Questions orales

Mme la présidente.  - L'ordre du jour appelle dix-neuf questions orales.

Criminalité en Guyane

M. Georges Patient.  - L'insécurité s'accroît en Guyane : pas un jour sans un cambriolage ou un crime. Des communes naguère connues comme des havres de paix ne sont plus épargnées. L'orpaillage clandestin n'en est plus la première cause. La population se sent délaissée par les pouvoirs publics et éprouve la tentation de se faire justice elle-même.

La politique de sécurité devrait être plus adaptée aux réalités locales : Saint-Laurent-du-Maroni, dont la population s'est beaucoup accrue depuis dix ans, devrait être dotée d'un commissariat de police nationale.

Qu'entend faire le Gouvernement pour empêcher la Guyane de devenir une zone de non-droit ?

Mme Marie-Luce Penchard, ministre auprès du ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration, chargée de l'outre-mer.  - M. Guéant étant absent, je vous répondrai sur ce sujet que je connais bien. La Guyane n'est pas et ne sera jamais une zone de non-droit. Outre les forces de police et de gendarmerie ordinaires, six escadrons de gendarmes mobiles, un peloton mobile de la garde républicaine et 650 soldats, dans le cadre de l'opération Harpie, sont sur place.

Certes, des crimes ont ému les Guyanais : je pense à la disparition de Paulin Clet. Mais les violences aux personnes sont en baisse, et leur nombre doit être comparé à celui des infractions à la législation sur l'immigration. Aux côtés des collectivités locales, l'État est pleinement mobilisé.

M. Georges Patient.  - Selon les statistiques de votre ministère, les forces de l'ordre sont plus nombreuses en Guyane depuis quelques années, et les atteintes aux personnes reculent. Reste que la Guyane est un des territoires où la criminalité a le plus fortement augmenté, comme le signale le dernier rapport de l'Observatoire national de la délinquance, et les Guyanais attendent que le Gouvernement agisse : ils vous le diront quand vous irez, en fin de semaine, les rencontrer.

Radars routiers

M. Claude Léonard.  - Est-il vrai que les radars ne soient pas installés dans les zones les plus accidentogènes ? C'est ce que semblent montrer les chiffres : il y en a davantage sur les autoroutes que sur les départementales, alors que les accidents y sont moins nombreux.

Si les recettes sont équitablement réparties, le produit des amendes est partiellement détourné de son objet en servant au désendettement de l'État. En outre, la vitesse excessive n'est qu'une des causes d'accidents. Il faudrait aussi s'attaquer aux autres : fatigue et somnolence, qualité des infrastructures, alcool, stupéfiants, etc.

Mme Marie-Luce Penchard, ministre auprès du ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration, chargée de l'outre-mer.  - Les préfets décident de l'implantation des radars. Ceux-ci sont installés prioritairement dans les lieux accidententogènes, comme sur les départementales où l'on déplore 66 % des décès.

Depuis 2002, la politique de sécurité routière a permis de sauver 32 000 vies et d'éviter 500 000 accidentés. L'utilisation de radars mobiles optimise cette action en ville et sur les routes peu fréquentées. Le Gouvernement lutte contre l'alcoolisme au volant, première cause d'accidents mortels : les établissements qui délivrent de l'alcool de nuit doivent désormais proposer des éthylotests à leurs clients et, bientôt, tous les véhicules devront en être équipés. Pour combattre la somnolence, des bandes sonores seront disposées sur les autoroutes pour alerter les conducteurs sur leurs écarts de trajectoire. Le Gouvernement veut poursuivre son action pour qu'en 2012 encore, la mortalité routière diminue.

M. Claude Léonard.  - Dans mon cabinet de médecine générale, situé à la campagne, j'ai souvent constaté les ravages de l'alcool au volant, que l'on sait aujourd'hui très bien mesurer. Ce n'est pas le cas de la consommation de stupéfiants, à laquelle s'adonnent de plus en plus les jeunes et qui cause bien des drames.

Statut des suppléants de parlementaires

M. Gilbert Roger.  - Le rôle des suppléants de députés est encadré par l'article L.O. 176 du code électoral. De quelle légitimité dispose donc un suppléant s'arrogeant le titre de « député suppléant » et bénéficiant ainsi d'encarts dans la presse et d'une part de la réserve parlementaire ?

Mme Marie-Luce Penchard, ministre auprès du ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration, chargée de l'outre-mer.  - Il ressort du code électoral que le suppléant n'est élu qu'afin de remplacer éventuellement un député ou un sénateur. Mais il joue indubitablement un rôle dans la vie politique locale. Les manifestations publiques sont, par définition, publiques et la presse est libre d'en faire le traitement qu'elle entend.

