Réforme des retraites (Procédure accélérée - Suite)

Vote sur l'ensemble

Mme Isabelle Debré.  - Au nom de l'UMP, je tiens à remercier les ministres pour leur écoute et leur disponibilité. Mes remerciements s'adressent aussi à Mme Dini et à M. Leclerc, grâce à qui nous avons un texte équilibré. Je rends hommage à son sens de l'écoute et à sa résistance.

L'état de nos finances faisait de cette réforme un impératif : il en allait de la sauvegarde de notre système de répartition. Le groupe UMP se réjouit que la majorité ait eu le courage d'entreprendre cette réforme sur les retraites. Effectivement, la première des justices, c'est de financer les retraites !

La solution retenue a été la plus réaliste : nous ne pouvions nous enfermer dans les dogmes du « toujours plus » ; la majorité a fait le choix de la responsabilité pour maintenir les retraites actuelles et garantir les retraites futures.

Nous nous réjouissons que la Haute Assemblée ait rééquilibré les temps de travail et de retraite. Avec un âge de départ porté à 62 ans, la durée de la retraite sera au moins supérieure de trois ans à ce qu'elle était en 1980.

M. Guy Fischer.  - Ce n'est pas ce qu'a dit M. Apparu !

M. Henri de Raincourt, ministre.  - Il a corrigé.

M. Éric Woerth, ministre.  - C'était une erreur. Elle est humaine.

Mme Isabelle Debré.  - Il n'y a donc aucun recul social, (exclamations à gauche) mais uniquement une prise en compte des réalités démographiques. De nombreux aménagements ont été acceptés : pour les mères de famille, pour les parents d'enfants handicapés, pour les travailleurs exposés à l'amiante.

Notre Haute Assemblée peut se réjouir du travail accompli afin que la réforme soit le plus juste possible. Nous soutiendrons votre projet et nous vous félicitons pour votre volontarisme. (Applaudissements à droite)

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Je félicite les sénatrices et sénateurs du groupe CRC qui ont été particulièrement assidus. (Applaudissements à gauche)

M. Jean-Pierre Fourcade.  - Merci pour nous !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Le passage en force est un mauvais signe. Le Président de la République a sifflé la fin de partie pour les parlementaires ; vous avez gagné quelques heures mais vous n'en sortez pas grandis après le coup de force à l'Assemblée nationale. Mais le véritable coup de force, c'est ce projet de loi dont le pays ne veut pas.

La réforme des retraites ne faisait pas partie du programme de Nicolas Sarkozy qui s'était engagé à maintenir la retraite à 60 ans. Vous dites, « c'est la faute à la crise » : ce n'est pas convaincant. Le programme du Medef préfacé par Mme Parisot, « Besoin d'air », annonçait déjà la fin de la retraite à 60 ans, une réforme systémique et le passage progressif à la capitalisation.

En mars 2010, sur son blog, Mme Parisot se félicitait que le Président de la République et la majorité mettent en oeuvre le programme du Medef...

La crise vous a servi de prétexte pour accélérer. Vous avez renfloué les banques sans contrepartie et vous appelez maintenant nos concitoyens à une austérité redoublée, tandis que les fauteurs de crise se portent très bien. Ils applaudissent votre détermination à ne pas toucher à leurs privilèges exorbitants.

M. Roland Courteau.  - Eh oui !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Nos concitoyens ne supportent plus cela : pour la France d'en haut, toujours plus ; pour la France d'en bas, toujours moins.

Vous n'entendez rien. Vous faites beaucoup de propagande, souvent mensongère, mais vos « concessions » en direction des femmes sont infimes : vous accordez la retraite à 65 ans à seulement 25 000 d'entre elles. La belle affaire !

La pénibilité ? Vous ne savez pas ce que c'est. Vous l'avez transformée en invalidité.

Vous campez sur vos positions : les salariés paieront. Avec un mépris sans pareil pour les carrières longues, pour les femmes, pour les jeunes qui en sont à se demander, dans les manifestations, « papy, c'est quoi la retraite ? ».

Vous répétez inlassablement que votre réforme est la seule possible et vous refusez d'entendre nos propositions. Oui, il y a une autre réforme possible, financée autrement, qui fait contribuer les revenus financiers ! La retraite à 60 ans doit rester un droit. Nos concitoyens refusent votre terrible régression sociale. Les syndicats, tous très responsables, vous demandent d'écouter le pays. Nos concitoyens, de plus en plus mobilisés, les soutiennent. Mais le Président de la République a choisi l'affrontement. Il joue avec le feu !

Il est temps d'accepter de négocier ! Ce projet est inacceptable. (Applaudissements sur les bancs CRC et quelques bancs socialistes)

M. le président.  - Il est d'usage, quand les présidents de groupe s'expriment dans un débat de cette importance, que le président de séance fasse preuve d'indulgence. Je l'ai fait pour le président Longuet comme je viens de le faire pour Mme Borvo. Et je le ferai pour le président About. (Marques d'approbation)

M. Jean-Pierre Bel.  - Ce débat a connu des temps forts ; il marquera aussi l'histoire de notre assemblée.

Nous n'avons pas eu le débat confiné que vous vouliez. A votre projet, nous avons opposé le nôtre. Jamais un pouvoir, jamais un Président de la République ne se sont montrés aussi insensibles, aussi sourds à la voix forte qui monte de la France mobilisée. Un Président de la République doit incarner la France, les Français dans leur diversité. Mais il ne connaît que mépris et indifférence. Fait remarquable, l'opinion n'a pas faibli. Les Français ne veulent pas de cette réforme, parce qu'elle touche les plus faibles, parce que le Président de la République n'est pas mandaté pour la mener, lui qui disait qu'il ne reculerait jamais au grand jamais l'âge légal de départ à la retraite.

Vous n'avez rien entendu, vous avez écarté toute idée de réforme alternative. Votre réforme est injuste ; elle frappe les plus fragiles, les femmes, ceux qui auront eu des carrières longues, les précaires. Vous avez su organiser un grand débat national sur l'identité nationale ; pour les retraites, ce n'était -ce n'est toujours- pas possible !

