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Vous pouvez également consulter le compte rendu intégral de cette séance.


Table des matières



Déclaration des groupes d'opposition ou minoritaires

Engagement de procédure accélérée

Commission d'enquête (Candidatures)

Commission spéciale chargée du contrôle des comptes et de l'évaluation interne (Candidatures)

Débat sur la réussite à l'école

Mme Marie-Christine Blandin, présidente de la commission de la culture

Mme Françoise Cartron, rapporteure de la mission d'information sur la carte scolaire

Mme Brigitte Gonthier-Maurin, rapporteure de la mission d'information sur le métier d'enseignant. 

M. Jean-Claude Carle

Mme Françoise Férat

Mme Françoise Laborde

M. Jacques-Bernard Magner

M. Michel Le Scouarnec

Mme Corinne Bouchoux

Mme Colette Mélot

Mme Maryvonne Blondin

M. Robert Laufoaulu

M. Dominique Bailly

M. Michel Houel

Mme Claudine Lepage

M. Georges Patient

M. Vincent Peillon, ministre de l'éducation nationale

Commission d'enquête (Nominations)

Commission spéciale chargée du contrôle des comptes et de l'évaluation interne (Nominations)

Organismes extraparlementaires (Candidatures)

Avis sur des nominations

Débat sur l'évasion des capitaux hors de France

M. Philippe Dominati, président de la commission d'enquête sur l'évasion des capitaux et des actifs hors de France et ses incidences fiscales.

M. Éric Bocquet, rapporteur de la commission d'enquête sur l'évasion des capitaux et des actifs hors de France et ses incidences fiscales.

M. Jacques Chiron

Mme Nathalie Goulet

M. Yvon Collin

Mme Corinne Bouchoux

M. François Pillet

Mme Marie-France Beaufils

M. Louis Duvernois

M. François Patriat

M. Joël Guerriau

M. Yannick Vaugrenard

M. Roland du Luart

Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée auprès de la ministre de la réforme de l'État, de la décentralisation et de la fonction publique, chargée de la décentralisation

Organismes extraparlementaires (Nominations)

Débat sur les agences de notation

Mme Frédérique Espagnac, présidente de la mission commune d'information sur le fonctionnement la méthodologie et la crédibilité des agences de notation

M. Aymeri de Montesquiou, rapporteur de la mission commune d'information sur le fonctionnement, la méthodologie et la crédibilité des agences de notation. 

M. Éric Bocquet

M. François Fortassin

Mme Leila Aïchi

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx

M. Yannick Botrel

M. Vincent Delahaye

M. Jean Bizet

M. Pierre Moscovici, ministre de l'économie et des finances




SÉANCE

du mercredi 3 octobre 2012

3e séance de la session ordinaire 2012-2013

présidence de Mme Bariza Khiari,vice-présidente

Secrétaires : M. Hubert Falco, M. Gérard Le Cam.

La séance est ouverte à 14 h 35.

Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.

Déclaration des groupes d'opposition ou minoritaires

Mme la présidente.  - En application de l'article 5 bis de notre Règlement, M. le président du Sénat a reçu les déclarations des présidents de groupe qui souhaitent être reconnus comme groupes d'opposition ou groupes minoritaires au sens de l'article 51-1 de la Constitution.

M. Jean-Claude Gaudin, président du groupe UMP, a fait connaître que son groupe se déclare comme groupe d'opposition.

M. François Zocchetto, président du groupe UCR, Mme Éliane Assassi, présidente du groupe CRC, M. Jacques Mézard, président du groupe du RDSE, et M. Jean-Vincent Placé, président du groupe écologiste, ont quant à eux fait savoir que leurs groupes se déclarent comme groupes minoritaires.

Chacun de ces groupes pourra donc, au cours de la session, bénéficier des droits attribués aux groupes d'opposition et minoritaires par la Constitution et notre Règlement, notamment dans le cadre des journées mensuelles réservées.

Engagement de procédure accélérée

Mme la présidente.  - En application de l'article 45, alinéa 2, de la Constitution, le Gouvernement a engagé la procédure accélérée pour l'examen du projet de loi relatif à la sécurité et à la lutte contre le terrorisme et pour l'examen du projet de loi relatif à la mise en oeuvre du principe de participation du public défini à l'article 7 de la Charte de l'environnement.

Commission d'enquête (Candidatures)

Mme la présidente.  - L'ordre du jour appelle la désignation des 21 membres de la commission d'enquête sur l'influence des mouvements à caractère sectaire dans le domaine de la santé. Cette commission d'enquête a été créée à l'initiative du groupe du RDSE, en application de l'article 6 bis du Règlement du Sénat.

En application de l'article 8, alinéas 3 à 11, de notre Règlement, la liste des candidats présentés par les groupes a été affichée. Ces candidatures seront ratifiées si la présidence ne reçoit pas d'opposition dans le délai d'une heure.

Commission spéciale chargée du contrôle des comptes et de l'évaluation interne (Candidatures)

Mme la présidente.  - L'ordre du jour appelle la désignation des membres de la commission spéciale chargée du contrôle des comptes et de l'évaluation interne. Conformément à l'article 8 de notre Règlement, la liste des candidats remise par les bureaux des groupes a été affichée. Elle sera ratifiée s'il n'y a pas d'opposition dans le délai d'une heure.

Débat sur la réussite à l'école

Mme la présidente.  - L'ordre du jour appelle le débat sur les conditions de la réussite à l'école.

Mme Marie-Christine Blandin, présidente de la commission de la culture .  - J'ai souhaité ce débat car, dès octobre dernier, notre commission a mis l'accent sur cette question fondamentale pour l'avenir de la société : la réussite éducative. Notre commission a mené deux missions d'information, sur la carte scolaire et sur le métier d'enseignant.

La jeunesse est une priorité du président de la République, qu'illustre le grand débat « Refondons l'école de la République » lancé en août. Un projet de loi d'orientation et de programmation suivra, nous en serons saisis dans quelques semaines. Puissent les travaux du Sénat alimenter la réflexion du Gouvernement. La loi ne suffit pas, a bien dit le ministre devant la commission, il faut agir sur les habitudes, s'appuyer sur une approche globale, reprendre les valeurs de Jules Ferry, les décliner en fonction des mutations sociales. Le Canada ou la Finlande, dont on connaît les excellents résultats, ont fait le choix d'une école de la coopération, de l'épanouissement. Il n'y a pas de violence dans les classes Freinet. Il faut mettre fin à la course aux notes qui nous vaut le titre « d'école la plus injuste ». Il faut mettre fin à la sélection par l'exclusion. Il faut mettre fin à l'approche comptable.

Restaurons la confiance dans l'école, redonnons aux élèves le goût d'étudier. Il faudra s'appuyer sur la famille, le tissu associatif, les nouvelles technologies. L'éducation est un levier indispensable pour que le collectif humain puisse construire une société plus démocratique. (Applaudissements à gauche)

Mme Françoise Cartron, rapporteure de la mission d'information sur la carte scolaire .  - La crise de l'accès à l'emploi génère des angoisses, surtout pour les parents, inquiets pour l'avenir de leurs enfants ; L'école se doit d'être la meilleure.

Les classements et les évaluations distinguent les « bons » établissements des « mauvais », suscitant une école à deux vitesses et incitant certains parents à développer des stratégies de contournement pour éviter certains établissements. Le précédent gouvernement, au nom de la prétendue liberté, a assoupli la carte scolaire. Quel en est le bilan ? Les grands équilibres n'en ont pas été bouleversés car l'assouplissement était limité par la problématique des capacités d'accueil et des distances.

Les disparités territoriales sont importantes. La dynamique d'aggravation des inégalités est évidente et inquiétante. L'assouplissement de la sectorisation a servi de révélateur : un certain fatalisme social s'est répandu. Pour les parents, la qualité d'un collège ne dépend plus de ses enseignants, mais des enfants qui le fréquentent. D'où un recours croissant au privé. Des cercles vicieux se créent, avec une hiérarchisation des établissements, via une prolifération contre-productive des options. Dans les quartiers dits sensibles, la ghettoïsation nourrit un sentiment de déclassement chez ceux qui se sentent captifs de leur établissement de secteur.

Si l'assouplissement de la carte scolaire peut donc être tenu pour un échec, on ne saurait pour autant revenir à la situation antérieure. Les stratégies de dérogation, sur la base d'options ou de classes spécifiques comme les classes à horaires aménagés musicales (Cham) ou les classes internationales, resteraient utilisées par les familles informées, qui pourraient toujours recourir au privé.

Nous proposons donc de faire de la mixité sociale un facteur de réussite et de refuser la fermeture d'établissements ghettoïsés : le remède serait pire que le mal. Mieux vaut revoir le système des options, moduler les dotations aux établissements en fonction de leur composition sociale car, dans les quartiers sensibles, le collège reste un lieu de lien social, de savoir et de culture. Le fermer éloignerait encore davantage ces familles de l'école. Il convient, au contraire, de rétablir une stratégie d'excellence. Cessons d'y nommer de jeunes professeurs fraîchement titulaires. Les options sont utilisées comme mode de dénégation : nous proposons de remettre les choses à plat pour y mettre fin. Moduler les dotations en fonction de la composition sociale permettrait aussi de soutenir des collèges ruraux paupérisés. Pour eux, évitons la double peine : la perte des meilleurs élèves et la diminution des dotations.

Une redéfinition de la carte scolaire ne peut se faire qu'en concertation avec les collectivités locales : des secteurs élargis ont plus de chance d'être mixtes socialement. Prenons modèle sur la procédure en vigueur à Paris depuis 2008, qui a accru significativement la mixité sociale. Redonnons confiance aux élèves, aux parents, aux enseignants. Pour citer Anatole France : « c'est lorsque l'on croit aux roses qu'on les fait éclore ». (Applaudissements à gauche)

Mme Brigitte Gonthier-Maurin, rapporteure de la mission d'information sur le métier d'enseignant.  - Ces six mois d'auditions et de réflexions se voulaient une préparation à la refondation de l'école, pour alimenter le débat public. Les réactions du monde enseignant après la publication du rapport montrent que nous avons mis le doigt sur des réalités fondamentales. La souffrance ordinaire des enseignants est patente. Les tensions au travail s'exacerbent avec les chefs d'établissements. Les relations avec les parents deviennent de plus en plus difficiles. Les causes sont à rechercher du côté de la RGPP et de la succession rapide des réformes, qui a déplacé le coeur de métier. La masterisation est un échec, qui a fragilisé la formation des enseignants.

Comment redresser la situation ? Il faut avant tout soigner l'école, dont le sens a été brouillé. Il faut redonner un cap clair au service public de l'éducation. Un mot pour le définir : l'émancipation. Il faut refaire de l'école le vecteur de la démocratisation du savoir. Le précédent gouvernement avait trop mis l'accent sur la dimension méritocratique : tous doivent pouvoir réussir ! Le grand physicien Paul Langevin, dont on connaît l'action pour l'éducation nouvelle, remarquait dès 1924 que l'enfant se replie trop sur sa caste, et dès 1930, refusait de puiser dans la masse un petit nombre de privilégiés. Face au défi de la démocratisation, il faut revoir les techniques pédagogiques. Le principe central doit être celui de « tous capables ».

Garantir un cadrage national fort pour contenir les disparités locales, tenir compte de la diversité des enseignants, maintenir la formation au sein de l'université, assurer une professionnalisation progressive au mastère, rétablir un stage d'un an, opérer un pré-recrutement dès la licence, telles sont nos propositions pour la formation initiale.

Je plaide aussi pour une politique ambitieuse de formation continue des enseignants, c'est une clé essentielle. Cela suppose d'accroître les moyens de remplacement pour libérer les enseignants.

La solitude des enseignants se traduit aussi bien face aux parents et à la hiérarchie que face à la classe. Il faut organiser des lieux, des temps où ils pourraient se réunir, échanger, hors de toute injonction. L'expérience des collectifs d'enseignants doit être poursuivie. La standardisation des pratiques pédagogiques n'améliore par leur efficacité.

Il faut moins de prescription verticale, plus de respect pour l'enseignant. Cela passe par une revalorisation de la condition enseignante, matérielle et symbolique. La fixation d'un nombre d'heures hebdomadaires de cours est structurante : elle pourrait être modulée en zone prioritaire. Il faut aussi renforcer la médecine de prévention, assurer la santé des professionnels et mieux accompagner les enseignants en fin de carrière. Bref, pour le métier d'enseignant, il faut de l'ambition et de l'exigence. La démocratisation scolaire passe par là ! (Applaudissements à gauche)

M. Jean-Claude Carle .  - Je me réjouis de la tenue de ce débat. Notre pays investit beaucoup dans l'école ; en termes de résultats, nous ne sommes que dans la moyenne de l'OCDE. Les pays les plus performants consacrent moins de moyens que nous, preuve que l'argent ne réglera pas tout.

Je me suis rendu sur le site internet du ministère consacré à l'école primaire. On y lit que 40 % des élèves ne savent pas correctement lire et écrire à la fin de l'école primaire. La France est l'un des pays où l'origine socio-économique a le plus d'impact sur la réussite scolaire : c'est donc l'un des pays les plus inégalitaires. C'est un échec collectif, celui des politiques et aussi des corporatismes de tout bord.

Oui, il faut faire de l'école primaire notre priorité : 85 % des élèves en difficulté à la fin du primaire l'étaient déjà lors de leur première année. Tout se joue très tôt.

Quels sont les vecteurs de la réussite de tous les élèves ? Le premier est « l'effet maître ». C'est la pratique pédagogique mise en oeuvre qui détermine la réussite de l'élève. Un enseignant efficace peut contrecarrer les effets de l'origine sociale des élèves. La rénovation des pratiques pédagogiques est donc au coeur de la question. Ce qui est en cause, ce n'est pas la variabilité des pratiques pédagogiques, mais la variabilité de l'acquisition. La diffusion des bonnes pratiques pédagogiques,...

Mme Christiane Demontès.  - Quelle amnésie !

M. Jean-Claude Carle.  - ... l'évaluation, sont au coeur de la refondation. Le respect du corps enseignant passe par son évaluation : « On n'enseigne pas ce que l'on sait, on enseigne ce que l'on est » disait Jaurès. (Exclamations amusées à gauche) Recherchons avant tout de bons pédagogues !

La formation des professeurs ne peut être la même selon qu'on enseigne à des enfants de 12 ou de 6 ans. Les professeurs doivent être formés aux pratiques pédagogiques. (Même mouvement) N'oublions pas, à côté de la formation initiale, la formation continue. Il faudra en débattre.

Le groupe UMP a conscience de la dramatique déliquescence de notre système éducatif. (On s'esclaffe à gauche) Chacun est responsable.

Mme Christiane Demontès.  - Certains plus que d'autres !

