Solidarité dans l'alimentation en eau

Mme la présidente.  - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi relative à la solidarité des communes dans le domaine de l'alimentation en eau et de l'assainissement des particuliers, présentée par M. Christian Cambon et plusieurs de ses collègues du groupe UMP.

Discussion générale

M. Christian Cambon, auteur de la proposition de loi.  - Il y a un an exactement que j'ai déposé cette proposition de loi, dont l'article unique vise à renforcer la solidarité des communes dans le domaine de l'alimentation en eau et de l'assainissement des personnes en situation de précarité.

L'eau est devenue une ressource coûteuse pour nombre de nos concitoyens, résultat de la multiplication des normes de potabilité : l'éradication des conduites en plomb en Ile-de-France a, à elle seule, une incidence de 20 centimes par mètre cube ! La facture d'eau peut atteindre 400 à 500 euros par an, ce qui rend les conditions d'accès à l'eau potable économiquement inacceptables. L'OCDE et le Programme des Nations unies pour le développement (PNUD) ont fixé à 3 % des revenus la limite maximale souhaitable de ce poste de dépenses dans le budget d'un ménage.

Les travaux du Comité national de l'eau, présidé par M. Flajolet, ont aussi fait avancer les réflexions. Les propositions de l'Observatoire des usagers de l'assainissement d'Ile-de-France (Obusass), plus préventives, complètent mon approche curative. Je salue également celles du groupe CRC-SPG. Ces travaux devront être concrétisés dans le volet II du Grenelle de l'environnement.

Le dispositif que je propose est simple : il s'agit de permettre aux communes ou à leur groupement de financer un fonds de solidarité pour l'eau. Les sommes mobilisées devront être attribuées par les communes via leurs centres communaux ou intercommunaux d'action sociale aux personnes en difficulté afin de les aider à payer, en partie ou en totalité, leurs factures d'eau et d'assainissement. Les services d'eau pourront ainsi facturer au même prix tous les usagers et ne subventionner que le minimum vital d'accès à l'eau, évitant les effets de seuil qu'entraîne une tarification progressive.

Cela doit marquer une avancée sociale concrète, après des années de simples déclarations de bonnes intentions. Le 30 décembre 2006, nous votions la loi sur l'eau et les milieux aquatiques dont l'article premier consacre un « droit d'accès à l'eau potable pour chaque personne physique, pour son alimentation et son hygiène, dans des conditions économiquement acceptables par tous ». Insuffisamment précisé, ce droit n'a pu s'exercer concrètement.

Quant au dispositif de solidarité existant dans le cadre des Fonds de solidarité logement (FSL), il ne concerne que les personnes qui sont abonnées directement à un service de distribution d'eau et exclut tous ceux qui habitent des logements collectifs et paient l'eau dans leurs charges.

La tarification progressive instaurée par la loi sur l'eau, avec un prix diminué pour les premiers mètres cubes facturés, n'a rien d'une approche sociale, puisqu'elle récompense les ménages économes, et est inopérante pour les ménages en habitat collectif qui sont, in fine, pénalisés.

Initialement, j'avais souhaité permettre aux services d'eau de participer, sur une base volontaire et dans la limite de 1 % de leur budget, au financement des aides accordées aux personnes en difficulté. Toutefois, la commission de l'économie a souhaité remanier cette mesure afin de mieux respecter la compétence sociale des départements. Je remercie le Président Emorine et le rapporteur, M. Houel, de m'avoir associé à leurs travaux. La commission est parvenue à un dispositif consensuel qui a d'ailleurs recueilli un vote unanime.

Le rôle des FSL a été renforcé, le maire conservant cependant la capacité de saisine et d'avis. C'est lui qui connaît le mieux les familles en difficulté dans sa commune. Le travail a été fructueux et je souhaite un vote identique à celui de la commission de l'économie. Nous démontrerons ainsi que le Sénat est une force de proposition et de progrès social.

M. Jacques Mahéas.  - Ce serait bien la première fois...

M. Christian Cambon, auteur de la proposition de loi.  - Déjà, dans le passé, ce fut le Sénat qui, à l'initiative de notre ancien collègue M. Jacques Oudin, souhaita autoriser la solidarité des collectivités avec des pays pauvres. Soyons aussi réactifs en faveur de nos concitoyens en difficulté. (Applaudissements à droite)

M. Michel Houel, rapporteur de la commission de l'économie.  - Ce sujet, au-delà de nos appartenances politiques, nous intéresse tous en tant qu'élus locaux. Cette proposition de loi tend à autoriser les communes à financer un fonds de solidarité pour l'eau géré par les centres communaux ou intercommunaux d'action sociale. Le 30 décembre 2006, le Parlement votait la loi sur l'eau et les milieux aquatiques, consacrant le droit d'accès à l'eau potable dans des conditions économiquement acceptables par tous ». Quatre ans plus tard, l'eau est devenue chère et pour nombre de nos concitoyens, la dépense dépasse 3 % de leur budget, limite fixée par l'OCDE et par le PNUD. Le prix de l'eau a augmenté en raison de normes environnementales de plus en plus exigeantes. Mais évitons le catastrophisme : la facture d'eau ne représente en moyenne que 0,8 % du budget des ménages. Et les impayés d'eau sont modestes. Le mètre cube d'eau est fourni aux ménages à un prix raisonnable, environ 3 euros en moyenne. Enfin, le service public de l'eau français est parmi ceux qui donnent le plus satisfaction aux consommateurs, le faible taux de réclamation en témoigne.

Un véritable consensus politique existe sur la nécessité d'aider nos concitoyens les plus démunis à s'approvisionner en eau. Aujourd'hui, la solidarité repose sur un dispositif curatif, une aide au paiement des factures impayées. Une autre proposition de loi, basée sur les travaux de l'Obusass, a été déposée par le groupe CRC-SPG, tendant à établir un dispositif préventif et à faciliter l'accès des plus démunis au service public de l'eau par le versement d'une allocation aux personnes dont les charges d'eau représentent plus de 3 % du revenu. Cette initiative mérite d'être saluée mais nous avons souhaité qu'aboutisse d'abord le travail en cours associant le comité national de l'eau et le ministère de l'écologie. Souhaitons que le Gouvernement, à l'issue de la concertation, se prononce pour un tel dispositif préventif.