Le pays est bloqué ; vous répondez par un vote bloqué. Le blocage, c'est vous ! Vous avez recours à la brutalité procédurale. Vous prétendez que nous n'avons pas de projet ; quand nous le présentons, vous nous coupez la parole.

Ce débat a deux grands perdants : les Français qui subiront votre réforme ; le Sénat qui a été brutalisé et contraint malgré l'engagement du Président Larcher.

Mme Nicole Bricq.  - Où est-il ?

M. Jean-Pierre Bel.  - Je vous donne rendez-vous dès la semaine prochaine. Mardi matin ? Ce sera mardi matin ; nous serons là. Puis les semaines suivantes, où nous rendrons compte aux Français. Non, messieurs les censeurs, vous n'en avez pas fini avec les retraites ; vous n'en avez pas fini avec les Français ! (Applaudissements à gauche)

M. Nicolas About.  - Il y a un mois, nous avions une crainte de forme, que le débat n'ait pas lieu, et une crainte de fond, sur le contenu solidaire de ce texte. Sur la forme et sur le fond, la majorité du groupe centriste est apaisée et satisfaite.

Il fallait d'abord une réforme paramétrique, urgente, avant d'engager une réflexion sur une réforme systémique. Cette architecture était à nos yeux essentielle. Nous avons satisfaction sur la retraite par points comme sur la nécessité de rendre le système actuel plus solidaire.

Déplacer l'âge d'ouverture des droits est en phase avec l'évolution de la société et avec l'espérance de vie. La plupart des pays européens l'ont fait avant nous, parfois plus durement.

Sur deux points, le texte de l'Assemblée nationale était perfectible. La situation des femmes et des handicapés devait être mieux prise en compte. C'est chose faite, ainsi que pour les travailleurs de l'amiante. Reste la question de la pénibilité. Nous souhaitons aller plus loin afin que la pénibilité différée soit mieux reconnue. Mais, pour la première fois, la notion de pénibilité est consacrée par un texte législatif. On peut faire mieux : l'exposition à des facteurs raccourcissant l'espérance de vie ne conduit pas nécessairement à une invalidité constatable à l'heure de la retraite. Cela n'a pas été reconnu, ce qui conduit certains membres de mon groupe à s'abstenir sur ce sujet essentiel. Mais la très grande majorité du groupe est avant tout sensible à ce qu'apporte ce texte, dans l'attente de ce que nous pourrons faire progresser dans le cadre du PLFSS.

Merci à tous ceux qui ont permis que notre travail puisse se faire. (Applaudissements au centre et à droite)

M. Guy Fischer.  - Le Sénat a la réputation de bien rédiger les lois ; or la loi qui va être votée aujourd'hui sera amputée d'un article emblématique, l'article 4.

M. Nicolas About.  - Il reviendra !

M. Guy Fischer.  - Je n'en doute pas. Mais il est de tradition qu'une deuxième délibération corrige les erreurs.

Ce débat se termine sur un coup de force de l'Élysée, un déni de démocratie, pour qu'on en finisse ce soir. (Marques de dénégation à droite) Vous nous avez asséné vos discours sur le caractère inéluctable de votre réforme, sur les sacrifices nécessaires, relayés de puissants moyens médiatiques prêchant la résignation et mettant en avant les casseurs et la pénurie. Construction idéologique que tout cela !

En dépit de vos dénégations, ce projet de loi jette par-dessus bord la retraite par répartition et ouvre la porte à la retraite par capitalisation. La France est le pays le plus régressif de l'Union européenne...

M. Rémy Pointereau.  - C'est faux !

M. Guy Fischer.  - ...le seul à agir à la fois sur l'âge et sur la durée des cotisations.

M. Roland Courteau.  - Voilà la vérité !

M. Guy Fischer.  - Alors que les bénéfices du CAC 40 s'accroissent de 85 %, vous faites payer votre réforme à 85 % par les salariés. Et le patron de Carrefour part avec une retraite à vie de 500 000 euros par an !

Sans états d'âme, vous contraignez les victimes d'accidents du travail et de maladies professionnelles, les femmes, les handicapés, les catégories actives de la fonction publique hospitalière à partir en retraite plus tard. Vous avez choisi une méthode brutale, parce que vous avez peur des ouvriers, des jeunes, de tout un peuple qui ne supporte pas que cet acte de régression sociale, de décivilisation revienne sur une grande conquête ouvrière. Votre projet est un projet de classe, celui des puissants contre les petites gens. Nous nous battrons pied à pied pour la retraite pour tous à 50... à 60 ans. (Exclamations à droite ; rires à gauche)

A 60 ans, vous aurez compris ! (Applaudissements à gauche)

M. Rémy Pointereau.  - Le statu quo aurait été irresponsable. Il y avait quatre actifs pour un retraité en 1960 ; il n'y en aura qu'1,2 pour un en 2020. Nous vivons plus longtemps, nous devons travailler plus longtemps. C'est une question de bon sens et de responsabilité.

Pour les femmes, des avancées ont eu lieu. Il faudra aller plus loin. Pour les métiers très pénibles aussi, lancer une large concertation par branche...

Mme Nicole Bricq.  - Il serait temps !

M. Rémy Pointereau.  - ...et établir des coefficients de pénibilité. Pour les agriculteurs, la rédaction retenue risque de créer des contraintes administratives supplémentaires.

Le projet d'une réforme systémique va dans le bon sens : il faut penser à demain pour préparer après-demain et préserver un système que beaucoup nous envient de par le monde.

Je remercie le rapporteur pour son travail éclairant et aussi épuisant. (Applaudissements sur les bancs UMP)

Mme Raymonde Le Texier.  - Les Français et toute la classe politique, de droite comme de gauche, sont convaincus de la nécessité de réformer les retraites. Il vous aurait suffi de saisir la chance de ce diagnostic partagé pour que l'on aboutisse à un projet consensuel. Mais le Président de la République préfère les coups de menton aux mains tendues, le bras de fer aux manches relevées. Résultat : une réforme qui conjugue injustice, inégalité et inefficacité, une retraite rejetée par les Français en toute connaissance de cause.

Vous allez créer de nouveaux chômeurs. A 58 ans, c'est par le chômage ou la maladie que les salariés sortent du travail, pas par la retraite. Reporter de plusieurs années les limites d'âge, c'est attenter à leur dignité.