M. Jean-Claude Carle.  - Monsieur le ministre, vous dites vouloir être le ministre des élèves, mais je crains que vous ne cédiez, vous aussi, aux corporatismes... Il faut associer tous les acteurs, y compris les élus locaux.

L'amélioration de la performance du système scolaire au Portugal ou en Pologne doit nous inspirer. Un objectif s'impose à nous : avoir 95 % des élèves sachant lire, écrire et compter à la fin de l'école primaire -d'ici la fin du quinquennat ! « Apprenez-leur à lire, à écrire et à compter. Ce n'est pas seulement utile, c'est la base de tout » disait Charles Péguy en 1902.

Je vous souhaite de réussir, monsieur le ministre. Votre échec serait celui de la France, celui de l'avenir de nos enfants ! (Applaudissements à droite)

Mme Françoise Férat .  - L'école de la République doit être une chance. L'école obligatoire ne signifie pas l'égalité des élèves, mais l'éducation nationale doit pouvoir assurer l'égalité des chances de réussite. C'est le socle du pacte républicain.

La réussite scolaire ne se mesure pas au pourcentage de redoublement, ou de bacheliers. Elle s'apprécie individuellement, au regard du développement personnel et social de chaque élève. Quelque 150 000 jeunes sortent prématurément du système sans diplômes ; si c'est parce que le système proposé n'était pas adéquat, c'est inquiétant.

La qualité de l'orientation est primordiale. Les étapes cruciales des classes de troisième et de seconde sont capitales. Dès lors qu'un élève est bien orienté, la solution -filière générale, apprentissage, alternance- est la bonne. Les établissements doivent bâtir leur projet pédagogique en fonction des besoins des élèves.

Le temps de l'expérimentation est passé : l'augmentation du temps passé à l'école, dont une partie consacrée aux activités récréatives, semble faire consensus.

Les élèves français travaillent trop, avec des résultats insatisfaisants. Il faut instaurer au plus vite la semaine de quatre jours et demi, et rallonger l'année scolaire de deux semaines. Je vous laisse décider à quel moment !

Monsieur le ministre, l'apprentissage du savoir-vivre et du savoir-faire passe par l'organisation d'activités périscolaires, mettant l'accent sur la pratique sportive ou artistique.

Il faut rendre plus lisible les différents réseaux d'éducation prioritaire, aller vers une offre plus individualisée. De nombreux jeunes en difficulté scolaire viennent d'un cadre familial qui n'est pas apaisé. La multiplication des actes racistes, antisémites, des actes de violence inquiète. La discipline doit être rétablie ; peut-être pouvez-vous agir par circulaire ?

Il est illusoire de prétendre appliquer une recette miracle à l'échec scolaire. (M. Jean-Claude Carle approuve) Il faut décentraliser la question scolaire, faire confiance aux recteurs et aux professeurs. De nombreux rapports ont été publiés sur de multiples sujets, tout aussi intéressants les uns que les autres. Le temps de la réflexion doit désormais céder la place à celui de l'action ! (Applaudissements au centre et à droite)

Mme Nathalie Goulet.  - Très bien !

Mme Françoise Laborde .  - L'école a fait l'objet de multiples études, qui n'ont que rarement été traduites dans les faits. Ces deux rapports du Sénat montrent notre volonté de tout faire pour refonder l'école de la République. Ce sera un travail de longue haleine. La politique éducative du précédent gouvernement a été destructrice, même si M. Carle semble avoir tout oublié.

M. Jean-Claude Carle.  - Sans doute parce que je n'ai pas de culture. (Sourires)

Mme Françoise Laborde.  - Un principe doit nous guider : l'égalité. Tous n'ont pas les mêmes chances de réussir. Un élève sur cinq connaît de graves difficultés à 15 ans.

Le taux de scolarisation des 15-19 ans est passé de 89 à 84 %, or 74 % de ces jeunes déscolarisés sont inactifs, proportion bien supérieure à la moyenne de l'OCDE. Ce sont surtout les élèves issus de milieux défavorisés qui en font les frais. Mettre en place des aides inadaptées, recruter des enseignants peu formés à la pédagogie, tout cela contribue au renforcement d'une école à deux vitesses, dont le privé fait son miel.

Monsieur le ministre, pouvez-vous dresser un bilan des aides personnalisées mises en place par votre prédécesseur en 2008 ? Quid de la suppression des Rased ? Les journées ont été allongées, sans que les résultats s'améliorent. La reconstitution des Rased s'impose.

Les suppressions de postes dans l'éducation nationale ont durement frappé les écoles rurales. Les inégalités territoriales ont accentué les inégalités sociales. Ces jeunes sont orientés plus que d'autres vers la voie professionnelle. On mesure les dégâts causés par le précédent quinquennat ! De quels moyens disposeront les départements et les communes lorsque nous repasserons à la journée de quatre jours et demi ? Les maires sont inquiets : devront-ils se substituer à l'éducation nationale pour organiser les activités périscolaires ?

Le manque de personnels et de moyens risque d'empêcher la pratique de ces activités après les cours, creusant les inégalités entre communes pauvres et riches. Nous savons pourtant ce qu'elles apportent à l'épanouissement de l'enfant, au développement de son esprit critique. Ne faudrait-il pas les inclure dans les programmes de l'éducation nationale ?

Nous aurons l'occasion de reparler du métier d'enseignant. Dès à présent, disons que la création de 43 400 postes d'enseignants en 2013 est un heureux signal, après la destruction de 80 000 postes en cinq ans. Reste encore à travailler sur leur rémunération.

Vous avez proposé l'ouverture exceptionnelle d'un deuxième concours de prérecrutement pour les étudiants de master 1. La commission de la culture a réé un groupe de travail ad hoc, elle vous fera des propositions.

Pour conclure, vous trouverez, monsieur le ministre, le groupe RDSE à vos côtés pour refonder l'école ! (Applaudissements à gauche)

M. Jacques-Bernard Magner .  - Les enseignants ne sont pas des exécutants, ce sont des créateurs. C'est sur cette force et leur dévouement qu'il faut refonder l'école, en tenant compte des besoins des enfants, des attentes des parents, des objectifs de l'institution scolaire. L'école n'est pas utilitariste, elle est un lieu d'éveil, de formation, d'apprentissage des valeurs du vivre ensemble. Avec son discours du 15 mai dernier, le président François Hollande a assuré les enseignants de son soutien, un message fort qui a porté.

Refonder la formation des enseignants est une priorité pour refonder l'école. Enseigner n'est pas un art, c'est un métier. Il faut se réapproprier la psychopédagogie. Pour des raisons budgétaires et idéologiques, le précédent gouvernement avait sacrifié la formation des enseignants, comme si enseigner était le seul métier qui ne s'apprenait pas....

M. Ronan Kerdraon.  - Très bien !

M. Jacques-Bernard Magner.  - Dans la refonte de la formation des enseignants, il faudra mettre l'accent sur l'informatique, l'enseignement en maternelle, les pédagogies différenciées, le travail en équipe. La formation en alternance est une voie intéressante.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin, rapporteure.  - Absolument !

M. Jacques-Bernard Magner.  - On peut également se féliciter de l'instauration du pré-recrutement. À cet égard, il faut mêler néo-titulaires et enseignants chevronnés dans les établissements, en ménageant des expérimentations de tutorat, par exemple grâce aux futurs contrats de génération.

Il est temps de replacer l'école dans son environnement, de retrouver la notion de communauté éducative, dont le maître est le pivot, autour de l'enfant. Celle-ci devra être associée à la révision des rythmes scolaires et à la définition des parcours.

Quelle réponse apporter au décrochage scolaire ? Une réponse adaptée à chaque territoire, il ne saurait y avoir de formule unique. Oui au projet éducatif co-construit.

Enfin, l'évaluation doit changer : il faut passer d'une évaluation individuelle pour classer à une évaluation collective pour progresser.

Refonder l'école, c'est réhabiliter un service public de l'éducation pour tous par le dialogue avec les collectivités territoriales, les parents et tous les acteurs de la communauté éducative ; c'est restaurer la confiance, c'est redonner des marges de manoeuvre aux enseignants. C'est aussi redéfinir le métier, donc le statut des enseignants. Ce sera le rôle de la concertation préalable à la loi d'orientation et de programmation. (Applaudissements sur les bancs socialistes et écologistes)

M. Michel Le Scouarnec .  - Le bilan de l'école française est plus que contrasté. D'après le rapport de la Cour des comptes et les enquêtes Pisa, la France est le pays où le poids des déterminismes sociaux est le plus fort : un enfant d'ouvrier a cinq fois moins de chances d'obtenir un bac général qu'un enfant de cadre.

M. Jean-Claude Carle.  - C'est vrai !

M. Michel Le Scouarnec.  - Il est temps d'agir et, surtout, de changer de politique éducative. Contrairement au gouvernement précédent qui défendait la réussite de quelques-uns, nous voulons la réussite pour tous en luttant contre les orientations par défaut, en revalorisant les filières de relégation, en faisant reculer les inégalités, en permettant à chaque élève de construire sa propre vie scolaire et intellectuelle.

Durant la campagne présidentielle, le candidat Hollande s'est engagé à réduire de moitié le nombre d'élèves décrocheurs en cinq ans. L'origine sociale, les classes surchargées, le sentiment d'isolement de l'enfant expliquent souvent le décrochage. La pratique éducative n'est donc pas seule en cause.

Pour répondre à ce phénomène multifactoriel, il faut construire un projet autour de l'enfant, associant l'école, la famille et les collectivités locales. Celles-ci, ces dernières années, ont beaucoup fait quand l'État de son côté se désengageait. Peut-être était-ce une impression...

Mme Brigitte Gonthier-Maurin, rapporteure.  - Non, c'est vrai !

M. Michel Le Scouarnec.  - La création de 43 500 postes d'enseignants en 2013 était nécessaire et urgente. Mais elle ne suffira pas. Comment dénouer la crise des vocations ? Le pré-recrutement ? Quel statut auront les élèves de master ? Quel sera le contenu des concours ? Quid des futures écoles supérieures ? Cette filière a-t-elle vocation à devenir l'unique voie de recrutement ? Nous retrouverions ainsi plus de mixité, cette mixité que favorisaient les écoles normales par lesquelles je suis passé, comme beaucoup d'entre nous. Pour ma part, je soutiens qu'il faut faire de ces élèves-enseignants des fonctionnaires liés par contrat à l'État, s'engageant à présenter les concours de l'éducation nationale et à servir pendant un nombre minimum d'années. Quelles sont les intentions du Gouvernement ?

Il faut refonder l'école républicaine, seule capable de redonner confiance en l'avenir ! (Applaudissements à gauche)

Mme Corinne Bouchoux .  - Pour nous, l'école est un sujet si important qu'il mériterait davantage qu'une concertation à chaque élection présidentielle.

Pour une école de la réussite, il faut agir sur plusieurs leviers : la lutte contre le décrochage scolaire et, ce dont on parle moins, l'ennui à l'école. Le premier phénomène est un formidable gâchis, qui touche surtout les populations les plus fragiles mais n'épargne pas les élèves des beaux quartiers. Quant à l'ennui, il trouve son origine dans le sentiment d'enfermement dans des disciplines sans lien entre elles ni avec la réalité, dans le recours inefficace au redoublement.

Certaines collectivités locales ont fait des expérimentations intéressantes qu'il faudrait étudier.

Nous plaidons pour une scolarité pour tous de 6 à 16 ans, libérée de la pression des notes, en tout cas dans le primaire ; avant 11 ans, cela ne sert à rien ! Nous allons en Finlande pour voir ce qui s'y fait, mais nous n'adoptons pas les mesures qui y ont pourtant fait leurs preuves !

La finalité du système éducatif ne doit plus être de sortir une élite mais de donner à tous un bagage.

La refondation passe aussi par une autre formation des enseignants, je ne répète pas ce qu'ont dit les précédents intervenants sur la formation initiale sinon pour dire qu'il faut apprendre aux enseignants à se trouver face à des élèves qui répondent, qui ont envie de participer sans peur de se tromper. Eh oui, le monde a changé !

Enfin, le bien-être des élèves à l'école. Car cela amuse peut-être certains, mais la France compte de très bons élèves qui sont malheureux. À quand une enquête sur les suicides des élèves en classes préparatoires ? Plus généralement, il faut davantage de psychologues et d'éducateurs, davantage de prévention, de lutte contre les discriminations et les addictions -parfois dès 11 ans !

Monsieur le ministre, nous comptons sur vous ! (Applaudissements à gauche)

Mme Colette Mélot .  - Selon les enquêtes Pisa, notre pays se caractérise par des performances dans la moyenne, mais se distingue par des écarts supérieurs de niveau entre les meilleurs et les moins bons, de plus grandes inégalités sociales et territoriales. Pouvons-nous accepter une école à deux vitesses ?

Que faire ? Les élèves ont changé, pas l'école. La massification, le changement des mentalités, le déclin des valeurs traditionnelles et, dans une moindre mesure, l'immigration, ont métamorphosé la composition des classes. Aujourd'hui, reconnaissons-le, dans certaines classes, il est devenu très difficile d'enseigner.

L'école de la République est l'affaire de tous. Monsieur le ministre, vos prédécesseurs ont mené d'indispensables réformes : l'aide personnalisée, qui a bénéficié à 26 % des élèves, à 33 % en zone prioritaire ; ou encore le recentrage des programme sur les fondamentaux. Il faut poursuivre.

Les fondamentaux en primaire ne sont pas universellement acquis, sans doute à cause des méthodes et de la réécriture incessantes de programmes. Le collège unique des années 1970 est devenu une machine à niveler par le bas. Je le dis pour les bons élèves et pour ceux qui sont en difficulté. On n'a pas le temps d'aider ces derniers ! La mixité est un idéal... difficile à mettre en pratique. La notion de socle commun est encore floue -le livret personnel de compétences vient être simplifié, c'est bien. Il faut poursuivre l'effort, laisser aussi au lycée de la réussite le temps de faire ses preuves. La réforme de la voie professionnelle ? Trop souvent, l'orientation est subie : on choisit le lycée professionnel par défaut. Il faut valoriser les filières professionnelles, pourvoyeuses d'emplois. Je pense à l'hôtellerie, la petite enfance ou encore les métiers d'art...

Les enfants veulent aller à l'école en paix. Pour mettre fin aux violences scolaires, tristement sous les feux de l'actualité, il faut resserrer les liens avec les familles et, surtout, écouter les enseignants.

L'autonomie des établissements est une question fondamentale. Elle fait le succès du système finlandais, je l'avais souligné dans un récent rapport. Je regrette qu'elle ne soit plus d'actualité...

Certes, la pédagogie est essentielle dans la réussite des élèves, mais il faut d'autres moyens pour que tous les élèves français aient les mêmes chances.

