Partenariats de défense

Mme la présidente.  - L'ordre du jour appelle la discussion :

- du projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République centrafricaine instituant un partenariat de défense ;

- du projet de loi autorisant la ratification du traité instituant un partenariat de défense entre la République française et la République gabonaise ;

- du projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République du Cameroun instituant un partenariat de défense ;

- du projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République togolaise instituant un partenariat de défense.

Ces quatre projets de loi font l'objet d'une discussion générale commune.

M. Laurent Wauquiez, ministre auprès du ministre d'État, ministre des affaires étrangères et européennes, chargé des affaires européennes.  - Je vous prie d'excuser M. de Raincourt, retenu par d'autres obligations.

Ce débat sur le partenariat de défense répond à une exigence de transparence, souhaitée par le président de la République, sur des accords passés il y a 50 ans, que la France renouvelle avec ses partenaires africains.

Ces accords ne comporteront plus de clause de sécurité, qui ne correspond plus aux attentes ni aux besoins des États africains. Ces accords sont simples, transparents, ils s'appuient sur l'intervention des forces africaines et sur la coopération européenne.

L'accord avec le Togo est un cas-type, s'appuyant sur la convention de l'ONU. Il s'agit pour l'essentiel d'appuyer les opérations de maintien de la paix.

Celui avec le Cameroun est un peu particulier, dans la mesure où nous disposons d'une mission logistique à Douala.

Pour le Centrafrique et le Gabon, il faut tenir compte de la présence de forces françaises sur leur territoire. Enfin, avec la République centrafricaine, nous mettons fin à la clause d'assistance en cas de légitime défense, pour nous en tenir à un simple échanges de vues. Je vous invite à adopter ce texte. (Applaudissements au centre et à droite)

M. Philippe Paul, rapporteur de la commission des affaires étrangères.  - Ces accords renouvellent le cadre de notre coopération en matière de défense avec quatre États africains, réglée depuis leur indépendance sur une clause d'intervention et d'assistance, y compris parfois en cas de troubles intérieurs.

Aujourd'hui, c'est de l'ONU que doit venir le mandat, tandis que les interventions sont appelées à s'appuyer sur les forces régionales.

Le président de la République a rappelé en février 2008, au Cap, nos orientations : aider la constitution de forces régionales, mieux impliquer l'Union européenne, diminuer la présence numérique de nos forces en Afrique, dans le cadre de nos accords bilatéraux.

Le terme de partenariat illustre le passage d'une logique de substitution à une logique d'appui aux États africains.

Conclus pour cinq ans renouvelables, ils remplacent les accords antérieurs. Ils ne comportent pas de clause d'assistance et se tournent vers les forces des organisations régionales, ainsi que vers l'Union européenne. Ils règlent notre soutien à la formation des cadres militaires des États concernés, ainsi que nos missions logistiques.

Nous nous félicitons des quatre premiers accords signés, ainsi que du cinquième signé avec les Comores. Pour le reste, sur les huit pays concernés, les négociations avancent avec le Sénégal et Djibouti, mais elles ont été interrompues avec la Côte-d'Ivoire pour les raisons que l'on connaît. La France ne réduit donc pas sa coopération, mais elle la rend plus claire : il n'y aura plus d'accords secrets.

Monsieur le ministre, nous souhaiterions des précisions sur la situation du Tchad, avec lequel nous ne disposons que d'un accord de coopération : quid de l'opération « Epervier » ?

Votre commission vous propose donc d'adopter ces quatre projets de loi. (Applaudissements sur les bancs UMP)

M. Michel Billout.  - Ces quatre accords attestent d'un tournant dans nos relations avec les pays africains. Avec nos collègues socialistes, nous demandions un débat sur les orientations de notre politique en Afrique. Ainsi, nous regrettons ce cadre trop étriqué, consistant à parler de quatre accords seulement, qui ne concernent pas les pays du Sahel et qui n'évoquent rien de la coopération pour le développement, seule solution face au terrorisme.

