Sécurisation de l'emploi (Procédure accélérée - Suite)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la suite de l'examen du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif à la sécurisation de l'emploi. Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus à l'examen de l'amendement n°60 au sein de l'article 2.

Discussion des articles (Suite)

ARTICLE 2 (Suite)

M. le président.  - Amendement n°60, présenté par M. Watrin et les membres du groupe CRC

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

...  -  L'article L. 6351-1 A du code du travail est ainsi rédigé :

« Art. L. 6351-1 A.  -  L'employeur choisit, après consultation des institutions représentatives du personnel visées aux articles L. 2312-1 et L. 2312-4 et, à défaut, aux institutions représentatives du personnel au niveau de la branche, l'organisme de formation, enregistré conformément aux dispositions de la section 2 ou en cours d'enregistrement, auquel il confie la formation de ses salariés. »

Mme Isabelle Pasquet.  - L'article L. 6351-1 A du code du travail est limpide. Il prévoit que l'employeur choisit seul, sans avis ni consultation préalable, l'organisme de formation auquel il confie la formation de ses salariés.

Cela va à l'encontre des principes de la démocratie sociale. Ce pouvoir quasi monarchique du chef d'entreprise n'a plus lieu d'être, sachant qu'il s'agit de l'utilisation des crédits dévolus à la formation professionnelle.

Cela doit relever d'une stratégie générale. Les formations purement utilitaristes proposées par les chambres de commerce ne peuvent constituer l'alpha et l'oméga de toute démarche de formation. On décide toujours mieux quand on écoute des avis divers, voire divergents.

M. Claude Jeannerot, rapporteur.  - Vous êtes en avance sur la réforme de la formation professionnelle. Je vous suggère de déposer cet amendement lorsque nous examinerons ce projet de loi. En attendant, avis défavorable.

M. Michel Sapin, ministre.  - Même avis.

L'amendement n°60 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°61, présenté par M. Watrin et les membres du groupe CRC.

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

...  -  Le premier alinéa du I de l'article L. 214-13 du code de l'éducation est complété par une phrase ainsi rédigée :

« Ce plan comporte un volet concernant les actions de formation professionnelle des personnes handicapées, élaboré en lien avec les politiques concertées visées à l'article L. 5211-2 du code du travail. »

M. Dominique Watrin.  - Les contrats de plan de formation régionaux de développement des formations professionnelles, élaborés par la région, ne sauraient laisser de côté la question du handicap, physique, mental ou psychomoteur. Parmi les 5 millions de chômeurs, il y a de nombreux adultes handicapés.

La montée en charge continue de l'AAH ne peut faire pièce au comportement d'entreprises qui préfèrent payer la pénalité qu'embaucher des travailleurs handicapés. Il faut donner à ces derniers une priorité en matière de formation en inscrivant cette disposition dans la loi. C'était, je le rappelle, un engagement du président de la République.

M. Claude Jeannerot, rapporteur.  - Sur le fond, nous partageons votre préoccupation. Les régions intègrent déjà dans leurs plans les personnes en situation de handicap. Il conviendra de revisiter cet enjeu, à l'aune de l'engagement du président de la République, dans la réforme de la formation professionnelle et dans le texte sur les compétences des régions. Dans cette attente, avis défavorable.

M. Michel Sapin, ministre.  - A l'Assemblée nationale, cet amendement avait été retiré. Ce sujet sera décliné au niveau régional, après négociation.

L'amendement n°61 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°62, présenté par M. Watrin et les membres du groupe CRC.

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

...  -  Au premier alinéa de l'article L. 313-7 du code de l'éducation, après le mot : « organismes », sont insérés les mots : « de droit public ou de droit privé ne poursuivant pas d'intérêt lucratif ».

M. Michel Le Scouarnec.  - Nous avons déjà eu ce débat en 2009. Où en est-on aujourd'hui ? Il s'agit d'éviter de fragiliser les parcours de jeunes qui sont déjà en rupture avec le système scolaire. Les intérimaires, notamment les jeunes intérimaires, sont plus sujets que d'autres à des accidents du travail. La possibilité de placement interroge sur l'opportunité de confier au privé l'insertion des publics les plus éloignés de l'emploi, sachant que le privé privilégie souvent la recherche du profit plutôt que l'accompagnement. En l'espèce, la précision me semble justifiée. Ne mettons pas les jeunes entre les mains d'un marché fortement concurrentiel et lucratif...

M. Claude Jeannerot, rapporteur.  - La question de l'insertion sociale et professionnelle des jeunes sans qualification et des « décrocheurs » est très importante. Le droit à la formation initiale différée devra être intégré au compte personnel de formation. La négociation et le texte qui s'ensuivra en définiront les modalités. Pour l'instant, avis défavorable.

M. Michel Sapin, ministre.  - Ce texte-ci n'est pas fait pour traiter de tous les problèmes. Cette question relève plutôt de la réforme du service public de l'emploi, dans le cadre de la loi de décentralisation. Légiférons de manière ordonnée et méthodique.

L'amendement n°62 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°64, présenté par M. Watrin et les membres du groupe CRC.

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

...  -  En cas de procédure collective de licenciement, les conventions de formation professionnelle continue conclues entre un employeur et un organisme de formation au profit des salariés poursuivent leurs effets de plein droit. Les créances consécutives de l'organisme de formation sont prises en compte parmi les créances de privilège à charge pour le mandataire judiciaire d'en solliciter la couverture auprès de l'organisme collecteur paritaire agréé par l'entreprise.

Mme Isabelle Pasquet.  - Il est indispensable de garantir au salarié dont l'entreprise serait contrainte au dépôt de bilan la poursuite de sa formation et de garantir à l'organisme de formation la couverture de sa créance. C'est une mesure de bon sens, particulièrement utile pour les seniors victimes de licenciements collectifs, pour lesquels la réinsertion est plus difficile. Évitons-leur un déclassement. Autre avantage, une stabilité accrue pour l'organisme de formation.

Nous proposons donc de mobiliser l'OPCA, l'organisme collecteur, pour assurer ce financement.