M. Gilbert Roger.  - Rappelez donc le droit à M. Éric Raoult, qui fait coller des affiches avec le portrait de son suppléant, et au fils du ministre de l'intérieur, qui se prévaut du titre de député suppléant pour poser la première pierre d'une maison de retraite et faire état d'un versement de 100 000 euros sur la réserve parlementaire ! D'où vient l'argent ?

Effectifs de la police à Paris

M. Roger Madec.  - Je regrette l'absence de M. Guéant, sans doute occupé à commenter sur les ondes la pseudo-amélioration des chiffres de la sécurité...

La RGPP taille sans discernement dans les effectifs de la fonction publique, et cela vaut aussi pour la préfecture de police de Paris : 400 emplois ont été supprimé ces dernières années. Les heures supplémentaires représentent 300 temps pleins ! La ville de Paris finance la préfecture de police : comment sont répartis les effectifs par arrondissement et par catégorie de fonctionnaires. Je tiens à rendre hommage aux policiers et à Michel Gaudin, haut fonctionnaire loyal à la République.

Mme Marie-Luce Penchard, ministre auprès du ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration, chargée de l'outre-mer.  - En tant que membre du Gouvernement et du pôle Intérieur, je suis habilitée à vous répondre. Depuis neuf ans, l'action de la majorité a fait reculer la délinquance de 17 %, contrairement à ce qui s'est passé entre 1997 et 2002.

A Paris, la ville ne finance pas la police nationale, qui relève du budget de l'État. Le nombre de policiers par habitant y est plus élevé que la moyenne en Ile-de-France. Leur répartition tient compte des spécificités de chaque arrondissement : fréquentation touristique, présence de grands établissements, etc. Ce qui compte, ce sont les résultats. Depuis dix ans, le taux de délinquance à Paris a baissé de 26 %, et le taux d'élucidation est passé de 19 à 38 % dans la très grande majorité des arrondissements !

M. Roger Madec.  - Arrêtez d'invoquer l'héritage. Voilà presque dix ans que vous êtes chargés de la sécurité des Français : assumez donc les effets de votre politique ! Quand, dans les commissariats, on décourage le dépôt de plaintes, la délinquance fond comme neige au soleil. Dans l'est parisien, la situation est catastrophique : on ne trouve pas toujours des policiers en nombre suffisant pour intervenir la nuit.

Intégration des Roms

Mme Aline Archimbaud.  - Le Gouvernement devait présenter à la Commission européenne, avant la fin 2011, une stratégie nationale pour l'intégration des Roms, portant notamment sur l'éducation, l'emploi, la santé et le logement, conçue en collaboration étroite avec la société civile et les collectivités et concernant toute la population en cause : gens du voyage ou Roms migrants. Qu'en est-il ?

Quand seront levées les restrictions à l'immigration des Roms roumains et bulgares ? Il semble que la France ait demandé à la Commission européenne leur prorogation, contrairement à l'Italie.

Mme Marie-Luce Penchard, ministre auprès du ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration, chargée de l'outre-mer.  - Conformément aux conclusions du Conseil européen de juin, le Gouvernement a élaboré une stratégie nationale intitulée « Une place égale dans la société » : le rapport a été transmis à la Commission européenne mais n'a pas encore été rendu public car il faut se donner le temps de la concertation.

Quant aux ressortissants roumains, ils peuvent d'ores et déjà s'installer en France, à condition de pouvoir subvenir à leurs besoins.

Mais la France a maintenu, pour 2012 et 2013, le régime d'opposabilité de la situation de l'emploi, en raison de la crise et du chômage élevé des immigrés roumains. En tout état de cause, conformément au traité d'adhésion, ce régime prendra fin en 2014.

Mme Aline Archimbaud.  - Des Roms, engagés dans des dispositifs d'insertion mis en place avec l'accord du Gouvernement, se voient refuser des titres de séjour ! On conçoit des difficultés rencontrées par les collectivités...

L'Italie a levé les restrictions sur son marché du travail visant les citoyens roumains et bulgares.

En France, même en ce qui concerne les métiers « ouverts », il faut attendre entre deux et neuf mois son titre de séjour. Les entreprises ne peuvent pas patienter aussi longtemps !

Enfants en difficultés éducatives

M. Jacques Berthou, en remplacement de M. Jacques-Bernard Magner.  - Face aux difficultés croissantes rencontrées par les élèves, les enseignants sont de plus en plus seuls. Tandis que le nombre d'élèves augmente, celui des enseignants diminue. Le ministère est animé par le seul souci gestionnaire.