MM. Roland Courteau et Jean-Louis Carrère.  - Très bien !

M. Michel Billout.  - Ces accords ne comportent plus de clauses devenues obsolètes : la souveraineté des États africains est enfin reconnue ! Nous nous félicitons de l'intervention du Parlement et de l'engagement pris par le président de la République qu'il n'y aura plus d'accord secret.

Cependant, le discours de Dakar, où l'on a entendu dire que l'homme africain ne serait pas suffisamment entré dans l'histoire, a profondément choqué en Afrique. (Approbation à gauche) La France ne peut plus être le gendarme de l'Afrique de l'ouest : de manière pragmatique, vous vous tournez donc vers l'ONU, ou vers les organisations régionales. Nos moyens sont mobilisés par la création d'une base à Abu Dhabi et nos hommes en Afghanistan. Conséquence de notre réintégration dans l'Otan : ce sont autant de moyens en moins pour l'Afrique. (On approuve sur les bancs socialistes) Nous voterons contre.

M. Josselin de Rohan, président de la commission des affaires étrangères.  - Il n'a jamais été question d'initier un débat sur la politique africaine de la France. Vous en aviez l'occasion dans le cadre du débat sur la politique étrangère, vous ne l'avez pas fait : vous êtes hors sujet !

M. Didier Boulaud.  - Je sens que je vais être hors sujet aussi... selon votre définition.

M. Josselin de Rohan, président de la commission des affaires étrangères.  - Votre problème, c'est que vous avez du mal à dire que les accords signés par le Gouvernement vont dans le bon sens, puisque vous n'avez en vue que la critique du président de la République !

M. Didier Boulaud.  - Nous voici avec de nouveaux ministres de la défense et des affaires. Sans porter de jugement sur les hommes qui se succèdent ainsi à un rythme endiablé, permettez moi de regretter la légèreté avec laquelle, au sommet de l'Etat, sont traités des secteurs aussi importants que celui de la défense ou celui des affaires étrangères. Légèreté qui montre à l'évidence que seules comptent les décisions prises, 55 bis faubourg Saint-Honoré ; peu importe de savoir qui occupe la rue Saint-Dominique ou le Quai d'Orsay ! Certes, depuis la fin de la deuxième guerre mondiale, la France n'est pas la grande puissance qu'elle était ; mais naguère encore, elle était entendue, comme lors de la guerre d'Irak. Hélas, avec un appareil de défense amoindri, nous nous berçons d'illusions. Nous perdons pied en Afrique, et les Français s'en rendent compte. Je n'aurai pas la cruauté de revenir sur notre cécité au Maghreb ou au Machrek, sans oublier le Sahel : les faits parlent d'eux-mêmes. La responsabilité n'en n'incombe qu'au seul décideur suprême et non aux multiples lampistes qu'on essaye parfois de jeter en pâture à l'opinion publique.

J'attends toujours que le Gouvernement vienne justifier devant le Parlement l'acte de contrition de la France au Rwanda, acte de contrition porté en l'occurrence, par quelqu'un qui à l'époque, -il est ministre seulement depuis 24 heures-, n'était nullement habilité au moment des faits par un quelconque mandat que le peuple lui aurait confié.

On a l'impression que notre action dans le monde est entre les mains d'un cabinet d'avocats d'affaires ! En conséquence, la position de la France n'est plus comprise : par exemple, les capitales arabes n'ont pas encore compris notre retour dans le commandement intégré de l'Otan et n'y ont vu qu'un alignement suiviste et à contretemps sur Georges Bush le petit. La Turquie, grand pays stratégique s'il en est, s'étrangle devant le comportement de la France à son égard, et je ne dis rien de ce qu'il est advenu de notre relation avec le Mexique.

En relisant le discours du général de Gaulle à Mexico, de François Mitterrand à Cancun, je me disais : qu'avons-nous fait de tout cela ?

