beaucoup à la recherche, c'est aussi le cas des intercommunalités ; il faut mieux les associer.

Pourquoi mettre à bas les PRES pour les remplacer pour quelque chose de très proche, les « communautés d'universités et d'établissements » ? Je vous proposerai de renforcer l'aspect confédéral et de donner plus de souplesse à l'association. Pour l'évaluation, vous remplacez l'Aeres par un HCERCS. Démarche incohérente, qui retardera les évaluations à venir alors que l'Aeres est en voie de réforme. (M. Jacques Legendre le confirme)

Plusieurs articles, sur le transfert, restent déclaratoires. La seule mesure opérationnelle est celle prévue par l'article 55, sur la valorisation des brevets. Or elle pose problème, quand bien même son but est fort louable, car elle contrevient au droit communautaire et à celui de l'OMC. En outre, elle serait contreproductive puisque 80 % des entreprises qui licencient nos brevets sont des entreprises de taille intermédiaire ou de grandes entreprises établies hors Union européenne.

Je vous proposerai, sur l'initiative du président Raoul, de ratifier le brevet unitaire ainsi que d'étendre le bénéfice des contrats de travail à durée déterminée à objet défini pour une période d'un an, qui doit normalement s'arrêter au 26 juin prochain.

Ce texte laisse une impression mitigée. Il comporte quelques avancées indéniables et il a été enrichi par les députés, qui ont conforté le statut des jeunes chercheurs auprès des entreprises et de la haute administration. Mais il s'en tient trop souvent à des retouches cosmétiques. C'est pourquoi je vous proposerai des amendements, travaillés en lien étroit avec Mme Gillot, qui a fait un travail sérieux et constructif, pour améliorer le volet recherche de ce texte et aller dans le sens du rapport Gallois.

Nos chercheurs pourraient contribuer davantage, demain, à créer de la valeur ajoutée et de l'emploi. Cela n'est pas antinomique avec le souhait qui est le nôtre de soutenir la recherche fondamentale. Ma position dépendra du sort qui sera fait à nos amendements en séance publique. Je demeure optimiste ! (Applaudissements)

Mme Françoise Laborde, rapporteure de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes.   - La délégation aux droits des femmes s'est attachée à la contribution de ce texte à l'amélioration de la place des femmes dans les études. La réussite scolaire des filles, qui effectuent de meilleurs parcours scolaires, secondaires et supérieurs, se solde par des choix d'orientation moins porteurs que ceux des garçons et qui aboutissent à des parcours professionnels moins brillants et moins rémunérateurs. En 2011, elles étaient 57 % à l'université, mais seulement 42 % des doctorants, 22 % des professeurs, et 15 % des présidents d'université. Solidité du plafond de verre.

Ce texte procède à un rééquilibrage dans la gouvernance de l'enseignement supérieur, et nous l'approuvons. Le CNESR, le HCER et le HCSR assureront une meilleure participation des femmes à la gouvernance. Mais l'obligation de parité doit aussi s'appliquer au conseil scientifique assistant le CSR.

La parité sera favorisée, dans les conseils des universités, par l'obligation de constituer des listes alternées : c'est une avancée, même si l'on peut craindre que les têtes de liste restent masculines. L'Assemblée nationale a modifié les conditions du scrutin selon une double modalité sur laquelle nous ne reviendrons pas, l'une compensant l'autre.

Nous approuvons l'article 28, qui prévoit une composition paritaire de la section du conseil académique compétente pour les questions individuelles. Cela ne doit pas s'arrêter dès qu'il s'agit des professeurs d'université. Nous y reviendrons par amendement.

Les obligations relatives à la parité ne concernent pas les écoles d'architecture, de santé publique, d'enseignement artistique parce que ces établissements relèvent d'autres tutelles ministérielles. Il faudra peser de tout votre poids, madame la ministre, pour qu'elles s'appliquent.

Aucune disposition n'est prévue pour la parité dans les conseils scientifiques et de recherche, où s'applique le droit commun, notamment les dispositions de la loi Sauvadet du 12 mars 2012 relatives aux Epic. Il faudra s'assurer de leur application effective.

Le service public de l'enseignement supérieur devra participer à la lutte contre les stéréotypes, y compris en direction des enseignants-chercheurs. Les dérogations à la règle de 40 % des personnes de chaque sexe dans les jurys devront être strictement encadrées. Les établissements devraient également étendre les plans d'action pour l'égalité.

Nous formulons deux recommandations relatives au congé de maternité et au congé pour recherche. Un soutien particulier doit bénéficier au filles s'orientant vers les filières majoritairement masculines. Le harcèlement sexuel, plus fréquent que l'on ne croit dans l'enseignement supérieur...

M. Roland Courteau.  - Eh oui !

Mme Françoise Laborde, rapporteure pour avis.  - ...justifie une politique de prévention. Le jugement de ces affaires devrait être systématiquement dépaysé.

Enseignement supérieur et recherche doivent être exemplaires et contribuer à une société plus respectueuse de l'égalité entre les femmes et les hommes. (Applaudissements)

Mme Corinne Bouchoux .  - La LRU a ouvert le chantier d'une nouvelle autonomie des universités qui, conjugué à la loi Goulard, a bouleversé les modes de pilotage. Mais le niveau général de nos étudiants et la réussite de tous n'en ont pas été favorisés et le système reste dual et injuste : classes préparatoires pour les uns, choix de l'université par défaut pour les autres.

Ce projet reste trop timide. Les cinq fois mille postes sont virtuelles : tous ne seront pas pourvus. A force de vouloir satisfaire chacun, on risque de mécontenter tout le monde.

La nouvelle mission de transfert rompt avec notre vision de l'enseignement supérieur et de la recherche. Alors que les budgets sont en baisse, cela se fera au détriment de la réussite des étudiants, qui est la vraie priorité ! Quel étudiant de master se risquera, demain, à engager une thèse alors que nous avons cruellement besoin de docteurs ?

Les sciences humaines et sociales n'ont droit qu'à la portion congrue. La gouvernance, enfin, reste un sujet d'inquiétude. Les écologistes sont partisans d'une université fédérale. Au lieu de quoi vous privilégiez un système à l'américaine qui ni ne favorise l'aménagement du territoire ni ne rassure les personnels. Ces associations risquent fort d'être des mariages forcés.

Le HCRES ressemble par trop à l'Aeres et la pression à l'évaluation permanente demeure. Trop d'évaluation tue l'évaluation, et les humains avec. Nous demandons un vrai changement sur ce point. Il faudra aussi revoir la place des élus dans cette nouvelle instance.

Ce texte accorde trop de place à la valorisation économique. Les écologistes plaident pour une réorientation du CICE vers l'université. Ce texte n'est hélas pas à la hauteur des enjeux. (Applaudissements sur les bancs écologistes et CRC, ainsi que sur quelques bancs UMP)