Bioéthique (Deuxième lecture)

Mme la présidente.  - L'ordre du jour appelle la deuxième lecture du projet de loi, adopté avec modifications par l'Assemblée nationale, relatif à la bioéthique.

Discussion générale

Mme Nora Berra, secrétaire d'État auprès du ministre du travail, de l'emploi et de la santé, chargée de la santé.  - Ce projet de loi répond à l'obligation de révision prévue par la loi de 2004. Un accord a déjà été trouvé entre le Sénat et l'Assemblée nationale sur plusieurs points. La levée de l'anonymat des donneurs de gamètes a été écartée. Il en va de même pour le transfert post mortem des embryons, car rien ne justifie de priver délibérément un enfant de son père.

Nous avons tous exprimé notre attachement à la dignité humaine et notre refus de la marchandisation.

M. Charles Revet.  - On n'y pense pas assez !

Mme Nora Berra, secrétaire d'État.  - Il s'agit de conjuguer l'intime et le vouloir vivre ensemble.

Sur le don d'organes, un accord a été trouvé sur l'essentiel. Le nombre de greffes n'a que faiblement augmenté depuis 2004. Les assemblées ont accepté le don croisé d'organes hors de la parentèle, mais avec un encadrement strict : il sera possible entre personnes unies par un lien étroit, stable et avéré.

Les avancées relatives aux donneurs vivants ne doivent pas conduire à relâcher nos efforts sur le don post mortem, dont le nombre doit augmenter.

Certains points restent en suspens. Sur le diagnostic prénatal, le texte proposé convient au Gouvernement : le droit à l'information des parents est garanti ; toute dérive eugénique est prévenue. Il faudra que la femme enceinte en manifeste la volonté pour bénéficier d'un diagnostic. Et en cas de risque avéré d'anomalie génétique, une liste d'associations de parents sera proposée à la femme pour compléter son information.

La commission a instauré la clause de révision après cinq ans. Je regrette cet amendement qui entraverait la réactivité, qui impose une procédure lourde et radicalise les positions. Le socle juridique est aujourd'hui abouti. Enfin, grâce aux dispositions du projet de loi, le Parlement peut proposer des ajustements. Comme cette clause fige les adaptations, sa suppression est justifiée, d'où l'amendement du Gouvernement.

La recherche sur l'embryon : la commission a voulu substituer un régime d'autorisation encadré au régime d'interdiction avec dérogations. C'est un point de désaccord. Par cohérence, nous voulons nous en tenir au droit actuel. (Mmes Sophie Joissains et Catherine Troendle approuvent) En outre, les embryons surnuméraires ne doivent pas être systématiquement réduits au rang de matériau pour les chercheurs. (« Très bien ! » sur divers bancs à droite) La recherche sur les embryons n'est pas une recherche comme les autres : elle touche à l'origine de la vie. (M. Bruno Retailleau approuve) Le régime actuel ne pénalise pas la recherche française. Le Gouvernement approuve donc l'amendement de M. Gaudin. (Applaudissements sur de nombreux bancs à droite)

Le projet de loi organise la veille et les débats publics sur cette question.

Le Sénat comme l'Assemblée nationale refusent de distinguer la recherche sur l'embryon et sur les cellules souches embryonnaires. Il y a effectivement un continuum.

Je ne doute pas que le débat permette d'améliorer ce texte. (Applaudissements à droite)

M. Alain Milon, rapporteur de la commission des affaires sociales.  - Il reste peu de divergences entre les deux assemblées. C'est le fruit de la navette parlementaire, indispensable sur un tel sujet.

Parmi les articles modifiés par l'Assemblée nationale, certains ne posent aucune difficulté.

S'agissant du don d'organes, l'Assemblée nationale a suivi le Sénat pour garantir l'altruisme du don et pour interdire toute discrimination. Toutefois, le don de cellules hématopoïétiques devra être autorisé par un juge ; la commission a entériné ce choix. L'Assemblée nationale a rétabli l'anonymat du don de cellules hématopoïétiques du sang de cordon, pour éviter la création de banques de conservation privées à finalité d'autogreffe. La commission a rétabli son texte.

Sur le diagnostic prénatal, l'Assemblée nationale a entendu les objections du Sénat. La femme enceinte recevra une information loyale, claire et appropriée sur les possibilités ouvertes par la biologie et l'imagerie médicales. Nous nous réjouissons de ce pas fait dans notre direction.

La levée de l'anonymat du don de gamètes a été écartée.

Sur l'assistance médicale à la procréation (AMP), l'Assemblée nationale a rétabli la possibilité pour les personnes n'ayant pas procréé de donner des gamètes et de s'en voir proposer l'autoconservation. C'est une commodité qui n'a pas lieu d'être. La commission n'a pas non plus suivi l'Assemblée nationale sur la limitation de la participation d'établissements privés.

Le texte adopté par le Sénat en première lecture sur la vitrification des ovocytes est plus adapté : nous l'avons rétabli car il faut encadrer la responsabilité que prend le législateur en autorisant une technique médicale.

La commission est également revenue à son texte d'origine sur la définition des couples concernés par l'AMP sans inclure les couples homosexuels.

En rétablissant l'interdiction de la recherche sur l'embryon, avec cependant des dérogations permanentes, l'Assemblée nationale a voulu énoncer un « interdit symbolique ». Elle a imposé aux scientifiques de prouver que la recherche ne pouvait être conduite autrement. Enfin, les parents devront être informés de la nature des recherches, ce qui restreindrait considérablement, sinon totalement, leur champ. La commission est revenue sur ces choix.

L'Assemblée nationale a supprimé le rapport demandé par le Sénat sur les centres de conservation biologiques préconisés par l'Agence de biomédecine, l'Académie de médecine et l'OCDE ; elle a supprimé la clause de révision et l'obligation d'organiser un débat public avant toute réforme bioéthique d'importance, elle a écarté la demande de rapport d'activité aux espaces éthiques régionaux et la déclaration d'intérêts pour les membres du Conseil d'orientation de l'Agence de biomédecine. La commission est revenue au texte du Sénat.

L'essentiel concerne la recherche. Un « interdit symbolique fort » ? Le Conseil d'État, après l'avoir évoqué, l'a écarté.

Ne préférons pas l'ambiguïté et la peur à la clarté et à la responsabilité !

L'interdiction de principe n'ajoute rien à la protection de principe qui résulte de l'article 16 du code civil.

Les chercheurs doivent se conformer à des règles cumulatives éthiques, scientifiques et procédurales exigeantes. C'est cet encadrement qui garantit le respect de la vie, et non l'interdiction avec dérogations.

On dit que notre société s'inquiète des recherches sur l'embryon. Mais les dérogations prévues par le texte ne sont ni limitées dans le temps, ni restreintes à un objet précis ! Le texte des députés induirait les citoyens en erreur. Ce qu'ils demandent, c'est la transparence des décisions et la responsabilité de ceux qui les prennent.

