Mandats sociaux

M. le président. - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi relative aux règles de cumul et d'incompatibilité des mandats sociaux dans les sociétés anonymes et à la représentation équilibrée des femmes et des hommes au sein des conseils d'administration et de surveillance, présentée par Mme Nicole Bricq et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Discussion générale

Mme Nicole Bricq, auteur de la proposition de loi.  - Depuis quelques semaines, on assiste à un intéressant mouvement de nominations de femmes à la direction de fleurons du CAC 40, notamment dans le secteur du luxe. Les organisations patronales vantent l'autorégulation au détriment de la loi. Je veux croire que l'action du législateur, avec la proposition de loi Copé-Zimmermann et la nôtre, a eu un effet positif en la matière. Ne nous arrêtons pas en si bon chemin !

Nous voulons favoriser la prise en compte du long terme par les directions des entreprises ; cela suppose de renforcer le poids des mandataires sociaux dans les conseils d'administration. Le cumul déraisonnable des mandats est un frein à la diversité et à la bonne gouvernance des entreprises. En principe, l'administrateur ne doit pas exercer plus de quatre autres mandats. La parole est d'or, les faits ne suivent pas. La féminisation des cadres supérieurs atteint 28 %, mais celle des conseils d'administration n'est que de 10 %. Une seule femme au conseil d'administration de Natexis, trois à celui du Crédit agricole.

En limitant le nombre de mandats, nous sommes dans la continuité de la loi du 15 mai 2001, dont la portée a été entravée le 29 octobre 2002 : on peut aujourd'hui cumuler trois mandats exécutifs avec neuf non exécutifs, plus ceux des filiales...

La limitation que nous proposons est sévère ? On peut débattre du nombre, surtout dans les filiales, pour des raisons de stratégie -pourvu que l'on accepte de fixer une limite raisonnable.

Nous reprenons la formulation de la loi NRE de 2001 ; on peut là aussi discuter des modalités.

La répartition équilibrée entre les sexes ? J'ai pris l'attache de l'Institut français des administrateurs : un millier de femmes sont immédiatement mobilisables pour les postes qui se trouveraient libérés. Il y a aujourd'hui 1 482 sièges dans la SBF dont 576 au CAC 40 ; 1 000 personnes cumulent plusieurs mandats.

On compte 11 femmes sur les 121 administrateurs cumulant deux mandats, 1 femme sur les 42 administrateurs cumulant trois mandats, aucune femme sur les 14 administrateurs cumulant quatre mandats, 1 femme sur les 8 administrateurs cumulant cinq mandats, aucune femme sur les 3 administrateurs cumulant six mandats,

Il reste 296 postes à renouveler au printemps au sein du CAC 40 et du SBF 120. Il est donc possible d'atteindre rapidement le seuil de 20 %. L'important aujourd'hui est de fixer un objectif. Je suis prête à parier que la mixité dans les sociétés cotées aurait un effet général d'entrainement sur les autres.

Nous partageons avec la commission un objectif de 40 % minimal d'administrateurs de chaque sexe mais nous divergeons en matière de sanction. Toutefois, nous pourrions admettre la simple nullité des délibérations.

Sommes-nous prêts à prendre la route de la Norvège, pays le plus avancé en la matière ? Depuis 2008, l'objectif de 40 % y est atteint, grâce à la loi, dont l'intervention est indispensable.

La commission préfère attendre la proposition de loi votée par les députés mais je doute qu'elle soit inscrite avant la fin de la session à notre ordre du jour, déjà surchargé. Il semble même que pour la loi de modernisation de l'agriculture, le Sénat ait décidé d'abandonner une de ses semaines au Gouvernement.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission. - Non.

Mme Nicole Bricq, auteur de la proposition de loi.  - Il y a urgence à légiférer car les codes de bonne conduite ne sont guère suivis d'effets. Si vous n'agissez pas avant la fin de la session, le vote de l'Assemblée nationale restera une éolienne brassant du vent mais sans produire d'énergie.

Si le groupe UMP partage les objectifs du groupe socialiste, allons-y sans perdre de temps ! (Applaudissements sur les bancs socialistes)

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, rapporteur de la commission des lois.  - Notre collègue part d'un constat objectif : la sous-représentation des femmes dans les conseils d'administration et les conseils de surveillance. Elle plaide pour un meilleur accès aux fonctions de responsabilité, conformément à l'article premier de la Constitution.

