Réforme des retraites (Procédure accélérée - Suite)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la suite du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, portant réforme des retraites.

Rappel au Règlement

M. Guy Fischer.  - M. Desessard disait hier, à juste titre, que vous étiez le « ministre de la réclame ». Il n'avait pas tort : comme dans les contrats d'assurance, il faut rechercher les notes infrapaginales en minuscules caractères, ces notes que l'on ne lit jamais...

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Et on se fait avoir !

M. Guy Fischer.  - Cela n'a pas tardé : il suffit de voir la publicité que vous faites paraître dans la presse, notamment gratuite, de ce matin. Avant même que la loi soit votée, vous osez affirmer, dessins à l'appui, que ceux qui ont un métier pénible bénéficieront toujours d'une retraite à 60 ans. C'est faux ! Votre communiqué de presse reconnaît, mais en plus petits caractères, que la mesure ne concerne que les bénéficiaires d'une pension d'invalidité égale ou supérieure à 10 %. Votre publicité affirme que 30 000 personnes sont concernées : en fait, de 15 à 20 000 !

Bénéficier d'un départ anticipé pour pénibilité, ce n'est pas être privilégié.

Cette publicité mensongère, payée par nos impôts, devrait tomber sous le coup de la loi ! (Applaudissements à gauche)

Discussion des articles (Suite)

Article 5 (Appelé en priorité - Suite)

Mme Claire-Lise Campion.  - Une réforme juste supposerait de donner plus à ceux qui ont moins. L'allongement de la durée du travail contribuera pour plus de la moitié aux besoins. Pensons à ceux qui ont commencé à travailler jeunes et qui ont les métiers les plus pénibles.

Travailler deux années supplémentaires ? Encore faut-il avoir un emploi ! Le RSA risque de devenir une variable d'ajustement.

Les Français ne sont pas hostiles à une réforme, pourvu qu'elle soit juste ! Elle ne l'est pas, celle qui remet en cause le pacte intergénérationnel en retardant de deux ans l'âge du départ. (Applaudissements à gauche)

M. le président.  - Amendement n°3, présenté par M. Fischer et les membres du groupe CRC-SPG.

Supprimer cet article.

M. Guy Fischer.  - Nous sommes à l'unisson de notre peuple qui rejette massivement la fin de la retraite à 60 ans. Il faudra avoir à la fois 41 annuités et demie et 62 ans. C'est la double peine, le régime le plus dur d'Europe.

Comment croire que nous allons nous laisser faire et vous laisser faire ?

Non, votre réforme n'est pas la seule solution ! Non, nous ne devons pas travailler plus longtemps parce que nous vivons plus longtemps ! Ce serait vrai si nous avions un système par capitalisation ; dans le cadre de la répartition, ce sont les salariés d'aujourd'hui qui paient les pensions des retraités d'aujourd'hui. L'allongement de l'espérance de vie ne change rien à ce principe.

Nous refusons de mettre le doigt dans l'engrenage ! Compte tenu de l'importance du sujet, nous demanderons des scrutins publics, qui sont incontournables en l'occurrence.

M. Jean-Pierre Fourcade.  - Parfait ! Enfin un point d'accord ! (Sourires)

M. le président.  - Amendement identique n°110, présenté par Mme Demontès et les membres du groupe socialiste et apparentés.

Mme Christiane Demontès.  - Le relèvement de l'âge d'ouverture de départ à la retraite de 60 à 62 ans va pénaliser ceux qui ont commencé à travailler tôt et ceux qui ont été confrontés à des conditions de travail pénibles. C'est parce que seulement 58 % des 55-60 ans ont un emploi que, dans les faits, nombre de seniors ne partent pas en retraite dès 60 ans. On nous parle d'efforts pour amener les entreprises à embaucher des jeunes et à ne pas licencier les seniors. Mais la réalité des chiffres est implacable : la situation ne s'améliore pas.

M. le président.  - Amendement identique n°254, présenté par M. Desessard, Mmes Blandin et Boumediene-Thiery, M. Muller et Mme Voynet.

M. Jean Desessard.  - Le droit à la retraite dès 60 ans est une liberté. Cela n'empêche personne de continuer à travailler bien au-delà. Relever l'âge légal de départ en retraite n'apparaît pas comme une solution mais comme une punition. Je n'ai pas bien compris, hier soir, ce que le ministre voulait dire quand il a proclamé qu'on était plus jeune à 62 ans qu'à 60. Monsieur le ministre, vous êtes vraiment le ministre de la réclame ! (Sourires)

Si l'on vit plus longtemps, c'est parce qu'on travaille moins ! Quand on est passé à cinq semaines de congés payés, ce n'est pas parce l'année était passée à 53 semaines ! Nous n'avons pas le monopole du coeur, dites-vous ? Prouvez-le en nous écoutant ! (Applaudissements à gauche)

L'amendement n°332 rectifié n'est pas défendu.

M. Dominique Leclerc, rapporteur de la commission des affaires sociales.  - Aucun de vos arguments n'est pertinent. Le relèvement de l'âge de la retraite est nécessaire pour sauver notre système par répartition. L'espérance de vie a gagné quatre ans depuis 1982.

Vous évoquez la Belgique, le Japon, l'Allemagne. Certes, l'âge légal y est de 60 ans, mais on y exige au moins 45 ans de cotisation et les pensions baissent !

C'est la première fois que les personnes soumises à des conditions pénibles seront reconnues pour le départ à la retraite.

Mme Annie David.  - Mensonge ! Il y a déjà une liste de maladies professionnelles !

M. Éric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique.  - La retraite à 60 ans telle que nous l'avons votée en 1982 était une réforme pour les hommes. (Rires à gauche) Elle ne tenait compte ni de la pénibilité, ni de la durée de cotisation, ni des femmes.

Vous n'avez jamais agi sur les carrières pénibles dans les retraites. Vous pratiquez la dénonciation, mais pas la proposition !

Notre réforme, c'est le progrès social ! Je répète que les 62 ans de 2018 pèseront moins lourds biologiquement que les 60 ans de 1982. (Exclamations à gauche) Dans les siècles passés, on était vieux à 45 ou 50 ans. Il est normal de tenir compte de l'espérance de vie au moment de la retraite, faute de quoi on mettrait des charges insupportables sur le dos des jeunes. La solidarité doit aussi s'incarner dans les relations intergénérations.

Je ne comprends pas votre incapacité à bouger sur le sujet ! Vous avez l'ambition de gouverner : il faudra bien y songer.

On aurait beaucoup progressé si vous aviez reconnu cette exigence, car le débat serait consensuel. (Exclamations à gauche ; applaudissements à droite)

M. Guy Fischer.  - Surtout pas !

M. le président.  - Je vais mettre aux voix les amendements de suppression, sur lesquels j'ai été saisi d'une demande de scrutin public par le groupe CRC.

Mme Annie David.  - Comme 70 % de nos concitoyens, nous sommes hostiles à ce recul historique. Vous conduisez la voiture France l'oeil fixé sur le rétroviseur en vous interdisant de franchir la ligne blanche tracée par le Medef.

Deux ans d'activité supplémentaires paraissent supportables à ceux qui ignorent le monde du travail. L'espérance de vie a augmenté, certes, mais la productivité aussi et ce sont surtout les patrons qui en ont profité, pas les salariés. Demandez aux maçons s'ils veulent travailler jusqu'à 62 ans. Demandez aux dames de ménage, qui n'ont souvent qu'un travail à temps partiel, si elles sont prêtes à travailler jusqu'à 67 ans ! Regardez la tension que les entreprises imposent à leurs cadres !

Vos propos insultent le monde du travail ! Allez voir ceux qui font les 3 x 8, ceux qui doivent travailler le dimanche pour ne pas arrêter les machines. Faire des économies, du point de vue des patrons, c'est toujours supprimer des postes.

En 1981, je venais de signer mon premier CDI dans une entreprise. Nous avons fêté la retraite à 60 ans, aussi loin que nous pouvions être de cet âge, car nous savions que c'était une grande victoire pour les salariés. Vos propos méprisants sont insupportables ! (Applaudissements à gauche)

M. Éric Woerth, ministre.  - On ne gouverne pas la France sur des tabous mais sur des réalités. Pourquoi 60 ans et pas 59 ou 61 ?

Je n'admets qu'un tabou : le système par répartition, qu'il ne faut pas casser.

Nous connaissons comme vous la vie réelle. Ne nous faites pas le coup du mépris ! Vous ne pouvez pas considérer que l'espérance de vie n'a rien à voir avec la retraite. Si les retraités sont de plus en plus nombreux, les actifs devront payer plus. Voulez-vous que ce soient les ouvriers à la chaîne, que vous évoquiez ? (Exclamations à gauche)

Mme Annie David.  - Augmentez les salaires !

M. Éric Woerth, ministre.  - Vous ne pouvez pas défendre la répartition et refuser toute évolution. (Applaudissements sur les bancs UMP)

Mme Christiane Demontès.  - M. le ministre reconnaît implicitement que nous avons bien fait de ramener l'âge de la retraite à 60 ans, puisque l'espérance de vie était moindre !

Mme David a parlé avec justesse de la vie des salariés ; il y a des gens qui travaillent pour vivre, mais aussi des gens qui ont tellement d'argent qu'ils n'y pensent même pas.

J'ai reçu une lettre d'une dame née en juillet 1951 qui évoque la perspective de sa situation l'an prochain. Nombre de chômeurs de longue durée nés en 1951 vont se retrouver sans revenus pendant quatre mois. Dans mon cas, écrit cette dame qui est en invalidité, ce serait d'août à octobre 2011.

C'est pour elle, c'est pour tous les Français que nous continuerons à nous battre. (Applaudissements à gauche)

M. Éric Woerth, ministre.  - La France est faite de 64 millions des cas particuliers. Je vous remercie d'évoquer un cas précis : il est clair que la pension d'invalidité de cette dame sera prolongée de quatre mois. La question ne se pose pas pour elle.

Parfois, la pension d'invalidité est plus importante que la retraite : certaines personnes préfèrent donc garder leur pension d'invalidité...

Mme Christiane Demontès.  - C'est dire !

M. Éric Woerth, ministre.  - ...et préfèrent, pour cette raison, retarder leur départ en retraite.

M. Guy Fischer.  - Des pensions de misère !

M. Didier Guillaume.  - Pour nombre de salariés, retarder de 60 à 62 ans, c'est plus qu'une régression, c'est une impossibilité humaine.

La retraite à 60 ans, 82des 110 propositions de François Mitterrand, était, pour nos parents, plus qu'une promesse électorale, c'était un rêve. M. Sarkozy, lui, avait promis le contraire. Quand on le voit au Vatican, on ne sait plus à quel saint se vouer ! (Rires à gauche)

M. Nicolas About.  - Ne vous moquez pas du catholicisme, vous ne le feriez pas de l'islam !

M. Didier Guillaume.  - Un jour, peut-être reprocherez-vous les congés payés à Léon Blum !

Les ouvriers vivent en moyenne sept ans de moins que les cadres. Ils sont 300 000 à partir en retraite à 60 ans en ayant cotisé plus que nécessaire.

Vous voulez, par cette mesure idéologique, culpabiliser les salariés. D'autres réformes sont possibles, en frappant les revenus du capital. S'il y avait plus de gens au travail, donc plus de cotisations, il serait plus aisé de financer la retraite à 60 ans. La retraite à 60 ans fut une avancée ; la retraite à 62 ans serait une capitulation. (Applaudissements à gauche)

Mme Josiane Mathon-Poinat.  - Nos concitoyens sont majoritairement contre le recul de l'âge de la retraite. En 2007, M. Sarkozy disait n'avoir pas de légitimité pour remettre en cause la retraite à 60 ans. Que s'est-il donc passé pour que cette réforme devienne si urgente ? L'argument de l'espérance de vie ne joue pas : depuis trois ans, elle n'a pas changé.

Vous assiériez-vous dans un fauteuil sale ? Il y a le salaire, et aussi la pénibilité, mais encore plus, peut-être, la valeur sociale reconnue à un travail. Nous ne pouvons admettre que les revenus du capital soient exemptés de tout effort. (Applaudissements à gauche)

M. Jean Desessard.  - Je remercie le ministre d'avoir porté le débat à son niveau politique. Il nous demande de ne pas avoir le tabou de la retraite à 60 ans : pour nous, ce n'est pas un tabou, mais un verrou, un bouclier social. Certains peuvent d'ores et déjà travailler jusqu'à 70 ans ? Certes, mais ceux qui ont un bon travail, qui exercent un pouvoir. Ceux qui subissent le pouvoir des autres n'en peuvent plus : nous sommes dans une société de classes !

Vous avez un coeur ? Oui, comme nous tous, mais le coeur ne suffit pas : il faut aussi une vision politique. Par exemple, est-on vraiment obligé de travailler le dimanche en 3 x 8 pour faire des voitures ?

M. Jean Bizet.  - Oui !

M. Jean Desessard.  - Rien n'empêchait qu'on le fasse en quatre jours partout dans le monde ! (On ironise à droite) Imposons des règles sociales partout sur terre ! Que cesse cette compétition au profit de quelques-uns seulement.

J'ai bien compris, monsieur le ministre : vous côtoyez régulièrement des ouvriers et je suis un habitué du Fouquet's ! (Rires et applaudissements à gauche)

M. Éric Woerth, ministre.  - Le Fouquet's appartient à des capitaux français ! (Sourires)

Mme Isabelle Pasquet.  - Je voterai l'amendement de suppression. Vous sacrifier deux ans de la vie des salariés, parce que vous refusez d'aller chercher l'argent là où il est. Nos propositions auraient permis de prendre en compte la pénibilité.

Les marins luttent à Marseille (exclamations à droite) pour la reconnaissance de la pénibilité de leur métier. Le directeur des affaires maritimes avait garanti que leur régime spécial n'était pas concerné par la réforme. Monsieur le ministre, confirmez-vous que tel sera le cas en 2017 ?

M. Ronan Kerdraon.  - Cet article est une provocation, marqué de l'empreinte du Medef qui négocie avec l'Élysée ; le Parlement est réduit au rang d'exécutant. Vous pénalisez les salariés aux carrières incomplètes, à commencer par les femmes. Aucune compensation pour les métiers pénibles, aucune véritable politique de l'emploi en direction des jeunes et des seniors, une contribution symbolique des revenus du capital : cet article est une vraie régression sociale. Votre réforme est la plus brutale d'Europe, elle va creuser les inégalités et risque de compromettre la reprise. Vous êtes le ministre de la réclame, mais aussi celui des soldes, les soldes des acquis sociaux : l'article 5 est la première démarque, l'article 6 la deuxième. Jusqu'où irez-vous ? (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Jean-Pierre Fourcade.  - Je comprends ces interventions inspirées par la générosité envers ceux qui sont en bas de l'échelle. Mais le constat est connu : le déficit de notre système sera bientôt insupportable.