En outre, les Rased ont perdu le quart de leurs effectifs ! Alors qu'il n'a procédé à aucune évaluation depuis 1996, le ministère critique ces réseaux, avec des arrière-pensées budgétaires...

Mme Jeannette Bougrab, secrétaire d'État auprès du ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative, chargée de la jeunesse et de la vie associative.  - Veuillez excusez M. Chatel, empêché. La lutte contre l'échec scolaire est une priorité de son ministère, comme l'illustre la réforme de l'école primaire. Les stages de remise à niveau, le soutien éducatif, l'aide personnalisée visent à répondre aux difficultés des élèves.

Quant aux Rased, M. le ministre a voulu concentrer leur action sur les plus graves difficultés. C'est d'ailleurs une notion qu'il faut préciser pour adapter les moyens aux besoins. M. Chatel a aussi voulu donner un rôle accru aux psychologues scolaires, qui devront désormais être d'anciens professeurs d'école.

M. Jacques Berthou.  - Beaucoup de jeunes dont les difficultés ne sont pas assez graves pour être prises en charge par les Rased en auraient pourtant besoin ! Avec votre politique de hiérarchisation des cas, vous excluez beaucoup trop de jeunes. Laissez donc les psychologues des Rased faire leur travail.

Programme personnalisé de réussite éducative (PPRE)

M. Jacques Berthou.  - Les textes réglementaires préconisent une prise en charge progressive des difficultés rencontrées par les élèves et le placement en milieu spécialisé ne doit être qu'un dernier recours. Mais dans les campagnes, l'insuffisance des moyens oblige à placer les élèves dans des classes d'insertion situées en zones urbaines.

Les enfants doivent quitter leur environnement familier et les communes rurales doivent, de plus, payer les frais de scolarité : c'est la double peine !

Mme Jeannette Bougrab, secrétaire d'État auprès du ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative, chargée de la jeunesse et de la vie associative.  - Je l'ai dit, la lutte contre l'échec scolaire est une priorité du Gouvernement. Les Rased s'occupent désormais des seuls élèves qui connaissent de graves problèmes comportementaux ou psychologiques.

Pour le reste, les PPRE visent à adapter la prise en charge aux besoins de chaque élève : 9,8 % en bénéficient dans votre département. En ce qui concerne les psychologues scolaires, quatre personnes sont en formation en 2011-2012 et tous les postes seront pourvus à la prochaine rentrée. Quant aux 36 classes d'inclusion scolaire, elles relèvent de la Maison départementale des personnes handicapées.

Vous le voyez, chaque enfant peut recevoir une aide adaptée à sa situation, conformément à la tradition républicaine.

M. Jacques Berthou.  - Les élèves qui doivent être placés en ville ne devraient pas être rayés des effectifs dans leur commune d'origine : le maintien d'une classe se joue parfois à un élève ! De plus, ces enfants auraient pu être pris en charge sur place par les Rased.

Personnel soignant des Ephad

Mme Jacqueline Alquier.  - La catégorie A n'existant pas pour les infirmiers dans la fonction publique territoriale, le détachement dans la fonction publique hospitalière pour exercer en établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ephad) est devenu impossible.

La mise en place d'une formation d'assistant en gérontologie et d'une prime afférente a créé une nouvelle distorsion entre les deux fonctions publiques.

Quand seront donc publiés les décrets destinés à harmoniser les statuts et à résoudre les difficultés de recrutement ?

Mme Jeannette Bougrab, secrétaire d'État auprès du ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative, chargée de la jeunesse et de la vie associative.  - Veuillez excuser M. François Sauvadet, empêché.

Pour les personnels infirmiers, la loi prévoit qu'ils peuvent opter pour la catégorie B ou A, à condition, dans ce cas, de renoncer à la catégorie active : 53 % des infirmiers ont choisi cette dernière option.

Seuls 15 % des infirmiers territoriaux sont en catégorie active. Leur revalorisation est une priorité du Gouvernement. La réforme doit être équitable au regard de la situation des infirmiers hospitaliers, qui ont du accepter une contrepartie. Le décret en préparation y pourvoira.

Pour les assistants en gérontologie, le plan Alzheimer prévoit d'adapter les formations aux besoins des patients. Une prime de 90 euros bruts par mois est versée. Il faudra que les personnels territoriaux reçoivent la même formation et la prime.

Mme Jacqueline Alquier.  - Cela fait un an que le personnel attend et vous nous dites que les décrets sont toujours en préparation. Ce n'est pas la réponse qu'ils espéraient !