M. Claude Jeannerot, rapporteur.  - L'idée est sans doute juste. La prochaine réforme de la formation professionnelle sera le véhicule adapté. Mais nous sommes bien loin de l'accord : retrait, sinon rejet.

M. Michel Sapin, ministre.  - Même avis.

L'amendement n°64 n'est pas adopté.

Mme Isabelle Pasquet.  - Nous avions annoncé que nous ne voterions pas cet article 2 mais le débat nous a fait changer d'avis. M. le rapporteur et M. le ministre nous ont laissé entendre que nos amendements pourraient trouver une issue favorable dans de futurs textes. Nous nous abstiendrons donc.

A la demande du groupe CRC, l'article 2, modifié, est mis aux voix par scrutin public.

M. le président.  - Voici les résultats du scrutin :

Nombre de votants 196
Nombre de suffrages exprimés 174
Majorité absolue des suffrages exprimés 88
Pour l'adoption 174
Contre 0

Le Sénat a adopté.

M. Jean-Pierre Caffet.  - Bravo !

ARTICLES ADDITIONNELS

M. le président.  - Amendement n°52 rectifié, présenté par M. Watrin et les membres du groupe CRC.

Après l'article 2

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Sont exclus du champ d'application de la directive 2006/123/CE du Parlement européen et du Conseil, du 12 décembre 2006, relative aux services dans le marché intérieur au titre des a et j du 2. de l'article 2, les services sociaux relatifs à l'aide aux familles et aux personnes se trouvant de manière permanente ou temporaire dans une situation de besoin en raison de l'insuffisance de leurs revenus familiaux, ou d'un manque total ou partiel d'indépendance et qui risquent d'être marginalisées.

Sont notamment concernés les services assurés par des organismes de formation mandatés par les conseils régionaux relevant des services publics régionaux de la formation professionnelle à destination des demandeurs d'emploi et des salariés précaires ou fragiles, dont les services ou organismes concourent à mettre en place les processus de formation pour des demandeurs d'emploi et des salariés précaires ou fragiles. Sont également exclues les actions qui permettent d'identifier le besoin individuel de formation, l'orientation et les bilans de compétences, les actions de validation des acquis de l'expérience, les services de formation continue, de qualification et d'éducation permanente pour des demandeurs d'emploi et des salariés précaires ou fragiles, ainsi que les actions de formation professionnelle et d'insertion relevant de la compétence des départements dans le cadre des programmes départementaux d'insertion prévus à l'article L. 263-1 du code de l'action sociale et des familles qui sont exécutés par des organismes de formation mandatés par l'État ou les collectivités territoriales.

Mme Laurence Cohen.  - En parfaite symbiose avec la proposition de loi déposée par le député Jean-Marc Ayrault le 9 décembre 2009 « relative à la protection des missions d'intérêt général imparties aux services sociaux et à la transposition de la directive Services », cet amendement a pour objet d'exclure la formation professionnelle du champ d'application de la directive Services.

La directive Services n'est pas un blanc-seing à la libéralisation et à la dérégulation, elle ne crée aucun droit ni charge supplémentaire pour les pouvoirs publics, dit l'exposé des motifs de cette proposition de loi. Nous sommes d'accord !

M. Claude Jeannerot, rapporteur.  - J'ai moi-même défendu l'idée que la formation professionnelle doit en effet être consacrée dans un service d'intérêt général et qu'il faut exclure du champ de la directive Services un certain nombre d'activités. Cet amendement n'a toutefois pas de relation directe avec l'accord : il trouvera sa place dans un autre champ. Retrait, sinon rejet.

M. Michel Sapin, ministre.  - Ceux qui ont présidé une région connaissent le problème. C'est aussi une question très importante pour l'Afpa. Cet amendement relève du texte sur la décentralisation. Retrait ?

Mme Laurence Cohen.  - Je suis sensible à ces explications mais, à chacune de nos propositions, vous répondez que ce projet de loi se limite à l'accord, rien que l'accord. Il y a toujours de bonnes raisons pour ne pas aller plus loin, dans l'intérêt des salariés. Je maintiens donc l'amendement.

L'amendement n°52 rectifié n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°59, présenté par M. Watrin et les membres du groupe CRC.

Après l'article 2

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Constituent des services sociaux relatifs à l'aide aux personnes se trouvant de manière permanente ou temporaire dans une situation de besoin au sens du j du 2 de l'article 2 de la directive 2006/123/CE du Parlement et du Conseil, du 12 décembre 2006, relative aux services dans le marché intérieur, les actions de formation professionnelle et d'insertion relevant du service public de l'emploi ou de la compétence des régions telle que définie à l'article L. 214-12 du code de l'éducation ou de celle des départements dans le cadre des programmes départementaux d'insertion prévus par l'article L. 263-1 du code de l'action sociale et des familles, qui sont exécutés par des organismes de formation mandatés par l'État ou par les collectivités territoriales. Les organismes bénéficient à cette fin d'un financement, notamment sous la forme de compensation de services publics par voie de marchés, de délégations de services publics ou d'octroi de droits spéciaux dans le cadre du service public de l'emploi ou du service public régional de la formation professionnelle.

M. Pierre Laurent.  - Cet amendement explicite l'exclusion des prestations de formation professionnelle du champ d'application de la directive Services. Il respecte pleinement le compromis conclu entre le Parlement et le Conseil européen.

Jean-Marc Ayrault, alors président du groupe socialiste de l'Assemblée nationale, avait déposé, avec de nombreux députés socialistes dont de futurs ministres, une proposition de loi allant dans le même sens. L'amendement s'appuie sur des dispositions protectrices du droit européen. Un gouvernement qui revendique une Europe protectrice doit sécuriser les services d'intérêt général, comme le prévoit le traité de Lisbonne. Transposer la législation européenne n'est pas toujours un menu à prix fixe : cela peut être un menu à la carte, à adapter aux goûts et traditions de chaque pays.

M. Claude Jeannerot, rapporteur.  - Même problème, même réponse : avis défavorable.

M. Michel Sapin, ministre.  - Nous attachons beaucoup d'importance à cette question mais prenons les sujets dans l'ordre. Le menu d'aujourd'hui, ce sont les relations dans l'entreprise. Nous traiterons de cette question dans la deuxième loi de décentralisation, où cette disposition figure.