La défense de la retraite à 60 ans repose sur deux mythes. Le premier est de penser que l'on réglera le problème en aggravant la fiscalité : c'est une erreur grave, qui entamerait notre compétitivité et aggraverait le chômage. Nos concurrents travaillent et contrôlent leurs prélèvements. Vous, vous voulez gonfler le flot de la fiscalité.

Le deuxième mythe est celui du partage du travail. L'important, c'est la productivité, le développement de l'activité. La corrélation entre l'âge de départ à la retraite et l'entrée des jeunes sur le marché n'a jamais été prouvée.

M. Desessard a cité les organisations internationales. J'ai ici le rapport du FMI.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Nous ne prenons pas nos ordres au FMI !

M. Jean-Pierre Fourcade.  - Une hausse de deux ans de l'âge légal suffirait à stabiliser le rapport entre les dépenses de retraites et le PIB dans les deux prochaines décennies ; ce relèvement doit être le point de départ de la réforme. Voilà ce que dit le FMI, dont le directeur général, on le sait, est d'une grande compétence... Je m'appuie sur ce rapport pour voter contre ces amendements. (Exclamations à gauche)

M. Éric Woerth, ministre.  - Je veux répondre à Mme Pasquet que les marins ne sont pas concernés par la réforme, pas plus que par celle des régimes spéciaux. Je vais leur écrire aujourd'hui pour qu'ils aient une information exacte. Le Gouvernement a respecté ses engagements : la réforme s'appliquera aux régimes spéciaux, avec cinq ans de décalage, comme nous l'avons négocié en 2007 avec les mêmes partenaires sociaux. Un roulant de la SNCF qui part aujourd'hui à 50 ans partira à 52 ans en 2025. Les choses sont équitables.

M. Jean Desessard.  - Bravo, madame Pasquet : les marins vont recevoir une lettre du ministre.

M. Jacky Le Menn.  - Hier, nous avons eu droit à l'élixir du bon Dr Éric, grâce auquel nous aurons bientôt des travailleurs centenaires en bonne santé. Aujourd'hui, c'est plutôt la rhétorique du père Ubu... Le flot qui monte, monsieur Fourcade, c'est celui de la pauvreté. (Applaudissements à gauche)

Nous sommes nombreux à oeuvrer dans des associations, où nous rencontrons des gens cassés par le travail, au bord du gouffre ! Au sortir de la rue Saint-Guillaume, où je suis allé comme vous, monsieur le ministre...

M. Éric Woerth, ministre.  - On a le droit de faire des études ! (Sourires)

M. Jacky Le Menn.  - ...puis jeune directeur d'hôpital, bardé de certitudes, j'ai découvert la vie du personnel, notamment des femmes, leurs conditions de travail. J'ai vu le montant de leurs salaires : j'en ai eu honte ! Pour eux, ce recul à 62 ans est un véritable drame.

Cette réforme va être un drame pour nombre de familles. J'ai voté la retraite à 60 ans ; je voterai contre votre proposition malhonnête ! (Applaudissements sur les bancs socialistes)

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Après les « tabous », il faudrait se débarrasser des « mythes ». Reste un dogme, en tout cas, celui du FMI : faire payer les salariés ! Ils ont payé la crise des banques et de la finance, maintenant à eux de payer les retraites !

L'Élysée, par la voix de M. Soubie, nous informe ce matin que la réforme sera adoptée vers le 20 ou le 23 octobre, que le Gouvernement ne bougera plus car on ne peut pas faire autrement, que les syndicats ont vu des avancées -ah bon ?-, que des progrès ont déjà été faits -ah bon ?-, que le FMI recommande des mesures d'âge -la boucle est bouclée. Le Parlement sait ce qu'il lui reste à faire, obtempérer ! C'est intolérable.

Cet article met à mal le droit à la retraite. Car c'est un droit pour lequel les salariés se sont battus. Quelle joie pour les travailleurs quand la retraite à 60 ans est devenue réalité ! Ceux qui veulent travailler au-delà le peuvent ! Avant la retraite à 60 ans, dans ce monde du travail que vous connaissez si mal, beaucoup d'ouvriers mouraient avant ou juste après l'âge de la retraite ! (Applaudissements sur les bancs CRC) Le droit à la retraite, c'est aussi le droit d'en profiter quelques années en bonne santé ! Les retraités ont un rôle social précieux en gardant leurs petits-enfants, ils s'impliquent dans la vie sociale et associative. Vous raisonnez comme de bons assureurs : vous voulez une retraite calculée en fonction de l'âge de décès moyen.

Vous n'avez pas de tabous ? Parlons de la productivité qui s'est accrue et n'a profité qu'aux revenus financiers ! (On s'impatiente à droite) Rééquilibrons le travail et le capital dans la répartition de la richesse ! (Applaudissements sur les bancs CRC)

M. François Autain.  - Pas de tabou ? Et le bouclier fiscal ? (Applaudissements à gauche) La retraite à 60 ans est une nécessité pour nombre de nos concitoyens. Les entreprises sont devenues des machines inhumaines à générer du profit. Les conditions de travail dégradées, la perte de sens de l'activité professionnelle, la mise en concurrence des salariés, l'explosion de la précarité, le chantage permanent à la fermeture ou à délocalisation, voilà des réalités que vous voulez imposer deux ans de plus aux salariés ! La souffrance résulte de l'intensification du travail des salariés. Le travail va mal, le travail fait mal : vous l'imposez deux ans de plus aux salariés ! Vos quelques mesures sur la pénibilité ne changeront pas grand-chose : vous ignorez la souffrance psychique, l'impact, par exemple, des horaires décalés.

Seuls les salariés sont mis à contribution : ils paieront 85 % de la réforme. C'est la double peine. Le groupe CRC-SPG est convaincu que le travail doit être radicalement repensé. Cet article 5 ne sera source que de souffrances accrues. (Applaudissements à gauche)

M. Gérard Longuet.  - MM. Guillaume et Le Menn ont rappelé la 82e proposition des 110 propositions de François Mitterrand, mais en oubliant de rappeler qu'elle promettait aussi la retraite à 55 ans pour les femmes. Pierre Mauroy a renoncé à cette mesure car c'était impossible : vous avez alors accepté un certain principe de réalité. Robert Lion jugeait d'ailleurs, dès 1980, que seuls des mesures d'âge différenciées pourraient répondre aux besoins de la société.

Avant que le soleil n'éclaire notre pays alors plongé dans l'obscurité médiévale, pour citer Jack Lang (sourires), nous avions, avec Valéry Giscard d'Estaing, amélioré la situation des personnes âgées. Je suis lorrain, je sais ce qu'est la pénibilité du travail ouvrier !

Il n'y a pas de débat théologique. En 1945, lorsque la société française était riche de réserve de main-d'oeuvre, la pyramide des âges était favorable. Ce n'est plus le cas. (Exclamations sur les bancs CRC) Les effectifs de certaines professions, comme les agriculteurs ou les artisans, ont fondu. Le régime par répartition en a tenu compte, comme il a toujours tenu compte des réalités économiques.

Cet article 5 ne fait que respecter cette exigence constante d'adoption à la réalité. (Applaudissements à droite ; exclamations sur les bancs CRC)

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Le dogme !

M. David Assouline.  - Si l'on suivait M. Longuet, le système par répartition ne serait plus viable ! Si l'on s'en tenait à l'équilibre actifs/inactifs, il faudrait augmenter de huit ans la durée de cotisation ! La réalité a changé, dites-vous ; celle des revenus financiers aussi, qui ont explosé ! La seule façon de compenser la pyramide des âges, c'est de faire cotiser les revenus du capital. M. Fourcade prend des comparaisons internationales. Je lui rappelle qu'en Chine, 300 millions de personnes vont atteindre l'âge de la retraite sans un yuan ! Il n'y a pas de retraite !

M. Christian Cambon.  - C'est pourtant un régime communiste !

M. Jean-Pierre Fourcade.  - Je n'ai jamais été maoïste, moi ! (Rires à gauche)

M. David Assouline.  - Les jeunes sont dans la rue car ils savent que ce recul de deux ans, c'est un million d'emplois en moins pour eux. Taxer le capital de 0,5 % de plus réglerait 50 % du financement. Les seniors décrochent trois ans avant l'âge de la retraite. Deux ans de plus, c'est deux ans de plus dans la précarité, au RSA ! C'est un hold-up sur l'engagement qui a été pris à leur égard lorsqu'ils ont commencé à travailler ! (On s'impatiente à droite)

M. Éric Woerth, ministre.  - Nous défendons une République de solidarité et de responsabilité. Vous, vous êtes recroquevillés sur des tabous. La vie change sans cesse, il faut faire évoluer les acquis sociaux. Nous aussi nous sommes favorables aux acquis sociaux !

M. Jean Desessard.  - Pour qui ?

M. Éric Woerth, ministre.  - Tous les Français seront, à un moment, en retraite. Pourquoi flattez-vous toujours les intérêts catégoriels ? (Exclamations à gauche) Le système par répartition, c'est l'intérêt général !

Personne ne peut croire qu'on peut défendre les acquis sociaux sans efforts. (Exclamations à gauche) Nous pensons que les efforts que nous demandons sont justement répartis. (On le nie à gauche)

La part du capital augmenterait sans cesse ?

M. Gérard Longuet.  - Et les actionnaires de la Préfon ?

M. Éric Woerth, ministre.  - Selon le rapport du directeur général de l'Insee, la part des salaires et du capital dans le partage de la valeur ajoutée n'a pas bougé depuis 1950 : deux tiers pour les salaires, un tiers pour le capital. Vous sortez des banderoles, je vais exhiber quelque de chose de moins sexy. (M. le ministre montre un graphique suscitant les sourires) Il y a eu un bref pic en faveur des salariés au début des années 80 à cause de l'inflation et de la crise pétrolière ; mais cela n'a pas duré. Sur soixante ans, le rapport salaire/capital n'a pas varié. (Exclamations sur les bancs CRC) En Allemagne, la part des salaires a baissé, pas en France.

Il est irresponsable que le PS cherche à attirer des jeunes dans la rue.

Mme Isabelle Debré.  - Aucun syndicat ne l'a fait.

M. Éric Woerth, ministre.  - Vous les trompez : votre projet, c'est de les taxer davantage pendant toute leur vie ! (Applaudissements à droite)

Mme Nicole Bricq.  - Vous aurez du mal à dire que l'opposition fait de l'obstruction (« Oh ! » à droite) : c'est grâce à nos amendements que nous avons ce débat dont vous reconnaissez vous-mêmes l'intérêt.

Le déséquilibre de notre système par répartition est dû à la baisse du taux d'emploi depuis trente ans et à celle de la masse salariale. Vous ne retenez que le critère de l'âge, quitte à pénaliser ceux qui ont commencé à travailler tôt ou ont eu des carrières hachées. Pour vous, c'est un gros mot ; pour nous, la justice sociale est identitaire. Vous vous trompez lourdement en identifiant pénibilité et incapacité ; c'est le travail qu'il faut changer.

Votre financement n'est pas viable car vous refusez d'aligner la fiscalité du capital sur celle du travail. Vous instrumentalisez un rapport du FMI, c'est de bonne guerre, mais que dit le rapport ? Qu'il est préférable d'agir sur l'âge... plutôt que de réduire les pensions ! (Exclamations à droite) Or les pensions baissent déjà depuis des années ; enfin, pas pour tout le monde : les bénéficiaires de retraites chapeau et les exilés fiscaux qui reviennent en France pour profiter de la protection sociale n'ont pas ces soucis... Nous avons peut-être des tabous mais vous ne manquez pas de totems ! Votre dispositif fera que les pensions des plus modestes seront encore réduites ! Il faut le supprimer. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Nicolas Alfonsi.  - Je n'ai pas pu défendre l'amendement du groupe RDSE, qui appelait aussi à la suppression de cet article. Nous voterons donc les amendements identiques de suppression.

Entre M. Desessard et M. Fourcade, il y a un passage. Nous nous inquiétons, nous, des pertes de recettes. Le principe de réalité, c'est de reconnaître que le capital n'est pas taxé suffisamment. Le Président Sarkozy n'en vient-il pas à prôner la taxation des transactions financières ? (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Marc Laménie.  - N'en déplaise à certains, il y a eu beaucoup de concertations, beaucoup d'auditions, un travail de fond. Les chiffres sont têtus : la démographie s'impose à nous. La société évolue : on ne peut donc parler de régression sociale. On ne conduit plus les trains comme à l'époque de la Bête humaine.

Mme David a parlé du mal-être au travail. Nous le prenons en compte dans la pénibilité. Nous connaissons tous le monde du travail ! (Applaudissements à droite) Vous parlez des éboueurs ? Dommage que les manifestants devant le Sénat aient laissé autant de saletés ! Il faudrait respecter le travail des autres.

Mme Odette Herviaux.  - J'ai beaucoup écouté et beaucoup appris. Ainsi, qu'on est plus jeune à 62 ans aujourd'hui qu'à 60 ans dans les années 80. Mon miroir ne me le confirme guère... (On se récrie) J'ai appris aussi que le métier de maçon n'était pas pénible en lui-même et que seuls ceux qui avaient commencé très jeunes ou pouvaient démontrer un taux d'incapacité de 10 % pourraient partir à 60 ans. Sans vouloir faire du Zola après l'heure, chacun sait qu'il y a des métiers pénibles, qui auront des répercussions après la retraite.

Vous confondez pénibilité et incapacité. Des agriculteurs qui ont utilisé tout au long de leur carrière des produits toxiques -désormais interdits- ont aujourd'hui de graves problèmes de santé ; dans quel état partiront-ils à la retraite ? Quid des nouveaux produits ?

Vous faites porter l'essentiel de l'effort sur les salariés alors qu'en alourdissant, même très peu, la taxation du capital, on n'aurait plus besoin de retarder l'âge de la retraite.

Il ne s'agit pas de faire payer les riches, comme nous en accuse M. Fourcade, mais d'éviter que les actifs paient pour ceux qui en ont, des actifs. Taxons ceux qui font travailler... leur argent.

A la demande du groupe CRC-SPG, les amendements identiques nos3, 110 et 254 sont mis aux voix par scrutin public.

M. le président.  - Voici les résultats du scrutin :

Nombre de votants 340
Nombre de suffrages exprimés 338
Majorité absolue des suffrages exprimés 170
Pour l'adoption 152
Contre 186

Le Sénat n'a pas adopté.

