Absentéisme scolaire

M. le président.  - L'ordre du jour appelle l'examen de la proposition de loi visant à abroger la loi du 28 septembre 2010 visant à lutter contre l'absentéisme scolaire.

Discussion générale

Mme Françoise Cartron, auteure de la proposition de loi.   - Cette proposition de loi abroge le dispositif de suppression des allocations familiales mis en place en septembre 2010, qui avait suscité de vifs débats dans notre assemblée.

Ma démarche n'illustre en rien un clivage partisan. En 2004, Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre, avait supprimé ce mécanisme en vigueur depuis 1966.

En 2003, le délégué interministériel à la famille avait mis en avant la complexité du phénomène de l'obligation scolaire, soulignant le caractère contre-productif de cette mesure. Je ne dis pas autre chose. Le dispositif de la loi du 28 septembre 2010 doit être abrogé.

De même, cette proposition de loi prévoit d'abroger les contrats de responsabilité parentale (CRP) : 38 CRP ont été signés entre 2006 et 2010 : on ne peut pas parler de réussite ! Il est vrai que 165 contrats ont été signés en 2011 dans le département de M. Ciotti, les Alpes-Maritimes. Peut-être faut-il s'interroger sur ce particularisme local...

Toutes les personnes auditionnées par le Sénat, en 2010 comme en 2012, ont désapprouvé ce mécanisme qui repose sur une erreur fondamentale de diagnostic : l'absentéisme scolaire serait dû à une défaillance parentale qu'il conviendrait de sanctionner.

Or le défaut d'assiduité peut être ponctuel ou durable, ciblé sur une matière, une plage horaire, une période, il peut ou non conduire au décrochage. Il est souvent la conséquence de difficultés familiales ou sociales, l'expression d'une souffrance psychologique, d'une détresse humaine liée à un problème d'orientation...

M. Roland Courteau.  - Très bien !

Mme Françoise Cartron, auteure de la proposition de loi.  - ...le taux d'absentéisme varie selon les publics et les territoires. C'est dans l'éducation prioritaire qu'il est le plus élevé, là où les familles sont les plus éloignées de l'école et de ses codes.

Les absentéistes sont trois fois plus nombreux dans les collèges en ZEP.

Ce dispositif est inadapté, injuste et inefficace. Il devait être à l'origine inclus dans la Loppsi ! C'est dire à quel point la préoccupation éducative en était absente !

Toutes les familles ne sont pas concernées. Seules celles qui sont les plus nombreuses et les plus pauvres sont « ciblées » par ce texte. Peut-on imaginer que cette sanction leur donnera la motivation nécessaire pour remettre leurs enfants sur le chemin de l'école ? Bien sûr que non ! Cette approche répressive et stigmatisante porte une vision négative du rôle des parents, alors qu'il faut les soutenir. Avec ce texte, M. Ciotti n'a privilégié qu'une approche répressive et culpabilisatrice des parents.

Une femme seule avec plusieurs enfants, contrainte au temps partiel subi ou à des horaires décalés, doit-elle être tenue responsable de l'absentéisme d'un de ses enfants et voir disparaître une partie de ses faibles revenus ? Que dire des familles confrontées à la maladie, au handicap ?

Le taux d'absentéisme depuis 2010 a progressé de 4,3 % à 5 %. Apporter à un problème social et scolaire une réponse répressive est un aveu d'impuissance qui renforce in fine le phénomène. Le dialogue sous la contrainte peut rompre définitivement la confiance entre les parents et l'institution. De surcroît cette logique répressive peut aussi avoir pour effet de diminuer les signalements pour absentéisme. Un phénomène aussi complexe ne peut être freiné par des réponses aussi simplistes. Il faut favoriser la coresponsabilité, à l'heure où l'école redevient une priorité. L'objectif est d'apporter une solution globale à l'échec scolaire. Le président de la République a rappelé, en présentant les conclusions de la concertation sur l'école, l'importance du traitement personnalisé en amont. Il a évoqué la nécessité d'un référent, notamment dans les lycées professionnels.

Je salue l'excellent travail du rapporteur et l'amendement adopté en commission, adapté à la problématique spécifique de l'assiduité. L'objectif n'est pas la sanction, mais le suivi rigoureux. Comme le dit Edgar Morin, si vous avez le sens de la complexité, vous aurez le sens de la solidarité. Proposons des solutions à la fois ciblées et globales. Tel est le sens de la loi pour la refondation de l'école que nous examinerons dans quelques mois. Il faudra renouer les liens de confiance entre les familles et les établissements. Il ne s'agit pas de faire table rase du passé, mais du passif.

M. Roland Courteau.  - Très bien !

Mme Françoise Cartron, auteure de la proposition de loi.  - Je vous propose d'abroger la loi de défiance et d'adopter cette proposition de loi de confiance envers les familles, l'école, les partenaires sociaux éducatifs qui, tous ensemble, oeuvrent pour une intégration réussie des jeunes dans notre société. (Applaudissements à gauche)

M. David Assouline, rapporteur de la commission de la culture .  - La proposition de loi déposée par Mme Cartron abroge deux dispositifs : le mécanisme de suspension des allocations familiales dit loi Ciotti de 2010 ; le contrat de responsabilité parentale issu de la loi Borloo de 2006 permettant au président de conseil général de demander la suspension des allocations familiales, mesure demeurée inappliquée, hormis dans les Alpes-Maritimes, département présidé par Eric Ciotti, et en Vendée.

Ce contrat perturbe la logique même de l'accompagnement parental mis en place dans le cadre de l'Aide sociale à l'enfance (ASE). Il a été décorrélé de la lutte contre l'absentéisme. La loi Ciotti a brisé le lien entre le CRP et la suspension des allocations familiales et lui a substitué un mécanisme automatique de suspension sur saisine de l'inspecteur d'académie. Le CRP est devenu caduc, inutile. C'est pourquoi la commission de la culture en souhaite la suppression.