Le groupe UMP sera vigilant, la mission de l'éducation nous incombe à tous ! (Applaudissements sur les bancs UMP)

Mme Maryvonne Blondin .  - Bien vivre à l'école, sans s'y ennuyer, y aller avec plaisir : on en parle trop peu souvent. Pourtant, la question est étroitement liée à celle de la violence scolaire. Je me réjouis d'ailleurs de la création d'une délégation aux violences scolaires au sein du ministère et d'un nouveau métier, celui d'assistant de prévention et de sécurité.

La réussite des élèves passe aussi par leur santé. Comment bien apprendre quand on a le ventre vide, qu'on entend ou qu'on voit mal, qu'on vit dans un appartement exigu ou insalubre ? On voit resurgir des maladies oubliées, des cas de tuberculose, de gale ou de rougeole.

Les infirmières ont enfin un statut de cadre A et les médecins scolaires ont obtenu une revalorisation indiciaire, c'est bien. Il faut maintenant aller plus loin : reconnaître aux médecins de l'éducation nationale une spécialisation en médecine générale ou en santé publique, augmenter le nombre de postes, introduire la prévention dans les programmes, notamment préélémentaires et élémentaires. Et je n'oublie pas la nécessaire refonte de la formation des enseignants.

Bref, le chantier est vaste pour redonner à nos jeunes le plaisir d'apprendre ! (Applaudissements à gauche)

M. Robert Laufoaulu .  - Ancien enseignant, je me réjouis de ce débat. Oui, la réussite scolaire est le moteur de l'ascenseur social. Mais je veux vous parler de la situation de mon territoire, un territoire exigu, au bout du monde : Wallis et Futuna. Ses problèmes sont ceux que connaît la métropole, mais amplifié, exacerbés même.

Depuis le dernier cyclone, les locaux d'enseignement sont extrêmement dégradés. La fracture numérique est là, on manque d'ordinateurs, l'accès internet n'est pas satisfaisant et les jeunes ne peuvent pas se tourner vers les bibliothèques, assez pauvres. L'offre de formation est insuffisante, même si je comprends bien que l'on ne peut pas tout avoir partout.

Enfin, le problème du recrutement. Notre territoire devrait être consulté. Certains métropolitains ne semblent rechercher qu'un séjour au soleil, mieux payé, tandis que d'autres, pourtant motivés, doivent partir parce que la durée de détachement de deux ans ne peut être renouvelée qu'une fois. Un peu plus de souplesse serait bienvenue...

Merci de votre écoute. (Applaudissements)

M. Dominique Bailly .  - Pour les jeunes qui sortent de l'éducation nationale sans formation ni qualification, nous avons créé, il y a quelques jours, les emplois d'avenir. Mais comment agir en amont ? Les travaux internationaux soulignent le lien entre mauvaises performances scolaires et absence de mixité. L'assouplissement de la carte scolaire, décidée par le gouvernement précédent, a conduit à davantage de ségrégation.

Alors que faire ? Certainement pas revenir au statu quo ante. Selon moi, et ce sera l'objet de mon intervention, la clé est dans la différenciation territoriale. Je suis élu du Nord, département le plus peuplé de France, un territoire qui comprend de vastes zones urbaines ainsi que des zones rurales. La réforme de la carte scolaire doit passer par une appréciation fine des enjeux territoriaux. En zone urbaine, les secteurs des collèges pourraient être élargis -ce qui n'est pas envisageable en zone rurale, dont les petits établissements devraient disposer de moyens supplémentaires. Cela suppose une concertation approfondie avec les collectivités territoriales, plus particulièrement les conseils généraux. Ces derniers pourraient jouer un rôle majeur dans le redécoupage des secteurs, sujet délicat, et l'élaboration de la carte des formations. Il devrait être possible de moduler les dotations selon la composition sociale des établissements. Je n'oublie pas, non plus, les communes, qui doivent être associées. À l'heure de l'acte III de la décentralisation, il est temps d'adopter une vision territoriale de l'école.

Nous voulons une éducation de qualité pour tous les élèves, quel que soit leur lieu de résidence. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Michel Houel .  - Être jeune est devenu un problème en France. Autant pour celui qui n'a pas de qualifications que pour celui qui a choisi de poursuivre ses études supérieures. Pourtant, il est une filière qui garantit l'emploi : je veux bien sûr parler de l'apprentissage. Pourquoi vouloir faire à tout prix de nos tous enfants des bacheliers ?

Malheureusement, au pays de Descartes et de Pascal, on continue de faire primer le savoir abstrait sur le geste. Savez-vous que les maîtres d'apprentis, une fois le travail terminé, font souvent l'école aux jeunes ? Comment un pâtissier peut-il faire un gâteau sans savoir mesurer le beurre, le sucre, la farine et les oeufs ? Le choix du lycée professionnel, de l'apprentissage, de la formation en alternance est encore trop souvent un choix par défaut.

Les jeunes ayant suivi la voie de l'apprentissage trouvent plus souvent un emploi en CDI, ils sont 86 % à trouver un emploi dans les six mois. Enfin, on estime à 40 % le nombre d'apprentis qui deviendront, à terme, chefs d'entreprise !

Voyez l'Allemagne : deux tiers des jeunes y sont formés par alternance, contre un tiers en France. La culture y est différente, la question de l'orientation y est abordée très tôt : l'apprentissage n'y est pas un pis-aller, après la multiplication des échecs scolaires. Les entreprises sont actives en la matière, des réseaux locaux existent.

Le gouvernement de Nicolas Sarkozy avait affiché un objectif ambitieux. Il est urgent de poursuivre, d'encourager les jeunes à s'engager dans cette voie d'excellence. L'alternance est une formule gagnante pour tous ! (Applaudissements à droite)

Mme Claudine Lepage .  - C'est de l'éducation que dépend l'avenir de notre jeunesse et le redressement de la France, avez-vous déclaré monsieur le ministre. Il faut en effet refonder l'école pour éponger la dette éducative qu'on nous a laissée...

Les lycées français à l'étranger ont d'excellents résultats : 95 % de bacheliers. Mais cela masque une réalité contrastée. Ces lycées, parfois très onéreux, sont réservés aux familles aisées ou à ceux qui répondent aux critères draconiens des bourses. Le président François Hollande s'est engagé à les ouvrir davantage. Les établissements manquent de place : l'AEFE est en sous-financement chronique... Deux élèves sur trois sont exclus du réseau, pour des raisons géographiques, mais aussi faute de prise en charge suffisante des enfants en situation de handicap.

Au-delà, le problème est celui de l'offre éducative. Les filières techniques et professionnelles demeurent exceptionnelles : les élèves concernés sont gentiment invités à rejoindre le système local... L'échec scolaire se transforme en réorientation vers le système local. Les résultats brillants au baccalauréat sont donc illusoires. Attention à ce que notre réseau de lycées français à l'étranger, filière d'excellence, ne se résume pas à une pépinière de privilégiés ! (Applaudissements à gauche)

M. Georges Patient .  - J'ai trois minutes pour parler de l'école en Guyane, c'est peu ! La situation appelle un jugement sévère. Cinquante-huit pour cent des 25-34 ans sont sans diplômes, contre 26 % en Martinique, 19 % en moyenne nationale. La Guyane concentre les plus mauvais résultats. Premier facteur : la forte croissance démographique, de 5 à 8 % par an. Deuxième facteur, la diversité des origines et des cultures : 102 populations, quinze langues usuelles ! Troisième facteur : les difficultés de recrutement et de stabilisation des enseignants, généralement métropolitains et inexpérimentés, d'où un turnover considérable. Il faut une politique plus adaptée aux réalités de la Guyane. J'ai fait plusieurs suggestions en ce sens : d'abord, multiplier les possibilités d'apprentissage de langues autres que le français. Une école bilingue dès la maternelle, pourquoi pas, comme au pays basque ou en Bretagne ? Il faut mettre sur la table la question du recrutement et de la formation des enseignants, inventer des solutions originales, innovantes pour répondre au problème des locaux. Pourquoi ne pas organiser deux enseignements, l'un le matin, l'autre l'après-midi ? L'objectif de l'éducation nationale n'est-il pas de scolariser tous les enfants ?

Il faut redonner confiance dans le système scolaire. L'école a une mission : fonder l'esprit démocratique d'une méritocratie républicaine, construire une société où chacun a sa chance, où les déterminismes sociaux peuvent être surmontés !

M. Vincent Peillon, ministre de l'éducation nationale .  - Je veux vous remercier chaleureusement pour la qualité de ce débat, qui se tient à un moment particulier. Vendredi, la concertation remettra son rapport. Mardi prochain, le président de la République dira ses priorités en matière d'éducation. Le jeudi suivant, les premiers arbitrages seront rendus et le projet de loi sera présenté à la fin du mois. Autour de l'école, les Français peuvent se rassembler.

Madame la présidente Blandin, je partage l'idée que tradition et modernité ne s'opposent pas. C'est l'idée même de la refondation, qui puise dans le XIXe siècle l'exemple de ce que peut être l'école du XXIe siècle. C'est notre histoire, elle doit être notre avenir. La France n'a pas de religion civile, c'est l'esprit d'un peuple, l'esprit public selon Condorcet.

Depuis la Révolution française, la France s'est construite autour de son école. Chaque fois que l'école a été attaquée, la République a été blessée. Chaque fois que la République a été attaquée, l'école était en première ligne.

Nous avons un effort considérable à accomplir. Les élèves ont changé, le monde a changé. Trouvons dans l'inspiration ancienne la force d'aborder l'avenir. Nous ne sommes pas soumis à la dictature du présent. Faire le choix de l'école, c'est faire le choix du temps long, de la raison contre l'émotion. Nous ne serons pas jugés sur les résultats des élèves qui ont subi les réformes récentes. L'école, c'est la France de demain. Cela suppose d'enjamber le temps médiatique, le temps politique. Former un enseignant, c'est former celui qui formera, à son tour, un Français du XXIIe siècle.

Quand François Hollande a choisi de faire de l'école sa priorité, c'était pour aborder le siècle qui s'ouvre avec force, avec nos valeurs. L'école a beaucoup souffert de la réformite. Il y a eu tant de réformes qu'on s'y perd ! Les réformes de structure devront engager des réformes d'esprit, de pédagogie, dans notre rapport avec l'acte d'instruire. Il faut passer de la défiance à la confiance, de la compétition à la coopération. L'éducation est une coéducation. Elle n'appartient ni aux enseignants, ni aux élèves, ni aux familles ; elle appartient à tous les Français. Les dépenses d'investissement dans l'éducation sont portées pour 25 % par les collectivités locales : elles doivent être associées à la définition des politiques. Tous les acteurs doivent participer à la refondation de l'école.

Madame Cartron, le travail du Sénat a été salué par toute la concertation. Vos préconisations audacieuses sont d'ailleurs en passe d'être reprises. Le diagnostic est juste : l'assouplissement de la carte scolaire n'a fait qu'aggraver les difficultés. Le retour à la situation précédente n'est pas une solution, et il est difficile de distinguer la question de la carte scolaire de celle de l'éducation prioritaire. Inégalités, poids des déterminismes, le bilan est partagé.

Il va falloir être courageux et ambitieux sur la question de la mixité sociale et scolaire. Elle est facteur de réussite. Une production trop malthusienne de nos élites s'accompagne de l'accroissement du décrochage. Opposer les bons aux mauvais, c'est notre spécialité ! Quel gâchis, humain, économique et social ! Le cercle vicieux s'enclenche dès le primaire, on le sait, jusqu'au moment où l'on refuse au bachelier professionnel l'inscription en IUT où les places sont prises par les bacheliers scientifiques ! L'échec, nous le produisons nous-mêmes !

La mixité scolaire ne peut être que volontaire, par le réaménagement de la carte scolaire. Nous devrons associer les collectivités locales, fixer des objectifs ambitieux. Il faut une autre territorialisation, affecter des moyens en fonction de la mixité sociale.

Pitié, ne faisons pas l'erreur de celui qui, en 2007, promettait de traduire ses discours en actes. On sait ce qu'il en était de ces promesses cinq ans après... Si l'égalité est au coeur du projet éducatif, alors il faut s'en donner les moyens.

Vous verrez la semaine prochaine que vos préconisations ont été suivies. Le Sénat fait mentir sa réputation : lui aussi peut être audacieux !

Mme Gonthier-Maurin a été très sévère. Oui, il faut faire évoluer le métier d'enseignant. Le travail en équipe, interdisciplinaire, tout cela existe. Il faudra en tirer les conséquences dans la formation.

Le concours va-t-il être en fin de L3 ? Cela contrarierait les enseignants, attachés à la réforme de la mastérisation. Attention au problème du financement : si l'éducation nationale est prioritaire, il nous incombe de bien utiliser l'argent public en cette période difficile ! Les 43 000 recrutements, soit la création de 9 000 postes supplémentaires, a provoqué des cris d'orfraie. C'est un effort considérable. Les nouveaux enseignants, recrutés en juin 2013, seront payés à mi-temps, et feront six heures de cours, après un an de formation. Doubler cette durée, ce serait sacrifier d'autres priorités : la médecine scolaire, l'accompagnement des enfants en situation de handicap. Veillons à assortir nos propositions des conditions de faisabilité. Les pré-recrutements sont ciblés sur les disciplines prioritaires.

La crise de vocation ? Halte à ce pessimisme. Tout était fait pour dégoûter les jeunes ! Si nous veillons à ne pas les envoyer tout de suite sur le terrain et à les rémunérer correctement, ils s'engageront. Nous avons 100 000 inscrits pour les concours en cours ! Ils seront plus nombreux encore en juin ! Ils veulent contribuer à la réussite de leur pays. Le vivier, il existe ! Nous ciblons les disciplines prioritaires les plus sinistrées : mathématiques, anglais.

Le tronc commun est la clé du succès : pas d'orientation précoce. Si seulement tout l'apprentissage avait toutes les vertus que vous lui prêtez !

Nous devons refonder le système d'orientation. Je crois beaucoup au rôle des collectivités locales en la matière. Il faut reconstruire les parcours, de la 6ème à l'université, mutualiser l'information, mieux faire connaître le monde de l'entreprise.

On méconnaît trop la mission républicaine : émanciper, mais aussi insérer professionnellement. Comment combattre l'ignorance sans combattre l'indigence ? Il y aurait 600 000 offres d'emplois non pourvues ; dans les lycées professionnels, ce sont 40 000 places non pourvues !

Nous manquons d'ingénieurs, de personnel dans l'hôtellerie-restauration. Un grand pays, c'est celui qui lie investissement éducatif et redressement productif. Un grand pays moderne, c'est celui qui fait progresser le niveau de qualification de toute sa jeunesse !

La question des rythmes scolaires ? La reconquête du temps scolaire doit se faire dans l'égalité, vous l'avez tous dit. Certaines réformes, telle l'autonomie des lycées, ont des effets pervers, dont l'accroissement des inégalités. Il faudra utiliser la péréquation, la solidarité, pour que tous les territoires offrent aux enfants les mêmes droits, dans un territoire rural...