La présente proposition de loi s'inscrit dans le volet curatif. Le système mis en oeuvre au niveau local à travers les FSL montre ses limites. La commission a souhaité inscrire le mécanisme d'aide dans les dispositifs existants. Les petites communes qui ne disposent pas de CCAS sont mal équipées pour gérer le mécanisme prévu, qui pouvait également aboutir à créer un nouveau circuit de financement sans relation avec le FSL. Or, il importe que le système soit compréhensible ; il faut donc privilégier le guichet unique. Les communes ne sont pas toutes dans la même situation financière et une péréquation à l'échelle du département me semble la meilleure. Il convient enfin de faire référence au FSL, conformément à l'esprit de la réforme des collectivités territoriales, en soulignant le rôle de « chef de file » du département dans le domaine de l'aide sociale.

La commission a inclus les immeubles collectifs, pour résoudre une imperfection du système actuel. Un mode de calcul de la contribution aux charges d'eau sera défini par convention. Je précise que la commission s'est prononcée en faveur d'une diminution de 1 % à 0,5 % du taux de contribution initialement proposé. Le taux de 1 % d'impayés incluait en effet les cessations d'activité, les règlements judiciaires, les départs sans adresse. Nous ne souhaitions pas qu'un prélèvement sur la facture des abonnés domestiques couvre d'autres motifs que la solidarité à l'égard des plus démunis...Ce taux de 0,5% représentera quand même 50 millions, ce qui est suffisant.

La commission a choisi d'étendre le dispositif aux régies et aux délégataires. Dans la rédaction initiale de la proposition, il subsistait en effet un vide juridique concernant la fourniture d'eau potable par un opérateur externe à la collectivité, public ou privé. Les opérateurs pourront, sur une base volontaire, participer au financement des aides -ce qui réduit les frais de gestion liés aux procédures d'abandon de créance...

Enfin, la commission a voulu conforter le rôle du maire, dont nous reconnaissons le rôle déterminant. Le gestionnaire du FSL l'informera de toute demande reçue et sollicitera son avis avant d'attribuer des aides ; le maire pourra également saisir le gestionnaire du fonds pour instruction d'une demande d'aide spécifique. Toutefois, pour ne pas retarder le versement de l'aide, nous avons prévu que sans réponse du maire dans un délai d'un mois, son avis sera réputé favorable.

Le texte que la commission a adopté à l'unanimité des groupes politiques constitue un compromis, il préserve les compétences des différents niveaux de collectivités tout en assurant un rôle accru au maire dans l'attribution des aides. Je vous invite à confirmer ce vote unanime ! (Applaudissements sur les bancs UMP)

Mme Chantal Jouanno, secrétaire d'État chargée de l'écologie.  - C'est une très belle initiative parlementaire sur un sujet noble, qui devrait être au coeur des politiques publiques. L'absence d'eau ou l'utilisation d'une eau sale sont en effet des causes importantes de mortalité : dans le monde, 2 millions de personnes en meurent chaque année. Or l'assainissement et l'accès à l'eau potable ne figurent même pas dans les Objectifs de développement du Millénaire, ils ne sont qu'un sous-objectif du huitième objectif. Pourtant, sans eau, pas de vie. Je me suis battue sur cette question au nom de la France lors du forum mondial de l'eau, à Istanbul, en mars dernier. Et je reviendrai à la charge lors du prochain forum qui se déroulera en France en 2012.

Cette proposition de loi s'inscrit dans la logique du droit d'accès à l'eau, qui doit devenir une priorité politique au plan international comme au plan national. Elle traduit pour la première fois le principe posé par la loi sur l'eau de 2006, selon lequel chaque personne physique doit avoir accès à l'eau potable dans des conditions économiquement acceptables. Dans ce domaine, le délit par omission est une réalité. Il faut donc agir, mais avec pragmatisme, en évitant les fausses évidences comme « l'eau gratuite » car si l'eau est gratuite, aucun service d'adduction ou d'assainissement ne l'est et les ONG ne le réclament pas, pour éviter les gaspillages. Le volet préventif de cette action consiste à limiter la facture d'eau à 3 % des revenus du ménage. Un consensus s'est dégagé sur cette question lors du dernier congrès de l'Association des maires de France (AMF) et le Comité national de l'eau s'en est emparé. Nous l'inscrirons au plus vite dans la loi.

Ce texte organise la solidarité pour l'accès à l'eau. Il a été enrichi par la commission et je remercie Michel Houel pour son rapport complet, que j'ai lu avec grand intérêt. Cette proposition de loi propose de créer une nouvelle ligne de financement, correspondant à 0,5 % de la facture d'eau, pour financer le dispositif de solidarité. Le rôle du Fonds de solidarité pour le logement (FSL) sera renforcé, tout en restant le guichet unique pour les aides dans ce domaine. 20 FSL n'interviennent pas encore pour l'eau. Les 80 autres aident 55 000 personnes. Ce n'est pas accessoire. Le maire est replacé au centre du dispositif. C'est justifié car cet élu est le premier interlocuteur de proximité et de solidarité.

Je vous remercie pour cette proposition de loi : elle traite d'un sujet qui me tient particulièrement à coeur. Elle marque une première étape avant que ce sujet soit abordé à l'échelle internationale et je me réjouis du fait qu'elle ait été adoptée à l'unanimité par la commission. (Applaudissements à droite et au centre)

M. Paul Raoult.  - Selon la charte européenne des régies, l'eau, source de toute vie, constitue un droit fondamental, inaliénable, universel et imprescriptible. Ce bien public d'intérêt général ne peut être considéré comme une marchandise. Cette idée inspire l'article premier de la loi sur l'eau et les milieux aquatiques, qui n'avait jusqu'ici fait l'objet d'aucun texte d'application. Vous nous proposez ici un texte a minima dont la vertu majeure est de conforter le rôle du FSL, créé en 1990 et sous la tutelle du département depuis 1995. Ce fonds a déjà la possibilité d'intervenir pour aider les personnes qui ne peuvent payer leur facture d'eau ; ce texte prévoit que le montant maximum de cette aide peut s'élever à 0,5 % du montant hors taxes des recettes d'eau et d'assainissement et précise que l'avis du maire sera nécessaire dans un délai d'un mois.