Vous retenez la pénibilité pour aussitôt la vider de toute substance. Vous mettez la médecine du travail sous la sujétion des employeurs pour exonérer ces derniers de leurs responsabilités. Vous accentuez la précarité des femmes. Vous misez avec cynisme sur la multiplication des carrières incomplètes. Votre objectif n'est pas de maintenir le niveau des pensions, mais d'exclure un maximum de personnes de la retraite à taux plein. Et pendant ce temps, les assureurs privés se frottent les mains devant le marché juteux qui s'ouvre pour eux.

Nous avons fait des propositions, vous n'avez pas daigné les considérer. Une raison de plus pour que nous votions contre ce projet de loi. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

Mme Isabelle Pasquet.  - On donne 172 milliards d'exemptions fiscales et sociales aux entreprises, sans s'interroger sérieusement sur leur efficacité. Les entreprises du CAC 40 disposent de 136 milliards de trésorerie, qui ne vont ni aux salariés ni à l'investissement productif, mais à la spéculation et aux rémunérations d'un niveau scandaleux des dirigeants.

Nos concitoyens ne sont pas dupes. Ils ont compris que de l'argent, il y en a, bien à l'abri dans les coffres des grandes banques internationales -au secours de qui vous avez volé naguère, sans leur demander la moindre contrepartie. Le nombre de bénéficiaires du bouclier fiscal croît chaque année alors que nos concitoyens s'appauvrissent.

Pour vous, les cotisations sociales sont une charge pour les entreprises -ce que ne seraient pas les dividendes faramineux versés aux actionnaires, dont la part dans la valeur ajoutée a été multipliée par cinq depuis 1983 !

Les travailleurs ont droit à une vie personnelle épanouie et en bonne santé à la retraite. Nous voterons contre ce projet de loi. (Applaudissements sur les bancs CRC)

M. Jean-Pierre Fourcade.  - J'apporte mon soutien au texte issu de nos délibérations. Le déficit de 35 milliards de nos comptes sociaux exige à l'évidence des mesures d'âge. On ne peut pas porter la dette cumulée à l'horizon 2020 à 475 milliards !

Mon soutien va aussi à la réflexion sur un système à points. L'évolution démographique nous incite à la vigilance si l'on ne veut pas procéder à de nouvelles mesures d'âge.

Nos débats ont été dominés par la question du recours à une fiscalité du patrimoine. Nous y recourons de façon modérée, pour 4 à 5 milliards. Aller au-delà aurait posé de gros problèmes à nos entreprises. Avec une des propositions des socialistes, le gain que leur a apporté la réforme de la taxe professionnelle aurait été totalement annihilé.

Il faut tout faire pour léguer à nos enfants une économie dynamique et concurrentielle ; c'est pourquoi je voterai ce projet de loi. (Applaudissements sur les bancs UMP)

M. Robert Tropeano.  - Qu'on laisse le Parlement faire son travail ! Au lieu de quoi, le Gouvernement, n'accepte que des modifications très marginales, avant de dégainer le 44-3, synonyme de passage en force et d'outrage au Parlement.

Le Gouvernement est aux abois, il panique, il recourt au vote bloqué : c'est une faute politique. Le Gouvernement se coupe des Français, il se réfugie dans sa tour d'ivoire. Mais on ne réforme pas contre la volonté des Français. Pourquoi n'avoir pas fait confiance aux partenaires sociaux et aux forces vives du pays ? On organise un débat national sur l'identité et un Grenelle de l'environnement ; les retraites ne méritaient pas moins ! Comment s'étonner que des millions de nos concitoyens descendent dans la rue ? Quelle erreur ! Et quel gâchis !

Rares sont nos concitoyens qui refuseraient toute réforme des retraites mais la vôtre est injuste. Elle pénalise ceux qui ont commencé à travailler tôt, qui ont eu des carrières morcelées, les jeunes, les seniors, les précaires, les handicapés. Vous n'avez fait à leur égard que des concessions infimes.

Votre texte ne suffira pas à pérenniser le système par répartition. Il faut réfléchir, comme nous l'avons proposé et voté, à une réforme systémique. Votre réforme est vouée à l'échec. Les Français n'y croient pas, ils n'en veulent pas. C'est seulement en stimulant la croissance qu'on résoudra vraiment le problème. Il n'y a aucun sens à reporter l'âge de la retraite si plus de la moitié des plus de 55 ans sont au chômage !

L'exigence de justice sociale n'a pas été au coeur de notre débat. La grande majorité du RDSE votera contre ce projet de loi. (Applaudissements à gauche)

Mme Odette Terrade.  - Avec ce texte, les femmes paieront le prix fort, malgré les communiqués mensongers que vous faites insérer dans la presse. Déjà défavorisées tout au long de leur carrière, elles le seront encore plus avec votre réforme. La France est pourtant tombée au 137rang du classement mondial au titre de l'égalité hommes-femmes !

Pour garantir des ressources pérennes, il fallait d'autres financements ! Les entreprises ne sont pas à ce point affaiblies qu'elles ne puissent contribuer à l'effort commun ! La trésorerie des sociétés du CAC 40 atteint 146 milliards ! Pour bénéficier du départ à 65 ans à taux plein, les femmes devront être nées entre 1951 et 1955, avoir élevé trois enfants, interrompu leur carrière professionnelle et validé un nombre minimum de trimestres avant cette interruption ! Vous brisez le dispositif dont bénéficient les femmes fonctionnaires. (M. Roland Courteau le confirme)

Vous maniez avec brio l'art de menacer du pire pour faire passer le moins pire pour une avancée. Exiger l'égalité entre hommes et femmes, c'est tirer la société vers le haut. Mais pour les femmes vous préférez précarité et inégalité.

En fermant centres d'IVG, classes de maternelle et crèches, en ouvrant le travail du dimanche, vous restreignez le choix des femmes et leur temps de vie libre.

Mme Bariza Khiari.  - Ce n'est jamais gagné...