Mme Nathalie Goulet.  - Dans l'Orne !

M. Vincent Peillon, ministre.  - ... comme dans les grandes villes. C'est une condition indispensable de la réussite.

Vous avez plaidé pour l'urgence -ce qui peur paraître étonnant, au Sénat ! (On apprécie diversement) Il y a eu beaucoup de concertations, de rapports. On perd du temps ! Je n'ai jamais cru qu'une loi transformait la vie des gens. Elle est utile -il y aura une loi d'orientation et de programmation. Mais notre action se fera dans la durée. On ne résoudra pas les problèmes en quinze jours ! Il faut une action juste, vaillante et persévérante. La représentation parlementaire aura un rôle déterminant à jouer, lors du vote mais aussi du suivi de l'application de la loi. Je crois que les Français sauront se rassembler autour de l'école, pour le redressement de la France ! (Applaudissements à gauche)

Commission d'enquête (Nominations)

Mme la présidente.  - Je rappelle que les groupes ont présenté leurs candidatures pour la commission d'enquête sur l'influence des mouvements à caractère sectaire dans le domaine de la santé.

La présidence n'ayant reçu aucune opposition, elles sont ratifiées et je proclame M. Philippe Bas, Mmes Nicole Bonnefoy, Laurence Cohen, Catherine Deroche, Mugette Dini, M. Alain Fauconnier, Mme Catherine Génisson, M. Alain Houpert, Mmes Sophie Joissains, Christiane Kammermann, Hélène Lipietz, MM. Stéphane Mazars, Jacques Mézard, Jean-Pierre Michel, Alain Milon, Alain Néri, Mmes Sophie Primas, Gisèle Printz, MM. Gérard Roche, François Trucy, Yannick Vaugrenard membres de la commission d'enquête sur l'influence des mouvements à caractère sectaire dans le domaine de la santé.

Commission spéciale chargée du contrôle des comptes et de l'évaluation interne (Nominations)

Mme la présidente.  - Il a été procédé à l'affichage de la liste des candidats aux fonctions de membres de la commission spéciale chargée du contrôle des comptes et de l'évaluation interne. La présidence n'ayant reçu aucune opposition, la liste est ratifiée et je proclame membres de la commission spéciale chargée du contrôle des comptes et de l'évaluation interne : Mme Marie-France Beaufils, MM. Michel Berson, Joël Bourdin, Vincent Delahaye, Éric Doligé, Claude Domeizel, Yann Gaillard, Roland du Luart, Gérard Miquel, Jean-Vincent Placé, Jean-Pierre Plancade et Richard Yung.

Organismes extraparlementaires (Candidatures)

Mme la présidente.  - M. le Premier ministre a demandé au Sénat de bien vouloir procéder à la désignation de sénateurs appelés à siéger au sein de deux organismes extraparlementaires pour remplacer Mme Hélène Conway-Mouret, nommée membre du Gouvernement. La commission des affaires étrangères a fait connaître qu'elle propose la candidature de M. Jeanny Lorgeoux pour siéger au sein du conseil d'administration de l'Institut des hautes études de la défense nationale ; et de Mme Kalliopi Ango Ela pour siéger au conseil d'administration de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger. Ces candidatures ont été affichées et seront ratifiées, conformément à l'article 9 du Règlement, s'il n'y a pas d'opposition à l'expiration du délai d'une heure.

Avis sur des nominations

Mme la présidente.  - Lors de leurs réunions du mercredi 3 octobre 2012 et en application des dispositions de la loi organique et de la loi du 23 juillet 2010 relatives à l'application du cinquième alinéa de l'article 13 de la Constitution : la commission de la culture, conformément aux dispositions de la loi organique du 5 mars 2009 relative à la nomination des présidents des sociétés France Télévisions et Radio France et de la société en charge de l'audiovisuel de la France, d'une part, et à l'article 47-4 de la loi du 30 septembre 1986, d'autre part, a émis un vote favorable (30 voix pour et 2 abstentions) en faveur de la nomination de Mme Marie-Christine Saragosse aux fonctions de président de la société en charge de l'audiovisuel extérieur de la France ; et la commission des affaires sociales, conformément à l'article L. 1412-2 du code de la santé publique, a émis un avis favorable (33 voix pour sur 33 suffrages exprimés) en faveur de la nomination de M. Jean-Claude Ameisen aux fonctions de président du Comité consultatif national d'éthique pour les sciences de la vie et de la santé.

Débat sur l'évasion des capitaux hors de France

Mme la présidente.  - L'ordre du jour appelle un débat sur l'évasion des capitaux et des actifs hors de France et ses incidences fiscales.

M. Philippe Dominati, président de la commission d'enquête sur l'évasion des capitaux et des actifs hors de France et ses incidences fiscales.   - Je me réjouis de l'inscription de ce débat à notre ordre du jour. Le président du Sénat a usé de toute son autorité pour donner un prolongement au rapport de M. Bocquet, je l'en remercie. Le rapport de cette commission d'enquête a été adopté à l'unanimité, preuve de notre volonté partagée de lutter contre l'évasion fiscale. La proposition de résolution du groupe CRC a fondé notre commission d'enquête. Si nous devons respecter les délais constitutionnels, veillons à ce que ceux-ci courent utilement afin de ne pas gaspiller de précieuses semaines !

Nous avons dû attendre trois semaines la désignation des membres. Chaque membre de la commission a disposé d'une semaine pour consulter le rapport : c'est trop peu.

Une partie de ces difficultés découle de la complexité technique du sujet, de celle des analyses financières, ainsi que de l'ampleur de la proposition de résolution d'origine.

Le champ était si vaste qu'il a fallu faire des choix. Mieux vaudrait à l'avenir circonscrire les sujets, ou nous accorder davantage de temps... Il faudrait également réfléchir aux instruments alloués aux commissions d'enquête -témoignages sous serment et accès aux pièces. La réforme de 2008, due à Nicolas Sarkozy, a été un grand pas, mais on peut aller encore plus loin.

Une commission d'enquête s'arrête là où commence le domaine de la justice ; or la Chancellerie ne nous a pas toujours tenus informés des actions en cours.

Les informations demandées aux entreprises ont généralement été fournies dans des conditions acceptables ; on ne peut en dire autant des administrations, le changement de gouvernement n'y changeant rien. Mme Bricq avait ainsi demandé le rapport sur le contrôle fiscal des filiales françaises à l'étranger. Il n'a jamais été transmis, je m'associe donc de tout coeur aux récriminations de notre ancienne collègue.

Je forme le voeu que le travail de la commission d'enquête se poursuive. La cause, si j'ose dire, le mérite.

Mme Nathalie Goulet.  - Très bien !

M. Philippe Dominati, président de la commission d'enquête.  - Nous avons procédé à 90 auditions au Sénat, auxquelles il faut ajouter 40 entretiens et des déplacements, à Bruxelles, à Jersey, en Suisse. Je m'empresse de préciser que nous ne nous sommes pas prélassés sur les plages de sable fin des Bahamas ou des îles Caïman. Respectueux du budget du Sénat, nous n'avons pas cédé aux délices de l'évasion... (Sourires)

Notre commission a consacré beaucoup d'efforts à circonscrire notre sujet. Notre pays est celui de la fiscalité, non de l'analyse fiscale ; d'où un certain existentialisme fiscal. Résultat, de nombreux objets naviguent sous le pavillon de l'évasion fiscale dans la littérature. M. Bocquet a eu la sagesse de limiter son rapport à l'évasion fiscale internationale.

Quelques observations personnelles. L'impact de l'évasion fiscale est au moins aussi important que celui des pertes de recettes liées à une fiscalité trop élevée, sans doute la plus élevée au monde. Et encore ! Le choc fiscal, que la majorité s'apprête à asséner, sera aussi dommageable. L'imposition confiscatoire handicape la compétitivité, décourage les talents. Le rapporteur, à raison, souligne combien la concurrence fiscale favorise l'évasion fiscale. De grâce, évitons de mettre la charrue avant les boeufs en pensant que les autres adopteront notre système fiscal ! La fiscalité est aussi une clé de la compétitivité. Nous devons la réformer avec soin. Sans doute faut-il doter le Sénat d'instruments pour mesurer les phénomènes avant d'en venir à la loi plutôt que se contenter de la technique du doigt mouillé.

J'en viens aux conclusions du rapport. Beaucoup a été fait sous la précédente législature. Veillons à garantir la stabilité juridique, sans sanctionner l'optimisation, qui est légale et légitime.

La peur du gendarme ? Nous y avons beaucoup recouru. C'était, disait l'ancienne ministre du budget, la seule solution. Nous proposons d'y ajouter une deuxième voie : la transparence, le renforcement de la gouvernance fiscale des entreprises, le contrôle en continu des contribuables à fort enjeu.

Le président Nicolas Sarkozy a mis la communauté internationale devant ses responsabilités : nous devons éliminer les paradis fiscaux. Certains de nos voisins -l'Allemagne, le Royaume-Uni, l'Autriche- ne se sont pas montrés aussi obstinés que nous. Le Gouvernement compte-t-il poursuivre cet effort ?

D'autres propositions comme la création d'un Haut conseil ou encore les prescriptions mériteront des débats approfondis. Au total, les 61 propositions de la commission d'enquête continueront longtemps d'alimenter notre réflexion. Voilà le voeu que je forme ! (Applaudissements)

M. Éric Bocquet, rapporteur de la commission d'enquête sur l'évasion des capitaux et des actifs hors de France et ses incidences fiscales.   - De quoi l'évasion fiscale internationale est-elle le nom ? N'était-elle qu'une chimère ou un phénomène réel ? La question était d'autant plus aiguë que la littérature est étrangement silencieuse sur ce point. Puisse ce rapport constituer une étape dans la lutte contre l'évasion fiscale.

Pour mettre fin à un suspense intolérable, je dirai d'emblée que nous avons identifié des risques systémiques d'évasion fiscale. Celle-ci est l'une des manifestations de la crise de l'impôt. Si l'on ne retient que le bas de la fourchette, la masse représente 30 milliards au bas mot. C'est dire l'importance des enjeux. Le phénomène touche tous les acteurs, de la finance au commerce en passant par le marché de l'art.

À ce propos, qu'en est-il du statut fiscal des opérations internes aux groupes ? Je voudrais être certain que la prochaine mesure ne touche que les groupes fiscalement intégrés.

L'évasion fiscale prospère sur l'opacité, la financiarisation et la défaillance informationnelle. Inutile d'insister, en cette période de stress financier, sur l'importance des sommes en jeu... L'évasion fiscale internationale amoindrit nos recettes ; surtout, elle mine la loi fiscale et, de là, le pacte républicain. En fait, elle est un symptôme de la crise de l'État. L'évasion fiscale internationale suscite souvent l'embarras. On la confond souvent avec l'optimisation. Entre les deux, il y a pourtant le mur d'une prison, disait le chancelier de l'Échiquier Denis Healey.

Notre arsenal législatif doit s'enrichir d'une arme anti-évasion. « Ubi emolumentum ibi onus », tel est l'adage qu'il faut suivre.

Les paradis fiscaux ? La stratégie des listes a fait long feu : les listes se vident, le nombre de comptes dans ces espaces augmente. Finalement, chaque État se trouve seul. Comme toujours, de la mondialisation est absente l'idée minimale d'une régulation. Courageusement, nous avons ajouté le Botswana à notre liste. À l'évidence, il faut changer de braquet. À moins que l'on ne se réjouisse du règne de l'off shore. Il faut donc accentuer les efforts dans la lutte contre les paradis fiscaux dans cet endroit mou qu'est le G20.

Si l'Europe joue mal son rôle dans le monde, c'est qu'elle fait peu chez elle. Le code des bonnes pratiques ne suffit plus, la directive « Épargne » piétine. L'Europe est loin d'être une zone fiscale optimale... Les constructions prétoriennes de la Cour européenne des droits de l'homme n'ont que faire des conclusions du Groupe d'action financière (Gafi)... Faut-il faire la leçon quand nous avons préféré demander l'inscription de la baisse de la TVA sur la restauration au menu de l'Écofin, plutôt que de discuter d'une assiette commune de l'impôt sur les sociétés ? En revanche, la France a tenu bon sur l'affaire Rubik. Il est grand temps de progresser en reconnaissant que l'évasion fiscale existe aussi en Europe.

J'aimerais savoir ce que pense le Gouvernement de nos propositions et comment il compte opposer une Europe plus cohérente et plus forte aux paradis fiscaux, à tous les paradis fiscaux, y compris ceux qui se trouvent dans sa très proche périphérie ou en son sein.

La question du changement de résidence et des exilés fiscaux doit être rapidement résolue.

Notre modèle administratif n'est plus adapté. Certes, un service de contrôle fiscal a vu le jour dans la citadelle Bercy, qui compte tant de baronnies. Il faudrait une meilleure coordination des services et des délégations, autrement que par la création de structures de coordination qui foisonnent mais sont hors d'état de coordonner quoi que ce soit. Nous l'avons senti avec le Colb ou le comité sur les paradis fiscaux, qui n'ont pas fait leurs preuves. L'action publique doit être plus lisible et plus transparente. D'où la proposition de créer un Haut conseil contre la fraude fiscale, qui ne s'ajouterait pas aux structures existantes mais les sublimerait en quelque sorte.

Nous avons connu une phase de judiciarisation de la lutte contre les fraudes. Une politique pénale reste à définir en la matière, les sanctions étant le plus souvent administratives. On observe une diversification des moyens de l'action publique, avec le Gafi notamment. Je m'en réjouis. Il faut développer les moyens de contrôle...

Mme la présidente.  - Veuillez conclure.

M. Éric Bocquet, rapporteur.  - Pour conclure, je propose au Sénat de se mettre en réseau avec les excellentes organisations non gouvernementales qui travaillent sur ces sujets en France. (Applaudissements à gauche)

M. Jacques Chiron .  - J'ai eu l'honneur de participer à ce rapport. Il se conclut par des propositions qui, je l'espère, alimenteront la réflexion. Ce travail est remarquable, merci à MM. Dominati et Bocquet.

La création d'un Haut conseil pour la protection des intérêts financiers publics nous donnerait enfin les capacités d'expertise dont nous manquons.

Le sujet étant vaste, l'intervention du rapporteur en témoigne, j'insisterai sur la nécessaire coordination entre les États de l'Union européenne. La fraude fiscale représenterait une perte de 1 000 milliards d'euros, soit cinq fois le budget de l'Union européenne.

Plutôt que de se livrer à une concurrence en la matière, travaillons à l'exécution du plan Barnier présenté en juin sur une plus grande coopération fiscale.

Ce travail de lissage et d'harmonisation devra s'accompagner d'une plus grande fermeté vis-à-vis des pays tiers, à l'instar des États-Unis, qui utilisent à raison leur poids économique.