A la demande du groupe CRC, l'amendement n°59 est mis aux voix par scrutin public.

M. le président.  - Voici les résultats du scrutin :

Nombre de votants 177
Nombre de suffrages exprimés 175
Majorité absolue des suffrages exprimés 88
Pour l'adoption 32
Contre 143

Le Sénat n'a pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°63, présenté par M. Watrin et les membres du groupe CRC.

Après l'article 2

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

A compter du 1er janvier 2014, les rémunérations mentionnées à l'article L. 6222-27 du code du travail des personnes embauchées en qualité d'apprentis sont revalorisées de 5 %.

M. Dominique Watrin.  - Dans le contexte actuel de crise économique, il est urgent de revaloriser les rémunérations des apprentis. Celles-ci sont déterminées en fonction du Smic et de leur ancienneté. Elles peuvent être majorées dans certains secteurs, comme le BTP, mais les salaires sont, dans l'ensemble, très faibles. Or les apprentis en troisième année d'apprentissage peuvent être amenés à réaliser le même travail qu'un autre employé, mieux payé. Passé 18 ans, ils peuvent vouloir s'installer ; or, se loger coûte cher. La revalorisation que nous proposons n'est que de 18 euros par mois ; les apprentis, qui travaillent dur, le méritent.

M. Claude Jeannerot, rapporteur.  - Hélas, cette disposition ne rentre pas dans le cadre de l'accord : défavorable, pour cette seule raison.

M. Michel Sapin, ministre.  - Ce texte n'est pas fait pour aborder tous les sujets, aussi légitimes soient-ils. Défavorable.

A la demande du groupe CRC, l'amendement n°63 est mis aux voix par scrutin public.

M. le président.  - Voici les résultats du scrutin :

Nombre de votants 176
Nombre de suffrages exprimés 174
Majorité absolue des suffrages exprimés 88
Pour l'adoption 32
Contre 142

Le Sénat n'a pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°82, présenté par M. Watrin et les membres du groupe CRC.

Après l'article 2

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article L. 6322-17 du code du travail est ainsi rédigé :

« Art. L. 6322-17.  - Les travailleurs bénéficiaires d'un congé de formation ont droit au maintien de leur rémunération pendant toute la durée du stage. »

Mme Éliane Assassi.  - L'article 6322-17 du code du travail dispose aujourd'hui que le travailleur en congé formation a droit à une rémunération représentant un pourcentage de son salaire antérieur. Mais diminuer la rémunération du salarié en formation, c'est fermer la porte à la formation, a fortiori pour les salariés les moins bien rémunérés. D'autant que promotion ou augmentation sont loin d'être acquises lors du retour dans l'entreprise, malgré les nouvelles compétences. D'où notre amendement, pour que ce texte soit réellement gagnant-gagnant. (Applaudissements sur les bancs écologistes)

M. Claude Jeannerot, rapporteur.  - Sur ce point, vous proposez un véritable choc de simplification ! (Sourires) Hélas, cette disposition ne relève pas du champ de l'accord : avis défavorable. (Exclamations sur les bancs CRC)

Mme Éliane Assassi.  - Mais qu'y-a-t-il dans cet accord !

M. Michel Sapin, ministre.  - Même avis : nous verrons cela dans un texte ultérieur.

L'amendement n°82 n'est pas adopté.

M. le président. - Amendement n°79, présenté par M. Watrin et les membres du groupe CRC.

Après l'article 2

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article L. 8221-5 du code du travail est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« 4° Soit de pratiquer un recours abusif aux stages mentionnés à la section 4 du chapitre II du titre Ier du livre VI de la troisième partie du code de l'éducation. »

Mme Isabelle Pasquet.  - La question de l'insertion des jeunes se pose de façon d'autant plus pressante que les bacs et diplômes professionnels se sont développés.

Le stage d'études est devenu un passage obligé. Le nombre de stagiaires disponibles peut donner des idées à certains employeurs indélicats. La Cour de cassation a d'ailleurs défini le recours abusif aux stages, la loi Pécresse aussi. Nous vous proposons donc de compléter l'oeuvre législative déjà accomplie.

M. Claude Jeannerot, rapporteur.  - Nous avons déjà évoqué la question des stages abusifs hier. L'Assemblée nationale a également longuement débattu de ce sujet et le ministre a confirmé qu'il soutiendrait la proposition de loi qui sera présentée dans les prochaines semaines. Avis défavorable.

M. Michel Sapin, ministre.  - Même avis.

Mme Isabelle Pasquet.  - J'ai suivi les débats à l'Assemblée nationale et je connaissais votre réponse, monsieur le ministre, à M. Germain. Je ne me faisais donc guère d'illusions. Mais le risque évoqué par M. Germain et par nous-mêmes n'est-il qu'une chimère ? Si la concertation n'aboutit pas, que ce passera-t-il ? Est-il vraiment urgent de ne rien faire ? Nous ne le croyons pas, ne laissons pas des millions de jeunes démunis face à cette situation.

A la demande des groupes CRC et écologiste, l'amendement n°79 est mis aux voix par scrutin public.

M. le président.  - Voici les résultats du scrutin :

Nombre de votants 176
Nombre de suffrages exprimés 174
Majorité absolue des suffrages exprimés 88
Pour l'adoption 32
Contre 142

Le Sénat n'a pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°80, présenté par M. Watrin et les membres du groupe CRC.

Après l'article 2

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article L. 612-9 du code de l'éducation est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Aucune formation de l'enseignement supérieur ne peut prévoir une durée de stage supérieure à la durée de formation délivrée par l'établissement évaluée en semaines. »

Mme Laurence Cohen.  - Dans les filières de l'alternance, nous devons garantir un équilibre entre formation théorique et pratique. Nombre de jeunes sont utilisés comme des salariés par des patrons peu scrupuleux. La formation en alternance doit être de qualité. Les dérogations actuelles sont mal encadrées et le droit ne permet pas de se prémunir contre les abus.