M. Nicolas About.  - Compte tenu de l'intérêt de nos discussions, il serait bon de donner du temps au temps. Je souhaite donc, avec le président Longuet, une réunion de la Conférence des Présidents pour organiser nos travaux.

Je me réfère à l'article 29, alinéa 2, qui donne à cette demande valeur de droit lorsqu'elle émane de deux présidents de groupe.

M. le président.  - Je transmets instantanément votre demande au président du Sénat : c'est à sa diligence que la Conférence se réunira.

M. le président.  - Amendement n°835, présenté par M. Fischer et les membres du groupe CRC-SPG.

Rédiger ainsi cet article :

Les e et f du 2 de l'article 1649-0 A du code général des impôts sont abrogés.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Nous continuons à vous proposer des pistes de financement : nous entendons exclure du champ d'application du bouclier fiscal les contributions dues au titre de la CSG et de la CRDS. On ne voit pas pourquoi les 19 000 bénéficiaires du bouclier fiscal n'auraient pas à contribuer à la protection sociale, même s'ils consultent des médecins non conventionnés et se font soigner dans des cliniques très luxueuses -sauf si leur santé est gravement en danger.

Trois quarts des Français jugent que la répartition des impôts est injuste -autant dire que nombre de vos électeurs voient aussi les choses ainsi. Nous vous invitons, avec cet amendement, à une petite mesure de justice sociale, sans tabou.

M. le président.  - Amendement n°840, présenté par M. Fischer et les membres du groupe CRC-SPG.

Rédiger ainsi cet article :

L'article L. 225-45 du code de commerce est complété par un alinéa ainsi rédigé :

Les éléments de rémunérations visés à l'alinéa précédent sont soumis aux cotisations visées à l'article L. 241-2 du code de la sécurité sociale.

Mme Annie David.  - Il est injuste que les salariés supportent 85 % de l'effort, alors qu'il n'est pas de jour où l'on ne nous parle de retraites chapeau, de stock-options, de parachutes dorés, de bouclier fiscal.

Dans l'entreprise où je travaillais avant d'être élue au Sénat, la patronne gagnait en un an ce qu'il m'aurait fallu cent ans de travail pour toucher ! Mme Chirac touche 650 000 euros de jetons de présence à LVMH...

M. le président.   - Amendement n°850, présenté par M. Fischer et les membres du groupe CRC-SPG.

Rédiger ainsi cet article :

Au deuxième alinéa de l'article L. 137-11 du code de la sécurité sociale, le taux : « 16 % » est remplacé par les mots : « 20 %, lorsque le montant est inférieur à 50 000 € ; 50 %, lorsque le montant est compris entre 50 000 € et 100 000 € ; 75 %, lorsque le montant est supérieur à 100 000 € ».

Mme Marie-Agnès Labarre.  - Le Gouvernement répète à l'envi que les salariés doivent travailler plus longtemps avant de partir en retraite pour financer les pensions. Puisque vous manquez à ce point d'idées, nous vous en donnons !

Le patron de Carrefour avait fait financer pour 29 millions sa future retraite. Et je pourrais prendre aussi l'exemple de M. Proglio et de Veolia.

M. Nicolas About.  - Quel rapport avec l'article ?

Mme Marie-Agnès Labarre.  - Il faut les mettre à contribution !

M. le président.  - Amendement n°845, présenté par M. Fischer et les membres du groupe CRC-SPG.

Rédiger ainsi cet article :

I. - Au premier alinéa du I de l'article L. 137-13 et au premier alinéa de l'article L. 137-14 du code de la sécurité sociale, après les mots : « d'assurance maladie », sont insérés les mots : « et d'assurance vieillesse ».

II. - À la première phrase du II de l'article L. 137-13 du même code, le taux : « 10 % » est remplacé par le taux : « 40 % ».

III. - Au premier alinéa de l'article L. 137-14 du même code, le taux : « 2,5 % » est remplacé par le taux : « 10 % ».

IV. - La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale des I, II et III ci-dessus est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

Mme Marie-Agnès Labarre.  - Cet amendement porte de 10 à 40 % et de 2,5 à 10 % le taux des contributions patronales et salariales sur les attributions d'options de souscription ou d'achat d'actions et sur les attributions gratuites d'actions. La Cour des comptes chiffrait, en 2007, à plus de 3 milliards les pertes de recettes pour la sécurité sociale générées par le seul dispositif des stock-options, dont la fonction est de récompenser un tout petit nombre de hauts dirigeants.

Le départ en retraite à 60 ans est un droit que l'on peut garantir pourvu qu'on s'en donne les moyens. Mais vous exceptez le capital de tout effort parce que le Medef n'en veut pas.

M. le président.  - Amendement n°839, présenté par M. Fischer et les membres du groupe CRC-SPG.

Rédiger ainsi cet article :

Après l'article L. 137-15 du code de la sécurité sociale, il est inséré un article L. 137-15-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 137-15-1. - Les rémunérations visées aux articles L. 225-42-1 et L. 225-90-1 du code de commerce sont soumises à la contribution visée à l'article L. 137-15. »

M. Guy Fischer.  - Il est défendu.

M. le président.  - Amendement n°849, présenté par M. Fischer et les membres du groupe CRC-SPG.

Rédiger ainsi cet article :

I. - Le deuxième alinéa de l'article L. 241-3 du code de la sécurité sociale est ainsi rédigé :

« Ces cotisations sont pour partie à la charge de l'employeur et pour partie à la charge du salarié. Le taux de cotisation est fixé à 6,55 p. 100 à la charge du salarié ou assimilé sur les rémunérations ou gains de celui-ci dans la limite du plafond prévu au premier alinéa de l'article L. 241-3. Le taux de cotisation à la charge de l'employeur sur la totalité des rémunérations ou gains du salarié ou assimilé est fixé à 1,6 p. 100. A partir du 1er janvier 2004, le taux de cotisation patronale est augmenté de 0,34 points au 1er janvier de chaque année, pendant dix ans. »

II. - Chaque année, entre 2004 et 2013, un arrêté indique le taux en vigueur au 1er janvier.

III. - Au cours de l'année 2013, le Parlement délibère sur le taux de cotisation à la charge de l'employeur sur les rémunérations ou gains de celui-ci dans la limite du plafond prévu au premier alinéa de l'article L. 241-3, en vigueur à partir du 1er janvier 2014.

IV. - Le taux de l'impôt sur les sociétés est relevé à due concurrence.

Mme Marie-Agnès Labarre.  - Cet amendement suit une recommandation du COR. En s'en tenant au seul critère démographique, le Gouvernement s'est trompé de cheval de bataille. L'opinion ne sera pas dupe de cette manoeuvre. Les salariés voient bien qu'ils sont soumis à un régime de vaches maigres.

Notre système de retraite est avant tout victime de la baisse des salaires et du temps partiel.

M. le président.  - Amendement n°843, présenté par M. Fischer et les membres du groupe CRC-SPG.

Rédiger ainsi cet article :

I. - L'avant-dernier alinéa de l'article L. 241-3 du code de la sécurité sociale est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Le taux de la cotisation est modulé pour chaque entreprise selon le ratio rémunération ou gains perçus par les travailleurs salariés ou assimilés de l'entreprise par rapport à sa valeur ajoutée globale. Le ratio ainsi obtenu est affecté de coefficients fixés chaque année par décret.

« Ces coefficients sont fixés de telle manière que les comptes prévisionnels des organismes de sécurité sociale et de l'Unedic soient en équilibre.

« Un autre décret détermine les modalités selon lesquelles le rapport salaires/valeur ajoutée est pris en compte. »

II. - Les taux des contributions portant sur les revenus définis aux articles L. 136-6 et L. 136-7 du code de la sécurité sociale sont relevés à due concurrence.

Mme Josiane Mathon-Poinat.  - Nous proposons une réelle réforme des cotisations patronales. Du fait des réformes Balladur et Fillon, 30 milliards manquent dans les caisses, sans avoir suscité la création d'emplois : ces sommes ont surtout servi à financer les délocalisations.

Vous organisez le déficit pour mieux faire passer votre réforme. Or, de l'argent, il y en a mais capté par la finance au profit des actionnaires et des fonds spéculatifs.

M. le président.  - Amendement n°847, présenté par M. Fischer et les membres du groupe CRC-SPG.

Rédiger ainsi cet article :

L'article L. 241-13 du code de la sécurité sociale est abrogé.

M. Guy Fischer.  - Nous proposons cette fois de supprimer le dispositif de réduction générale des cotisations dites Fillon jusqu'à 1,6 Smic. Ces exonérations représentent un manque à gagner pour les finances de l'État de l'ordre de 22 milliards pour 2009.

Aucune preuve n'a été fournie que ces allégements généreux avaient eu la moindre utilité. Le patronat n'a pas joué le jeu. Les sanctions prévues ne touchent pas toutes les entreprises et elles sont loin d'être dissuasives. Au total, ce dispositif n'a eu d'autre effet que de faire jouer les trappes à bas salaires et d'intensifier le recours aux heures supplémentaires pour éviter d'embaucher.

Sur cet amendement d'une importance toute particulière, nous demanderons un scrutin public.

M. le président.  - Amendement n°834, présenté par M. Fischer et les membres du groupe CRC-SPG.

Rédiger ainsi cet article :

L'article L. 242-14 du code de la sécurité sociale est abrogé.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin.  - L'attribution gratuite d'actions aux salariés ne doit pas échapper à la législation sociale, notamment pour ce qui concerne l'assujettissement à la part patronale de cotisations sociales. On comprend qu'il s'agit là d'un mode de rémunération au mérite, mais qu'on ne veut pas reconnaître comme un salaire déguisé lorsqu'il s'agit de cotisations sociales.

M. le président.  - Amendement n°844, présenté par M. Fischer et les membres du groupe CRC-SPG.

Rédiger ainsi cet article :

Le I de l'article L. 245-16 du code de la sécurité sociale est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Les revenus mentionnés au c et e du I de l'article L. 136-6 du présent code sont assujettis au taux de 12 %. »

M. François Autain.  - L'entreprise est le lieu de création des richesses. C'est là qu'il faut chercher le financement des retraites à 60 ans. Les salaires stagnent, dans cette atmosphère d'austérité généralisée, sauf pour les actionnaires du CAC 40 qui persistent à se goinfrer avec indécence. Nos concitoyens qui triment pendant quarante ans et plus ont droit à une retraite en bonne santé.

M. le président.  - Amendement n°842, présenté par M. Fischer et les membres du groupe CRC-SPG.

Rédiger ainsi cet article :

I. - Après l'article L. 245-16 du code de la sécurité sociale, il est inséré une section 6 ainsi rédigée :

« Section 6

« Contribution des revenus financiers des sociétés financières et non financières

« Art. L. 245-17. - Les revenus financiers des prestataires de service visés au livre V du code monétaire et financier entendus comme la somme des dividendes bruts et des intérêts nets reçus, sont assujettis à une contribution d'assurance vieillesse dont le taux est égal à la somme des taux de cotisation d'assurance vieillesse à la charge des employeurs mentionnés à l'article D. 2424 du présent code.

« Les revenus financiers des sociétés tenues à l'immatriculation au Registre du Commerce et des Sociétés conformément à l'article L. 1231 du code de commerce, à l'exclusion des prestataires visés au premier alinéa du présent article, entendus comme la somme des dividendes bruts et assimilés et des intérêts bruts perçus, sont assujettis à une contribution d'assurance vieillesse dont le taux est égal à la somme des taux de cotisation d'assurance vieillesse à la charge des employeurs mentionnés à l'article D. 2424 du présent code.

« Les contributions prévues au présent article ne sont pas déductibles de l'assiette de l'impôt sur les sociétés.

« Un décret fixe les taux de répartition de ces ressources entre les différentes caisses d'assurance vieillesse. »

II. - Après le 5° bis de l'article L. 213-1 du même code, il est inséré un 5° ter ainsi rédigé :

« 5° ter Le recouvrement de la contribution mentionnée à l'article L. 245-17 du présent code. »

III. - Un décret en Conseil d'État fixe les modalités d'application du présent article.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin.  - Assujettir les revenus financiers des sociétés financières et des sociétés non financières à une contribution d'assurance vieillesse à un taux égal à la somme des taux de cotisation d'assurance vieillesse à la charge des employeurs du secteur privé apportera un surcroît de recettes de l'ordre de 30 milliards d'euros. Vous dites qu'il faut réagir à la crise. Nous voulons faire payer les fauteurs de crise.

M. le président.  - Amendement n°669, présenté par M. Fischer et les membres du groupe CRC-SPG.

Avant l'alinéa 1

Insérer un paragraphe ainsi rédigé :

... - Les dispositions du présent article ne s'appliquent pas aux assurés dont l'activité professionnelle relève de la convention collective des banques du 10 janvier 2000.

Mme Isabelle Pasquet.  - Je n'aurais pas l'outrecuidance d'insister sur l'affaire Kerviel mais il faut bien évoquer la convention collective des banques, telle qu'elle a été modifiée par un avenant de 2006. La réforme risque de la mettre à mal.

M. le président.  - Amendement n°670, présenté par M. Fischer et les membres du groupe CRC-SPG.

Avant l'alinéa 1

Insérer un paragraphe ainsi rédigé :

... - Les dispositions du présent article ne s'appliquent pas aux assurés dont l'activité professionnelle relève de la convention collective de la bijouterie, joaillerie, orfèvrerie et activités qui s'y rattachent du 5 juin 1970, dans sa rédaction issue de l'accord du 20 mars 1973.

M. Bernard Vera.  - Cet amendement concerne 11 336 salariés, dont 70 % sont employés dans les entreprises de bijouterie-joaillerie. Ces salariés particulièrement qualifiés font preuve d'une expérience professionnelle précieuse. Il n'en va pas de même dans la bijouterie fantaisie, où sont employées nombre de femmes peu qualifiées et mal rémunérées.

Ces métiers ont aussi une pénibilité particulière, notamment du fait des produits chimiques employés, qui justifie notre amendement.

L'amendement n°673 est retiré.

M. le président.  - Amendement n°674, présenté par M. Fischer et les membres du groupe CRC-SPG.

Avant l'alinéa 1

Insérer un paragraphe ainsi rédigé :

... - Les dispositions du présent article ne s'appliquent pas aux assurés dont l'activité professionnelle relève de la convention collective de la bourse du 26 octobre 1990.

M. Guy Fischer.  - Il est défendu.

M. le président.  - Amendement n°676, présenté par M. Fischer et les membres du groupe CRC-SPG.

Avant l'alinéa 1

Insérer un paragraphe ainsi rédigé :

... - Les dispositions du présent article ne s'appliquent pas aux assurés dont l'activité professionnelle relève de la convention collective des caves coopératives vinicoles et leurs unions du 22 avril 1986.