Plutôt que de faire comprendre pourquoi les recherches sont nécessaires et comment elles sont encadrées par un cadre juridique strict, on veut faire croire que les dérogations sont exceptionnelles. Ce n'est pas assumer notre responsabilité et c'est faire peu de cas de l'intelligence des Français ! (Applaudissements à gauche) Il n'y a que deux positions cohérentes : l'interdiction complète et l'autorisation encadrée.

La commission a voulu un régime de clarté et de responsabilité. C'est ce que réclament nos concitoyens. (Applaudissements sur divers bancs)

M. François Fortassin.  - Quelques années après le toilettage de 2004, ce projet de loi était très attendu pour adapter notre droit au progrès de la recherche et aux évolutions sociales. En première lecture, le Sénat a transformé une proposition frileuse en texte progressiste, qu'il s'agisse du diagnostic prénatal, de l'extension de l'AMP à tous les couples infertiles, de la recherche sur l'embryon. Hélas, l'Assemblée nationale est revenue en arrière !

L'Assemblée nationale refuse l'extension de l'AMP à toutes les causes d'infertilité, à d'autres formes de parentalité : nous aurons un amendement.

En substituant à l'interdiction avec dérogation de la recherche sur l'embryon une autorisation encadrée, nous avions mis fin à une hypocrisie, qui nuit aux malades comme aux chercheurs. La recherche française prend du retard. (Mme Raymonde Le Texier le confirme)

L'automne dernier, une équipe américaine a annoncé l'essai de traitement d'un patient affecté d'un traumatisme à la moelle épinière grâce à la recherche sur l'embryon. Dérive eugéniste ? Non ! Faisons confiance aux chercheurs, respectueux de l'éthique et de la loi.

Les partisans de l'interdiction avancent des arguments spirituels et religieux que je respecte mais la France est une République laïque.

Mme Raymonde Le Texier.  - Très bien !

M. François Fortassin.  - Je crains que le Gouvernement ne fasse pression en faveur du statu quo...

Interdire la gestation pour autrui va accroître la souffrance des couples concernés et n'empêchera pas qu'elle existe clandestinement. Il aurait mieux fallu l'encadrer.

Nous avons le sentiment d'un rendez-vous manqué. La majorité du RDSE se déterminera en fonction des suites de la discussion. (Applaudissements à gauche)

Mme Anne-Marie Payet.  - Les lois de bioéthique transcendent les clivages car elles portent sur le plus précieux : l'humain. Sur quelques sujets, nous sommes parvenus à un équilibre : don de gamètes, transfert d'embryons post mortem. Quant au double diagnostic préimplantatoire -le « bébé médicament »-, nous sommes parvenus à un moindre mal, grâce à mon amendement de repli.

J'en viens à la recherche sur l'embryon. L'interdiction avec dérogations préserve la dignité humaine. Hélas, depuis 1994, le législateur ne s'est pas départi d'une vision utilitariste, qui distingue les embryons « surnuméraires », matériaux pour la recherche, d'autres, destinés à devenir des êtres humains. Je soutiendrai l'amendement déposé dar M. Jean-Claude Gaudin.

Sur l'AMP, le texte a beaucoup progressé : je me réjouis que l'ouverture aux couples homosexuels ait été supprimée. L'AMP doit être réservée à des couples stables et solides, dont la vie commune dure depuis au moins deux ans.

Sur le diagnostic prénatal, l'embarras du législateur est justifié car il s'agit d'un eugénisme d'État : 96 % des foetus diagnostiqués trisomiques 21 donnent lieu à une IVG. Statistiquement, le diagnostic d'une trisomie par prélèvement de liquide amniotique s'accompagne de deux fausses couches éliminant des foetus normaux.

On stigmatise ainsi ces personnes...

Mme Raymonde Le Texier.  - C'est vous qui le dites !

Mme Anne-Marie Payet.  - ...alors que l'article 16-4 du code civil interdit toute forme d'eugénisme. Il faut rétablir l'équilibre entre le médecin et la femme enceinte.

Sur la clause de révision, je soutiens le rapporteur, que je félicite ainsi que la commission des affaires sociales. (Applaudissements à droite et au centre)

M. Bernard Cazeau.  - L'histoire se répète, ou plutôt la majorité bégaie. En première lecture, le Sénat avait apporté de substantielles améliorations au texte de l'Assemblée nationale. Le groupe socialiste, sans outrance ni provocation, avait voulu adopter le droit aux évolutions de la société. Le texte initial était timide mais l'adoption d'amendements progressistes nous avait conduits à le voter.

Hélas, vint l'examen en seconde lecture à l'Assemblée nationale.

M. Charles Gautier.  - La catastrophe !

Mme Raymonde Le Texier.  - Le rappel à l'ordre du Gouvernement !

M. Bernard Cazeau.  - Je le dirai en trois mots : incompréhension pour le travail du Sénat, déception pour le rejet de nos améliorations et soumission de la majorité. Une partie de la majorité a choisi la stagnation, voire la régression.

M. Jacky Le Menn.  - La réaction.

M. Bernard Cazeau.  - Sur la recherche sur l'embryon, le manque de confiance en la science est désespérant. La rupture est consommée entre les chercheurs et les malades d'un côté, de l'autre une sphère politique conservatrice.

M. Charles Gautier.  - Et aveugle !

M. Bernard Cazeau.  - Le professeur Frydman, père du « bébé du double espoir », déclarait récemment qu'en matière de congélation d'ovocytes, le droit français entravait la recherche en interdisant, par exemple, la vitrification. Et ce ne sont pas propos d'un scientiste débridé mais d'un homme pondéré.

En 2004, l'interdiction de la recherche sur les embryons n'était qu'un moratoire... prolongé aujourd'hui.

Devant tant d'obstination et de rigidité doctrinale, notre tentation est grande de voter contre le texte.

Nous prenons acte de la bonne foi du rapporteur et de sa volonté de revenir à la rédaction du Sénat de première lecture ; mais la majorité a déposé nombre d'amendements dont certains, tel celui de M. Gaudin, sont encore plus régressifs que le texte de l'Assemblée nationale... Nous nous attendons malheureusement à ce que la majorité, sous la pression non dissimulée du Gouvernement et de lobbies intégristes maniant menaces et diffamation sur internet, revienne sur quelques points centraux.

Les trois questions majeures à nos yeux sont l'extension de l'AMP aux couples de femmes, le maintien d'une clause de révision et le maintien du principe d'autorisation de la recherche sur les embryons et les cellules souches embryonnaires.

Nous pouvons encore sortir par le haut de nos débats et adresser un message clair à l'Assemblée nationale. Tous les sujets abordés méritent un débat approfondi et mutuellement respectueux. (Applaudissements à gauche)

M. Bruno Retailleau.  - Rechercher un équilibre entre le droit et la science, entre l'individuel et le collectif est une tâche singulièrement difficile. Ces équilibres, atteints par exemple pour le régime du don d'organes, sont rompus pour la recherche sur l'embryon et le dépistage prénatal.