Mme Odette Terrade.  - Je ne puis, à cette heure, oublier toutes les femmes, mes soeurs, qui subissent les effets de cette régression sociale. C'est leur voix que je porte en votant contre ce texte. (Applaudissements à gauche)

M. David Assouline.  - Vous avez dit aux Français qu'il y avait urgence. Et puis, dans la nuit de mercredi, vous avez reconnu que même avec votre réforme, on allait droit à la banqueroute et que l'injustice en était insupportable. C'est ce qu'ont dit en substance MM. Longuet et Arthuis.

M. Nicolas About.  - M. Arthuis n'a pas dit cela !

M. David Assouline.  - Tous ceux qui ont trimé toute leur vie, qui ont eu des métiers pénibles, qui ont été exposés à des produits toxiques, qui ont subi un stress permanent, tous ceux qui ont sauvé les banques en péril, devront payer pour que les revenus du capital soient préservés.

Vous avez menti aux Français en faisant le contraire de ce que vous aviez dit, puis quand vous avez prétendu que vous engageriez une grande négociation : il n'y en eut point. Puis en annonçant un grand débat national au Parlement : vous l'avez écourté.

M. Nicolas About.  - 150 heures !

M. David Assouline.  - Vous accouchez d'une petite loi qui organise la régression sociale et qui met le feu au pays. La majorité des Français n'en veulent pas.

Votre maître à l'Élysée veut incarner la force : il n'est que fébrilité. Mais la seule force vraie, c'est la force tranquille qui rassemble, avec la justice au coeur. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

Mme Marie-Agnès Labarre.  - Je veux dire mon sentiment de révolte : vous qui vous présentez en réformateurs vous n'êtes que des démolisseurs, prêts à remettre en cause les acquis de 1968, de 1945 et, bientôt, de 1936. Vous enclenchez la machine à remonter le temps du progrès social.

Vous êtes sourds aux propositions de l'opposition, aux offres de dialogue des syndicats comme aux grondements de la rue et votre chef veut les mater mais on ne mate pas le peuple. Vous avez changé les règles mais rien n'est réglé.

Vous avez réglé son compte au Parlement, à la solidarité nationale, au pacte républicain, aux femmes, aux jeunes, aux précaires.

Vous avez le courage de la vérité ? Avec persévérance, vous avez menti. Vos comparaisons européennes ne tiennent pas, pas plus que l'argument démographique : la France n'est pas un pays vieillissant.

Vous avez menti au sujet de la pénibilité -l'avez-vous jamais éprouvée vous-mêmes ? N'y aurait-il plus que des tire-au-flanc dans notre pays ?

Enfin, vous avez menti sur cette retraite puisque c'est la capitalisation que vous visez. Ce soit vous pourrez fêter ce vote avec Guillaume et Nicolas, pour le plus grand bien des assureurs. (Exclamations à droite) Et qui trinquera ? les salariés qui vont devoir travailler plus et se serrer la ceinture. Vous faites mal aux Français, vous leur faites peur. Le déficit des retraites n'est rien au regard des milliards d'exonérations, dont profitent vos amis qui élèvent des chevaux et cultivent des truffes.

M. Jean-Claude Carle.  - Ils méritent tout notre respect !

Mme Marie-Agnès Labarre.  - Nous sommes résolument du côté de Jaurès, nous sommes du côté du peuple qui a droit à vivre dans la sécurité et l'indépendance. Vous le provoquez sans vergogne. En votant contre, nous lui adressons le témoignage de notre solidarité. (Applaudissements sur les bancs CRC)

M. Christian Cointat.  - A 60 ans, on n'est pas un vieillard.

Mme Bariza Khiari.  - On aurait pu croire qu'au Sénat nous aurions un grand débat. Hélas, il n'en fut rien. Vous avez refusé de nous entendre, vous avez caricaturé nos positions, vous n'avez pas écouté les Français qui, sondage après sondage, vous disent leur refus.

Un long débat, certes, mais aucun dialogue. Tous les projets auraient dû être mis sur la table. Vos petites manoeuvres, vos petites procédures ne sont pas dignes du Sénat.

M. Roland Courteau.  - C'est bien vrai.

Mme Bariza Khiari.  - M. le ministre nous a dit hier que les articles étant votés, il n'y avait plus rien à dire. Toutes nos propositions, vous les avez ignorées. Mais les Français les ont entendues. Malgré vous, nous avons gagné : ils savent qu'une autre réforme est possible.

Comme par hasard, au moment où nous allions présenter nos amendements, vous avez décidé de clore les débats.

Pour nous, le Parlement n'est pas une chambre d'enregistrement. Le Président de la République est exaspéré, il tape du pied et l'exécutif n'est pas très serein par rapport à une situation qu'il ne maîtrise plus. Avec ce projet de loi, on a eu un résumé de la politique menée depuis 2007. Cette loi épargne les plus aisés et frappe les plus faibles.

Cette réforme est injuste, elle touche les plus démunis et notamment les femmes qui ne méritent pas d'être ainsi pénalisées. Il est temps d'arrêter les surenchères et le blocage. La France a besoin d'être rassemblée : il n'est pas de grande réforme sans concertation. Ç'aura été une occasion ratée. Nous votons contre. (Applaudissements à gauche)

Mme Éliane Assassi.  - Je suis indignée par les conditions dans lesquelles ce débat a été mené. J'y vois la marque d'un pouvoir autoritaire qui a perdu la bataille de l'opinion, et donc sa légitimité démocratique.

Après avoir ignoré la pluralité des opinions, refusé le dialogue avec les syndicats, voici qu'il nie les droits du Parlement.

Nous sommes les représentants du peuple, de ce peuple que vous écrasez. Vous croyez nous empêcher de travailler avec cet article 44. Vous avez tort. Malgré votre majorité à l'Assemblée nationale et au Sénat, vous n'y parvenez pas.

La Boëtie a dit « S'ils sont grands c'est parce que nous sommes à genoux ». Comme le disait Mirabeau « Nous sommes entrés ici par la force du peuple et nous n'en sortirons que par la force des baïonnettes ». (Exclamations à droite)

M. Nicolas About.  - Ce n'est pas Mirabeau qui l'a dit c'est le marquis de Dreux-Brézé !

Mme Éliane Assassi.  - Les parlementaires ont le droit de manifester leur opposition avec des amendements. Vous ne pourrez empêcher nos concitoyens de manifester jeudi prochain car ils sont opposés à ce projet de loi et ils savent que les entreprises du CAC 40 pourraient financer.

