Droit du consommateur à la connaissance de son alimentation (Proposition de résolution européenne)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de résolution européenne tendant à la création d'un droit européen pour le consommateur à la maîtrise et à la parfaite connaissance de son alimentation.

Discussion générale

Mme Sylvie Goy-Chavent, auteur de la proposition de résolution .  - Ce texte fait suite aux propositions de résolution déposées conjointement à l'Assemblée nationale et au Sénat par M. Borloo et M. Zocchetto. Le chef de file du groupe UDI-UC du Sénat a déposé une proposition de résolution qui s'articule autour de trois mots d'ordre : sécurité, traçabilité, transparence.

Les autorités européennes doivent être en mesure de procéder à des contrôles renforcés. Un étiquetage obligatoire sur le mode d'alimentation des animaux que nous consommons s'impose.

La procédure, bloquée à l'Assemblée nationale, a pu suivre normalement son cours au Sénat. Le débat public est essentiel dans une société démocratique. Si la morale doit servir de guide, c'est bien le peuple qui reste le seul juge.

Je voterai ce texte même si j'aurais voulu plus en matière d'information. La France doit être à l'avant-garde et faire pression sur la Commission européenne pour qu'une bonne information des consommateurs soit assurée. Comment expliquer que la Commission européenne s'y oppose ? « Le vrai fascisme est ce que les sociologues ont trop gentiment nommé la société de consommation » disait Pier Paolo Pasolini.

Quel est ici l'enjeu ? Jusqu'à quel point le consommateur doit-il être informé ? Craint-on, en l'informant, de le dissuader de consommer et ainsi de nuire à certaines entreprises ? Mais c'est oublier pourquoi nous avons été élus. Le consommateur n'est pas un simple pion que l'on manipule mais un citoyen. Or, lui cacher certaines informations, par omission, c'est déjà lui mentir. Et c'est pourtant ce que l'on fait à l'échelle européenne. Une information transparente est, pour la France, un devoir. Cacher certaines informations au consommateur, c'est une dérive qui touche au totalitarisme, car on cautionne ainsi la manipulation de masse. Comment nos électeurs le comprendraient-ils, à l'heure de la transparence affichée ? Et le président de la République n'a-t-il pas promis de protéger le consommateur pour restaurer la confiance, allant jusqu'à déclarer au salon de l'agriculture que la France ne réintroduirait pas les protéines animales ? Va-t-on, au nom du pragmatisme politique, revenir sur cet engagement ? Il est ici question, au-delà de la seule information sur l'alimentation, de liberté de conscience et de libre arbitre. Pourquoi chercher à forcer la main au consommateur en lui cachant la vérité ? Ce ne sont pas les lobbies qui vont gouverner ce pays. Ne soyons pas complices d'un système dominé par la finance. Nous devons la transparence aux Français. Nous avons le devoir de protéger leur santé et de donner l'exemple en Europe.

Je vous engage à soutenir ce texte, qui est une première avancée. (Applaudissements)

M. Jean-Jacques Lasserre, rapporteur de la commission des affaires économiques .  - Il est rare que le Sénat débatte en séance publique d'une proposition de résolution. Celle qui nous occupe vise à accélérer les dispositions visant à une pleine information du consommateur et à retarder la réintroduction de farines animales. Je salue le travail de Mme Morin-Dessailly mais, si la commission des affaires européennes a réclamé un moratoire, notre commission unanime a présenté une approche complémentaire.

Alors que les dénonciations se multiplient dans les médias sur le retour des farines animales, il m'a paru nécessaire d'apporter des éclaircissements. Pour l'heure, seuls les poissons sont concernés par la réintroduction des farines animales, mais ce n'est là qu'une première étape.

Il faut se souvenir cependant que le végétarisme n'a été imposé dans l'alimentation animale que depuis dix ans, ce qui a provoqué une forte dépendance aux importations de soja, parfois transgénique. J'ajoute qu'une grande partie de notre consommation est importée de pays qui usent de ces farines dans l'alimentation. J'ajoute encore que l'on ne peut assimiler les protéines animales transformées (PAT) d'aujourd'hui aux farines animales : elles proviennent d'animaux sains, monogastriques.

Jusqu'au milieu du XXe siècle, l'agriculture produisait ses propres intrants. Aujourd'hui, il faut tabler sur les importations. J'ajoute que les protéines animales transformées sont plus riches en protéines que le soja.