Accessibilité des maisons d'assistants maternels aux personnes handicapées

Mme Muguette Dini.  - Sur les cinq ministres présents ce matin, quatre sont des femmes. J'aurais bien aimé que ce pourcentage soit le reflet de la composition du Gouvernement ! (Applaudissements sur les bancs socialistes)

Le ministère de l'intérieur avait placé les maisons d'assistantes maternelles (MAM) en quatrième catégorie, ce qui en condamnait le développement. Depuis le 9 décembre 2011, les MAM sont devenues des ERP de cinquième catégorie, ce qui est justifié du point de vue de la sécurité. En revanche, on leur demande d'être accessibles aux handicapés.

Un assistant maternel ne peut être en fauteuil roulant alors qu'il s'occupe d'enfants ; un fauteuil de petit enfant handicapé n'a pas besoin de plus d'espace qu'une poussette. L'assistant maternel est lié à son employeur par un contrat. Les parents handicapés ou d'enfants handicapés doivent pouvoir choisir à qui ils s'adressent. Je ne veux bien sûr pas exclure les handicapés mais il semble qu'une nouvelle condamnation des MAM est programmée. Que compte faire le Gouvernement ?

Mme Claude Greff, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la cohésion sociale, chargée de la famille.  - Excusez Mme Montchamp qui a une extinction de voix.

Je connais votre intérêt pour la politique familiale. La loi du 9 juin 2010 relative à la création des MAM a prévu une nouvelle solution d'accueil pour les enfants : accueillant du public, il faut qu'elles soient accessibles à tous, conformément à la loi de 2005 sur les handicapés.

Il est envisagé, dans un projet de décret, de leur accorder, sous certaines conditions, des facilités pour les règles relatives à l'accessibilité : seule une partie du bâtiment serait tenue d'accueillir les handicapés. En outre, la sécurité sociale peut prêter des fonds aux assistantes maternelles pour procéder à des travaux d'accessibilité, jusqu'à 10 000 euros par personne dans la limite de 80 % des frais engagés. Le décret répondra sans doute à votre préoccupation.

La création des MAM est une réussite dont nous pouvons tous être fiers et elle répond à des modes de garde indispensables à nos enfants, surtout en zone rurale.

Mme Muguette Dini.  - Merci pour cette annonce. J'espère que le décret sera bientôt publié. Les MAM sont des maisons ordinaires. Obliger à emprunter de l'argent pour les rendre accessibles aux adultes handicapés, c'est excessif.

Il serait intéressant de savoir combien de MAM ont été créées depuis la loi. Les PMI font de la résistance alors qu'on pourrait ainsi multiplier le nombre de places de garde.

Financement de la route centre Europe atlantique

M. Jean-Patrick Courtois.  - Comment financer la mise à 2x2 voies de la route centre Europe atlantique (RCEA) entre Montmarault et Mâcon ? La mise en concession a été proposée le 24 juin dernier. Mais le conseil général de Saône-et-Loire réclame la perception de l'écotaxe sur la partie concernée de la voirie nationale qui serait, pour ce faire, déclassée en voirie départementale. Peut-il avoir satisfaction ? L'État est-il prêt à laisser le département s'endetter à hauteur de 550 millions d'euros ? L'opération peut-elle avoir lieu sans que les autres collectivités soient consultées ? Enfin, l'abattement de l'écotaxe prévu pour certaines régions excentrées sera-t-il compensé par l'État ? A l'heure où le conseil général de mon département organise une votation citoyenne, je souhaite que soit mise en place la solution la plus équitable et la plus rapide.

Mme Claude Greff, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la cohésion sociale, chargée de la famille.  - M. Mariani m'a demandé de vous répondre. Le débat qui s'est tenu sur la route centre Europe atlantique a montré tout l'intérêt de ce projet. Mais les crédits publics ne peuvent être seuls mis à contribution. La mise en oeuvre de l'écotaxe en 2013 ne modifie pas la donne ; elle a vocation à financer l'Afitf et l'entretien du réseau routier. C'est pourquoi M. Mariani et Mme Kosciusko-Morizet ont opté pour la concession. C'est la seule solution raisonnable.

Le conseil général de Saône-et-Loire plaide pour un aménagement sur crédits publics avec recours à l'emprunt. Il demande le transfert des routes nationales concernées au département. Le ministère examine cette solution mais la garantie d'emprunt reporterait la charge sur l'État, ce qui n'est pas envisageable.

Le dossier est en cours d'examen. Ces questions seront étudiées pour parvenir à la solution la plus adéquate et la plus équitable.