Sur le premier point, l'autorisation même encadrée est une transgression anthropologique, une rupture fondamentale par laquelle l'exception devient la règle et qui consacrerait la chosification de l'embryon. Quand devient-on un être humain ? Où est le seuil d'entrée dans l'humanité ? La réponse est partagée, mais au moins un consensus s'était exprimé en 1994 puis en 2004. Dans le doute, il est sage de s'abstenir de traiter l'embryon comme matière première de laboratoire ; il faudrait sinon apporter la preuve que l'embryon n'est pas un être humain en devenir. Et qui peut apporter cette preuve ?

Cette transgression n'est pas nécessaire sur le plan scientifique, au vu des progrès permis par les cellules IPS. Elle n'a pas plus de fondement juridique, ainsi que l'a confirmé le 10 mars l'avocat général près la Cour de justice de l'Union européenne.

Pourquoi le dépistage systématique de la trisomie 21 ? Va-t-on dépister désormais toute la population masculine pour le cancer colorectal ? Même les partisans de ce dépistage souhaitent que celui-ci soit accompagné d'un effort financier pour la recherche et la prise en charge de cette affection. J'ai redéposé un amendement en ce sens.

Ce texte nous ramène à nos origines, à la conception que nous nous faisons de l'homme. L'embryon est une figure de l'altérité ; le traiter comme une chose n'est pas sans conséquence sur la représentation qu'on se fait de l'humanité. (Applaudissements à droite et au centre)

M. Guy Fischer.  - Le Gouvernement est en désaccord avec des décisions du Sénat ; nous y reviendrons en deuxième lecture : telle était en substance la conclusion de Mme Berra à la fin de la première lecture.

Pourtant, le Gouvernement n'a pas eu à intervenir, car l'Assemblée nationale, sous la pression notamment de groupes organisés à caractère religieux et voulant imposer leur vision de la science et de la vie, est revenue sur la recherche sur l'embryon et sur l'ouverture de l'AMP aux couples de femmes. Ainsi, ce projet de loi est étanche à l'évolution de notre société, ce que je regrette.

La science et l'éthique médicale sont par nature évolutives ; le progrès scientifique fait apparaître de nouveaux possibles, tandis que les principes éthiques sont eux-mêmes mouvants. En définitive, la science, la recherche, la médecine ont-elles un sens autre que d'être au service de nos concitoyens ?

Nous devons déterminer l'équilibre entre ce que la science peut faire techniquement et ce qu'elle peut faire philosophiquement et éthiquement. La recherche n'est pas la propriété des chercheurs, la formidable mobilisation autour des états généraux en est la preuve.

À notre sens, l'AMP doit permettre de répondre aux cas d'infertilité sociale. Nous regrettons de même que l'Assemblée nationale soit revenue sur l'article 23, relatif à la recherche sur l'embryon. La commission est certes revenue à un régime d'autorisation contrôlée mais nous craignons la CMP, et peut-être nos débats d'aujourd'hui.

A l'évidence, cette recherche est particulière, mais n'oublions pas que les embryons en cause ne correspondent plus à aucun projet parental. L'embryon n'est pas pour nous un être humain mais une potentialité de vie qui, en l'occurrence, ne se réalisera jamais. Nous repoussons l'idée que toute recherche sur l'embryon serait par nature contraire à l'éthique. Il faut sortir de l'hypocrisie -si la quasi-totalité des dérogations sont accordées, le régime actuel est source de retards et de complexités qui amènent parfois les chercheurs à s'autocensurer.

Cette recherche serait-elle au service des grands laboratoires ? Entendre un député de la majorité -M. Jean Leonetti- le prétendre pourrait prêter à sourire si le sujet n'était si grave, surtout lorsqu'on sait qu'il est favorable à l'utilisation de sang humain obtenu contre rémunération...

S'agissant des dons d'organes post mortem, la volonté du décédé doit s'imposer à tous. Notre amendement propose la création d'un registre positif de donneurs.

Comme en première lecture, nous nous prononcerons en fonction de nos travaux, avec une attention particulière pour l'amendement déposé par M. Jean-Claude Gaudin, président du groupe UMP. (Applaudissements à gauche)

Mme Marie-Thérèse Hermange.  - (Applaudissements à droite ; Mme Anne-Marie Payet applaudit aussi) Le bicamérisme conduit à une deuxième lecture, comme si notre conception de l'homme dans ses rapports à la science pouvait évoluer en deux mois ! J'ai toujours employé ici des arguments de raison mais aujourd'hui, je ferai parler mon coeur.

Oui, j'ai une source qui me dit que la vie est un don et un mystère. Ce qui me donne à penser que la science ne peut se servir d'un être humain au profit d'un autre être humain. Dans cette cellule initiale, il y a une vie cachée. Il nous faut sortir du labyrinthe que le législateur a construit en acceptant la congélation de 150 000 embryons surnuméraires, l'équivalent d'une ville comme Aix-en-Provence.

La recherche progresse plus vite à partir de cellules souches, y compris animales, ou de cellules issues de sang du cordon qu'à partir de cellules souches embryonnaires humaines. L'expérience conduite en Corée du sud sur ces dernières pour reconstituer des rétines endommagées a été suivie, trois semaines plus tard, d'une découverte analogue grâce à des recherches américaines sur des cellules IPS. Depuis vingt ans, les Anglais autorisent toutes les recherches sur l'embryon ; ils n'ont rien obtenu par ce moyen !

Sur le plan juridique, le procureur près la Cour de justice de l'Union européenne a exclu la brevetabilité de toute invention quand sa mise en oeuvre utilise des cellules souches embryonnaires, sauf à pouvoir soigner l'embryon dont elles sont issues. Dès lors que l'embryon est un patient, on peut conduire une recherche sur lui pour le soigner ; d'où mon sous-amendement à l'amendement de M. Jean-Claude Gaudin. S'il devient un matériau, les limites éthiquement acceptables sont franchies.

Parmi les protocoles de recherche sur l'embryon, un seul ne conduit pas à sa destruction. J'ai déposé un amendement pour faire en sorte que la recherche sur l'embryon soit interdite lorsqu'il est porté atteinte à son intégrité ou à sa viabilité.

Je souhaite que l'Union européenne autorise des recherches sur les embryons animaux, ce qu'exclut la directive sur l'expérimentation animale. Allez-vous autoriser la recherche sur l'embryon humain et l'exclure sur l'embryon animal ? (M. Bruno Sido s'en émeut aussi)

On invoque le nombre d'embryons surnuméraires sans projet parental destinés à être détruits. Il y a d'abord de quoi s'interroger sur la cause de cette situation ; et puis est-ce parce qu'un être est voué à disparaître qu'il faut l'instrumentaliser ? En tout état de cause, disparaître est notre lot commun ; céder à l'argumentation instrumentaliste ne ferait pas honneur à notre conception de la dignité humaine. (Applaudissements à droite)

M. Jean-Louis Lorrain.  - Mon groupe n'est ni aveugle, ni soumis : il respecte la dignité du vivant.

Une loi de bioéthique doit donner un cadre qui ne peut être le résultat de règles élaborées par les utilisateurs de la science. La vision biomédicale ne doit pas céder le pas à la vision sociétale. La politique doit être au service du bien commun, même par l'interdit. La matérialisation de l'humain ne peut être l'enjeu de projets industriels ou commerciaux.

