La Poste (Procédure accélérée - Suite)

M. le président.  - Nous reprenons la discussion du projet de loi relatif à l'entreprise publique La Poste et aux activités postales. Dans la discussion des articles, nous en étions parvenus, au sein de l'article premier, aux explications de vote sur l'amendement n°432.

Discussion des articles (Suite)

Article premier (Suite)

M. Michel Teston.  - L'attachement que nous manifestons au maintien du statut actuel de La Poste tient à trois raisons : il est adapté à l'ouverture à la concurrence, aucune législation cadre européenne n'oblige à un changement de statut et le renforcement des fonds propres de l'établissement est possible, puisque outre sa participation à l'effort de présence postale, l'État pourrait accompagner davantage le transport et la distribution.

Notre amendement n°432, de repli, prévoyait que le capital, en cas de changement de statut, reste à 100 % public. Car en dépit des dénégations du rapporteur, il est clair qu'il s'agit bien, dans un premier temps, de faire sauter le verrou de l'Epic pour pouvoir, dans un second temps, ouvrir le capital quand l'opportunité s'en présentera. Si nous avions le moindre doute là-dessus, l'avis défavorable du ministre et du rapporteur à notre amendement prouve assez que le Gouvernement ne veut pas s'engager sur le caractère public du capital. Cela suffit à nous détourner de toute position de repli, et nous conduit à réaffirmer notre volonté de voir maintenu le statut actuel de La Poste.

L'amendement n°432 est retiré.

M. le président.  - Amendement n°31 rectifié, présenté par M. Danglot et les membres du groupe CRC-SPG.

Alinéa 2, seconde phrase

Rédiger ainsi cette phrase :

L'intégralité du capital reste la propriété de l'État. Il est réputé incessible.

Mme Odette Terrade.  - Seule la maîtrise publique du capital assure la poursuite de l'intérêt général, loin de tout régime de marchandisation des services que prône la Commission européenne.

Avec la transformation en société anonyme, qui ouvre à la privatisation, nous craignons la précarisation des personnels, la détérioration du service public, une présence territoriale incomplète et inégalitaire. La destruction des réseaux, une fois devenue réalité, est, sachez-le, irrémédiable.

La privatisation des services postaux, à laquelle appelle la Commission européenne, a déjà été largement entamée, et avec zèle, par la direction de La Poste, où l'on privilégie les grands opérateurs au détriment des petites entreprises, où les tarifs augmentent à mesure que le colissimo, privé, remplace le colis ordinaire, encore public, tandis que les bureaux disparaissent et que les facteurs se font de plus en plus rares : ils assurent pourtant un lien essentiel, et favorisent bien souvent le maintien à domicile des personnes âgées.

Avec ce projet de loi, l'État pourra se trouver, à terme, en position minoritaire et l'amendement présenté par la commission au sujet du conseil d'administration n'est pas fait pour nous rassurer. Nous réaffirmons, par cet amendement, notre volonté de voir l'État conserver la pleine maîtrise de l'opérateur.

M. le président.  - Amendement n°447, présenté par M. Teston et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Alinéa 2, seconde phrase

Rédiger ainsi cette phrase :

Le capital de la société est entièrement détenu par l'État.

M. Michel Teston.  - C'était là un amendement de repli, nous le retirons, comme nous retirerons les suivants, pour les raisons que j'ai exposées.

L'amendement n°447 est retiré.

M. le président.  - Amendement n°2, présenté par M. Frassa.

Alinéa 2, seconde phrase

Rédiger ainsi le début de cette phrase :

Son capital, détenu par l'État, peut-être ouvert à d'autres institutions financières publiques françaises qui exercent des activités d'intérêt général pour le compte de l'État, à l'exception de...

M. Christophe-André Frassa.  - Cet amendement visait à garantir que seul l'État et la Caisse des dépôts pussent entrer au capital, mais eu égard aux assurances qui ont été données au cours du débat, et celles que j'ai reçues par lettre du ministre, je le retire.

L'amendement n°2 est retiré.

M. le président.  - Amendement n°431, présenté par M. Teston et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Alinéa 2, seconde phrase

Après les mots :

de la société

insérer les mots :

en totalité public

M. Michel Teston.  - Même remarque que pour les amendements n°s432 et 447. M. le ministre et M. le rapporteur y verront sans doute la preuve que nous ne faisons pas d'obstruction. Eux qui doutaient de notre volonté d'avancer dans ce débat, voilà une preuve supplémentaire qu'il n'en est rien. En revanche, nous attendons toujours que vous nous apportiez la preuve que l'Epic ne peut pas permettre à La Poste de se moderniser !

M. Pierre Hérisson, rapporteur.  - On l'a fait !

L'amendement n°431 est retiré.

M. le président.  - Amendement n°567, présenté par MM. Maurey, Dubois, Détraigne, Amoudry, Deneux, C. Gaudin, Merceron et Biwer, Mmes Morin-Desailly et Férat et MM. Zocchetto et Soulage.

Alinéa 2, seconde phrase

Après le mot :

État

insérer les mots :

, actionnaire majoritaire,

M. Jean-Claude Merceron.  - Quatre jours après le début de ce débat, je vais enfin pouvoir présenter le premier amendement de notre groupe.

M. Thierry Repentin.  - Bravo !

M. Jean-Claude Merceron.  - Cet article ne garantit pas que l'État puisse peser d'un poids substantiel dans la gestion de La Poste. A la différence des autres personnes morales de droit public, seul l'État assure certains services publics et garantit l'aménagement du territoire. Il doit donc rester l'actionnaire majoritaire.

M. le président.  - Amendement n°266, présenté par MM. Desessard et Muller et Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet.

Alinéa 2, seconde phrase

Supprimer les mots :

et par d'autres personnes morales de droit public.

M. Jacques Muller.  - La notion de personne morale de droit public regroupe l'État, les collectivités locales, certains établissements publics et la Caisse des dépôts et consignations. Seule cette dernière sera à même d'investir dans La Poste : « de par son positionnement historique, sa neutralité et son expérience au service de l'intérêt général, elle joue un rôle de tiers, de confiance au service des acteurs publics du développement local ».

Si La Poste devient une SA, la Caisse des dépôts pourra toujours investir, mais sa logique ne sera plus la même : elle voudra un retour sur investissement. Rien n'empêchera donc demain la Caisse des dépôts de revendre ses actions si elle juge leur rendement insuffisant. Pour éviter tout risque de privatisation rampante, il convient donc d'écarter la Caisse des dépôts du capital de La Poste.

M. le président.  - Amendement n°26, présenté par M. Danglot et les membres du groupe CRC-SPG.

Alinéa 2, seconde phrase

Après les mots :

l'État

supprimer la fin de cette phrase.

M. Thierry Foucaud.  - L'État doit être le seul détenteur du capital de La Poste. Les autres personnes morales de droit public risquent en effet de céder à terme leurs actions. Le service postal doit rester la propriété de l'État.

Les exemples ne manquent pas de promesses non tenues, de mensonges éhontés qui ont fait passer des entreprises publiques sous le contrôle de capitaux privés. Ces entreprises sont devenues des machines à fabriquer du retour sur investissement pour le plus grand bénéfice des actionnaires et au détriment des services rendus aux usagers et des conditions de travail des salariés.

En outre, il existe de véritables fractures statutaires au sein de La Poste : les agents qui sont entrés il y a plusieurs décennies sont des fonctionnaires mais ceux qui ont été embauchés plus récemment l'ont été sous contrats de droit privé, parfois précaires. Tout ceci ressemble furieusement à ce qui s'est passé à France Télécom. Ni les salariés, ni les parlementaires ne peuvent passer sous silence ces cruelles expériences.

Nous défendons donc le service public postal car les salariés et les usagers ne doivent pas être sacrifiés.

M. le président.  - Amendement identique n°265, présenté par MM. Desessard et Muller et Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet.

M. Jacques Muller.  - Puisque vous persistez à prétendre que le changement de statut juridique est la meilleure solution pour l'entreprise La Poste, la moindre des choses serait que l'État soit le seul détenteur de son capital afin de garantir un service public de qualité pour les usagers et de protéger les conditions de travail des salariés qui y travaillent.

En effet, le changement de statut risque de se faire au détriment du personnel de La Poste dont les effectifs sont passés, entre 2004 et 2008, de 280 000 à 257 000 agents : le nombre des fonctionnaires a diminué de plus de 20 % tandis que celui des contractuels augmentait, dans le même temps, de 16,5 %.

La dégradation des services de La Poste est partout observable, à la ville comme à la campagne. Le changement de statut fait craindre la poursuite des licenciements et la suppression de nouveaux bureaux de poste au nom de la rentabilité. Le fonctionnement d'un service public de qualité ne pouvant s'accommoder de la réduction des effectifs, La Poste ne doit donc pas quitter le giron de l'État.

M. le président.  - Amendement identique n°441 rectifié, présenté par M. Teston et les membres du groupe socialiste et apparentés.

M. Claude Bérit-Débat.  - Nous ne voulons pas que La Poste soit transformée en société anonyme. Une telle évolution ne se justifie pas économiquement et elle risque d'accroître les inégalités entre les Français. La menace de privatisation est bien réelle et vous voulez entraîner La Poste dans une course à la rentabilité et à la concurrence, ce qui ne peut se faire qu'au détriment des usagers. En outre, rien n'obligeait le Gouvernement à ouvrir ce secteur à la concurrence et à privatiser.

La Commission européenne sur les services d'intérêt général a déclaré le 26 septembre 1996 que : « la neutralité à l'égard du statut public ou privé des entreprises et de leurs personnels est garantie par l'article 222 du traité. La Communauté ne remet nullement en cause le statut public ou privé des entreprises chargées des missions d'intérêt général et n'impose donc aucune privatisation ». Il s'agit donc bien d'un choix idéologique de votre part : nous ne pouvons y souscrire.

La Poste n'est pas une entreprise comme les autres : elle incarne le service public auquel les citoyens ont montré leur attachement le 3 octobre. Vous vous trompez donc de combat, monsieur le ministre. C'est pour cette raison que nous voulons supprimer l'actionnariat du personnel : les salariés de La Poste sont guidés par l'intérêt général. En faire des actionnaires n'est pas compatible avec les valeurs qu'ils défendent. Ce n'est pas en les achetant ainsi que vous les ferez changer d'avis.

M. le président.  - Amendement n°27, présenté par M. Danglot et les membres du groupe CRC-SPG.

Alinéa 2, seconde phrase

après les mots :

de droit public

Supprimer la fin de cette phrase.

Mme Éliane Assassi.  - Les salariés ne doivent pas prendre part au capital de La Poste. Comment prétendre que cette entreprise va rester publique si une partie de son capital est détenue par des salariés qui pourront, dans deux ans, céder leurs actions à tout un chacun ?

Vous n'avez pas jugé utile de préciser qu'ensuite les salariés ne pouvaient revendre leurs actions qu'à d'autres salariés ou à l'État afin de conserver l'architecture initiale ; il est simplement indiqué que cette participation doit être minoritaire. Il est donc possible que 49,9 % des actions soient données dans un premier temps à des salariés, et que deux ans plus tard cette part du capital appartienne à des personnes privées uniquement intéressées au profit réalisé par l'entreprise. Cette disposition pernicieuse ouvre la porte à la privatisation.

Nous nous sommes toujours prononcés contre ce type de dispositif car la participation et l'intéressement individualisent davantage encore les rémunérations et se substituent le plus souvent aux augmentations de salaires -d'autant que ceux des postiers ne sont pas mirobolants... L'actionnariat salarié concerne généralement des cadres dirigeants et fait partie de leurs rémunérations. Pour les autres, il s'agit plutôt d'une épargne forcée. Les entreprises font ainsi miroiter des gains à leurs employés pour qu'ils se serrent la ceinture. Si l'actionnariat salarié fait naître un monde de petits boursicoteurs, les grandes entreprises bénéficieront de sources de financement fiables et peu exigeantes en matière de rentabilité financière. Cette disposition, qui ne fera pas gagner un euro de plus aux postiers, déconstruira encore les relations de travail et les négociations collectives.

M. le président.  - Amendement identique n°267, présenté par MM. Desessard et Muller et Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet.

M. Jacques Muller.  - Le capital de La Poste ne doit être détenu que par l'État et d'autres personnes morales de droit public. La directive n'oblige pas à ouvrir le capital de La Poste à d'autres entités. Cela n'apporte rien à son fonctionnement ni aux usagers, et la cession d'actions aux personnels peut faciliter à terme une privatisation partielle. Seul l'État doit financer le fonctionnement d'un service public par essence comme La Poste.

Le personnel de La Poste est rémunéré dans le cadre d'un statut de la fonction publique ou dans un cadre contractuel. Les agents ne sont pas censés boucler ou arrondir leurs fins de mois en fonction de la rentabilité du service public postal, dont l'esprit est menacé par cette dérive. Quid alors de la présence postale, du prix unique du timbre, de l'accessibilité ?

Le salaire moyen d'un postier tourne aux environs de 1 200 euros. Peut-on boursicoter avec un tel revenu ? (Marques d'approbation sur les bancs CRC) Cette mesure profondément injuste ne concernerait que la frange la mieux rémunérée des employés de La Poste. Si l'objectif est de faire une fleur aux agents, il serait plus juste d'augmenter les salaires. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. le président.  - Amendement identique n°433 rectifié, présenté par M. Teston et les membres du groupe socialiste et apparentés.

M. Michel Teston.  - Cet amendement est redondant avec l'amendement n°441 rectifié, déjà défendu.

L'amendement n°433 rectifié est retiré.

M. le président.  - Amendement n°268, présenté par MM. Desessard et Muller et Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet.

Alinéa 2

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

A l'exception de la part détenue au titre de l'actionnariat de ses personnels, 100% du capital de La Poste est public.

M. Jacques Muller.  - Il s'agit encore d'un amendement de repli. Si la personne morale de La Poste est transformée en société anonyme, la totalité du capital de La Poste doit demeurer public. La ministre de l'économie a récemment déclaré lors d'une interview que « les acteurs qui vont entrer au capital [de La Poste] seront des acteurs publics, notamment la Caisse des dépôts et consignations ». Nous souhaitons inscrire clairement cette garantie dans la loi car nous ne pouvons nous contenter des paroles du Gouvernement dans les médias, d'autant que nombre de ses engagements ne sont pas tenus. Par cette proposition, nous faisons une concession.

M. le président.  - Amendement n°269, présenté par MM. Desessard et Muller et Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet.

Alinéa 2

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Les parts du capital de La Poste sont incessibles à d'autres catégories d'acteurs que les trois susnommées.

M. Jacques Muller.  - La sphère publique est mouvante. L'exemple de France Télécom en témoigne : le capital détenu par l'État s'est progressivement réduit à 27 %. S'il est initialement prévu que le capital de La Poste soit détenu en totalité par l'État, ces statuts pourront ensuite être modifiés par décret en Conseil d'État. Nous souhaitons garantir que l'État, d'autres personnes morales de droit public ou les personnels actionnaires conservent leurs parts sociales.

En tant qu'actionnaire principal, l'État a un véritable rôle à jouer dans la gestion de l'opérateur historique. Pour éviter les problèmes rencontrés par la société anonyme France Télécom, les pouvoirs publics doivent assumer pleinement leur responsabilité économique, financière, sociale et écologique. Si cet amendement n'est pas adopté, la voie de la privatisation est largement ouverte.

M. le président.  - Amendement n°270, présenté par MM. Desessard et Muller et Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet.

Alinéa 2

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Toute prise de participation au capital de La Poste est conditionnée à l'acceptation d'une clause d'incessibilité.

M. Jacques Muller.  - Le 15 juin 2004, Nicolas Sarkozy, alors ministre de l'économie, a déclaré que EDF et Gaz de France ne seraient pas privatisées. La situation actuelle est bien différente...