M. Jean-Patrick Courtois.  - Il faudrait que M. Mariani réponde clairement à nos questions puisque c'est le département qui emprunterait ces 550 millions. Peut-il le faire ? La concession nous paraît être la meilleure solution.

Préservation du foncier agricole dans le Morbihan

M. Michel Le Scouarnec.  - L'agriculture est essentielle à la Bretagne. Son principal outil est le foncier. Or, dans le Morbihan, la surface agricole a perdu 63 000 hectares en dix ans. En tout, les terres agricoles devenues constructibles représentent un département tous les sept ans ! Les jeunes exploitants ont de plus en plus de difficulté pour s'installer.

Depuis la loi LMA et malgré les dispositions qu'elle contient, rien n'a changé : le foncier est toujours aussi rare. Les sociétés d'aménagement foncier et d'établissement rural (Safer) ne parviennent pas à lutter contre la spéculation foncière malgré le renforcement de leur droit de préemption. Il est fâcheux de voir des jeunes renoncer.

Lors des voeux de début d'année, de nombreux maires m'ont fait part de leurs inquiétudes. Que compte faire le Gouvernement ?

Mme Claude Greff, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la cohésion sociale, chargée de la famille.  - Veuillez excuser M. Le Maire. Le Gouvernement partage votre souci. Il en a fait une des priorités de son action. Chaque année, 93 000 hectares de terres agricoles disparaissent, soit l'équivalent d'un département tous les dix ans.

Les lois Grenelle obligent à fixer dans les documents d'urbanisme des objectifs de réduction de la consommation d'espaces agricoles, naturels et forestiers. La LMA a, de son côté, créé un observatoire spécifique ; des commissions départementales ont été mises en place, ainsi qu'une taxation des plus-values de cession des terrains devenus constructibles.

Malgré le contexte budgétaire, 350 millions sont consacrés cette année à l'installation des jeunes. Une aide à la transmission des exploitations agricoles a été mise en place. Cette stratégie porte ses fruits : 95 % des jeunes agriculteurs aidés sont toujours en activité, dix ans après leur début d'activité. Enfin, les baux longs répondent aux attentes des jeunes qui ne peuvent acheter des terres.

M. Michel Le Scouarnec.  - Votre réponse ne me satisfait pas. Les dispositions de la LMA ne sont pas suffisantes. Je vous invite à vous inspirer des mesures mises en oeuvre par la région Bretagne. Certaines communes achètent en outre des terres agricoles pour les louer à des jeunes agriculteurs. Il faut impérativement mettre en oeuvre une politique plus stricte de gestion du foncier agricole.

Situation des fraiseries en Dordogne

M. Bernard Cazeau.  - La production des fraisiculteurs de Dordogne a connu un développement spectaculaire dans les années 1980 ; mais les surfaces ont depuis été divisées par quatre et la production a chuté. La filière n'est pourtant pas restée inactive : les exploitations ont été modernisées et sont passés en hors-sol ou sous serre chauffée.

Cependant, la mouche Drosophila suzukii a frappé : une perte de 5 000 euros en moyenne par exploitation. Les producteurs envisagent de recourir à des pesticides non homologués en France mais qui ont fait leur preuve en Californie et en Australie. La réglementation va-t-elle évoluer ? A défaut, quelles mesures le Gouvernement entend-il prendre pour soutenir cette filière ?

Mme Claude Greff, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la cohésion sociale, chargée de la famille.  - Le nombre de fraisiculteurs et la capacité de production diminuent depuis vingt ans. La filière s'est restructurée afin de garantir la qualité et de répondre aux attentes des consommateurs.

La réforme de la gouvernance de la filière des fruits et légumes a conduit à la constitution de l'Association nationale des organisations de producteurs de fraises en 2010. La fraise a été moins frappée par les difficultés du marché que les autres légumes. FranceAgriMer soutient la filière. Le coût du travail va devoir diminuer, en vertu des dispositions votées dans la loi de finances pour 2012.

La mouche Drosophila suzukii s'est diffusée rapidement. Dès 2011, le ministère de l'agriculture a mis en place des expérimentations pour lutter contre l'infestation ; plusieurs substances autorisées ont montré leur efficacité. Le recours à des produits non homologués placerait nos fraisiculteurs en infraction sans garantie d'efficacité mais avec des risques pour la santé des consommateurs. Les services du ministère sont aux côtés de ces exploitants.

M. Bernard Cazeau.  - Je veux bien croire que M. le ministre est conscient des difficultés. Mais pour l'instant, il n'y a pas de solutions satisfaisantes. Je ferai part de votre réponse aux fraisiculteurs de mon département.