Le manque d'évaluation en amont comme en aval est patent. Vous savez combien j'y suis attaché. Cette méthode de législation n'est pas convenable. Elle est exemplaire de ces lois idéologiques pour afficher une posture politique. La loi de 2010 s'inscrit dans la seule perspective de la prévention de la délinquance. M. Ciotti a prévu ce dispositif dans le cadre de la Loppsi, qui finalement a atterri dans le code de l'éducation. L'absentéisme est un phénomène protéiforme, qui nécessite la mobilisation de tous les acteurs. Ses causes sont extrêmement diverses. La démission supposée des parents n'est pas la seule, loin de là ! En dehors de cas extrêmes, liés à une profonde exclusion sociale, jamais les parents ne démissionnent. Mais certains d'entre eux sont démunis et désemparés. Ceci dit, l'orientation par défaut ne peut être ignorée. Le taux d'absentéisme est de 18 % en première année dans les lycées professionnels.

Au collège, les absents sont ceux qui connaissent déjà l'échec scolaire, après un parcours en primaire difficile. Le rapport avec la violence ? Certains enfants s'absentent pour éviter ceux qui les harcèlent ou les agressent : ce n'est pas eux qu'il faut sanctionner. Il existe aussi un absentéisme de confort, du type « zapping scolaire », visant un professeur, une matière, certains horaires.

L'absentéisme touche tous les milieux, mais davantage les familles les plus précaires. L'existence de conflits intrafamiliaux provoque de l'absentéisme, parmi d'autres facteurs, psychologiques notamment. Il paraît profondément irréaliste de proposer « une » solution. La suppression des allocations familiales sur saisine de l'éducation nationale reprend un vieux dispositif de quarante ans, qui a fait la preuve de son manque d'efficacité et d'équité !

C'est le gouvernement Raffarin qui l'a supprimé avec Luc Ferry. À l'époque 6 000 à 7 000 familles étaient concernées, sans aucun effet sur l'absentéisme.

Entre février 2011 et mars 2012, 472 suspensions ont été prononcées. Depuis la mise en oeuvre de la loi Ciotti, aucune amélioration objective de l'assiduité ne peut être observée. L'absentéisme a même augmenté, de 4,3 % à 5 %, avec un effet pervers : la baisse des signalements ! On masque le phénomène au lieu de lutter contre celui-ci.

L'essentiel des retours à l'assiduité intervient au moment du rappel à la loi par le directeur académique des services de l'éducation (Dasen). La proposition de loi est parfaitement calibrée, parce qu'elle maintient l'avertissement solennel et le rappel des sanctions pénales applicables. Tout l'effet dissuasif est donc conservé par la proposition de loi qui ne supprime qu'une sanction administrative inutile, inefficace et injuste.

La suppression des allocations stigmatise les familles modestes. Dans l'académie de Créteil, le recteur a attiré notre attention sur leurs difficultés, alors que les allocations représentent pour elles une ressource importante : leur retirer, c'est leur infliger une double peine. Et de nombreuses familles ne perçoivent pas les allocations familiales car elles n'ont qu'un enfant à charge.

La commission a intégré dans le texte initial une nouvelle méthode de traitement du problème. D'autres mesures seront intégrées probablement dans le prochain projet de loi d'orientation sur l'école, selon la concertation. En attendant, la commission a souhaité inscrire immédiatement la mobilisation de tous les acteurs de terrain, afin de proposer une aide adaptée et contractualisée.

L'article L. 111-3 du code de l'éducation définit la communauté éducative, au-delà du personnel de l'éducation et de l'établissement. Elle inclut les collectivités territoriales, de même que les services sociaux de la Protection judiciaire de la jeunesse (PJJ). Bien évidemment, il ne faut pas les réunir à chaque fois, mais dans ce vaste panel, il convient de choisir ceux qui seront le mieux à même de proposer des solutions. Il s'agit de coordonner tous les services actuellement cloisonnés pour proposer aux familles des solutions spécifiques de soutien à la parentalité. La méthode de diagnostic que nous proposons doit aider les familles, pour envisager un accompagnement adapté à la nature de leurs problèmes, contractualisé, loin d'une logique de sanction. La solution ne sera pas imposée.

M. Claude Domeizel.  - Votre temps de parole est épuisé !

M. David Assouline, rapporteur.  - La commission souhaite, comme le président de la République, qu'un référent soit nommé. Nous vous proposons d'adopter la proposition de loi, sous le bénéfice de ces observations. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

Mme George Pau-Langevin, ministre déléguée auprès du ministre de l'éducation nationale, chargée de la réussite éducative .  - C'est avec beaucoup d'intérêt que j'ai pris connaissance de la proposition de loi de Mme Cartron. L'absentéisme est avant tout le symptôme d'une situation sociale difficile. C'est la première étape d'un chemin qui mène trop souvent au décrochage et à l'exclusion.

La proposition de loi Ciotti était inique, inefficace, injuste et tardive. Lorsque quatre demi-journées d'absence sont constatées au sein de l'établissement, son directeur le signale au Dasen, qui avertit la famille et peut diligenter un expert social. En cas de récidive, le président du conseil général peut proposer le CRP et, s'il n'est pas observé, ou refusé, il peut prononcer la suspension ou la suppression des allocations familiales.

Ce dispositif, introduit en 1966, avait été supprimé en 2003-2004 sur la recommandation d'un rapport demandé à l'époque par MM. Sarkozy, Darcos et Jacob, qui y voyaient une solution inéquitable et hétérogène.