L'eau est devenue un bien cher, inaccessible aux plus démunis : à 3 ou 4 euros le mètre cube, la facture s'élève entre 360 et 480 euros par an, soit bien plus que 3 % du revenu pour un ménage qui ne touche qu'un RMI, un RSA, voire un Smic si les charges locatives sont élevées. Tous les FSL ne fonctionnent pas correctement : 50 % d'entre eux ne prennent pas l'eau en charge ; 20 % des départements n'ont pas de fonds. Ces structures sont-elles prêtes à s'impliquer davantage, d'autant que les départements sont au bord de l'asphyxie financière ? Faut-il prévoir en plus une aide des CCAS en vertu de la loi du 13 août 2004, qui prévoit que toute personne rencontrant des difficultés a droit à une aide de la collectivité pour se fournir en eau et en électricité ? Cela suppose, de la part des communes, une volonté politique et une capacité financière difficiles à mobiliser dans le contexte actuel.

Cette proposition de loi est intéressante mais insuffisante. Le pouvoir d'achat des plus démunis baisse alors que le prix de l'eau augmente plus que l'inflation pour des raisons réglementaires et techniques, ainsi qu'avec le coût de l'assainissement. Demander à ceux qui paient leur facture d'eau d'être solidaires de ceux qui ne peuvent l'assumer revient à faire payer les pauvres pour les plus pauvres. En outre, nous devrons augmenter le prix de l'eau pour assumer cette nouvelle dépense, au risque que davantage de ménages ne puissent plus payer leur facture. Il faut créer une sorte de bouclier social qui limiterait la facture d'eau et d'assainissement à 3 % du revenu. Ainsi serait garanti un véritable droit à l'eau sous la forme d'une allocation de type APL. Nous pourrions aussi mettre en place une tarification progressive par tranche, développer la mensualisation, mieux organiser le système de relance des factures et ainsi, ne pas laisser les familles s'enfoncer dans l'endettement.

La création d'une nouvelle allocation assurerait le droit à l'eau selon un principe de solidarité au niveau national, entre tous les ménages. Ainsi pourraient être pris en compte les 46 % de ménages qui paient l'eau avec les autres charges collectives. Les dépenses contraintes absorbent presque la totalité des revenus des ménages pauvres : 8 millions de Français vivent avec moins de 908 euros par mois, le seuil de pauvreté, fixé à 60 % du revenu médian ; 4,28 millions touchent moins de 757 euros ; 3,3 millions perçoivent les minima sociaux, entre 300 et 700 euros. Face à cette montée de la précarité, il faut attendre les résultats de la réflexion du Comité national de l'eau.

Cette proposition de loi perd une partie de son sens car il faudrait mener de front les aspects curatifs et préventifs de la politique de l'eau. Ce texte est donc un peu précipité. J'attends des propositions plus complètes et plus cohérentes dans les semaines qui viennent. (Applaudissements sur les bancs socialistes et sur les bancs RDSE)

M. François Fortassin.  - Je salue l'initiative de M. Cambon. Toutefois, ce texte, même fortement amélioré par la commission, comporte des lacunes qu'il est de mon devoir de souligner. Nous avons peut-être manqué l'occasion de donner un nouveau souffle à la question de l'eau. L'action de solidarité la plus noble est, sans doute, le partage de l'eau. Or chercher à garantir l'accès de toutes les familles à l'eau n'est pas forcément le chemin qui y mène.

Quel est le problème posé ? Garantir une eau de qualité, en quantité suffisante et à un prix acceptable pour le consommateur. Il faut donc préférer l'eau d'origine gravitaire à l'eau de pompage. Son coût, s'il est bien plus cher au moment de la réalisation des travaux, se révèle inférieur ensuite, un réseau durant entre cinquante et quatre-vingts ans. Le principe de précaution, c'est l'eau gravitaire ; la facilité, c'est le pompage. Cela doit être dit au Sénat !

Mettre les maires au coeur du dispositif est une bonne chose, mais à condition de ne pas oublier que ces maires, dans leur grande majorité, sont les otages des sociétés fermières. Celles-ci répugnent à leur donner les plans de réseau lorsqu'ils veulent, au moment du renouvellement des contrats, passer d'un système de délégation à un système de régie. Et même si elles acceptent de le faire, les plans, établis il y a quelque cinquante ans, sont inexacts. Dans ces conditions, les maires éprouvent d'énormes difficultés à faire face à leur population quand les coupures d'eau se multiplient.

Inciter nos concitoyens à économiser l'eau est une vieille lune quand nous savons que les pertes sont liées à la vétusté des réseaux...

M. Yves Pozzo di Borgo.  - Pas à Paris !

M. François Fortassin.  - ...pour 30 à 50 %.

M. Dominique Braye.  - Juste ! A Paris, il y a un très bon rendement !

M. François Fortassin.  - L'économie d'une vingtaine de litres par habitant sur une consommation moyenne annuelle de 130 à 140 litres ne résoudra pas la question, il faut s'attaquer au renouvellement des réseaux.

Par respect du principe d'égalité républicaine, auquel nous sommes plusieurs à être très attachés, il faudrait fixer un prix unique de l'eau. Mais est-il logique de pénaliser les syndicats vertueux ou les zones qui font office de château d'eau par rapport aux autres ?

Nous avons besoin d'une pédagogie de l'eau, de faire accepter ce véritable partage par nos concitoyens, de responsabiliser les usagers. Si certains consommateurs ne peuvent pas payer, certains ne le veulent pas. Et quelques syndicats ne montrent pas de zèle à les faire payer. Le syndicat auquel j'appartiens est l'un des plus importants de France : il gère 8 500 kilomètres de canalisations avec des abonnés parfois situés à 130 kilomètres de la source. Notre taux de recouvrement est de 98 %, contre 70 à 75 % seulement dans d'autres syndicats. Les habitants du Gers, du Comminges et de la Barousse ne sont pas plus riches. Simplement, nous faisons la chasse aux mauvais payeurs en utilisant parfois la méthode de réduction du débit. Très efficace !