Votre passage en force déchire le pacte social qui unit le pays.

Vos mesures sont injustes, dangereuses et touchent les plus démunis. Cette réforme aura des conséquences dramatiques pour les assurés, qui devront choisir entre des pensions ridicules ou un travail jusqu'à un âge avancé. C'est indigne.

Vous détruisez la retraite par répartition et la solidarité intergénérationnelle. (Applaudissements sur les bancs CRC)

Mme Nicole Bricq.  - Vos hypothèses macroéconomiques sont irréalistes : vous seriez avisés à réviser vos chiffres de croissance et de chômage.

Vous avez fait un choix de court terme sous la pression des marchés financiers et des agences de notation. Vous allez puiser dans le FRR, ce qui est une opération financière très mauvaise.

Au-delà de cette malencontreuse opération financière, vous vouliez faire un acte politique, idéologique pour effacer une mesure prise par Lionel Jospin.

Vous avez usé d'une stratégie éculée, pour vous conformer au plan de communication du Président de la République. Dans la nuit de mercredi à jeudi, vous avez consenti à engager les prémices d'une réforme systémique en 2013, bel aveu que la réforme engagée par ce projet de loi ne tenait pas.

A la fin des représentations, au Théâtre français, un acteur s'avançait pour dire « la pièce est dite ». Tout à l'heure, M. Longuet a fait référence à l'« inexpérience » du groupe socialiste. Le combat continuera, ici, comme dans la rue, de façon pacifique. Il va falloir trouver des recettes et nous en reparlerons à l'occasion du PLFSS.

Le rendez-vous, c'est 2012, c'est le suffrage universel qui nous départagera. Le peuple saura choisir. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

Mme Josiane Mathon-Poinat.  - Ce qui s'est passé hier au Sénat est très grave. Le Gouvernement, écoutant la seule voix de son maître, a muselé l'opposition.

Aujourd'hui, vous envoyez des forces de police contre les lycéens, contre les ouvriers des raffineries et vous bâillonnez l'opposition.

Irresponsabilité ou mépris ? C'est un aveu d'échec car vous n'arrivez pas à imposer ce projet de loi, malgré l'usage de la force.

Vous réduisez le nombre de fonctionnaires et vous les obligez à travailler deux ans de plus. Étonnez-vous de leurs réactions !

Comment les collectivités locales vont-elles financer la politique sociale alors que leurs charges augmentent sans cesse ?

Vous gelez les salaires des fonctionnaires et vous réduisez leur niveau de vie une fois encore avec cette réforme. Pendant ce temps, vous les montrez du doigt en criant aux privilèges !

Le Gouvernement n'est animé que par la volonté de faciliter les profits et de défendre les privilèges de classe. Je voterai contre. (Applaudissements à gauche)

M. Roland Courteau.  - Nous n'acceptons pas que les salariés soient seuls mis à contribution. L'injustice de cette réforme est telle que 70 % des Français n'en veulent pas.

Ils ne vivront pas vieux dans un monde pire que celui de leurs parents. Nous refusons cette fatalité car nous défendons cette « ligne de vie, cette ligne de combat » décrite par Pierre Mauroy : nous voulons répondre à l'angoisse des jeunes et des manifestants. Mais le Gouvernement répond par des déclarations martiales. Lui qui a bloqué le pays en refusant les négociations, a fini par imposer le vote bloqué. Vous avez refusé un débat essentiel sur un sujet majeur pour le pacte social et républicain.

Le débat au Sénat a éclairé les Français sur l'injustice de ce projet de loi. Voilà pourquoi vous avez voulu passer en force.

Le caractère injuste de cette réforme constitue bien la marque principale du mode de gouvernance en place depuis trois ans.

A l'opposition, aux syndicats, aux millions de français défilant dans les rues vous avez opposé une fin de non-recevoir. Votre attitude a été ressentie comme une provocation !

La remise en cause des 35 heures, le travail du dimanche, la retraite à 62 ans : vous voulez revenir sur toutes les avancées sociales obtenues du temps de François Mitterrand, Pierre Mauroy et Lionel Jospin. A la négociation, vous préférez l'autoritarisme. Ce nouveau coup porté au peuple français ne sera pas oublié. Vous avez perdu cette bataille devant l'opinion publique. Il n'y a ni résignation ni abattement : pour nous, le combat continue. Gardez-vous d'oublier que le travail est un facteur d'intégration sociale, mais qu'il y a aussi le temps libre, le temps libéré pour les loisirs, la culture et l'ouverture aux autres. (Applaudissements à gauche)

Mme Nicole Bricq.  - Cela s'appelle l'émancipation !

M. Christian Cointat.  - On n'est plus en 1936 !

M. Bernard Vera.  - La réforme est-elle financée ? Le recul de l'âge de la retraite est un recul social qui va permettre de faire des économies, à la satisfaction de ceux qui ont les yeux fixés sur la ligne bleue des déficits publics. Mais la décote qui va surtout pénaliser les femmes, diminuera les pensions.

Vous mettez en place la spéculation sur la mort, à cause de l'allongement de l'espérance de vie, comme si les ouvriers et les agriculteurs avaient une espérance de vie aussi longue que celle des cadres

Cette réforme confine à l'inhumanité : les retraites des ouvriers morts avant l'âge contre les retraites chapeau légitimées. Travailler plus et plus longtemps pour toucher moins et moins longtemps, voilà le nouveau slogan de M. Sarkozy.

Les retraités de notre pays constituent 20 % de la population française. Est-il juste que la France n'accorde que le septième de la richesse nationale à ceux qui représentent le cinquième de la population ? Depuis la réforme Balladur, le pouvoir d'achat des retraités est gelé, ce qui prive l'économie d'un potentiel de croissance.

Nous souffrons, en France, de l'existence de 3 millions de chômeurs, de 3 millions de précaires. Voilà l'injustice.

Vous avez refusé tout débat sur nos propositions. Je voterai résolument contre ce projet de loi. (Applaudissements à gauche)

M. Jean-Pierre Caffet.  - Ce Gouvernement va entrer dans l'histoire pour avoir organisé la pire régression sociale de notre pays depuis longtemps. Ce sera le système le plus rétrograde, le plus dur en Europe. Aucun pays européen n'a combiné comme vous le faites mesures d'âge et de cotisation. Et ceux qui ont retardé l'âge de départ se sont donnés du temps : 2029 en Allemagne et 2036 en Grande-Bretagne.