Si les Français acceptent plus difficilement l'introduction de farines animales, c'est en raison de notre culture. Mais rappelons que l'alimentation n'a jamais été aussi sûre qu'aujourd'hui. Gardons-nous de semer l'inquiétude chez le consommateur. Notre commission des affaires économiques a voulu remplacer la demande de moratoire par une demande d'évaluation qui pourrait conduire notre pays à demander à l'Europe de revoir sa position. Le vrai problème est celui de la baisse du pouvoir d'achat des consommateurs et de la situation de détresse de notre appareil de production.(Applaudissements)

présidence de M. Charles Guené,vice-président

Mme Catherine Morin-Desailly, rapporteure pour avis de la commission des affaires européennes .  - C'est la troisième fois que j'interviens sur ce sujet. Comme cosignataire, d'abord, d'une proposition de résolution refusant la réintroduction des farines animales, puis devant la commission des affaires européennes. Et devant vous aujourd'hui. Le moment choisi par la Commission européenne a été fort mal choisi, puisque le scandale de la viande de cheval venait d'éclater. Quel absence de sens politique !

Les farines animales évoquent le fantôme de la crise de la vache folle. Des carcasses d'animaux malades étaient passées dans le circuit. Dérive scandaleuse. D'où la réticence des consommateurs. Pourtant, seule la France résiste à leur réintroduction. C'est qu'ailleurs, on parle de nourriture, quand en France on parle d'alimentation. La question touche à la culture, et pas seulement à la santé publique. C'est pourquoi nous restons vigilants.

Je salue le travail de M. Lasserre, qui a complété mon éclairage et fait évoluer le texte. J'en suis un peu embarrassée puisque tout en adhérant à nos préoccupations, il modifie l'esprit de notre proposition de résolution, en supprimant la demande de moratoire. Il est vrai que de telles demandes peuvent être source de contentieux.

M. Daniel Raoul, président de la commission des affaires économiques.  - Eh oui !

Mme Catherine Morin-Desailly, rapporteure pour avis.  - Mais si nous l'avions maintenu, c'était pour susciter un débat. Nous craignons d'être pris dans un engrenage, comme beaucoup de nos concitoyens. Le scandale de la viande de cheval a montré qu'il peut y avoir des lacunes dans la chaîne de contrôle, notamment sur le transport. Une étude du ministère de l'agriculture, menée en 2011, indique que seuls 2 % de l'alimentation française sont fabriqués dans des usines dédiées à cette seule activité. Le manque d'étanchéité des filières ne peut être ignoré.

La commission des affaires économiques a privilégié le réalisme, souci légitime. Mais il est tout aussi légitime de dire ses inquiétudes quant à l'avenir. C'est donc avec regret que je me rallierai à sa rédaction. (Applaudissements sur quelques bancs)

M. Stéphane Le Foll, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt .  - Merci au Sénat de son intérêt renouvelé pour l'agriculture et l'agro-alimentaire. Ce débat est d'une actualité brûlante. Je salue les travaux qui ont été ici conduits sur ce sujet complexe, qui concerne non seulement le consommateur mais le citoyen, tant est prégnante la dimension culturelle dans ce dossier.

Premier sujet, l'information du consommateur qui doit lui permettre de faire des choix éclairés. Mais trop d'information tue l'information. Ce qui compte surtout, c'est le rapport qualité-prix. Sur cette information, notre responsabilité est entière. Cessons d'opposer l'exigence de circuits courts et la nécessité de disposer d'une industrie agro-alimentaire, indispensable pour nourrir une population qui ne cesse de croître. L'enjeu, pour nous, c'est d'assurer et la consommation locale de qualité, avec des circuits courts, et l'alimentation du plus grand nombre.

Je rappelle que 17 à 18 millions d'Européens souffrent de malnutrition, que pour bien des enfants Français, le seul repas consistant est pris à la cantine ! Gardons toujours cela à l'esprit. Il est vrai que la Commission européenne a fort mal choisi le moment. Cela n'a pas empêché la France de refuser l'autorisation des protéines animales transformées dans l'alimentation des poissons carnivores. Il nous arrive, en Europe, de gagner : voyez le moratoire sur les néonicotinoïdes pour les abeilles. Mais dans le cas présent, nous avons été seuls. Je salue donc votre choix de revenir sur le moratoire initial, qui ne se serait appliqué qu'à la France. Mais il fallait aussi souligner le risque d'une extension de la réintroduction des protéines animales au-delà des seuls poissons carnivores. Si les évaluations demandées font apparaître des problèmes, nous aurons ainsi les moyens de peser. La France rappellera les règles de sécurité et de sûreté. Les risques de confusion, de fongibilité entre les filières ne peuvent non plus être écartés : je vous ai bien entendue, madame Morin-Desailly.