Nous prenons au mot le ministre, qui a déclaré ne pas vouloir privatiser La Poste : il doit donc soutenir notre amendement. La nature publique des actionnaires d'une société anonyme ne garantit en aucun cas un comportement vertueux. Le cas de la Caisse des dépôts et consignations en témoigne. Les salariés de La Poste pourraient eux aussi ne pas résister aux plus-values financières et céder leurs actions. Cette clause d'incessibilité apporterait une garantie juridique supplémentaire pour le maintien de La Poste dans le giron public.

Si le Gouvernement compte bien préserver le caractère public de La Poste, ne pas se dédire ni voir se répéter ces scénarios similaires à celui de GDF, il ne peut qu'être favorable à cet amendement.

M. le président.  - Amendement n°272, présenté par MM. Desessard et Muller et Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet.

Alinéa 2

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Toute prise de participation au capital de La Poste est conditionnée à l'acceptation d'une clause d'incessibilité jusqu'en 2020.

M. Jacques Muller.  - Cet amendement de repli prévoit une incessibilité temporaire de près dix ans.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Nous sommes effectivement dans le repli !

M. Jacques Muller.  - L'incessibilité totale des actions de La Poste nous ayant été refusée, nous essayons de limiter la casse. Ce type de démarche est commun dans la vie des entreprises. Ainsi, Nestlé et la famille Bettencourt ont signé un pacte d'actionnaires pour L'Oréal incluant des clauses de préemption et d'incessibilité temporaire des actions. Pour paraphraser le slogan de cette marque, « Parce que vous le valez bien », si La Poste vaut plus qu'une messe, elle vaut bien a minima une clause d'incessibilité.

M. le président.  - Amendement n°271, présenté par MM. Desessard et Muller et Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet.

Alinéa 2

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

La cession d'actions de toute autre catégorie d'acteurs que l'État ouvre droit à préemption de celui-ci sur ces actions.

M. Jacques Muller.  - Je suis convaincu que le ministre et le rapporteur donneront un avis favorable à cet amendement, qui vise lui aussi à garantir le maintien du caractère public de l'actionnariat de la société anonyme La Poste. Vous allez m'opposer que l'on ne peut interdire aux futurs actionnaires de céder leurs actions, mais l'État doit disposer d'un droit préférentiel d'acquisition. Il serait paradoxal que le Gouvernement refuse cette disposition car cette pratique est commune dans le monde des sociétés et des affaires.

M. le président.  - Amendement n°336, présenté par M. Teston et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Alinéa 2

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Après le 1er janvier 2010, les parts du capital de La Poste ne seront cessibles qu'à l'État ou à d'autres personnes morales de droit public.

M. Michel Teston.  - Cet amendement est similaire à l'amendement n°432, déjà défendu.

L'amendement n°336 est retiré.

M. le président.  - Amendement n°582, présenté par MM. Fortassin, Tropeano, Charasse et Collin, Mmes Escoffier et Laborde et MM. Mézard et Milhau.

Après l'alinéa 2

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« La part de l'État dans le capital 100 % public du groupe La Poste ne peut être inférieure à 51 % du capital.

M. François Fortassin.  - Il s'agit de garantir le caractère d'actionnaire majoritaire de l'État parmi les actionnaires publics. Le texte prévoit que le capital sera public -hormis la part détenue par le personnel- mais ne précise pas quelle part sera détenue par l'État.

M. Pierre Hérisson, rapporteur.  - Avis défavorable sur le n°31 rectifié, la participation de personnes publiques ne peut en rien être assimilée à une privatisation. Je souhaite l'avis du Gouvernement sur le n°567, qui me paraît de bon sens. L'adoption du n°266 empêcherait La Poste d'obtenir des capitaux indispensables à son développement : retrait ou rejet. Sur les n°s26, 265 et 441 rectifié, je me suis déjà expliqué. Retrait ou rejet.

La participation du personnel au capital est un moyen efficace de motiver ce dernier. (Mme Éliane Assassi s'indigne)

M. Jean Desessard.  - C'est incroyable !

M. Pierre Hérisson, rapporteur.  - Mais cette part est minoritaire, il n'y a pas lieu de craindre une privatisation. Une société anonyme a la capacité, je vous le rappelle aussi, d'attribuer des actions gratuites ! Retrait ou rejet des amendements n°s27 et 267 : il est dommage d'évoquer un risque qui n'a pas de consistance. (Protestations sur les bancs de gauche) J'ajoute que si les salariés veulent céder leurs titres, ils les vendront à l'État ou aux personnes publiques présentes au capital. M. Desessard a un amendement intéressant sur ce point.

Les amendements n°s268, 269 et 270 sont satisfaits par la rédaction actuelle. Défavorable. La clause d'incessibilité de l'amendement de repli n°272 n'est pas non plus justifiée. Sur le droit de préemption de l'État, à l'amendement n°271, je rappelle que le caractère public du capital est garanti. Le n°336 est contradictoire avec les dispositions ouvrant le capital aux salariés. Enfin, le n°582 est intéressant, qu'en pense le Gouvernement ?

M. Christian Estrosi, ministre.  - L'État doit-il être le seul actionnaire ? Il serait dommage de priver La Poste des capitaux apportés par la CDC. Défavorable par conséquent au n°31 rectifié. Le n°567 n'apporte rien mais ne comporte pas d'inconvénient. Sagesse. Je m'étonne que vous vouliez supprimer un droit que nous ouvrons aux salariés : pourquoi les priver de pouvoir détenir une part du capital ? Laissez-leur le choix ! Comment pouvez-vous tout à la fois prétendre défendre leurs intérêts et leur refuser l'opportunité de devenir actionnaires ?

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Versez-leur de meilleurs salaires !

M. Christian Estrosi, ministre.  - De même je suis en désaccord avec vos propositions sur l'incessibilité : les salariés peuvent revendre leurs titres à l'État, à la CDC ou aux autres salariés. C'est pourquoi je suis défavorable aux amendements : cependant celui de M. Desessard, le n°271, sur le droit de préemption, comporte un certain bon sens. Sagesse.

Mme Odette Terrade.  - Si M. le ministre entend rendre La Poste « imprivatisable », pour reprendre son néologisme, nous lui en offrons le moyen avec notre amendement de repli. Si M. Estrosi ne soutient pas le n°31 rectifié, cela prouvera que dans la novlangue sarkozyste, les mots ne renvoient à aucune réalité et que les promesses ne traduisent aucun engagement.

M. Jean-Pierre Bel.  - Le conseil de surveillance de la CDC réuni il y a deux jours n'a été saisi d'aucun projet de participation dans la future société anonyme. Certes, il se réunira à nouveau dans quinze jours. Mais trouvez-vous normal qu'il n'ait pas encore pu discuter de cette question, alors que la transformation de La Poste interviendra très prochainement ?

M. Thierry Foucaud.  - Le texte initial est une provocation, après le succès de la pétition et les nombreuses déclarations du Gouvernement. « A la date de publication de ses statuts initiaux, le capital de La Poste est, dans sa totalité, détenu par l'État. » est-il écrit à l'article premier. Et ensuite ? Le statut de société anonyme autorise la détention d'actions par une SEM. Par quelle magie le Gouvernement pourrait-il garantir que ce ne sera jamais le cas ? En période de crise et face aux injonctions européennes de tout ouvrir à la concurrence, comment certifier que le capital de La Poste sera toujours à 100 % public ? Le Gouvernement donne sa parole pour calmer une opinion publique hostile à la privatisation.

Mais nous en doutons, car l'opération n'est pas une première ; nous avons vu, malgré les promesses, des privatisations totales accompagnées d'une dégradation du service, d'une hausse des tarifs, d'une moindre couverture du territoire, du malaise d'employés contraints de se soumettre à la logique de la rentabilité à tout prix. Nous avons tous en tête l'exemple dramatique de France Télécom, mais il y a aussi GDF ou je ne sais quel morceau de ce qu'on appelait naguère EDF... Pourquoi en irait-il autrement demain avec La Poste ? Les personnels le disent : l'entreprise est déjà prête à être vendue à la découpe, laissant à l'État les activités les moins rentables et abandonnant les conseils et services quotidiens que certains « moutons noirs » rendent encore malgré les pressions. Et ces activités, dont les moyens baisseront sans cesse, seront ensuite purement et simplement supprimées -hypothèse plus crédible que le maintien de la propriété publique du capital...

M. Michel Teston.  - L'amendement de nos collègues du groupe CRC est intéressant, mais nous nous défions comme eux du Gouvernement. Nous redoutons que la disparition de l'Epic n'ouvre la porte à une privatisation ultérieure. Nous ne participerons pas au vote.

M. Hugues Portelli.  - Ce débat est un peu surréaliste.

M. Hugues Portelli.  - Tous les étudiants de première année de droit le savent... (Exclamations indignées à gauche)

Mme Odette Terrade.  - Restez correct !

M. Hugues Portelli.  - ...une entreprise publique peut avoir plusieurs statuts juridiques. La Poste est au moins depuis 1968 un service public à caractère industriel et commercial, ce qui a des conséquences en termes de missions et de statut des agents. Si pour des raisons historiques, une grande partie de ceux-ci sont fonctionnaires, rien ne l'impose. Les missions de La Poste peuvent en outre varier dans le temps ; le secteur des télécommunications est ainsi sorti du service public.

L'activité postale relève de l'Union européenne, une directive a été votée.

M. Jean Desessard.  - Par vous !

M. Hugues Portelli.  - Et par tous vos amis des partis socialistes européens ! Après une vraie bataille politique, nous avons obtenu, à rebours de la libéralisation totale annoncée, la reconnaissance de la notion de service public universel. Ce n'est pas si mal. Il s'agit maintenant pour les États d'adapter la directive, c'est ce à quoi procède le texte dans un sens conforme à la tradition de notre service public postal. Si nous voulons que La Poste ne meure pas de la concurrence, il faut changer son statut pour lui permettre de se financer. Nous le faisons en nous assurant que le capital restera public. Partout en Europe on a procédé de même. C'est le bon sens financier, le bon sens juridique, le bon sens tout court. C'est faire preuve d'une grande ignorance de prêter des intentions perverses au Gouvernement et à sa majorité. Il y a d'autres statuts que celui qui avait cours au XIXe siècle...

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Merci de la leçon, monsieur le professeur !

M. Jean Bizet.  - Vous ne l'avez pas écoutée !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - La seule question qui vaille est celle-ci : la directive oblige-t-elle à changer le statut de La Poste ? (On répond bruyamment par la négative à gauche) Non. Nous soutenons depuis trois jours qu'un Epic peut recevoir des dotations de l'État. Voyez la SNCF, voyez les offices de l'habitat !

M. Thierry Repentin.  - Absolument !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Que vouliez-vous démontrer au juste ? Nous entendons toujours les mêmes arguments (rires et exclamations incrédules à droite) sans jamais obtenir de réponse aux nôtres.

M. Christian Estrosi, ministre.  - Un mot à M. Bel. Le Président de la République a clairement indiqué en décembre 2008 que la Caisse des dépôts participerait au capital de la nouvelle SA. J'ai personnellement eu des contacts avec M. de Romanet sur le sujet et celui de la représentation de la Caisse au conseil d'administration de La Poste -nous débattrons ultérieurement d'un amendement de la commission sur ce dernier point. Je sais que le rapporteur et le président de la commission en ont eu d'autres.

L'amendement n°31 rectifié n'est pas adopté.

M. Jean-Claude Merceron.  - Nous somme attachés à l'amendement n°567, qui garantit l'engagement majoritaire de l'État dans la SA.

M. Thierry Foucaud.  - On ne cesse de dire que La Poste n'est pas une entreprise comme les autres, mais nos collègues centristes -pas tous, je le note- font comme s'ils n'avaient rien entendu. Ils proposent de fixer la participation de l'État à au moins 51 %. Ce qui veut dire que l'État pourra se refaire une santé financière en cédant ses parts à la Caisse des dépôts et à d'autres personnes morales de droit public. Pourquoi pas une région ou un département ? Cela s'est vu, sans guère de succès... C'est oublier un peu vite que la Caisse participe au Fonds stratégique d'investissement -qui semble d'ailleurs à ce jour peu efficace. La vérité, c'est que cet article premier ne tiendra pas longtemps lorsque le vent libéral soufflera plus fort. Il suffira d'un amendement de dernière minute pour que tombe le paravent !

Quant à la valeur de La Poste, il est évident qu'elle sera sous-évaluée.

S'il fallait évaluer La Poste, le résultat serait sans doute spectaculaire et bien éloigné de celui de l'évaluation censément indépendante qu'on nous annonce. Croyez-vous vraiment que cet opérateur, qui rend depuis des décennies un service public de grande qualité, ne vaille que 2,258 milliards d'euros ? Sa valeur réelle ne se mesure pas à l'aune des outils de la comptabilité privée ordinaire. Il faudrait prendre en compte le volume des versements effectués par La Poste au budget de l'État du temps où les excédents du budget annexe des postes et télécommunications étaient reversés au budget général, ainsi que les charges qui lui sont imposées indûment par l'État au mépris du contrat de plan, sans oublier la dette contractée par l'État envers l'entreprise : la somme d'1,5 milliard d'euros que vous vous apprêtez à lui verser est inférieure à celle qui lui est due au titre du transport de la presse -1,871 milliard- et du service universel -150 millions chaque année depuis dix-neuf ans... Nous appelons donc à rejeter l'amendement n°567.

M. Michel Teston.  - Cet amendement va plus loin que le projet de loi gouvernemental, en permettant que la part de l'État dans le capital de La Poste descende à 51 %. Sous ses allures protectrices, il risque d'accélérer la privatisation de La Poste.

M. François Fortassin.  - L'amendement de l'Union centriste est à peu près identique au nôtre. Je préférerais qu'il y fût écrit que « la part de l'État dans le capital de La Poste, détenu à 100 % par des personnes publiques, ne peut être inférieure à 51 %. » Mais je me rallie à cette proposition. Je ne vois aucun inconvénient à ce que les collectivités locales puissent devenir actionnaires de La Poste : ce sera une marque de leur attachement à cette entreprise et cela la prémunira contre une éventuelle privatisation.

L'amendement n°567 est adopté.

Mme Odette Terrade.  - C'est mettre le doigt dans l'engrenage !

L'amendement n°266 n'est pas adopté.

M. Thierry Foucaud.  - Il est nécessaire que l'État soit l'unique actionnaire de La Poste, pour qu'elle continue à remplir ses missions de service public et qu'il conserve la propriété du patrimoine de l'entreprise. Des ventes juteuses ont déjà eu lieu : La Poste a cédé un immeuble de 17 000 m2 avenue d'Italie tout en restant locataire d'un tiers de sa surface, y compris le bureau de poste. On peut s'interroger sur la pertinence de telles opérations. Toujours est-il que leur produit revient à l'État. Au contraire, si l'entreprise était une SA, les ventes serviraient à rémunérer les actionnaires. En outre, selon les textes en vigueur, le conseil d'administration doit autoriser toute cession immobilière dont le produit est supérieur à 25 millions d'euros et toute vente de filiale dont le montant excède 12 millions d'euros. Le risque est grand qu'à l'avenir l'État ne soit plus capable de faire entendre sa voix au conseil.

Enfin il est inadmissible de transférer à des actionnaires le patrimoine de l'entreprise sans même l'avoir identifié ni évalué. Le Gouvernement nous demande de le croire sur parole : La Poste, dit-il, restera la propriété de personnes publiques. Mais même si c'est le cas, les biens de l'entreprise deviendront la propriété des actionnaires.

L'amendement n°26 n'est pas adopté, non plus que les amendements identiques n°s265 et 441 rectifié.