Cette réforme est d'une inacceptable injustice : le financement repose pour l'essentiel sur les salaires. Vous vous attaquez aux plus faibles, aux plus précaires et aux femmes.

Enfin, vous en êtes restés à une conception individualiste de la pénibilité. Et tout cela pour quoi ? Cette réforme ne financera pas le système à long terme ! Et pire, la méthode ! Le Gouvernement a voulu faire un arrêt sur image avec l'amendement de M. Guéant sur une réforme systémique. Que ne l'avez-vous fait avant ? Pourquoi ne pas avoir engagé un dialogue avec le pays ?

M. Nicolas About.  - Vous ne l'avez jamais fait !

M. Jean-Pierre Caffet.  - Pour toutes ces raisons, nous voterons contre ce texte et dès la semaine prochaine, nous serons aux côtés de la majorité des Français, dans les manifestations. (Applaudissements à gauche)

M. François Autain.  - La méthode employée par le Gouvernement n'est sans doute pas la meilleure. Il aurait fallu prendre le temps de dialoguer avec les syndicats qui ont des propositions alternatives. Ils sont soutenus par un large courant d'opinion. Tout plaide pour une suspension du débat mais le Gouvernement ne veut pas entendre ces conseils de sagesse; il est engagé dans une épreuve de force.

La déclaration solennelle du Président de la République sur le maintien de l'âge de la retraite à 60 ans a déjà été évoquée.

Vous avez invoqué la crise mais alors, pourquoi avoir maintenu le bouclier fiscal ?

A l'Assemblée nationale l'opposition a été réduite au silence ; malgré notre opiniâtreté, le Gouvernement n'a pas voulu débattre au fond au Sénat. Vous avez repris à votre compte le slogan « There is no alternative » de Mme Thatcher. Les Français sont convaincus de la nécessité d'une réforme mais le mouvement social en demande une autre.

Sur le fond, cette réforme est injuste et inefficace. La présidente de la Cnav, une syndicaliste mais pas une gauchiste, a affirmé que son financement n'est pas assuré. Le recours à l'endettement ne suffira pas à garantir la pérennité de notre système de retraite. Les Français ont donc du souci à se faire pour l'avenir.

Cette réforme frappe les plus modestes, les plus faibles. Je voterai donc contre ce projet de loi. (Applaudissements sur les bancs CRC)

M. Jean-François Voguet.  - Nous sommes d'une génération qui a entendu ses parents dire, au moment d'un décès, « Encore un qui ne profitera pas de sa retraite ». Et puis 1981 est arrivé. La retraite à 60 ans a permis l'allongement de la durée de vie.

La vie a changé, rendant plus insupportable l'injustice. Avec ce projet de loi, vous faites d'un progrès humain l'objet d'une régression sociale. D'autres choix étaient possibles. Les retraites, c'est un choix de société, de civilisation.

Aujourd'hui, notre espérance de vie s'allonge : un nouveau temps de vie est disponible pour s'occuper des autres, voyager, se cultiver...

Vous ne voulez pas en entendre parler. Vous avez les yeux fixés sur les comptes. Ainsi que le disait Brel, « chez ces gens-là, monsieur, on ne cause pas, on compte ». Il y a de quoi, dans les caisses du CAC 40, financer la retraite à 60 ans. Vous préférez casser les solidarités, briser notre pacte social. Pour vous, le vivre ensemble est un vivre à côté.

Il faut une autre répartition des richesses pour répondre aux aspirations de notre société. Vous ne comprenez pas le peuple, vous ne l'écoutez pas, vous êtes sourds à ses aspirations. Après avoir attisé les braises, tel un pompier pyromane, vous dites vouloir éteindre l'incendie. Ce texte est injuste, inefficace et ne répond pas aux enjeux de notre temps. (Applaudissements à gauche)

M. Claude Lise.  - Au moment où s'achève ce débat, je tiens à dire que le Gouvernement a fait preuve d'une singulière surdité face aux élus d'outre-mer. Dans nos territoires nous avons des situations bien particulières qu'il faut prendre en compte. Alors qu'on entend de très beaux discours sur la diversité au sommet de l'État, vous n'avez rien donné ni concédé aux ultramarins. Les salariés sont encore plus pénalisés qu'en métropole. Nous avions souhaité qu'un rapport précède la mise en oeuvre de cette réforme. J'ai été particulièrement choqué que vous n'ayez pas répondu à mon intervention de lundi soir sur les ouvriers des bananeraies qui sont exposés aux chlordécone, un pesticide cancérigène interdit en métropole depuis des années. Vous avez semblé insensible. Faut-il attendre que les procès se multiplient, comme pour l'amiante ? Je vais voter contre ce projet de loi avec la conviction que cette réforme n'est pas promise à un très grand avenir. (Applaudissements à gauche)

M. Robert Hue.  - La jeunesse ne veut pas de ce projet de loi. Aujourd'hui encore, des lycéens et des étudiants manifestent. Mesurez-vous que cette irruption de la jeunesse est un événement majeur, l'expression d'une terrible angoisse ? Vous comptez sur les vacances mais ils resteront mobilisés.

Depuis le début vous ne les traitez que par le mépris. Quand ils ont rejoint les cortèges, vous avez crié à la manipulation. Ensuite, vous avez entamé le couplet de l'irresponsabilité, mais il n'en est pas question quand vous les envoyez en prison à 13 ans : là, ils sont responsables.

Le Président de la République a fait un amalgame inacceptable entre casseurs et manifestants.

A en croire M. Soubie, cette réforme est faite pour les jeunes. Comment leur interdire de s'en mêler ? Il est faux de dire que ce débat n'est pas le leur.

Il faut entre huit et onze ans à un jeune Français pour décrocher un emploi stable après la fin de ses études. Cette réalité, les jeunes la connaissent. Leur mouvement traduit leur inquiétude. Un jeune sur deux se dit angoissé pour son avenir.

Cette réforme va à l'encontre même du principe de solidarité entre les générations !