La France et le président de la République ont pris une position claire. La filière aquacole française s'est engagée à ne pas avoir recours à ces farines. Le ministère de l'agriculture va travailler à trouver des solutions alternatives pour développer une filière aquacole de qualité.

Votre proposition de résolution est une alerte, un appel à la vigilance : nous y souscrivons.

Se pose également le problème de l'étiquetage. Dans les produits transformés, on ne peut donner l'origine précise des produits. Dès le débat à propos de la crise de la viande de cheval, la France a été ferme et claire : trouver les sources de la fraude, sanctionner et remettre la filière en ordre de marche. Il fallait protéger le consommateur. Nous avons saisi l'Europe sur cette question, car la fraude procède de traders européens, des Pays-Bas notamment. Le 15 février, lors d'un conseil de l'agriculture exceptionnel, nous avons demandé la mobilisation d'Europol et une accélération du rapport de la Commission sur l'étiquetage.

Il sera publié en septembre. Le commissaire européen s'y est engagé et a repris nos préoccupations dans sa lettre du 20 mars.

L'origine, et nous en sommes bien d'accord avec l'Allemagne, doit être celle de la production des animaux.

Il faut aussi assurer des débouchés à la filière. De grands transformateurs se sont engagés, au salon de l'agriculture, à faire des produits transformés avec de la viande bovine française. Je m'appliquerai à définir un cahier des charges pour toutes les viandes françaises -bovine, ovine, porcine-, qui comportera un volet sur le bien être animal mais aussi sur les conditions sociales de production. C'est le moyen de renforcer et de structurer nos filières ; nous restons vigilants sur la dimension culturelle. Le repas à la française, la gastronomie française, la qualité et la diversité de nos productions sont des atouts.

Autant d'engagements que je prends devant vous, en même temps que je souscris à l'oeuvre utile que fait ici le Sénat, et qui nous permettra de peser dans le débat européen. (Applaudissements sur de nombreux bancs)

M. François Fortassin .  - Pour éviter les redites, et sachant que je partage avec mon groupe les déclarations du ministre, je me contenterai de rappeler qu'il faudra se garder des dérives. La France importe 85 % des poissons qu'elle consomme. Il faudra s'assurer que ces poissons importés présentent toutes les garanties. C'est le problème de la traçabilité. Qu'il y ait de la viande de cheval dans les lasagnes, cela ne me gêne pas, mais il faut des garanties quant à l'origine des viandes et une information qui ne trompe pas le consommateur.

De même, il faut faire figurer l'origine des viandes : viande de races à viande ou de races laitières ? Car les races à viande françaises ont mangé de l'herbe.

M. Roland Courteau.  - Française ! (Sourires)

M. François Fortassin.  - Les autres ont une alimentation plus douteuse...

Il y a un problème d'éducation. La qualité sanitaire n'est pas suffisante. Compte aussi la qualité gustative. Oui, la France est le pays de la bonne table, j'en suis l'illustration vivante ! (Sourires)

Il faut aussi faire figurer la date d'abattage. La France importe des agneaux de Nouvelle-Zélande, abattus là-bas ; les carcasses, transportées par cargo, sont vendues comme viande fraîche... trois mois plus tard ! Je n'ai jamais réussi à savoir ce qu'on mettait sur la viande pour la conserver... Même problème pour les produits laitiers. Nous en importons qui sont fabriqués avec du lait provenant d'autres pays...