Nous ne nous plaindrons pas de ce débat, même si l'on eût pu attendre la signature de l'ensemble. Ils entérinent notre repli derrière l'Union européenne. La question est celle de la coopération militaire : est-elle le bon vecteur ? Ne négligeons-nous pas les revendications sociales et politiques, dont nous venons de voir l'importance ? Et les gouvernements sont-ils toujours les bons interlocuteurs ? Il y faut des élections nationales incontestables, et une opposition digne de ce nom. Est-ce le cas au Gabon ? Et en Centrafrique, où l'opposition n'a pu qu'appeler au boycott des législatives ? Il est vrai que le Quai d'Orsay n'a fait que prendre acte de la reconduction du président sortant. Il ne saurait y avoir deux poids deux mesures. Au Cameroun, au Togo, rien n'est fait non plus pour rassurer !

On adapte, nous dit-on, nos accords au temps présent, en impliquant, en toute transparence, notre Parlement, pour aider l'Afrique à se construire. Mais les Africains ne veulent pas voir confisquer nos partenariats. Où est le plan d'ensemble ? Où est le bilan sur notre coopération en matière de sécurité ? Nous manquons d'éléments sur tout, y compris en ce qui concerne l'état de nos capacités.

Quelle place au renseignement dans ces partenariats ? Quid de notre présence en l'état du budget de la défense ? Nous nous interrogeons sur la réalité de notre investissement en Afrique.

Pourquoi ne pas reconsidérer la décision d'implanter une base à Abu Dhabi, alors que nous manquons cruellement de moyens au Sahel ?

Quid de notre présence en Côte-d'Ivoire, où la situation se dégrade ? Et au Tchad ?

D'autres accords de coopération existent avec d'autres pays africains : n'est-il pas bon de les remettre à plat au vu de la situation de l'Afrique du nord ?

Il est temps de dépouiller notre relation des oripeaux de la Françafrique. Or, nous avons entendu M. Sarkozy renouer avec les accords paternalistes sur l'homme africain pas encore entré dans l'histoire.

Vous comprendrez notre prudence : nous jugerons aux actes ! (Applaudissements à gauche)

M. Michel Guerry.  - « It's time for Africa » disait une chanson populaire lors de la Coupe du monde de football. De fait, le réveil du continent ne date pas des événements récents au Maghreb. Les quatre accords de défense créent des conditions de sécurité et de paix durables. Comme sénateur des Français de l'étranger, je pense aussi aux quelque 20 000 Français établis dans ces pays : quelle meilleure garantie de sécurité pouvons-nous leur donner ?

À la porte de ces pays, Al Quaïda menace. Il faut en tenir compte. Il nous revient de les aider à maintenir leur vigilance en éveil.

La menace est permanente : les pays concernés doivent savoir que nous avons bien compris leurs besoins de sécurité et qu'il ne s'agit pas, comme le voudrait le terrorisme international, de se laisser endormir. La violence est mère de toutes les misères. L'état d'un pays ne se mesure pas au seul taux de croissance : ne nous en tenons pas aux indices du développement (Applaudissements sur les bancs UMP)

M. Jean-Etienne Antoinette.  - Le moment est mal choisi pour signer ces conventions dont la qualité n'est pas en cause, ni le souci de transparence. La révision de nos accords de défense était depuis longtemps nécessaire, mais pourquoi ne nous soumettre que quatre de ces conventions ? Quid du Tchad ? Quid de nos accords de coopération avec d'autres pays africains ?

C'est à l'échelle du continent qu'il faut réfléchir. Le Livre blanc propose quelques pistes, parmi lesquelles la volonté de transformer l'action bilatérale en action multilatérale, pour plus de légitimité de nos interventions, qui ne sauraient s'inscrire que dans le cadre d'une résolution de l'ONU. Mais les forces régionales, dont la jeune Union africaine, sont encore trop faibles. Elles ont besoin du soutien de ce pays ami qu'est la France. Dans l'action multilatérale, saurons-nous faire valoir notre volonté ?