En 2010, M. Ciotti a proposé un texte qui a été durci du fait de la droitisation de la majorité de l'époque à la suite du discours de Grenoble. Peut-on prétendre que cette loi a été efficace ? Comme vous l'avez souligné, nous ne disposons pas d'une évaluation fiable. Mais les statistiques de la Direction générale de l'enseignement scolaire (DGESCO) sont éloquentes : sur 12 millions d'élèves, 300 000 sont absentéistes -chiffre flou et partiel. Durant le premier semestre 2012, 79 000 signalements ont été faits et 619 allocations ont été suspendues ; 142 ont été rétablies parce que l'élève avait cessé d'être absent. Cela montre l'inefficacité du dispositif.

Mme Françoise Cartron, auteure de la proposition de loi.  - Eh oui !

Mme George Pau-Langevin, ministre déléguée.  - L'absentéisme est infinitésimal au primaire et devient significatif en fin de collège et au lycée professionnel, coïncidant avec l'adolescence. Il faut s'y prendre autrement ! Dès lors qu'on identifie le phénomène, qu'on s'adresse à l'élève, une partie des jeunes reprennent le chemin de l'école. Il faut s'intéresser à l'enfant et prendre des mesures d'accompagnement adaptées. Il y a des solutions variées, comme les causes le sont.

L'orientation des jeunes joue un rôle : certains élèves ne supportent pas celle qu'on leur impose. Il faut s'y prendre tôt, en mettant en place des dispositifs comme les Rased, malheureusement supprimés par la majorité précédente. Bien évidemment, des procédures pénales de protection des mineurs existent face à des parents incapables ou désinvoltes.

S'en prendre aux allocations familiales est inadmissible et injuste, d'autant que le dispositif passe à côté des mères isolées avec un enfant.

L'absentéisme et le décrochage ne sont pas propres à nos pays. Les ministres de l'éducation européens recherchent des solutions : des préconisations seront adoptées en novembre. Nulle part on ne demande d'agir sur les allocations familiales.

Votre proposition de maintenir un premier échelon d'intervention au niveau de l'établissement avec la communauté éducative est utile. Dans le Val-de-Marne et la Seine-Saint-Denis, où les jeunes en difficulté sont très nombreux, les solutions proposées peuvent en effet nous inspirer. Avec Mme Bertinotti, nous allons proposer des réponses dans le cadre de nos services aux dysfonctionnements qui se manifestent par l'absentéisme, une fois que sera éliminée cette fausse solution, inappliquée. Ainsi, nous pourrons rebâtir un vrai processus tendant à remettre les jeunes sur de bons rails, sans priver les familles de moyens, en permettant à chacun de retrouver la voie de la réussite et de l'estime de soi. Ne laissons pas nos jeunes au bord du chemin ! (Applaudissements à gauche)

M. Michel Le Scouarnec .  - La loi de 2006 avait créé un contrat de responsabilité parentale instaurant une sanction des parents. Très peu de présidents de conseils généraux l'ont mis en oeuvre. La loi de 2010 a néanmoins aggravé ce dispositif, sur la base d'un amalgame entre absentéisme et délinquance que nous ne pouvons accepter, en dévoyant l'objectif des allocations familiales.

Notre pays avait déjà conclu à l'inefficacité d'un tel dispositif, supprimé en 2004, la majorité d'alors le qualifiant « d'inéquitable et injuste ». Les familles qui n'ont qu'un seul enfant échappent à toute sanction. Et que dire de la pénalisation des familles nombreuses ?

Une récente étude de 2012 démontre que le succès des programmes de soutien à la parentalité est réel, grâce aux communes. Il faut aider, accompagner, encourager les parents sur la durée et non les stigmatiser. L'absentéisme est un phénomène complexe qui ne peut être résolu par une mesure aussi simpliste que la suppression des allocations familiales. Il touche surtout les lycées professionnels, beaucoup moins ceux des filières générales. Ses causes sont très diverses, souvent une orientation par défaut -raison pour laquelle la filière professionnelle doit impérativement être revalorisée- aux violences subies, au contexte familial et social.

Réaffirmons la responsabilité publique de l'État qui doit proposer aux parents un accompagnement durable et de qualité. Je me félicite que le CRP n'ait quasiment pas été appliqué, sauf dans les Alpes-Maritimes ; seules 160 suspensions ont été prononcées. Nous sommes donc favorables à cette proposition de loi qui abroge la loi Ciotti. La proposition de votre rapporteur de réunir la communauté éducative et les parents en cas d'absentéisme persistant est bienvenue : il faut redonner confiance aux jeunes et aux familles, là est la clé de la réussite. Il faut aussi repérer rapidement les premiers signes de décrochage pour agir précocement. Le référent peut jouer un rôle d'éveilleur au sein de l'équipe pédagogique. (Applaudissements à gauche)

M. Jean-Léonce Dupont .  - Cette proposition de loi tend à supprimer le dispositif de la loi Ciotti. Son exposé des motifs ne fait pas dans la mesure. « Un dispositif injuste, inégalitaire, inopportun, inadapté, inapproprié ». Quelle objectivité ! Qu'a donc fait de si inadmissible le législateur de 2010 ?

Le contrôle de l'obligation et celui de l'assiduité scolaires sont nécessaires. Certains gouvernements ont plutôt mis l'accent sur la prévention, d'autres sur des mesures plus coercitives. Les dispositions de l'ordonnance de 1959 ont été remplacées en 2006 par le CRP, qui n'a pas eu l'effet escompté. D'où la loi de 2010 et son régime gradué. On est loin de la présentation caricaturale que j'ai entendue.

Le dispositif Ciotti n'est entré en vigueur qu'en janvier 2011 ; c'est dire que nous manquons de recul. Le président de la République lui-même a proposé d'élargir le droit à l'expérimentation : il faut donc donner du temps au temps.