Malgré ces réserves, le groupe du RDSE votera cette loi, qui présente toute de même des avantages incontestables ! (Applaudissements sur les bancs UMP)

Mme Éliane Assassi.  - Le droit d'accès à l'eau est l'un des défis majeurs du XXIe siècle, un enjeu de civilisation. Son affirmation, à l'article premier de la loi sur l'eau et les milieux aquatiques, est hélas restée purement déclaratoire : l'eau représente aujourd'hui jusqu'à 14 % des ressources d'un foyer. Ce texte permet-il de garantir le droit à l'eau ? Non ! D'abord parce que les dispositifs optionnels ont fait depuis longtemps la preuve de leur inefficacité. Ensuite, vous ne vous attaquez pas aux véritables causes de dysfonctionnement de ce service public. Soit, la commission est revenue sur la proposition initiale de M. Cambon qui confiait généreusement aux collectivités la responsabilité du financement des impayés d'eau. Quand les compétences et l'autonomie financière des collectivités ont été récemment réduites, celle-ci aurait abouti à socialiser les pertes et à privatiser les profits. Mais réintégrer ce dispositif au sein du Fonds solidarité logement ne suffit pas. Pour exemple, la réintégration des logements collectifs dans le FSL-eau dépendra du seul bon vouloir des départements. L'appel à la générosité des délégataires avec le principe de la contribution facultative au FSL, déjà prévu à l'article 6-3 de la loi de 1990, n'a pas connu un franc succès : leur contribution est seulement de 3 millions via l'abandon de créances quand la facturation d'eau s'élève à 11 milliards. Faire croire que ce texte innove tient de la malhonnêteté intellectuelle ! Renforcer la contribution des entreprises est pourtant une nécessité en ces temps de désengagement de l'État. Depuis 2004, la gestion et le financement des FSL ont été transférés aux départements, mais sans les moyens correspondants : en 2008, la compensation était de 93 millions quand le financement des aides représente 220 millions. D'où la limitation des aides à 72 000 foyers. En plafonnant la contribution des opérateurs à 0,5 % des recettes provenant du service de l'eau, ce texte fait preuve d'un manque d'exigence envers les opérateurs, sans compter qu'il laisse perdurer le schéma actuel : une tarification trop importante de l'eau pour les usagers, une explosion des bénéfices pour les entreprises délégataires.

Le système proposé, en se voulant uniquement préventif dans le cadre du FSL, accepte de fait les inégalités d'accès au service public de l'eau et s'apparente finalement, faute de moyens et d'ambition, plus à un correctif social qu'à la mise en oeuvre d'une véritable politique publique. Certes, des dispositifs d'urgence sont nécessaires, compte tenu, notamment, de la situation sociale, mais la priorité est bien une politique publique différente dans ce secteur.

Les dérives constatées sur la tarification de l'eau montrent l'absurdité qu'il y a à considérer ce « patrimoine commun de la Nation » comme une simple marchandise et c'est pourquoi notre groupe avait défendu, lors de la discussion de la loi sur l'eau, que l'accès pour tous à cette ressource était un droit fondamental.

Nous prônons le retour progressif à une gestion intégralement publique de la distribution de l'eau afin que celle-ci réponde à l'intérêt général et que les bénéfices soient affectés exclusivement à l'amélioration de ce service public. Pour franchir un premier pas dans cette direction, nous avons déposé une proposition de loi alliant la définition du droit d'accès à l'eau et la mise en place d'une allocation de solidarité, tout en respectant le principe de péréquation nationale. Malgré vos propos sur l'intérêt de notre dispositif, vous n'avez pas voulu en débattre aujourd'hui en déclarant nos amendements irrecevables et en renvoyant cette question à de futurs débats à l'Assemblée nationale. Nous surveillerons de près ces débats... Pourtant, légiférer uniquement sur le volet curatif ne répondra pas à l'objectif de la Lema de donner « un droit d'accès de tous à l'eau dans des conditions économiquement acceptables ». C'est pourquoi mon groupe ne votera pas, aujourd'hui, un dispositif incomplet et redondant avec la législation actuelle sans avoir pu débattre de l'instauration d'un volet préventif.

Je voudrais saluer le travail de l'Observatoire des usagers de l'assainissement d'Ile-de-France et -et c'est assez rare pour le souligner- dire à notre collègue Cambon combien nous avons été sensibles au dépôt de sa proposition de loi qui a le mérite de poser la question de la solidarité dans le domaine de l'accès à l'eau.

M. Alain Houpert.  - Cette proposition de loi renforce la solidarité des communes dans le domaine de l'alimentation en eau et de l'assainissement pour les personnes en situation de précarité. Il faut saluer l'inscription en séance publique de ce texte qui entre dans le contexte plus général de la Lema de décembre 2006, qui garantit un droit « d'accès à l'eau potable pour chaque personne physique, pour son alimentation et son hygiène, dans des conditions économiquement acceptables par tous ».

Cette proposition de loi se situe également dans un contexte économique difficile où l'eau est de plus en plus chère, en raison notamment de la multiplication des normes environnementales. Cette initiative d'un dispositif permettant aux communes de mener une véritable politique sociale dans ce domaine, afin d'aider les plus démunis, doit être soutenue car force est de constater que la concrétisation du droit d'accès à l'eau potable, reconnu dans la loi de 2006, rencontre de réels obstacles.

La proposition de loi vise avant tout à compléter des dispositifs existants dont l'efficacité a été mise en cause. En ce qui concerne l'instauration d'un dispositif préventif, je suis tout à fait d'accord avec le rapporteur pour attendre les résultats de la concertation en cours entre le Comité national de l'eau et le ministère de l'écologie avant d'engager toute modification législative. Mais il faut aboutir dans des délais raisonnables et le Gouvernement doit nous donner des assurances à ce sujet.