Mme Éliane Assassi.  - Il est dangereux de permettre à La Poste de rémunérer ses salariés sous formes d'actions. La direction s'autorisera de cette mesure pour ne pas augmenter les salaires, et les exonérations fragiliseront la protection sociale. Les rémunérations sont déjà faibles à La Poste : un facteur ne touche au mieux que 1 200 euros. Cette disposition ne corrigera pas le déséquilibre entre les revenus du travail et du capital.

L'argument de la participation des salariés à leur entreprise nous est d'ailleurs resservi à chaque privatisation depuis le milieu des années 1980. Mais qu'adviendra-t-il si le cours des actions baisse ? Les employés seront soumis à une double peine : leurs salaires auront été gelés et leur capital se dévaluera. La Deutsche Post n'a-t-elle pas perdu 20 % de sa valeur depuis son entrée en bourse ?

L'épargne salariale existe d'ailleurs à La Poste depuis 2007. Seuls 40 000 salariés y ont souscrit, soit 13 % de l'ensemble : ce dispositif ne profitera donc qu'à ceux qui ont les moyens d'épargner, soit une minorité.

M. Jean Desessard.  - Je suis d'accord avec M. Portelli (intérêt amusé à droite) pour dire que les missions de service public peuvent être remplies de différentes manières. Nous, les Verts, défendons la conception la plus large possible du service public.

M. Jean Bizet.  - Nous l'aurions deviné !

M. Jean Desessard.  - Eh oui, c'est ce qui nous différencie ! Nous ne voulons pas de méthodes managériales du privé à La Poste ! Bientôt on fera cocher aux salariés des cases, on leur demandera quelles tâches ils ont accomplies dans la journée... Ces méthodes propres au privé se sont déjà insinuées à La Poste. Vous persistez à dire qu'il faut que l'entreprise dégage du profit et « motive » ses salariés... Mais le service public, c'est rendre service aux gens même quand cela prend du temps, même quand ce n'est pas rentable ! (M. Michel Teston approuve)

M. Jean Bizet.  - Alors ce n'est pas durable.

M. Jean Desessard.  - Vous dites que le nouveau dispositif augmentera les revenus des postiers. Mais quelle est aujourd'hui la différence de rémunération entre un fonctionnaire et un contractuel ?

M. Jean Bizet.  - M. Besancenot ne veut pas nous le dire !

M. Jean Desessard.  - Cette différence est de 20 % ! Les salaires ont d'ailleurs baissé depuis qu'on emploie des contractuels. (M. le rapporteur le conteste) M. le ministre le sait bien, puisque cela a donné lieu à une grève à Nice et qu'il a fallu accorder une prime de logement aux salariés.

M. Guy Fischer.  - C'est cher de se loger à Nice !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Et à Paris donc !

M. Jean Desessard.  - A Paris en effet : il faut aujourd'hui construire des tramways et des RER parce que les gens habitent très loin de leur lieu de travail ! Pourtant le service public, c'est aussi assurer la sérénité sociale dans l'entreprise et permettre aux gens de vivre décemment. La transformation en SA accentuera la précarité des salariés, conduira à la baisse des salaires et à l'instauration du travail à l'objectif... Et dans quelques années on s'étonnera de la souffrance au travail, voire des suicides ! On convoquera M. Bailly pour lui demander : « Que comptez-vous faire ? » Mais c'est aujourd'hui que nous créons les conditions de cette souffrance !

En donnant des actions aux postiers, on cherche à accélérer la privatisation de La Poste : les salariés pourront vendre leurs actions ou quitter l'entreprise, et dans quelques années on dira : « Voyez : beaucoup de gens ont déjà des actions, il n'y a donc pas d'obstacle à ouvrir davantage le capital ! »

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Augmentez plutôt les salaires !

M. Jean Desessard.  - Nous sommes donc formellement opposés à la rémunération du personnel sous forme d'actions.

En revanche, nous sommes d'accord pour voter une augmentation du salaire des postiers et des personnels de La Poste ! (Applaudissements à gauche)

M. Pierre Hérisson, rapporteur.  - Ce n'est pas du ressort de la loi !

L'amendement n°27, identique aux amendements nos267 et 433 rectifié, n'est pas adopté.

L'amendement n°268 n'est pas adopté, non plus que les amendements nos269 et 270.

M. Jacques Muller.  - Les Verts, vous l'avez constaté, sont bien présents dans l'hémicycle...

M. Jean Bizet.  - ...sans être encore majoritaires !

M. Jacques Muller.  - ...pour manifester leur refus de la privation rampante de La Poste, comme 98 % des Français qui se sont exprimés lors de la votation citoyenne. (Marques d'agacement à droite) Nous n'avons pas fait de l'obstruction (exclamations ironiques au banc de la commission), mais présenté des amendements de repli pour atténuer le phénomène de privatisation rampante de La Poste. Or tous ces amendements ont été repoussés par la commission et le Gouvernement, signe de leur volonté d'imposer la privatisation de La Poste au forceps et d'une posture idéologique dont nos concitoyens sauront tenir compte !

M. Jean-Jacques Mirassou.  - Nos collègues Verts sont, sans doute, plus naïfs que nous... (Murmure de surprise)

M. Jean Bizet.  - C'est noté !

M. Jean-Jacques Mirassou.  - Pour nous, la ligne de partage était le statut d'Epic. Or la majorité se refuse même à limiter la casse, c'est donc qu'elle a des arrière-pensées : l'actionnariat de la Caisse des dépôts, l'actionnariat salarié sont, dans ce texte, comme des chevaux de Troie de la privatisation...

M. Jean-Paul Emorine, président de la commission.  - Oh la la ! Trop compliqué pour moi... (Sourires)

M. Jean Desessard.  - Je me réjouis que la naïveté des Verts serve aux socialistes à démasquer le machiavélisme du Gouvernement et de la commission... Si la naïveté peut faire avancer notre planète, nous la conserverons dans notre idéologie et dans notre utopie ! (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Jean Bizet.  - Au moins, il est clair !

L'amendement n°272 n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°271.

M. Jean Desessard.  - En refusant l'amendement n°271 qui avait reçu un avis de sagesse du Gouvernement, la majorité montre clairement son positionnement idéologique !

M. Christian Cambon.  - Non, nous faisons justement preuve de sagesse ! (Mme Marie-Hélène Des Esgaulx renchérit)

L'amendement n°582 devient sans objet.

M. le président.  - Amendement n°579, présenté par M. Retailleau.

Alinéa 2

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée : 

Cette transformation ne peut avoir pour conséquence de remettre en cause le caractère de service public national de La Poste.

M. Bruno Retailleau.  - Que les choses soient claires : oui à la modernisation, non à la privatisation ! Pour lever toute ambiguïté, inscrivons dans la loi en toutes lettres un deuxième verrou, après celui de la commission sur les capitaux entièrement publics du groupe, en nous appuyant sur la récente jurisprudence du Conseil constitutionnel. Pour la première fois le Conseil constitutionnel a affirmé le 30 novembre 2006 que le législateur ne peut pas privatiser un service public national, sauf à lui faire perdre ses caractéristiques de service public national. Depuis quelques jours, j'ai entendu certains de mes collègues à gauche lire cette décision, mais seulement son premier paragraphe...

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Comme Henri Guaino !

M. Bruno Retailleau.  - ...omettant de dire que le Conseil constitutionnel a également écrit : « Toutefois, ce transfert suppose que le législateur prive ladite entreprise des caractéristiques qui en faisaient un service public national ».

J'ai également entendu citer les exemples de France Télécom, que je connais un peu, et de GDF. Or France Télécom a été privatisée seulement parce qu'une loi lui avait précédemment ôté son caractère de service public national ! Le cas de GDF est encore plus flagrant car le Conseil constitutionnel avait posé une réserve d'interprétation dans sa décision de 2006 rappelant que GDF ne pouvait être privatisée avant juillet 2007, date jusqu'à laquelle l'entreprise conservait son caractère de service public national.

Cet amendement est utile. Si la volonté du législateur est explicite, le Conseil constitutionnel en prendra acte et n'aura pas à la reconstituer à partir d'un faisceau d'indices comme l'indique le commentaire à cette décision dans le numéro 22 des Cahiers constitutionnels de 2007. Mais si une loi de privatisation venait à être adoptée sous un gouvernement de gauche par exemple... (Exclamations à gauche)

M. Jean Bizet.  - Cela pourrait arriver !

M. Bruno Retailleau.  - ...il faudrait supprimer la mention introduite par mon amendement. Donc, arrêtons les procès d'intention : cette loi n'est pas de privatisation et elle comporte deux verrous forts : celui de la commission et celui-ci...

M. Jean Bizet.  - Et le traité de Lisbonne !

M. Bruno Retailleau.  - Affirmer le caractère de service public national de La Poste est un geste juridique extrêmement fort !

M. le président.  - Amendement identique n°580, présenté par MM. Fortassin, Tropeano, Collin et Charasse, Mme Laborde, MM. Mézard et Milhau et Mme Escoffier.

M. François Fortassin.  - A mes yeux, cet amendement est une garantie supplémentaire et, vis-à-vis de l'opinion publique, une avancée sémantique importante.

M. Pierre Hérisson, rapporteur.  - M. Retailleau a présenté son amendement, auquel l'amendement de M. Fortassin est identique, dès la première réunion de la commission. Nous en avions alors demandé le retrait pour compléter l'expertise juridique, avant de nous y rallier. Avis très favorable. (Applaudissements à droite)

M. Christian Estrosi, ministre.  - Cet amendement a fait beaucoup parler de lui et j'ai utilisé, à son propos, un terme que certains ont caricaturé quand d'autres y ont vu une forme d'originalité mais qui caractérisait bien l'état d'esprit du Gouvernement par rapport aux inquiétudes des parlementaires.

Je vous ai dit, dès le début du travail en commission, être prêt à accepter des garanties supplémentaires, même si le texte initial me paraissait explicite. J'ai ainsi accepté l'amendement du rapporteur qui précise le caractère à 100 % public de l'entreprise.

Lorsque M. Retailleau a déposé cet amendement en commission, je l'ai jugé intéressant mais lui ai demandé de le retirer, le temps de disposer de toutes les analyses juridiques nécessaires, et de le redéposer le cas échéant en séance : je vous invite à vous reporter au compte rendu de la commission. Je le remercie de l'avoir fait. Entre-temps, j'ai conclu, comme lui, que son amendement rendait La Poste « imprivatisable ».

Pour que toutes les conditions soient réunies pour privatiser La Poste, il faudrait, tout d'abord, un changement de majorité... (Rires à gauche)

M. Guy Fischer.  - Provocation !

M. Christian Estrosi, ministre.  - La majorité qui s'apprête à voter ce texte ne va pas se renier demain. (Exclamations à gauche, où l'on invoque GDF)

M. Roland Courteau.  - Et M. Sarkozy ?

M. Christian Estrosi, ministre.  - Pour être qualifiée de service public à caractère national, une entreprise doit réunir trois conditions : être chargée d'une mission de service public, décrite dans la loi, et l'exercer sur l'ensemble du territoire. C'est le cas de La Poste, qui assume quatre missions de service public définies dans la loi : la distribution du courrier, l'aménagement du territoire, le livret A et le transport de la presse. Pour rendre La Poste privatisable, il faudrait que les deux assemblées suppriment demain non pas une seule mais ces quatre missions !

La Poste peut être qualifiée de service public à caractère national, ce qui, en application du Préambule de 1946, la rend « imprivatisable ». Avis plus que favorable.

M. Pierre Hérisson, rapporteur.  - Très bien.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Nous avons une autre interprétation que M. Retailleau de la décision du Conseil constitutionnel : celle de M. Guaino. Mettez-vous donc d'accord, entre partisans de la libéralisation des services publics !

J'ai sous les yeux le considérant 14 de la décision...

M. Bruno Retailleau.  - Il est clair !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Ce n'est pas convaincant. Avec l'ouverture à la concurrence, on sort du cadre du préambule de 1946.

M. Jean-Paul Emorine, président de la commission.  - Nous sommes en 2009 !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Il y a fort à parier que La Poste n'exercera bientôt plus un monopole, et ne sera donc plus un service public national au sens de 1946. Comme GDF, elle pourra dès lors être privatisée : une loi simple suffira à faire passer le capital public de 100 % à 51 %, puis à 30 %, à 0,1 %...

Avant l'article premier, nous avions déposé le même amendement que M. Retailleau, en précisant les missions de service public que doit exercer un service public national. Vous avez voté contre ! Preuve que vous ne voulez pas garantir que La Poste restera un service public national au sens du Préambule de 1946. (Applaudissements à gauche)

M. Michel Teston.  - Vous voudriez nous faire croire que cet amendement apporte toute garantie, mais il existe une hiérarchie des normes. Il n'y a pas de lois intouchables : en vertu du principe de parallélisme des formes, une loi peut en défaire une autre. Vous ne pouvez donc pas dire que cet amendement rend La Poste « imprivatisable ». Il faudrait au moins l'inscrire dans la Constitution, plus difficile à modifier... Même un proche conseiller du Président de la République partage cette analyse !

La modification du statut de La Poste prive-t-elle l'entreprise des caractéristiques qui en font un service public ? Avec la suppression du secteur réservé au 1er janvier 2011, La Poste perdra son monopole. D'autres opérateurs pourront venir sur le marché, et rien n'empêchera de faire passer la participation publique en deçà de 50 % -soit une privatisation progressive... (Applaudissements à gauche)

Mme Bariza Khiari.  - Je remercie M. Retailleau pour ses efforts de pédagogie et je ne doute pas qu'il souhaite de bonne foi verrouiller le système, mais ses arguments ne sont pas convaincants. Selon un éminent constitutionnaliste, le service public national avait autrefois un sens organique.

Mais depuis plus de vingt ans, l'entreprise nationale La Poste assure des activités dont plusieurs sont concurrentielles. Elle pourrait être privatisée tout en conservant de par la loi l'obligation de conserver une activité de service public. Tel est le raisonnement de M. Guglielmi.

M. Bruno Retailleau.  - Je ne désespère pas de vous convaincre. Le ministre a rappelé les conditions dans lesquelles j'ai déposé cet amendement. Je voulais que ce texte ne rende pas possible la privatisation de La Poste. Reconnaissez-moi au moins une qualité, je sais tenir une ligne. Ce que j'ai dit sur la première version de la loi Hadopi l'a suffisamment montré. (On le confirme sur plusieurs bancs socialistes) Je ne suis donc pas suspect de quelque collusion que ce soit.

Les arguments développés par Mme Borvo Cohen-Seat et M. Teston appellent des illustrations complexes. Le monopole suffit-il à caractériser un service public national ? La Française des Jeux, qui est un monopole, n'a pas le caractère de service public national. Et à l'inverse, l'éducation nationale, les hôpitaux, qui sont bien un service public national, ne sont pas en situation de monopole. Il faut donc que le législateur dise explicitement qu'il entend conférer à La Poste le caractère de service public national.

Vous avez cité un collaborateur du Président de la République, pour lequel j'ai une profonde estime. Il ne croit pas à l'éternité de la loi. Moi non plus. Je n'ai jamais dit qu'une loi ne peut pas changer. Mais en usant de cet argument, vous reconnaissez implicitement que le statu quo actuel n'est pas plus protecteur qu'un autre. Il peut être changé par la loi.

M. Michel Teston.  - Plus difficilement.

M. Bruno Retailleau.  - Qui plus est, vous reconnaissez qu'il faut une autre loi pour privatiser : autant dire que cette loi n'est pas de privatisation.

Si l'on devait s'en remettre à votre raisonnement de défiance, on resterait paralysés ! (Applaudissements sur les bancs UMP et au banc des commissions)

Les amendements identiques n°s579 et 580 sont adoptés.