Dans son rapport pour 2011, l'ONG Transparency International mettait en évidence le lien entre évasion fiscale et dégradation économique. C'est flagrant pour des pays comme la Grèce et l'Italie. Sans être la seule explication de la crise, l'évasion fiscale la favorise.

Les mentalités évoluent parfois plus rapidement dans l'opinion publique que chez leurs dirigeants. Je vous renvoie aux récentes consultations en Suisse. Nous avons la responsabilité de lutter contre l'évasion fiscale par une coopération renforcée au sein de la zone euro.

Le Gouvernement a pris la mesure de l'enjeu. M. Moscovici a manifesté le souhait de renégocier les conventions fiscales avec la Suisse et le Liechtenstein ; M. Cahuzac a annoncé un plan de lutte contre la fraude ; M. Ayrault, dans son discours de politique générale, avait défendu la notion de patriotisme fiscal.

Au moment où nous demandons un important effort aux Français, nous ne pouvons accepter que ceux qui en ont les moyens s'en affranchissent ! (Applaudissements sur les bancs socialistes)

Mme Nathalie Goulet .  - Trop, c'est trop ! Trop d'évasion fiscale, trop de fraudes, trop de réglementation. Trop de failles qu'exploitent trop de fins limiers ; trop de carence dans les moyens, trop peu de coopération internationale ; trop de pages dans ce rapport. Oui, trop, c'est trop. Je ne sais plus par où commencer, tant ces travaux étaient riches. Comment faire le tri dans 61 propositions, toutes plus intéressantes les unes que les autres ? Peut-être retenir celles qui ne coûtent rien... Un regret, celui que M. Cambadélis n'assiste pas à notre séance ; c'est que les femmes sont rancunières ! (Sourires)

J'ai une tendresse particulière pour l'administration des douanes. On apprend grâce à elle que, récemment, un distrait qui roulait sur le périphérique a été contrôlé avec 800 000 euros dans sa roue de secours. Tiens, comme c'est curieux ! Mais comment établir qu'il comptait franchir la frontière ? On a dû lui rendre l'argent.

Notre législation est à modifier pour mieux lutter contre la fraude, notamment à la frontière du Luxembourg. Pour frauder, prenez le TGV jusqu'à Metz, puis le TER. Les équipes de Thionville étaient, paraît-il, la terreur du Luxembourg ; il ne faudrait pas qu'on les change. Et que dire de ces 300 000 euros parfumés à la cocaïne trouvés sur des personnes qui voyagent entre la France et l'Espagne ?

Un mot des fraudes au remboursement de la TVA. Difficile de les combattre lorsque les resquilleurs se livrent à un trafic des passeports !

Madame la ministre, j'ai voulu éviter un inventaire à la Prévert. Quoi qu'il en soit, en attendant le grand soir d'une loi contre la fraude fiscale, ne peut-on pas pérenniser au moins une cellule propre à prolonger l'action de cette commission ?

Quelle est l'utilité de la commission des infractions fiscales ? Quand des joueurs professionnels parient dans les vestiaires, quand une grande chaîne de télévision donne 100 000 euros en espèces à une personne après un jeu, quand le code des douanes ne mentionne plus l'or, ce qui autorise tous les blanchiments, vous n'aurez pas, madame la ministre, assez de cinq ans pour redresser la barre !

Mme la présidente.  - C'est bien connu : tout le monde a besoin de 800 000 euros pour payer le péage. (Sourires)

M. Yvon Collin .  - J'ai eu l'honneur, en tant que vice-président, de participer à cette excellente commission d'enquête.

L'évasion des capitaux est un sujet sensible, surtout en période de crise. Il fallait un travail profond pour tracer des pistes crédibles. Mal connu, ce fléau de l'évasion fiscale est de grande ampleur : le phénomène représenterait 2 à 5 % du PIB de l'Union européenne. Ce sont toujours les mêmes, ceux qui n'ont aucune échappatoire, qui contribueront le plus au redressement de la France, tandis que d'autres continueront à se soustraire à leur obligation de contribuables.

Tant que nos propres voisins offriront des conditions fiscales plus attractives, l'Union européenne ne pourra parler d'une seule voix. On sait les limites des conventions d'échange d'informations fiscales...

Il faut une véritable harmonisation fiscale de la fiscalité directe en Europe, à l'instar de ce qui a été fait sur la TVA. La France, particulièrement exposée du fait de son niveau de taxation du capital et des revenus des sociétés, a le mérite de faire des efforts unilatéraux -comme à l'article 15 du projet de loi de finances pour 2013 qui plafonne la déductibilité des charges financières. De leur côté, l'Allemagne et la Grande-Bretagne signent des accords avec la Suisse -ce n'est pas aller dans le sens de la transparence ! J'insiste sur la nécessité de l'harmonisation et de la coopération.

En tant que rapporteur du volet de l'aide publique au développement, je veux dire que les pays en développement sont victimes d'un véritable hold-up : les multinationales pillent les pays africains -sans aucun retour fiscal ! Il y va de 800 milliards d'euros, dix fois l'aide publique au développement... C'est une source d'instabilité majeure. Il faut restaurer le lien entre création de valeur et fiscalité.

Les conséquences économiques et sociales de l'évasion fiscale sont colossales. Je souhaite que le travail de la commission d'enquête soit poursuivi. Il reste beaucoup à faire, toiletter notre législation fiscale mais aussi rappeler le sens de l'impôt à ceux qui l'ont oublié ! Les évadés fiscaux n'ont-ils jamais profité de nos hôpitaux et de nos écoles ? Qu'ils contribuent plus que d'autres, ce n'est que l'essence du pacte républicain. Ceux qui ont la chance d'avoir plus doivent être irréprochables. (Applaudissements à gauche)

Mme Corinne Bouchoux .  - Tout a été dit. J'insisterai donc sur quelques points seulement. Premièrement, et cela vous paraîtra peut-être iconoclaste, le législateur porte une grande responsabilité en la matière, car la complexité et l'instabilité juridiques alimentent les pratiques d'optimisation fiscale. Deuxième point : la nécessaire coopération avec nos voisins. Troisième sujet -c'est un peu mon dada- les trusts. À quand un registre européen ? Il serait fort utile -on le verra avec les trusts Wildenstein, qui risquent de mettre en difficulté certains de nos musées.

Les collectivités locales peuvent jouer un rôle important dans la lutte contre la fraude et l'évasion fiscale. Certains conseils régionaux ont ainsi voté des règles en matière de transparence ; des intercommunalités ont aussi à coeur de travailler avec des banques et des entreprises vertueuses.

Paradoxalement, la fraude et l'évasion fiscale sont sous-documentées. Il faut encourager des recherches indépendantes, publiques, sur le sujet. Il y a un vrai besoin de pédagogie ! Le législateur, le Sénat en particulier, a une responsabilité majeure en la matière.

Les Écologistes, vous le savez, ne sont pas adeptes de la répression, mais l'évasion fiscale est moins sévèrement punie que le vol de scooters : c'est inadmissible !

M. Roland Courteau.  - Très bien !

Mme Corinne Bouchoux.  - Cette fraude nous coûte pourtant 50 milliards ! Ce n'est pas nourrir le poujadisme que de le dire. (Applaudissements à gauche)

M. François Pillet .  - Impossible de faire la synthèse de ce rapport en quelques minutes. Sa lecture est passionnante. Au terme de cette enquête, animée avec une autorité souriante par M. Dominati, menée avec objectivité par M. Bocquet et approuvée par l'ensemble des membres de la commission, je retiens une constatation d'abord, et une recommandation ensuite. Un consensus républicain s'est formé pour privilégier la transparence et repousser l'évasion fiscale internationale ; l'optimisation fiscale se logeant à l'abri des traités, de la loi, de la réglementation, la vigilance du législateur s'impose.

Nous ne disposons d'aucune donnée scientifique quantifiant le coût de l'évasion fiscale. La multiplication des textes favorise la fraude, la coopération internationale est insuffisante. Le rapport souligne les efforts réalisés unilatéralement par la France, et fait l'inventaire des mesures techniques qui sécurisent l'assiette de l'impôt. Je vous y renvoie. Comment ne pas regretter l'existence proclamée d'une circulation libre des personnes, des biens et des capitaux... explosée par 27 souverainetés fiscales ? Imaginez une coupe du monde où chaque fédération sportive nationale déciderait de ses propres règles !

Mme Nathalie Goulet.  - Très bien.

M. François Pillet.  - L'optimisation fiscale se conjugue souvent avec l'optimisation des charges sociales. Le rapport admet entre les lignes que notre pays ne peut se protéger seul. Il y a une solution : la coopération européenne. Il faut des règles communes, homogénéiser les législations fiscales et -surtout- les taux de prélèvements.

Tout est dit sur la quatrième de couverture : « l'Europe doit trouver une unité pour faire de la lutte contre l'évasion fiscale une action résolue ». Puisse ce rapport, riche de technicité, provoquer des initiatives législatives et diplomatiques fortes, pour initier l'indispensable harmonisation fiscale au sein de l'Union européenne. C'est un objectif que nous pourrions tous soutenir ! (Applaudissements à droite et au centre)

Mme Marie-France Beaufils .  - Notre groupe se réjouit d'avoir vu ce sujet, hautement politique et éthique, enfin traité. En 2012 seulement... Nos prédécesseurs membres du groupe communiste, au début des années 70, n'avaient pas vu leur proposition de commission d'enquête retenue par le Sénat...

Merci à M. Bocquet, à M. Dominati et à l'ensemble des membres de la commission. Le rapport est une source d'information de première qualité. Nous ne sommes qu'au début, a dit M. Bocquet. Il faut désormais que ce rapport trouve une traduction législative.

L'affaire Arnault a révélé la sensibilité des Français à la question de l'égalité devant l'impôt. Est-il normal qu'une personne ayant largement tiré parti de l'effort collectif et de l'investissement public puisse considérer légitime de se dispenser de participer aux charges publiques à raison de ses facultés ? Les Français attendent de la justice fiscale qu'elle corrige les inégalités sociales, qui ont beaucoup augmenté ces dernières années. Cette justice fiscale doit être le fil rouge de notre action législative.

La commission d'enquête a révélé l'ampleur, la complexité, la diversité du phénomène. Il y a nécessité d'expliquer et d'informer l'opinion. A ce titre, les documentaires d'Arte, sur la City, malade de la finance, ou sur les subprimes, sont à saluer.

La fraude aux allocations sociales -tant dénoncée par certains- a pris un coup de vieux au regard des montages financiers et juridiques des grands groupes à l'échelle internationale. La fraude fiscale est l'apanage de ceux qui ont beaucoup d'argent et de patrimoine... (M. Roland Courteau approuve) Sans revenir au symbole des 200 familles des années Trente, il nous faudra revenir à des pratiques plus équilibrées. Le projet de loi de finances pour 2013 va dans ce sens.

Ce sont plus de 120 conventions fiscales qu'il faudra dénoncer pour contrer l'évasion fiscale. Cela va de pair avec la réorientation des dépenses publiques. Un nouveau sens doit être donné à l'action publique : améliorer les recettes fiscales pour réduire les déficits, certes, mais surtout repenser les dépenses publiques, qui doivent redevenir le vecteur de la croissance. Il faut par exemple que les services de l'État chargés de lutter contre l'évasion fiscale aient les moyens de leur action ! (Applaudissements sur les bancs CRC)

M. Louis Duvernois .  - Je me réjouis de ce débat. Ce rapport est l'aboutissement d'un long travail, auquel j'ai eu l'honneur de participer. Il a permis de faire la part des fantasmes et de la réalité. On ne peut contester l'existence d'un certain exil fiscal, ni nier l'impact de la politique fiscale ; mais tout Français de l'étranger ne saurait être considéré comme un exilé fiscal ! L'Assemblée des Français de l'étranger s'est interrogée sur le principe de territorialité de l'impôt et sur l'introduction de celui de nationalité. Cette mesure entraînerait de nombreux renoncements à la nationalité française chez les binationaux ! La France a signé 120 conventions bilatérales pour éviter aux Français établis hors de France la double imposition. Or la dernière convention avec Andorre ouvre une brèche. L'administration fiscale outrepasse là ses droits. Le Parlement doit être vigilant.

Aucun chiffre ne mesure le niveau de l'expatriation fiscale, pas même des estimations. Bercy ne peut en communiquer aucun. Si la commission des finances et des affaires économiques de l'Assemblée des Français de l'étranger a reconnu l'intérêt de certaines propositions du rapport -le renforcement de la coopération ou encore la problématique des prix de transfert-, elle s'est étonnée de l'absence d'informations chiffrées : on ne connaît pas le montant des prélèvements sociaux sur les plus-values immobilières et les revenus de location d'immeubles des non-résidents français. Il faut mobiliser notre appareil statistique ; je souhaite que le Gouvernement reprenne nos propositions en la matière !

Merci à MM. Dominati et Bocquet, qui ont su travailler ensemble dans un climat constructif et produire un rapport objectif et complet, qui sera, je l'espère, suivi ! (Applaudissements à droite)

M. François Patriat .  - La lutte contre l'évasion fiscale bénéficiera de moyens supplémentaires. Des dispositions anti-abus ont déjà été adoptées en juillet. L'efficacité du recouvrement des sommes dues est loin d'être satisfaisant. Au moment où des efforts vigoureux sont demandés aux Français, il n'est pas acceptable que certains contribuables estiment possible de s'en affranchir. La fraude fiscale est évaluée à 50 milliards d'euros par an, soit le montant du remboursement des intérêts de la dette. M. Marc avait proposé en 2007 de créer un impôt citoyen frappant tous les expatriés, idée reprise par M. Cahuzac, alors président de la commission des finances de l'Assemblée nationale, en 2010 et 2011. M. Baroin, alors ministre du budget, avait estimé que cette sorte de droit du sang fiscal allait à rebours de l'histoire...

Pourquoi ne pas rappeler leur nationalité à ces expatriés, qui sont nés en France, y ont été éduqués et soignés ? En conséquence des conventions fiscales, seuls sont imposés les revenus en France. Pourtant, les traders de la City, pourvu qu'ils aient travaillé trois mois et un jour sur le territoire national, peuvent s'inscrire au chômage en France et être indemnisés en fonction de leur dernier salaire ! Pourquoi ne pas adopter la formule américaine, qui fait le lien entre imposition et citoyenneté ? Nos expatriés représentent un manque à gagner, ils pourraient rapporter. Un système de taxation des revenus mondiaux serait bienvenu. La plupart des contribuables qui s'exilent le font pour échapper à l'ISF : il faut contrôler les comptes à l'étranger ! Cet impôt citoyen est à l'ordre du jour au moment où chacun doit participer à l'effort national. Madame la ministre, nous défendrons à vos côtés cette démarche de justice fiscale. (Applaudissements à gauche ; Mme Nathalie Goulet applaudit également)

M. Joël Guerriau .  - L'évasion fiscale est vécue comme une injustice. Les sportifs chercheraient à optimiser les gains d'une carrière courte, les entreprises à trouver une meilleure place dans la compétition internationale... Les territoires de l'évasion se renouvellent : Asie, Amérique latine, numérique. L'évasion fiscale, c'est un acte intentionnel ; lorsqu'il est légal, on parle d'optimisation. Ce qui fait la différence entre fraude et optimisation, c'est l'action du législateur...