Aujourd'hui, l'aide aux foyers les plus modestes repose essentiellement sur un dispositif « curatif » qui aide au paiement des factures d'eau et cette proposition de loi complète ce dispositif. La solution adoptée par la commission de l'économie nous paraît intéressante. Une action sur la tarification sociale de l'eau est absolument nécessaire. Un consensus politique existe sur la nécessité d'aider les foyers qui en ont le plus besoin à payer leurs factures d'eau, et le dispositif retenu par la commission paraît opportun : nécessaire inscription du mécanisme d'aide dans le cadre des dispositifs existants pour maîtriser les coûts de gestion, mise en oeuvre d'une solidarité entre les communes et référence au FSL, rôle de chef de file du département dans le domaine de l'aide sociale. Il est en effet important de renforcer les mécanismes qui relèvent de l'entière responsabilité du département. Il ne faut pas créer un nouveau circuit de financement, allant du service d'eau aux centres communaux ou intercommunaux d'action sociale, sans relation avec le dispositif du FSL, alors même que l'aide aux personnes en difficulté relève des attributions de celui-ci. Avec le texte initial, le risque était réel.

L'introduction des immeubles collectifs dans le périmètre des foyers aidés répond à une lacune du système actuel et rend vraiment opérationnel le dispositif d'aide au paiement des charges d'eau. Par ailleurs, nous soutenons l'extension du dispositif d'aide aux régies et aux délégataires. Enfin, et c'est très important pour nous, la reconnaissance du rôle déterminant du maire, compte tenu de sa connaissance du terrain et des familles démunies. Le dispositif adopté par la commission nous convient, à savoir l'information du maire par le gestionnaire du FSL de toute demande reçue et la sollicitation de son avis avant d'attribuer les aides. Le maire, qui pourra également saisir le gestionnaire du FSL pour instruire une demande d'aide spécifique, n'est donc pas marginalisé, il reste au coeur du dispositif comme le souhaitait l'auteur du texte initial.

Le groupe UMP, unanime, votera ce texte, avancée notable et pragmatique qui concrétise le droit, fondamental, d'accès à l'eau potable pour tous. (Applaudissements à droite)

M. Jacques Mahéas.  - D'où vient cette loi ? M. Cambon se souvient que nous en avons discuté au Syndicat des Eaux d'Ile-de-France (Sedif). C'est parti d'une proposition de remplacer de luxueuses publications par une aide à des pays en voie de développement francophones. M. Cambon a assuré avec dévouement la mise en place de cette aide et, forts d'avoir aidé des étrangers démunis, nous avons eu l'idée de regarder ce qu'il en était chez nous. Cette proposition de loi a donc le mérite d'exister, même si elle n'est... qu'une goutte d'eau.

Contrairement à ce qu'énonçait l'article premier de la loi de 2006, les conditions économiques d'accès à l'eau ne sont toujours pas acceptables. Au contraire, les ménages sont plus nombreux à y consacrer plus de 3 % de leurs revenus. La facture moyenne est de 21 euros, soit 5 % du RMI. La solidarité doit s'exercer car il s'agit d'un service public vital.

Les possibilités de financement de l'aide existent déjà, même si les départements en assument seuls la charge. Le groupe socialiste avait déposé un amendement rendant obligatoire l'aide du FSL. La proposition de loi se calque sur l'existant sans apporter d'autres garanties financières et je crains qu'elle ne se limite à un simple effet d'annonce au moment où votre politique libérale augmente la précarité. Elle peut vous donner bonne conscience mais elle est trop peu contraignante pour être efficace. Dans les amendements, je calculerai la participation du Sedif et je ne retrouve pas vos 50 millions. Ce texte modifie à la marge, extrêmement à la marge, la possibilité d'aider les plus démunis.

Le texte initial de M. Cambon était plus ambitieux : le taux y était fixé à 1 %, mais le Gouvernement s'y est sans doute opposé. Je salue l'effort de M. Cambon. Quant à vous, madame la ministre, j'apprécie votre discours, mais il est temps de passer aux actes !

Nous prenons date. Un jour, il faudra enfin créer un tarif social de l'eau. Voilà qui recueillerait l'assentiment unanime du Sénat !

La discussion générale est close.

présidence de M. Guy Fischer,vice-président

Discussion des articles

Article unique

1° Après l'article L. 2224-12-3 du code général des collectivités territoriales, il est inséré un article L. 2224-12-3-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 2224-12-3-1. - Pour contribuer au financement des aides attribuées en application de l'article L. 115-3 du code de l'action sociale et des familles pour permettre à toute personne ou famille, résidant en immeuble individuel ou en immeuble collectif d'habitation et éprouvant des difficultés particulières en raison notamment de l'insuffisance de ses ressources ou de ses conditions d'existence, de disposer de la fourniture d'eau, les communes ou leurs groupements chargés des services publics d'eau potable et d'assainissement, les délégataires en charge de la gestion de ces services en application de l'article L. 1411-1, ainsi que les régies constituées en application de l'article L. 2221-10, peuvent attribuer une subvention au gestionnaire du fonds de solidarité pour le logement mentionné à l'article 6 de la loi n°90-449 du 31 mai 1990 visant à la mise en oeuvre du droit au logement.

« Une convention détermine les règles de calcul ainsi que les modalités d'attribution et de versement de cette subvention, dont le montant ne peut excéder 0,5 % des montants hors taxes des redevances d'eau ou d'assainissement perçues par le service d'eau ou d'assainissement.

« Le gestionnaire du fonds informe le maire de toute demande reçue et sollicite son avis avant de procéder à l'attribution des aides. Sans réponse du maire dans un délai d'un mois, cet avis est réputé favorable. Sans préjudice des dispositions précédentes, le maire peut saisir le gestionnaire du fonds pour instruction d'une demande d'aide. » ;

2° Le I de l'article L. 2572-40 du code général des collectivités territoriales est ainsi rédigé :

« I. - Les articles L. 2224-7 à L. 2224-12-3, L. 2224-12-4 et L. 2224-12-5 sont applicables aux communes de Mayotte. » ;

3° A l'article L. 2571-2 du code général des collectivités territoriales, avant la référence : « L. 2224-12-4 », est ajoutée la référence : « L. 2224-12-3-1, » ;

4° Au 2° de l'article L. 6213-7 du code général des collectivités territoriales, après les mots : « titres Ier », sont insérés les mots :

« à l'exception de l'article L. 2224-12-3-1 ».