Mme Catherine Procaccia.  - La gauche votant contre, on expliquera aux postiers comment vous les défendez !

M. Martial Bourquin.  - En militant pour que l'on conserve le statut d'Epic.

M. le président.  - Amendement n°30, présenté par M. Danglot et les membres du groupe CRC-SPG.

Alinéa 3

Supprimer cet alinéa.

M. Guy Fischer.  - Nous ne nous laisserons pas intimider sur le fond, messieurs de la majorité.

De ce troisième alinéa, on nous dit qu'il garantit le maintien du contrôle de l'État. Il n'en est rien, et ce texte est clairement un premier pas vers la privatisation. La politique du Gouvernement s'inscrit fidèlement dans les politiques communautaires successives. Les dirigeants de La Poste, confortés par le rapport Ailleret et le Président de la République, demandent depuis un an le changement de statut. Ils entendent profiter de l'ouverture à la concurrence pour l'imposer. Mais comment le Gouvernement, dix-sept ans après Maastricht, quatre ans après le vote de défiance contre le traité de Lisbonne, peut-il engager une réforme fatale pour le service public français ? Pourquoi cette précipitation dans un débat qui concerne les citoyens, les élus, les salariés, et qui mériterait un référendum ? Nous en appelons à votre sagesse, aux vertus du raisonnement, pour ne pas avancer à marche forcée. Il y a quelques années, notre philosophie était de donner du temps au temps. Aujourd'hui, il faut décider vite, pour ne pas entraver la marche de l'ultralibéralisme. Aujourd'hui, c'est La Poste, demain, ce sera la SNCF, EDF, et c'est ainsi que l'on bradera les joyaux du Conseil national de la Résistance. Mais les citoyens sont plus que réticents. Les résistances se développent.

Il ne s'agirait, à vous en croire, que d'ouvrir à la concurrence une activité en situation de monopole -ce qui n'est d'ailleurs plus le cas, je le constate dans ma ville avec le traitement des colis. Il ne s'agirait que de s'adapter à l'environnement économique, et d'assurer les meilleurs coûts pour les clients. Mais ce terme seul de « clients », substitué à celui d'usagers, en dit plus long que vous ne le pensez sur vos motivations réelles...

M. le président.  - Amendement identique n°435 rectifié bis, présenté par M. Teston et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Alinéa 3

Supprimer cet alinéa.

M. Martial Bourquin.  - Nous entendons par cet amendement réitérer notre opposition à la suppression du secteur réservé, tel que l'a décidée la troisième directive postale, directive contestable, mais hélas implacable dans ses termes. Cette directive ne cesse de stigmatiser le secteur réservé, qui permet bien souvent le financement du service universel.

Nous ne comprendrons jamais pourquoi le Gouvernement, entre 2006 et 2008, période de négociation de cette directive, a renoncé à défendre ce secteur dont le maintien était pourtant une condition affichée du vote positif de la France. Comment comprendre que le Gouvernement ait voté cette proposition sans aucune des assurances demandées ? Nous avons de surcroît deux ans pour nous mettre en accord avec elle : ce délai est cosmétique.

Les citoyens méritent de savoir pourquoi le Gouvernement a si mal négocié.

M. le président.  - Amendement identique n°29, présenté par M. Danglot et les membres du groupe CRC-SPG.

Alinéa 3

Remplacer les mots :

A la date

par le mot :

Après

et le mot :

est

par le mot :

demeurera

Mme Odette Terrade.  - La motion adoptée par l'Association des maires ruraux le 25 octobre vaut d'être citée. Rappelant que le changement de statut n'est qu'une nouvelle étape dans un processus engagé dès les années 1990, elle affirme que le risque est grand de voir, à terme, entrer des fonds privés dans le capital de l'entreprise. Les maires qui ont voté cette motion sont-ils victimes de désinformation ? Sont-ils scandaleusement partisans ? Non, ils sont lucides.

Le raisonnement que vous leur opposez n'est pas convainquant au regard de l'histoire des services publics en France et en Europe. Une alternative est possible, qui suppose que l'État assure les financements indispensables. Qu'est-ce que trois milliards et demi au regard des centaines de milliards dépensés pour « sauver » les institutions financières ?

La création d'un pôle public bancaire aurait permis de garantir un véritable service public et d'orienter l'épargne populaire vers les investissements favorisant la cohésion sociale et le développement, tandis qu'un pôle public des télécommunications des activités postales aurait permis d'harmoniser les offres. Le réseau postal est un formidable atout pour lutter contre la fracture numérique.

Alors que d'autres choix étaient possibles, vous allez brader le patrimoine.

M. Pierre Hérisson, rapporteur.  - Je souhaite le retrait des amendements identiques n°s30 et 435 rectifié bis sinon rejet.

Je demande également le retrait de l'amendement n°29 puisque l'ouverture du capital de La Poste ne sera en rien une privatisation.

M. Christian Estrosi, ministre.  - Même avis défavorable sur les amendements n°s30, 435 rectifié bis et 29.

M. Michel Billout.  - Le Gouvernement nous dit que le changement de statut est obligatoire pour nous mettre en conformité avec la législation européenne. Il n'en est rien car les normes communautaires n'imposent pas de modification de statut ou de privatisation des opérateurs.

Nous n'avons eu de cesse de dénoncer les dispositions libérales qui figurent dans tous les traités européens depuis le traité de Rome. Nous avons également combattu le traité de Maastricht de 1992, qui est passé de justesse, et le traité établissant une Constitution pour l'Europe qui a été largement repoussé lors du referendum de 2005. Ce revers n'est sans doute pas étranger au refus du Président de la République d'organiser un référendum sur l'avenir de La Poste. Consulter le peuple devient en effet de plus en plus risqué pour le pouvoir car les effets d'annonce ne suffisent plus à abuser l'opinion publique.

J'en reviens aux textes européens qui soi-disant régissent ce projet de loi : les directives de 1997 et de 2002 avaient commencé à libéraliser le secteur postal et celle de 2008 vise « l'achèvement du marché intérieur postal en procédant à la libéralisation totale du courrier en 2011 ». Mais le secteur postal n'est pas traité comme les télécommunications, l'énergie ou les transports. En effet, les textes communautaires définissent de façon ambitieuse le service universel : ainsi, il convient de « tenir compte des besoins des utilisateurs », d'assurer la gratuité pour les aveugles, d'assurer au moins cinq jours ouvrables par semaine la levée, le tri, le transport et la distribution des envois postaux, de définir précisément les normes de qualité de service. En outre, ces textes insistent sur les conditions de travail du personnel, le respect strict des conventions collectives, l'aménagement du territoire, la protection de l'environnement, l'obligation de décider d'un tarif unique pour tout le territoire national. Enfin, ils ne font jamais référence à des « clients ».

Notre commission de l'économie est embarrassée car elle n'ignore pas ces textes.

Les amendements identiques n°s30 et 435 rectifié bis ne sont pas adoptés.

présidence de M. Bernard Frimat,vice-président

Mme Odette Terrade.  - Cette loi ne garantit pas un avenir public pour La Poste. Il faut donc que le capital de La Poste demeure dans son intégralité détenu par l'État.

Comme elle le fait pour d'autres Epic, la Caisse des dépôts pourrait aider La Poste à se moderniser, sans pour autant entrer dans son capital. L'État pourrait également financer La Poste sans qu'il s'agisse d'une aide directe : il suffirait de rembourser ce qu'il lui doit au titre de ses missions de service public : un milliard rien que pour cette année !

La Poste doit rester un Epic parce qu'il s'agit d'une forme adaptée à ses missions. Si La Poste change de statut, elle ne sera plus liée par le principe de spécialité qui encadre aujourd'hui ses activités. Elle pourra les diversifier, comme n'importe quelle société anonyme, au gré des actionnaires. Or, une entreprise de service public doit se préoccuper avant tout de l'intérêt général. On ne peut donc transformer les agents du service public en commerciaux alors même que leur mission est déjà de plus en plus complexe entre les activités financières et postales.

D'autre part, pourquoi faire participer la Caisse des dépôts, alors que des projets de privatisation de cette institution circulent dans les couloirs ? A force de vouloir tout privatiser, vous ne savez plus par où commencer ! Nous refusons cette transformation en société anonyme, non pas parce que nous serions restés à l'âge de pierre comme l'affirment certains de nos collègues, mais parce que nous souhaitons que La Poste se modernise, grâce à l'État, garant de l'intérêt général et de la cohésion sociale et territoriale.

L'amendement n°29 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°442, présenté par M. Teston et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Alinéas 4, 5, 6, 7 et 8

Supprimer ces alinéas.

M. Claude Bérit-Débat.  - L'abandon du statut d'Epic et la transformation de La Poste en SA se traduira par une ouverture du capital à des intérêts privés. Notre rapporteur s'est appuyé sur les arguments du président de La Poste, Jean-Paul Bailly, qui a déclaré au journal La Tribune du 31 octobre : « Le changement de statut résulte avant tout d'une demande forte du président de La Poste et de son conseil d'administration ». La Poste « souhaite se battre à armes égales avec la concurrence ». Or, le même président n'avait pas hésité à la fin de l'été 2008 à demander le changement de statut de La Poste en SA mais aussi l'ouverture de son capital à hauteur de 20 % pour 2011. Pour quelle raison s'arrêterait-on en si bon chemin ? Pourquoi le sort de La Poste serait-il différent de celui de France Télécom, d'EDF ou de GDF ? Vous nous affirmez aujourd'hui que le capital de La Poste demeurera 100 % public : ministre de l'économie et des finances, Nicolas Sarkozy déclarait à l'Assemblée nationale le 15 juin 2004 : « Il est en effet clair qu'EDF et GDF doivent pouvoir lutter à armes égales avec la concurrence. (...) Pour cela, nous devons les transformer d'établissements publics en sociétés anonymes ». « Je l'affirme, parce que c'est un engagement du Gouvernement, EDF et Gaz de France ne seront pas privatisées ». Aujourd'hui, l'État ne détient que 35  % de GDF qui a fusionné avec Suez.

M. Jean-Paul Emorine, président de la commission.  - Et ça marche !

M. Claude Bérit-Débat.  - Pourquoi devrait-on croire à nouveau à de telles promesses ? Le changement de statut d'Epic en SA permettrait d'apporter de nouveaux capitaux à La Poste, nous dit-on. L'État apporterait 1,5 milliard et la Caisse des dépôts 1,2 milliard, le changement de statut devant intervenir le 1er janvier. Mais quelle sera l'attitude de la Caisse des dépôts si elle entre au capital de La Poste ? Ces fonds ne sont-ils généralement pas destinés à être transitoires ? La transformation de La Poste en société anonyme constitue un transfert des droits de propriété d'un Epic, propriété collective de la Nation, à une société : nous y sommes bien évidemment opposés. (Applaudissements à gauche)

M. le président. - Amendement n°32, présenté par M. Danglot et les membres du groupe CRC-SPG.

Alinéa 4

Supprimer cet alinéa.

M. Jean-Claude Danglot.  - Cet alinéa transfère le patrimoine national détenu par La Poste à la nouvelle entreprise privée, opérant ainsi une spoliation des intérêts et des biens de la Nation. Le patrimoine de La Poste est considérable. Il consiste en une mission, une relation, une organisation, un savoir-faire, un savoir-être, un métier, une logistique et un capital humain uniques qui en font sans doute la plus importante entreprise de notre pays. Ce formidable outil économique, indispensable à la bonne marche de notre société a été façonné, adapté et développé. En l'offrant à une société privée, vous l'offrez à ses actionnaires, quels qu'ils soient, sans même en demander la valeur. Plusieurs siècles d'investissement public ne valent-ils rien à vos yeux ?

Chacun d'entre nous peut se sentir atteint par cette spoliation. Vous dirigez les affaires publiques, mais vous n'êtes pas les propriétaires du pays. La Nation appartient à son peuple, comme ses biens. Vous dites rêver d'une France de propriétaires, alors n'oubliez jamais que nous sommes tous propriétaires des services et des biens de la Nation. Leur gestion vous est confiée aujourd'hui, mais vous ne pouvez que vendre ou louer un bien public, non pas en réduire la valeur à zéro.

M. le président.  - Amendement identique n°437, présenté par M. Teston et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

M. Yves Chastan.  - Ce texte est l'aboutissement de la logique que vous défendez depuis près de quinze ans. Au pouvoir, la gauche comme la droite ont demandé le report de l'ouverture à la concurrence du secteur postal : les socialistes au nom de la défense du service public et du renforcement du service universel postal, la droite afin de préparer La Poste à être une entreprise comme les autres, quitte à réduire le service universel à une peau de chagrin.

Ainsi, dans son rapport de décembre 2000 sur la deuxième directive postale, Gérard Larcher reprochait au gouvernement socialiste de ne pas avoir mis à profit le délai obtenu pour réformer La Poste afin de la rendre compétitive dans le nouveau contexte européen. Le changement de statut était donc déjà accepté et programmé. Aujourd'hui, Pierre Hérisson écrit dans son rapport qu'il s'agit de préparer La Poste à la menace représentée par les grands opérateurs historiques d'autres États membres, désormais privés, et aux nouveaux défis comme le développement du courrier international.

Si le secteur réservé n'existe plus et si le service universel est réduit aux zones rentables, nous ne pouvons que nous inquiéter. Ainsi, le rapport de la Commission européenne du 22 décembre 2008 sur l'application de la directive postale note que le secteur réservé, qui représente encore la plus grande partie des volumes postaux dans la plupart des États membres, gêne l'expansion des opérateurs privés. Les économies d'échelle jouant un rôle important dans les activités postales, les nouveaux entrants rencontrent des difficultés pour atteindre des volumes suffisants afin d'en profiter. La Commission européenne estime que le secteur réservé, lorsqu'il fonctionne bien, comme en France, fait obstacle à la concurrence libre et non faussée. Faudrait-il leur offrir La Poste sur un plateau ? Souhaitez-vous vraiment la jeter dans la gueule des loups et fragiliser le secteur public comme c'est le cas en Grande-Bretagne ?

M. le président.  - Amendement n°438, présenté par M. Teston et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Alinéas 5, 6, 7 et 8

Supprimer ces alinéas.

M. Michel Teston.  - Cet amendement est la conséquence logique de notre opposition au basculement de La Poste dans le droit commun de la société anonyme, position que nous défendons depuis plusieurs mois.

M. le président.  - Amendement n°34, présenté par M. Danglot et les membres du groupe CRC-SPG.

Alinéa 5.

Supprimer cet alinéa.

Mme Éliane Assassi.  - Cet alinéa constitue une première étape vers la privatisation totale. La libéralisation du secteur postal a été préparée par des restructurations de ses activités, avec notamment la création de grandes plateformes de tri automatisées et la mise en place d'une nébuleuse de filiales.

La loi de 2005 relative à la régulation des activités postales transposait avec zèle deux directives communautaires, préparant l'ouverture à la concurrence tout en délimitant un secteur réservé à l'opérateur historique. Avec l'ouverture du capital, l'État confirme son désengagement. Ce choix purement idéologique s'inscrit dans la ligne de la réduction des dépenses publiques. Demain les actionnaires fixeront la loi à La Poste, le personnel sera soumis à l'obsession du rendement, les automates se multiplieront, comme les agences communales et les relais postaux chez les commerçants. Les files d'attente s'allongeront dans les rares bureaux de plein exercice. Les usagers, devenus des clients, attendront en vain le facteur dans les zones rurales ou les banlieues. L'emploi et les conditions de travail sont déjà touchés par cette évolution : 40 000 emplois ont été supprimés en cinq ans, ainsi que des tournées de facteurs, et des bureaux de poste ont été fermés.