À l'origine de nos difficultés, se trouve une prétendue prise de conscience sur « la médecine en danger » ou « les retards de la recherche française ». Mais ce à quoi nous sommes invités c'est avant tout à une réflexion sur l'identité de l'homme.

Dans ce débat de conviction, nous divergeons sur la définition de l'embryon. Ce qui était hier inacceptable et aujourd'hui interdit doit-il être permis demain ? Nos valeurs changent-elles en fonction des évolutions technologiques ? Sans vouloir sacraliser des principes, nous devons nous confronter à de nouvelles interrogations. L'embryon est-il une personne en devenir ou une personne potentielle ? Le premier concept est plus compatible avec le régime d'autorisation, le second avec celui d'interdiction. Je souscris à l'amendement de mon groupe, qui reprend la rédaction de l'Assemblée nationale, protégeant l'embryon au nom du respect du vivant. Cette contrainte imposée à la recherche est une mise en garde face à la fascination pour les nouvelles technologies.

Si les cellules souches embryonnaires servent au criblage et à la modélisation, elles sont des outils qui permettent de limiter les coûts. Mais au-delà ? Et pourquoi écarter la recherche sur l'embryon animal ?

Sommes-nous rétrogrades ? Non, nous refusons que dans ces domaines la science soit au service de l'industrie. En parlant d'« interdit symbolique », M. le rapporteur évoque l'article 16 du code civil, mais à nos yeux l'éthique est reliée à des normes à respecter. L'approche libertaire n'est pas la nôtre. Il est plus aisé d'autoriser que d'interdire.

L'interdiction transcende tout utilitarisme. Le débat sur la bioéthique doit illustrer notre attachement à la protection de la personne. Sa dignité est un fondement de l'éthique biomédicale.

En apportant au texte des aménagements, nous pouvons affirmer une éthique humaniste. (Applaudissements à droite)

M. Jean Desessard.  - Nous tenions à mettre un terme à l'hypocrisie en matière de recherche sur l'embryon. En première lecture, nous étions satisfaits sur le point. Idem pour l'AMP au profit des couples de femmes. Mais l'Assemblée nationale a balayé ces progrès, en supprimant en outre le principe de révision des lois de bioéthique et l'article imposant une déclaration d'intérêts aux membres du Conseil d'orientation de l'Agence de biomédecine et aux experts qui interviennent auprès d'elle sous le regard bienveillant du Gouvernement. Décidément, la majorité est fâchée avec la prévention des conflits d'intérêts. Pensez au Mediator !

Nous connaissons les pouvoirs de l'Agence. Son conseil d'administration se prononce sur des projets de recherche dans des domaines sensibles. C'est pourquoi le Sénat voulait renforcer l'indépendance de ses experts. Le Gouvernement l'a refusé comme si le thème était hors sujet, renvoyant aux assises du médicament. Mais la loi s'élabore au Parlement et nulle part ailleurs. Heureusement, la commission des affaires sociales est revenue au texte de première lecture sur ce sujet comme sur d'autres.

Plusieurs sujets restent à nos yeux en suspens, la possibilité pour les couples de femmes de recourir à l'AMP ou la reconnaissance en droit français des enfants issus d'une GPA à l'étranger. Nous souhaitons aussi que les hommes homosexuels soient autorisés à accomplir cet acte civique qu'est le don du sang ; une telle discrimination n'a pas lieu d'être.

Nous voulons un texte en adéquation avec notre temps. (Applaudissements à gauche)

M. André Lardeux.  - Entre les deux guerres, un philosophe disait que si l'on conduisait un train comme on conduit l'État, le conducteur aurait une fille sur les genoux ! (Sourires) Voilà qui m'évoque l'organisation de nos débats...

Malgré des désaccords de fond, je salue le travail du rapporteur. (Marques d'approbation au banc de la commission)

Sur pareil sujet, l'objection de conscience trouve à s'exprimer. En l'état, et même si l'Assemblée nationale a corrigé certains points, je voterai contre le texte.

La considération portée aux plus faibles et aux plus démunis est le reflet de celle accordée à l'homme. Qu'y a-t-il de plus démuni qu'un embryon ? Ne pouvant consentir à la recherche, il ne doit pas la subir. Une vie humaine commencée est sacrée.

D'aucuns parlent de pressions des lobbies catholiques. Propos caricatural. Rien n'interdit aux catholiques de s'exprimer ! Je n'ai, quant à moi, subi aucune pression de la part de l'Église, qui se contente de me conseiller dans ma foi et ma raison. (Applaudissements à droite)

En réalité, l'autorisation de la recherche ouvre la porte à une marchandisation autorisant l'exploitation de l'homme par l'homme. L'eugénisme latent de la société s'exprime dans l'article 9 ; la chasse aux trisomiques est ouverte... Il est vrai que le marché du dépistage est juteux...

Mme Raymonde Le Texier.  - Quelle horreur ! Manque de respect pour les femmes enceintes !

M. André Lardeux.  - S'agissant de l'anonymat des dons de gamètes, il nous faudra finir par respecter nos engagements internationaux sur le droit à la connaissance.

Je voterai contre un texte qui marque une nouvelle transgression et lève les dernières barrières au déferlement de l'utilitarisme. (Applaudissements sur de nombreux bancs à droite)

La discussion générale est close.

Discussion des articles

Mme la présidente.  - Je rappelle que la discussion est limitée aux articles que les deux Assemblées n'ont pas adoptés dans un texte identique.

L'article premier est adopté, ainsi que les articles 3 et 4 ter.

Article 5

Mme la présidente.  - Amendement n°8, présenté par M. Cazeau et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Alinéa 3

Remplacer les mots :

et stable depuis au moins deux ans

par les mots :

, stable et avéré

M. Bernard Cazeau.  - Nous en avons débattu en première lecture.

M. Alain Milon, rapporteur.  - Défavorable.

Mme Nora Berra, secrétaire d'État.  - Même avis. Hors du cadre familial, il faut pouvoir vérifier la stabilité d'un lien.

L'amendement n°8 n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°2 rectifié bis, présenté par MM. Collin, Baylet et Detcheverry, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Mézard, Milhau, Tropeano et Vall.

Compléter cet article par six alinéas ainsi rédigés :

V. - L'article L. 1232-1 du code de la santé publique est ainsi modifié :

1° Après le deuxième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Le consentement de la personne à un tel prélèvement peut être inscrit, de son vivant, sur un registre national automatisé prévu à cet effet. Il est révocable à tout moment. » ;

2° Le troisième alinéa est ainsi rédigé :

« Le médecin doit prendre connaissance et faire application de la volonté du défunt. À défaut d'inscription sur l'un ou l'autre des registres prévus au présent article, le médecin doit s'efforcer de recueillir auprès des proches l'opposition ou le consentement au don d'organes éventuellement exprimé de son vivant par le défunt, par tout moyen, et il les informe de la finalité des prélèvements envisagés. »

VI. - Au 2° de l'article L. 1232-6 du même code, les mots : « du registre national automatisé prévu au troisième alinéa » sont remplacés par les mots : « des registres nationaux automatisés prévus aux deuxième et troisième alinéas ».