Le 20 janvier, l'Assemblée nationale a voté la proposition de loi Copé-Zimmermann : cette convergence montre la volonté du parlement d'agir.

Aujourd'hui, la sous-représentation des femmes est indiscutable, notamment dans les grandes entreprises. Cinq entreprises du CAC 40, dont EADS, n'ont aucune femme dans leur conseil d'administration. En moyenne, l'Union européenne est à 10 %, les États-Unis à 15 %.

En outre, la sous-représentation des femmes est persistante : au rythme actuel, il faudrait attendre 2075 pour atteindre l'objectif poursuivi ! Le Medef a certes adopté une recommandation en ce sens mais le mouvement est trop lent : l'autorégulation est inefficace. Il faut donc une intervention législative.

Enfin, la sous-représentation des femmes est regrettable : la mixité des sexes est une valeur ajoutée pour les entreprises ; les femmes ont un style de management qui leur est proche et une approche différente des risques.

Pour sortir de la crise, il faut utiliser tous les talents. Nous ne pouvons plus gaspiller les compétences en raison de conceptions obsolètes ; aujourd'hui, il y a suffisamment de femmes compétentes pour rejoindre les conseils d'administration.

La loi sur l'égale représentation des femmes et des hommes au sein des organes délibératifs a été sanctionnée par le Conseil constitutionnel, mais la révision de juillet 2008 a levé ce verrou, grâce à la disposition rédigée à l'initiative de M. Hyest.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission. - Nous avons fait remonter cette disposition à l'article premier !

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, rapporteur. - La proposition de Mme Bricq rejoint la proposition de loi Copé-Zimmerman.

Mme Nicole Bricq, auteur de la proposition de loi.  - Zimmerman-Copé !

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, rapporteur. - La présence d'un président de groupe politique n'est pas anodine... Cette proposition de loi a été adoptée et transmise au Sénat.

Mme Nicole Bricq, auteur de la proposition de loi.  - Examinons-la !

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, rapporteur. - Les deux textes partagent le même objectif, même si les périmètres et les sanctions divergent.

Mme Bricq propose avec réalisme que les conseils d'administration et conseils de surveillance respectent un quota de 40 %, avec un palier de 20 % dans les trois ans.

Les administrateurs élus par les salariés ne seraient pas pris en compte, mais au cas où l'administrateur serait une personne morale, les éventuelles listes de candidatures seraient paritaires. Outre le secteur public dans son ensemble, Mme Bricq vise les sociétés cotées. Je pense qu'il faudrait ajouter les comités de rémunération.

J'en viens aux sanctions. Avec la nullité des nominations irrégulières, attention à ne pas tomber dans l'insécurité juridique.

Mme Bricq tend aussi à limiter les cumuls des mandats sociaux. Actuellement, 28 % des mandataires sociaux concentrent 43 % des voix.

Mme Nicole Bricq, auteur de la proposition de loi.  - C'est l'endogamie !

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, rapporteur. - On observe aussi un cumul de mandats entre sociétés privées et publiques. Une proposition de loi présentée par M. Collin sur ce sujet a été votée par le Sénat.

Notre commission s'est prononcée le 7 avril pour la jonction de ces deux initiatives parlementaires, dans un souci d'efficacité et de logique, pour les étudier dans un esprit constructif.

En outre, des questions de fond se posent, qui nécessitent ample réflexion : le périmètre, les sanctions...

Je ne sais quand nous examinerons la proposition de loi votée par l'Assemblée nationale, mais je suis optimiste. Dès le 5 mai, la commission entamera les auditions sur le sujet. (Applaudissements à droite)

Mme Nadine Morano, secrétaire d'État chargée de la famille et de la solidarité.  - La légitimité sociale du travail féminin est certaine, mais des inégalités perdurent, que la proposition de loi tend à combattre.

La salarisation croissante des femmes n'a pas éliminé les inégalités inacceptables : les femmes sont deux fois plus souvent rémunérées au Smic, elles sont six fois plus souvent employées à temps partiel.

Le principe de légalité professionnelle semble acquis mais la réalité ne suit pas. Heureusement, la loi constitutionnelle du 23 juillet 2008 a érigé l'égalité en principe constitutionnel.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission.  - Absolument.