M. Jacques Legendre.  - Très bien.

M. Jean-Léonce Dupont.  - Entre janvier 2011 et mars 2012, 472 familles ont été sanctionnées pour absentéisme répété et privées partiellement des allocations familiales. Je m'étonne d'ailleurs que le ministère de l'éducation nationale n'ait pas donné avant aujourd'hui de chiffres précis sur les signalements, les demandes de suspension, les suspensions effectives.

M. David Assouline, rapporteur.  - M. Chatel ne voulait pas les donner !

M. Jean-Léonce Dupont.  - Dans mon département, sur 270 courriers envoyés aux familles par la direction départementale de l'éducation nationale, seules 13 suspensions d'allocations ont été prononcées. Le conseil général a mis en place des partenariats élargis, des dispositifs relais adaptés aux difficultés des élèves en échec scolaire qui permettent de proposer précocement une intervention psycho-médico-sociale. La loi Ciotti semble en tout cas avoir permis une meilleure communication entre les différents acteurs...

M. Jacques Legendre et M. Jean-Paul Fournier.  - Très bien !

M. Jean-Léonce Dupont.  - La procédure graduée est un outil utile, même si ce n'est pas la panacée. Cette loi est-elle donc totalement inutile ? Je ne le crois pas.

Une loi de programmation et d'orientation est annoncée pour l'année prochaine. Pourquoi ne pas profiter de ce délai pour évaluer vraiment la loi de 2010 et proposer éventuellement des solutions alternatives ? (Applaudissements à droite)

M. Charles Revet.  - Ce serait plus sérieux !

Mme Françoise Laborde .  - Cette proposition de loi vise à défaire un texte qui n'aura pas vécu bien longtemps -et c'est tant mieux. J'étais opposée à la loi Ciotti, qui apportait des solutions illusoires. Ce n'est pas en pénalisant les familles d'enfants décrocheurs qu'on favorisera le retour de ceux-ci à l'école, d'autant que les familles les plus modestes étaient les plus touchées.

À l'époque, j'avais dit que ce texte était hors sujet et faisait l'amalgame entre absentéisme et délinquance des jeunes. Il était en outre source d'inégalités selon que la famille ait un ou plusieurs enfants, ou dépendait plus ou moins des prestations familiales. La concertation sur la refondation de l'école propose la nomination d'un référent dans les établissements et la limitation du redoublement. Au Danemark et aux Pays-Bas, des centres spécialisés ont été mis en place pour accompagner de façon globale les familles ; nous pourrions nous en inspirer. La proposition de loi donne la priorité à la prévention. Le directeur d'établissement pourra convoquer les parents et proposer des mesures d'accompagnement, qui seront mises en oeuvre par le référent, celui-ci pouvant faire appel à tous les membres de la communauté éducative. Les parents seront mieux guidés et les enfants mieux pris en charge ; une réponse personnalisée sera apportée.

Il convient de prévenir l'absentéisme dès le primaire. L'école buissonnière n'est pas un phénomène nouveau, mais il s'est aggravé ces dernières années du fait de la baisse du taux d'encadrement et de la suppression de nombreux postes dans l'éducation nationale, dont de Rased.

La très grande majorité du RDSE soutiendra cette proposition de loi, qui pose la première pierre de la reconstruction de l'école de la République. (Applaudissements à gauche et sur les bancs écologistes)

Mme Corinne Bouchoux .  - L'absentéisme a toujours existé, mais jadis, on orientait d'autorité l'élève décrocheur vers le travail ; il n'y avait pas d'exclusion à vie. Aujourd'hui, avec le chômage massif, l'absentéisme est une perte de chance importante pour les jeunes, à quelque milieu social qu'ils appartiennent.

M. Jacques Legendre.  - C'est vrai !

Mme Corinne Bouchoux.  - Les familles sont de plus en plus angoissées. Si le gouvernement Raffarin a supprimé un dispositif inefficace, celui plutôt simpliste, pour ne pas dire simplet, voulu par M. Ciotti répondait à un objectif politique d'affichage. Il ne pouvait pas répondre à la question. Car l'absentéisme est multifactoriel, il y a autant de causes d'absentéisme que d'élèves absents. Une seule loi ne peut s'y attaquer. L'école doit être refondée.

Mme Françoise Cartron, auteure de la proposition de loi, et M. Claude Domeizel.  - Très bien !

Mme Corinne Bouchoux.  - Cela dit, le problème est réel. Une loi généreuse est nécessaire, qui réduira l'absentéisme, véritable symptôme du mal-être à l'école. Prenons en compte le rythme des élèves ! Puisse la concertation en cours ne pas décevoir, en dépit des contraintes budgétaires !

La violence à l'école existe, mais l'école, elle aussi, est violente : elle exclut ! Les écologistes croient beaucoup à une gestion non violente des conflits. Il faut aussi songer aux salaires des enseignants, humiliés quand ils se comparent à leurs collègues allemands.

Nous serions déçus si la refondation de l'école n'apportait des modifications qu'à la marge. Nous devons changer l'école pour qu'elle devienne source de bien-être et non pas d'exclusion ! (Applaudissements sur les bancs écologistes et à gauche)

Mme Colette Mélot .  - Malgré la loi de mars 1882, l'absentéisme scolaire touche 300 000 élèves, spécialement dans les lycées professionnels. Les causes en sont diverses, il frappe tous les milieux mais est plus prégnant dans les familles touchées par la précarité, qui doivent être aidées et non pas stigmatisées ou culpabilisées. Les parents restent les premiers acteurs de socialisation et de responsabilisation des enfants. L'absentéisme mène à la marginalisation, à l'exclusion, voire à la violence.