Secteur public de chirurgie en Seine-et-Marne

M. Michel Billout.  - L'ARS d'Ile-de-France a pris des décisions incohérentes en Seine-et-Marne. A Melun, le bloc chirurgical est fermé la nuit et le week-end ; malgré cette situation, son activité a augmenté. Mais dans le projet du grand hôpital public-privé prévu pour 2015, la chirurgie sera confiée au privé. A Fontainebleau, l'accès au bloc opératoire est difficile, faute de moyens. Et aujourd'hui, l'ARS demande aux chirurgiens de Fontainebleau de travailler de nuit à Melun ; ils ne pourront être présents dans leur hôpital le lendemain matin, ce qui fragilise ce dernier où quinze lits de chirurgie ont déjà été fermés en décembre.

Il faut certes rouvrir les urgences chirurgicales de nuit à Melun mais pas aux dépens du fonctionnement des hôpitaux de Fontainebleau et de Montereau. Ces opérations ont-elles pour objectif de laisser le privé, dont les dépassements d'honoraires sont connus, faire main basse sur ce secteur ? Que compte faire le Gouvernement ?

D'autres solutions que celles envisagées par l'ARS sont possibles. Une offre publique de soins organisée autour des quatre établissements du sud Seine-et-Marne serait bien préférable, chaque établissement gardant son autonomie. Soutiendrez-vous cette proposition ?

Mme Nora Berra, secrétaire d'État auprès du ministre du travail, de l'emploi et de la santé, chargée de la santé.  - Le secteur sud de la Seine-et-Marne est vaste et compte cinq centres hospitaliers publics et cinq cliniques privées. Le Sros a défini une nouvelle organisation de la permanence des soins après une concertation de dix-huit mois. Un unique dossier de candidature a été déposé pour le sud du département par les hôpitaux de Melun et de Fontainebleau. Des praticiens externes y interviennent la nuit.

L'ARS a demandé à ce que la charge soit plus équitablement répartie entre public et privé. Les patients doivent pouvoir être hospitalisés dans les établissements de leur choix. La médecine d'urgence est ouverte 24 heures sur 24. La continuité des soins reste assurée.

En 2012, une évaluation sera réalisée et le dispositif définitivement mis en place en fin d'année.

M. Michel Billout.  - Vous défendez la position de l'ARS. Mais les décisions n'ont pas été prises en accord avec les praticiens. Un seul objectif : la déstructuration du service public de chirurgie. Ce fut déjà le cas pour la radiothérapie.

Depuis que j'ai déposé ma question, la permanence de nuit en chirurgie a aussi été réorganisée dans le nord du département ; l'ARS a eu l'idée bizarre de l'organiser tantôt à Meaux, tantôt à Lagny, où le personnel est en grève depuis le 15 décembre.

Réforme de la formation des orthophonistes

M. René Teulade.  - Depuis plusieurs années, les orthophonistes demandent une revalorisation de leur formation pour tenir compte de la réforme LMD. Or, le 28 octobre, le Gouvernement a présenté une réforme qui ne satisfait pas les praticiens ; elle consacre en effet la scission de la profession. Désormais il existera deux formations, l'une au niveau master 1, l'autre - complémentaire- au niveau master 2, pour la prise en charge de certains patients, victimes par exemple de la maladie d'Alzheimer ou d'accidents vasculaires cérébraux. Or, tous les orthophonistes prennent aujourd'hui en charge ces patients et la qualité de leur travail est unanimement reconnue.

Les conséquences de cette réforme semblent mal évaluées. Ce projet entraînerait une réduction d'une offre de soins de qualité et de proximité alors que la désertification médicale augmente. Le Gouvernement entend-il revenir sur cette réforme et reprendre le dialogue ? Le niveau master 2 doit être la norme pour tous les professionnels.

Mme Nora Berra, secrétaire d'État auprès du ministre du travail, de l'emploi et de la santé, chargée de la santé.  - Nous avons rencontré les orthophonistes à de nombreuses reprises.

Depuis 2007, le Gouvernement rénove en profondeur la formation des professions paramédicales pour la rendre conforme aux standards européens, et les orthophonistes en bénéficient. Ce n'est pas parce qu'on rénove les diplômes qu'il faut allonger les études. La formation actuelle sur quatre ans compte moins de 1 500 heures, stages inclus, là où d'autres formations en comptent 4 000.

Cette formation sera enrichie, valorisée et donnera aux orthophonistes des possibilités qu'ils ne connaissent pas. Aujourd'hui, la formation est reconnue dans la fonction publique hospitalière comme un diplôme à bac + 2 ; demain, ce sera bac + 4. Certains veulent qu'elle dure cinq ans, soit 9 000 heures...