J'avais fait voter, jadis, à l'unanimité un amendement stipulant que les herbivores doivent manger de l'herbe. Si les vaches avaient des herbages de qualité, elles ne toucheraient pas aux farines, pardonnez-moi le mot, dégueulasses, qui nous ont valu la vache folle ! (Applaudissements)

M. Joël Labbé .  - Je partage les conclusions de M. Fortassin. La proposition de résolution fait suite au récent scandale de la viande de cheval, auquel s'est ajoutée la décision de la Commission européenne de réintroduire les PAT dans l'alimentation des poissons. Je salue la position de la France sur ce dossier. La population souhaite légitimement être informée, les citoyens veulent se sentir protégés. Restaurons la confiance, dans les aliments comme dans les politiques ! Les scandales, les fraudes se multiplient, les risques sanitaires aussi. Il faut prendre la mesure des dangers liés aux pratiques de l'industrie agro-alimentaire : OGM, recours excessif aux antibiotiques, pesticides et leurs effets cocktail... La population se sent trompée. Nous devons favoriser des modes de production plus respectueux de l'environnement et des animaux. Il y a encore trop d'élevages hors-sol qui, outre les problèmes éthiques qu'ils posent, favorisent la résistance aux antibiotiques... Selon la Cour des comptes européenne, les États membres subventionnent les entreprises sans nécessité, des entreprises qui produisent du bas de gamme dans une course infinie à la massification.

La maîtrise de l'alimentation suppose aussi de changer nos pratiques alimentaires : nous mangeons trop de protéines animales, de viande, qui symbolise encore la nourriture des riches. Or trop de viande nuit à la santé. Et notre modèle alimentaire ne peut être généralisé à l'échelle mondiale. Il faut donc produire des protéines végétales françaises, privilégier la richesse de nos terroirs, la qualité gustative et sanitaire de produits fabriqués par des entreprises et des travailleurs fiers de leur savoir-faire. C'est cela qu'il faut exporter, comme le montre le succès de nos vins.

M. Jean-Jacques Mirassou.  - Ne les taxons pas, alors !

M. Joël Labbé.  - Nous voterons cette proposition de résolution. L'alimentation est un enjeu fondamental. Nous attendons de réelles avancées des deux projets de loi annoncés sur l'agriculture et la consommation. (Applaudissements à gauche)

Mme Hélène Masson-Maret .  - Je salue l'initiative du groupe UC et le travail du rapporteur, qui a permis de préciser des points litigieux : information du consommateur, traçabilité, harmonisation des contrôles, problèmes économiques...

Deux événements expliquent cette prise de conscience accrue. Le premier, c'est le récent scandale de la viande de cheval. Le second, c'est la décision de la Commission européenne d'autoriser l'utilisation de protéines animales transformées pour nourrir les poissons d'élevage. Aujourd'hui, la nécessité de circuits courts pour les plats cuisinés s'impose.

Le premier volet de la proposition de résolution souligne la nécessité d'accélérer la mise en application de la réglementation européenne sur l'étiquetage, au bénéfice des éleveurs comme des consommateurs ; le second s'interroge sur la pertinence de la décision du 18 juillet 2012 autorisant, dès le 1er juillet 2013 -c'est demain !- l'utilisation des PAT.

La Commission européenne vient en outre de modifier le règlement de surveillance de l'encéphalopathie spongiforme bovine (ESB) en levant les obligations de test de dépistage chez les animaux de plus de 72 mois et en supprimant totalement le dépistage sur les bovins « sains » : cela ne peut que renforcer les inquiétudes ! Il est difficile de concilier les pressions économiques et la sécurité alimentaire...

Cette proposition de résolution va dans le sens d'une meilleure protection du consommateur. « Alimentation sans conscience n'est que ruine de l'entreprise » ! Le législateur doit imposer des règles pour établir la confiance, dans le souci des équilibres économiques : c'est pourquoi je soutiens ce texte. (Applaudissements)

M. Alain Fauconnier .  - Cette initiative intervient après l'autorisation d'utiliser les PAT dans la nourriture de poissons et la découverte d'une fraude sur la viande de cheval.

Les consommateurs exigent transparence et traçabilité, ce qui exige des moyens adaptés et coordonnés. C'est pourquoi nous nous étonnons de voir cette proposition de résolution déposée au moment où le Gouvernement agit sur les PAT comme sur la fraude à la viande de cheval. La France s'est élevée contre la réintroduction des PAT, à l'origine de la crise de la vache folle. Le label « aquaculture de nos régions » interdit l'utilisation des PAT ; un amendement socialiste a été intégré au texte en commission pour encourager son développement. Demander un moratoire n'est pas la réponse adéquate. Le Gouvernement peut s'engager, en revanche, à contrôler la qualité sanitaire des PAT et faire mener, aux plans national et européen, des études d'impact sur les conséquences de cette réintroduction. Outre que le groupe UDI-UC a déposé un texte identique à l'Assemblée nationale, la présente proposition de résolution vient interférer avec les travaux de la mission d'information sur la filière viande. Enfin, un amendement socialiste intégré au texte introduit une demande primordiale : le renforcement des obligations pesant sur les traders.