M. François Fortassin.  - Nous voulons instituer un registre national de consentement au don, à l'instar de celui mis en oeuvre au Canada.

La famille d'une personne accidentée hésite souvent à autoriser le prélèvement. Une personne en bonne santé en accepte aisément le principe. Nous perdons un millier de greffons par an !

Mme la présidente.  - Amendement n°19, présenté par M. Fischer et les membres du groupe CRC-SPG.

Compléter cet article par huit alinéas ainsi rédigés :

V.  -  L'article L. 1232-1 du code de la santé publique est ainsi modifié :

1° Le deuxième alinéa est remplacé par deux alinéas ainsi rédigés :

« Ce prélèvement peut être pratiqué dès lors que la personne a fait connaître de son vivant son souhait quant au prélèvement, en mentionnant expressément son accord ou son refus sur un registre national automatisé agrégeant les fichiers positif et négatif de donneurs d'organes. La volonté du donneur est révocable à tout moment.

« Le registre national automatisé mentionné à l'alinéa précédent est tenu à jour par l'Agence de la biomédecine, conformément aux dispositions de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés. » ;

2° Après le deuxième alinéa, est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Dès lors que la personne décédée est inscrite au registre national automatisé, les proches du défunt sont informés de cette volonté et de leur droit à connaître les prélèvements effectués. » ;

3° Au troisième alinéa, les mots : « doit s'efforcer de recueillir auprès des proches l'opposition » sont remplacés par les mots : « s'efforce de recueillir auprès de ses proches l'accord ou l'opposition ».

VI.  -  Au 2° de l'article L. 1232-6 du même code, les mots : « troisième alinéa » sont remplacés par les mots : « deuxième et troisième alinéas ».

Mme Annie David.  - Les dons d'organes post mortem permettent de sauver des milliers de vie chaque année.

Nous respectons tous les choix individuels ; il reste que des familles ignorent souvent le consentement de leurs proches. Nous souhaitons aller plus loin que le consentement présumé, qu'il faut conserver. Aujourd'hui, les cartes de donneurs sont inopérantes. J'ajoute que les campagnes d'information favorisent le dialogue au sein des familles.

M. Alain Milon, rapporteur.  - La loi Caillavet a institué un registre des refus. Faute d'être inscrit, on est un donneur implicite.

La création d'un fichier positif serait source de difficultés considérables. En première lecture, nous avions décidé que l'envoi de la carte Vitale aux assurés s'accompagnerait d'une information précisant qu'ils seraient considérés comme donneurs, sauf à formuler la volonté contraire en s'inscrivant sur le registre.

Mme Nora Berra, secrétaire d'État.  - En effet, passer du consentement présumé au consentement exprès fragiliserait le don d'organes. Avis défavorable.

L'amendement n°2 rectifié bis n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°19.

L'article 5 est adopté.

L'article 5 bis est adopté.

Article 5 quinquies AA

M. Guy Fischer.  - Nous voulons lever la discrimination dont sont victimes les homosexuels masculins en matière de don du sang ou d'organes.

Ils sont exclus du don du sang au début de la pandémie du Sida. Il faut avoir le courage de dire que s'il n'y a pas de population à risques, il y a des pratiques à risques.

En l'état, une discrimination pourrait subsister, si un texte réglementaire considère l'homosexualité comme une contre-indication. Nous nous abstiendrons sur l'article si l'amendement n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°9, présenté par M. Cazeau et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Alinéa 2

Remplacer les mots :

en dehors de contre-indications médicales

par les mots :

en raison de son orientation sexuelle

M. Bernard Cazeau.  - Le texte est ambigu, et contourne la question des homosexuels. On ne considère plus que le Sida soit lié à l'homosexualité !

M. Alain Milon, rapporteur.  - Défavorable. Le texte ne parle que de contre-indications médicales. Peut-être faut-il modifier l'arrêté relatif au questionnaire utilisé par les médecins...

Mme Nora Berra, secrétaire d'État.  - Même avis. Les contre-indications sont établies en fonction des données scientifiques et épidémiologiques du moment, et ont vocation à être révisées. La plupart des pays européens s'interrogent ; le Conseil de l'Europe devrait adopter une résolution en novembre pour éclairer les États membres.

M. Jean Desessard.  - J'ai cosigné l'amendement car il est aberrant qu'en 2011, la France cautionne une telle discrimination. Un arrêté de 2009 définit comme contre-indications les relations sexuelles d'un homme avec d'autres hommes ! Non, l'homosexualité n'est pas un facteur d'exposition au VIH ! Il n'y a que des pratiques à risques. D'ailleurs, le virus progresse plus vite chez les hétérosexuels. De plus, la sécurité des transfusions sanguines s'exerce à plusieurs niveaux. Enfin, nul n'est obligé de dévoiler qu'il est homosexuel : l'interdiction est inefficace.

M. François Fortassin.  - Je voterai l'amendement. On nous oppose le principe de précaution, mais l'interdit est inefficace, car les donneurs ne déclarent pas nécessairement leur orientation sexuelle.

L'amendement n°9 n'est pas adopté.

L'article 5 quinquies AA est adopté, ainsi que l'article 5 quinquies A.

L'article 5 sexies demeure supprimé, ainsi que l'article 5 octies.

Article 6

Mme Muguette Dini, présidente de la commission des affaires sociales.  - Le Gouvernement a déposé un amendement à cet article. La commission doit l'examiner : je demande une suspension de cinq minutes.

La séance, suspendue à 17 h 45, reprend à 17 h 50.

Mme la présidente.  - Amendement n°16, présenté par M. Fischer et les membres du groupe CRC-SPG.

Alinéa 5

Remplacer cet alinéa par deux alinéas ainsi rédigés :

b) Le dernier alinéa est ainsi rédigé :

« Le prélèvement, en vue de don à des fins thérapeutiques, de cellules hématopoïétiques issues de la moelle osseuse, recueillies par prélèvement osseux ou dans le sang périphérique, ne peut avoir lieu qu'à la condition que le donneur, préalablement informé des risques qu'il encourt et des conséquences éventuelles du prélèvement, ait exprimé son consentement par écrit. Le consentement est révocable sans forme et à tout moment. »

Mme Isabelle Pasquet.  - Le régime actuel décourage le don de cellules hématopoïétiques. Le consentement écrit suffit, comme pour le don du sang périphérique. Les risques sont très limités.

Mme la présidente.  - Amendement n°56, présenté par le Gouvernement.