En 1972, le Sénat avait déjà dénoncé la complexité du système fiscal français ; 40 ans plus tard, nous n'avons guère progressé. Le crédit impôt recherche serait, pour certains, un avantage accordé sans contrepartie en termes d'emploi, qui aurait représenté un alourdissement de l'évasion fiscale de 3 milliards entre 2008 et 2012 ; pour d'autres, ce serait un élément d'attractivité... Qui croire ? Les uns et les autres, sans doute -ce qui impose de creuser le sujet plus avant pour en tirer le meilleur et en rejeter le pire.

Il faut affiner et simplifier notre législation fiscale et se doter d'une stratégie volontariste de coopération entre États de l'Union européenne.

C'est au juge de démontrer que l'implantation d'une entreprise à l'étranger relève « exclusivement » d'une motivation fiscale. Du coup, on ne peut rien faire ! Au législateur d'agir et de supprimer ce mot. D'autres pistes sont à explorer. Faut-il échelonner l'impôt des sportifs de haut niveau ? Prendre en compte la nationalité du contribuable ? Reconnaissons toutefois que l'évasion fiscale ne pourra être totalement éradiquée -la morale est une chose, le droit en est une autre.

Libérons toutes les énergies au service de la croissance. Les pays qui pratiquent des impôts à assiette large mais qui imposent à taux bas sont plus attractifs : soyons pragmatiques ! Un impôt à 75 % ne ramènera pas en France ceux qui se sont exilés à une heure de Paris ! (Applaudissements à droite)

M. Yannick Vaugrenard .  - Notre commission d'enquête a travaillé de février à juillet, dans la sérénité, à rechercher des solutions à ce fléau du monde moderne qu'est la cupidité organisée, cette culture de la fraude qui nie l'intérêt général.

Une contribution commune est indispensable, qui doit être également répartie entre tous les citoyens en fonction de leurs facultés, lit-on dans la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen. Or les inégalités se creusent, 8,6 millions de Français vivent en dessous du seuil de pauvreté, la dette explose... et l'évasion fiscale est évaluée entre 30 et 50 milliards d'euros chaque année.

Ce n'est pas le Français moyen ou la PME locale qui pratiquent l'évasion fiscale, mais les plus fortunés, les grandes et très grandes entreprises. Eux ont les moyens de payer des conseils pour contourner la loi. C'est insupportable financièrement, économiquement, socialement et moralement !

L'unanimité autour de ce rapport doit se traduire par des actes. Renforçons la politique pénale en matière fiscale en portant le délai de prescription à quinze ans, obligeons les entreprises à transmettre en détail leurs comptes consolidés à la demande de l'administration fiscale, renforçons les prérogatives des organisations représentatives du personnel des entreprises pour plus de prévention. La citoyenneté doit l'emporter sur l'avidité.

Oui au Haut commissariat à la protection des intérêts financiers publics, oui à des outils statistiques améliorés. Malheureusement, nos voisins européens ne nous aident pas dans notre tâche -la consultation récente du canton de Berne est désolante. Nous devons obtenir une obligation de transparence comptable, pays par pays, pour les multinationales communautaires - et, pourquoi pas, internationales. Nous devons aussi assurer un suivi de nos préconisations, évaluer régulièrement leur efficacité. C'est un travail de longue haleine dans lequel nous nous sommes engagés...

L'évasion fiscale, c'est des moyens, des recettes en moins pour la solidarité, pour rembourser notre dette. Au nom de l'égalité, de la liberté, de la fraternité, il faut combattre sans relâche ni merci ceux qui, du haut de leur richesse, toisent et méprisent ceux qui n'ont même plus la force de crier leur infinie souffrance. « C'est de l'enfer des pauvres qu'est fait le paradis des riches », disait notre illustre prédécesseur Victor Hugo.

En cette période difficile, personne ne doit s'extraire de l'indispensable solidarité nationale ! (Applaudissements à gauche)

M. Roland du Luart .  - Ce rapport est le fruit d'un travail remarquable qui, pour l'essentiel, a privilégié le fond à l'idéologie.

L'évasion fiscale ne saurait être appréhendée sous l'angle de la seule fraude fiscale. Le chiffrage est incertain : 36 milliards pour l'expatriation fiscale, 50 milliards pour l'évasion fiscale. Les expatriés fiscaux français ne sont pas pour l'essentiel des fraudeurs : il s'agit de créateurs d'entreprises ou de cadres dirigeants dont l'entreprise se délocalise, qui le font à contrecoeur devant le poids de la fiscalité en France. Phénomène amplifié depuis l'arrivée de François Hollande, tous les avocats fiscalistes vous le diront, et le matraquage fiscal qui est la marque de fabrique de votre gouvernement. Treize milliards en plus pèseront sur les entreprises !

M. François Patriat.  - Quinze milliards l'année dernière sous Sarkozy !

M. Roland du Luart.  - Treize milliards, c'est ce qu'aurait rapporté la TVA compétitivité que vous vous êtes empressés de supprimer, dans votre volonté obsessionnelle de faire table rase du passé ; treize milliards qui auraient permis de baisser le coût prohibitif du travail en France, réalité que le Gouvernement vient à peine de reconnaître...

Mais vous préférez remettre toute réforme à plus tard... Votre politique fiscale repose uniquement sur le matraquage ! Quel mauvais signal adressé à ceux qui créent la richesse en France ! Vous qui prétendez avoir défendu la croissance en Europe, vous l'empêchez en France en décourageant la création de nouvelles entreprises. Vous vous attaquez aussi aux particuliers : plus de 15 milliards d'euros d'impôts nouveaux entre le collectif et le projet de loi de finances !

L'évasion fiscale, nous en sommes tous d'accord, est catastrophique. Mais pourquoi stigmatiser les plus fortunés ? Ce taux de 75 %, qui frappera certes 1 000 ou 1 500 personnes seulement, est prohibitif, et presque confiscatoire ; il encourage l'évasion, dans une économie mondialisée. Nous ne sommes plus à l'époque où les travaillistes britanniques pouvaient taxer à 98 % !

Oui, quel mauvais signal envoyé à notre jeunesse : pourquoi faire des études longues, travailler plusieurs fois 35 heures par semaine pour créer une entreprise, si c'est pour n'en récolter aucun fruit ? (On ironise à gauche) Vous trouverez cela caricatural mais toute la différence entre vous et nous, c'est que nous voulons moins de pauvres, disait notre ancien président de la République, mais pas moins de riches !

M. Yannick Vaugrenard.  - Surréaliste !

M. Roland du Luart.  - Au lieu de poursuivre la fraude a posteriori par des contrôles vous devriez la prévenir en vous interrogeant sur ses causes. La richesse crée la richesse. C'est la faille de votre raisonnement idéologique sans rationalité économique : en cette période de crise, de richesses, notre économie aurait grandement besoin ! (Applaudissements à droite)

Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée auprès de la ministre de la réforme de l'État, de la décentralisation et de la fonction publique, chargée de la décentralisation .  - Quel plaisir de me retrouver parmi vous ! M. Cahuzac, retenu à l'Assemblée nationale, vous prie de l'excuser. Ce débat a été riche et stimulant. Il fait ressortir l'existence de larges convergences sur l'évasion fiscale. J'ai bien noté, du côté de l'opposition, une propension à détourner ce débat pour aborder la question du taux des prélèvements obligatoires ou la structure de notre système fiscal. C'est une approche biaisée qui détourne de l'essentiel.

Le président François Hollande s'est engagé à franchir une étape dans la lutte contre la fraude fiscale ; le Gouvernement a commencé de le faire. Le temps du débat public, y compris dans une perspective européenne, est nécessaire.

L'important est de garder un cap clair sans se payer de mots. Le temps est à l'action. MM. Moscovici et Cahuzac ont présenté un budget et un projet de loi de programmation qu'ils n'ont pas hésité à qualifier de combat. À l'heure où l'on demande un effort à tous, la lutte contre la fraude doit être implacable.

Mme Nathalie Goulet.  - Très bien.

Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée.  - Il y va du bon fonctionnement de notre économie, y compris dans nos échanges avec nos partenaires commerciaux et de l'égalité devant la contribution publique. Car l'évasion fiscale ruine le consentement à l'impôt, qui est le ciment du pacte démocratique.

Comment le Gouvernement entend-il mener cette lutte ? Certainement pas en abaissant le niveau de prélèvements obligatoires. Le gouvernement britannique, que l'on ne saurait soupçonner de complaisance envers l'impôt, vient d'annoncer son intention de lutter contre l'évasion fiscale. Le phénomène est répertorié depuis le XIXe siècle. Ne nous y trompons pas : des agents économiques chercheront toujours à se soustraire à l'impôt. Pour preuve, l'évolution de la carte des paradis fiscaux. Les pays développés, qui ont créé en leur sein de petits paradis fiscaux, sont les premières victimes de cette folle logique !

Le Gouvernement a fait le choix du redressement dans la justice. L'optimisation fiscale est, effectivement, différente de la fraude, mais la frontière est ténue. À nous de nous interroger sur l'opportunité de modifier la législation. Parfois, l'optimisation confine à l'abus de droit. Souvent, elle est le fait des plus grandes entreprises : le taux d'imposition effectif des entreprises du CAC 40 est, en moyenne, inférieur à celui des PME. Personne ne peut s'en réjouir quand on sait le rôle de nos petites entreprises pour l'emploi. D'où les aménagements de la fiscalité que nous prévoyons.

Dès juillet dernier, le Parlement a adopté des mesures anti-abus, en mettant fin en particulier à la niche Copé, ce qui couvre tous les cas de perte de recettes, monsieur Bocquet.

M. Jacques Chiron.  - Très bien !

Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée.  - J'en viens à la fraude. L'analyse du Gouvernement rejoint celle du Sénat : MM. Moscovici et Cahuzac ont fixé trois axes : d'abord, le pilotage renforcé de la lutte contre la fraude au moyen d'outils chiffrés -comme vous le demandez. Plutôt que d'entretenir la frénésie législative, en agitant le spectre d'une fraude aux prestations sociales massive, au lieu de s'attaquer à la fraude aux cotisations sociales et à la fraude fiscale, le précédent gouvernement aurait dû assurer l'interconnexion des fichiers et combattre le travail au noir.

Le nouveau comité ministériel de veille stratégique de lutte contre la fraude travaille déjà à améliorer nos pratiques à moyens constants, entre autres sur la fraude au remboursement de la TVA.

Le renouvellement du pilotage stratégique ne s'arrête pas aux portes de Bercy : avec M. Sapin, nous travaillons au volet de lutte contre le travail au noir du plan contre la fraude pour 2013. Nous entendons ainsi remédier au manque de coordination largement souligné dans le rapport.

La politique pénale ? Inutile de la renforcer, optimisons-la. À cet égard, madame Goulet, la commission des infractions fiscales que vous avez évoquée nous apporte un utile éclairage, qui n'est pas arbitraire. Le Gouvernement a besoin d'un regard extérieur, sans entamer le volontarisme de son action.

Deuxième axe, la coopération, en Europe et dans le monde. Sachons porter une parole exigeante, y compris avec nos partenaires européens. M. Moscovici a déjà annoncé sa volonté de renégocier certaines conventions fiscales bilatérales. Il faut généraliser les échanges d'information. Le moment est propice : des États, traditionnellement moins engagés sur ces sujets que nous, y viennent avec la crise, dont la Suisse.

Un plan européen de lutte contre la fraude fiscale se prépare. Nous y traiterons des questions graves que Mme Goulet a su soulever avec humour.

Troisième axe, renforcer notre arsenal législatif dans le budget pour 2013. À Mme Bouchoux, je signale que dès septembre, par décret, nous avons pris des mesures dans le domaine des trusts.

Je ne peux détailler des actions qui seront bientôt exposées en conseil des ministres. Cela dit, je puis vous assurer de la détermination du Gouvernement à travailler avec le Sénat sur l'évasion fiscale. Vous avez demandé des rendez-vous réguliers et précis. Je transmettrai fidèlement cette demande à MM. Moscovici et Cahuzac ! (Applaudissements à gauche et au centre)

Organismes extraparlementaires (Nominations)

Mme la présidente.  - La commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a proposé deux candidatures pour des organismes extraparlementaires.

La présidence n'ayant reçu aucune opposition dans le délai d'une heure, je proclame M. Jeanny Lorgeoux membre du conseil d'administration de l'Institut des hautes études de la défense nationale, et Mme Kalliopi Ango Ela membre du conseil d'administration de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger.

La séance est suspendue à 20 h 5.

présidence de Mme Bariza Khiari,vice-présidente

La séance reprend à 22 h 5.

Débat sur les agences de notation

Mme la présidente.  - L'ordre du jour appelle un débat sur le fonctionnement, la méthodologie et la crédibilité des agences de notation.

Mme Frédérique Espagnac, présidente de la mission commune d'information sur le fonctionnement la méthodologie et la crédibilité des agences de notation .  - Je suis satisfaite de ce débat en séance publique. Il y a un enchaînement vertueux entre nos travaux et cette séance dont les citoyens peuvent se féliciter. Nous avons travaillé de manière collégiale, en essayant de porter le bon diagnostic, en organisant des missions à Londres, à New York, à Bruxelles, en faisant réaliser une étude comparative sur le marché et la règlementation des agences de notation dans les pays émergents ou de l'OCDE, en obtenant l'accès aux 30 000 pages communiquées par Standard and Poor's, Moody's et Fitch pour leur enregistrement auprès des autorités européennes.

Notre diagnostic, dans un rapport adopté à l'unanimité des groupes politiques, est dérangeant : les agences de notation sont devenues incontournables, sans retour en arrière possible à court terme. C'est que l'économie passe d'un financement par les banques à un financement par les marchés, lesquels sont de plus en plus mondialisés, ce qui accroît l'influence des agences de notation. Celles-ci répondent à un standard international, sachant que près d'un tiers de la dette obligataire mondiale est émise en direction de non-résidents. En France, il n'y a que moins de 10 % des émissions d'obligations et trois entreprises du CAC 40 à n'être pas notées.