Être responsables, pour les jeunes, c'est participer aux manifestations pour faire entendre leur voix. La jeunesse prend ses responsabilités ; l'Histoire se souviendra que vous avez refusé de prendre les vôtres. Notre vote sera un vote d'espoir. (Applaudissements à gauche)

M. Jean Desessard.  - Dialogue ? Quel dialogue ? Avec le Medef, avec les amis du Fouquet's ! Et deux ans de plus au turbin ! Pas d'avancée pour les polypensionnés, pour les femmes, pour les précaires. Cette loi ne va pas améliorer l'emploi ni donc le financement de la retraite. Alors que l'horizon de la vie s'éloigne, vous voulez rogner sur le temps de paix que représente la retraite.

Adepte du « ça passe et ça casse », la droite se plie aux injonctions du capital.

Vous vous orientez vers une retraite par points, avant d'ouvrir la voie à la capitalisation.

M. Roland Courteau.  - Et voila !

M. Jean Desessard.  - Ce débat a donné lieu à une confrontation entre la droite et la gauche, entre d'un côté l'individu et le marché et de l'autre la solidarité et la réponse collective. Vous n'avez pas voulu dialoguer avec la société ; nous dirons aux manifestants que leur combat n'est pas fini, que la gauche est porteuse d'un autre projet qui, un jour, s'imposera !

La gauche est unie contre ce projet de loi ! (Applaudissements à gauche)

M. Jean-Claude Danglot.  - Le Président de la République avait esquissé en janvier dernier une réforme des retraites orientée vers une revalorisation des pensions. Et voici la réforme que vous imposez à la matraque.

Guillaume Sarkozy et consorts se préparent à mettre la main sur les profits juteux des futurs fonds de pension, à partir de janvier prochain. (On le conteste à droite) Il s'agit de drainer vers les placements financiers les 300 milliards des complémentaires.

Guillaume Sarkozy attend avec impatience cette loi scélérate. (Exclamations sur les mêmes bancs) Non certes pour que les plus démunis épargnent : ceux-là, il les laisse à la charité publique.

Aux financiers, vous apportez sur un plateau d'argent le produit de votre hold-up sur l'argent que les travailleurs ont gagné. Rendez-leur leur argent ! (Applaudissements à gauche)

Mme Évelyne Didier.  - Le 5 octobre, vous avez déclaré au Sénat : « Grâce à ce texte, le dialogue social gagnera en efficacité et en légitimité ». La réalité est bien différente : face au mécontentement qui s'amplifie, vous avez recours aux réquisitions pour briser la grève !

Vous avez également dit que laisseriez à l'opposition le temps de s'exprimer. Cela ne vous a pas empêché de demander la procédure accélérée, puis la priorité sur les articles emblématiques du texte ; vous avez multiplié les séances de nuit, les suspensions de séance, les scrutins publics. Tout cela donne une mauvaise image du Parlement ! En renvoyant à la fin de la discussion le débat sur les propositions que nous avons faites, vous croyez pouvoir répéter à l'envi que nous n'en avons pas.

Le monde agricole est meurtri et sortira encore affaibli de cette réforme. Comment demander aux paysans de travailler encore plus et plus longtemps ? Ils sont les symboles de l'injustice de votre réforme.

Votre politique, inefficace en termes de financement, est en outre inacceptable. Nous nous battons aux côtés des Français pour défendre une réforme plus juste.

Le Medef s'est montré discret cette semaine : il n'avait plus besoin d'intervenir puisqu'il a inspiré cette réforme. Ce soir, il est heureux ! (Applaudissements à gauche)

M. Jacky Le Menn.  - Depuis trois semaines, j'ai souvent eu l'impression d'être dans un vaste théâtre. Tantôt Beaumarchais, tantôt Pirandello, parfois une comédie, parfois une tragédie, toujours un théâtre d'ombres : ceux qui sont sur scène ne sont pas les véritables acteurs. Les véritables acteurs, ce sont le Medef, les conseillers du Prince et le Prince lui-même. Cela me fait penser aux Possédés de Dostoïevski, quand Stravoguine mord l'oreille du gouverneur pour qu'il ouvre ses yeux sur le monde !

Vous avez dit sauver la retraite par répartition. Péché d'orgueil, comme lorsque vous dites qu'il n'y a qu'une seule voie possible. L'Histoire condamne ceux qui sont trop sûrs de détenir la seule vérité. Le peuple pourtant vous dit que votre voie n'est pas la seule possible.

Votre réforme laisse les gens qui souffrent, des retraités en dessous du seuil de pauvreté, tous ceux qui exercent un métier pénible et qui espéraient en une retraite proche et qui voient celle-ci s'éloigner.

Le ministre n'a cessé de nous renvoyer à notre prétendue « incompétence ». Nous ne serions pas des gens sérieux. Je regrette ce manque de modestie. (Applaudissements à gauche)

M. Éric Woerth, ministre.  - (Applaudissements à droite) Votre Haute assemblée s'apprête à adopter un projet de loi fondamental pour sauver la retraite par répartition. En 150 heures, nous avons abordé tous les points importants.

Je remercie vivement la présidente et le rapporteur de la commission, ainsi que tous les sénateurs qui sont intervenus.

Ce texte équilibré contient des avancées majeures, pour les mères de famille...

Mme Nicole Bricq.  - Menteur !

M. Éric Woerth, ministre.  - ...pour les handicapés,...

Mme Nicole Bricq.  - Menteur !

M. Éric Woerth, ministre.  - ...pour les métiers pénibles.

Mme Nicole Bricq.  - Menteur !

M. Éric Woerth, ministre.  - Je pense aussi à la réflexion sur la réforme systémique. Notre débat, très long, a été d'une grande qualité. Plus du tiers des 131 amendements adoptés proviennent de l'opposition sénatoriale. Ce projet de loi aura connu dix-huit évolutions majeures, ce qui montre bien que le Gouvernement a toujours considéré ce projet de loi comme un texte évolutif.

Mme Nicole Bricq.  - Parlons-en !

M. Éric Woerth, ministre.  - Nous avons eu des débats approfondis. Le Gouvernement avait un objectif : faire évoluer le texte, oui ; le dénaturer, non. (Rires à gauche)

Mme Nicole Bricq.  - Vous n'avez pas pris de risque !