M. le président.  - Amendement n°6, présenté par M. Paul Raoult et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Alinéa 3

Après les mots :

Une convention

insérer les mots :

passée avec le gestionnaire du fonds de solidarité pour le logement

M. Paul Raoult.  - Il serait utile de préciser que la convention est passée avec le gestionnaire du FSL, c'est-à-dire, dans la plupart des cas, le conseil général. Il s'agit de fixer les règles de calcul, les modalités d'attribution et de versement des subventions par les communes ou leurs groupements, les délégataires de service public et les régies.

M. Michel Houel, rapporteur.  - Si la gestion du FSL entre dans les compétences des départements, l'article 65 de la loi du 13 août 2004 leur a permis de la déléguer aux communes par convention. Le décret du 2 mars 2005 prévoit que, dans ce cas, les communes ou les EPCI rendent compte chaque année au conseil général de la gestion des fonds locaux.

La précision apportée par l'amendement est utile. Avis favorable.

Mme Chantal Jouanno, secrétaire d'État.  - Même avis.

L'amendement n°6 est adopté.

M. le président.  - Amendement n°8, présenté par M. Paul Raoult et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Alinéa 3

Après les mots :

de versement

insérer les mots :

au volet « eau » des fonds de solidarité pour le logement

M. Paul Raoult.  - Depuis 2005, les fonds d'aides aux impayés d'énergie, d'eau et de services téléphoniques ont été progressivement intégrés aux FSL dont l'action était auparavant centrée sur l'accès au logement ou le maintien dans le logement. Or, aujourd'hui encore, de nombreux départements n'accordent pas d'aides au paiement de l'eau. Il est important de préciser que les prélèvements sur les montants hors taxes des redevances perçues par les services d'eau ou d'assainissement abonderont le volet « eau » des FSL, autrement dit que l'eau ira à l'eau. Ne perdons pas de vue notre objectif : faciliter l'accès à l'eau des plus démunis.

M. Michel Houel, rapporteur.  - Les services d'eau peuvent déjà abonder le volet « eau » des FSL ; mais jusqu'à présent, les fonds manquaient. Cet amendement est trop restrictif, puisque le volet « eau » des FSL concerne surtout les abonnés à titre individuel. Or 43 % des ménages sont abonnés collectivement : la facture d'eau est alors intégrée aux charges collectives. La commission veut permettre aux services d'eau d'abonder l'intégralité des FSL, et pas seulement leur volet « eau », afin que tous les ménages soient concernés. Avis défavorable.

Mme Chantal Jouanno, secrétaire d'État.  - Même avis.

L'amendement n°8 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°7, présenté par M. Paul Raoult et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Alinéa 3

Remplacer le pourcentage :

0,5 %

par le pourcentage :

1 %

M. Jacques Mahéas.  - Encore un effort, chers collègues : portez le taux à 1 % ! Nous souhaitons nous aussi qu'un concours financier puisse être versé au FSL départemental car plusieurs départements, dont la Seine-Saint-Denis, connaissent actuellement de graves difficultés financières. Une aide, si minime soit-elle, sera bienvenue. Mais calculons : le Sedif regroupe plus de 140 communes, où vivent 4,2 millions d'habitants ; son budget s'élève à 540 millions d'euros, dont les deux tiers couvrent des frais de fonctionnement. Or le prix de l'eau est constitué à 57 % par des taxes. Si mes calculs sont exacts, le prélèvement ne porterait donc que sur 232 millions d'euros. Si son taux est de 0,5 %, son produit s'élèvera à 1,16 million d'euros, soit 0,25 euro par habitant. Une goutte d'eau ! Je vous propose de doubler cette goutte d'eau.

M. Michel Houel, rapporteur.  - Il y a des gouttes d'eau qui coûtent beaucoup d'argent...

M. Jacques Mahéas.  - Nous contestons vos chiffres !

M. Michel Houel, rapporteur.  - Le taux de 1 % est trop élevé : la proportion d'abandons de créance résultant d'impayés dus à des difficultés financières est située pour les abonnés directs entre 0,1 et 0,2 %. Le taux de 1 % correspondrait à l'ensemble des abandons de créance : cessation d'activité, règlement judiciaire, départ sans adresse... Le taux de 0,5 % permettra de dégager une enveloppe d'environ 50 millions d'euros. Évitons qu'un prélèvement sur la facture des abonnés domestiques serve à couvrir les abandons de créance résultant d'autres causes que financières ! J'ai confiance en la gestion des départements. Avis défavorable.

Mme Chantal Jouanno, secrétaire d'État.  - Ce texte constitue une nette avancée. Auparavant, il n'était pas possible d'opérer un prélèvement sur les factures d'eau, mais seulement sur le budget général ou les bénéfices. Le taux de 0,5 % suffira à couvrir les besoins en curatif. Attendons les conclusions des travaux du Comité national de l'eau, attendues le 15 février. Cette loi sera d'ailleurs suivie d'une autre, à caractère préventif, pour laquelle il faudra aussi prévoir un financement.

M. Jacques Mahéas.  - M. Cambon avait fixé le taux à 1 % ; la commission l'a diminué de moitié, réduisant ainsi la portée de la loi. Pourtant, la crise est profonde ! Sans doute suis-je l'élu d'un département, la Seine-Saint-Denis, où elle est particulièrement grave. J'ai reçu aujourd'hui une brochure de campagne de Mme Pécresse (l'orateur brandit ce document) où l'on impute à M. Huchon la pénurie et la cherté des logements. Il est vrai que les gens n'arrivent plus à se loger dans le parc privé : restent donc les logements sociaux. Mais même là, certains ménages ont du mal à acquitter leurs factures. Il arrive que des gens soient privés de gaz en plein hiver : c'est indécent ! On ne coupe plus l'eau. Cela arrivait encore il n'y a pas si longtemps : j'ai connu la tonne d'eau au pied de l'immeuble ! Il est désolant de voir refuser un taux de 1 % pour des motifs purement financiers !