Mme Annie David.  - Avez-vous oublié la révolte de 1907 et ses effets sur la création des caves coopératives vinicoles ? Jean Jaurès a joué un rôle important dans la création de ces coopératives. A Narbonne, on s'en souvient encore.

M. Roland Courteau.  - C'est vrai !

Mme Annie David.  - La solidarité, pour ces vignerons, c'est « chacun pour tous ! ».

M. Roland Courteau.  - Très bien !

Mme Annie David.  - Votre politique va à l'encontre de cet esprit solidaire, pour détruire un acquis social majeur. Le processus de libéralisation oppose à cette solidarité sa logique managériale.

M. Guy Fischer.  - Pour une fois qu'on parle de la vraie vie !

M. le président.  - Amendement n°677, présenté par M. Fischer et les membres du groupe CRC-SPG.

Avant l'alinéa 1

Insérer un paragraphe ainsi rédigé :

... - Les dispositions du présent article ne s'appliquent pas aux assurés dont l'activité professionnelle relève de la convention collective des chaînes de cafétérias et assimilés du 28 août 1998.

Mme Isabelle Pasquet.  - La retraite à 60 ans est un trésor qu'il faut à tout prix protéger. Le travail dans les chaînes de cafétérias et de restauration rapide est particulièrement pénible et générateur de stress.

M. le président.  - Amendement n°678, présenté par M. Fischer et les membres du groupe CRC-SPG.

Avant l'alinéa 1

Insérer un paragraphe ainsi rédigé :

... - Les dispositions du présent article ne s'appliquent pas aux assurés dont l'activité professionnelle relève de la convention collective de la coiffure et des professions connexes du 10 juillet 2006.

Mme Josiane Mathon-Poinat.  - Nous proposons de travailler moins longtemps pour bénéficier d'une retraite en bonne santé. Les métiers de la coiffure -les deuxièmes de l'artisanat- ne sont pas toujours glamour. Pénibilité, avec en particulier la manipulation de produits chimiques, et stress cumulent leurs effets.

M. le président.  - Amendement n°681, présenté par M. Fischer et les membres du groupe CRC-SPG.

Avant l'alinéa 1

Insérer un paragraphe ainsi rédigé :

... - Les dispositions du présent article ne s'appliquent pas aux assurés dont l'activité professionnelle relève de la convention collective de la couture parisienne du 10 juillet 1961.

M. Bernard Vera.  - Les métiers de la couture ont une longue histoire de lutte syndicale. La présence continue dans l'entreprise justifie l'attribution d'avantages qui ne s'assimilent pas à des parachutes dorés mais n'en sont pas moins réels. Les salariés de la profession craignent que leur patronat ne dénonce la convention collective au nom de ce projet de loi.

M. le président.  - Amendement n°683, présenté par M. Fischer et les membres du groupe CRC-SPG.

Avant l'alinéa 1

Insérer un paragraphe ainsi rédigé :

... -  Les dispositions du présent article ne s'appliquent pas aux assurés dont l'activité professionnelle relève de la convention collective des employés et ouvriers de la distribution cinématographique du 1er mars 1973.

M. Guy Fischer.  - Nous balayons le monde du travail pour examiner, cas concret par cas concret, les effets de ce projet de loi. La distribution cinématographique est caractérisée par le poids de monopoles, à commencer par celui des frères Seydoux.

Les conditions de travail sont marquées par l'irrégularité, l'incertitude, le chômage partiel. Le mode actuel de calcul des pensions est déjà défavorable. Faut-il vraiment pénaliser encore plus ces professions ?

M. le président.  - Amendement n°688, présenté par M. Fischer et les membres du groupe CRC-SPG.

Avant l'alinéa 1

Insérer un paragraphe ainsi rédigé :

... - Les dispositions du présent article ne s'appliquent pas aux assurés dont l'activité professionnelle relève de la convention collective de l'industrie de la ganterie de peau du 27 novembre 1962.

Mme Annie David.  - En 2003, Mme Fontaine a convoqué une table ronde consacrée aux industries de la ganterie de peau. Elle s'engageait à prévoir un accompagnement des salariés face aux nouvelles donnes de la mondialisation.

Depuis lors ? M. Estrosi attaque les conditions de travail et M. Woerth celles de départ en retraite. Dans une profession où le chômage est endémique, on ne peut allonger d'un trait de plume la durée du travail. J'insiste, d'autre part, sur la pénibilité de ces métiers, où l'on manipule des produits toxiques.

M. le président.  - Amendement n°689, présenté par M. Fischer et les membres du groupe CRC-SPG.

Avant l'alinéa 1

Insérer un paragraphe ainsi rédigé :

... - Les dispositions du présent article ne s'appliquent pas aux assurés dont l'activité professionnelle relève de la convention collective de l'industrie de la salaison, charcuterie en gros et conserves de viandes du 29 mars 1972.

Mme Josiane Mathon-Poinat.  - Ce secteur souffre de conditions défavorables : travail posté, travail de nuit, faibles qualifications, 3 x 8. Il faut fournir les commerçants à flux tendu.

Malgré les garanties sanitaires, le caractère ingrat et répétitif des tâches est source de pénibilité. Il est donc légitime d'exclure ces personnes de cette mesure.

M. le président.  - Amendement n°690, présenté par M. Fischer et les membres du groupe CRC-SPG.

Avant l'alinéa 1

Insérer un paragraphe ainsi rédigé :

... - Les dispositions du présent article ne s'appliquent pas aux assurés dont l'activité professionnelle relève de la convention collective de l'industrie des cuirs et peaux du 6 octobre 1956.

M. Guy Fischer.  - Autrefois, pour fabriquer des chaussures après avoir attendri les cuirs... (Mme Isabelle Debré s'impatiente), ...les cordonniers les laissaient macérer dans l'urine. Aujourd'hui encore, la mégisserie continue d'utiliser des produits sensibles. Les facteurs de dangerosité et de pénibilité sont établis. Un avenant récent à la convention collective prend en compte la moyenne d'âge élevée de la profession et prévoit un dispositif carrières longues. Et j'aurais pu entrer dans les détails ! (Sourires)

M. le président.  - Amendement n°691, présenté par M. Fischer et les membres du groupe CRC-SPG.

Avant l'alinéa 1

Insérer un paragraphe ainsi rédigé :

... - Les dispositions du présent article ne s'appliquent pas aux assurés dont l'activité professionnelle relève de la convention collective de l'industrie des glaces, sorbets et crèmes glacées du 3 mars 2006.

Mme Isabelle Pasquet.  - La convention collective de cette industrie de la gourmandise est récente, d'où notre amendement. La pénibilité du secteur est largement reconnue. Les mesures d'hygiène énumérées font planer le doute sur les composantes des esquimaux d'une grande marque...

M. le président.  - Amendement n°718, présenté par M. Fischer et les membres du groupe CRC-SPG.

Avant l'alinéa 1

Insérer un paragraphe ainsi rédigé :

... - Les dispositions du présent article ne s'appliquent pas aux assurés dont l'activité professionnelle relève de la convention collective du personnel occupé dans les établissements d'entraînement de chevaux de courses au trot du 9 janvier 1979.

M. Bernard Vera.  - L'amendement concerne l'entraînement de chevaux de courses au trot. (Rires à gauche) Le ministre s'intéressera à cet amendement, même si l'hippodrome de Chantilly est essentiellement consacré au galop ; c'est d'ailleurs le train qu'il tente d'imposer au débat ! (Sourires)

Entraîner et soigner des chevaux de trot est certes gratifiant mais aussi très éprouvant : on ne peut demander à ces professionnels -dont beaucoup ont eu une scolarité écourtée- d'allonger encore leur vie active.

M. le président.  - Amendement n°720, présenté par M. Fischer et les membres du groupe CRC-SPG.

Avant l'alinéa 1

Insérer un paragraphe ainsi rédigé :

... - Les dispositions du présent article ne s'appliquent pas aux assurés dont l'activité professionnelle relève de la convention collective de la poissonnerie du 1er juillet 1960.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin.  - Derrière les mesures rétrogrades que vous allez voter, il y a des vies. Les poissons doivent être péchés très tôt dans la nuit. Les grands groupes qui font la loi dans le secteur contraignent la profession à travailler à flux tendu et avec des horaires décalés : dès 3 heures du matin, la marée bourdonne à Rungis.

La manipulation, dans le froid, du sel et de la glace crée des douleurs aux mains, au dos, qui ne s'atténuent qu'en fin de semaine... (Applaudissements sur les bancs CRC)

M. le président.  - Amendement n°726, présenté par M. Fischer et les membres du groupe CRC-SPG.

Avant l'alinéa 1

Insérer un paragraphe ainsi rédigé :

... - Les dispositions du présent article ne s'appliquent pas aux assurés dont l'activité professionnelle relève de la convention collective de la sidérurgie du 20 novembre 2001.

Mme Annie David.  - Notre système de retraite est source d'espoir. Notre acte de résistance, c'est de parler des grands oubliés de votre réforme. Ce qui menace notre système, ce sont les bas salaires, le chômage, les exonérations patronales. Dans la sidérurgie, les salariés sont usés dès 50 ans. Les postes aménagés pour les ouvriers âgés sont délocalisés. Levés dès 4 heures du matin, travaillant à la chaîne sans autre perspective, beaucoup d'ouvriers se retrouvent en arrêt longue maladie. Ces conditions inhumaines traduisent votre morale : « Tu souffriras jusqu'à la fin de tes jours ! ». Pour eux, l'allongement de l'espérance de vie est surtout une prolongation de leur vieillesse. (Applaudissements à gauche)

M. le président.  - Amendement n°728, présenté par M. Fischer et les membres du groupe CRC-SPG.

Avant l'alinéa 1

Insérer un paragraphe ainsi rédigé :

... - Les dispositions du présent article ne s'appliquent pas aux assurés dont l'activité professionnelle relève de la convention collective des taxis parisiens salariés du 11 septembre 2001.

Mme Isabelle Pasquet.  - Les chauffeurs de taxis parisiens sont privés de nombre d'avantages. Il ne serait que justice de les exclure du relèvement de l'âge de la retraite.

M. Jean Desessard.  - Bravo !

M. le président.  - Amendement n°729, présenté par M. Fischer et les membres du groupe CRC-SPG.

Avant l'alinéa 1

Insérer un paragraphe ainsi rédigé :

... - Les dispositions du présent article ne s'appliquent pas aux assurés dont l'activité professionnelle relève de la convention collective des techniciens de la production cinématographique du 30 avril 1950.

M. Bernard Vera.  - Les techniciens du cinéma ont le statut d'intermittents du spectacle. La durée du travail est très variable : c'est pourquoi ils bénéficient de droits sociaux spécifiques. Cette situation ne leur permettra pas de cotiser suffisamment. La prolongation de la durée de cotisation va encore aggraver les choses.

M. le président.  - Amendement n°731, présenté par M. Fischer et les membres du groupe CRC-SPG.

Avant l'alinéa 1

Insérer un paragraphe ainsi rédigé :

... - Les dispositions du présent article ne s'appliquent pas aux assurés dont l'activité professionnelle relève de la convention collective du travail mécanique du bois, des scieries, du négoce et de l'importation des bois du 28 novembre 1955.

Mme Josiane Mathon-Poinat.  - Le bois est un matériau noble. La filière est en crise ; les conditions de travail très pénibles occasionnent des problèmes de santé, notamment à cause des produits chimiques employés.

Notre assemblée, qui s'est toujours montrée attentive à la valorisation de la filière bois, s'honorerait à voter cet amendement.

M. le président.  - Amendement n°773, présenté par M. Fischer et les membres du groupe CRC-SPG.

Alinéas 1 et 2

Supprimer ces alinéas.

M. Guy Fischer.  - Amendement de conséquence.

M. le président.  - Amendement n°333 rectifié, présenté par MM. Collin, Alfonsi et Baylet, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Mézard, Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi.

I. - Alinéa 2

Remplacer les mots :

soixante-deux ans

par les mots :

soixante et un ans

II. - Alinéa 3

Remplacer les mots :

quatre mois

par les mots :

deux mois

M. Nicolas Alfonsi.  - Cet amendement porte le droit à la retraite à 61 ans. Pour financer la perte de recettes, il crée une taxe anti-spéculative au coeur d'un de nos dispositifs fiscaux.

L'amendement n°334 rectifié n'est pas défendu, non plus que l'amendement n°542.

M. le président.  - Amendement n°918, présenté par M. Fischer et les membres du groupe CRC-SPG.

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

« Les dispositions de cet article ne sont pas applicables aux ouvriers des parcs et ateliers mentionnés à l'article 10 de la loi n°2009-1291 du 26 octobre 2009 relative au transfert aux départements des parcs de l'équipement et à l'évolution de la situation des ouvriers des parcs et ateliers. »

Mme Josiane Mathon-Poinat.  - La loi du 26 octobre 2009 organise le transfert aux départements des parcs de l'équipement mais renvoie au décret le soin de préciser leur statut ; celui-ci n'a pas encore été publié. Les ouvriers des parcs ne doivent pas pour autant être rattachés au régime général. J'espère que le ministre -qui ne m'écoute manifestement pas- nous répondra !

La séance est suspendue à 13 heures.

présidence de M. Bernard Frimat,vice-président

La séance reprend à 15 heures.

Rappel au Règlement

M. Guy Fischer.  - Mon intervention se fonde sur l'article 48. Depuis hier, le droit d'amendement est contesté dans cet hémicycle. Ce matin, nous avons déposé des sous-amendements sur l'amendement n°1182 du Gouvernement ; la présidence a refusé de les mettre en débat. Le droit d'amendement est pourtant un droit constitutionnel indiscutable. Sur quel article du Règlement la Présidence se fonde-t-elle pour justifier cette violation de la Constitution ?

Lors d'un premier coup de force pendant la Conférence des Présidents de mercredi, la présidence a refusé que nous récrivions les amendements réservés en fin de texte pour les faire porter sur l'article premier A. Hier, on a excipé de cette fausse jurisprudence pour refuser que nous sous-amendions un amendement de M. About.

M. Nicolas About.  - Il est scandaleux... de vouloir sous-amender mon amendement. (Sourires)

M. Guy Fischer.  - Cette fois, on refuse nos sous-amendements sur l'amendement du Gouvernement, qui n'existait pas mercredi soir, au moment où la Conférence des Présidents s'est réunie. Serait-il désormais interdit de sous-amender les amendements du Gouvernement en matière financière ? M. Larcher et M. Woerth craignent-ils d'entendre parler de propositions alternatives pour financer leur propre réforme ?

Nous saisirons le Conseil constitutionnel de cette violation du Règlement.

M. le président.  - A ma connaissance, 6 des 7 sous-amendements déposés sur l'amendement du Gouvernement ont été acceptés ; les 21 autres étaient les mêmes que ceux sur lesquels la Conférence des Présidents s'était prononcée.