Mme Nadine Morano, secrétaire d'État.  - L'égalité professionnelle est une priorité de notre action, qui suit trois axes : l'obligation de négocier au sein des entreprises, une meilleure conciliation de la vie privée avec la vie professionnelle, l'élaboration d'indicateurs d'égalité.

Les partenaires sociaux ont exprimé leurs positions. La négociation collective nationale pourra donc aborder les trois axes déterminés par le Gouvernement. A l'issue de cette négociation, des dispositions pourront être adoptées en ce sens.

La représentation des femmes au sein des conseils d'administration est un vrai sujet : il n'y a que 8 % de femmes en France à la direction des grandes entreprises !

Selon la proposition de loi Copé-Zimmerman adoptée le 20 janvier par l'Assemblée nationale, il faudra compter 40 % de femmes dans les conseils d'administration, avec un palier de 20 % dans les trois ans.

Le Gouvernement souhaite appliquer un même régime aux entreprises publiques et privées.

Le texte examiné aujourd'hui reprend ces propositions mais en leur donnant un poids excessivement contraignant. En outre, la limitation des cumuls de mandats serait durcie.

Enfin, le quota serait appliqué aux entreprises comptant plus de 250 salariés.

Mme Nicole Bricq, auteur de la proposition de loi.  - C'est le seuil européen.

Mme Nadine Morano, secrétaire d'État.  - Les modifications iront au-delà de l'objectif de parité, notamment pour le cumul de formations d'administrateur de sociétés privées et de sociétés publiques. On aboutirait à un régime plus sévère que celui des fonctionnaires !

Nous devons réaliser une réforme équilibrée. L'égalité est juste, elle est aussi source d'efficacité économique.

Laissons aux entreprises le temps de s'adapter ; les pénaliser reviendrait à pénaliser aussi les salariés et l'emploi.

J'ajoute que les entreprises ne sont pas les seules responsables : les stéréotypes sexistes sont partout présents. Une commission de réflexion sur l'image des femmes travaille dès à présent sur ces questions.

Nos débats ont déjà provoqué un électrochoc dans le monde des entreprises.

Mme Nicole Bricq, auteur de la proposition de loi.  - Bien petit !

Mme Nadine Morano, secrétaire d'État.  - Des administratrices viennent d'être nommées dans de grandes entreprises, où on devait passer de 10 à 15 % de femmes, soit une augmentation de 50 % ! Les choses avancent, grâce aux parlementaires et au Gouvernement.

La proposition de loi Copé-Zimmermann a un effet d'entrainement. En période de crise, les femmes risquent de devenir une variable d'ajustement.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Pas dans les conseils d'administration !

Mme Nadine Morano, secrétaire d'État.  - Je vous donne avec confiance rendez-vous pour un examen conjoint et constructif des deux propositions de loi. (Applaudissements à droite)

M. Jacques Mézard.  - Nous sommes au coeur d'un vrai débat de société.

Le fameux « Enrichissez-vous » de Guizot, qui négligeait la justice et la redistribution, a négativement marqué notre histoire.

Les radicaux, qui ont été à l'origine de l'école gratuite et obligatoire, des premiers droits du travail et de l'impôt sur le revenu restent fidèles à leurs principes : l'économie doit être au service de la société, et non l'inverse !

L'État doit garantir l'équilibre social et la cohérence de la société.

Le RDSE a déposé une proposition de loi, adoptée le 18 novembre, dont l'objet n'était pas identique au texte examiné aujourd'hui. Nous estimons déraisonnable le cumul de mandats publics et privés.

Nos conseils d'administration sont suspectés de collusion d'intérêt, en raison des cumuls excessifs. D'où une concentration anormale des pouvoirs.

La rémunération des dirigeants du CAC 40 cumule 72,5 millions d'euros. Le vainqueur de cette course effrénée a perçu 4,4 millions. Et je n'inclus pas les stock-options.

Pour lutter contre les dérives, la loi NRE a limité le cumul des mandats, mais la loi du 26 octobre 2002 est revenue au statu quo ante. Et les recommandations suggérées par le Medef n'ont guère été suivies d'effets...

La sélection opérée par les grandes écoles se répercute de façon contraire à la démocratie. S'y ajoute la sous-représentation des femmes dans les conseils d'administration, malgré l'article premier de la Constitution.