La sécurité alimentaire exige une grande vigilance au niveau européen. Nous saluons l'action du Gouvernement et l'efficacité avec laquelle il a géré la récente crise de la viande de cheval. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Gérard Le Cam .  - Cette proposition de résolution, adoptée à l'unanimité par la commission des affaires économiques, fait écho à l'actualité récente. Vingt ans après la vache folle, la confiance des consommateurs est à nouveau légitimement ébranlée. Et la Commission européenne voudrait que l'on accepte la réintroduction progressive mais inéluctable des PAT dans l'alimentation animale...

Nous voterons cette proposition de résolution, en vous proposant deux amendements pour tenir compte des mesures législatives récentes proposées par la commission des affaires européennes pour le respect des normes tout au long de la chaîne alimentaire.

Sur l'information des consommateurs, plusieurs rapports européens sont attendus, dont celui sur l'étiquetage pour septembre prochain. L'information doit être suffisante, lisible et compréhensible. Pour nous, une information positive est préférable : mieux vaut mentionner que les poissons ne sont pas nourris avec des farines animales - a contrario, si rien n'est indiqué, ils le sont... Le paquet Hygiène de 2004 repose sur l'autocontrôle et l'autocertification des producteurs, doublés par une surveillance des pouvoirs publics, qui reste insuffisante. Il faut renforcer les contrôles -c'est une des leçons de la fraude à la viande de cheval. Les politiques d'austérité menées par les gouvernements de droite ont conduit à diminuer le nombre de personnels affectés à ces contrôles : dans l'Aube, un seul agent de la DGCCRF pour toute l'industrie agro-alimentaire !

M. Roland Courteau.  - Eh oui !

M. Gérard Le Cam.  - Mme Didier, dans son avis budgétaire d'il y a deux ans, avait mis en lumière le manque de moyens de cette direction. Il faut aussi préciser le contenu et l'articulation européenne des contrôles.

Le groupe CRC condamne la réintroduction des PAT dans l'élevage -mais il faut assurer l'indépendance en protéines végétales. A défaut, nous dépendons de l'étranger, notamment du soja OGM d'Amérique du sud, traité avec force pesticides et produit dans des conditions qui favorisent la concentration foncière et le développement des inégalités. Les dangers sont connus, nous ne pouvons les ignorer. Le Gouvernement a annoncé un plan protéines végétales, nous l'attendons. Enfin, quand le pouvoir d'achat recule, il faut pouvoir offrir des alternatives à l'alimentation de masse. Dans une Europe de l'austérité qui affame ses concitoyens, la protection demeure bien fragile... (Applaudissements sur les bancs CRC et écologistes)

M. Marcel Deneux .  - Je salue le travail des deux rapporteurs, qui a éclairé nos débats, ainsi que l'engagement du président Zocchetto.

Nous ne pouvons nous soustraire à notre responsabilité politique sur ces sujets majeurs. Mais adopter de grands principes n'a aucun sens si nous sommes seuls à les défendre.

Ce texte doit être soutenu par le Sénat, puis par le Gouvernement devant les instances européennes.

Il faut accélérer l'application de la nouvelle réglementation européenne sur l'étiquetage. Appuyons la volonté du Gouvernement d'être très exigeant : les acteurs de la filière veulent pouvoir se préparer.

Il faut combattre les mystifications alimentaires, dit M. Lasserre. Ne parlons plus de farines animales quand il s'agit de PAT. Les politiques sont souvent à la peine face aux crises sanitaires ; lorsqu'une crise surgit, même si tout le monde réagit comme il convient, la suspicion demeure... Mais nous ne pouvons nous aveugler avec le principe de précaution, trop souvent invoqué par les décideurs pour ne rien décider...

Le moratoire... Prétendre être les meilleurs dans tous les domaines, c'est nuire à notre compétitivité. A ramer seuls, on déséquilibre l'embarcation et on ne peut jamais changer de cap ! Nos partenaires sont moins scrupuleux que nous et pourraient en profiter pour inonder le marché français. C'est ce qu'il s'est passé avec le soja OGM...