Alinéa 5

Après le mot :

hématopoïétiques

insérer les mots :

et des cellules mononucléées sanguines

Mme Nora Berra, secrétaire d'État.  - L'article 6 dispose que les cellules hématopoïétiques relèvent des dispositions applicables aux cellules, non de celles applicables au sang, à ses composants et aux produits sanguins labiles.

Ces dispositions doivent également s'appliquer aux cellules mononuclées sanguines. Il faut appliquer des règles de sélection biologique des donneurs identiques à celles instituées pour les cellules.

M. Alain Milon, rapporteur.  - Avis défavorable à l'amendement n°16 : le recours au juge protège le donneur. Avis favorable à l'amendement n°56.

Mme Nora Berra, secrétaire d'État.  - Avis défavorable à l'amendement n°16 : le prélèvement de cellules hématopoïétiques n'est pas dénué de risques, d'où la nécessité de recueillir le consentement par le juge, ce qui ne retarde pas les greffes.

M. Guy Fischer.  - Je reviens sur la question plus générale des dons d'organes. Comme dit la commission, la France est exemplaire dans ce domaine ; mais la RGPP et les coupes sèches dans les budgets hospitaliers -songez à l'exemple de la greffe du foie à Lyon- ne manquent pas d'inquiéter. Il faut informer nos concitoyens sur le don d'organes.

Il faut aussi développer l'information, ce qui passe par de grandes campagnes médiatiques, en concertation avec les associations militant pour le don. Mais rien ne sert d'informer si la volonté des donneurs n'est pas respectée...

Nous regrettons donc la suppression des articles 5 sexies et 5 octies.

L'amendement n°16 n'est pas adopté.

L'amendement n°56 est adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°10, présenté par M. Cazeau et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Alinéa 6

Remplacer cet alinéa par deux alinéas ainsi rédigés :

c) À la première phrase du dernier alinéa, les mots : « devant le président du tribunal de grande instance ou le magistrat désigné par lui, qui s'assure au préalable que le consentement est libre et éclairé » sont remplacés par les mots : « par écrit » ;

d) À la deuxième phrase du dernier alinéa, les mots : « par le procureur de la République » sont remplacés par les mots : « par l'équipe médicale ».

M. Bernard Cazeau.  - Cet amendement vise à rétablir notre texte de première lecture.

Un député disait que recourir au juge pour autoriser le prélèvement des cellules souches hématopoïétiques, c'est se servir d'un fusil pour tuer une mouche ! La procédure allongera les délais, et les magistrats ne sont pas assez nombreux.

M. Alain Milon, rapporteur.  - Défavorable, comme pour l'amendement précédent : supprimer le recours au juge limite la protection du donneur.

Mme Nora Berra, secrétaire d'État.  - Même avis.

L'amendement n°10 n'est pas adopté.

L'article 6, modifié, est adopté.

Article 7

M. Guy Fischer.  - Notre opinion sur l'article 7, tel qu'il ressort des travaux de nos deux assemblées, est mitigée. Naturellement nous nous félicitons du fait que les parlementaires aient clairement fait le choix de l'interdiction de banques autologues, c'est-à-dire banques privées, à vocation personnelle ou commerciale.

De la même manière, nous saluons l'initiative de notre collègue Marie Thérèse Hermange, d'avoir proposé que le sang issu du cordon ombilical ou du placenta soit considéré comme des organes du corps humain, ce qui interdit de fait leur commercialisation.

Nous nous réjouissons également de la réécriture de notre commission tendant à préciser que le don de ces éléments ne peut être fait qu'à titre gratuit.

Nous sommes toutefois plus réservés sur l'existence de dérogation au caractère allogénique des banques de collecte de sang issu du placenta ou du cordon. Aussi, avons-nous décidé de proposer un amendement supprimant ce caractère dérogatoire.

Toutefois, malgré cette réserve d'importance, nous avons fait le choix de voter cet article, considérant que son adoption était de nature à mettre un terme aux tentations de ceux, à commencer par les 50 députés de la majorité, qui plaident en faveur de l'instauration de banques privées à vocation commerciale.

Mme la présidente.  - Amendement n°17, présenté par M. Fischer et les membres du groupe CRC-SPG.

Alinéa 3, dernière phrase

Supprimer cette phrase.

M. Guy Fischer.  - Le don intrafamilial est légitime pour les organes, mais ne peut être généralisé.

La pratique du « bébé médicament » -la formule déplait à Mme David- contrevient à notre vision du don : altruiste, gratuit, anonyme, consenti. La privatisation du don dénue celui-ci de tout fondement ; et l'enfant aura toujours l'impression d'avoir été un enfant « utile » et non seulement un enfant voulu.

Nous refusons cette possibilité de privatisation du don.

M. Alain Milon, rapporteur.  - Défavorable : il s'agit ici seulement de cellules hématopoïétiques, de sang du cordon ou du placenta. L'enfant né malade doit profiter en priorité des cellules d'un grand frère.

Mme Nora Berra, secrétaire d'État.  - Même avis. L'article ne remet pas en cause l'anonymat du don. Pourquoi refuser la possibilité de soigner un membre de la fratrie ?

Mme Marie-Thérèse Hermange.  - Le sang de cordon permet de soigner notamment, voire principalement, la drépanocytose, qui frappe surtout les personnes originaires du continent africain.

Les banques intrafamiliales permettent de soigner les enfants atteints.

Je vous invite à voter l'article en l'état. (Applaudissements à droite)

L'amendement n°17 n'est pas adopté.

L'article 7 est adopté.

Article 9

Mme la présidente.  - Amendement n°20, présenté par M. Fischer et les membres du groupe CRC-SPG.

Alinéa 4

Rédiger ainsi cet alinéa :

« II. - Des examens de biologie médicale et d'imagerie permettant d'évaluer le risque que l'embryon ou le foetus présente une affection susceptible de modifier le déroulement ou le suivi de la grossesse sont proposés à toute femme enceinte au cours d'une consultation médicale.

M. Guy Fischer.  - Sous couvert d'apporter aux femmes enceintes une « information loyale, claire et appropriée », l'Assemblée nationale a voulu réduire les examens prénataux. Certains ont même parlé d'eugénisme ! En fait, la nouvelle rédaction porte la marque des lobbies les plus intégristes. (Mme Marie-Thérèse Hermange et M. André Lardeux s'émeuvent du propos)

La vie des enfants atteints de lourdes pathologies et de leur famille est très difficile. Beaucoup de couples ne peuvent matériellement assumer une telle charge.

Le diagnostic prénatal doit être proposé expressément ; le couple doit disposer de la plus large information pour décider en toute liberté. Et ceux qui veulent conserver l'enfant sont libres de leur décision.

Mme la présidente.  - Amendement n°24 rectifié, présenté par MM. Retailleau et Darniche.

Alinéa 4

Rédiger ainsi cet alinéa :

« II. - Des examens de biologie médicale et d'imagerie permettant d'évaluer le risque que l'embryon ou le foetus présente une affection susceptible de modifier le déroulement ou le suivi de la grossesse sont proposés, lorsque les conditions médicales le nécessitent, à toute femme enceinte au cours d'une consultation médicale.