Les pouvoirs publics ont proposé dès 1959 de lier exercice de l'autorité parentale et attribution des allocations familiales. La loi de 2006 a supprimé la sanction administrative et instauré le CRP -qui a été peu utilisé, il est vrai, par les présidents de conseil général. Devant ce constat d'échec, la loi de septembre 2010 a fait de la responsabilisation et de l'accompagnement des parents un élément clé de la lutte contre l'absentéisme ; elle a créé un dispositif gradué, proportionné pour alerter, accompagner et éventuellement sanctionner les parents dont les enfants sont absents de manière répétée et injustifiée.

M. le rapporteur estime qu'il s'agit d'un dispositif purement répressif. Il n'en est rien. La suppression des allocations est avant tout dissuasive. M. Carle avait auditionné des représentants de l'académie de Créteil qui estimaient que la moitié des familles convoquées réglaient rapidement, devant la menace, le problème de l'absentéisme de leurs enfants.

Vous prônez l'abrogation du CRP et de la suspension des allocations familiales et vous voulez responsabiliser les acteurs de terrain, la communauté éducative ; rien de bien neuf, en somme... C'est en cela que votre démarche est choquante. Il aurait fallu prendre le temps d'une évaluation rigoureuse, alors que vous reconnaissez vous-même la pauvreté des statistiques...

M. Michel Le Scouarnec.  - Le dispositif actuel tellement injuste !

Mme Colette Mélot.  - Le groupe UMP s'opposera donc à cette proposition de loi. (Applaudissements à droite)

Mme Danielle Michel .  - En 2003, M. Jacob intervenant ici même dans le cadre de la loi relative à l'accueil et à la protection de l'enfance, estimait le dispositif alors en vigueur inefficace et inéquitable parce que contraire à la vocation des allocations familiales. Un dispositif réintroduit par la loi Ciotti de 2010...

La suspension des allocations familiales menace surtout les familles modestes, en particulier monoparentales. Le taux d'encadrement dans le primaire est très faible en France. Or l'absentéisme découle le plus souvent de l'échec scolaire qui trouve ses racines dès le primaire ; donnons la priorité à l'école élémentaire pour éviter le décrochage des jeunes. Encourageons l'orientation choisie et non subie, trop souvent à l'oeuvre dans les lycées professionnels. Privilégions la détection rapide, les interventions ciblées, la mobilisation de toute la communauté éducative.

Cette proposition de loi est opportune et équilibrée : je la voterai. (Applaudissements à gauche)

M. Roland Courteau .  - Je vous félicite, madame Cartron, pour cette proposition de loi. Je me réjouis de ce texte qui abroge une loi simpliste et injuste qui m'avait profondément choqué : la double peine qui frappe les familles d'enfants absentéistes n'est pas acceptable.

Il faut tout faire pour maintenir le lien entre le jeune et l'école. Le beau mot d'instituteur a hélas disparu, je le regrette, car il contenait les idées d'institution et de tuteur...

M. Jean-Jacques Mirassou.  - Eh oui !

M. Roland Courteau.  - Je me réjouis des mesures récemment prises par le Gouvernement pour lutter contre le décrochage scolaire, comme de l'idée d'un référent dans les collèges et les lycées professionnels les plus touchés par l'absentéisme.

L'absentéisme est un mal aux multiples causes qui ne peut être guéri par un seul remède. Si le problème pouvait être résolu par un seul texte, ce ne serait certainement pas par la suppression des allocations familiales. Certains parents ne perçoivent pas le sens de l'école, victimes peut-être eux-mêmes d'exclusion sociale. Veut-on les punir, les stigmatiser encore davantage ?

Le dispositif Ciotti aggravait la marginalisation des familles en difficulté. Je m'inquiétais surtout pour les familles monoparentales. En outre, les familles avec un seul enfant n'étaient pas pénalisées. L'argent peut-il être le seul élément de responsabilisation des jeunes, des parents ? Que faites-vous du principe de gratuité scolaire ? Pour toutes ces raisons, je me réjouis d'abroger la loi Ciotti. (Applaudissements à gauche)

Mme Sophie Primas .  - L'absentéisme est préoccupant et peut mener au décrochage et même à la violence. Ses causes sont diverses : il n'existe pas un mais des absentéismes. La loi de 2010 n'apportait pas la solution miracle, mais quel dispositif serait en mesure de le faire ?

En juin 2010, j'étais députée et j'avais été sensible aux arguments de mes collègues de droite comme de gauche qui avaient pointé l'importance des prestations familiales pour certaines familles ; mais j'ai voté la proposition de loi Ciotti et je ne le regrette pas car elle permet d'instaurer un dialogue structuré avec les parents.

M. Charles Revet.  - Très bonne analyse !

M. Jacques Legendre et M. Jean-Claude Carle.  - Oui.

Mme Sophie Primas.  - Le mécanisme donne toute sa place à l'appréciation de la situation par l'académie. Dans mon département, les partenaires se sont impliqués. Au collège, 1 171 absences ont été signalées et 13 suspensions ont été prononcées, dont 7 sont en cours d'exécution, ce qui démontre l'efficacité du dispositif de prévention. (M. Jacques Legendre approuve)

La suspension doit être utilisée en tout dernier ressort. J'ajoute que les responsables d'établissements scolaires doivent pouvoir dialoguer en toute confiance avec les services sociaux territoriaux.

