Bonus exceptionnel outre-mer (Procédure accélérée)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi tendant à proroger jusqu'au 31 décembre 2013 le régime social du bonus exceptionnel outre-mer.

Discussion générale

M. Michel Vergoz, rapporteur de la commission des affaires sociales .  - La loi pour le développement économique des outre-mer (Lodeom) du 27 mai 2009 a permis aux entreprises implantées outre-mer de verser à leurs salariés un bonus exceptionnel, plafonné à 1 500 euros par an et par salarié. Cette mesure provisoire, prise initialement pour une durée de trois ans, visait à répondre aux revendications contre la vie chère qui ont marqué l'année 2009. Le revenu moyen des ménages domiens est inférieur de 35 % à celui des ménages hexagonaux, quand les prix alimentaires sont supérieurs de 30 à 50 %. La proportion de salariés au Smic est plus élevée dans les départements d'outre-mer qu'en métropole.

Le bonus exceptionnel est exonéré de toutes charges, hormis la CSG, la CRDS et le forfait social.

Le texte, adopté à l'unanimité par la commission des affaires sociales le 27 mars, vise à proroger ce régime social, qui doit s'interrompre entre mars et décembre 2013. Alors que la loi relative à la régulation économique outre-mer de novembre dernier n'a pas encore produit ses effets, l'arrêt brutal de ce dispositif - qui concerne trois salariés sur quatre - aurait de graves conséquences. Pour mémoire, ce dispositif concerne 95 000 salariés à La Réunion, 52 000 en Guadeloupe et 25 000 en Guyane.

Le Premier ministre s'est engagé à le proroger d'un an dans l'attente de la montée en charge des mesures contre la vie chère engagées par le présent Gouvernement. L'article 9 du texte créant le contrat de génération prévoyait la prorogation de l'exonération jusqu'au 31 décembre. Le Conseil constitutionnel l'a invalidé, pour des raisons de forme. La présente proposition de loi vise à répondre aux préoccupations sociales tout en répondant aux exigences du Conseil constitutionnel. Il s'agit de proroger les exonérations de cotisations sociales jusqu'au 31 décembre 2013, dans un esprit de transition, avant le retour au droit commun.

Les pertes de recettes pour les organismes de sécurité sociale - évaluées à 12 millions d'euros - sont intégralement compensées. Le Gouvernement présentera un amendement supprimant l'article 2 pour lever le gage financier. Je l'en remercie, comme je remercie la commission des affaires sociales d'avoir adopté ce texte à l'unanimité. Puisse une telle unité de vue être confirmée ce soir. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Victorin Lurel, ministre des outre-mer .  - Cette proposition de loi correspond à un engagement du Premier ministre. Il y a quatre ans, à la suite de la grave crise sociale qui secoua les départements d'outre-mer, étaient signés une série d'accords de sortie de crise. La Lodeom a créé ce bonus exceptionnel, exonéré de charges sociales hors CSG et CRDS. Prévue pour une durée de trois ans, cette mesure a été prorogée d'un an par la précédente majorité. Dès la nomination du Gouvernement Ayrault, il nous a fallu reprendre le dossier pour éviter un choc financier brutal pour les salariés. Nous avons souhaité donner du temps aux salariés et aux entreprises. Le 10 décembre 2012, le Premier ministre a annoncé la prolongation du RSTA jusqu'à la fin du premier semestre 2013 et celle de l'exonération de charges du bonus jusqu'au 31 décembre 2013, dans l'attente de la mise en place du CICE au plan national. Les engagements ont été tenus.

Nous avons présenté un amendement au projet de loi créant le contrat de génération, dont les dispositions concernant l'outre-mer ont été censurées par le Conseil constitutionnel pour des raisons de procédure. Je remercie donc les sénateurs de La Réunion, Paul Vergès et Michel Vergoz, d'avoir pris l'initiative de déposer ce texte, le groupe socialiste qui l'a inscrit à l'ordre du jour et la commission des affaires sociales qui l'a adopté à l'unanimité.

Dans un contexte budgétaire difficile, on ne pourra prolonger ces dispositifs davantage. Nous ne nous contenterons cependant pas de planifier le calendrier d'une simple extinction du dispositif : après la loi contre la vie chère, nous poursuivons nos efforts en faveur du développement des outre-mer. Ces actions, que nous engagerons courant 2013, ont pour objectif ultime de favoriser la création de valeurs et d'emplois dans nos territoires ultramarins. (Applaudissements à gauche)