L'utilisation de PAT permettrait un équilibre en acides aminés incomparable. En aquaculture, les produits de remplacement ne garantissent pas un meilleur bénéfice pour la santé animale et pour le consommateur. Nous en passer est-il vraiment un progrès ? Je soutiens l'amendement de MM. Fauconnier et Raoul qui remplace le moratoire par une demande d'évaluation.

Nous voterons cette proposition de résolution en espérant qu'elle contribue à éclairer la position du Gouvernement. (Applaudissements)

M. Jean-Claude Lenoir .  - Je remercie le groupe centriste d'avoir pris l'initiative de ce débat. Le scandale de la viande de cheval a donné lieu à une mission commune d'information sénatoriale qui mène et mènera encore de très nombreuses auditions. Nous sommes tous favorables à un renforcement du droit des consommateurs, tous soucieux de réduire les risques sanitaires. Mais nous voyons bien les limites de l'exercice... Nous ne sommes qu'un pays parmi beaucoup d'autres, et les problèmes techniques ne trouvent pas tous de solution. Nous avons tous le souvenir de la crise de l'ESB et de ses conséquences...

Il faut renforcer l'étiquetage, oui, mais surtout le rendre lisible. En allant plus loin : va-t-on exiger des restaurateurs le détail de tout ce qui arrive dans nos assiettes ? Sachons raison garder. Soyons fermes sur les principes, utilisons à plein les outils légaux et technologiques mais n'imaginons pas que nous pouvons mettre un contrôleur derrière chaque produit. Je préfère un système très répressif, avec de lourdes sanctions en cas de tromperie, à une multiplication des fonctionnaires qui renchérirait le coût des produits... S'il y a une étiquette que le consommateur regarde avant tout, c'est celle du prix. Il faut trouver la bonne mesure.

Les PAT suscitent de graves inquiétudes. Mais là encore, il faut être réaliste. La mesure s'appliquera au 1er juin. Nous avons renoncé au moratoire -solution de facilité- en faveur d'une évaluation très rapide des risques éventuels. Tous les poissons ne sont pas carnivores ; qui plus est, ils circulent beaucoup, et il est parfois difficile d'identifier précisément le lieu où ils ont été péchés.

Notre rôle n'est pas de faire peur aux consommateurs mais d'être pédagogues, d'expliquer, d'informer.

Il faut être exemplaires, déterminés et énergiques, comme la France a su le faire ces dernières années. Le groupe UMP votera cette proposition de résolution. (Applaudissements à droite, au centre et sur les bancs de la commission)

Mme Bernadette Bourzai .  - Je félicite nos deux rapporteurs pour la qualité de leur travail.

Sur la forme, cette proposition de résolution télescope largement les travaux de la mission commune d'information sur la filière viande, créée à la demande du groupe UDI, et que je préside. Nos travaux sont en cours, nous auditionnons tous les acteurs pour établir un diagnostic complet. Cette proposition de résolution paraît donc prématurée.

Sur le fond, nous partageons bien sûr l'objectif de la proposition de résolution. Mais la proposition de résolution initiale plaçait sur un même plan le Horsegate et la réintroduction des PAT dans l'alimentation des poissons, quitte à faire l'amalgame entre un comportement frauduleux et une décision politique malvenue, certes, mais légale. Cette confusion est dommageable. Les préconisations de la proposition de résolution rejoignent celles du groupe socialiste et du Gouvernement ; celui-ci a agi auprès de ses partenaires européens et de la Commission dès que l'affaire de la viande de cheval a été révélée. Sur le dossier des PAT, il s'est opposé à la décision de réintroduction, mais sans succès : c'est désormais une décision communautaire. On peut le regretter, mais il n'y a pas d'argument sanitaire objectif pour la remettre en cause de façon unilatérale.

Plutôt que de condamner stérilement, travaillons à une coordination des contrôles et des mesures à prendre quand une fraude est détectée. La responsabilité des pouvoirs publics, c'est de prendre toutes les mesures nécessaires en temps utile. Les études qui seront diligentées permettront au Gouvernement de peser au niveau européen. Il faudra aussi un label européen « sans farines animales ». Nous voterons le texte qui nous est proposé. (Applaudissements à gauche)

M. Stéphane Le Foll, ministre .  - Ce texte assure un équilibre. Nous devons faire face à une multiplicité de contraintes. Le débat est pleinement engagé à l'échelle européenne, et nous pourrons nous appuyer sur cette proposition de résolution.