C'est une question de survie pour certaines familles menacées d'expulsion. Si on peut faire un effort, faisons-le.

Mme Chantal Jouanno, secrétaire d'État.  - Ce n'est pas le Gouvernement qui modifie la proposition de loi mais la commission. Il n'est pas très décent de mener la campagne des régionales dans cet hémicycle. (« Très bien ! » à droite)

M. Jacques Mahéas.  - Cela vous met en difficulté !

M. Dominique Braye.  - Vous n'avez jamais su faire la séparation des genres !

L'amendement n°7 n'est pas adopté.

L'amendement n°1 n'est pas défendu.

L'article unique, modifié, est adopté.

Articles additionnels

M. le président.  - Amendement n°9, présenté par M. Paul Raoult et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Après l'article unique, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après la première phrase de l'article L. 2224-12-1 du code général des collectivités territoriales, il est inséré une phrase ainsi rédigée :

Le conseil municipal ou l'assemblée délibérante du groupement de collectivités territoriales peut définir une catégorie d'usagers éprouvant des difficultés particulières au regard notamment de son patrimoine, de l'insuffisance de ses ressources ou de ses conditions d'existence et bénéficiant en conséquence d'un tarif social de l'eau en application de l'article L. 210-1 du code de l'environnement.

M. Paul Raoult.  - Il faut lever une ambiguïté du code des collectivités territoriales. Quel tarif envisager pour les familles en difficulté ? Des collectivités expérimentent un tarif progressif dont la première tranche couvre les besoins essentiels en eau : un tarif uniforme spécial profite d'abord aux plus modestes. On le fait depuis 2005 pour l'électricité et depuis 2008 pour le gaz. Le Gouvernement envisage de le faire pour le haut débit parce qu'il répondrait à un besoin essentiel. Pourquoi ne pas l'envisager pour l'eau ? Il n'y pas de besoin plus essentiel !

M. Michel Houel, rapporteur.  - Je ne rejette nullement l'objectif mais le Comité national de l'eau va bientôt faire des propositions. Certains auraient préféré qu'on les attende (M. Jacques Mahéas le confirme) mais nous ne sommes pas maîtres de la programmation des textes. Un tarif social est déjà possible grâce à l'article 3 de la Lema. Avis défavorable ou retrait.

M. Paul Raoult.  - Je vais retirer l'amendement car il est en effet possible depuis le 1er janvier, mais nous devons préciser cette application.

L'amendement n°9 est retiré.

M. le président.  - Amendement n°10, présenté par M. Paul Raoult et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Après l'article unique, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

La première phrase du III de l'article L. 2224-12-4 du code général des collectivités territoriales est complétée par les mots : « , soit sur la base du tarif applicable à la catégorie d'usagers correspondante. »

M. Paul Raoult.  - C'est la même problématique et le même retrait.

L'amendement n°10 est retiré.

M. le président.  - Amendement n°11, présenté par M. Paul Raoult et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Après l'article unique, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après le premier alinéa de l'article L. 115-3 du code de l'action sociale et des familles, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Cette aide peut être versée soit de façon préventive lorsqu'il est établi que la personne ne peut accéder à l'eau potable pour son alimentation et son hygiène dans des conditions économiquement acceptables, soit de façon curative lorsque la personne se trouve dans l'impossibilité d'assumer ses obligations relatives au paiement des fournitures d'eau. »

M. Paul Raoult.  - L'article L. 115-3 du code de l'action sociale est interprété dans un sens restrictif, de sorte que seules les aides curatives semblent autorisées. D'où cette précision relative aux aides préventives. Nous avons déjà eu le débat sur la prévention et le droit à l'eau, lié à la possibilité d'une allocation qui serait fonction des revenus de la personne. Il faut s'appuyer sur la solidarité nationale. Certes, le texte représente une avancée. Allez cependant expliquer qu'on prélève sur les paiements des plus riches à la régie municipale pour financer la facture d'eau des plus pauvres. C'est très difficile à faire et à faire comprendre dans les petites communes : la solidarité nationale doit éviter que la solidarité territoriale varie selon les départements et les délégataires.

M. Michel Houel, rapporteur.  - Nous sommes ici dans un système curatif et non préventif. Il y a 20 000 syndicats ou organismes et le maire peut signer une convention avec le département, 80 % d'entre eux étant dans le FSL. En outre, vous introduisez une disposition spécifique à l'eau dans un article qui a un caractère général et concerne aussi le gaz et l'électricité. Attendons les propositions du Comité national de l'eau. Avis défavorable.

Mme Chantal Jouanno, secrétaire d'État.  - Même avis.

M. Paul Raoult.  - Peut-on imaginer que, dans un HLM, on fasse payer plus à certains locataires pour aider les autres ? Ce serait absurde.

M. Christian Cambon, auteur de la proposition de loi.  - Et les cantines scolaires ?

M. Paul Raoult.  - Une solidarité territoriale crée des inégalités. Nous aurons un autre débat et le président du Comité national de l'eau, André Flajolet, qui est très ouvert, nous a annoncé ce matin des propositions très consensuelles. Nous les attendons avec beaucoup d'impatience.

M. Christian Cambon, auteur de la proposition de loi.  - Quelque respect que j'aie pour notre collège, j'avoue ne pas comprendre pourquoi il ne saurait y avoir de solidarité au niveau communal. A quoi servent les centres communaux d'action sociale, et ceux qui peuvent ne paient-ils pas la cantine plus cher que d'autres ?

M. Paul Raoult.  - Il y a des communes riches et des communes pauvres...

L'amendement n°11 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°4, présenté par Mme Didier et les membres du groupe CRC-SPG.