Ces pratiques ne sont pas majoritaires, mais elles existent. Les conventions de stages doivent être mieux encadrées par la loi, d'où notre amendement. Un jeune bien formé est un investissement précieux pour l'entreprise.

M. Jean Desessard.  - Très bien !

M. Claude Jeannerot, rapporteur.  - Cette question sur la durée de formation pratique est légitime. Les abus ne sont pas acceptables. M. Germain avait proposé un amendement allant dans ce sens, mais les stages sont sans rapport avec l'accord national interprofessionnel : dans l'attente d'un texte sur le sujet, avis défavorable.

M. Michel Sapin, ministre.  - Je ne voudrais pas que vous pensiez que nous repoussons indéfiniment les problèmes. Une proposition de loi tendant à lutter contre ces abus caractérisés sera examinée avant l'été. En attendant, avis défavorable.

Mme Laurence Cohen.  - Certes, l'accord ne peut pas tout prévoir mais nous sommes dans un dialogue de sourds : nous voulons améliorer les choses dès maintenant, vous non. Je ne le comprends pas, alors que nous traversons une période de crise généralisée.

A la demande du groupe écologiste, l'amendement n°80 est mis aux voix par scrutin public.

M. le président.  - Voici les résultats du scrutin :

Nombre de votants 176
Nombre de suffrages exprimés 174
Majorité absolue des suffrages exprimés 88
Pour l'adoption 32
Contre 142

Le Sénat n'a pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°81, présenté par M. Watrin et les membres du groupe CRC.

Après l'article 2

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article L. 612-9 du code de l'éducation est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Les périodes pendant lesquelles l'étudiant suspend temporairement sa présence dans l'établissement pour acquérir des compétences en cohérence avec sa formation sont assimilées à des heures travaillées dès lors qu'elles excèdent six mois. »

M. Michel Le Scouarnec.  - Je connais la réponse d'avance.

M. Jean-Pierre Caffet.  - Passons au vote !

M. Michel Sapin, ministre.  - C'est un dialogue de sourd, mais qui est le sourd ?

Mme Nathalie Goulet.  - Perseverare diablolicum !

Mme Éliane Assassi.  - Nous faisons de la pédagogie.

M. Michel Le Scouarnec.  - Cet amendement encadre strictement le recours aux années de césure : dès lors que l'étudiant effectue dans ce cadre un ou plusieurs stages sur une durée supérieure à six mois, un contrat de travail doit être prévu, ses heures étant considérées comme des heures travaillées.

Cette parenthèse est utile, encouragée, voire obligatoire. Elle se pratique beaucoup dans les écoles de commerce, et de plus en plus dans celles d'ingénieurs. Cette année présente l'avantage de confronter les étudiants à la vie professionnelle.

Comment prendre en compte les formations supérieures à six mois ? Les étudiants sont à part entière dans l'entreprise, qui en tire profit. Certaines entreprises ont même recours systématiquement à de tels stagiaires pour ne pas embaucher, et leur confient des tâches d'encadrement ! Il faut donc qu'au-delà de six mois, un contrat de travail soit signé.

M. Claude Jeannerot, rapporteur.  - Même raisonnement et même conclusion : avis défavorable pour l'instant.

M. Michel Sapin, ministre.  - Même avis.

A la demande du groupe écologiste, l'amendement n°81 est mis aux voix par scrutin public.

M. le président.  - Voici les résultats du scrutin :

Nombre de votants 176
Nombre de suffrages exprimés 174
Majorité absolue des suffrages exprimés 88
Pour l'adoption 32
Contre 142

Le Sénat n'a pas adopté.

ARTICLE 3

M. Michel Le Scouarnec .  - L'article 3 introduit un nouvel outil de la mobilité individuelle. La sécurisation des parcours professionnels passe-t-elle par la mobilité volontaire sécurisée ? Ce droit nouveau sera-t-il ouvert aux employés des entreprises de restauration rapide, souvent des PME ? Il est, pour l'instant, réservé aux entreprises de plus de 300 salariés.

Il y avait le congé sabbatique, le congé individuel de formation, le congé de solidarité internationale. La mobilité volontaire sécurisée, elle, sera inscrite directement dans le code du travail, sans précision de durée ni de délai de retour. La définition est purement littéraire...

Ce nouveau congé possède l'apparence du volontariat, mais n'est-ce pas plutôt une nouvelle arme pour les DRH afin de gérer la force de travail dans l'intérêt exclusif de l'entreprise ? Cette mobilité ne sera-t-elle pas utilisée pour éviter un plan social, éloigner un syndicaliste encombrant ? Il n'y a jamais rien de volontaire en droit du travail, car le contrat entre l'employeur et l'employé est inégal par construction. Nous sommes loin de relations sociales pacifiées. Il est indispensable d'encadrer strictement cette mobilité volontaire. Les droits des travailleurs ne s'en porteront que mieux.

Mme Éliane Assassi .  - Cet article n'a guère été modifié, ni à l'Assemblée nationale, ni dans notre commission. Le code du travail prévoit quatre types de congés, en voici un cinquième, qui n'est certainement pas pleinement volontaire et qui nous semble mal sécurisé. L'employeur pourra opposer deux vetos avant que le salarié puisse avoir gain de cause, et encore, partiellement, car il aura le droit... de recourir à un autre type de congé ! Il n'y a de droit qu'opposable à l'employeur ; ce n'est pas le cas ici.

La rédaction précise que le salarié peut retrouver son emploi à son retour. C'est bien le moins ! En revanche, qu'il ne prétende pas obtenir une reconnaissance de l'expérience acquise...

Que se passera-t-il si le salarié abrège sa mobilité volontaire sécurisée ? Son retour dépendra du bon vouloir de son employeur. En attendant, il ne percevra aucune indemnité, faute de rupture du contrat avec l'entreprise d'origine. M. Germain avait prévu que le salarié pourrait bénéficier de l'allocation chômage, mais l'amendement a été retiré à la demande du Gouvernement. Les cas visés sont rarissimes, a dit le ministre, qui annonce un avenant pour prévoir un « délai raisonnable ».