Je ne suis pas adepte des quotas, qui risquent d'avoir des effets pervers. Faudrait-il un quota masculin à l'École nationale de la magistrature ?

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, rapporteur. - Pourquoi pas ? La sagesse des décisions y gagnerait.

M. Jacques Mézard. - Le volontarisme a besoin d'actes pour ne pas rester incantatoire.

Pour ces raisons, la très grande majorité du RDSE s'opposeront à la motion de renvoi en commission. (Applaudissements à gauche)

Mme Odette Terrade. - Après les rémunérations des mandats de direction, le groupe socialiste aborde aujourd'hui la composition des conseils d'administration. Cette discussion tournera court, sous le prétexte d'une proposition de loi en navette. Nous le regrettons. Quelque 98 mandataires sur 500 du CAC 40 concentrent 43 % des droits de vote. Il était donc juste d'étudier une restriction des cumuls. La non-discussion du texte est regrettable.

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, rapporteur. - Nous entamons bientôt des auditions !

Mme Odette Terrade. - En pratique, les propositions de loi émanant de l'opposition et des groupes minoritaires sont de moins en moins souvent discutées au fond. Certains parlementaires seraient-ils moins égaux que d'autres ?

Les femmes sont particulièrement sous-représentées dans les grandes entreprises. Areva est la seule société du CAC 40 à être dirigée par une femme !

Certaines entreprises cotées acceptent encore des salariés à leur conseil d'administration et comptent quelques militants syndicaux. Les formations valorisantes restent donc une chasse gardée des hommes diplômés des grandes écoles ou héritiers d'une grande famille.

Le monde économique pratique une discrimination généralisée à l'ensemble des femmes, leur moindre représentation aux conseils d'administration n'est que la partie émergée de l'iceberg.

Le sujet d'aujourd'hui a une dimension symbolique, mais nos collègues socialistes ont raison de lier la féminisation des conseils d'administration au cumul des mandats.

Notre pays est à la moyenne de l'Union européenne en matière de féminisation des conseils d'administration. La loi doit intervenir !

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, rapporteur. - Là-dessus, nous sommes d'accord.

Mme Odette Terrade. - Ne laissons pas des générations de filles patienter jusqu'en 2075 !

Nous regrettons vivement le renvoi en commission, qui repousse la solution de questions essentielles pour toute la société. (Applaudissements à gauche)

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, rapporteur.  - Ce n'est pas un refus d'en parler !

M. François Zocchetto. - Cette proposition de loi aborde le cumul des mandats sociaux, le cumul des fonctions entre entreprises publiques et privées, enfin la place des femmes dans la gestion des entreprises.

Des textes votés il y a une dizaine d'années ont vu leur portée réduite quant au cumul des mandats sociaux.

Mme Nicole Bricq, auteur de la proposition de loi.  - C'est vrai !

M. François Zocchetto. - Depuis, le cumul s'est encore accru.

Mme Nicole Bricq, auteur de la proposition de loi.  - Tout à fait.

M. François Zocchetto. - Que dirait-on si une centaine d'élus dirigeaient les 40 plus grandes villes ?

M. François Zocchetto. - Bonne comparaison.

M. François Zocchetto. - Nous devons donc élaborer une réforme applicable à toutes les entreprises. Je crois aux vertus de l'exemple : si la plus grosse société bougent, les petites suivront.

J'en viens au cumul entre secteur public et privé. Quelles que soient les incontestables qualités de M. Proglio, il lui est impossible de diriger deux grandes entreprises. J'ajoute que les entreprises publiques exercent une mission d'intérêt général, alors que les entreprises privées sont au service d'intérêts particuliers.

Le conflit d'intérêt est permanent, entre la direction d'une entreprise privée et celle d'une entreprise publique.

Spontanément hostile à la méthode des quotas, j'en reconnais les effets positifs pour la vie politique. Le simple vote de la proposition de loi Copé-Zimmermann a conduit à un changement d'attitude dans les grandes sociétés. Une augmentation de 50 % est considérable.

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, rapporteur. - Le chiffre est à vérifier !

M. François Zocchetto. - La présence des femmes améliore la gestion des entreprises, ne serait-ce que parce qu'elles cumulent moins de mandats. Et puis, elles n'ont pas la même approche du risque, ni du long terme.