La situation de La Poste et le service rendu aux usagers se dégradent depuis des années en préparation de la privatisation. Cette évolution s'accentuera avec la transformation en société anonyme et l'ouverture aux capitaux privés. Les missions de service public de La Poste justifient le maintien d'un régime juridique spécifique.

M. le président.  - Amendement identique n°444, présenté par M. Teston et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

M. Roland Courteau.  - Je vous rappelle que rien n'oblige à privatiser La Poste. Vous vous en défendez, mais vous demandez au Parlement de vous faire un chèque en blanc. Rien ne vous empêcherait ensuite de réduire la participation du Gouvernement au capital de l'entreprise publique.

Alors commissaire européen chargé de la concurrence, Mario Monti a déclaré le 10 juin 2003, au sujet du changement de statut d'EDF, que ce projet allait au-delà des exigences de la Commission européenne. La Commission ne critiquait pas le choix du gouvernement français, mais ne l'imposait pas non plus. Nous sommes dans une situation similaire. Selon la communication de la Commission européenne sur les services d'intérêt général du 26 septembre 1996, le traité instituant la Communauté européenne garantit « la neutralité à l'égard du statut public ou privé des entreprises et de leurs personnels » et « La Communauté ne remet nullement en cause le statut, public ou privé, des entreprises chargées de missions d'intérêt général, et n'impose donc aucune privatisation ». Toujours selon Monti, le traité ne préjuge en rien du régime de la propriété des entreprises. La Commission ne peut donc demander leur privatisation ou, inversement, leur nationalisation.

Rien non plus, dans la nouvelle communication de la Commission européenne du 20 novembre 2007 sur les services d'intérêt général, ne suggère une telle option. Le rapporteur conservateur du Parlement européen, Markus Ferber, fervent partisan de la libéralisation totale du secteur postal, a indiqué que l'Union européenne avait été capable de garantir à tous les citoyens le maintien du service postal universel dans un environnement libéralisé, soulignant qu'il s'agissait bien d'une libéralisation et non d'une privatisation. Ne soyez pas plus libéral que cet ultralibéral !

Nous nous opposons au changement de statut afin d'empêcher la privatisation de La Poste.

M. le président.  - Amendement n°33, présenté par M. Danglot et les membres du groupe CRC-SPG.

Alinéa 6

Supprimer cet alinéa.

Mme Odette Terrade.  - Le secteur postal représente un immense potentiel économique. La Commission européenne l'a bien compris, tout autant que les acteurs privés déjà sur ce marché. En 2007, les vingt-sept gouvernements de l'Union européenne ont trouvé un accord sur l'ouverture totale à la concurrence, repoussée à 2011. Aujourd'hui, le Gouvernement propose de transposer la directive de 2008 et de libéraliser totalement le secteur postal. Nous sommes donc plus que sceptiques lorsque le Gouvernement explique que La Poste restera entièrement publique alors qu'il défend la libéralisation du secteur postal devant ses partenaires européens.

Le Gouvernement et La Poste n'ont pas hésité à anticiper l'ouverture à la concurrence. Fermetures de bureaux, transformation en points contact offrant un service minimal, multiplication des contrats de droit privé pour diminuer les coûts : la logique libérale européenne est déjà à l'oeuvre. Les règles du droit commun des sociétés s'appliquent, donc également celles du code de commerce. Mais La Poste n'est pas une entreprise comme les autres : prétendre le contraire, comme le fait le Gouvernement, c'est lui interdire d'assumer ses missions de service public ou d'appliquer une péréquation tarifaire. Car tels ne sont pas les buts d'une entreprise privée et celle-ci abandonnera les services les moins rentables. On verra en France, comme on a vu en Suède, le désert postal s'étendre et les prix flamber. Les usagers ne veulent pas devenir des clients ! Ils réclament plus de moyens, plus de guichetiers. Nous refusons que La Poste soit transformée en société anonyme soumise à des dispositions du code du commerce.

M. le président.  - Amendement identique n°446 rectifié bis, présenté par M. Teston et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

M. Jean-Jacques Mirassou.  - Le passage à la société anonyme prédispose à l'application de dispositions du code de commerce. Nous ne le voulons pas !

M. le président.  - Amendement n°35, présenté par M. Danglot et les membres du groupe CRC-SPG.

Alinéa 7

Supprimer cet alinéa.

M. Michel Billout.  - Amendement de conséquence. Vous prétendez « donner sa chance à La Poste » : la chance de réduire les services et l'accueil, de supprimer des emplois, d'augmenter les tarifs, pour satisfaire les actionnaires ! Vous ne donnez pas leur chance aux usagers ni aux élus... Après avoir perdu leur tribunal d'instance, leur conseil de prud'hommes, leur gendarmerie, leur sous-préfecture, ils perdent leur bureau de poste. Tous les participants à la votation craignent une désertification rurale ; ils veulent des bureaux qui offrent de nombreux services, y compris dans les nouvelles technologies ; ils veulent un aménagement du territoire équilibré.

M. le président.  - Amendement identique n°275, présenté par MM. Desessard et Muller et Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet.

Mme Alima Boumediene-Thiery.  - Nous pourrions retirer cet amendement, si le ministre nous fournit des explications rassurantes. La Poste sera une société anonyme mais avec un régime dérogatoire par rapport à certaines dispositions du code de commerce. Lesquelles et pourquoi ? Ne sera-ce pas le moyen de contourner certaines obligations sociales et comptables ?

M. le président.  - Amendement n°36, présenté par M. Danglot et les membres du groupe CRC-SPG.

Alinéa 8

Supprimer cet alinéa.

M. Jean-Claude Danglot.  - Amendement de cohérence. Le désengagement des territoires a déjà commencé. Fermetures et réductions du nombre de levées en témoignent. Le projet de loi accélère le processus. L'accès au service public postal est remis en cause. La péréquation est contraire à la logique de rentabilité : la distribution du courrier dans les chemins creux ou le prix unique du timbre disparaîtront bientôt. Déjà le texte ouvre une brèche, avec une distinction tarifaire entre France métropolitaine et DOM.

Société anonyme, La Poste ne pourra pas remplir ses missions de service public ni garantir une présence postale sur tout le territoire car elle aura un objectif de rentabilité.

M. Pierre Hérisson, rapporteur.  - Vous suivez avec constance votre logique de maintien d'un Epic. Avis globalement défavorable à tous ces amendements.

M. Christian Estrosi, ministre.  - Même chose. Nous avons des dispositions techniques à prendre en conséquence du changement de statut. Tel est l'objet des alinéas que vous supprimez. Défavorable.

L'amendement n°442 n'est pas adopté.

M. Jean-Claude Danglot.  - Vous procédez à une spoliation des biens de la Nation et un détournement du droit du travail. Par une simple phrase, vous indiquez que la transformation n'a aucune incidence sur les droits, obligations, contrats... Cela inclut les contrats de travail ! Les agents n'ont-ils pas plus de valeur qu'une boîte à lettres ou une bicyclette ? (On trouve l'argument outrancier à droite) Tout salarié a des droits quand on transfère la propriété de l'entreprise qui l'emploie à une autre personne morale.

Mme Odette Terrade.  - Le patrimoine immobilier de La Poste a été construit ou acquis grâce aux impôts et taxes payés par tous les citoyens. Certains bâtiments ont été cédés gratuitement par les communes, appartements des receveurs inclus. La valeur de ces biens est immense aujourd'hui. Or elle est niée puisqu'il n'y a pas de cession, pas même pour un euro symbolique. Le transfert ne porte pas seulement sur la jouissance mais aussi sur la propriété. Or les biens de la Nation nous appartiennent à tous. Une autorité administrative peut certes les vendre, mais en l'occurrence ils sont donnés sans contrepartie !

Les amendements n°s32 et 437 ne sont pas adoptés, non plus que le n°438.

Les amendements n°34 et 444 ne sont pas adoptés.

Les amendements n°33 et 446 rectifié bis ne sont pas adoptés.

M. Michel Billout.  - Nous n'avons toujours pas eu d'explications sur le fait que la future SA sera dispensée de certaines dispositions du code de commerce. Le Gouvernement défend avec obstination le changement de statut malgré les questions non résolues, malgré l'hostilité des organisations syndicales, celle de nombreuses associations et partis politiques, et surtout celle des 2,3 millions de Français qui ont participé à la votation du 3 octobre. Ce changement de statut préfigure évidemment une privatisation à plus ou moins court terme. Ce n'est pas une certitude idéologique mais le fruit de l'expérience de France Télécom ou de GDF. Ce projet privilégie la logique financière de rentabilité au lieu de la satisfaction de l'intérêt général. Les petits bureaux de poste ne sont certes pas rentables, mais ils assurent des missions de service public. C'est cette logique de solidarité, la présence de La Poste sur tout le territoire que nous défendons. Nous refusons le changement de statut.

Les amendements identiques n°s35 et 275 ne sont pas adoptés.

M. Jean-Claude Danglot.  - Ce texte ne répond aux attentes ni de la population, ni des élus, ni des postiers, ni des communes rurales déjà touchées par le désengagement de La Poste. Rien n'oblige à un changement de statut qui n'apporte aucune garantie en termes de services rendus aux usagers. Le 3 octobre, les Français ont montré leur attachement à un service public qu'ils considèrent comme essentiel ; ils ont exprimé le souhait d'un véritable service public postal moderne et rénové, qui garantisse l'avenir de La Poste et l'emploi de ses personnels. Un service public réduit à de simples points de contact ne peut garantir l'accessibilité et l'égalité de traitement de tous. Nous refusons de voir La Poste soumise à une logique étrangère à l'intérêt général.

L'amendement n°36 n'est pas adopté.

M. le président.  - Je vais mettre aux voix l'article premier. Y a-t-il des explications de vote ? (Plusieurs sénateurs de gauche lèvent la main ; marques d'agacement à droite) Que cela vous plaise ou non, je fais ce que je dois faire.

M. Jean-Claude Danglot.  - Je vois que la majorité se réveille !

M. Gérard Cornu.  - Essayez de parler sans papier ! Chiche !

M. Alain Fouché.  - Changez de disque !

Mme Odette Terrade.  - Rien ne vous empêche de vous exprimer, mes chers collègues !

M. Jean-Claude Danglot.  - Beaucoup de choses ont été dites sur l'article premier. (Rires las à droite)

Mme Colette Mélot.  - Toujours les mêmes !

M. Jean-Claude Danglot.  - Nous voulons dissiper le brouillard diffusé par le Gouvernement pour masquer ses véritables objectifs. Parlons de la confiance. Nous l'avons démontré depuis lundi : rien n'empêchera de poursuivre le processus de privatisation. Le concept d'entreprise imprivatisable a fait long feu. Chacun sait qu'une loi peut défaire ce qu'une autre a fait, ce n'est pas M. Guaino qui me démentira. Si demain La Poste reste publique, ce sera parce que nous l'aurons voulu et non par je ne sais quelle virtualité juridique.

Comment faire confiance au Président de la République, au Gouvernement et à sa majorité ? Le changement de statut de GDF fut une tromperie. Dois-je rappeler l'excellent rapport publié en octobre 1997 par le Président Larcher, où on pouvait lire ceci : « Est-ce à dire que, comme pour France Télécom, la sociétarisation présenterait un intérêt pour les postiers, La Poste, la Nation ? Il ne semble pas. »

Les directives européennes n'imposent pas de changement de statut. On sait que les Epic peuvent recevoir des aides de l'État. La mondialisation financière, le règne de l'argent roi aiguise les appétits. Après la crise qui a vu s'envoler des centaines de milliards, le capital a besoin de nourriture. La Poste est en ligne de mire. Pour Nicolas Sarkozy et ses amis, les services publics sont à vendre. Et il y a beaucoup de clients.

Nous voulons que La Poste reste un bien commun. Nous refusons la nouvelle société anonyme, celle où les intérêts privés prendront le pas sur l'intérêt général. (Applaudissements à gauche)

M. Michel Teston.  - Nous nous sommes efforcés depuis lundi de faire prendre conscience à nos collègues de la majorité des dangers de l'adoption de l'article premier. Le changement de statut, c'est un verrou qui saute ; quoi qu'en disent le Gouvernement et le rapporteur, il sera demain possible d'ouvrir le capital de La Poste aux intérêts privés. La Poste sera bien devenue privatisable.

Notre opposition est totale, nous le disons depuis des mois. La preuve n'a pas été apportée que La Poste ne pouvait pas se développer sous son statut actuel. Aucune règle communautaire nous impose d'en changer, que d'autres pays l'aient fait n'y change rien. Le renforcement des fonds propres ne passe pas nécessairement par la transformation en SA : l'Union européenne autorise les États à apporter des aides aux postes pour l'exercice de deux de leurs missions, la présence postale et le transport et la distribution de la presse. Or l'État n'a jamais dégagé les moyens nécessaires pour la première et a toujours consacré des sommes insuffisantes à la seconde. Qu'il le fasse à l'avenir ne posera pas de problème à Bruxelles.

Le changement de statut correspond donc bien à la volonté politique du gouvernement français ; c'est un choix dogmatique, une réponse idéologique. Nous voterons résolument contre l'article premier. (Applaudissements à gauche)

Mme Marie-France Beaufils.  - Demeurée un Epic, La Poste peut-elle trouver en interne ou en externe les moyens de son développement ? Souvenez-vous de la loi d'orientation pour les transports intérieurs (Loti) : c'est celle qui a transformé la société d'économie mixte SNCF en Epic. Contrairement à ce qu'a dit hier M. Longuet, la SNCF, comme RFF, est bien un Epic. Pourtant libérale, la directive n'a jamais imposé de faire des opérateurs du service universel des sociétés anonymes. La mise en oeuvre de la fameuse concurrence libre et non faussée n'a jamais emporté la nature juridique des entreprises intervenant dans les services publics. L'article 24 de la Loti prévoit que la SNCF reçoit des concours de l'État au titre des charges résultant des missions de service public qui lui sont confiées ; elle peut aussi recevoir des concours des collectivités territoriales, notamment en application de l'article 22 de la même Loti et de l'article 67 de la loi du 9 février 1995. Or, comme La Poste, la SNCF a une mission d'aménagement du territoire.

Rien, encore une fois, n'empêche La Poste de bénéficier de ressources publiques pour se moderniser ou de faire appel à l'endettement -lequel, de l'ordre de 15 %, en 2008 reste relativement faible rapporté à son encours- solution moins onéreuse que l'attribution de dividendes. Pour toutes ces raisons, nous vous invitons à rejeter l'article premier ! (Applaudissements à gauche)

M. Jean-Jacques Mirassou.  - Si le débat s'est manifestement apaisé depuis hier soir, les lignes n'ont pas bougé : d'un côté, le ministre et la majorité tentent de faire croire que le changement de statut est seulement une modification technique destinée à garantir l'efficacité du service ; de l'autre, nous pensons que ce changement est une rupture politique avec notre conception du service public, avec l'histoire et le peuple de notre République. En adoptant cet article premier, nous mettons le doigt dans l'engrenage : par souci de rentabilité, le bureau de poste se transformera bientôt en agence communale puis allez savoir quoi...

Mme Nathalie Goulet.  - ...en dépôt de pain.

M. Jean-Jacques Mirassou.  - La recherche du profit aura des conséquences directes sur la qualité du travail, les conditions de travail et le nombre de postiers. (M. Guy Fischer approuve) Raison pour laquelle nous sommes fermement opposés au changement de statut. Aussi avec conviction voterons-nous mécaniquement contre cet article premier !

M. Michel Mercier, ministre de l'espace rural et de l'aménagement du territoire.  - « Mécaniquement », c'est le mot !

M. Martial Bourquin.  - Durant ces deux jours de débat, je n'ai pas eu un seul moment l'impression qu'il y avait une volonté de pourrir la semaine. Nous avons eu un débat sérieux : nous avons échangé des arguments, tenté de convaincre l'autre et écouté...