La loi de 2010 est utile : faisons confiance aux acteurs du terrain, donnons-leur des instruments pour qu'ils écrivent leur propre partition sur un tempo adapté aux réalités. La suspension des prestations n'est pas une fin en soi, l'objectif de la loi Ciotti est bien plutôt la responsabilisation des parents. Ne nous privons pas de ce dispositif par pur dogmatisme. (Applaudissements à droite)

M. François Grosdidier .  - Depuis 2002 et l'échec de Lionel Jospin du fait de son aveuglement et de l'angélisme de la gauche sur la violence des jeunes, de son approche systématiquement idéologique de l'autorité et des problèmes de délinquance, que de chemin parcouru ! (Protestations sur les bancs socialistes)

M. David Assouline, rapporteur.  - Subtil !

M. François Grosdidier.  - Je suis maire d'une ville aux deux tiers en ZUS. Je sais que l'absentéisme scolaire est un fléau ; les premières victimes en sont les élèves eux-mêmes, qui compromettent leurs chances d'insertion sociale que leur offre la République. On a beau instaurer des systèmes de repêchage, peu s'en sortent vraiment. L'échec scolaire impacte les quartiers, les villes où les jeunes désoeuvrés finissent par s'occuper autrement et passent souvent plus vite que d'autres des incivilités à la délinquance. Je connais ces jeunes dans ma ville. Quand nous sommes parvenus à les remettre dans le droit chemin, c'est en les responsabilisant et en responsabilisant leurs parents. (Protestations croissantes sur les bancs socialistes)

M. David Assouline, rapporteur.  - Eh oui !

M. François Grosdidier.  - La loi supprimée en 2004 instituait un système du tout ou rien. C'est pourquoi nous avons instauré le CRP en 2006, mais qui n'a pas connu le succès espéré, du fait de la réticence des services sociaux des conseils généraux. La loi Ciotti a proposé une réponse concrète qui ne mérite pas d'être caricaturée comme vous le faites ! Tout absentéisme ne relève pas nécessairement de la responsabilité des parents, mais le dialogue est toujours nécessaire. J'ai entendu dire qu'on a retiré les allocations familiales à des parents dont les enfants n'allaient pas à l'école du fait de la violence qu'ils y subissaient. Citez-moi un seul exemple ! C'est n'importe quoi ! (Vives exclamations à gauche) Vous n'aimez pas entendre la vérité, c'est vrai ! (Nouvelles exclamations)

Les tuyaux de l'éducation nationale sont souvent trop longs. Les mois perdus dans la vie d'un collégien ne se rattrapent pas. Il est de notre devoir d'aller plus vite, de raccourcir les délais. La loi de 2010 permet le dialogue et d'apporter souvent des solutions. Si la convocation par l'inspection académique permet de régler la situation une fois sur deux, c'est qu'il y a menace sur les allocations. (Exclamations à gauche)

Personne n'est en mesure de présenter une solution idéale. Mais par pure idéologie, vous refusez l'idée même de responsabilisation, synonyme à vos yeux de stigmatisation. (On se récrie à gauche) Par sectarisme, vous abrogez une loi sans même l'avoir évaluée. Il vous faut défaire par idéologie ; notre seul souci est l'efficacité ! (Applaudissements à droite)

Mme Marie-Christine Blandin, présidente de la commission de la culture.  - Le dernier orateur est membre de notre commission mais nous ne l'avons jamais vu en une année.

Mme Françoise Cartron, auteure de la proposition de loi.  - Absentéisme signalé !

M. François Grosdidier.  - Mise en cause personnelle ! Je demande la parole !

M. le président.  - Je vous donnerai la parole en fin de séance.

Mme George Pau-Langevin, ministre déléguée .  - Nous sommes tous d'accord sur le constat. À droite, vous estimez qu'il faut identifier les problèmes et parler aux familles. Vous reconnaissez que le dispositif Ciotti a été peu utilisé, mais qu'il a le mérite d'être une sorte d'épée de Damoclès, ce dont je doute. Ceci dit, sur l'essentiel, sur le dialogue nécessaire avec les familles, nous sommes d'accord.

La loi Ciotti a été peu évaluée ? Elle ne comportait pas d'étude d'impact. Mais j'ai cité des chiffres qui éclairent le débat. Le sujet est grave, mérite qu'on s'y penche ; mais il est clair que le dispositif Ciotti n'a pas fait la preuve de son efficacité. (Applaudissements à gauche)

La discussion générale est close.

Question préalable

M. le président.  - Motion n°1, présentée par M. Carle et les membres du groupe UMP.

En application de l'article 44, alinéa 3, du Règlement, le Sénat décide qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération sur la proposition de loi visant à abroger la loi n° 2010-1127 du 28 septembre 2010 visant à lutter contre l'absentéisme scolaire (n° 57, 2012-2013).

M. Jean-Claude Carle .  - Je suis surpris que le débat d'il y a deux ans, où je fus rapporteur, soit rouvert aujourd'hui. Monsieur le rapporteur, vous écrivez que les études dont vous disposez ne permettent pas d'évaluer le dispositif. « Dans le doute, abstiens-toi ! ». Les premiers chiffres sont pourtant encourageants : l'absentéisme baisse dans les lycées professionnels, où il est traditionnellement fort. Le débat de 2010 a pu avoir un effet sur les parents, il faudrait le vérifier. Il serait choquant, ou purement idéologique d'abroger une loi sans évaluer ses effets. M. le rapporteur préside la commission sénatoriale d'évaluation de l'application des lois...

M. Charles Revet.  - Eh oui !

M. Jean-Claude Carle.  - Il faut toujours voir dans l'absentéisme un signal d'alarme : il entraîne une marginalisation. Rapporteur en 2002 de la commission d'enquête sénatoriale sur la délinquance des mineurs, j'ai constaté qu'entre l'appel de l'école et celui de la rue, ce dernier prévaudra. Ceux qui détectent l'absentéisme doivent réagir.