Les orthophonistes sont de bons professionnels. Nous proposons que la formation complémentaire soit mieux structurée et fasse l'objet d'une reconnaissance universitaire. Il n'est pas question d'une profession à deux vitesses. Ceux qui veulent suivre la formation de niveau master 2 doivent pouvoir le faire, tout au long de leur vie. Si les représentants des orthophonistes ne veulent pas travailler avec nous sur ce sujet, nous en prendrons acte, car nous ne pouvons pas faire sans eux. Il est urgent que la sérénité prévale.

M. René Teulade.  - Je ferai part de votre réponse aux orthophonistes. Sur la structure de la formation complémentaire, il faut continuer à dialoguer.

Comité d'entreprise d'EDF-GDF

Mme Catherine Procaccia.  - Voici sept mois, j'interrogeais le Gouvernement sur les dérives de certains gros comités d'entreprise, et je demandais que leurs comptes soient soumis aux mêmes règles de publicité que ceux des syndicats. M. Besson m'avait répondu que le Gouvernement avait formulé des exigences et demandé des réponses rapides mais l'exemple de SeaFrance et le récent rapport de la Cour des comptes montrent qu'il faut aller plus vite. Les abonnés vont-ils continuer à payer 1 % de leurs factures pour financer des oeuvres qui n'ont parfois de social que le nom ? Que compte faire le Gouvernement et selon quel calendrier ?

M. Pierre Lellouche, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, chargé du commerce extérieur.  - Le Gouvernement partage vos préoccupations. Dès 2010, M. Borloo a demandé aux partenaires sociaux de faire évoluer les règles encadrant les oeuvres sociales. Après plusieurs mois, les syndicats ont répondu, remettant cependant la question du financement et de la gouvernance après les élections de 2012. Le Gouvernement souhaite que les choses changent le plus rapidement possible.

La proposition de loi Warsmann prévoit la certification des comptes des comités d'entreprises et leur publicité, comme pour les syndicats. Hélas, la majorité sénatoriale n'a pas voulu l'examiner. Nous comptons sur l'examen, à l'Assemblée nationale, de la proposition de loi Perruchot.

Mme Catherine Procaccia.  - Je ne m'attendais pas à plus de précisions, car une partie de la réponse dépend des partenaires sociaux. Ce problème ne date pas d'hier : dans les années 1980, le député Robert-André Vivien dénonçait déjà le fonctionnement de la CCAS ! Trente ans plus tard, rien n'a changé. Je compte sur la volonté du Gouvernement.

Obligations relatives à l'aménagement des locaux professionnels

M. André Reichardt.  - Les obligations réglementaires relatives à l'aménagement des locaux professionnels font l'objet de contrôles dont la périodicité varie ; pour une entreprise artisanale du bois par exemple, les contrôles, habituellement annuels, peuvent se répéter tous les trois mois selon les équipements visés. Cela représente une charge de 3 500 euros hors taxe par an, ce qui n'est pas sans conséquences sur la trésorerie.

Le Gouvernement est-il prêt à harmoniser la périodicité des contrôles, à les espacer lorsque les locaux n'ont pas été modifiés et à adapter les règles aux petites entreprises ? D'autant que les dispositions en vigueur les dissuadent d'embaucher des apprentis.

M. Pierre Lellouche, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, chargé du commerce extérieur.  - M. Lefebvre, empêché, m'a demandé de le remplacer pour répondre à cette question très pertinente. La nature et le rythme des vérifications varient en fonction des dangers. Les contrôles peuvent s'avérer coûteux pour de petites entreprises, mais celles-ci ne sont pas tenues de recourir à des organismes extérieurs.

Des simplifications sont en cours. Un recensement de tous les documents de santé au travail permettra de supprimer les doublons. Un décret paraîtra prochainement. Il faut rationaliser la réglementation sans mettre en danger la santé des travailleurs.

M. André Reichardt.  - Certes, et je rends hommage à l'action du Gouvernement. Mais les petites entreprises sont souvent contraintes, fautes de compétences internes, de recourir à un prestataire extérieur. Malgré les efforts du Gouvernement, les chefs d'entreprise s'impatientent. Les contraintes administratives doivent impérativement être allégées.