Il appartient au législateur de prévoir toutes les situations, y compris rarissimes, car un vide juridique n'est pas acceptable. Un « délai raisonnable », monsieur le ministre ? Mais le retour reste soumis à l'accord de l'employeur. Les zones d'ombre demeurent trop importantes, les garanties trop faibles. A ce stade, nous ne pouvons soutenir cet article.

M. le président.  - Amendement n°577 rectifié, présenté par M. Desessard et les membres du groupe écologiste.

I.  -  Alinéa 4

Supprimer les mots :

, avec l'accord de son employeur,

II.  -  Après l'alinéa 4

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« L'employeur ne peut opposer un refus qu'une seule fois à la demande de mobilité

M. Jean Desessard.  - Ce projet de loi vise à attribuer des droits nouveaux aux salariés, parmi lesquels la mobilité volontaire sécurisée. Elle constitue un progrès. Le salarié pourra s'absenter jusqu'à vingt quatre mois de son entreprise : c'est bien... sauf que l'employeur pourra refuser cette mobilité deux fois. Après deux refus, le salarié aura droit à un congé individuel de formation : quelle est la logique ? Quel rapport entre une mobilité externe et un projet individuel de formation ? Ce n'est pas parce que l'on souhaite diversifier son expérience professionnelle que l'on a besoin d'une formation. Pour transformer cette nouvelle mesure en un véritable droit, une seule solution : supprimer l'accord de l'employeur, ou limiter à un le nombre de refus possibles. (M. Jean-Vincent Placé et Mme Marie-Noëlle Lienemann applaudissent)

M. Claude Jeannerot, rapporteur.  - L'accord prévoit que l'employeur ne pourra opposer que deux refus. Au-delà, le salarié bénéficiera automatiquement d'un congé individuel de formation.

M. Jean Desessard.  - Quel rapport ?

M. Claude Jeannerot, rapporteur.  - C'est une alternative pour le salarié ! C'est l'équilibre auquel sont parvenus les partenaires sociaux. Avis défavorable.

M. Michel Sapin, ministre.  - Est-il possible aujourd'hui de quitter une entreprise pour aller dans une autre, avec un droit de retour dans la première ? Non, sauf dans quelques grandes entreprises. Ce n'est pas un recul, que je sache, mais plutôt une grande avancée !

M. Jean Desessard.  - Je l'ai dit.

M. Michel Sapin, ministre.  - Certes, on pourrait faire encore plus, mais consolidons déjà cette avancée puis nous verrons dans quelques années. Engrangez avec nous ce progrès, qui correspond à l'équilibre auquel sont parvenus les partenaires sociaux.

M. Jean Desessard.  - Un progrès à condition qu'il soit appliqué. Or l'employeur pourra refuser la mobilité deux fois, puis pousser le salarié en formation ! Quand le salarié reviendra, quel travail lui donnera-t-on ? Le même qu'avant. Curieuse conception du progrès... Nous voulons une avancée réelle. (Applaudissements sur les bancs CRC)

A la demande du groupe écologiste, l'amendement n°577 rectifié est mis aux voix par scrutin public.

M. le président.  - Voici les résultats du scrutin :

Nombre de votants 176
Nombre de suffrages exprimés 174
Majorité absolue des suffrages exprimés 88
Pour l'adoption 32
Contre 142

Le Sénat n'a pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°83, présenté par M. Watrin et les membres du groupe CRC.

Alinéa 4

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

L'ancienneté du salarié demandant à bénéficier d'une période de mobilité volontaire sécurisée s'évalue au regard de l'ancienneté acquise dans toute autre entreprise du même groupe.

M. Dominique Watrin.  - L'alinéa 4 pose le principe de la mobilité dans les entreprises de plus de 300 salariés, après vingt quatre mois de présence. Précisons au moins -c'est l'objet de l'amendement n°83- que l'ancienneté du demandeur s'apprécie en englobant toutes les entreprises du même groupe. Le concept de mobilité volontaire sécurisée pourrait desservir, dans certains cas, les salariés ; pour les cas où cette opportunité serait bénéfique, il convient d'en préciser les modalités.

M. Claude Jeannerot, rapporteur.  - En droit du travail, le calcul de l'ancienneté s'apprécie dans le strict périmètre de l'entreprise. Avis défavorable.

M. Michel Sapin, ministre.  - Même avis.

L'amendement n°83 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°576, présenté par M. Placé et les membres du groupe écologiste.

Alinéa 4

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Un accord d'entreprise définit et précise les modalités de mise en oeuvre de la période de mobilité volontaire sécurisée.

M. Jean Desessard.  - Je partage les doutes de mes collègues du groupe CRC. La mobilité volontaire sécurisée doit être conditionnée à un accord d'entreprise. Que la mobilité volontaire ne soit pas le moyen de contourner l'obligation d'un plan de sauvegarde de l'emploi. (Mmes Laurence Cohen et Éliane Assassi applaudissent)

M. Jean-Vincent Placé.  - Très bien !

M. Claude Jeannerot, rapporteur.  - J'ai du mal à comprendre cet amendement. Pourquoi demander un accord d'entreprise quand la mobilité relève des relations contractuelles entre le salarié et l'employeur ? Avis défavorable.

M. Michel Sapin, ministre.  - Votre amendement est défavorable aux salariés. Vous voulez en revenir à la situation actuelle alors que le projet de loi apporte une avancée considérable.

L'amendement n°576 est retiré.

M. le président.  - Amendement n°656, présenté par M. Desessard et les membres du groupe écologiste.

Alinéa 5

Supprimer cet alinéa.

M. Jean Desessard.  - Il est défendu.

M. le président.  - Amendement n°84, présenté par M. Watrin et les membres du groupe CRC.

Alinéa 5

Rédiger ainsi cet alinéa :

« Le bénéfice d'une période de mobilité volontaire sécurisée demandée est de droit, sauf dans le cas où l'employeur estime, après avis du comité d'entreprise ou, s'il n'en existe pas, des délégués du personnel, que cette absence pourrait avoir des conséquences préjudiciables à la production et à la marche de l'entreprise.