La proposition de loi est une base très intéressante. J'ai écouté avec intérêt les arguments de Mme Bricq et de Mme Des Esgaulx ; je formule le souhait que le renvoi en commission puisse conduire à un texte applicable qui permette un changement rapide de la situation. (Applaudissements au centre)

M. Richard Yung. - En octobre 2009, les Français découvraient avec étonnement que M. Proglio cumulerait la direction d'EDF et celle de Veolia. Cela témoigne du mal français : une petite élite issue des mêmes milieux sociaux et des mêmes écoles cumule tous les postes de direction dans les entreprises. Qu'on ne dise pas que ce serait un gage de qualité : erreurs stratégiques et banqueroutes s'y commettent comme ailleurs. Notre proposition de loi est animée par une logique différente de celle de la proposition de loi Copé-Zimmermann : nous ne nous en tenons pas à la féminisation. Le discours du Medef en la matière n'est qu'un village Potemkine ! Il ne suffit pas que Mme Chirac soit appelée au conseil d'administration de LVMH pour que la réalité soit changée ! (Sourires)

L'élection d'administrateurs a tout, en fait, d'une cooptation -on a pu parler d'endogamie- et 22 % des administrateurs du CAC 40 concentrent 43 % des droits de vote. C'est encore pire pour les comités des rémunérations. Pour avoir suivi de près quelques conseils d'administration de la place de Paris, j'ai vu combien il est difficile de s'opposer au résident, qui est votre ami et qui siège dans votre propre conseil d'administration où vous comptez sur son vote... Ce n'est pas de la corruption mais une déviance morale et intellectuelle.

Je ne reviens pas sur le cas Proglio, M. Zocchetto ayant dit ce qui convenait. Le temps n'est pas élastique, si les rémunérations semblent l'être... Nous n'avons pas été convaincus par l'adoption de la proposition de loi du RDSE que le Sénat a vidée de sa substance. Désormais, un comité que je n'ose appeler Théodule...

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission. - Ce sont des gens très bien.

M. Richard Yung. - ...des hauts fonctionnaires qui diront au ministre s'il y a cumul ou pas. Les sanctions que nous proposons sont jugées lourdes mais pour avancer, il faut s'en donner les moyens.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission. - Nous en proposons d'autres !

M. Richard Yung. - Notre proposition de loi, qui va dans le sens de la modernisation de notre économie, est nécessaire, débattons-en. (Applaudissements à gauche)

Mme Jacqueline Panis. - L'UMP attache un grand intérêt à cette question. En 1985, M. Juppé a créé l'Observatoire de la parité. La loi du 6 juin 2000 sur la parité en matière électorale a été améliorée en 2003 et 2008. La réforme constitutionnelle de juillet 2008 a inscrit l'égalité des sexes à l'article premier de la Constitution. Les organisations patronales ont instauré un code de gouvernance.

Malgré ces efforts, que nous soutenons, il reste un gros travail à accomplir. Le rapporteur a bien dit que l'évolution naturelle et l'autorégulation ne suffiraient pas. Le Gouvernement a dit sa volonté d'agir ; comptez sur notre pugnacité pour que les choses avancent !

La proposition de loi reprend le chiffre de 40 % en vigueur en Norvège -dont nous avons vu l'efficacité de la législation en la matière.

Cependant, ce texte converge avec la proposition de loi Copé-Zimmermann sur certains points, pas sur tous comme le cumul des mandats. L'UMP souhaite prendre le temps de faire converger les deux textes. Le sujet est complexe et appelle le plus large consensus possible. C'est dans cet esprit que l'UMP votera le renvoi en commission. (Applaudissements à droite)

Mme Michèle André. - Cette proposition de loi est le fruit d'une réflexion de plusieurs années que la réforme constitutionnelle de juillet 2008 rend possible de traduire dans les textes. Passons donc des belles intentions aux actes.

L'Assemblée nationale a adopté le 20 janvier une proposition de loi cosignée par le président du groupe UMP et la présidente de la Délégation aux droits des femmes. Nous faisons le même constat. Faut-il se résigner, « faut-il pleurer, faut-il en rire » ?

L'été dernier, une étude nous a été remise sur la place des femmes dans les sociétés cotées. Elle montrait bien le plafond de verre auquel elles se heurtent. La parité, c'est l'égal accès -qui peut un jour protéger les hommes en politique, monsieur Mézard !