Je vais transmettre votre remarque au président du Sénat. Amendement et sous-amendements portent sur l'article 6. Nous en reparlerons « éventuellement » quand cet article viendra en discussion. Nous enchaînons sur nos travaux, que vous ne pouvez vouloir retarder. (Sourires)

M. Guy Fischer.  - Il faut que cette discussion sur nos sous-amendements puisse se faire avant qu'on attaque l'article 6.

M. le président.  - Votre rappel au règlement sera transmis au président du Sénat dans son intégralité.

M. Didier Guillaume.  - Nous souhaitons débattre de la manière la plus sereine possible et regrettons que le Gouvernement nous entende si peu. Ce matin, le président About a demandé la réunion d'une Conférence des Président. Où en est-on ?

Nous avançons au rythme qui convient à un sujet de cette importance. Nos propositions appellent autre chose qu'ironie, sarcasmes ou cynisme. Sans aller trop lentement, il ne faut pas aller trop vite non plus.

M. Nicolas About.  - Je rappelle que deux présidents de groupe ont demandé la réunion de la Conférence des Présidents, demande qui est de droit. Leur objectif est de donner plus de temps à notre travail à pas lent mais sûr et que nous continuions demain toute la journée. (Protestations sur les bancs CRC)

M. le président.  - J'ai joint le président Larcher, qui sera dans l'hémicycle vers minuit et demi. D'ici là, il n'est pas question de Conférence des Présidents.

Discussion des articles (Suite)

Article 5 (Appelé en priorité - Suite)

M. le président.  - Nous reprenons notre débat. Je sollicite l'avis de la commission et du Gouvernement sur les amendements présentés ce matin.

M. Dominique Leclerc, rapporteur.  - La commission est défavorable à tous ces amendements. Ceux qui sont relatifs aux recettes ont vocation à être insérés dans le PLFSS. Nous avons beaucoup appris sur diverses catégories professionnelles mais il n'est pas question d'entrer dans des dispositions catégorielles, ce qui déséquilibrerait la réforme. D'autres amendements, enfin, visent à supprimer certains alinéas indispensables, au risque de mettre en péril la pérennité de notre système de retraites.

M. Éric Woerth, ministre.  - Nous avons déjà alourdi la taxation sur les stock-options -que la gauche avait allégée- ainsi que sur d'autres produits financiers. Grâce à quoi nous sommes à peu près dans la moyenne européenne. Pour financer les mesures que j'ai annoncées hier, nous augmentons le prélèvement libératoire sur les résidences secondaires et augmentons les cotisations sur les revenus du capital.

Nul ne remet en cause la pénibilité des métiers que vous avez évoqués mais pourquoi se limiter à leurs conventions collectives alors que beaucoup d'autres métiers peuvent être exposés à la pénibilité ?

Mme Annie David.  - Chiche !

M. Éric Woerth, ministre.  - Dans tous les métiers, un taux d'incapacité de 10 % déclenche le droit à retraite à 60 ans. Nous demandons une traçabilité de la pénibilité comme il doit y avoir traçabilité des carrières longues. On ne peut pas accepter des dérives que tous les salariés devraient payer !

M. Georges Tron, secrétaire d'État chargé de la fonction publique.  - Vous m'avez interrogé sur les ouvriers des parcs et ateliers : ils relèvent de la loi de 2003 et non du règlement 2007-2008. Gardons-leur la formule la plus favorable.

M. Guy Fischer.  - Nous avons demandé un scrutin public sur l'amendement n°835, qui exclut du bouclier fiscal les contributions dues au titre de la CSG et de la CRDS, impôts de solidarité qui doivent alimenter le FRR et la Cades et financent donc les retraites par répartition. Tout le monde doit participer au financement de la protection sociale, quelle que soit la source des revenus. Le bouclier fiscal est une disposition révoltante, il n'est pas acceptable que les plus fortunés reçoivent des chèques de l'État. Selon Thomas Piketty, « le bouclier fiscal fonctionne comme une machine à subventionner les rentiers »... Le Figaro a révélé que Mme Bettencourt... (protestations à droite) que Mme Bettencourt, donc, a reçu un chèque de 30 millions en mars 2008 ; elle ne paierait que 8 % d'impôt sur le revenu. Votre politique clive les Français et favorise ceux qui en ont le moins besoin.

M. Jean Desessard.  - M. Fischer voudrait que les riches paient pour la solidarité ? Et quoi encore ?

Monsieur le ministre, je n'avais pas encore eu l'occasion de voir combien vous étiez un habile orateur. Le bouclier fiscal a été instauré pour dissuader les riches d'aller en Suisse, ou pour les faire revenir afin qu'ils aillent dépenser leur argent chez l'épicier du coin...

L'heure est venue de faire un bilan. Je sais que nous ne côtoyez pas ces gens-là mais je suppose que vous avez des informations : pouvez-vous nous dire combien de riches exilés fiscaux sont revenus grâce au bouclier fiscal ?

M. Christian Cambon.  - Et combien ne sont pas partis !

M. David Assouline.  - Vous financez essentiellement la réforme en faisant porter l'effort sur les salariés. Le COR a dit que le report de l'âge légal ne pouvait participer que pour un tiers du financement. Nous proposons d'aller chercher 25 des 45 milliards nécessaires à l'horizon 2025 en faisant passer à 38 % la fiscalité des stock-options, en relevant le forfait social de l'intéressement et de la participation, en appliquant la CSG sur le capital exonéré, en fermant la niche Copé, en augmentant la cotisation sur la valeur ajoutée des grandes entreprises. Certes, les plus aisés contribueront davantage mais en quoi ces mesures sont-elles, comme je vous l'ai entendu dire, un « bombardement » fiscal des Français ?

Prenez-vous vous-même au mot, écoutez les syndicats, l'opposition, les Français, si vous voulez vraiment trouver l'argent nécessaire en partageant les efforts. Cherchez le consensus ! Nous ne vous laisserons pas dire que nous n'avons pas de projet alternatif, que nous proposons de raser gratis !

A la demande du groupe CRC-SPG, l'amendement n°835 est mis aux voix par scrutin public.

M. le président.  - Voici les résultats du scrutin :

Nombre de votants 341
Nombre de suffrages exprimés 338
Majorité absolue des suffrages exprimés 170
Pour l'adoption 152
Contre 186

Le Sénat n'a pas adopté.

L'amendement n°840 n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°850.

Mme Isabelle Pasquet.  - Alors que vous demandez à la masse de nos concitoyens de cotiser plus et de travailler plus pour de moindres retraites, comment admettre que les plus fortunés ne soient pas sollicités ? Nous proposions d'autres sources de financement et refusons les surenchères qui n'ont d'autre but que de faire plaisir aux marchés financiers et aux spéculateurs.

Vous cassez les services publics, vous préparez la privatisation de l'État providence ; comment, dès lors, vous étonner de l'opposition que les Français manifestent à votre texte ? Il est anormal que les revenus du travail soient taxés à 40 % et les stock-options à 10 % !

Notre amendement remet les choses dans le bon sens. (Applaudissements à gauche)

L'amendement n°845 n'est pas adopté.

Mme Annie David.  - L'amendement n°839 concerne les retraites chapeau et autres parachutes dorés, que nous voulons faire contribuer à cette réforme davantage que vous ne le prévoyez. Nous ne faisons pas de la morale, nous corrigeons les inégalités. Parachutes dorés et retraites chapeau sont payés par les salariés. On ne peut pas toujours prendre dans les poches des mêmes ; tandis qu'on sert une pension de 3,4 millions d'euros à l'ancien PDG de l'Oréal, soit 400 fois le minimum vieillesse, ou 2,2 millions à M. Zacharias -dont on ne sait si le bouclier fiscal l'a fait rester en France-, un million de retraités vivent sous le seuil de pauvreté.

M. Guy Fischer.  - Il est en Suisse.

Mme Annie David.  - Ces pauvres gens doivent être fidélisés, dit-on, et tant pis pour la masse des salariés. La moyenne des rémunérations des patrons du CAC 40 atteignait 2,2 millions avant la crise. Et Mme Parisot invoque, pour refuser l'augmentation des cotisations patronales, la compétitivité des entreprises -laquelle requiert sans doute les retraites chapeau...

L'amendement n°839 n'est pas adopté.

Mme Marie-Agnès Labarre.  - Entre 1993 et 2009, la part des cotisations sociales dans le PIB a augmenté de 19 %, celui-ci de 33 %... et les revenus financiers de 125 %. La part patronale des cotisations sociales n'a pas augmenté depuis trente ans. Les entreprises qui favorisent la financiarisation devraient payer des cotisations sociales alourdies, au contraire de celles qui contribuent vraiment à l'emploi et au développement industriel.

L'amendement n°849 n'est pas adopté.

Mme Odette Terrade.  - La majorité veut effacer la notion même de droits sociaux. La retraite à 60 ans est une grande conquête que vous voulez supprimer. Seuls vous préoccupent les intérêts de la bande du Fouquet's. Nous sommes aux côtés des salariés en lutte pour défendre des propositions alternatives et une autre répartition des richesses. Notre proposition de loi expose la façon d'y parvenir.

Mme Marie-Christine Blandin.  - Cet excellent amendement est particulièrement pondéré. Depuis cinquante ans, on n'a cessé de favoriser une capitalisation spéculative uniquement destinée à favoriser quelques-uns, qui se hâtent de placer leur argent dans des paradis fiscaux ou des placements destructeurs d'emplois. (Applaudissements à gauche)

L'amendement n°843 n'est pas adopté.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin.  - Adopter l'amendement n°847 vous aiderait à mettre en cohérence vos discours et vos actes. Le pompier pyromane qui crie au feu est le même qui a réduit, il y a huit ans, les cotisations patronales sur les bas salaires, je veux parler du Premier ministre. Depuis 2002, avec toutes ces exonérations, 250 milliards d'euros ont été perdus. Et vous présentez maintenant la note aux salariés ! Il faut réorienter les dépenses fiscales vers la protection sociale. Il n'y a plus d'argent dans les caisses ? Vous ne faites que les vider depuis dix ans ! Nous essayons, nous, de les remplir.

A la demande du groupe CRC-SPG, l'amendement n°847 est mis aux voix par scrutin public.

M. le président.  - Voici les résultats du scrutin :

Nombre de votants 341
Nombre de suffrages exprimés 338
Majorité absolue des suffrages exprimés 170
Pour l'adoption 152
Contre 186

Le Sénat n'a pas adopté.

L'amendement n°834 n'est pas adopté.

M. Jack Ralite.  - Vous mettez 85 % à la charge des salariés, 10 % à la charge du capital : tout un symbole !

Le chèque de 30 millions à Mme Bettencourt prouve bien que les caisses ne sont pas si vides -vous pouvez faire des cadeaux à vos amis les plus... chers, si j'ose dire.

Il y a 8 millions de personnes sous le seuil de pauvreté. Mais dans les beaux quartiers, on s'offre tableaux de maître et îles tropicales...

Toutes les mesures d'âge qui devaient résoudre les problèmes ont eu pour conséquence la baisse de 20 % des pensions. Votre politique, c'est gaver les riches et appauvrir encore les plus modestes. Le partage des richesses, pour vous, c'est le bouclier fiscal. Vous réinventez le pâté d'alouette : une alouette pour un cheval. Le pactole des entreprises ne cesse de croître : pourquoi les exonérer de toute cotisation sociale ? Le capitalisme financier ne peut coexister avec notre système de répartition.

La part des produits financiers est deux fois supérieure à leurs cotisations sociales.

Votre politique n'engendre que bas salaires et chômage, au détriment de la sécurité sociale. C'est un modèle qui marche sur la tête. Votre réforme prépare en sous-main l'arrivée des grands groupes d'assurance. (Marques d'impatience à droite)

M. le président.  - Veuillez conclure. (On approuve sur les mêmes bancs)

M. Jack Ralite.  - Vous ne m'empêcherez pas de dire qu'il y a des riches et des pauvres et que la droite ne songe qu'à gaver les riches ! (Applaudissements sur les bancs CRC ; exclamations à droite)

Les salariés ne font pas grève par plaisir. (On s'impatiente derechef à droite)

En 1944, à Philadelphie, les alliés, dont le Général de Gaulle, ont déclaré une nouvelle politique des droits sociaux. (Exclamations à droite où l'on couvre la voix de l'orateur)

M. Jean Bizet.  - Le monde a changé.

M. Christian Cointat.  - Nous, nous voulons sauver la retraite par répartition.

M. Jack Ralite.  - Il est agréable d'entendre les représentants des riches interrompre le représentant des pauvres. J'ai été maire d'Aubervilliers, j'habite en HLM : je connais la pauvreté ! (Exclamations à droite ; applaudissements sur les bancs CRC)

Mme Marie-Christine Blandin.  - Vous riez quand nous évoquons les assureurs. Si vous prenez le métro, vous y verrez une affiche d'une compagnie proclamant : « c'est le moment de prendre une assurance privée pour vos retraites ».

Mme Brigitte Gonthier-Maurin.  - Ils ne prennent pas le métro.

L'amendement n°844 n'est pas adopté, non plus que les amendements nos842 et 669.

Mme Annie David.  - Pourquoi exclure telle profession plutôt que telle autre, nous avez-vous demandé. Je vous rappelle que nous réclamons la retraite à 60 ans pour tous. Nos amendements prenaient divers exemples afin d'attirer votre attention sur ces hommes et ces femmes qui travaillent dans des conditions difficiles. Leur colère monte !

Monsieur le ministre, vous voulez que la pénibilité soit mesurée par métier ; c'est ce que je vous dis aussi mais vous faites le contraire. La pénibilité différée, c'est le point de blocage dans la négociation entre les partenaires sociaux parce que le Medef n'en veut pas.

Si vous allez dans le sens de cette pénibilité par métier, à l'article 25, nous pourrons peut-être vous suivre ! Mais nous ne voulons pas de pénibilité individualisée, assimilée à une invalidité.

M. Guy Fischer.  - Très bien !

L'amendement n°670 n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°674.

M. François Autain.  - Vous n'avez pas pris la mesure de notre amendement sur les salariés des coopératives viticoles. Dans le Bordelais, la concentration des caves coopératives a fait passer leur nombre de quarante à cinq pour 75 % de la production. Il se passe la même chose dans le Languedoc-Roussillon.