Face aux crises successives, les autorités publiques ont fait appel aux notations pour s'assurer de la solidité des actifs des banques et des sociétés d'assurance. D'où les règles de Bâle ou de Solvabilité Il, qui ont érigé les agences de notation en quasi-régulateurs. En 1999, la réglementation américaine relative aux marchés de titres contenait plus de 1 000 références aux notations et celle relative aux banques près de 400. Les banques centrales font massivement appel aux notations pour apprécier la qualité des actifs que les banques leur apportent en garantie. Fin 2011, les trois quarts des garanties déposées auprès de la BCE faisaient l'objet d'une notation.

Pour se désintoxiquer des agences de notation, la première priorité est de réduire l'interaction entre les notations des dettes souveraines et le débat démocratique. Les agences doivent mieux se comporter. Nos amis grecs, espagnols, italiens, ont pâti du calendrier des agences. Nous préconisons que les agence publient à l'avance leur calendrier de notations et s'y tiennent. Les instituts de conjoncture et les banques centrales fonctionnent ainsi.

Nous devons être plus exigeants sur la qualité des notations. La question de la méthodologie a trop longtemps été éludée. Les documents publiés sont encore trop complexes. La transparence des méthodes doit faire des progrès, avec un label délivré par l'Autorité européenne des marchés financiers.

Il n'y a pas de bonne notation sans ressources humaines suffisantes. En 2009, 62 % des analystes affectés à la notation des entreprises avaient moins de cinq ans d'ancienneté. Pour la dette souveraine, 78 % des analystes de Moody's avaient moins de cinq ans d'ancienneté, et 30 % moins de deux ans d'ancienneté. En outre, la politique de formation continue des agences est à leur seule discrétion.

Un contrôle renforcé de l'Autorité européenne des marchés financiers s'impose. De petites structures de faible crédibilité ont été autorisées. Les mécanismes de sanction sont lents et les sanctions faiblement dissuasives. Dans cet esprit, nous avons intitulé notre rapport Pour une profession réglementée : il faut une réglementation juste et ambitieuse. (Applaudissements)

M. Aymeri de Montesquiou, rapporteur de la mission commune d'information sur le fonctionnement, la méthodologie et la crédibilité des agences de notation.  - Je me félicite à mon tour de ce débat qui souligne la nécessité d'un dialogue entre le Gouvernement et le Parlement.

La situation n'est pas saine. Les agences de notation ne veulent toujours pas admettre que leur statut de donneur d'avis a changé, alors que l'impact de celui-ci est considérable et que la liste de leurs erreurs s'allonge. Le 15 septembre 2008, quelques jours avant la faillite de Lehmann Brothers, la cinquième banque d'affaires américaine était notée comme l'un des premiers investissements outre-Atlantique. Les agences n'ont pas su détecter les fraudes chez Enron ni chez Parmalat. Standard & Poor's a d'ailleurs été condamnée pour ce motif en Italie.

Les agences ont péché par excès d'optimisme. Une fois que la crise a éclaté, elles ont dégradé brutalement leurs notations. Unanimement cotées AAA, les subprimes étaient considérées comme des junk bonds quelques mois après, ce qui a causé une catastrophe économique et sociale aux États-Unis et traumatisé les banques de nombreux pays. Même phénomène pour la Grèce. Enfin, le scandale des emprunts structurés a révélé des collusions entre les agences de notation et les banques qui les confectionnaient.

Il faut donc faire évoluer la réglementation publique des agences, avec un vrai régime de responsabilité civile : pas de pouvoir sans responsabilité. Même quand des fautes sont avérées, les procès en responsabilité intentés aux agences n'aboutissent pas à condamnation, faute que l'état du droit le permette. C'est pourquoi Moody's s'efforce d'imposer aux émetteurs français, notamment aux collectivités locales, de recourir à des contrats de droit anglais dans une tentative de délocalisation par le droit. Le règlement européen devra introduire un vrai régime européen de responsabilité qui inverse la charge de la preuve : ce doit être aux agences de notation de prouver la qualité de leur travail.

La relation entre les émetteurs et les agences de notation n'est pas saine. Entreprises et collectivités se plaignent de la position dominante des agences, qui relèvent sans justification leurs tarifs -les plus grandes entreprises allemandes s'en sont plaintes au début de l'année- et qui veulent imposer les normes comptables américaines grâce auxquelles on pénalise EADS face à Boeing. Il faut une transparence des frais payés, un droit de réponse des émetteurs. Les conflits d'intérêt entre les banques et les agences de notation autour des produits structurés sont mieux surveillés mais on doit passer à un modèle investisseur-payeur.

Le duopole mondial Standard and Poor's et Moody's est à l'origine d'une rente de situation. Les barrières à l'entrée du marché des agences de notation sont difficiles à franchir, or 64 % des investisseurs demandent plus de concurrence. Nous suggérons que les autorités nationales et européennes de la concurrence vérifient que les trois plus grandes agences n'abusent pas de leur situation dominante.

La stratégie de la Commission européenne consistant à renforcer la concurrence pour de petites agences n'est pas convaincante. Il est peu vraisemblable que les petits émetteurs y fassent appel. La création d'une agence publique européenne est une piste qui a peu de chances de prospérer, même si elle est justifiée. L'initiative d'États tentés de se doter de leur agence créerait un soupçon de la part des marchés.

Nous proposons la création d'une agence publique. Il faut diffuser des alternatives à la notation des agences. La Banque de France note environ 250 000 entreprises françaises ; la BCE note les États. La publication de ces notes devrait être envisagée. Pourquoi les banques commerciales ne peuvent-elle pas communiquer leurs notes à un organisme public européen ?

Il n'est pas admissible que l'Europe, première puissance économique du monde, laisse l'univers de la notation aux seules agences américaines. Il est indispensable de faire émerger un grand acteur de la notation. Nous proposons que la Commission européenne lance un appel à projets pour encourager la création d'une agence de taille mondiale.

M. Jean Bizet.  - Très bien !

M. Aymeri de Montesquiou, rapporteur.  - Notre mission souhaite l'émergence de ce grand acteur européen de la notation. Le conclurai avec Talleyrand : « les financiers ne font bien leurs affaires que lorsque l'État les fait mal » ! (Sourires et applaudissements)

M. Éric Bocquet .  - Un travail important a été accompli par cette mission. Nous regrettons avec elle que les agences de notation aient pris un rôle sans commune mesure avec leurs moyens et leur raison d'être.

Trois entités principales existent aujourd'hui : Standard and Poor's, Moody's et Fitch. Si celle-ci est considérée comme française depuis qu'elle appartient à Marc Ladreit de Lacharrière, elles ont des intérêts convergents. Outre qu'elles ont des actionnaires communs, elles sont souvent juges et parties. C'est un peu comme si un participant d'une compétition sportive s'arrogeait le droit de qualifier le jeu de ses compétiteurs et adversaires sans en référer à l'arbitre.

L'imagination européenne est restreinte, lorsqu'elle se limite à des politiques d'austérité, au mépris de l'intelligence collective et du respect de l'environnement. Les agences de notation avaient produit des tensions néfastes dans les années trente en Grèce par exemple. Aucune d'entre elles n'a vu venir la crise des subprimes en 2008. Les algorithmes sophistiqués de la finance ont accru la dépendance des banques les unes envers les autres.

Pourtant, c'est à ce moment-là que nous avons entendu parler d'elles, du triple A, soudain devenu l'alpha et l'oméga de la gestion publique. La notation d'un pays par une agence de notation a-t-elle la moindre conséquence sur la réalité de la dette publique ? Les experts ont reçu une excellente formation, mais confier à deux analystes la notation d'un pays, est-ce raisonnable ? On ne le ferait pas pour une entreprise ! (Mme Marie-Hélène Des Esgaulx approuve)

Quelle valeur accorder à la notation des agences ? Alors que le maintien du triple A est apparu un temps comme un objectif prioritaire de notre politique budgétaire, nous l'avons perdu et pourtant nous bénéficions de taux d'intérêt négatifs. La dette publique française est particulièrement bien jugée sur la planète finance et une banque suisse est intervenue pour faire baisser ces taux.

La mission commune d'information propose de confier le contrôle des agences de notation à la nouvelle entité européenne des marchés financiers. Il faudrait concevoir un outil de notation indépendant des marchés. C'est le cas de la Banque de France, dont l'indépendance est garantie. Il en va tout autrement des agences de notation, toutes rattachées à des sociétés cotées. Au moment où le gouverneur restructure son institution pour supprimer 2 500 postes de travail, cela doit nous interpeller. (Applaudissements sur les bancs CRC et de la commission)

M. François Fortassin .  - Je félicite la mission commune d'information menée par Mme Espagnac et M. de Montesquiou.

Il a fallu qu'on attende la crise des subprimes en 2008 pour s'apercevoir de l'existence des agences de notation. Sont-elles utiles ? Oui ! Si je vais voir le Crédit agricole, un fondé de pouvoirs analysera la capacité de mon entreprise à rembourser. Sur les marchés obligataires, il est évident que les agences de notation sont utiles. Sont-elles crédibles ? Catégoriquement non ! Leurs analystes font preuve d'un grand amateurisme. Que d'errements ! Ceux que j'ai rencontrés étaient cravatés comme des notaires de province et au garde-à-vous devant leurs chefs. Ce sont des plantes de serre qui ne résistent pas à la gelée alors qu'il faudrait des chênes de plein vent.

Il y a trois agences -je ne parle pas d'une obscure agence bulgare-, toutes américaines. On peut douter de leur objectivité. Une agence européenne ? Oui, si elle n'est pas rachetée par une agence américaine au bout de quelques mois.

Je veux pousser un coup de gueule : j'ai appris cet après-midi que le Crédit immobilier de France, qui a tellement fait pour l'accès à la propriété, a des fonds propres à hauteur de 2,4 milliards.

M. Alain Fouché.  - Avec une bonne gestion !

M. François Fortassin.  - Oui. Et là, au prétexte que Moody's l'a dégradé, il va disparaître. C'est scandaleux ! (On approuve vigoureusement)

Je n'ai rien d'un boutefeu, mais s'il fallait acheter une corde pour pendre quelqu'un, je l'achèterais immédiatement. (Applaudissements unanimes)

Mme Leila Aïchi .  - La crise financière que traverse le monde depuis la crise des subprimes ne cesse de défrayer l'actualité. La psychose collective de la perte du triple A a projeté les agences de notation comme des acteurs incontournables. Ce marché est oligopolistique. Ces organismes privés sont tous situés à New-York. Ils portent une conception anglo-saxonne de l'économie, tandis que les projets du français Coface et de l'allemand Roland Berger n'ont pas abouti.

Quelle est la légitimité de ces agences eu égard à leurs responsabilités ? Leur omnipotence pose problème. La crédibilité exige un contrôle démocratique. Les États-Unis, le Japon, la France ont perdu leur triple A -et pourtant empruntent à taux bas. L'Allemagne, meilleur élève économique de la zone euro, est placée sous surveillance.

Bref, ces acteurs à la légitimité discutable privilégient une vision anglo-saxonne de la finance, aggravée par la problématique des CDS. Ce produit financier dérivé n'est soumis à aucun contrôle public. Inventé en pleine période de dérégulation, il doit permettre au détenteur d'une créance de se faire indemniser au cas où l'émetteur d'une obligation fait défaut. On comprend ainsi comment la dégradation des notes qui minent la dette souveraine des Etats joue en faveur des spéculateurs.

Enfin, l'indépendance des agences est compromise par le modèle émetteur- payeur que les agences ont substitué progressivement au modèle investisseur-payeur. Cela a aggravé les risques de conflit d'intérêt et explique que Vivendi Universal ait été estampillé AAA deux semaines avant de faire faillite et Lehman Brothers deux jours avant son effondrement.

L'opacité du fonctionnement des agences de notation est loin de faire l'unanimité parmi les acteurs économiques. Les grandes agences de notation exercent un oligopole. La crédibilité de ces organismes privés est en question. La perte d'un ou plusieurs crans entraîne des conséquences désastreuses sur l'emploi.

L'Europe doit se doter de ses propres instruments de contrôle. Il faut renforcer l'Autorité européenne des marchés financiers, l'Autorité bancaire européenne et l'Autorité européenne des assurances. Oui au contrôle démocratique, oui à l'Europe, oui au TSCG ! (Applaudissements sur un certain nombre de bancs socialistes et RDSE)

M. Vincent Delahaye.  - C'est bon pour le traité, ça !

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx .  - Vice-présidente de la mission commune d'information, je me suis passionnée pour ses travaux. Je remercie la présidente et le rapporteur pour ce travail collégial consensuel, qui a abouti à un rapport adopté à l'unanimité.

Nous proposons l'obligation pour les agences de notation de respecter un calendrier et de souscrire une assurance civile professionnelle. L'influence des agences de notation est démesurée. Comment les recadrer ?

Avec la mondialisation de la finance, les profits des agences de notation se sont accrus de manière spectaculaire. La notation financière s'est imposée comme incontournable. Le principe de l'émetteur-payeur leur confère un rôle de quasi-régulateur. Leurs méthodes sont opaques, leur réactivité est insuffisante. Elles sont parfois aveugles, voire incompétentes.

La crise a révélé leur opacité, leur manque d'anticipation, leur insuffisante anticipation, leur légèreté parfois. Elles ont amplifié la spéculation.

Les agences de notation justifient a posteriori des positions spéculatives, selon le modèle des prophéties auto-réalisatrices. La puissance publique elle-même leur a donné un statut d'auxiliaire de service public. Avec trois lettres, A, B, C, elles font trembler la planète finance.

L'intérêt supérieur de la Nation est en jeu. Le pouvoir politique ne peut y être indifférent. Les agences de notation sont des prestataires de services. Leur pouvoir est déraisonnable, quant à la notation des dettes souveraines. On ne peut appliquer les mêmes critères au corporate et au souverain. Il faut mettre fin au principe de l'émetteur-payeur et revenir à l'investisseur-payeur : ce modèle ne subsiste que pour les plus petites agences.

La question de la légitimité de la notation du souverain ne se pose que depuis 2009. Les États peuvent lever l'impôt, créer de la monnaie : cela en fait un investissement sûr ! La notation doit prendre en compte la capacité d'un État à rembourser sa dette, mais aussi de sa volonté de le faire. La notation repose donc sur des éléments politiques et institutionnels ; l'appréciation est très largement qualitative. La grille, la méthode de notation ne peut être la même que pour le corporate.

Les États ne demandent pas la notation ; le défaut d'un État est très rare. La notation souveraine, subjective et hétéroclite, devient procyclique. Les agences de notation non aucune légitimité à noter les États ; elles n'en ont d'ailleurs pas les moyens. On ne note pas la France à deux, par conférence téléphonique ! La notation souveraine ne saurait relever d'une simple opinion : il faut pouvoir entrer dans la structure d'un budget, évaluer les dépenses productives, etc. C'est au-dessus des moyens des agences de notation.