Vous semblez nier la responsabilité des parents, premiers éducateurs. (On le conteste sur les bancs de la commission) Il ne s'agit pas de leur intenter un procès d'intention, mais de les responsabiliser. Le Conseil d'analyses stratégiques conclut à la justesse du dispositif de sanction et d'incitation financière, et appelle à le pérenniser. Les sanctions n'interviennent qu'en cas de désengagement des parents, à l'issue d'un processus gradué. Les prestations familiales sont restituées si l'élève redevient assidu. Les cas de parents irresponsables, sourds aux avertissements, sont heureusement rares. La menace d'une suspension des allocations est l'électrochoc qui fait réagir. Il est urgent de responsabiliser les parents démissionnaires.

Les familles se sentent souvent désarmées. Je regrette que vous passiez sous silence l'objectif de la loi : aller à la rencontre des parents.

M. Guy Fischer.  - Avec un bâton !

Mme Françoise Cartron, auteure de la proposition de loi.  - C'est notre amendement !

M. Jean-Claude Carle.  - Le rapporteur Ciotti a accepté un amendement auquel je conditionnais mon acceptation, qui prévoyait un dialogue en amont.

M. Charles Revet.  - Très bien !

M. Jean-Claude Carle.  - Il s'agit de nouer une relation de confiance entre les parents et l'école. L'amendement Assouline le reprend mais transforme le dispositif en usine à gaz.

Mme Françoise Cartron, auteure de la proposition de loi.  - Mais non !

M. Jean-Claude Carle.  - Les parents sont déjà aiguillés vers les services chargés de les aider. Votre ajout est inutile. Vous avez proposé cet amendement pour ne pas vous contenter d'abroger. La nouvelle procédure que vous proposez n'a valeur que de symbole.

Je regrette que la majorité se contente de détricoter. Elle supprime, sans proposer d'idées nouvelles. Vous déresponsabilisez les parents, en envoyant un bien mauvais signal. M. Peillon proposait la semaine dernière la dépénalisation du cannabis...

M. David Assouline, rapporteur.  - Mensonge ! Soyez sérieux !

Mme Françoise Cartron, auteure de la proposition de loi.  - Votre politique a donné de bons résultats ?

M. Jean-Claude Carle.  - Pour vous, la société décide du destin des personnes alors que pour nous la personne est responsable. Vous excusez sans cesse, nous responsabilisons.

M. Philippe Kaltenbach.  - Caricature !

M. Jean-Claude Carle.  - Vous vous contentez de défaire. (Applaudissements à droite)

Mme Françoise Cartron, auteure de la proposition de loi .  - Vous invoquez le manque d'évaluation. La loi Ciotti devait combattre l'absentéisme, il a augmenté de 4,3 % à 5,1 %. Est-ce une preuve d'efficacité ?

Lorsque le gouvernement Raffarin a aboli ce dispositif, ce fut à l'issue de 40 années d'inefficacité. Ne nous aveuglons pas dans les débats idéologiques ! Nous absoudrions les parents ? Lorsque les enfants sont orientés par défaut, les parents sont-ils responsables ? Lorsque l'absentéisme est plus fort dans les territoires difficiles, les parents sont-ils responsables des 80 000 suppressions de postes décidées ces cinq dernières années ?

M. Guy Fischer.  - Comme aux Minguettes !

Mme Françoise Cartron, auteure de la proposition de loi.  - Lorsque les professeurs absents ne sont pas remplacés, l'éducation nationale donne-t-elle le bon exemple ? Vous êtes mal placés pour parler de déresponsabilisation !

M. Ronan Kerdraon et M. Philippe Kaltenbach.  - Très bien !

Mme Françoise Cartron, auteure de la proposition de loi.  - Lorsque M. Vincent Peillon remet en urgence 1 000 postes à la rentrée, il est responsable. Lorsqu'il place la lutte contre l'échec scolaire au premier rang de ses priorités, il est responsable. Je ne rêve pas au pays de Candide, les parents doivent être conscients de leurs responsabilités. S'ils ne le sont pas, il y a la loi pénale.

Mme Cécile Cukierman.  - Exact !

Mme Françoise Cartron, auteure de la proposition de loi.  - Après avoir fait souffrir l'école comme vous l'avez fait depuis cinq ans, vous êtes bien mal placés pour faire souffrir encore les parents ! (Applaudissements à gauche)

M. David Assouline, rapporteur .  - En 40 ans, 6 000 à 7 000 allocations familiales supprimées. C'est M. Raffarin qui a prononcé le principal réquisitoire contre cette mesure que vous défendez ! (Applaudissements à gauche)

Mme George Pau-Langevin, ministre déléguée .  - L'éducation nationale ne se résout pas à accepter l'absentéisme, mais elle veut lutter avec d'autres moyens, en traitant les causes, comme l'orientation défectueuse ou les situations conflictuelles, grâce, par exemple, aux ateliers relais, aux pédagogies alternatives développées dans les micro-lycées. Ce n'est pas parce que nous ne sommes pas d'accord avec une procédure inefficace que nous aurions baissé les bras ! La concertation a eu lieu, en associant les structures concernées. Un projet de loi est en préparation. Nous ne nous contentons pas d'abroger, d'autant que tout n'est pas dans la loi ; il existe des dispositifs réglementaires ; nous ne laissons pas les choses en l'état !

Le fait que certains jeunes se livrent aux addictions est préoccupant et explique en partie le décrochage. Oui, le cannabis se développe chez les jeunes. Si vous aviez gagné la lutte contre le cannabis, cela se saurait ! Je vois les trafics dans le quartier populaire dont je suis l'élue. C'est un peu court que d'évacuer comme vous le faites ce sujet qui nous concerne tous. (Applaudissements sur plusieurs bancs socialistes) Tenons-nous en pour l'heure au sujet de l'absentéisme. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Jacques-Bernard Magner .  - Nous sommes tous d'accord sur le mal dont il faut guérir, tout en divergeant sur les moyens. Suspendre les allocations familiales, c'est supposer que l'argent est un moteur puissant. Cette loi injuste a stigmatisé les familles les plus modestes. Ses auteurs se sont donné bonne conscience, alors que c'est l'affaiblissement du système éducatif qui est en cause. Recherchons des solutions et non pas des sanctions ! Inventons des projets accueillants, afin que l'école redevienne ce qu'elle n'aurait jamais dû cesser d'être. Luttons contre l'absentéisme par la refondation de l'école ! Abrogeons cette loi simpliste qui ne règle rien !