Le facteur humain est déterminant. Les salariés ont leur mot à dire dans les restructurations. Rien ne justifie qu'ils soient pénalisés : la crise ne justifie pas que les droits sociaux soient amputés ! Les conditions de travail sont pénibles et l'espérance de vie des travailleurs les moins qualifiés est plus faible. A 59 ans, le taux d'emploi n'est plus que de 40 %. Allonger leur durée de travail, c'est en faire des assistés sociaux pendant deux ans de plus ! (Applaudissements sur les bancs CRC-SPG)

L'amendement n°676 n'est pas adopté, non plus que les amendements nos677, 678, 681, 683, 688, 689 et 690.

M. Guy Fischer.  - (L'orateur brandit une boîte de cornets de glace) Nous avons évoqué la situation des salariés de l'industrie des glaces, sorbets et crèmes glacées. Cet emballage éveille nos papilles, mais lisons-le attentivement. C'est une marque de distributeur. On apprend, en déchiffrant le code, que le produit est fabriqué dans l'Orne, dans la commune d'Argentan.

L'entreprise Frigécrème fabrique des produits pour plusieurs grands groupes de distribution. On lit également sur l'emballage la date de péremption : nos collaborateurs n'ont pas attendu pour déguster les glaces ! On apprend aussi grâce à la mention LO 159 que le produit a été usiné le 158jour de l'année, soit le 8 juin -c'était un mardi. (Sourires) Il a été fabriqué par d'immenses machines télécommandées, à l'heure où la plupart des salariés dorment. J'ai voulu évoquer leur sort avec le sourire mais sachez que les salariés de l'entreprise seront informés de votre vote sur cet amendement.

M. le président.  - Puisque vous avez brisé la glace (sourires), passons au vote.

L'amendement n°691 n'est pas adopté, non plus que les amendements nos718, 720, 726, 728, 729, et 731.

M. Jean-Claude Danglot.  - Nous connaissons la propagande du Gouvernement : la réforme proposée serait la seule possible, les autres pays feraient de même. Écran de fumée ! La vérité, c'est que vous êtes obnubilés par le maintien de la note AAA par les agences de notation.

Les salariés vont gagner deux ans de chagrin pour une retraite peau de chagrin ! Nous demandons un scrutin public pour désamorcer cette bombe à retardement.

Je salue la mobilisation de cette jeunesse qui vous fait si peur !

A la demande du groupe CRC-SPG, l'amendement n°773 est mis aux voix par scrutin public.

M. le président. - Voici les résultats du scrutin :

Nombre de votants 341
Nombre de suffrages exprimés 338
Majorité absolue des suffrages exprimés 170
Pour l'adoption 152
Contre 186

Le Sénat n'a pas adopté.

L'amendement n°333 rectifié n'est pas adopté.

Mme Odette Terrade.  - L'amendement n°918 visait les ouvriers des parcs et ateliers, transférés par la loi de 2009 aux départements. Les décrets n'ayant pas été publiés, le flou règne. Il est temps de clarifier la situation de ces ouvriers.

En l'absence de décret, nous proposons de considérer que ces ouvriers relèvent d'un régime spécial et sont exclus du champ de l'article 5.

L'espérance de vie en bonne santé de ces travailleurs est trop faible pour qu'on leur inflige deux années de travail supplémentaire.

L'amendement n°918 n'est pas adopté.

M. le président.  - Je suis saisi de deux demandes de scrutin public sur l'article par les groupes socialiste et CRC.

Mme Christiane Demontès.  - Cet article 5 est l'un des points durs de ce projet de loi. Vous invoquez l'augmentation de l'espérance vie -nous nous en réjouissons, bien entendu. Mais entre un ouvrier et un cadre de 50 ans, l'écart d'espérance de vie est de sept ans. Et certains métiers sont plus pénibles que d'autres : il faut considérer aussi l'espérance de vie en bonne santé.

Ceux qui ont commencé à travailler tôt auront cotisé 42 ou 43 ans : ils seront les premières victimes de la réforme ; et cela va durer. Nombre de 55-60 ans n'ont pas d'emploi : ils deviendront de vieux chômeurs de 60 à 62 ans. Le coût du chômage augmentera, tandis que, bingo !, pour l'État, les départements devront leur verser le RSA...

Les associations vivent grâce à nos jeunes retraités, qui font du bénévolat. Une raison parmi d'autres qui nous pousse à voter contre cet article 5. (Applaudissements à gauche)

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Avec cet article, vous bravez l'immense majorité de nos concitoyens, qui expriment leur hostilité au report de l'âge légal à 62 ans. Pourquoi ? Pour répondre aux injonctions des marchés financiers !

J'ai lu votre bréviaire, le petit livre du Medef, intitulé Besoin d'air, qui faisait miroir au programme de Nicolas Sarkozy : « la retraite à 60 ans est une erreur historique, l'une de ces dangereuses vues de l'esprit qu'on affectionne en France ». J'avais cru que c'était le résultat d'une lutte pour vivre mieux... Mme Parisot proposait ainsi le passage à 42 ans de cotisations, et la « liberté », c'est-à-dire un régime par points. Bref, une remise en cause complète du droit à la retraite !

Sur son blog, Mme Parisot se félicite d'être à l'origine de nombre de mesures du Gouvernement et de la diffusion des idées du Medef, sans qu'elles lui soient toujours attribuées. En effet, le Gouvernement met en oeuvre votre programme, madame Parisot, mais le peuple n'accepte pas cette vision, et vous le manifeste ! (Applaudissements sur les bancs CRC)

Mme Raymonde Le Texier.  - Nous sommes ici au coeur de l'injustice. Ce recul n'est pourtant pas une fatalité. Vu l'état catastrophique de l'emploi des seniors, les charges seront transférées sur l'assurance chômage et les collectivités locales. Les carrières longues seront pénalisées : ceux qui se lèvent tôt depuis si longtemps devront continuer à le faire deux ans de plus ! Et cela sans augmentation des pensions. N'en déplaise à M. Fillon, qui l'a affirmé l'autre jour à la télévision, il n'y aura pas de surcote : il faudrait pour cela aller au-delà de 62 ans, même avec déjà plus de 41,5 années de cotisation. Lapsus ou mensonge ?

Pour notre part, nous continuerons à défendre les plus modestes. (Applaudissements à gauche)

M. Bernard Vera.  - L'article 5 doit être source d'économies, mais au bénéfice de qui ? S'agit-il de limiter les pensions versées ? Plus de 12 millions de foyers comptant au moins un retraité ont perçu 238 milliards. Plus de 40 % d'entre eux perçoivent moins de 9 400 euros par an, soit proche du seuil de pauvreté, fixé à 8 100 euros.

Vous risquez de perdre rapidement le peu que vous aurez confisqué !

Les économies que vous attendez seront englouties par les mesures sociales qu'il faudra mettre en oeuvre !

Nous refusons des mesures d'économies réalisées sur le dos des salariés et des retraités. (Applaudissements sur les bancs CRC)

M. Pierre Mauroy.  - En ce moment solennel où l'on veut abolir la possibilité de retraite à 60 ans, j'insiste sur l'importance d'une mesure adoptée lorsque j'étais Premier ministre. La retraite à 60 ans, c'est une ligne de vie, une ligne de revendication, une ligne d'espoir ; on n'a pas le droit d'abolir l'histoire !

Je vois encore les ouvriers venus me rencontrer. C'étaient des manuels ; ils me disaient : « Je ne peux plus arquer ». Quand nous avons proposé la retraite à 60 ans, c'était la satisfaction d'un immense espoir. La liquider ainsi ; en catimini ; n'est pas convenable. Et ce n'est pas digne d'un système par répartition qui doit s'étaler sur plusieurs générations.

La retraite à 60 ans a gonflé les voiles du pays. On écrit l'Histoire avec l'avenir, mais aussi avec le passé.

Certes, il faut réformer les choses mais ce n'est pas une raison pour effacer cette ligne de vie, cette ligne de combat. De plus, certaines catégories souffriront. C'est le cas des jeunes qui ne trouvent pas de travail. C'est le cas des seniors qui sont en graves difficultés. C'est le cas de ceux qui souhaitaient partir à 60 ans. La retraite à 60 ans, c'est un droit !

Entre vous et nous, il y a une grande différence : vous oubliez facilement quelles ont été les attentes, les revendications, les luttes du peuple.

Je tenais à le dire de façon solennelle. Nous ne voulons pas abandonner la retraite à 60 ans. Même si nous savons que les choses doivent évoluer, on ne peut effacer en passant la loi la plus importante peut-être de la Ve République. (Mmes et MM. les sénateurs de gauche se lèvent et applaudissement longuement)

M. Éric Woerth, ministre.  - Monsieur le Premier ministre, je ne conteste pas la décision que vous avez prise, mais vous reconnaissez vous-même que les choses évoluent. Ce n'est pas parce que l'âge de 60 ans est rond qu'il doit être tabou. Faire évoluer notre système de retraite est notre devoir. Point d'idéologie là, mais la réalité : dès lors que les retraites ne sont plus financées, elles ne sont plus durables.

Personne ne veut baisser le montant des pensions, ni allonger les cotisations à 47 annuités, ni alourdir les impôts. Reste le critère de l'âge. Oui, il y a une ligne de vie, mais elle bouge. Il faut en tenir compte, nous le faisons de façon nuancée, raisonnable et responsable. (Exclamations à gauche ; applaudissements à droite)

M. Bernard Angels.  - Nous sommes d'accord sur un point : il y a un problème de financement des retraites, mais nos solutions sont totalement différentes.

Qui va payer dans votre réforme ? D'abord, les salariés ; ensuite, le FRR, créé par Lionel Jospin. Depuis 2002, vous refusez de l'abonder ; maintenant, vous le siphonnez.

Vous renoncez à la justice fiscale la plus élémentaire. Il faut élargir l'assiette de financement du régime. Vous le faites timidement, il faut le faire franchement. Taxez à 38 % les stock-options ; créez une contribution sur la valeur ajoutée, héritière de la taxe professionnelle ; taxez les revenus financiers. Il y a là des financements efficaces. (Applaudissements à gauche)

M. David Assouline.  - Nous nous battrons jusqu'au terme de l'article 33. La manoeuvre qui a consisté à nous faire étudier les articles 5 et 6 avant l'article premier a pour but de dire aux Français « circulez, il n'y a plus rien à voir ! ». Ils doivent savoir qu'en aucun cas, vous n'aurez aboli la retraite à 60 ans avec ce seul article 5 : il faut pour cela que la loi entière soit votée. Le Gouvernement pourra jusqu'au bout revenir sur le vote de l'article 5 pour tenir compte de la volonté des Français.

Nous savons que dès ce soir, la petite musique de votre propagande va se mettre en marche pour répéter aux Français que « tout est joué ». Non, tout ne sera pas joué ! On ne peut gouverner un pays aussi ancien, un pays ouvert sur le monde en mettant le feu à l'été, en s'attaquant aux Roms, avant de refuser d'écouter les syndicats, les manifestants, les enquêtes d'opinion -dont vous êtes pourtant friands-, l'Assemblée nationale et le Sénat !

Si vous persistez, la situation risque de devenir incontrôlable. Nul n'a intérêt au blocage total de la communication entre les Français ! (Applaudissements à gauche)

Mme Isabelle Pasquet.  - Vous persistez à nier la vérité. Comme votre réforme prend l'eau, nous assistons aux tentatives désespérées de l'Élysée pour sauver ce qui peut l'être...

Le coup de force qui nous impose l'examen des articles 5 et 6 en priorité va se retourner contre vous. Vous êtes enfermés dans votre certitude d'être seuls à savoir.

Dans le monde actuel, les techniques de rationalisation du travail n'ont cessé de progresser. Les gains de productivité ont quintuplé ; les travailleurs français ont l'une des plus grandes d'Europe à l'heure actuelle, grâce notamment aux 35 heures. Après le fordisme, le patronat veut imposer des formes de management encore plus éprouvantes pour les salariés.

Pour satisfaire l'ego du seul Nicolas Sarkozy, pour qu'il puisse parader devant le G 20 sans paraître avoir reculé, vous bâclez un texte injuste. Vous devez revoir votre réforme ! (Applaudissements à gauche)

Mme Bariza Khiari.  - Le passage de 65 à 67 ans est injuste et dévastateur pour les femmes, dont beaucoup ont des carrières incomplètes parce qu'elles mettent au monde les enfants qui paieront les retraites de tous !

Combien de femmes au Parlement ou parmi les futurs conseillers territoriaux ? La loi doit corriger les inégalités.

Nous voulons garder la retraite à 60 ans mais nous voulons aussi que chacun puisse choisir.

Vous préférez ajouter l'injustice à de l'injustice : nous voterons résolument contre l'article 5. (Applaudissements à gauche)

M. Jean-Paul Virapoullé.  - Plaçons notre vote dans la perspective de l'histoire de la société française. Rien n'a été gagné en un seul jour. (Exclamations à gauche)

Vous êtes tellement peu sûrs de vos arguments que la moindre parole de vérité vous excite !

Le travail, à la suite des droits ouverts au XXe siècle, a tellement évolué que la pénibilité a fait place à la dignité. Les salariés qui, il y a un demi-siècle, mouraient quelques mois après leur départ en retraite ont désormais une troisième vie ! Cette loi n'est pas punitive à l'endroit de quiconque. Comme vous, nous veillons au bonheur du peuple. Nous n'avons pas aboli quoi que ce soit, nous avons simplement déplacé le curseur...

M. Roland Courteau.  - Dans le mauvais sens !

M. Jean-Paul Virapoullé.  - ...dans le sens qui s'impose.

La retraite est garantie par cette réforme. Nous ne voulons pas qu'en 2018, le Gouvernement en place soit contraint à une réforme brutale.

Il est vrai que le facteur de production travail supporte trop de charges par rapport au facteur de production capital. Une action internationale doit aller dans ce sens. Votons cette loi pour exiger sur la scène internationale une mondialisation loyale et non débridée.

Nous voterons cette réforme qui garantit une troisième vie après le travail. (Applaudissements à droite et au centre)

M. Guy Fischer.  - Nous ne voterons pas cette réforme, la plus brutale de l'Union européenne, qui touchera tout particulièrement les femmes. Cet article est l'un des plus iniques de toute la réforme, que le Gouvernement veut faire adopter de toute urgence. A-t-il peur des Français ? Ce qu'ils pensent est clair. Ils rejettent cette réforme et le report à 62 ans.

Ce gouvernement est dans le déni et la mystification. Selon Éric Woerth, cette réforme est profondément juste et le projet de loi profondément humain : quel cynisme !

Nous avions déposé une proposition de loi déclinant nos propositions en douze articles très précis mettant à contribution les revenus financiers, ce qui apporterait 30 milliards. Pour ne pas asphyxier tout le monde, nous modulons les contributions patronales en fonction de leur politique salariale et d'emploi. Nous décourageons le travail à temps partiel, cet esclavage moderne.