Même si l'on observe une légère amélioration récente, les pourcentages restent faibles et nous mettent très loin derrière les pays nordiques -où les pouvoirs publics ont pris des décisions contraignantes. En Norvège, où nous nous sommes rendues avec Mme Panis et nos collègues députées, le ministre à l'origine de ce texte, un industriel de la pêche, nous a dit n'être pas féministe et que, membre du parti conservateur, il a cependant jugé un tel texte indispensable -même s'il a peut-être fait perdre les élections à son parti. La contrainte, imposée par son successeur social-démocrate, était réelle ; elle a été efficace. Une loi qui impose peut changer la donne ! Les entreprises norvégiennes disposaient certes d'un vivier ; elles l'ont agrandi. La Norvège est un pays riche, menant une politique familiale très active : les jeunes parlementaires qui deviennent pères prennent un long congé de paternité, payé, pendant lequel leurs suppléants les remplacent ! Nous n'en sommes évidemment pas là !

Mme Nicole Bricq, auteur de la proposition de loi.  - C'est l'Europe du Nord !

Mme Michèle André. - Le non-cumul des mandats sociaux, que n'aborde pas la proposition de loi de l'Assemblée nationale, nous paraît indispensable à une augmentation de la place des femmes.

Les sanctions que nous proposons sont fermes ? Les exemples respectifs de la Norvège et de l'Espagne nous convainquent que la fermeté est indispensable.

Il est dommage de renvoyer notre texte en commission car il serait plus efficace que la proposition de loi Copé-Zimmermann. Je vous le demande, monsieur le président Romani, insistez auprès de la Conférence des Présidents pour que le texte de l'Assemblée nationale soit rapidement inscrit à notre ordre du jour.

M. le président. - Je le ferai, avec le président Hyest.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission.  - On l'a déjà dit !

La discussion générale est close.

Renvoi en commission

M. le président. - Motion n°1, présentée par Mme Des Esgaulx au nom de la commission.

En application de l'article 44, alinéa 5, du Règlement, le Sénat décide qu'il y a lieu de renvoyer à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale, la proposition de loi relative aux règles de cumul et d'incompatibilité des mandats sociaux dans les sociétés anonymes et à la représentation équilibrée des femmes et des hommes au sein des conseils d'administration et de surveillance (n° 291, 2009-2010).

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, rapporteur.  - Je l'ai défendue en discussion générale.

Mme Nicole Bricq, auteur de la proposition de loi.  - Je remercie nos collègues qui ont manifesté leur intérêt pour notre proposition de loi.

Un pas, même petit, vers l'égalité est toujours un grand pas vers l'humanité. Les femmes comme les pauvres sont victimes d'un plafond de verre. Quand la cause des femmes et celle des pauvres n'avancent pas ensemble, cela se termine mal.

L'attitude de rejet des propositions de loi de l'opposition est nuisible à la cause du Parlement. J'ai noté des convergences, avec M. Zocchetto par exemple, à propos des nouvelles formes de société, dans lesquelles le cumul est total.

Je n'introduis pas un nouveau seuil, je reprends la définition européenne de la grande entreprise. La ministre reflète le doxa en vigueur au Gouvernement, plutôt sans doute, je l'espère, que sa conviction intime, quand elle demande de ne pas infliger de contraintes supplémentaires aux entreprises. L'Union européenne est confrontée à une tourmente financière. La pression des marchés sur les entreprises cotées est autrement plus grave que l'évolution législative que nous appelons de nos veux. (Applaudissements à gauche)

Mme Nadine Morano, secrétaire d'État.  - La demande porte d'abord sur l'égalité salariale.

Mme Nicole Bricq, auteur de la proposition de loi.  - Oui.

Mme Nadine Morano, secrétaire d'État.  - Mais nous avons à combattre un ensemble de stéréotypes sexistes répandus dans les médias, à l'école.

Retrouvons-nous rapidement ! Nous ferons en sorte que la proposition de loi Copé-Zimmermann soit rapidement inscrite à votre ordre du jour. (Applaudissements à droite)

La motion n°1 est adoptée.

Mme Nicole Bricq, auteur de la proposition de loi.  - C'est dommage.

La séance est suspendue à 12 h 40.

présidence de Mme Catherine Tasca,vice-présidente

La séance reprend à 15 heures.