M. François Grosdidier .  - Mon intervention, sans doute un peu vive, est à la hauteur...

M. David Assouline, rapporteur.  - De votre absentéisme.

M. François Grosdidier.  - ...de notre désarroi devant le choix de retirer un outil efficace. C'est souvent la menace de sanction qui accompagne le dialogue.

Mme Françoise Cartron, auteure de la proposition de loi.  - Qui a bien marché !

M. François Grosdidier.  - Qui marche. Votre choix du tout préventif est un recul en arrière !

Mme Françoise Cartron, auteure de la proposition de loi.  - Pas en avant !

M. François Grosdidier.  - Quelle que soit la sincérité de mon ton, cela ne permet pas de mise en cause personnelle. Mon groupe m'a imposé cette commission lorsque je suis arrivé au Sénat. Je n'en voulais pas et je vous ai fait savoir dès le début que je n'y mettrais pas les pieds. C'est un conflit avec mon président de groupe. Maintenant, si vous tenez tant à me voir en commission, vous m'y entendrez ! (Applaudissements sur plusieurs bancs UMP)

Mme Françoise Cartron, auteure de la proposition de loi.  - Orientation subie et non choisie, c'est l'absentéisme !

M. David Assouline, rapporteur.  - Allez, l'absentéiste !

À la demande du groupe UMP, la motion 1 est mise aux voix par scrutin public.

M. le président. - Voici les résultats du scrutin :

Nombre de votants 344
Nombre de suffrages exprimés 344
Majorité absolue des suffrages exprimés 173
Pour l'adoption 168
Contre 176

Le Sénat n'a pas adopté.

Discussion de l'article unique

M. le président.  - Amendement n°2, présenté par M. Assouline, au nom de la commission.

Alinéa 5, seconde phrase

Remplacer le mot :

enseignant

par les mots :

personnel d'éducation référent

M. David Assouline, rapporteur.  - Cet amendement vise à ouvrir à d'autres personnels que les enseignants la possibilité d'être désignés au sein de l'établissement pour suivre les questions d'absentéisme. Les conseillers principaux d'éducation chargés de la vie scolaire pourront notamment être nommés comme référents.

Mme George Pau-Langevin, ministre déléguée.  - Je suis tout à fait favorable à cet élargissement.

L'amendement n°2 est adopté.

M. le président.  - Amendement n°3, présenté par M. Assouline, au nom de la commission.

Après l'alinéa 5

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

4° Après les mots : « aux dispositions du présent chapitre », la fin de l'article L. 131-9 est supprimée.

M. David Assouline, rapporteur.  - Amendement de coordination.

L'amendement n°3, accepté par le Gouvernement, est adopté.

M. le président.  - Je vais mettre aux voix l'article unique de cette proposition de loi.

M. Jacques Legendre.  - Étrange débat, parfois marqué par des polémiques dont il eût été sage de faire l'économie. Sur tous nos bancs, nous avons le désir très fort de limiter l'absentéisme. Je ne lie pas absentéisme et délinquance, mais un élève absentéiste est en danger et doit être protégé, accompagné. La lutte contre l'absentéisme est une contrepartie du principe républicain d'obligation scolaire, c'est pourquoi le législateur a voulu y faire face, dès la loi de 1882. L'ensemble du corps social et les parents sont concernés.

L'ordonnance de 1959 a réaffirmé ce principe. De nouvelles propositions pragmatiques ont été faites par MM. Raffarin, Ferry et Borloo, pour instaurer un contrat avec les familles. Celui-ci a été peu appliqué et l'absentéisme a continué à progresser. D'où la nouvelle tentative de M. Ciotti dont l'objectif n'est évidemment pas de supprimer les allocations familiales, nous sommes tous d'accord pour convenir qu'elles sont nécessaires. Mais, comme ultima ratio les parents peuvent être menacés de ne pas les percevoir s'ils font la preuve de leur irresponsabilité. L'objectif est bien de remettre les enfants à l'école qu'ils n'auraient jamais dû quitter.

Deux ans seulement après cette loi, vous l'abrogez ! Vous préparez un projet de loi de refondation de l'école. Il eût été compréhensible d'y insérer un dispositif gradué, peut-être différent et nous aurions pu dresser un bilan de la loi Ciotti. Le comité d'évaluation prévu par celle-ci n'a pas été mis en place. Il eût été légitime que vous le fissiez...

Mme Françoise Cartron, auteure de la proposition de loi.  - Il ne nous revient pas de pallier les lacunes de l'ancien gouvernement !

M. Jacques Legendre.  - Nous ne voterons pas cette proposition de loi. Même s'il n'est pas parfait, le dispositif Ciotti, s'il a pu sauver quelques enfants, s'est révélé utile. Légiférer aujourd'hui à la hussarde, nous nous y refusons, car les jeunes que vous voulez protéger seront les premières victimes de votre vote. (Applaudissements à droite)

À la demande du groupe UMP, l'article unique de la proposition de loi est mis aux voix par scrutin public.

M. le président. - Voici les résultats du scrutin :

Nombre de votants 343
Nombre de suffrages exprimés 342
Majorité absolue des suffrages exprimés 172
Pour l'adoption 174
Contre 168

Le Sénat a adopté.

(Applaudissements à gauche)