Vous refusez obstinément de taxer les revenus du capital. Nous refusons de voter cet article 5, la plus grande régression sociale depuis des décennies. Les Français sauront s'en souvenir. (Applaudissements à gauche)

Mme Odette Terrade.  - Vous vous hâtez pour pouvoir proclamer que la journée d'action de mardi serait inutile : votre manoeuvre ne trompera pas les Français ! Vous imposez aux salariés de travailler toujours plus pour gagner moins. Vous condamnez les travailleurs pauvres à devenir des retraités pauvres.

Notre opposition est d'autant plus vive que ce texte n'est qu'une étape. L'an dernier, le député Bur a rédigé une proposition parlant de 70 ans. Pour la première fois depuis l'instauration de la sécurité sociale, les nouvelles générations auront une position moins bonne que la précédente.

Vous choisissez la solution la plus injuste, au risque de paupériser toute une frange de la société. D'autres solutions existent. Avec votre mauvaise foi, vous construisez injustice et régression sociale. Je refuse ce recul de civilisation ! (Applaudissements à gauche)

M. Didier Guillaume.  - Cet article est emblématique de votre réforme.

Lors de l'intervention de Pierre Mauroy, j'avais les larmes des yeux. Je me souvenais de Robert Badinter appelant à la suppression de la peine de mort, de Pierre Mauroy proposant la retraite à 60 ans...

Les travailleurs qui ne peuvent plus arquer devront attendre d'avoir 62 ans. Quand la majorité des travailleurs de 55 ans sont au chômage, c'est un emploi qu'ils veulent, pas attendre 62 ans pour avoir droit à la retraite.

La loi sur le CPE avait été votée. Grâce à la mobilisation, elle n'a pas vu le jour. Même après le vote de cet article 5, l'espoir ne sera pas encore perdu.

Oui, une réforme est nécessaire, mais différente ; nous vous l'avons présentée plusieurs fois. Vous voulez culpabiliser les Français. Non, si la retraite n'est pas financée, ce n'est pas de leur faute, c'est parce que le chômage explose ! (Applaudissements à gauche)

Mme Brigitte Gonthier-Maurin.  - Il faudrait s'aligner sur la législation en vigueur chez certains de nos voisins. L'argument démographique ne tient pas. Vous ne tenez pas compte de la natalité. Vous invoquez l'allongement de la durée de vie mais refusez de prendre en compte la pénibilité de certains métiers, qui prennent des formes nouvelles avec le management participatif. Est-il anodin d'ajouter deux années encore à une longue vie de labeur ? Pourquoi ne pas allonger la durée du travail au même rythme que la scolarité ? En Allemagne, on peut partir en retraite avec 35 annuités.

M. Nicolas About.  - Avec quelle décote !

Mme Marie-Christine Blandin.  - Votre « audace » nous mettra au rang des plus rétrogrades. Jamais la souffrance au travail n'a été plus prégnante, à preuve l'usage massif d'anxiolytiques et les suicides à France Télécom et ailleurs. Pour survivre, les travailleurs sont en apnée ! Vous n'avez pas le droit de reculer l'horizon de la pause méritée.

« L'effort humain porte un bandage herniaire et les cicatrices des combats livrés par la classe ouvrière contre un monde absurde et sans lois », dit Prévert, « il sent l'odeur de son travail et il est touché au poumon ». Comment peuvent-ils le comprendre, ceux qui n'ont jamais respiré de glycol ni entendu le médecin parler de lymphome ? La troisième vie de M. Virapoullé, elle se passe souvent à l'hôpital. (Exclamations à droite) Deux ans de plus de repos, cela se préserve et ne se raye pas d'un trait de plume idéologique et technocratique!

Quant à votre changement d'ordre du jour et à votre usage de la procédure accélérée, cela révèle la médiocrité de votre conception de la démocratie. (Applaudissements à gauche)

M. Jacky Le Menn.  - Nous avons vécu un grand moment d'émotion quand le Premier ministre Mauroy nous a rappelé combien la retraite à 60 ans avait été attendue. Les habits neufs du discours de M. Woerth cachaient mal les oripeaux d'un patronat toujours rétrograde. Medef aujourd'hui, CNPF hier, toujours les mêmes arguments que du temps des maîtres de forge : on va étrangler l'économie ! Faisons travailler les enfants, pas de congés payés, pas de retraites ! Il faut sauver l'économie ! Rien n'a changé.

Loi scélérate que celle qui reporte à 62 ans l'âge de départ ! La volonté tenace du patronat est toujours là : priver les plus faibles des droits élémentaires. Le gouvernement Mauroy, après d'autres de notre famille politique, a repris la marche en avant. Aujourd'hui, la France n'est pas dupe et elle gronde. Nous vivons un moment triste pour les ouvriers et les employés de ce pays : sous prétexte de modernisme, il se trouvera une majorité pour voter cette loi d'illusion. Mais soyez sûrs que nous reviendrons sur cette loi, parce qu'on ne peut arrêter le progrès social du peuple ! (Applaudissements à gauche)

M. Christian Cambon.  - Ce n'est pas sûr !

M. Jean-François Voguet.  - L'allongement de l'espérance de vie est aussi le fruit des conquêtes sociales, celui de l'intelligence collective des peuples. Pour la première fois de notre histoire, un progrès social va se traduire par une régression sociale. Alors qu'on pourrait vivre plus longtemps après une vie de travail, qu'on pourrait s'occuper de soi, de ses petits-enfants, des autres, se cultiver, vous le refusez au nom d'un choix de société. Votre société, c'est celle du « chacun pour soi », du « travailler plus pour gagner plus », du « si l'on veut, on peut »... Le ministre l'a bien dit en disant qu'un maçon partirait à 60 ans s'il est malade. Nous, nous voudrions que les maçons ne soient pas malades ! C'est cela, le progrès !

L'émancipation humaine ne peut être le fait que de la mise en commun. Je ne plaide pas pour l'uniformité ni pour la disparition de l'individu, mais je sais que vivre mieux tous ensemble est émancipateur pour chacun.

On comprend qu'un d'entre nous souhaite continuer à travailler au-delà de 60 ans ; une caissière chez Auchan peut penser autrement !

La France a les moyens de garantir la retraite à 60 ans pour tous, il faut pour cela une autre répartition des richesses -ce que vous refusez par idéologie. Nous voterons contre ce texte et participerons aux manifestations de mardi. (Applaudissements sur les bancs CRC)

M. Jack Ralite.  - Il n'y a pas d'argent, dit le Gouvernement. Mais en 1945, quand la sécurité sociale a été créée, le pays était en ruine ! Et pourtant, on a eu l'audace constructive de donner aux travailleurs des conditions de vie meilleure ! A la conférence de Philadelphie, en mai 1944, en pleine guerre, avant même le Débarquement, les alliés ne discutent pas de l'ONU, de Bretton Woods mais des nouveaux droits sociaux à inventer ! Aujourd'hui, la France casserait ces acquis pour lesquels elle s'est tant battue ?

J'étais au gouvernement en 1982, avec M. Mauroy et M. Badinter. Je lis que le gouvernement d'aujourd'hui se dispute. Si vous saviez la joie qu'il y avait dans le gouvernement Mauroy lorsqu'a été proposée puis votée la retraite à 60 ans ! Vous vous en souvenez, mes chers collègues d'alors ! L'opposition n'osait pas nous attaquer car nous parlions de la vie des hommes et des femmes qui font la richesse de ce pays ! (Applaudissements à gauche) C'est ça que vous voulez brader ?

On a raison de parler de la souffrance au travail, d'autant que dans ce texte, on casse la médecine du travail. Abordons la vraie question : plus que la souffrance au travail, la maladie du travail. Après France Télécom, 22 suicides à l'ONF ! Les branches que nous avons listées montrent que le travail est en péril ! Quand on respire mal au travail, on respire mal dans le temps libre. Et vous voulez qu'on respire mal à la retraite ?

Vous voulez transformer les travailleurs en « boxeurs manchots », pour reprendre le titre d'une nouvelle de Tennessee Williams. Mardi, ils ne seront pas cul-de-jatte, ils marcheront pour la liberté et la vie ! (Applaudissements sur les bancs CRC)

M. Jean-Pierre Fourcade.  - Je n'ai pas perdu une minute de ces interventions. Cela m'a rappelé la France de 1950, fermée, isolée, qui pouvait ignorer ce qui se passait ailleurs. Le CNR, au passage, avait fixé la retraite à 65 ans... (Applaudissements à droite)

Une dimension manque dans ce débat : celle des jeunes. Si l'on vous écoute, tous les gouvernements d'ici dix ou vingt ans devront augmenter soit la durée de cotisation, soit la fiscalité -ce qui se traduira par le déferlement du chômage ! (Exclamations à gauche)

Le mythe du financement des retraites par la fiscalité ne tient pas, cela ne se pratique nulle part ailleurs. L'intervention de M. Mauroy m'a ému ; mais que s'est-il passé à la suite des mesures qu'il a prises ? Il a fallu dévaluer le franc et ce sont les salariés qui ont été appauvris. (Exclamations à gauche ; applaudissements à droite)

M. Roland Courteau.  - Monsieur Mauroy, cher Premier ministre, j'ai été moi aussi ému par votre intervention. Moi aussi, j'avais soutenu cette réforme majeure de François Mitterrand, de son gouvernement de progrès.

Au nom d'une idéologie de droite, on veut mettre à bas cette magnifique conquête sociale.

M. Christian Cambon.  - M. Strauss-Kahn n'est pas de droite, que je sache. Pas plus que le maire de Lyon.

M. Roland Courteau.  - Cet article marque un recul historique. Les Français rejettent cette régression sociale. M. Sarkozy aura abattu l'une des plus belles conquêtes sociales de la Ve République. Il aura imposé aux Français de travailler plus et plus longtemps... sans gagner plus. Le temps libre, conquis sur le temps de travail, va augmenter : c'est inscrit dans la marche de l'humanité. Ceux qui tentent de freiner cette évolution, toujours les mêmes, le font en vain. C'est grâce au mouvement syndical, aux travailleurs, aux gouvernements de gauche que les avancées sociales ont eu lieu. Et vous, que restera-t-il de votre passage au pouvoir ? Le démantèlement des services publics, le détricotage de l'État providence, la compétition de tous contre tous, la chasse aux Roms, la fin de la retraite à 60 ans, la libéralisation de notre système énergétique, le bouclier fiscal... Il est encore temps de vous ressaisir ! (Applaudissements à gauche)

M. Nicolas Alfonsi.  - Vous n'avez pas su dépasser l'approche comptable pour réfléchir à l'évolution de la société. Le chômage des jeunes et des seniors doit être combattu en priorité. Avant de retarder l'âge de la retraite, encore aurait-il fallu s'assurer que les Français peuvent effectivement travailler jusqu'à 60 ans. Or, le taux d'emploi des 55-64 ans n'atteint pas 40 %. Vous pénalisez les salariés aux carrières longues, qui devront cotiser encore plus. Il résultera de tout cela une hausse du chômage et de la précarité et, par conséquent, une baisse des pensions. Et l'espérance de vie n'est pas la même pour tous, l'Ined a bien décrit l'ampleur des inégalités.

Parce que cet article est injuste, la majorité du groupe RDSE votera contre. (Applaudissements à gauche)

M. Jean-Pierre Caffet.  - M. Fourcade est l'un des rares parlementaires UMP à défendre cette réforme... (Exclamations à droite) A l'entendre, nous serions demeurés dans les années 50. Parlons donc de nos voisins. En 2006, les Allemands et les Britanniques ont porté le taux plein à 67 ans, mais respectivement aux horizons 2029 et 2036. Vous voulez le faire en treize ans ! C'est que vous raisonnez sur une espérance de vie moyenne, sans tenir compte des différences entre les métiers. Nos voisins ont raisonné sur l'espérance de vie à 50 ans, sans limitation physique et mentale, c'est-à-dire le temps qui reste à vivre en bonne santé.

Nos voisins ont compris que pour que la réforme soit humainement acceptable et efficace, il fallait commencer par améliorer la santé des plus de 50 ans et se donner le temps du progrès médical. Vous n'avez pas voulu suivre cette logique et repousser l'horizon à 2030, par exemple.

A l'issue de cette réforme, notre système sera le plus rétrograde d'Europe ! (Applaudissements à gauche)

M. Éric Woerth, ministre.  - Vous avez des convictions légitimes ; le Gouvernement a les siennes. Nous avons tous du respect pour Pierre Mauroy. Son intervention a été un moment d'émotion, mais aussi de nostalgie. Or la nostalgie n'est pas le meilleur sentiment pour gouverner un pays qui évolue, qu'il faut faire changer ! 62 ans, c'est l'âge qui tient compte de la vie d'aujourd'hui. 60 ans, c'est la France d'hier. Un système qui fonctionne sur le déficit est appelé à mourir.

On ne construit aucune conquête sociale sur une défaite économique sinon, ce sont les générations futures qui trinquent. Après 1982, il y a eu le tournant de la rigueur en 1983. Il faut accepter parfois de changer des choses pour respecter nos principes républicains.

Entre l'oraison funèbre de M. Assouline et les excès de Mme Blandin, je choisis l'espoir et la confiance. Les jeunes auraient de quoi s'inquiéter si nous ne changions pas notre système. Sans réforme, ils n'auront pas les mêmes droits que nous.

Ne vous en déplaise, nous ne faisons pas la réforme « la plus brutale » au monde : nous confortons au contraire le système le plus généreux du monde. Si je vous proposais le système allemand -63 ans et 35 ans de cotisations, décote de 14 %-, vous n'en voudriez pas ! En Angleterre, le taux plein avec pension microscopique est à 65 ans ! C'est ce que vous voulez ?

Vous nous accusez de prendre aux jeunes l'argent du FRR.

Mme Nicole Bricq.  - Oui, vous les volez !

M. Éric Woerth, ministre.  - La première utilisatrice, c'était Mme Aubry -qui s'en est saisi, via le FSV, pour financer les 35 heures avec le Forec ! (Applaudissements à droite)

Nous, nous utilisons le FRR pour les retraites !

Mme Nicole Bricq.  - Vous faites une mauvaise action !

M. Éric Woerth, ministre.  - Vous avez créé le FRR pour ne pas faire de réforme. C'est toute la différence entre nous ! Ne pas utiliser le FRR, c'est comme ne pas utiliser une réserve d'eau pour combattre un incendie qui se déclare, parce qu'on la garderait pour le prochain ! Cette réforme, nous la faisons pour les jeunes ; ce sont eux qui paieraient les impôts que vous promettez ! (Exclamations à gauche)

Il n'y a pas d'autres projets que celui que nous proposons. Il y a une proposition de loi communiste mais pas de projet socialiste. Vous n'avez pas de contre-projet mais un projet contre. Le Gouvernement, lui, prend ses responsabilités. Nous croyons à la répartition, à la solidarité intergénérationnelle ; nous croyons qu'il faut changer les choses quand tout change, pour préserver le pacte républicain. (« Bravo ! » et applaudissements à droite et au centre)

A la demande des groupes socialistes et CRC-SPG, l'article 5 est mis aux voix par scrutin public.