Las, dans les accords, nous ne parvenons pas à lire de stratégie d'ensemble. Renforcement des capacités humaines au Gabon, rien en ce domaine au Cameroun. Au Togo et en République centrafricaine, les domaines de coopération sont plus ouverts : qu'en déduire ? Quid de l'utilisation, ici et ailleurs, de nos capacités militaires ? Attention à l'ingérence. Bien des points restent à éclaircir.

Du sud de la Méditerranée au Golfe persique, le monde est en ébullition. Au sud du Sahara, des espoirs se sont levés. Au Gabon, des manifestations ont été réprimées. En Centrafrique, les manquements à la démocratie sont flagrants. Une immense chance est à saisir. Les peuples se soulèvent, en Afrique du nord, contre leurs oppresseurs, non contre les personnes étrangers. N'envoyons pas de mauvais signal en Afrique noire : associons ces peuples à la quête de liberté qui gagne le continent ! (Applaudissements à gauche)

La discussion générale est close.

M. Laurent Wauquiez, ministre.  - Je remercie le rapporteur pour son exposé plein de clarté, qui a souligné l'inflexion de notre politique en Afrique. Le Tchad n'est pas concerné par la révision car il ne nous était pas lié par un accord mais il a demandé à négocier un accord : une première session aura lieu après les échéances électorales.

Je suis en plein désaccord, monsieur Billoud, même si je vous sais gré d'avoir souligné notre volonté de transparence : améliorer la coordination avec l'Union européenne n'est pas une marque de retrait.

M. Michel Billout.  - Ce n'est pas ce que j'ai dit

M. Laurent Wauquiez, ministre.  - Soit. Être le chef de file de la diplomatie européenne peut au contraire nous apporter des moyens.

Les accords de partenariat et de défense, monsieur Boulaud, seront rendus publics. Ils impliquent un échange d'informations. Pas de renégociations en Côte-d'Ivoire tant qu'il n'y aura pas de gouvernement légitime. Pour ce qui est du soutien à M. Gbabo, chacun peut balayer devant sa porte.

M. Didier Boulaud.  - Je ne l'ai jamais rencontré !

M. Laurent Wauquiez, ministre.  - Merci, monsieur Guerry, pour votre vision prospective sur l'Afrique : nous ne devons pas avoir une vision étroite du développement. Nous n'entendons pas, monsieur Antoinette, entrer en Afrique dans un cycle d'ingérence qui n'est plus de notre temps. C'est bien pourquoi nous révisons nos conventions.

Les quatre projets de loi sont successivement adoptés.

Prochaine séance demain, mercredi 2 mars 2011, à 14 heures 30.

La séance est levée à 19 heures 15.

René-André Fabre,

Directeur

Direction des comptes rendus analytiques

ORDRE DU JOUR

du mercredi 2 mars 2011

Séance publique

À 14 HEURES 30 ET LE SOIR

1. Projet de loi organique, adopté par l'Assemblée nationale, relatif à l'élection des députés (n° 209, 2010-2011).

Rapport de M. Patrice Gélard, fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale (n° 311, 2010-2011).

Texte de la commission (n° 312, 2010-2011).

2. Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, ratifiant l'ordonnance n° 2009-936 du 29 juillet 2009 relative à l'élection de députés par les Français établis hors de France (n° 210, 2010-2011).

Rapport de M. Patrice Gélard, fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale (n° 311, 2010-2011).

Texte de la commission (n° 313, 2010-2011).

3. Proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, portant simplification de dispositions du code électoral et relative à la transparence financière de la vie politique (n° 207, 2010-2011).

Rapport de M. Patrice Gélard, fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale (n° 311, 2010-2011).

Texte de la commission (n° 314, 2010-2011).