Mme Isabelle Pasquet.  - Au prétexte de souplesse, on en arrive à un mélange des genres préjudiciable aux salariés, voire une mutation inquiétante, source de difficultés. Si la mobilité est assimilée à un congé individuel de formation, le salaire sera-t-il versé par l'employeur d'origine, qui en demandera le remboursement au Fongecif ? Qu'arrivera-t-il en cas de refus ? Si cette période n'est pas assimilée à un congé de formation mais est transformée en congé de formation, la demande du salarié n'est-elle pas dénaturée ? Nous vous proposons donc de réécrire l'alinéa 5 pour clarifier les choses.

M. le président.  - Amendement n°85, présenté par M. Watrin et les membres du groupe CRC.

Alinéa 5

Remplacer cet alinéa par deux alinéas ainsi rédigés :

« L'employeur peut différer le départ du salarié en période de mobilité volontaire sécurisée dans la limite de six mois à compter d'une date déterminée par voie réglementaire.

« Cette durée est portée à neuf mois dans les entreprises de moins de deux cents salariés.

M. Pierre Laurent.  - Nous vous faisons ici une autre proposition pour régler la question des deux refus de l'employeur. Le basculement sur le congé individuel de formation n'est pas raisonnable, alors que les demandes pour un tel congé sont loin d'être toutes satisfaites. Certains passeront devant les autres alors qu'ils ne sont pas intéressés par une formation.

M. Jean Desessard.  - C'est sûr !

M. Pierre Laurent.  - Nous pourrions nous inspirer du congé sabbatique.

M. le président.  - Amendement n°86, présenté par M. Watrin et les membres du groupe CRC.

Alinéa 5

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Dans un tel cas, le salarié ne peut se faire opposer un délai de carence si, à l'issue de la réalisation de ce congé individuel de formation, il formule une nouvelle demande à son employeur.

Mme Éliane Assassi.  - Nous assistons ici à la mutation génétique d'un droit : la mobilité volontaire sécurisée devient, après deux refus, congé individuel de formation. Il ne faudrait pas que les droits du salarié soient, dans cette opération, réduits. Nous souhaitons donc préciser les choses.

M. Claude Jeannerot, rapporteur.  - Avis défavorable à l'amendement n°656, par cohérence avec l'avis sur l'amendement n°577 rectifié, qui n'a pas été adopté. L'amendement n°85 interdit à l'employeur de refuser une mobilité volontaire sécurisée. Cette proposition contredit l'accord national. L'amendement n°86, qui supprime le délai de carence entre deux congés individuels, ne saurait non plus être accepté. Est-ce dans l'intérêt du salarié d'enchaîner deux congés ? On s'éloigne de l'accord : avis défavorable.

L'amendement n°84 pose le principe de la mobilité volontaire sécurisée comme un droit opposable à l'employeur. Ce n'est pas le choix qui a été fait par les partenaires sociaux, qui s'en sont remis à un accord entre employeur et salarié. Ne remettons pas en cause l'équilibre de l'accord : avis défavorable.

M. Michel Sapin, ministre.  - Même avis. Il y a ici un progrès considérable, fruit d'un compromis. A vouloir aller toujours plus loin, on casserait l'équilibre de l'accord. Engrangeons cette avancée, réjouissons-nous et faisons-la vivre.

L'amendement n°656 est retiré.

Mme Nathalie Goulet.  - Je vais rompre avec l'hémiplégie de cet hémicycle car je ne retrouve pas du tout le texte de l'accord dans ces amendements : où figure l'obligation pour le salarié ayant essuyé deux refus de prendre un CIF ? Il n'y est nullement tenu. Je comprends qu'on s'interroge sur les délais entre les refus mais non pas sur une éventuelle obligation de suivre un CIF. Nous ne voterons donc pas cet amendement.

M. Claude Jeannerot, rapporteur.  - Vous avez absolument raison. Je viens du pays de l'horlogerie, où la précision est de mise. Nous sommes arrivés à un équilibre très fin. Le salarié a naturellement toute liberté de ne pas prendre le CIF ; ce n'est nullement une obligation, juste une possibilité offerte.

M. Michel Sapin, ministre.  - Le CIF n'est pas une obligation mais un droit.

M. Jean Desessard.  - Nous n'avons pas la même lecture. L'alinéa 5 de l'article 3 prévoit bien que l'accès au CIF est de droit pour le salarié.

M. Claude Jeannerot, rapporteur.  - Exactement.

M. Jean-Pierre Caffet.  - Ce n'est donc pas une obligation.

Mme Éliane Assassi.  - Quelle est l'alternative ?

M. Jean Desessard.  - Je sais qu'un écologiste comprend tout moins vite qu'un socialiste mais là n'est pas le point. On lui refuse deux fois la mobilité externe et il a, à la place, un droit à la formation. Cela ne lui donne pas sa mobilité externe. C'est une mobilité volontaire sécurisée qu'il demande, pas une formation ! La vraie avancée aurait été que l'employeur ne puisse s'opposer à une troisième demande. (Applaudissements sur les bancs CRC et écologistes)

M. Pierre Laurent.  - On crée un droit pour le salarié et un droit pour l'employeur de contourner ce droit. (On renchérit sur les bancs CRC et écologistes) Le CIF existe, ce n'est pas un nouveau droit ! Le droit à la mobilité volontaire sécurisée sera fictif pour nombre de salariés. Il faut s'en tenir à l'accord, nous dit-on, en évoquant une foule de futurs progrès. Mais ces futurs progrès devront recevoir une nouvelle fois l'aval du Medef ! (Applaudissements sur les bancs CRC et écologistes)

M. François Rebsamen.  - Peut-être de la CGT ?

M. Claude Jeannerot, rapporteur.  - J'ai dit que cet accord était le résultat d'un subtil équilibre. Concrètement, après deux demandes de mobilité du salarié, l'employeur sait que celui-ci pourra obtenir de droit un CIF et qu'il s'absentera de l'entreprise ; il verra sa demande d'un autre oeil.

M. Jean-Vincent Placé.  - Le débat se cristallise. J'écoute les arguments, les réponses, n'étant pas un spécialiste. A chaque fois, vous renvoyez à plus tard. On tourne en rond ! Mieux valait présenter un projet de loi constitutionnel pour dire que le Parlement transpose les accords interprofessionnels au lieu de nous renvoyer aux calendes grecques. Faire comme pour la transposition des directives.