M. Éric Woerth, ministre.  - Ce texte est aussi le vôtre. (Exclamations à gauche) Comme dans toute réforme majeure, des inquiétudes s'expriment. Mais vient un moment où il faut décider.

M. Guy Fischer.  - Régresser.

M. Éric Woerth, ministre.  - Ce moment est celui de la lucidité et du courage. Ce n'est pas en nous accrochant aux symboles d'hier que nous créerons une France puissante. Les grandes dates de notre pacte social...

M. Yannick Bodin.  - C'est votre testament !

M. Éric Woerth, ministre.  - ...ce ne sont pas seulement celles où l'on a créé un nouveau droit, ce sont aussi celles où l'on s'est donné les moyens de financer ces droits.

Certains combattent cette réforme. Je le regrette. Ils remercieront bientôt le Président de la République d'avoir eu le courage de prendre cette responsabilité. (Exclamations à gauche) Certains reconnaissent déjà que la réforme Fillon de 2003 était fondée ; le temps fera aussi son oeuvre pour cette réforme ! (Applaudissements à droite)

M. Dominique Leclerc, rapporteur.  - Le Gouvernement, en avançant de deux ans le rendez-vous de 2012 prévu en 2003, a choisi la voie du courage. (Exclamations à gauche)

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Le courage pour qui ?

M. Dominique Leclerc, rapporteur.  - Le Sénat a renforcé la dimension solidaire de notre système de retraite. Il a pris des mesures en faveur des mères de familles (protestations à gauche), des handicapés. (Vives protestations à gauche)

M. Yannick Bodin.  - Menteur !

M. David Assouline.  - Une dame patronnesse !

M. Dominique Leclerc, rapporteur.  - Vous ne vous en êtes jamais préoccupés ! Le Sénat a maintenu le régime particulier des victimes de l'amiante.

M. David Assouline.  - Merci, monseigneur ! Vous êtes compatissant !

M. Dominique Leclerc, rapporteur.  - Il a réformé la médecine du travail dont il a maintenu l'indépendance.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Oui-oui dans le monde merveilleux !

M. Dominique Leclerc, rapporteur.  - Nous avons engagé une réflexion nationale très large sur la retraite à points... (Exclamations à gauche)

M. David Assouline.  - Après le gourdin, on va discuter !

M. Dominique Leclerc, rapporteur.  - ...qui assurerait la retraite par répartition avec encore plus d'équité. C'est sans doute ce qui vous inquiète dans cette réforme. (Applaudissements à droite ; exclamations à gauche)

M. Jean-Pierre Caffet.  - L'équité Medef !

M. David Assouline.  - Des godillots !

M. Dominique Leclerc, rapporteur.  - Je remercie les ministres qui ont fait preuve d'écoute et de patience, ainsi que la présidente Dini et la présidence du Sénat.

M. Jean-Pierre Caffet.  - N'oubliez pas de remercier Guéant !

M. Dominique Leclerc, rapporteur.  - Cette réforme est nécessaire pour sauver notre système par répartition. Elle devrait rassurer les jeunes ! (Applaudissements à droite ; huées à gauche)

Mme Muguette Dini, présidente de la commission.  - (Applaudissements à droite) Je suis très honorée d'être la dernière à prendre la parole sur ce texte important.

M. Roland Courteau.  - Vous allez entrer tristement dans l'histoire !

Mme Muguette Dini, présidente de la commission.  - Nos débats ont été à la hauteur des enjeux, de l'intérêt que nos concitoyens y portent et de l'importance des sommes en jeu. Notre présence exceptionnellement soutenue... (On conteste à gauche qu'il en soit de même à droite)

M. Christian Cointat.  - Nous sommes là !

M. Jean-Pierre Caffet.  - En silence.

Mme Raymonde Le Texier.  - Et vous n'êtes même pas là pour voter !

Mme Muguette Dini, présidente de la commission.  - Nos débats ont été vifs, parfois un peu trop ; je le regrette, car le Sénat, à mes yeux, doit rester la chambre de la courtoisie et de la sérénité.

Nous avons siégé 140 heures, soit un mois de travail d'un salarié. Si l'on y ajoute les 30 heures des travaux de la commission et les 40 heures de la Mecss, on ne peut pas dire que le travail aura été bâclé.

Le Sénat a marqué ce texte : nous ferons au mieux pour que nos avancées ne soient pas remises en cause par la CMP.

Il est impossible d'imaginer que la question des retraites puisse être réglée une fois pour toutes. Par nature, il est à remettre sans fin sur le métier ; il faut donc dès maintenant réfléchir aux retraites de demain.

Je remercie les présidents de séance, ainsi que les ministres qui ont répondu avec constance et précision. M. Leclerc, présent sans interruption, est vraiment le spécialiste par excellence des retraites.

Merci à tous de votre participation à ce grave débat. (Mmes et MM. les sénateurs de la majorité se lèvent et applaudissent)

M. le président.  - J'ai entendu beaucoup de remerciements ; j'en ajoute pour les services des comptes-rendus et pour tous les services du Sénat. (Applaudissements)

N'en déplaise aux journalistes présents en nombre ce soir, nous avons tous rangé nos fauteuils roulants, nos sonotones et nos perfusions. (Rires)

J'ai été saisi d'une demande de scrutin public par le groupe UMP.

M. David Assouline.  - Que votent les absents !

Le projet est mis aux voix par scrutin public.

M. le président.  - Voici les résultats du scrutin :

Nombre de votants 339
Nombre de suffrages exprimés 330
Majorité absolue des suffrages exprimés 166
Pour l'adoption 177
Contre 153

Le Sénat a adopté.

(Applaudissements à droite)

Mme Nicole Bricq.  - Il manque des voix à la droite.

Candidatures à une éventuelle CMP

M. le président.  - La commission des affaires sociales a d'ores et déjà désigné les candidats qu'elle proposera si le Gouvernement demande la convocation d'une CMP sur ce texte. Ces candidatures ont été affichées pour permettre le respect du délai réglementaire.

La séance est suspendue à 20 heures 15.

présidence de M. Bernard Frimat,vice-président

La séance reprend à 22 heures 15.