M. Alain Milon.  - Oui ! Nous vous avons beaucoup écoutés ! (Sourires)

M. Martial Bourquin.  - Tout ce temps, La Poste, comme dit la publicité, elle le vaut bien.

Je regrette toutefois que le Gouvernement avance masqué sur ce dossier : le passage en société anonyme n'est qu'une première étape. M. le ministre nous donne l'assurance qu'il n'engagera pas la privatisation de La Poste, comme un autre l'avait fait avant lui pour une autre entreprise, mais son successeur ne se sentira peut-être pas tenu par cet engagement.

M. Alain Milon.  - C'est pour cela que nous avons voté l'amendement Retailleau !

M. Martial Bourquin.  - Dans les semaines qui viennent, vous allez voir, nous observerons une accélération des fermetures de bureaux de poste (« Non ! » à droite) Monsieur le ministre a eu raison -c'est tout l'art de la rhétorique- de présenter les suppressions d'emplois sur un temps long, mais la vérité est que 17 000 emplois ont été supprimés ces deux dernières années.

M. Guy Fischer.  - Le mouvement s'accélère !

M. Martial Bourquin.  - Les électeurs donneront tort à ceux qui soutiennent le passage en société anonyme et chacun prendra alors ses responsabilités.

L'Epic, comme l'a remarquablement démontré M. Teston, est une protection dans ce monde si marqué par le règne du chacun pour soi où les services publics sont dévorés par l'ultralibéralisme ; une protection pour les salariés, les usagers et la société. Or cette protection va être détruite par un vote car, après le temps de la distribution d'un argent public que l'État n'a pas, viendra le temps de la résorption des déficits où l'on vendra les bijoux de famille au Mont de Piété...

M. Christian Cambon.  - C'était le temps de Jospin !

M. Martial Bourquin.  - ...dont La Poste. Soyez lucides : les engagements pris aujourd'hui ne seront pas tenus. Le statut d'Epic fonctionne pour la SNCF et la RATP. Alors pourquoi le modifier pour La Poste ? Il y a anguille sous roche : on prépare une future privatisation, une purge libérale de La Poste. Nous sommes contre ! Nous n'avons pas voulu vous pourrir la semaine, mais vous parler avec passion de La Poste que nous aimons, de ces facteurs qui, par tous les temps, distribuent le courrier...

M. Pierre Hérisson, rapporteur.  - Et c'est reparti pour Zola !

M. Martial Bourquin.  - ...de ces guichetiers qui accueillent tous les Français. Nous savons que cette poste-là n'existe plus là où elle a été privatisée comme en Allemagne. Et pour cela, le peuple sera en droit de vous demander des comptes ! (Applaudissements à gauche)

A la demande du groupe socialiste, de la commission et du groupe CRC, l'article premier est mis aux voix par scrutin public.

M. le président.  - Voici les résultats du scrutin :

Nombre de votants 340
Nombre de suffrages exprimés 338
Majorité absolue des suffrages exprimés 170
Pour l'adoption 187
Contre 151

Le Sénat a adopté.

Articles additionnels

M. le président.  - Amendement n°276, présenté par MM. Desessard et Muller et Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet.

Après l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

La Poste et les titulaires de l'autorisation prévue à l'article L. 3 du code des postes et télécommunications électroniques s'engagent à prendre en compte dans l'ensemble de leurs activités, les préoccupations environnementales. La Poste et les titulaires de l'autorisation prévue à l'article L. 3 du code des postes et télécommunications électroniques s'efforcent de développer l'usage de matériaux recyclés, de modes de transport non polluants et l'utilisation du courriel. Ils veillent à limiter leurs émissions de déchets. La Poste et les titulaires de l'autorisation prévue à l'article L. 3 du code des postes et télécommunications électroniques s'engagent à financer la recherche en matière de développement durable.

Amendement n°277, présenté par MM. Desessard et Muller et Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet.

Après l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le groupe La Poste s'engage à prendre en compte, dans l'ensemble de ses activités, les préoccupations environnementales. Le groupe La Poste s'efforce de développer l'usage de matériaux recyclés, de modes de transport non polluants et l'utilisation du courriel. Il veille à limiter ses émissions de déchets. Le groupe La Poste s'engage à financer la recherche en matière de développement durable.

Mme Alima Boumediene-Thiery.  - L'un des deux principaux concurrents de La Poste, le Hollandais TNT, compte 120 sites et affirme expédier chaque jour plus de 350 colis en France et à l'étranger. Avec sa nouvelle stratégie de développement durable, La Poste a déjà pris de nombreuses décisions en faveur de la protection de l'environnement. Mais il convient d'aller plus loin en engageant tous les opérateurs du secteur postal à procéder à une véritable révolution écologique de leurs pratiques.

Cet impératif écologique doit être étendu à l'ensemble des opérateurs du secteur postal, pour éviter que la concurrence ne soit faussée, qu'il s'agisse de nécessités de transport ou de conditions de travail.

M. Pierre Hérisson, rapporteur.  - La Poste a pris conscience de l'objectif de préservation de l'environnement, à laquelle le code des postes et des communications électroniques contraint tous les opérateurs postaux. Ceux-ci sont soumis, comme toutes les entreprises, aux lois relatives à la protection de l'environnement et à la Charte de l'environnement. Défavorable aux deux amendements.

M. Christian Estrosi, ministre.  - Tout prestataire de services postaux doit respecter l'objectif de protection de l'environnement. La Poste s'emploie à réduire les émissions de CO2 avec des mesures comme l'éco-conduite ou le recours aux véhicules électriques et au fret TGV. Enfin, encourager l'usage des courriels est en décalage avec le métier historique de La Poste. Défavorable.

M. Jean-Claude Danglot.  - Les préoccupations environnementales sont au coeur de la démarche des entreprises publiques. Depuis longtemps, La Poste montre l'exemple : ainsi, les enveloppes des services financiers sont en papier recyclé, et les relevés de compte hebdomadaires papier sont désormais facturés.

Le plan « cap qualité courrier » consiste à fermer les centres de tri départementaux et à regrouper les opérations de tri sur une quarantaine de sites industrialisés, plus performants. Or, contrairement aux centres de tri départementaux qui étaient en général situés à proximité immédiate des principales gares SNCF, les nouveaux centres de tri « cap qualité courrier » ne sont pas desservis par le train -ce qui suppose le recours au transport routier ! Si ces centres sont parfois primés pour leur usage de matériaux recyclés, les personnels sont soumis à des horaires atypiques et décalés, et contraints d'utiliser leur véhicule personnel faute de transports en commun adaptés.

La logique économique du traitement du courrier est incompatible avec la responsabilité environnementale et le respect des engagements du Grenelle et de la Charte de l'environnement. Nous voterons évidemment ces deux amendements qui devraient faire l'unanimité.

L'amendement n°276 n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°277

La séance est suspendue à 19 h 55.

présidence de M. Roger Romani,vice-président

La séance reprend à 22 heures.

Article 2

L'article 2 de la même loi est ainsi rédigé :

« Art. 2. - La Poste et ses filiales constituent un groupe public qui remplit des missions de service public et exerce d'autres activités dans les conditions définies par la présente loi et par les textes qui régissent chacun de ses domaines d'activité.

« I. - Les missions de service public sont :

« 1° Le service universel postal, dans les conditions définies par le code des postes et des communications électroniques, notamment ses articles L. 1 et L. 2 ;

« 2° La contribution, par son réseau de points de contact, à l'aménagement et au développement du territoire dans les conditions fixées à l'article 6 de la présente loi ;

« 3° Le transport et la distribution de la presse dans le cadre du régime spécifique prévu par le code des postes et des communications électroniques ;

« 4° L'accessibilité bancaire dans les conditions prévues par les articles L. 221-2 et suivants et L. 518-25-1 du code monétaire et financier.

« II.  -  La Poste assure selon les règles de droit commun toute autre activité de collecte, de tri, de transport et de distribution d'envois postaux, de courrier sous toutes ses formes, d'objets et de marchandises.

« La Poste exerce des activités dans les domaines bancaire, financier et des assurances dans les conditions prévues au code monétaire et financier.

« La Poste est habilitée à exercer en France et à l'étranger, elle-même et par l'intermédiaire de filiales ou participations, toutes activités qui se rattachent directement ou indirectement à ses missions et activités telles que définies par la loi, ainsi que toute autre activité prévue par ses statuts. »

M. Michel Teston.  - Cet article énumère les quatre missions de service public confiées à La Poste : le service universel postal, la présence postale, le transport et la distribution de la presse, l'accessibilité bancaire.

Leur inscription est prévue par la directive postale, qui définit le service postal universel comme « une offre de services postaux de qualité déterminée, fournie de manière permanente en tout point du territoire, à des prix abordables pour tous les utilisateurs ».

Cet article est contradictoire avec l'article premier, puisque devenue société anonyme La Poste devra privilégier la rentabilité économique.

Énumérer des missions n'est pas assurer leur financement pérenne à la hauteur des besoins. Le projet de loi maintient pour quinze ans le rôle de La Poste comme prestataire universel, mais l'absence de nouveaux moyens contraindra la future société anonyme à réduire ses coûts, donc à supprimer des emplois et restreindre la présence postale.

La fin programmée du secteur réservé n'augmentera pas le financement du service postal universel. Il va être créé un fonds de compensation alimenté par l'ensemble des opérateurs postaux au prorata de leur chiffre d'affaires, mais l'expérience de la téléphonie fixe incite à la circonspection, puisque le fonds y est principalement financé par l'opérateur historique, dont les concurrents contestent souvent leur quote-part malgré la décision prise par l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (Arcep). On voit bien les limites du dispositif.

Je suis inquiet pour l'avenir du partenariat entre La Poste et les collectivités territoriales : la création d'agences postales fait aujourd'hui l'objet de conventions négociées avec les collectivités territoriales ; à l'avenir, les délégations de service public pourraient passer par des appels d'offres et nous n'avons aucune garantie que les communes soient retenues. Comment vont réagir les concurrents de La Poste devenue société anonyme... du moins si ce projet de loi est voté dimanche soir ou ultérieurement ?

Mme Alima Boumediene-Thiery.  - Cet article revient sur les missions de La Poste et de ses filiales. Nous avons suffisamment demandé que La Poste ne devienne pas une entreprise comme les autres ; la Banque postale ne doit pas non plus devenir une banque comme les autres.

La Banque postale s'est abstenue des placements à risques effectués par les autres banques, à l'origine de la crise financière. La Société générale cherche à se rapprocher d'elle alors que cette banque n'est vraiment pas l'archétype d'une banque responsable animée par un esprit de service public.

Déjà la Banque postale est à la recherche de la rentabilité, au point que le personnel disponible dépend non pas du nombre d'opérations réalisées, mais de leur montant. Résultat : de plus en plus d'agences bancaires ferment. Garantir 17 000 points de contact est très bien, mais ni un commerce, ni une agence communale ne pourront jouer le rôle d'une banque ! Les usagers ne pourront y obtenir aucune garantie de pérennité, sans parler de la confidentialité des opérations.

La présence de la Banque postale doit être une réalité dans les territoires ruraux et dans les zones urbaines sensibles.

Une vaste partie de Monopoly international se joue actuellement : La Poste tend à se placer au premier rang pour participer au démantèlement des postes étrangères, dépossédant ainsi les populations locales de leurs services publics. La Banque postale est privatisable depuis 2005. Si La Poste participe à la privatisation d'opérateurs étrangers, comment refuser demain la sienne ?

Les sénateurs Verts ne veulent pas que la Banque postale se laisse grignoter par des groupes à la morale douteuse. Aujourd'hui, l'accessibilité bancaire n'est garantie que dans le texte, pas sur le terrain. Au lieu de brader la Banque postale, il faut garantir un service bancaire universel. Nous avons besoin d'un pôle financier public pour impulser une véritable politique financière décidée par l'État, notamment en matière de logement social, d'environnement et de crédit.

Mme Odette Terrade.  - Simple compilation de dispositions existantes, cet article a pour unique objectif d'afficher que La Poste restera chargée de mission de service public même après sa transformation en société anonyme.

Vous prétendez que ces missions seront renforcées grâces à l'article 2, ce dont nous doutons, car elles ne seront plus financées. En effet, le secteur réservé est supprimé par ce texte au nom de la concurrence communautaire, alors que le fonds de compensation institué par la loi de régulation bancaire n'a toujours pas été créé. Après l'échec constaté en Italie, on peut au demeurant mettre en doute sa capacité à financer le service universel.

L'aménagement du territoire aussi est financé par un fonds, malheureusement insuffisant puisque 100 millions d'euros restent chaque année à la charge de La Poste pour assurer la présence postale. Qu'en sera-t-il lorsque votre majorité aura supprimé la taxe professionnelle ? Le fonds est abondé par l'exonération dont bénéficie La Poste...

L'aide à la presse va décroître de manière conséquente à partir de 2015. Ne parlons même pas de la fameuse accessibilité bancaire, dont les objectifs ont été laminés par la loi de 2005, qui a remplacé l'obligation d'offrir des services bancaires à tous par celle de satisfaire les besoins du plus grand nombre.

Que manque-t-il à La Poste pour remplir ses missions de service public ? Un financement pérenne. Or, seule une intervention ponctuelle est prévue ici. D'ailleurs, la somme que l'État doit investir dans La Poste, soit 1,2 milliard d'euros, équivaut au manque à gagner qu'il lui inflige depuis des décennies.

Comment atteindre l'équilibre ? Au détriment de l'aménagement du territoire, de la présence postale, de l'accessibilité bancaire et de l'aide à la presse. Le passage à la société anonyme et l'ouverture à la concurrence priveront l'opérateur des moyens d'assumer les missions de service public.

Vous rappelez que La Poste est un groupe public. Mais jusqu'à quand ? On connaît la chanson. Sans compter que cela signifie simplement que la part détenue par des personnes publiques doit rester supérieure à 50 %. Où est la garantie pour l'avenir alors que La Poste est aujourd'hui détenue à 100 % par l'État ? Nous ne pouvons cautionner un tel recul et défendrons des amendements à cet article 2 visant à préciser les missions de service public assurées par La Poste, notamment en ce qui concerne les réseaux de points de contact. Sur le fond nous maintenons notre condamnation de la fin du service public à la française.

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.  - La Poste est soumise à des droits et obligations au titre de ses missions de service public. Le code des postes et des communications électroniques dispose que le service universel postal doit être assuré dans le respect des principes d'égalité, de continuité et d'adaptabilité, en recherchant la meilleure efficacité économique et sociale, qu'il doit garantir à tous les usagers, de manière permanente et sur l'ensemble du territoire national, des services postaux répondant à des normes de qualité, et donc que la distribution du courrier doit être effectuée dans des installations appropriées, au domicile de chaque personne, physique ou morale.

Ceci signifie que le courrier doit être distribué dans chaque boîte aux lettres, y compris dans les voies de lotissements ou les voies dites privatives, à partir du moment où ces voies sont ouvertes à la circulation publique.

Or, certains bureaux de poste ont récemment décidé, de manière arbitraire et subite, de ne plus distribuer le courrier dans les boîtes aux lettres de certaines voies dites privatives.

Les riverains devront donc faire installer, à leur frais, une batterie de Cidex à l'entrée de ces voies, ce que la maire que je suis ne peut voir d'un bon oeil. Surtout, cela signifie que le principe d'égalité n'est plus respecté, pas plus que ceux de continuité et d'adaptabilité, et encore moins les obligations de La Poste en matière de qualité du service.