M. Gilbert Barbier .  - Depuis des années, nos concitoyens ultramarins vivent dans un état de tension, victimes d'une crise sans précédent. Avec le bonus exceptionnel, il s'agissait en 2009 de répondre aux inquiétudes suscitées par la vie chère et la pauvreté qui exaspéraient la population. Le contexte ne s'est pas amélioré, bien au contraire. Au-delà des images enchanteresses, en outre-mer le chômage est deux fois plus élevé qu'en métropole : 60 % des jeunes à la Martinique et à La Réunion, contre 22 % dans l'Hexagone. Le coût de la vie y est 30 à 50 % plus cher, alors que le revenu est inférieur de 35 % à celui de la métropole. Il faut impérativement dynamiser l'économie, créer des emplois. Les mesures contre la vie chère ne sont pas encore entrées en vigueur. Or la conjoncture et le climat social se dégradent. Il est donc indispensable de maintenir le dispositif pour éviter de pénaliser les salariés les plus pauvres. Le dispositif ne peut être que transitoire, le rapporteur l'a dit. Le groupe RDSE dans son ensemble soutiendra ce texte. (Applaudissements à gauche)

Mme Aline Archimbaud .  - Cette proposition de loi a été déposée quasi simultanément par nos collègues Vergès et Vergoz. Cette prime a été mise en place en 2009 à la suite des crises qui avaient secoué l'outre-mer, dont les populations étaient excédées par la vie chère. Ce bonus exceptionnel est assorti d'un régime incitatif d'exonération quasi intégrale des charges. Faut-il se réjouir de son succès, ou s'inquiéter du nombre de salariés concernés ? L'article 60 de la loi de finances pour 2012 avait porté la durée du bonus à quatre ans et la loi de finances pour 2013 avait prévu la prolongation de la mesure, avant que le Gouvernement ne la retire pour la réintroduire dans la loi portant création du contrat de génération, mesure qui n'avait pas convaincu le Conseil constitutionnel, qui y avait vu un cavalier.

Après des péripéties législatives, nous voici appelés à nous prononcer en urgence pour autoriser la prorogation de ce dispositif. Solidaire de la population ultramarine, le groupe écologiste votera ce texte. Il faut éviter d'exacerber les tensions dans l'attente de l'entrée en vigueur des mesures contre la vie chère. Nous espérons que l'Assemblée nationale émettra un vote conforme le 9 avril. Toutefois, proroger ad infinitum ce type de mesure n'est pas une solution de long terme. Le bouclier prix est le premier pas, qui doit nous encourager à aller plus loin. Les négociations en cours sur le prix du carburant sont primordiales. À quand les décrets d'application de la loi contre la vie chère, à commencer par la création de l'observatoire de la vie chère ? Nous attendons aussi le rapport Letchimy sur les échanges commerciaux directs entre les régions. Des filières économiques nouvelles, écologiques et non-délocalisables doivent être favorisées. Je sais que nous aurons l'occasion d'en reparler ! (Applaudissements à gauche)

M. Michel Fontaine .  - Le bonus exceptionnel créé en 2009, exonéré de cotisations, devait avoir une existence de trois ans. Il s'agissait de revaloriser le pouvoir d'achat des salariés en évitant un surcoût pour les entreprises. Mis en place dans un contexte économique et social tendu, il était une réponse aux mouvements violents qui ont éclaté en 2009. Il fut prolongé en 2011 d'un an, dans un contexte qui restait dégradé.

Face aux problèmes économiques persistants, le Gouvernement actuel s'est résolu à une nouvelle prorogation - de façon un peu brouillonne. Il s'est ainsi d'abord opposé à un amendement de prorogation de Paul Vergès, repoussé en loi de finances à la demande du Gouvernement. Certes, l'amendement proposait une prorogation de trois ans... Quelques jours plus tard, lors de la conférence sociale et économique sur les outre-mer, le Gouvernement est revenu sur sa position, préconisant une prorogation d'un an. D'où l'insertion d'un article additionnel à la loi créant le contrat de génération censuré par le Conseil constitutionnel. Je m'étonne d'entendre M. Vergoz accuser l'UMP d'avoir saisi le Conseil constitutionnel - le recours portait sur un autre article, l'article 6 qui traitait du corps de l'inspection du travail et non l'article 9 ! On ne peut parler d'obstruction - quand c'est notre majorité qui avait créé le dispositif, et l'avait prorogé une première fois ! Quoi qu'il en soit, le sujet est consensuel. Le souci de soutenir le pouvoir d'achat des plus modestes des ultramarins nous rassemble. Notre département a été marqué par des troubles sociaux liés au prix des carburants. Le chômage des jeunes atteint 70 % dans certains quartiers de La Réunion. La croissance économique de notre île doit s'appuyer sur le privé, l'alternance, la formation, encourager les échanges commerciaux avec nos voisins et le coût du travail doit diminuer. Le Gouvernement doit donner aux entreprises les moyens d'embaucher. Pour l'heure, le groupe UMP votera ce texte. (Applaudissements à droite)