M. Bruno Retailleau.  - La nouvelle rédaction de l'Assemblée nationale est meilleure que celle du Sénat mais moins claire que sa première rédaction. N'est-il pas préoccupant de proposer systématiquement le dépistage d'une seule maladie, la trisomie 21 ?

Mme la présidente.  - Amendement n°45 rectifié, présenté par Mme Payet, M. Détraigne, Mme Hermange et M. Amoudry.

Alinéa 4

1° Remplacer le mot :

reçoit

par les mots :

se voit proposer

2° Remplacer les mots :

loyale, claire et appropriée sur la possibilité de recourir, à sa demande,

par le mot :

relative

Mme Anne-Marie Payet.  - Le code de déontologie impose au médecin d'ajuster une réponse de prescription à l'examen objectif de la situation du patient. Pourquoi en irait-il autrement dans le suivi de grossesse ? La distinction qu'un médecin établit entre ses patients n'est pas une atteinte au principe de justice mais une adaptation à chaque cas particulier.

Il serait par ailleurs absurde et traumatisant d'informer chaque femme enceinte de tous les risques de maladies et de handicaps qu'elle-même et son bébé encourent. Vouloir tout dépister est illusoire.

Et si ce dépistage n'est en fait destiné qu'à la trisomie 21, c'est une pratique eugénique, condamnée par l'article 16-4 du code civil et punie de vingt ans de réclusion criminelle par le code pénal. En effet, le dépistage de cette affection débouche presque inéluctablement sur l'interruption médicale de grossesse.

Il est utile d'avoir en mémoire les conclusions du rapport du Conseil d'État sur la révision de la loi bioéthique en 2004 : « Il convient de rester vigilant afin que la politique de santé publique ne contribue pas, par effet de système, à favoriser un tel comportement collectif mais permette au contraire la meilleure prise en charge du handicap ».

Mme la présidente.  - Amendement n°44 rectifié, présenté par Mme Payet, M. Détraigne, Mme Hermange, M. Amoudry et Mme Férat.

Alinéa 4

Remplacer le mot :

appropriée

par les mots :

adaptée à sa situation

Mme Anne-Marie Payet.  - L'enjeu est de préserver l'équilibre entre la femme enceinte et le médecin dans le dialogue médical. On présume l'autonomie de la femme enceinte, limitée en fait par le sentiment d'infériorité par rapport à la connaissance médicale, sa fragilité liée à l'état de grossesse et la pression sociale. Et l'on rend l'obligation d'information systématique.

Pour rétablir la marge de manoeuvre du médecin, cet amendement propose de remplacer « appropriée » par « adaptée à sa situation ».

M. Alain Milon, rapporteur.  - Retrait ou rejet de l'amendement n°20 : le texte de l'Assemblée nationale devrait apaiser les craintes.

Même avis sur l'amendement n°24 rectifié, qui réduirait le droit des patientes à être informées. Il faut assurer l'égalité entre les femmes.

Retrait de l'amendement n°45 rectifié, au profit de l'amendement n°44 rectifié qui apporte une précision importante.

Mme Nora Berra, secrétaire d'État.  - Défavorable à l'amendement n°20 : il appartient à la femme de demander l'examen, à la lumière des informations délivrées. Mais il ne faut pas laisser au médecin le choix d'informer ou non sa patiente. Retrait ou rejet des trois autres amendements.

M. René-Pierre Signé.  - L'amendement de M. Fischer n'a rien de choquant : c'est aux familles de choisir si elles acceptent la vie très dure liée à la présence d'un enfant handicapé. Il ne faut pas connaître de telles situations pour oser parler d'eugénisme ! D'ailleurs, l'enfant sera-t-il heureux, s'il est extrêmement handicapé ? Je ne parle pas des trisomiques 21, qui ont un caractère aimant, mais des handicapés profonds... Quant aux parents, ils savent qu'un jour ils disparaîtront, et s'interrogent sur le devenir de leur enfant.

L'amendement n°20 n'est pas adopté.

M. Bruno Retailleau.  - Je retire mon amendement au profit de l'amendement n°44 rectifié.

L'amendement n°24 rectifié est retiré.

L'amendement n°45 rectifié n'est pas adopté.

M. André Lardeux.  - L'article me laisse un goût amer : quoi qu'on dise, la tentation eugéniste apparaît en filigrane. Le Gouvernement est-il disposé à développer la recherche sur la trisomie 21 ?

L'amendement n°44 rectifié est adopté.

Mme Nora Berra, secrétaire d'État.  - Monsieur Lardeux, trois équipes de recherche se consacrent à la trisomie 21, auxquelles s'ajoutent celles dont les travaux peuvent aider indirectement au diagnostic ou à la prise en charge.

Un rapport sera bientôt publié qui fera le point sur la recherche et son financement.

Mme la présidente.  - Amendement n°11, présenté par M. Cazeau et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Alinéa 6, dernière phrase

Supprimer cette phrase.

M. Bernard Cazeau.  - L'amendement n°20 était excellent. La vie d'un enfant mal formé, nourri par voie parentérale, condamné à subir une dizaine d'interventions chirurgicales, est une vie de martyr, qui risque d'être abrégée ! Je déplore que l'obscurantisme ait éliminé cette disposition.

L'amendement n°11 se justifie par son texte même.

M. Alain Milon, rapporteur.  - En effet : l'amendement supprime l'information des femmes sur l'éventuel recours à des associations agréées. Cette dernière précision écarte les groupes sectaires. Avis défavorable.

Mme Nora Berra, secrétaire d'État.  - Notre rôle est d'accompagner au mieux la femme, en respectant son choix. Libre à elle de contacter ou non l'association. Avis défavorable.

M. René-Pierre Signé.  - Inhumain !

L'amendement n°11 n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°21, présenté par M. Fischer et les membres du groupe CRC-SPG.

Alinéa 7

Remplacer les mots :

peuvent être

par le mot :

sont

Mme Isabelle Pasquet.  - Le couple doit se prononcer en fonction d'une information complète, portant sur l'éventuelle pathologie de l'enfant, pour pouvoir prendre en toute connaissance de cause une décision aussi grave qu'une IVG.

M. Alain Milon, rapporteur.  - Retrait ou rejet : conservons l'équilibre atteint.

Mme Nora Berra, secrétaire d'État.  - Avis défavorable, mais je comprends l'intention des auteurs, car l'examen complémentaire s'impose... à condition d'exister !

D'où les mots « peuvent être proposés ».

L'amendement n°21 n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°46 rectifié, présenté par Mme Payet, M. Détraigne, Mme Hermange et M. Amoudry.

Alinéa 8

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Aucun document exigeant le refus de la femme enceinte de se soumettre aux examens mentionnés au II et IV du présent article ne doit être exigé.

Mme Anne-Marie Payet.  - La pratique du recueil par écrit du refus de la femme enceinte à se soumettre à certains examens s'est organisée sans base juridique. Les praticiens se plaignent de ces procédures qui n'atténuent pas leur responsabilité éventuelle. Elles présentent les inconvénients d'être anxiogènes et sources de pression sur les femmes. Elles dégradent des relations devant rester basées sur la confiance et l'humanité entre un médecin et ses patientes.