Action économique extérieure des collectivités territoriales

M. Philippe Leroy.  - La France s'enorgueillit de la densité de son réseau diplomatique et consulaire, qui rend d'immenses services. Mais dans le domaine de l'économie et du tourisme, les régions sont considérées comme seules légitimes et compétentes pour agir ; les services centraux comme déconcentrés de l'État leur réservent leurs informations. Cela nuit aux autres collectivités, d'autant que certaines régions se désintéressent de ce dossier. Les moyens mis à disposition par l'État devraient être également disponibles pour toutes les collectivités qui ont des projets.

M. Pierre Lellouche, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, chargé du commerce extérieur.  - Je travaille précisément sur ce sujet. La charte nationale signée en juillet 2011, notamment avec l'ARF, vise à associer tous les acteurs pour éviter des compétitions stériles et optimiser l'utilisation des ressources. Il s'agit d'identifier les PME susceptibles d'exporter et de les y aider. En Allemagne, 400 000 PME exportent, contre moins de 100 000 en France. C'est ce qui fait la différence...

La loi de décentralisation d'août 2004 dispose que les régions coordonnent sur leur territoire les actions de développement économique, y compris à l'international. C'est pourquoi j'ai voulu créer dans chaque région une maison de l'export, lieu unique où les entreprises auront accès à tous les services proposés par les partenaires de la charte ; après celle de Lille, j'inaugurerai prochainement celle de Picardie. J'ai invité les présidents de région à éviter les doublons. Sept conventions régionales à l'export ont déjà été signées, d'autres sont proches d'aboutir.

Souhaitons que la campagne électorale ne nuise pas à notre coopération. Le nouveau commissaire général chargé de l'internationalisation des PME, M. Volot, suivra la déclinaison de la charte dans les territoires.

M. Philippe Leroy.  - Votre réponse est très partielle. Ce que je regrette, c'est que la promotion du tourisme et des investissements étrangers dans notre pays ne soit pas supervisée par un secrétaire d'État dynamique comme vous, mais seulement par des services de l'État, dispersés, qui ignorent les collectivités de rang inférieur aux régions lorsqu'elles prennent des initiatives !

Rénovation et construction

Mme Catherine Troendle.  - On compte en France plus de 27 000 litiges liés aux travaux d'aménagement et de construction.

Une réglementation plus stricte permettrait aux consommateurs de distinguer les professionnels sérieux des amateurs et protégerait les premiers d'une concurrence déloyale. Pourquoi ne pas créer un code Nomenclature des activités françaises (NAF) spécifique aux métiers de la salle de bains et à chacun des métiers du bâtiment ?

M. Pierre Lellouche, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, chargé du commerce extérieur.  - Il ne paraît pas nécessaire de modifier la nomenclature des activités artisanales : aucun problème spécifique ne semble concerner les professionnels de la salle de bains. Les installateurs de salles de bains sont inclus sous la rubrique « travaux d'installation d'eau et de gaz en tous locaux ». Toute modification de la réglementation requerrait une large concertation. En outre, M. Lefebvre a récemment reçu le rapport de M. Reichardt sur les qualifications professionnelles ; il contient d'intéressantes propositions qui pourraient prochainement aboutir.

Mme Catherine Troendle.  - On m'avait parlé de difficultés spécifiques aux installateurs de salles de bains... La nécessaire concertation ne doit pas empêcher de prendre des décisions. Je suivrai la mise en oeuvre du rapport de M. Reichardt. Quoi qu'il en soit, il faut mieux protéger le consommateur et empêcher la concurrence déloyale d'entreprises incompétentes.

Perturbation de la TNT par la THD mobile

M. Michel Teston.  - Quatre lots de fréquences 4G ont été récemment attribués. Leur proximité avec les fréquences de la TNT pourrait perturber la réception de la télévision : l'exemple britannique et les expérimentations conduites à Laval le montrent. Or la taxe destinée à couvrir les frais liés aux réclamations est insuffisante. Que compte faire le Gouvernement ?

M. Pierre Lellouche, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, chargé du commerce extérieur.  - Des brouillages sont en effet possibles. Les opérateurs en seraient responsables. D'après nos estimations, moins de 2 % des foyers seraient touchés. La loi prévoit que les coûts liés aux réclamations seront répartis entre les opérateurs, dans la limite de 2millions d'euros par an -les frais liés à la résolution des brouillages revenant aux opérateurs. Cela paraît amplement suffisant.

M. Michel Teston.  - Ces 2 millions suffiront si 2 % seulement des foyers sont concernés, mais les expériences menées en France et ailleurs montrent qu'ils pourraient être plus nombreux. Qui paiera alors ? J'attends une réponse claire.

La séance est suspendue à midi dix.

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présidence de M. Thierry Foucaud,vice-président

La séance reprend à 14 h 35.