C'est dans la première année d'un quinquennat que se font les réformes décisives. Il fallait réformer la démocratie sociale et nous ne nous y retrouvons pas. Comprenez que notre agacement monte. Nous voulons un vrai échange.

M. Jean Desessard.  - Très bien !

M. Michel Sapin, ministre.  - Les arguments du rapporteur sont excellents. Nous créons un droit. Avec le droit automatique au CIF, l'entreprise se retrouve privée du salarié qu'elle ne voulait pas laisser partir : elle a donc intérêt à négocier. Vous croyez au dialogue social, monsieur Placé, j'en suis sûr. Vous savez qu'un accord négocié majoritaire est une bonne manière de faire bouger la société. Le respect de l'accord, du dialogue social, veut que nous engrangions, à ce stade, le progrès que les partenaires sociaux ont négocié.

Quand une majorité des représentants des salariés signent, c'est qu'ils pensent que l'accord est dans l'intérêt des salariés. Certains estiment qu'un accord signé par le Medef ne peut être bon pour les salariés ; je sais que vous n'en êtes pas.

M. Jean-Vincent Placé.  - J'ai l'habitude de conclure des accords et de les respecter.

M. Michel Sapin, ministre.  - D'autres, dont un éminent chef d'entreprise qui siège ici, rejettent cet accord, considérant que les syndicats sont des empêcheurs de tourner en rond. Nous, nous défendons l'accord.

Mme Marie-Noëlle Lienemann.  - Je voterai l'amendement du groupe CRC. Donnant-donnant ? Le patronat donne des droits soit théoriques, soit financés par l'État. Ce droit n'entraînera pas une hémorragie de salariés qui déstabiliserait les entreprises. Dans toutes les social-démocraties, les syndicats signataires représentent les trois quarts des salariés ; ce n'est pas le cas des signataires de l'accord qui n'en représentent que 51 %. La CGT et FO trouvent qu'il y a là non des avancées insuffisantes mais des reculs. In fine, la loi arbitre, en recherchant l'intérêt général. Ici, le patronat a un droit de veto de fait. Si les acteurs de terrain sont divisés, vous n'arriverez pas à progresser. La social-démocratie donne, par la cogestion, des pouvoirs économiques aux salariés. On en est loin ! (Applaudissements sur les bancs CRC et écologistes)

M. Alain Richard.  - Il n'est peut être pas inutile qu'une autre politique s'exprime. Notre pays a un déficit de compromis social, il a les partenaires sociaux qu'il s'est donnés. Beaucoup ici aiment à se réclamer de la société civile. Sur le plan social, c'est celle-là. Je ne comprends pas ce qu'est une négociation sociale qui considère par principe comme mauvais un accord que les employeurs auraient signé. C'est admettre que le progrès social ne peut venir que de la loi. Quand on veut un progrès social durable, il faut avancer pas à pas, en recherchant des compromis. Il est faux de dire que la social-démocratie suppose un partage du pouvoir dans l'entreprise.

Depuis la loi de 1950 sur la convention collective, nous avons défini ce qu'est l'accord social. Le Parlement n'a pas à transposer un accord tel quel, notre débat le prouve. Nous respectons et écoutons ceux qui remettent en cause l'accord ligne à ligne, mais ne tenez pas pour dénués de volonté politique ceux qui apprécient cet accord comme une avancée (Applaudissements sur la plupart des bancs socialistes)

A la demande du groupe CRC, l'amendement n°84 est mis aux voix par scrutin public.

M. le président.  - Voici les résultats du scrutin :

Nombre de votants 207
Nombre de suffrages exprimés 205
Majorité absolue des suffrages exprimés 103
Pour l'adoption 33
Contre 172

Le Sénat n'a pas adopté.

L'amendement n°85 n'est pas adopté.

A la demande du groupe CRC, l'amendement n°86 est mis aux voix par scrutin public.

M. le président.  - Voici les résultats du scrutin :

Nombre de votants 177
Nombre de suffrages exprimés 175
Majorité absolue des suffrages exprimés 88
Pour l'adoption 33
Contre 142

Le Sénat n'a pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°87, présenté par M. Watrin et les membres du groupe CRC.

Après l'alinéa 5

Insérer trois alinéas ainsi rédigés :

« L'employeur précise le motif de son refus, à peine de nullité.

« Ce refus est, à peine de nullité, porté à la connaissance du salarié.

« Le refus de l'employeur peut être contesté directement devant le bureau de jugement du conseil de prud'hommes.

M. Dominique Watrin.  - Cet article exige d'être entouré de sérieuses garanties juridiques. Nous proposons que l'on s'inspire des règles en vigueur en matière de congé sabbatique. C'est clair, net et précis comme un mécanisme d'horlogerie. La loi doit aider le salarié à faire valoir ses droits.

M. Claude Jeannerot, rapporteur.  - Les modalités de mise en oeuvre d'un congé sabbatique ne sont pas comparables. Le refus n'est possible que dans les entreprises de moins de 200 salariés La mobilité volontaire sécurisée ne concerne que les entreprises de plus de 300 salariés. Les partenaires sociaux n'ont pas souhaité aller plus loin. Avis défavorable.

M. Michel Sapin, ministre.  - Même avis.

L'amendement n°87 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°88, présenté par M. Watrin et les membres du groupe CRC.

Après l'alinéa 5

Insérer deux alinéas ainsi rédigés :

« À défaut de réponse de sa part, son accord est réputé acquis.

« Les conditions d'application de la présente section sont déterminées par voie réglementaire.

Mme Laurence Cohen.  - Nous venons d'avoir un débat passionnant. Autre intérêt pour l'employeur à voir son salarié partir en CIF : il n'aura pas à payer la totalité du salaire !

Rendons la loi plus explicite. Nous proposons de nous aligner sur les modalités du congé sabbatique, en posant le principe que l'absence de réponse dans un délai d'un mois vaut acceptation.