La loi sur la consommation va doubler les sanctions en cas de fraude, et même les porter à 10 % du chiffre d'affaires. Les entreprises prises en faute par les consommateurs paient le prix fort dans la mesure où elles perdent des clients mais celles qui sont à l'origine de la fraude ne sont pas sanctionnées. On va punir celui qui aura volé un paquet de lasagnes dans un supermarché et pas ceux qui ont mis 30 000 tonnes de viande de cheval dans des lasagnes « pur boeuf » ! Nous allons remédier à cela avec la future loi sur la consommation.

Le ministère organise, le 14 juillet, une grande tablée. Si le Sénat fait de même, je serai heureux de pouvoir, en rabelaisien, y participer ! (Sourires)

M. Jean-Claude Lenoir.  - Avec des rillettes du Mans et du boudin de Mortagne !

La discussion générale est close.

Discussion de la proposition de résolution européenne

M. le président.  - Amendement n°1 rectifié présenté par M. Le Cam, Mme Schurch et les membres du groupe CRC.

Après l'alinéa 17

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

Demande de mettre en place une réelle coordination européenne des services de police économique et sanitaire bénéficiant d'un renforcement des moyens et permettant à côté des contrôles sanitaires d'exercer une véritable surveillance économique sur l'ensemble des entreprises agro-alimentaires ;

M. Gérard Le Cam.  - Un cap doit être pris pour garantir l'effectivité des sanctions. Il faut pour cela un vrai maillage de contrôles, ce qui ne signifie pas mettre un contrôleur derrière chaque entreprise comme avait cru le comprendre notre collègue. Le renforcement des sanctions prévues en cas de fraude avérée ne suffit pas : il faut parvenir à vraiment prévenir de tels agissements, dans l'intérêt des consommateurs. C'est dans cet esprit que nous demandons une vraie coordination européenne.

M. Daniel Raoul, président de la commission des affaires économiques.  - La commission est favorable à cet amendement.

M. Stéphane Le Foll, ministre.  - Le Gouvernement aussi.

L'amendement n°1 rectifié est adopté.

M. le président.  - Amendement n°4 rectifié présenté par M. Le Cam, Mme Schurch et les membres du groupe CRC.

Après l'alinéa 22

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

Invite le Gouvernement à porter au niveau européen l'exigence d'un étiquetage ou d'un affichage à l'étalage « garanti sans protéines animales transformées », obligatoire pour les poissons d'élevage nourris sans protéines animales transformées (PAT) ;

M. Gérard Le Cam.  - Nous souhaitons rendre obligatoire, au niveau européen, un étiquetage ou un affichage indiquant « garanti sans protéines animales transformées » afin de conforter l'information du consommateur. Nous aurions préféré un étiquetage positif, indiquant que les poissons ont été nourris aux protéines animales transformées, quand tel est le cas. Mais nous avons accepté de rectifier notre amendement dans le sens souhaité par la commission, considérant que, bien que moins précis, c'était quand même une avancée grâce à laquelle le consommateur pourrait se déterminer.

M. Jean-Jacques Lasserre, rapporteur.  - Il est plus profitable pour la profession de dire « nourri sans protéines animales transformées ». La mention proposée par votre amendement initial aurait laissé la profession démunie face aux importations. Favorable à l'amendement ainsi rectifié

M. Stéphane Le Foll, ministre.  - Favorable aux poissons « sans PAT ». (Sourires)

L'amendement n°4 rectifié est adopté.

L'ensemble de la proposition de résolution, ainsi modifié, est adopté.

M. le président.  - Conformément à l'article 73 quinquies, alinéa 7, du Règlement, cette résolution européennes sera transmise au Gouvernement et à l'Assemblée nationale.

Prochaine séance demain, jeudi 16 mai 2013, à 9 heures.

La séance est levée à 20 h 40.

Mercredi 15 mai 2013

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Sommaire

Mise au point au sujet d'un vote1

Rappels au Règlement1

M. François-Noël Buffet1

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois1

M. Vincent Delahaye1

Mme Cécile Cukierman1

SÉANCE

du mercredi 15 mai 2013

98e séance de la session ordinaire 2012-2013

présidence de M. Jean-Claude Carle,vice-président

Secrétaires : Mme Odette Herviaux, Mme Catherine Procaccia.

La séance est ouverte à 14 h 30.

Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.