M. Dominique Watrin .  - Ce texte sera sans doute adopté à une très large majorité. Le Gouvernement a répondu aux mouvements de 2009 avec la prime Cospar, prévue initialement pour une durée de trois ans. Mais le gouvernement précédent n'avait rien fait pour anticiper la sortie du dispositif, d'où l'amendement de notre collègue Paul Vergès en loi de finances pour le proroger de trois ans. La disparition brutale de cette prime Cospar aurait des conséquences économiques et sociales considérables dans une île gravement touchée par le chômage. L'avis défavorable du Gouvernement - incompréhensible - avait conduit au rejet de l'amendement de M. Vergès. De nombreuses pétitions ont été déposées à l'ouverture de la conférence des outre-mer, et le Premier ministre s'est engagé à proroger le dispositif dans l'attente des nouvelles mesures contre la vie chère. Après la censure du Conseil constitutionnel, déjà évoquée, il fallait une proposition de loi appelant à une prorogation.

Les motivations des mouvements de 2009 sont toujours présentes : vie chère et inégalités de revenu. La loi de régulation économique outre-mer comporte des avancées, dont la lutte contre les monopoles, mais ne suffira pas à faire baisser le coût de la vie outre-mer. Il faut réfléchir à la diversification des sources d'approvisionnement, sans oublier les produits locaux, au fret, à la fiscalité, et surtout à l'harmonisation des revenus.

La politique en vigueur à La Réunion crée un véritable apartheid social. La prime Cospar a été utile, tout comme le RSTA - qui arrive à expiration dans deux mois... Que compte faire le Gouvernement ? Les Réunionnais sont inquiets. Nous nous interrogeons sur la sortie de ces dispositifs. Le Premier ministre a pris des engagements, annonçant des mesures d'allègement du coût du travail outre-mer. Nous resterons très vigilants. (Applaudissements sur les bancs CRC)

M. Joël Guerriau .  - Pour nous, ce texte pose problème tant sur la forme que sur le fond. Dans quelles conditions examinons-nous cette proposition de loi !

Initialement, la Lodeom instaurait ce bonus pour trois ans, prorogé pour un an par la suite. Or l'amendement Vergès, proposant une prorogation ultérieure de trois ans, fut repoussé par le Gouvernement. Quinze jours plus tard, le Gouvernement faisait volte-face. Mais à la recherche d'un autre véhicule législatif, il a pris le premier qui se présentait - en l'occurrence la loi créant les contrats de génération. Magnifique cavalier... En CMP, M. Marseille jouait les Cassandre, redoutant une censure constitutionnelle.

Mme Christiane Demontès.  - Grâce à l'UMP !

M. Joël Guerriau.  - Qui n'a pas manqué ! D'où cette proposition de loi téléguidée. Face au malaise ultramarin, il fallait bien trouver quelque chose. Faute de proposition, vous vous contentez de reprendre une mesure du gouvernement Fillon, tant honni. Notre rapporteur estime qu'« il s'agit de passer du provisoire au transitoire » et d'« assurer une sortie en sifflet du dispositif et d'éviter tout arrêt brutal de l'aide ». Mais où est l'arrêt en sifflet ? Rien n'est prévu ! Le bouclier qualité-prix, qui vient d'entrer en vigueur, la mise en oeuvre du CICE porteraient leurs fruits dans un an, ai-je cru comprendre. Mais ni l'une ni l'autre de ces mesures n'est de nature à répondre aux causes structurelles de la vie chère outre-mer ni de l'économie de comptoir. (Protestations sur les bancs socialistes) Les territoires d'outre-mer se sont enfoncés dans une économie administrée ; les sur-rémunérations des fonctionnaires ont engendré des distorsions. Tout ceci ne peut durer. Les salaires étant trop bas, le bonus visait à les augmenter... C'est prendre le problème par le petit bout de la lorgnette. L'insertion régionale, les sur-rémunérations, les normes, voilà les vraies questions. Nous ne voterons toutefois pas contre ce texte. (Applaudissements sur les bancs UDI-UC)