Celles-ci se sont pourtant arrogé le droit de noter les États -surtout les États européens. Pour l'Union européenne, 27 notes ; pour les États-Unis, une seule alors qu'on connaît la situation d'un État comme la Californie... Derrière, il y a le financement de l'économie. Je souhaite une montée en puissance de la BCE. Le changement de majorité remet-il en question l'action de vos prédécesseurs ? (Applaudissements à droite et au centre)

M. Yannick Botrel .  - Ce débat est aussi opportun qu'important. Je salue le travail de la mission commune d'information. La crise financière a mis à jour les failles du système financier et son interdépendance. Facteur aggravant : notre dépendance aux agences de notation, oracles tout-puissants des temps présents. C'est l'année dernière, quand l'une de ces agences a dégradé la note de la France, que les médias se sont intéressés à leur rôle. Dans une économie globalisée, où les États se financent sur les marchés, rien de surprenant. La dette de l'État français est désormais exclusivement émise sur les marchés.

L'évaluation donne aux agences de notation un semblant d'autorité scientifique. La mauvaise note peut pourtant aggraver les difficultés, déclenchant un cercle vicieux : c'est un pouvoir qui peut être mortifère. Une erreur technique de Standard and Poor's se répercute immédiatement sur les taux supportés par la France ! Les conséquences sont lourdes, pour les États ou les entreprises, sans que la responsabilité des agences de notation puisse être mise en cause. Moody's contractualise ainsi selon le droit britannique, plus favorable à cet égard.

Qui peut garantir l'indépendance des agences de notation, l'absence d'éventuels conflits d'intérêts ? En matière de transparence et de rigueur, on peut mieux faire. Les régulateurs publics n'ont pas de moyen d'ingérence dans les méthodes utilisées. Les accords de Bâle ont paradoxalement renforcé le rôle des agences. Leur toute-puissance doit être stoppée. La notation doit rester consultative. Mais une fois un système institutionnalisé, difficile de s'en affranchir.

Les trois principales agences détiennent 95 % du marché. L'Europe doit se doter rapidement de sa propre agence. Une convergence réglementaire permettrait à l'AEMF de jouer pleinement son rôle ; la BCE doit investir davantage sa fonction d'expertise. Oui à une agence européenne. La diversification des sources limiterait les erreurs. La notation ne doit plus être obligatoire, mais consultative.

Il faut en outre encadrer les conflits d'intérêts entre agences et entités notées.

Enfin, un État ne doit pouvoir être noté sans que la représentation nationale soit impliquée. Les règles doivent être renforcées. Les agences de notation doivent apporter un service d'informations, nous ne leur demandons pas d'opinion politique. D'où l'exigence de transparence, et de responsabilité. Je me félicite de la volonté du Gouvernement de mettre en place cette agence publique.

On ne peut qu'approuver les propositions du rapport de la mission commune d'information. Il s'agit de relativiser le rôle des agences de notation, de restaurer la primauté de l'expression démocratique des peuples sur un pouvoir exorbitant détenu par un petit nombre. (Applaudissements à gauche)

M. Vincent Delahaye .  - Beaucoup de choses ont été dites. Je suis heureux que la proposition du groupe UCR de créer une telle mission ait été reprise.

Pendant des années, vivre à crédit ne posait problème à personne. Les dettes s'accumulaient, dans l'insouciance, mais les agences de notation ne s'en souciaient pas : les notes restaient bonnes. L'idée du défaut d'un État n'effleurait personne. Pourtant, l'expérience des années 30 aurait dû faire réfléchir. Les fiascos d'Enron, de Lehman Brothers, ont changé la donne. La crise grecque est due largement à cette carence d'anticipation et de mesures. Le Sénat américain s'est penché sur la question des agences de notation en 2011.

Il ne s'agit pas de supprimer les agences : ce n'est pas en cassant le thermomètre qu'on guérit le malade. Le problème est celui de la concentration des trois agences.

Une agence publique avec de l'argent public ? Nous n'en avons pas les moyens. Quelle serait en outre son indépendance ? Une telle agence va-t-elle dégrader la note de la France ou de l'Allemagne ?

Qui trop embrasse mal étreint : le problème de la notation est la concentration du marché. Il faut ramener la notation à sa juste place : une opinion, pas une parole d'évangile.

Quelques solutions de bons sens pour nous désintoxiquer de notre addiction à la notation, inspirées par le rapport de la mission comme par l'Institut Montaigne : mettre fin à l'oligopole, renforcer la transparence, instaurer un principe de responsabilité des acteurs. Supprimons autant que possible l'obligation légale de recourir à la notation.

Pourquoi ne pas renforcer la concurrence, avec une agence européenne, qui corrigerait le biais américain ? Il faut revoir les ressources humaines des agences, leur méthodologie, faire connaître les infractions commises, dans la presse économique, aux frais des agences coupables.

Il faut passer du modèle émetteur-payeur au modèle investisseur-payeur. Il convient de réinternaliser le contrôle des risques au sein des établissements de crédit, pour éviter de trop dépendre des agences de notation. Il faut instaurer une plate-forme de notation, qui offrirait une vue d'ensemble : on pourrait comparer les notes des agences et leur performance. L'idée d'un calendrier des notations souveraines est également bienvenue. Autant de propositions pragmatiques et réalistes pour réglementer un secteur dont, malheureusement, nous ne pourrons nous passer. (Applaudissements à droite et au centre)

M. Jean Bizet .  - À mon tour de saluer cet excellent travail, qui atteste de l'intérêt que le Sénat porte à cette question essentielle. Depuis la crise des subprimes, les limites des agences de notation ont été pointées du doigt. Leur rôle d'accélérateur de la crise -en Grèce notamment- est apparu. Mais nous restons dépendants des agences de notation... Chaque annonce fait trembler les gouvernements et influe sur la stabilité de la zone euro. On est passé d'un financement de l'économie par les banques à un financement par les marchés -totalement globalisé. Les agences de notation sont devenues des quasi-régulateurs. Les notes ne sont plus de simples opinions mais influent sur le taux des emprunts et la crédibilité de l'émetteur. La transparence des méthodes d'analyse n'a jamais été exigée ni encadrée. Quelques propositions : un système de certification professionnelle des agences ; l'organisation de leurs missions pour éviter les conflits d'intérêt sur les produits structurés, l'émission de contrat de droit anglo-saxon, l'intrusion dans les opérations de fusion-acquisition. Oui à la responsabilité des agences, à la consultation des commissions des finances des parlements nationaux. L'absence de concurrence sur le marché de la notation frise l'abus de position dominante : l'émergence de nouveaux intervenants serait bienvenue. Je suis pour une agence européenne, privée, de taille mondiale, impartiale.

Je me réjouis que le président Barroso ait été interpellé sur les propositions du rapport, comme le permet le traité de Lisbonne, même s'il ne se montre guère réactif comme je l'ai constaté lorsque je l'ai moi-même saisi à propos de l'aide alimentaire... Le lien avec la Commission européenne est d'autant plus pertinent que le projet du Sénat va dans le sens du projet Barnier. S'il faut saluer la volonté du président Obama de moraliser la finance américaine avec le Dodd-Frank Act, sa mise en oeuvre n'est pas encore effective... Il faudra harmoniser les règles au niveau mondial. La régulation, la réciprocité dans les échanges sont autant de défis pour la France. L'urgence, c'est maintenant ! (Applaudissements à droite et au centre)

M. Pierre Moscovici, ministre de l'économie et des finances .  - Merci pour vos travaux, qui enrichissent la position du Gouvernement dans la négociation européenne et internationale

Le vrai sujet, c'est le contrôle du risque, la juste place de la finance, son emprise excessive sur l'économie. La réflexion sur le rôle des agences de notation doit donc s'insérer dans une stratégie plus complète. Nous y travaillons. Les agences de notation ne sont qu'une pièce du puzzle.

Au G20, à Bruxelles, la France est l'un des États les plus volontaristes. Nous espérons faire mieux que le précédent gouvernement, madame Des Esgaulx. Il faut rassembler nos partenaires autour d'un compromis exigeant. Des progrès ont été réalisés depuis 2009. Depuis 2011, les travaux du G20 de Los Cabos mettent l'accent sur la réduction de la dépendance mécanique des acteurs à la notation.

Le G20 de juin 2012 a aussi souhaité accroître la transparence et la concurrence. Un règlement européen de 2009 a fait sortir la régulation des agences d'un no man's land, mais il faut encore approfondir le cadre de la régulation, en menant la renégociation de ce texte, actuellement en cours. Le Parlement européen s'est prononcé en juin ; ses positions sont ambitieuses, en matière de concurrence, de responsabilité civile, de réduction de la dépendance à la notation. Nous sommes donc en phase de « trilogue » -excusez le jargon !

La France recherche un compromis ambitieux -il s'agit de convaincre nos partenaires.

Au sein du Conseil, les États membres se sont mis d'accord pour réduire la dépendance à la notation, mettre en place un régime de responsabilité civile -un peu moins ambitieux que celui que vous proposez, mais qui demeure exigeant. Nous avons obtenu que le texte européen prévoit un régime strict -sans aller jusqu'à interdire la clause limitative de responsabilité.

Autre sujet, l'encadrement des notations souveraines. Les discussions se sont concentrées sur les horaires et modalités de publication des notations. Les « surprises » des calendriers de notation sont à craindre -mais d'autres États membres sont réticents sur le sujet. Un compromis doit pouvoir être trouvé. Le règlement européen sera étendu aux perspectives de notation. Un travail a été accompli sur l'indépendance des agences, les conflits d'intérêts, la transparence. Les propositions vont dans votre sens.

La qualité des analystes et la formation vous inquiète à juste titre. Un accord a été trouvé sur la concurrence : l'obligation pour les émetteurs de changer d'agence tous les quatre ans va dans le bon sens. Reste à européaniser le système... avec de nouveaux acteurs.

La publication des notations de banques centrales et des banques commerciales est intéressante, mais nécessite d'être techniquement approfondie.

Un rapport sur le financement des agences sera prochainement publié. L'idée d'une plate-forme rassemblant les informations sur les produits structurés a été soutenue sans succès par la France en 2010. Les propositions actuelles pour favoriser la contre-expertise vont toutefois dans le bon sens.

La négociation européenne avance, sous l'impulsion de la France, il s'agit de dégager des compromis. La proposition d'agence européenne, soutenue par la France, est rejetée par une majorité écrasante de nos partenaires -a fortiori si cette agence devait être financée sur fonds publics.

M. Bocquet s'inquiète des moyens effectifs employés par les agences de notation pour évaluer la dette des États. La France a obtenu que l'AEMF se penche sur cette question. Monsieur Fortassin, l'exemple du CIF est bien choisi : le moment de la dégradation a créé un choc. Hélas le problème n'est pas entièrement là. Le modèle économique et financier du CIF était condamné. Sans dépôt, même bien capitalisée, une banque ne peut survivre.

Je m'emploie à ce que les personnels trouvent une solution -il y aura une garantie d'État- et que l'activité utile soit reprise. Je rencontre demain la Fédération française des banques.

Mme Aïchi a souligné les défauts du mode de financement des agences. Je partage cette analyse, mais les alternatives ne sont pas faciles à trouver. La Commission européenne prépare un rapport sur le sujet. Oui à davantage de transparence !

Madame Des Esgaulx, il faut en effet se désintoxiquer de la notation par les agences. Je suis sensible à la qualité de la signature de la France, qui doit être crédible : nous voulons tenir les 3 %, pour ne pas subir des taux insupportables. Nous ne voulons pas une France serve mais une France souveraine ! Le Gouvernement poursuit l'action de son prédécesseur et au moment où il faut progresser dans l'intégration européenne, nous entendons faire mieux.

Je salue le rôle de la BCE. L'intégration européenne a progressé. Le Gouvernement plaide pour des avancées sur les agences de notation avec conviction.

Monsieur Botrel, la future directive comporte des avancées réelles en matière de responsabilité et s'inspire d'ailleurs de la réglementation française. C'est un compromis, nous ne baissons pas les bras ! Il en va de même pour l'agence européenne.

Monsieur Delahaye, le Gouvernement partage l'objectif de renforcer la concurrence dans le secteur, et la transparence. Mais cela ne passe pas par une décision administrative, mais par l'arrivée de nouveaux acteurs pour sortir de la situation oligopolistique d'esprit anglo-saxon.

Monsieur Bizet, l'AEMF exerce déjà un contrôle de la formation des analystes. Il faut aller plus loin encore.

Je salue la qualité de vos travaux, formidablement consensuels. Ses résultats seront très utiles à la démarche du Gouvernement. Merci de votre soutien. (Applaudissements)

Prochaine séance mardi 9 octobre 2012, à 14 h 30.

La séance est levée à minuit cinq.

Jean-Luc Dealberto

Directeur des comptes rendus analytiques

ORDRE DU JOUR

du mardi 9 octobre 2012

Séance publique

À 14 HEURES 30 ET LE SOIR

Proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, visant à la suspension de la fabrication, de l'importation, de l'exportation et de la mise sur le marché de tout conditionnement à vocation alimentaire contenant du bisphénol A (n° 27, 2011-2012)

Rapport de Mme Patricia Schillinger, fait au nom de la commission des affaires sociales (n° 8 2011-2012)

Texte de la commission (n° 9, 2011-2012)

Projet de loi autorisant la ratification de la convention du travail maritime de l'Organisation internationale du travail (n° 376, 2011-2012)

Rapport de M. André Trillard, fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées (n° 4, 2012-2013)

Texte de la commission (n° 5, 2012-2013)

Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'approbation du protocole additionnel à l'accord de partenariat et de coopération entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République fédérative du Brésil, relatif à la création d'un centre de coopération policière (n° 3, 2011-2012)

Rapport de M. René Beaumont, fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées (n° 694, 2011-2012)

Texte de la commission (n° 695, 2011-2012)

Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'approbation de l'accord d'entraide judiciaire en matière pénale entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République fédérale du Nigéria (n° 352, 2011-2012)

Rapport de M. Jean-Paul Fournier, fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées (n° 413, 2011-2012)

Texte de la commission (n° 414, 2011-2012)

Projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République libanaise relatif à la coopération en matière de sécurité intérieure, de sécurité civile et d'administration (n° 498, 2011-2012)

Rapport de M. René Beaumont, fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées (n° 696, 2011-2012)

Texte de la commission (n° 697, 2011-2012)

Projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de Géorgie relatif à la coopération en matière de sécurité intérieure (n° 524, 2011-2012)

Rapport de M. Raymond Couderc, fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées (n° 698, 2011-2012)

Texte de la commission (n° 699, 2011-2012)

Sous réserve de leur dépôt, conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi relatif à la mobilisation du foncier public en faveur du logement et au renforcement des obligations de production de logement social

Conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi portant création des emplois d'avenir

Rapport de M. Claude Jeannerot, rapporteur de la commission mixte paritaire (n° 1, 2012-2013)

Texte de la commission (n° 2, 2012-2013)