M. Claude Jeannerot, rapporteur.  - On retrouve ce principe dans le droit du travail, notamment dans le cadre du congé sabbatique. Mais la mobilité volontaire n'est pas une nouvelle forme de ce congé : avis défavorable.

M. Michel Sapin, ministre.  - Même avis.

L'amendement n°88 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°89, présenté par M. Watrin et les membres du groupe CRC.

Après l'alinéa 5

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Les salariés qui bénéficient d'une période de mobilité volontaire sécurisée demeurent, durant toute la durée de la période, pris en compte dans le calcul des effectifs de l'entreprise avec laquelle leur contrat est suspendu.

M. Michel Le Scouarnec.  - La signature d'un avenant organisant une période de mobilité volontaire sécurisée ne doit pas avoir pour effet d'exclure le salarié signataire du calcul du seuil d'effectif de son entreprise d'origine. Il est regrettable que ni l'accord ni le projet de loi n'apporte cette précision. Ne soyons pas naïfs face aux intentions du Medef. Tout ce qui restera dans le flou profitera aux patrons. Le chantage à l'emploi est une arme terrible. A nous, parlementaires de gauche, de veiller à la protection des salariés. Mais on nous interdit de remettre en cause, même à la marge, l'accord. Nous serons vigilants sur le respect des prérogatives du Parlement. Les seuils d'effectif de salariés sont les cibles privilégiées du Medef, relayé par la droite.

M. Claude Jeannerot, rapporteur.  - Votre amendement est déjà satisfait par le code du travail, à l'article L. 1111-2, et par la jurisprudence de la Cour de cassation. Les salariés dont le contrat de travail est suspendu restent comptabilisés dans l'effectif, électeurs et éligibles aux élections professionnelles. Défavorable.

Mme Catherine Procaccia.  - C'est tout à fait vrai !

M. Michel Sapin, ministre.  - Même avis.

L'amendement n°89 est retiré.

M. le président.  - Amendement n°90, présenté par M. Watrin et les membres du groupe CRC.

Après l'alinéa 5

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Aucun avenant organisant une période de mobilité volontaire sécurisée ne peut être conclu dans une entreprise où est mis en oeuvre un plan de sauvegarde de l'emploi.

Mme Isabelle Pasquet.  - Méfions-nous des effets d'aubaine dont sauront se saisir certains chefs d'entreprise, soucieux de satisfaire leurs actionnaires à coups de plans de sauvegarde de l'emploi qui se traduisent in fine par des licenciements. En cas de difficulté économique de l'entreprise, certains salariés pourraient être abusés et incités à proposer une mobilité volontaire sécurisée.

M. Claude Jeannerot, rapporteur.  - Vous laissez entendre que la mobilité volontaire sécurisée pourrait être l'élément de contournement d'un possible plan de sauvegarde de l'emploi alors que cette mobilité relève d'un droit ouvert au salarié qui souhaite accroître son employabilité et ses compétences pour mieux revenir dans son entreprise. Le plan de sauvegarde de l'emploi obéit à une logique toute différente. Avis défavorable.

M. Michel Sapin, ministre.  - Même avis. Pourquoi vouloir priver un salarié d'un droit ? Pourquoi lui interdire d'aller à l'extérieur ? Je suis pour la protection des droits des salariés.

A la demande du groupe CRC, l'amendement n°90 est mis aux voix par scrutin public.

M. le président.  - Voici les résultats du scrutin :

Nombre de votants 164
Nombre de suffrages exprimés 162
Majorité absolue des suffrages exprimés 82
Pour l'adoption 20
Contre 142

Le Sénat n'a pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°91, présenté par M. Watrin et les membres du groupe CRC.

Après l'alinéa 5

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Aucun avenant organisant une période de mobilité volontaire sécurisée ne peut être conclu entre un salarié et une entreprise appartenant au même groupe que son entreprise d'origine.

M. Pierre Laurent.  - Nous voulons nous assurer que ce plan de mobilité soit volontaire et ne puisse pas constituer une forme de prêt de main-d'oeuvre d'une entreprise à une autre appartenant au même groupe. Cette pratique se développe et complexifie les relations contractuelles, au risque de violer les droits du salarié ainsi mis à disposition. La jurisprudence encadre d'ailleurs ce prêt de main-d'oeuvre. On nous objectera que nous voulons limiter une liberté mais c'est faire abstraction du contexte d'oppression accrue envers les salariés. Voyez la rupture conventionnelle, présentée comme une avancée mais utilisée comme un moyen de licenciement.

Mme Catherine Procaccia.  - Caricature ! Elle est appréciée des salariés.

M. Pierre Laurent.  - Nous ne portons aucun jugement sur les syndicats signataires, qui pensent qu'ils ne peuvent rien obtenir de plus étant donné le rapport de force actuel : les patrons se sentent tout puissants.

M. Claude Jeannerot, rapporteur.  - Nous n'avons pas la même vision du monde. Il s'agit d'une mobilité volontaire, pourquoi l'interdire ? C'est une mesure provisoire, volontaire, permettant au salarié d'acquérir des compétences nouvelles pour améliorer son employabilité. Avis défavorable.

M. Michel Sapin, ministre.  - Même avis.

M. Pierre Laurent.  - Le risque existe bien, ne vous en déplaise ; or, vous ne faites rien pour protéger les salariés.

M. Michel Sapin, ministre.  - Le risque existe peut-être aujourd'hui mais vous ne le supprimez pas et vous brimez en outre le salarié ! (Exclamations sur les bancs CRC)

Mme Éliane Assassi.  - Caricature !

L'amendement n°91 n'est pas adopté.

Vendredi 19 avril 2013

Haut sommaire

Bas sommaire

Sommaire

Sécurisation de l'emploi (Procédure accélérée - Suite)1

Discussion des articles (Suite)1

ARTICLE PREMIER (Suite)1

SÉANCE

du vendredi 19 avril 2013

91e séance de la session ordinaire 2012-2013

présidence de Mme Bariza Khiari,vice-présidente

Secrétaires : Mme Michelle Demessine, Mme Odette Herviaux.

La séance est ouverte à 9 h 30.

Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.