Mme Christiane Demontès .  - Pour des raisons purement formelles, le Conseil constitutionnel a remis en cause une disposition qui présente un intérêt social majeur, et qu'il faut donc réintroduire dans notre corpus législatif. En 2009, la population, excédée, s'est mobilisée. Afin de répondre - un peu tard - à ces légitimes demandes, le gouvernement de l'époque avait fait adopter la Lodeom. Prise dans la précipitation, elle ne répondait que très partiellement au problème, alors que 65 % des moins de 25 ans et plus de la moitié des séniors sont à la recherche d'un emploi : c'est intolérable, comme nous le confiait M. Antoinette. Le Gouvernement Ayrault mobilise le plus de moyens possibles pour y répondre : les crédits de la mission outre-mer augmentent enfin sensiblement. Ce budget s'articule autour de quatre priorités : le logement, la relance de l'investissement public, l'insertion professionnelle de la jeunesse, avec la montée en puissance du Service militaire adapté (SMA), et enfin, la bataille de l'emploi : plus 8 % d'exonérations de charges pour les entreprises ultramarines. Cette détermination constitue le socle de la loi de novembre dernier, et a motivé le dépôt d'un amendement gouvernemental dans la loi créant le contrat de génération, prorogeant d'un an le bonus exceptionnel. Après la censure constitutionnelle, cette proposition de loi vient donc rétablir cette mesure. En espérant que nous n'aurons pas à la proroger encore, le groupe socialiste, comme il l'avait fait le 6 février dernier, votera ce texte. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Victorin Lurel, ministre .  - Je vous remercie pour la clarté et la rapidité de votre travail. Le dispositif sera donc prorogé jusqu'à la fin de l'année. La loi portant régulation économique outre-mer donne de bons résultats et a créé des perspectives économiques : grâce à une concurrence accrue, les prix ont déjà diminué de 10 à 15 %. Le décret sur l'observatoire des prix est prêt, mais nous avons voulu engager des concertations avant de le publier, pour éviter tout choc procédural.

Cette loi concerne aussi d'autres domaines que les prix alimentaires ; nous attendons le rapport du député Serge Letchimy et le député de La Réunion, Patrick Lebreton, fera des propositions pour une certaine priorisation, à compétences égales, du recrutement local.

De belles discussions sont engagées sur le fret et le travail se poursuit, tant sur place que dans les ministères. L'outre-mer doit également s'ouvrir à son environnement immédiat, dans la réciprocité et équilibre. Si, sans sortir du régime des RUP, nous pouvons nous émanciper des normes européennes, nous le ferons.

La loi d'avenir de l'agriculture intéresse aussi nos territoires : comment sortir des pesticides, aller vers des productions plus écologiques, voilà les questions en débat.

Comme vous le voyez, il y a bien une vision, le cap est fixé. C'est la première fois qu'est engagé de façon volontariste un combat contre les monopoles et l'économie de la rente.

Le Conseil constitutionnel s'empare de l'intégralité des textes qui lui sont soumis, d'où sa censure. Je rappelle que le budget des outre-mer est une priorité au même titre que ceux de la justice ou de l'éducation ; il a augmenté de 5 % malgré la crise.

Cette proposition de loi va être adoptée, alors que la mise en place du RSA va devenir effective. L'information des titulaires du RSTA, monsieur Guerriau, est permanente. Il restera peut-être une petite part résiduelle de la population qui ne pourra en bénéficier. Il faudra régler la question. Le CICE, quant à lui, est adossé à la masse salariale ; il faudra évaluer, voir comment il pourra entrer en vigueur.

Ma feuille de route, ce sont les trente engagements du président de la République pour l'outre-mer. Je les mets en oeuvre avec obstination, diligence mais aussi esprit d'ouverture.

Merci à tous pour la qualité de ce débat, et pour votre soutien. (Applaudissements à gauche)

La discussion générale est close.

Discussion des articles

L'article premier est adopté.

Article 2

M. le président.  - Amendement n°1, présenté par le Gouvernement.

Supprimer cet article.

M. Victorin Lurel, ministre.  - Le Gouvernement lève le gage.

M. Michel Vergoz, rapporteur.  - Avis favorable à l'unanimité. (Sourires)

L'amendement n°1 est adopté ; l'article 2 est supprimé.

L'ensemble de la proposition de loi est adopté.

Prochaine séance demain, mercredi 3 avril 2013, à 14 h 30.

La séance est levée à 22 h 40.

Jean-Luc Dealberto

Directeur des comptes rendus analytiques

ORDRE DU JOUR

du mercredi 3 avril 2013

Séance publique

De 14 h 30 à 18 h 50

1. Deuxième lecture de la proposition de loi, modifiée par l'Assemblée nationale, relative à l'indépendance de l'expertise en matière de santé et d'environnement et à la protection des lanceurs d'alerte (n° 329, 2012-2013)

Rapport de M. Ronan Dantec, fait au nom de la commission du développement durable (n° 451, 2012-2013)

Texte de la commission (n° 452, 2012-2013)

2. Question orale avec débat n° 2 de Mme Aline Archimbaud à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, sur les droits sanitaires et sociaux des détenus

À 21 h 30

3. Proposition de résolution relative au respect des droits et libertés des collectivités territoriales, présentée en application de l'article 34-1 de la Constitution par M. Jean-Claude Gaudin et les membres du groupe UMP, apparentés et rattachés (n° 385, 2012-2013)