M. Alain Milon, rapporteur.  - Cet amendement inutile est mal rédigé. L'article prévoit un consentement écrit pour les examens, le recueil du refus n'aurait aucune valeur juridique.

Mme Nora Berra, secrétaire d'État.  - Avis défavorable. Seule l'acceptation du DPN fait l'objet d'un écrit.

L'amendement n°46 rectifié n'est pas adopté.

Mme Bernadette Dupont.  - je suis très touchée par la compassion de nos collègues pour les parents d'enfants handicapés mais leur souffrance est la même pour tous, bien qu'elle s'exprime de façon différenciée. Ne faisons pas de procès aux parents pour la façon dont ils assument leurs difficultés et aidons les quand ils ne réussissent pas à les assumer seuls.

Je me réjouis du vote de l'amendement de Mme Payet. Monsieur Fischer, il n'y a pas de dénigrement, seulement de la prudence.

Cet article 9 me pose encore un problème. Pourquoi informer toutes les femmes enceintes alors qu'il n'y a que 2 % de grossesses à risques ? La grossesse n'est pas une maladie ! C'est la situation normale d'une femme qui a la chance de porter un enfant. La mettre dans une situation anxiogène est malsain.

Le dépistage systématique de la trisomie 21 discrimine une population, et comme des handicaps plus graves ne sont pas dépistés, on risque de monter certains parents les uns contre les autres. Je ne voterai pas l'article.

L'article 9 est adopté.

L'article 11 est adopté.

Article 11 bis

Mme la présidente.  - Amendement n°28 rectifié, présenté par M. Retailleau, Mmes Hermange et B. Dupont et M. Darniche.

Rédiger ainsi cet article :

L'article L. 2131-4-1 du code de la santé publique est abrogé.

M. Bruno Retailleau.  - Le « bébé médicament » pose un vrai problème d'éthique, vue l'inévitable sélection d'embryons, conduisant à considérer l'enfant à naître comme simple source de matière biologique. Les alternatives médicales grâce aux banques de sang de cordon conduisent à écarter cette pratique.

Mme la présidente.  - Amendement n°12, présenté par M. Godefroy et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Alinéa 2

Supprimer les mots :

, et sous réserve d'avoir épuisé toutes les possibilités offertes par les dispositions des articles L. 1241-1 à L. 1241-7,

M. Bernard Cazeau.  - Je préfère parler de l'« enfant du double espoir ». Nous devons regarder les choses en face. Où est l'instrumentalisation ? Où est l'eugénisme ? Les parents souhaitent des enfants en bonne santé. En l'occurrence, le médecin se borne à puiser dans le placenta, qui n'est pas une personne ! Bien sûr, il y a des banques de sang de cordon ; encore faut-il disposer de cellules compatibles !

Les opposants à cette pratique se réfugient derrière des principes d'un autre âge. Nous proposons un assouplissement juridique pour aider les couples. Faisons confiance à la médecine.

M. Alain Milon, rapporteur.  - Retrait ou rejet de l'amendement n°28 rectifié déjà vu en première lecture. M. Cazeau voudrait supprimer un ajout fait en première lecture par le Sénat, avis défavorable à l'amendement n°12.

Mme Nora Berra, secrétaire d'État.  - Le double DPI est pratiqué dans le cadre d'un projet parental. Nous parlons d'un bébé espoir, non d'un bébé médicament. Le DPI-HLA est une démarche longue, coûteuse et d'extrême recours : conservons-en la possibilité.

Avis défavorable aux deux amendements.

Mme Raymonde Le Texier.  - Les propos de M. Retailleau sont sidérants et glaçants. Il est extrêmement douloureux d'avoir un enfant atteint d'une maladie grave. Est-il scandaleux que les parents souhaitent avoir un autre enfant qui soit en bonne santé ? Est-il scandaleux qu'en naissant, le deuxième enfant puisse éventuellement contribuer à soigner son aîné ? C'est simplement humain, c'est de l'espoir ! Rendons-le possible.

M. André Lardeux.  - Monsieur Cazeau, je comprends que certaines attaques sur internet vous aient blessé mais cela ne vous autorise pas à traiter vos collègues de rétrogrades ou dogmatiques ! Je ne pensais pas entendre de tels échanges dans cet hémicycle. Nous pouvons avoir des approches philosophiques différentes.

Le double DPI aboutit à avoir un enfant non pour lui-même mais pour un autre.

Mme Raymonde Le Texier.  - Il naît pour lui-même.

Mme Marie-Thérèse Hermange.  - Monsieur Cazeau, avec une autre politique du sang de cordon, il serait possible de trouver des cellules compatibles et d'éviter le bébé DPI-HLA. Une seule expérimentation a eu lieu depuis 2004, quinze jours avant la première lecture au Sénat. Nous sommes un certain nombre à souhaiter maintenir le caractère exceptionnel de l'expérimentation.

Si l'amendement de M. Retailleau était écarté, je ne voterais pas l'article.

Nous célébrons aujourd'hui la journée du handicap. Soyons cohérents dans nos votes, en ne nous donnant pas seulement bonne conscience.

M. Bruno Retailleau.  - À mes arguments, il faut opposer d'autres arguments, pas l'émotion.

L'embryon est-il une source de matière biologique ? Cette question est fondamentale. En 2002 le Comité national d'éthique se l'était posée. Aussi peu glacialement que possible, je voulais insister sur les alternatives. (Applaudissements à droite)

M. Bernard Cazeau.  - Madame Hermange, vous vous appuyez sur des recherches encore balbutiantes pour développer votre argumentation. J'ai moi aussi des convictions religieuses : j'ai été élevé par des jésuites. (Marques d'amusement sur les bancs socialistes et à droite) Je respecte toutes les convictions mais les législateurs ne doivent pas imposer les leurs. Nous sommes là pour légiférer en faveur du bien public, ce qui exige de faire la part des choses.

M. Jean Desessard.  - C'est un raisonnement jésuite ! (Sourires)

M. Alain Milon, rapporteur.  - En première lecture, nous avions introduit une condition au double DPI : l'impossibilité de toute autre thérapeutique. J'ajoute que le bébé n'est pas un médicament : on utilise simplement le sang de son placenta ou de son cordon ! Offrons aux familles les possibilités ouvertes par la science. (M. Bernard Cazeau applaudit)

Mme la présidente.  - Je mets aux voix l'amendement n°28 rectifié. (Protestations à droite où l'on souhaite répondre à M. Bernard Cazeau)

Après une épreuve à main levée déclarée douteuse, l'amendement n°28 rectifié, mis aux voix par assis et levé, n'est pas adopté.

L'amendement n°12 n'est pas adopté.

L'article 11 bis est adopté.

La séance est suspendue à 19 h 10.

*

*          *

présidence de M. Roger Romani,vice-président

La séance reprend à 21 h 30.