En conséquence, je me permets, monsieur le ministre, de vous demander de bien vouloir nous confirmer que vous veillerez à ce que les obligations de service public de La Poste, dans leur principe d'égalité entre tous les citoyens, seront toujours respectées, et qu'il ne peut y avoir de régression dans les normes de qualité des services de La Poste, ce qui serait contraire aux objectifs poursuivis par le ce texte.

Les 2,7 milliards ne sont pas un chèque en blanc à La Poste. Les élus veulent l'assurance d'une amélioration du service public de La Poste, que chaque Français réclame.

M. Guy Fischer.  - Très bien, madame Des Esgaulx !

M. Jean-Jacques Mirassou.  - Dans cet article, conséquence directe de l'article premier, sont détaillées les missions de service public qui relèvent de La Poste. Ces dispositions sont donc fondamentales et je veux insister sur l'une d'elles : la contribution de La Poste à l'aménagement du territoire. Lui reconnaître cette mission, c'est admettre, monsieur le ministre, que l'activité postale n'est pas une simple activité marchande, mais bien une activité incontournable pour le maintien et la préservation du lien social et de l'identité des territoires. La Poste est de plus en plus souvent le dernier service de proximité de nos campagnes. Lorsque l'école a fermé, elle demeure le dernier symbole de la présence de l'État, le dernier rempart contre la désertification institutionnelle.

De fait, La Poste est plus qu'une entreprise comme les autres. Elle incarne le lien entre l'État et le citoyen. Elle symbolise la République. C'est pourquoi elle doit être présente dans tout le pays. Quelle image enverrions-nous alors aux citoyens si nous acceptons la disparition de La Poste des zones territoriales les plus défavorisées, les plus reculées, les moins bien équipées ?

Inscrire dans ce texte ce que sont ses missions de service public n'aurait pas de sens si les moyens nécessaires n'étaient pas assurés. Nous défendrons donc des amendements visant à préserver un niveau important d'accessibilité aux services postaux, sans lequel l'égalité entre les citoyens ne serait pas préservée. Où que l'on habite, quelle que soit sa condition sociale, on ne doit pas se sentir abandonné par l'État. La Poste doit fonctionner partout, avec des horaires d'ouverture suffisants.

Mme Nathalie Goulet.  - Très bien !

M. Pierre-Yves Collombat.  - Si nos désaccords de fond persistent, nous sommes cependant tous d'accord sur un point, rappelé dans cet article 2 : le groupe public La Poste remplit des missions de service public. Cela signifie que La Poste a des obligations qu'un opérateur dont l'ensemble des activités s'exerce dans le cadre concurrentiel ne remplirait pas parce qu'elles lui feraient perdre de l'argent. L'exercice du monopole par l'établissement public La Poste a permis longtemps de financer ces obligations de service public.

Mais dès lors que l'essentiel de son activité s'est exercé dans le cadre concurrentiel, s'est posé le problème du financement de ce qu'il faut bien appeler désormais le « surcoût de service public » mis à sa charge.

Nous défendrons des amendements visant à consacrer le principe d'obligation de financement intégral et pérenne des missions de service public de La Poste et à en décliner les modalités.

Il est indispensable, pour assurer le service universel postal et la présence postale sur l'ensemble du territoire, de donner une existence réelle et non virtuelle au Fonds postal national de péréquation territorial en le sortant des comptes de La Poste, et de lui assurer des ressources réelles, étant entendu que l'équivalent d'exonérations fiscales n'est pas une ressource, mais un simple signal envoyé à Bruxelles pour n'être pas accusé de servir des avantages concurrentiels.

Quelle que soit sa position, chacun peut partager le souci de voir assurée une présence postale sur l'ensemble du territoire.

Il faut en finir avec le bricolage actuel. Les élus ruraux ne comprendraient pas que le Sénat ne réponde pas à leur attente. Avec cet article 2 sonne l'heure de vérité. Graver dans le marbre les missions de service public de La Poste en lui refusant les moyens identifiables et pérennes de les remplir serait pure hypocrisie. C'est dans cette catégorie que l'on peut ranger les propositions qui s'obstinent à gager le Fonds de péréquation sur des exonérations fiscales fussent-elles supérieures à celles d'aujourd'hui.

M. Georges Patient.  - La question des missions de service public de La Poste se pose avec acuité outre-mer, en raison de la configuration géographique et de la situation économique de ces territoires, de leur marché restreint et de leur éloignement de la métropole. C'est pourquoi les DOM ont été inscrits comme zones prioritaires au titre de la mission d'aménagement du territoire de La Poste.

Pourtant, la situation est loin d'être satisfaisante. Le ministre, en réponse aux interventions sur la motion référendaire, a cité la Guyane pour illustrer le souci du Gouvernement d'élargir le maillage territorial de La Poste dans toutes les zones du territoire français, surtout les plus isolées comme celles qui se situent à la frontière amazonienne.

La Guyane est un territoire continental immense avec beaucoup de zones enclavées, accessibles seulement par voie fluviale ou aérienne. Or, en dépit des déclarations du ministre, elle accuse un sérieux retard structurel en matière postale. Les chiffres sont éloquents : un bureau de poste pour 7 000 habitants, contre un pour 4 000 en métropole.

Depuis plusieurs années, la direction de La Poste guyanaise nous parle d'ouverture à la concurrence, de la mondialisation et des réorganisations nécessaires. Sa logique d'intervention ou d'implantation est celle de n'importe quelle entreprise qui vise la rentabilité financière.

Aucune des quatre missions de service public qui figurent dans ce texte n'est remplie dans ce département.

La présence postale et le service de distribution de la presse, déjà en difficulté, souffrent de la mutualisation forcée et illogique des moyens comme de l'ouverture de relais poste en lieu et place d'agences postales. Les usagers sont contraints d'effectuer de nombreux kilomètres sur les routes et les fleuves. La grogne monte, comme on l'a vu dans la commune d'Apatou, commune enclavée située le long du fleuve Maroni.

Et que dire de la mission d'accessibilité bancaire ? La Banque postale reste souvent pour les plus démunis la seule banque où ouvrir un compte. Mais la question se pose aujourd'hui de la pérennisation de la Banque postale en raison de mutualisations, là aussi très fréquentes, de certaines activités avec les Antilles et la métropole.

Au centre financier, le traitement des dossiers prend plusieurs semaines.

En outre, il n'y a toujours pas de réelle accessibilité bancaire. D'où un mouvement de protestation en septembre à Apatou.

La mission d'aménagement du territoire prend tout son sens dans les zones fragilisées qui connaissent des problèmes d'isolement et d'enclavement. En Guyane, le nombre insuffisant de points poste rend les conditions de travail des agents très difficile : ils doivent parcourir de nombreux kilomètres sur route, en pirogue ou à pied. Récemment, deux facteurs de 40 ans sont décédés de crise cardiaque, dont l'un durant son service. Sans tirer de conclusions hâtives, on peut toutefois s'interroger.

La privatisation ne fera qu'aggraver une situation déjà fragile et pénalisera, une fois de plus, les ultramarins, pourtant très attachés à un des derniers services publics garantissant à chacun un accès à un bureau de poste, à la distribution du courrier ou encore à un guichet bancaire.

Alors, au nom des principes d'égalité, d'équité, « d'unité de la Nation, de solidarité entre citoyens et d'intégration des populations » qui figurent dans la loi d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire (LOADT) de 1995, La Poste doit poursuivre ses missions de service public sur l'ensemble du territoire français et l'État doit assurer leur financement. (Applaudissements à gauche)

M. Claude Biwer.  - Cet article est au moins aussi important que l'article premier puisqu'il traite des quatre missions de service public de La Poste. Comme l'a souligné notre rapporteur, La Poste est un acteur majeur de l'aménagement du territoire par son réseau de points de contact : elle joue donc un rôle social indispensable en milieu rural.

Les élus des collectivités territoriales souhaitaient, à juste titre, que figurent dans la loi des garanties sur le maintien des missions de ce service public : cet article leur donnera satisfaction. Ils voulaient également obtenir des garanties sur le volume et la pérennité du Fonds postal de péréquation territoriale qui concourt à l'aménagement du territoire et, bien entendu, ils attendent le maintien des bureaux de poste ou des points de contact en milieu rural. Notre groupe a donc proposé de sanctuariser le nombre de points de contact de La Poste. Je remercie notre rapporteur d'avoir été sensible à notre demande en acceptant de défendre un amendement qui prévoit que le réseau de La Poste devra compter au moins 17 000 points de contact. Il proposera également d'abonder le Fonds de péréquation territoriale de 65 millions supplémentaires pour renforcer la mission d'aménagement du territoire de La Poste. J'aimerai que M. le ministre nous rassure sur ce point.

Dans mon département, nous avions pensé que les milieux périurbains risquaient d'être encore plus pénalisés que les zones rurales et nous y avions maintenu un certain nombre de bureaux de poste. Hélas, nous avons été rappelés à l'ordre.

Après avoir approuvé l'article premier renforçant le caractère public de La Poste, le Sénat aura fait oeuvre utile et répondu aux principales préoccupations des uns et des autres en votant les articles 2 et suivants. J'espère que le débat va retrouver toute sa sérénité pour que nous puissions préparer, tous ensemble, l'avenir de La Poste. (Applaudissements au centre et à droite)

M. Gérard Longuet.  - Très bien !

M. Martial Bourquin.  - Nous voulons, monsieur le ministre, travailler et non pas « pourrir la semaine » du Gouvernement comme l'a prétendu un ministre. (Marques d'agacement à droite) Ce n'était pas vous mais on dit que le gouvernement est un...

Cet article est très important : nous connaissons des mutations sociologiques, économiques et écologiques décisives. La continuité des services publics sur tout le territoire mérite donc une attention particulière. Nombreux sont nos concitoyens qui se sentent seuls ou exclus. Nous assistons à une envolée de la pauvreté et de la précarité et le rapport du Secours Catholique est extrêmement inquiétant. Ne sous-estimons donc pas cette situation qui risque de nous revenir comme un boomerang. Les services publics, et La Poste en tout premier lieu, restent souvent le seul lien social pour certaines personnes.

Face à la concurrence qui va se mettre en place, soit on l'affrontera en modernisant La Poste, soit on cherchera la rentabilité à tout prix en transformant La Poste en une société classique qui privilégiera la rentabilité et donc la réduction des coûts et des effectifs. La Poste se coupera alors d'une grande partie de la population, et c'est malheureusement ce qui se passe déjà dans toute l'Europe. La singularité française, c'est de faire rimer modernisation avec maillage du territoire. L'aménagement du territoire doit être utilisé comme une force et non perçu comme une faiblesse. Or, la direction actuelle de La Poste semble considérer qu'il s'agit plutôt d'un handicap...

En pleine crise financière, la Banque postale n'aurait-elle pas dû mener une campagne pour dire qu'elle n'avait pas trempé dans cette bulle spéculative, que ses placements étaient sûrs, bref, qu'elle n'était pas une banque comme les autres ?

Nous allons défendre des amendements pour éviter toute restriction du service postal et défendre la continuité du service public en toutes circonstances. (Applaudissements à gauche)

M. Thierry Repentin.  - Le Gouvernement prend prétexte de la directive européenne du 20 février 2008 pour changer le statut de La Poste. Le processus d'ouverture progressive à la concurrence postale n'implique nullement le changement de statut de La Poste. Ce changement de statut n'annonce-t-il pas une privatisation qui ne dit pas encore son nom ?

La majorité tente de justifier sa démarche en invoquant une condition nécessaire à la concurrence. Mieux vaut se répéter que se contredire : la concurrence n'implique pas le changement de statut de La Poste. Aucune entreprise privée ne souhaitera remplir les missions de service public de La Poste. Est-ce bien là ce que nous voulons ? L'article 2 cherche à sauvegarder l'essentiel des missions de service public : il s'agit donc d'un aveu. Le statut de société anonyme menace l'avenir de La Poste : elle se retrouvera opposée à des concurrents qui se positionneront sur des secteurs d'activité à forte valeur ajoutée. Bien sûr, les missions de service public de La Poste restent un dernier rempart face aux dérives prévisibles, mais pour combien de temps ? Ce changement de statut entraînera inévitablement des fermetures de bureaux de poste et des réductions d'effectifs. C'est sans doute pour cette raison que le conseil général de la Savoie a récemment refusé à l'unanimité le changement de statut de La Poste et s'est prononcé pour le maintien des services publics. L'assemblée départementale est présidée par l'ancien ministre, Hervé Gaymard, et compte dans ses rangs le député Michel Bouvard, membre de la Caisse des dépôts et notre collègue Jean-Pierre Vial.

Les élus de ce département subissent déjà les effets de la dernière modification de La Poste, dont nous avions dénoncé les risques. Rappelez-vous l'intervention en séance de notre ancien collègue Pierre-Yves Trémel, qui s'était battu pour le service public de La Poste.

En tant qu'élu d'un département de montagne, je mesure les difficultés créées par le retrait du service postal. Je suis en outre élu dans un canton où se trouve une zone urbaine sensible, dont l'agence postale a été victime de deux agressions. Les agents ont fait valoir leur droit de retrait, et après un an de discussion avec La Poste, nous allons peut-être déboucher sur une solution pour que ce service soit à nouveau assuré. Qu'en sera-t-il quand nous aurons en face de nous une entreprise privée ?

M. Roland Courteau.  - Bonne question !

M. Thierry Repentin.  - Qui, sur le long terme, assurera l'accessibilité aux services bancaires dans des territoires où de nombreuses personnes n'ont plus de compte chèques et ne disposent que d'un livret A, dont l'ouverture est gratuite et obligatoire -ce que n'indique pas l'article 2 ? Je me réfère à ma connaissance des territoires et non à une approche dogmatique. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Jean-Pierre Bel.  - J'ai apprécié les interventions précédentes, et notamment celle de Marie-Hélène des Esgaulx, qui a mis en avant les nécessités de service public que démontrent les exemples pris dans nos territoires.

Je suis sans doute le seul ici à avoir démissionné d'un comité départemental de présence postale, comme l'a également fait mon successeur lorsque nous avons remis en place ce comité. Dans mon département, l'Ariège, nous rencontrons certains problèmes qui n'ont, hélas, rien d'exceptionnel. Il s'agit, tout d'abord, du déclassement des bureaux de poste : on comptait 85 bureaux de plein exercice il y a cinq ans, il n'en reste aujourd'hui qu'une douzaine. Ils sont remplacés par des agences postales communales et des points de contact, mais cette dégringolade a un impact significatif dans le département.

Comment en arrive-t-on là ? On commence par diminuer l'amplitude horaire pour l'ouverture du bureau. Un exemple : le canton de Quérigut, qui est l'un des plus petits de France, dans la partie de l'Ariège proche de l'Aude et des Pyrénées-Orientales. J'ai été pendant douze ans maire d'une petite commune de ce canton très enclavé, dans une zone de montagne à près d'une heure de la ville d'importance la plus proche, et qui compte 450 habitants l'hiver. Ce qui tient lieu de bureau de poste n'est plus ouvert qu'un jour et demi par semaine. La Poste n'est pas seule en cause car des problèmes similaires touchent d'autres services publics, mais il est de plus en plus difficile de vivre dans ce territoire. En outre, les maires sont exaspérés par les conditions qu'on leur impose : dans certains bureaux de montagne, les personnels malades ou en congé ne sont plus remplacés.

M. Roland Courteau.  - Exact !

M.Jean-Pierre Bel.  - Sans parler du courrier qui n'arrive plus, ou très tard.