Après l'article unique, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le dernier alinéa de l'article L. 213-1 du code de l'environnement est complété par les mots : « et de remettre chaque année un rapport d'évaluation sur la mise en oeuvre du droit à l'eau prévu à l'article L. 210-1 du code de l'environnement ».

Mme Éliane Assassi.  - Nos autres amendements ayant été déclarés irrecevables au titre de l'article 40, je me fais un devoir de défendre celui-ci, qui demande que le Comité national de l'eau présente un rapport annuel, cohérent avec la mission qui est la sienne.

L'information des citoyens et de leurs représentants est au coeur de la démocratie.

La commission nous a promis un avis favorable si nous supprimions la référence à la périodicité. Mais « un tiens vaut mieux que deux tu l'auras » : cela viderait l'amendement de sa substance. Nous ne le rectifions donc pas.

M. Michel Houel, rapporteur.  - Le Comité national de l'eau pourra décider de lui-même de la périodicité de son rapport, peut-être le 19 février. Avis défavorable, à regret.

Mme Chantal Jouanno, secrétaire d'État.  - Même avis, d'autant que la mesure est plutôt d'ordre réglementaire. Un rapport serait positif ; l'idée pourra être reprise dans les futures dispositions préventives.

L'amendement n°4 n'est pas adopté.

Vote sur l'ensemble

Mme Éliane Assassi.  - Nous déplorons l'insuffisance des dispositions préventives. Raisonner uniquement en termes de gestion des impayés n'est pas garantir le droit fondamental à l'eau ! Nos amendements, qui créaient une allocation de solidarité en fonction du revenu, objet d'une péréquation nationale, ont été victimes de l'article 40. La ministre, le CNE et la commission avaient pourtant reconnu l'intérêt de la démarche ! Si les deux volets, préventif et curatif, sont complémentaires, pourquoi les traiter séparément ?

Vous nous demandez d'attendre que ces mesures soient reprises par le Gouvernement lors de l'examen du Grenelle II à l'Assemblée nationale : le débat n'aura donc pas lieu au Sénat ! Le dispositif présenté par le Gouvernement lors du conseil du CNE oublie l'essentiel : nous attendons beaucoup du CNE pour le faire évoluer. Pour ces raisons, nous voterons contre cette proposition de loi.

M. Jacques Mahéas.  - M. Cambon a beau tenter de faire avancer les choses, le résultat est insuffisant. Je m'étonne de l'attitude de la ministre à mon égard : vous m'avez interdit d'aborder une actualité brûlante, alors que nous partageons votre avis ! Oui, il y pénurie de logements ; oui, les loyers ont doublé en dix ans ! Oui, les classes moyennes sont trop riches pour le parc social, trop pauvres pour le parc privé ! Nous sommes d'accord sur le constat, sinon sur les solutions. Vous nous demandez d'attendre. Soit, nous vous faisons une demi-confiance, mais nous ne pouvons voter le texte en l'état.

M. Paul Raoult.  - En matière d'environnement, Mme la ministre soutient qu'il y a une politique de gauche et une politique de droite. Peut-être, mais il y a avant tout l'intérêt général. Avec la crise sociale, le nombre d'impayés a explosé : dans ma régie, qui regroupe plus de 700 000 habitants et 640 communes, le problème devient insoluble. Couper l'eau n'est pas humain : 3 à 6 % des ménages sont dans l'incapacité de payer. Il n'est pas très noble d'évacuer le problème social en le classant sous « impayés »...

Le prix de l'eau ne diminuera pas : la mise aux normes des stations d'épurations, notamment pour le traitement du phosphore et de l'azote, représente un coût énorme. De même, quand la consommation d'eau baisse, les ressources des distributeurs baissent aussi, alors que les frais de fonctionnement représentent 90 % de leur budget... Le « droit à l'eau » doit être universel. L'eau n'est pas une marchandise comme les autres. Or la facture d'eau peut représenter jusqu'à 10 % du RMI !

En commission, ce texte a été adopté à l'unanimité. Mais nous préférons attendre un texte général, à la fois curatif et préventif. La ministre est en campagne : sans doute est-ce la raison de votre précipitation. Pourtant M. Flajolet nous annonçait ce matin même des propositions ! Le groupe socialiste s'abstiendra, même s'il comprend nos amis communistes, car nous faisons confiance à l'intelligence républicaine. J'espère des avancées rapides.

M. Christian Cambon, auteur de la proposition de loi.  - Ce n'est pas rien, pour un sénateur de base comme moi, de pouvoir conduire un texte jusqu'à son terme, dans une assemblée largement mobilisée. La proposition a, je crois, le mérite d'être concrète, car l'article premier de la loi sur l'eau n'emportait pas d'effets juridiques suffisants. Ce texte ne règle pas tout mais d'autres ont déjà entrepris de compléter mon travail. Je remercie mon groupe, Mme la ministre, ainsi que la commission et son rapporteur, lequel a donné plus de consistance à la proposition de loi. Nous rendons ainsi service à de nombreux foyers démunis. En temps de crise, il n'y a pas de petit profit social. (Applaudissements à droite)

La proposition de loi est adoptée.

Organisme extraparlementaire (Nomination)

M. le président.  - La commission des lois a proposé une candidature pour un organisme extraparlementaire. La présidence n'ayant reçu aucune opposition dans le délai d'une heure, cette candidature est ratifiée et je proclame M. Jean-Patrick Courtois membre du conseil d'administration de l'Institut national des hautes études de la sécurité et de la justice.

Prochaine séance, lundi 15 février 2010 à 15 heures.

La séance est levée à 19 h 50.

Le Directeur du service du compte rendu analytique :

René-André Fabre

ORDRE DU JOUR

du lundi 15 février 2010

Séance publique

A 15 HEURES ET LE SOIR

- Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, de finances rectificative pour 2010 (n°276, 2009-2010).

Rapport de M. Philippe Marini, fait au nom de la commission des finances (n°278, 2009-2010).

Avis de M. Bruno Retailleau, fait au nom de la commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire (n°283, 2009-2010).

Avis de M. Jean-Claude Etienne, fait au nom de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication (n°284, 2009-2010).