M. le président.  - Voici les résultats du scrutin :

Nombre de votants 341
Nombre de suffrages exprimés 339
Majorité absolue des suffrages exprimés 170
Pour l'adoption 186
Contre 153

Le Sénat a adopté.

(Applaudissements à droite)

Article 6 (Appelé en priorité)

M. Bernard Vera.  - Beaucoup de non-dits dans cette réforme... Cet article 6 est le non-dit par excellence. Il porte à 67 ans l'âge de la retraite à taux plein pour tout le monde. L'espérance de vie d'une génération est une notion statique qui ne prend pas en compte les écarts entre catégories socioprofessionnelles. Les ouvriers, les employés et les inactifs ont une espérance de vie inférieure. Partant à la retraite à 62 ans, ils auront encore un temps à vivre moindre qu'un cadre parti à 67 ans. L'ouvrier travaillera plus, pour moins, avec une pension indexée sur l'évolution des prix ! Nous rejetons cet article 6.

M. Guy Fischer.  - Cette mesure phare de votre réforme est, paraît-il, « ambitieuse » ; la réalité est qu'elle réduit encore les acquis des plus faibles pour ne pas toucher à ceux des plus riches. C'est ce que le Gouvernement considère comme une réforme juste ! Les femmes seront les premières victimes de la réforme.

M. Alain Vasselle, rapporteur général de la commission des affaires sociales.  - Non, parce qu'il y aura des amendements !

M. Guy Fischer.  - Les assurés qui attendent 65 ans et n'ont pas les cotisations complètes perçoivent des pensions plus faibles, voire le minimum contributif ; aux deux tiers, ce sont des femmes, dixit le rapporteur. Salaires moindres que ceux des hommes, temps partiel subi, au final, les pensions des femmes sont inférieures de 40 % à celles des hommes. Le Gouvernement le sait mais balaie les avis du COR et de la Halde -dois-je encore la nommer après que vous l'avez condamnée ?- pour proposer le relèvement de l'âge de la retraite sans décote. Les amendements déposés hier, ce tour de passe-passe de l'Élysée, ne doivent tromper personne : ils ne visent que les mères de famille nombreuses, ce que toutes les femmes ne sont pas. Il y a là une discrimination dans la discrimination. Vous avez une conception dépassée de la femme.

Cette aumône ne fera pas taire la contestation, tout au plus rassurerez-vous une partie de votre électorat. Les femmes qui n'auraient pas eu trois enfants seront condamnées à une retraite minable ! Nous refusons cet article.

M. Bernard Angels.  - Cette mesure va aggraver la situation des femmes, qui partent rarement à 60 ans, faute d'annuités. Elles devront désormais attendre 67 ans pour obtenir une retraite sans décote. Chaque année, 20 000 à 30 000 personnes resteront deux ans de plus au chômage, aux frais de l'Unedic -265 millions d'euros par an. Enfin, de nombreux salariés ne profiteront pas pleinement de leur retraite.

L'insee a estimé l'espérance de vie en bonne santé, en 2007, à 63 ans et un mois pour les hommes et à 64 ans et deux mois pour les femmes. Chiffres à comparer aux 67 ans !

Mme Isabelle Pasquet.  - Le recul de l'âge de la retraite à 62 ans contraint les salariés qui ont commencé tôt à cotiser au-delà de la durée légale. Nombre de salariés, les femmes en particulier, doivent attendre 65 ans pour n'avoir pas la décote. Il faudrait donc stimuler l'emploi plutôt que de prendre d'ignominieuses mesures d'âge. Les salariés qui ont déjà subi l'injustice de carrières hachées subissent ainsi une double peine.

Cet article 6 est révélateur de votre conception étroitement utilitariste du travail.

Mme Claudine Lepage.  - Cet article est celui qui symbolise le mieux l'injustice et l'inefficacité de votre réforme. Le taux d'emploi des seniors contredit de façon flagrante votre prétendue logique. En pratique, vous allez laisser des milliers de personnes supplémentaires au chômage : joli tour de passe-passe.

Qui est pénalisé par cet article ? Les salariés qui ont connu des carrières morcelées. Pour les quatre cinquièmes, ce sont des femmes.

Les Français de l'étranger -je ne parle pas des salariés de nos consulats qui n'ont même pas droit à la retraite pour cause de recrutement sur contrat local- ont souvent des carrières particulièrement morcelées. Ils subissent donc une vulnérabilité toute particulière.

M. Jacky Le Menn.  - Cet article 6 est une des pièces maîtresses de votre injustice. Le report à 62 ans de l'âge légal de la retraite n'impose nullement le relèvement de la seconde borne d'âge.

Cette disposition est particulièrement pénalisante, pour les femmes comme pour toutes les personnes qui auront connu des emplois précaires. Le RSA deviendra ainsi l'antichambre de la retraite. Tant pis pour les finances des départements !

Ce n'est pas le hâtif amendement gouvernemental déposé hier matin qui remédiera vraiment à l'injustice de cet article ! Je ne parle pas de quelques personnes particulièrement défavorisées mais des cohortes de retraités que vous allez pousser dans la misère. Il y a déjà un million de retraité en dessous du seuil de pauvreté.

Nous refusons cette perspective d'indigence que le Gouvernement veut imposer à nos concitoyens.

M. David Assouline.  - Cet article est une grave injustice sociale au détriment des salariés précaires et des femmes. Comment imposer à des salariés exposés à des conditions extrêmes de pénibilité de travailler deux années supplémentaires ?

Ce report va entraîner un prolongement du chômage. Les femmes, qui ont majoritairement une carrière morcelée, devront attendre 67 ans pour partir en retraite. Il n'y a que 1,5 % de pères qui interrompent leur activité pour l'éducation de leur enfant contre 35 % de femmes. Et les mères de familles nombreuses ne sont pas les seules concernées.

La pension moyenne des retraitées ne représente que 48 % de celle des hommes. C'est que les femmes sont beaucoup plus touchées par le chômage que les hommes. Elles sont les premières victimes du travail à temps partiel et les plus concernées par le travail non qualifié.

Injuste pour tout le monde, cet article 6 frappe de plein fouet les femmes.

Mme Claire-Lise Campion.  - Les chiffres sont parlants : la grande majorité des sexagénaires sont au chômage. Vous gagnez deux années de pension sur le dos des collectivités locales. Obliger tous ces concitoyens à vivre deux ans de plus sur les indemnités de chômage n'est pas acceptable. A 65 ans, nombre de femmes sont éloignées du travail depuis des années.

Ce n'est certes pas au système de retraite de réduire la totalité des inégalités, encore faut-il qu'il ne les aggrave pas !

M. Didier Guillaume.  - Depuis quelques années, nous assistons à un changement de notre modèle républicain. Nous avons vécu tout à l'heure une terrible régression sociale avec le vote de l'article 5.

Le patronat vous dit parfois trop vieux à 45 ans et il faudra attendre 67 ans pour toucher la retraite à taux plein ! Vous n'ajoutez pas deux ans de travail mais deux ans de galère !

Ce modèle de société, nous n'en voulons pas. Nous voulons que la France accueille ses enfants et garde ses seniors au travail.

M. Angels a évoqué clairement notre contre-projet. Vous voulez nous diviser en disant que les communistes, eux, ont un projet. Vous n'y parviendrez pas ! Nous sommes tous solidaires des millions de Français qui refusent votre réforme. En 2012, nous reviendrons dessus. Les salariés les plus âgés ont le droit à un repos bien mérité. (Applaudissements à gauche)

M. Jean-Pierre Caffet.  - Cessez, monsieur le ministre, de caricaturer nos propos ! Le bon critère, ce n'est pas l'allongement de l'espérance de vie moyenne mais le reste à vivre à 50 ans en bonne santé. Or, cette espérance là est inférieure à vingt ans. Vous rapprochez l'âge de la retraite à taux plein de la fin de l'espérance de vie en bonne santé !

Vous n'aurez pas de nouveaux salariés mais des chômeurs en plus ! C'est une absurdité du point de vue de l'efficacité ! Donner du temps au temps vous aurait imposé de chercher des ressources nouvelles, du côté du patrimoine et du capital. Vous vous y refusez.

Depuis 2005, le reste à vivre en bonne santé reste stable pour les femmes, à 19 ans et demi. Carrières courtes, pensions réduites, durée de retraite en bonne santé raccourcie : pour elles, ce sera la triple peine !

Vous auriez pu renforcer la médecine du travail, vous la livrez au patronat !

M. Roland Courteau.  - Nous voici dans le noyau dur de l'injustice : les femmes seront les premières victimes de cette accumulation d'inégalités qu'elles n'auront cessé de subir.

En outre, le passage de 65 à 67 ans ne correspond pas à la réalité de l'emploi : vous allez maintenir deux ans de plus les seniors à la charge de l'assurance chômage. Belle économie ! Vous faites payer votre réforme aux salariés et aussi aux organismes sociaux. Le RSA va devenir le vestibule du départ en retraite, à la charge des départements. Vous poursuivez le processus de fragilisation de nos concitoyens.

Les bornes d'âge que propose le Gouvernement vont à contresens de la longue marche de l'humanité vers le progrès social. On voit votre cohérence idéologique !

Vous prenez aux Français des années de bien-être. Le travail n'est pas le seul facteur d'épanouissement des individus, il y a aussi le temps libre, le temps consacré à la culture, à la famille, au bénévolat ! Bref, c'est à tout ce qui fait le lien social que vous vous attaquez. (Applaudissements à gauche)

M. Jacques Gillot.  - Les Guadeloupéens sont particulièrement défavorisés à cause du mode de calcul des pensions, en fonction d'un indice des prix déjà différent entre la métropole et l'outre-mer, où règnent des monopoles accusés par l'autorité de la concurrence. Cessons de pénaliser les plus fragiles !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Je voudrais combattre la propagande du Gouvernement qui parle d'un aménagement qui profitera à 130 000 femmes.

Les centristes qui triomphent à cette occasion ne sont même pas là !

Mme Muguette Dini, présidente de la commission des affaires sociales.  - Vous m'oubliez !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Le Gouvernement prétend jouer les magiciens. Quand on connaît les trucs des prestidigitateurs, on est moins impressionné !

A mon tour, je rappelle que 44 % des femmes n'ont pas un nombre de trimestres suffisants à l'heure de leur cessation d'activité. Les femmes jeunes sont embauchées pour un salaire moindre parce qu'elles sont susceptibles d'avoir des enfants. Quand on les embauche...

Nombre d'entre elles font des enfants, ce qui est utile à la société ; grâce à quoi elles sont discriminées durant leur vie professionnelle. On arrive ainsi à un résultat insultant pour la grande majorité des femmes qui continuent à devoir travailler davantage. A partir de 55 ans, le patronat ne veut plus des salariés, hommes et femmes. Voilà la carrière des femmes, à quoi votre amendement -une véritable entourloupe- ne change rien !

M. Nicolas About.  - Mme Borvo peut s'occuper du groupe communiste ; les centristes font leur travail et ne récupèrent celui de personne.

M. François Autain.  - Si 13 % des hommes partent en retraite à 65 ans, c'est le cas de 22 % des femmes. Voilà ce qu'il en est de votre prétendue liberté de choix : entre toucher une retraite minuscule et partir plus tard. Voilà comment M. Sarkozy revalorise le travail et le pouvoir d'achat !

Les quatre cinquièmes de ceux qui prennent leur retraite à 65 ans ne sont déjà plus en emploi. Vous voulez leur faire passer deux ans de plus dans la précarité.

Ceux qui ne partiront qu'à 67 ans auront-ils un autre droit que celui de mourir dès leur départ en retraite ?

Les retraités participent à la vie associative, ils ont du temps à donner, ils aident leurs enfants et petits-enfants. Ils sont nécessaires au fonctionnement de notre économie et de notre société. (Applaudissements à gauche)

Mme Isabelle Debré.  - Je ne comprends pas sur quel critère sont attribués les temps de parole sur l'article.

M. le président.  - Le dérouleur n'a qu'une valeur indicative. Je me suis plié à celui, modifié, que m'a transmis le service de la séance.

M. Éric Woerth, ministre.  - On entre dans des droits à 62 ans, puis à 67 ans s'annule la décote. C'est donc une retraite à la carte et il est logique de repousser les deux bornes d'âge.

La plupart des personnes qui partent en retraite à 65 ans -60 % de femmes et 40 % d'hommes- et qui liquident leur pension ont cessé de travailler depuis longtemps. Ceux -celles surtout- qui liquident alors leur pension n'ont, pour 88 %, pas travaillé depuis vingt ans. Ce peut être choisi et pas toujours subi.

Il n'est pas vrai que les personnes ayant commencé le plus tôt dans les métiers les plus durs seront concernées. Dans la réalité, celles qui partiront à 67 ans seront nées à partir de 1956 puisque la mesure commencera à prendre effet en 2023.

L'Unedic a fait son calcul sur une base très pessimiste -pas d'amélioration pour l'emploi des jeunes et des seniors- et elle a estimé la charge évoquée par M. Assouline à 400 millions, à comparer aux 20 milliards ainsi économisés. C'est donc une bonne mesure.

Le droit à la retraite en bonne santé ? Oui, bien sûr ! Mais la médecine fait en sorte qu'on ne soit plus en mauvaise santé au même âge qu'avant. Eurostat considère qu'on est touché par la mauvaise santé quand on est touché dans sa vie quotidienne ; ce n'est pas une maladie grave et cela peut survenir dès 62-63 ans. L'Insee évalue l'espérance de vie sans incapacité -un critère beaucoup plus sèvère- à 76 ans pour les hommes et 83 ans pour les femmes.

Voilà ce que je tenais à dire pour éclairer le débat. (Applaudissements à droite)

M. David Assouline.  - Une question, monsieur le président. Les médias disent déjà que l'article 5, voté conforme, aurait été adopté définitivement par le Sénat. N'est-il pas vrai que le Gouvernement peut toujours demander une deuxième lecture ? Que le Sénat peut ne pas adopter l'ensemble du projet de loi ?

M. le président.  - L'article 5 a été voté conforme par le Sénat. Il sera définitivement adopté après l'adoption définitive de la loi, après saisine éventuelle du Conseil constitutionnel et après promulgation.

La séance est suspendue à 20 heures.

présidence de M. Bernard Frimat,vice-président

La séance reprend à 22 heures.