Tout cela nous amène à nous interroger sur la signification même de la notion de service public car, en principe, l'habitant d'un canton isolé a droit aux mêmes services qu'une personne vivant dans un territoire plus favorisé. Depuis quelques mois, nous travaillons contre le service public, qui subit une rétrogradation inquiétante. Dans mon département, personne n'aurait compris que je n'évoque pas ce cas particulier au moment où nous débattons de La Poste. Nous devons redonner au service public son véritable sens. (Applaudissements à gauche et sur les bancs du RDSE)

M. Guy Fischer.  - Bel exemple !

M. Michel Mercier, ministre.  - Il n'est pas d'usage pour le ministre de répondre après les interventions sur l'article, mais, par égard pour les membres du Sénat, je souhaite répondre aux interrogations exprimées par les orateurs. Nous allons travailler cette nuit et demain toute la journée et, grâce à votre attachement au service public et à l'aménagement du territoire, nous pourrons clore ce débat le plus tôt possible, dans l'intérêt de La Poste.

M. Guy Fischer.  - Ne nous mettez pas la pression !

M. Michel Mercier, ministre.  - Jamais ! Avec moi, tout est proposé, rien n'est imposé. (Sourires)

M. Gérard Cornu.  - C'est comme au Club Med ! (Sourires)

M. Michel Mercier, ministre.  - Rien n'imposait au Gouvernement d'inclure dans ce texte des dispositions relatives aux missions de service public de La Poste, qui ne seront pas obérées par le changement de statut.

Madame des Esgaulx, vous êtes juriste et élue de la Gironde. La conception matérielle des missions de service public a été fixée par le maire de Bordeaux, Léon Duguit, et a toujours été confirmée par le tribunal des conflits et le Conseil d'État. Monsieur Mirassou, vous êtes élu de Toulouse, où officiait le doyen Hauriou, tenant de la définition institutionnelle du service public. Notre pays a toujours privilégié la première conception, celle du contenu, qu'il s'agisse du service public ou de la Nation. Le Gouvernement s'inscrit dans cette ligne en confiant à une société anonyme des missions de service public.

Cette conception, qui n'est pas nouvelle, a été confirmée à de multiples reprises par le Conseil d'État, notamment dans l'arrêt Société Unipain de 1972. Avec La Poste, nous perpétuons cette grande tradition du service public.

La Poste a un statut de société anonyme.

M. Martial Bourquin.  - Non, c'est un Epic !

M. Guy Fischer.  - Vous anticipez.

M. Michel Mercier, ministre.  - Le Sénat a voté l'article premier, qui sera examiné par l'Assemblée nationale. On retrouve les mêmes dispositions pour beaucoup de services publics, il n'y a rien ici de très nouveau.

M. Repentin estime que la mise en concurrence ne nécessitait pas un changement de statut, mais il sait très bien que celui-ci est imposé par le régime des aides européennes, et La Poste a besoin d'argent. (Protestations à gauche, notamment de M. Martial Bourquin)

Monsieur Bourquin, laissez-moi exposer ma position comme vous avez exposé la vôtre. A défaut, vous penserez que vous avez raison même quand vous avez tort. (Rires à droite) Acceptez le dialogue, même si ma thèse est différente de la vôtre.

M. Martial Bourquin.  - J'exposerai donc l'antithèse.

M. Michel Mercier, ministre.  - Et moi je suis toujours pour la synthèse, ce qui vous manque en ce moment ! (Sourires)

M. Gérard Longuet.  - Très bien !

M. Michel Mercier, ministre.  - La Banque postale n'est pas une banque comme les autres. (Marques d'approbation à gauche)

M. Guy Fischer.  - Oui !

M. Michel Mercier, ministre.  - La moitié de sa clientèle perçoit des minima sociaux. C'est la seule banque qui assure l'accessibilité bancaire et elle continuera à remplir cette mission de service public.

Monsieur Teston, le financement des missions de service public est assuré, des dispositions sont inscrites dans trois articles, en particulier l'article 2 ter ; et votre commission, qui a beaucoup travaillé sur ce point, a fait des propositions. Nous trouverons une solution et si vous êtes impatients de la connaître, il faut arriver rapidement à l'examen de l'article 2 ter. (Sourires) Il y a certes des problèmes dans les DOM, et singulièrement en Guyane, mais il existe tout de même au moins un bureau de poste par commune. Monsieur Repentin, reconnaissez qu'il y a montagne et montagne ; et en Savoie, c'est en haute montagne que La Poste fait ses meilleurs chiffres -mieux qu'en plain- elle n'a donc aucune intention de quitter ces lieux ! Je suis ouvert au dialogue. Ensemble, nous ferons en sorte que La Poste, devenue une société anonyme (M. Martial Bourquin se désole), détenue par l'État et ses excroissances, assume totalement ses missions de service public (Applaudissements sur les bancs UMP)

M. le président.  - Amendement n°37, présenté par M. Danglot et les membres du groupe CRC-SPG.

Supprimer cet article.

M. Jean-Claude Danglot.  - Cet article essentiel consacre La Poste comme entreprise. Nous refusons la transformation, nous voulons donc supprimer l'article. Mais plus précisément, nous n'acceptons pas que les missions de service public soient placées sur un même plan que les autres activités. Pourquoi ne pas les détailler dans un article spécifique ? Nous n'acceptons pas que vous fassiez l'impasse sur les objectifs et les moyens.

La rédaction de cet article laisse penser que la définition du service universel relève de la loi. Or ce n'est pas si simple et vous le savez bien. Le code des postes, sur le service universel postal, est si flou que vous prévoyez un décret en Conseil d'État, pris après consultation de La Poste et après avis de l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes et de la Commission supérieure du service public des postes et des communications électroniques. Ce décret précisera les caractéristiques du service universel ; autrement dit, La Poste entreprise privée et ses actionnaires privés participeront bientôt à la définition du service universel. Et vous pourrez par décret restreindre le service universel. C'est dire l'étendue des garanties de service public contenues dans ce projet de loi ! Incohérences, imprécisions, dispositions dangereuses : nous y reviendrons.

M. Pierre Hérisson, rapporteur.  - L'article conforte les missions de service public, service universel postal, transport et distribution de la presse, accessibilité bancaire, aménagement du territoire. La Poste n'est pas une entreprise comme les autres car elle exerce des missions de service public à la française, dont le contenu est défini dans divers textes de loi. Il n'y avait aucune obligation de les rappeler ici. Le Gouvernement a fait ce choix, que je salue. Défavorable aux amendements.

M. Michel Mercier, ministre  - Chiche, supprimons l'article : plus de garantie sur les 17 000 points de contact, plus de contrat de missions de service public ! Nous avons tous envie d'approfondir ces questions, de préciser comment est financé l'aménagement du territoire. Défavorable.

M. Jean-Claude Danglot.  - Supprimons surtout le projet de loi. (Murmures à droite) Vous faites l'impasse sur les moyens. Ce n'est pas un oubli.

Les agents du service public sont à la disposition des usagers, pour les aider : on sait le rôle essentiel que joue le facteur, il ne se contente pas de glisser des lettres dans la boîte six jours sur sept, mais dans telle maison, il sonne et il attend que le citoyen vienne à sa rencontre car il sait que celui-ci voit mal et qu'il faudra lui lire son courrier. Il rend un service désintéressé, non rentable, qui n'est pas mentionné dans le service universel mais qui est une pratique quotidienne. Celle-ci perdurera-t-elle ? Impossible, car la recherche de rentabilité l'interdira. N'enfermons pas le service public dans la définition froide d'un service universel totalement déshumanisé.

M. Bernard Vera.  - La mention du service public des envois postaux a disparu. On prétend nous faire croire que service public et service universel sont synonymes et que l'on passe indifféremment de l'un à l'autre. Mais le service universel n'est qu'un service au rabais pour les plus démunis. Et rien sur le financement !

Les opérateurs privés se soucieront-ils de service public ? La Poste société anonyme privilégiera-t-elle la rentabilité sociale sur la rentabilité financière ? Vous restez sourds aux besoins de la population, vous ne songez qu'à couler le pays dans le moule libéral, à obéir aux règles de l'OMC et de l'Accord général sur le commerce et les services : toutes les activités humaines doivent être soumises à la concurrence. L'entreprise publique, débridée par les politiques communautaires et encouragée par le Gouvernement, a déjà commencé à mener une politique néfaste. Voyez ce qu'il en est de la mission d'aménagement du territoire : il y a là un exemple inquiétant de la dégradation du service public postal.

Il faut assurer un contenu substantiel aux services publics ; vos politiques ne cessent de les vider de leur contenu. Ouverture totale à la concurrence, fin du secteur réservé, préparation de la privatisation : tout cela pèse lourd sur le service public. On assiste à une marchandisation des activités postales. L'article 2 n'a plus grand sens.

A la demande du groupe CRC-SPG, l'amendement n°37 est mis aux voix par scrutin public.

M. le président.  - Voici les résultats du scrutin :

Nombre de votants 340
Nombre de suffrages exprimés 224
Majorité absolue des suffrages exprimés 113
Pour l'adoption 37
Contre 187

Le Sénat n'a pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°195 rectifié, présenté par M. Danglot et les membres du groupe CRC-SPG.

Rédiger ainsi cet article :

L'article 2 de la même loi est ainsi rédigé :

« Art. 2. - La Poste a pour objet, selon les règles propres à chacun de ses domaines d'activité, contenues notamment dans le code des postes et des communications électroniques :

« - d'assurer, dans les relations intérieures et internationales, le service public du courrier sous toutes ses formes, ainsi que celui du transport et de la distribution de la presse bénéficiant du régime spécifique prévu par le code des postes et télécommunications ;

« - d'assurer, dans le respect des règles de la concurrence, tout autre service de collecte, de transport et de distribution d'objets et de marchandises ;

« - d'offrir, dans le respect des règles de la concurrence, des prestations relatives aux moyens de paiement et de transferts de fonds, aux produits de placement et d'épargne, à la gestion des patrimoines, à des prêts d'épargne-logement et à tous produits d'assurance. La Poste gère le service des chèques postaux et contribue au développement de l'épargne populaire, notamment par la collecte du Livret A. Elle participe ainsi à la lutte contre l'exclusion bancaire et à la mise en place du droit au compte défini au titre Ier du livre III du code monétaire et financier. À cet effet, elle est partie prenante d'un pôle financier public l'associant à la Caisse des dépôts et consignations, au réseau des caisses d'épargne, à OSEO et à tout établissement financier doté d'une mission de service public. »

Mme Marie-France Beaufils.  - Avec cet amendement nous entendons revenir au texte originel de la loi de 1990. Selon celui de la commission, « La Poste et ses filiales constituent un groupe public qui remplit des missions de service public et exerce d'autres activités dans les conditions définies par la présente loi et par les textes qui régissent chacun de ses domaines d'activité. » Derrière cette rédaction se dissimule une conception réductrice du rôle et des missions de service public de La Poste, bien éloignée de celle qui a été affinée en soixante ans sur le fondement du programme du Conseil national de la Résistance. Tandis que la loi de 1990, adossée au code des postes et télécommunications, était construite sur mesure pour tenir compte des spécificités de l'opérateur public, le texte qu'on nous propose fait des missions de service public l'accessoire et des activités ouvertes à la concurrence l'essentiel, avec pour référence première le code de commerce. Nous ne voulons pas de cette apparence de service public qui semble programmer sa propre disparition.

Je reviendrai en explication de vote sur l'intégration de la Banque postale au pôle financier public que nous appelons de nos voeux.

M. Pierre Hérisson, rapporteur.  - Cette rédaction est moins précise que celle de la commission et oublie la mission d'aménagement du territoire de La Poste. Je suis quant à moi très attaché au réseau de points de contact. Avis défavorable.

M. Michel Mercier, ministre.  - Même avis. La mission d'aménagement du territoire est essentielle.

Mme Marie-France Beaufils.  - Je reconnais cette lacune, preuve que nous n'avons pas eu le temps suffisant pour préparer le débat...

Notre amendement portait aussi sur l'intégration de la Banque postale au périmètre de sa société mère, La Poste. La Banque postale a une mission de service public, mentionnée à l'article 2 dans un alinéa particulièrement bref. Cette mission ne comprend pas la gestion de comptes courants, ni la mise à disposition de prêts immobiliers à vocation écologique, de prêts particuliers ou de conventions d'assurance au moindre coût. Elle ne porte pas plus sur le développement des produits d'épargne logement mais est strictement limitée à l'accessibilité bancaire des déposants dont personne d'autre ne veut gérer la clientèle : pour aller vite, l'accueil des clients effectuant des retraits inférieurs à 10 euros ... Nous n'avons pas cette vision rabougrie et misérabiliste du service public, à qui on laisse en réalité tout ce qui ne rapporte pas. Il est niché dans notre droit financier un droit au compte, La Poste peut fort bien être chargée de le mettre en pratique.

Nous voulons aussi faire de La Poste une des composantes d'un véritable pôle public financier, où seraient associés la Caisse des dépôts, le réseau des Caisses d'épargne et celui d'Oseo, un pôle chargé de missions de service public et d'intérêt général. Ce pôle pourrait financer la construction de logements, notamment locatifs ou en accession sociale grâce à la mise à disposition des ménages de prêts moins coûteux qu'aujourd'hui. Il pourrait financer les PME en proposant des prêts à taux d'intérêt réduit. Il pourrait encore financer les économies d'énergie dans le cadre du Grenelle de l'environnement. Il pourrait enfin gérer l'encours des 40 ou 100 milliards d'euros du grand emprunt dont l'idée a été reprise par le Président Sarkozy.

Mme Odette Terrade.  - L'article 2 consacre la réduction des missions de service public de La Poste au strict minimum. Nous aurons donc demain une société anonyme dont le capital sera, dans un premier temps, détenu par l'État et d'autres personnes morales de droit public. C'est la Caisse des dépôts qui est ainsi visée, bras séculier de l'État dont on attend une participation au capital de 1,2 milliard d'euros. Au moment de la création de la société anonyme, une partie du capital, minoritaire, sera distribuée au personnel de La Poste et de ses filiales. On peut supposer que cet actionnariat populaire contraint sera heureux de traduire les gains de productivité qui lui seront imposés en généreux dividendes -3 % ou 4 % de la valeur de l'action, sans doute- à défaut d'augmentations de salaires ou de primes...

Parlons maintenant des missions de service public. Le service public universel du courrier ? Il sera limité à la seule circulation du courrier de caractère administratif. L'accessibilité bancaire ? Limitée à la seule diffusion d'une sorte de livret A du pauvre. Les points de contact ? Transformés peu à peu en agences communales ou en simples relais chez les commerçants -la qualité et la quantité des opérations qu'on pourra y faire n'y gagneront évidemment rien. Le transport et la distribution de la presse ? Chaque jour davantage à la charge de La Poste, parce que l'État entend réduire dans les années qui viennent la part du budget de la mission Médias qui finance cette mission d'intérêt général. Et tant pis pour la démocratie et la diffusion des idées : la régulation budgétaire passe avant tout ! Nous ne voulons pas de ce service public rabougri.

M. Thierry Repentin.  - Cet amendement est intéressant car il sauvegarde l'essentiel.

Monsieur le ministre, permettez-moi de revenir sur le statut. Le passage en société anonyme n'est pas une nécessité puisque l'Europe accepte déjà la définition des services sociaux d'intérêt général et des services d'intérêt économique général et les aides de l'État, budgétaires ou fiscales, quel que soit le statut de l'entreprise bénéficiaire. A ce titre, l'État français accorde déjà des avantages fiscaux à La Poste pour la délivrance du livret A, mais aussi aux offices départementaux de HLM (sourires entendus) pour la construction de logements sociaux et, même, l'accession sociale à la propriété. (« Très bien » sur les bancs CRC-SPG) Monsieur le ministre, on ne prévoit pas, que je sache, de transformer tous les offices de HLM en société anonyme ! (M. Martial Bourquin applaudit)

M. Michel Mercier, ministre.  - Il va défendre et Courchevel et les pauvres !

M. le président.  - Je suis saisi d'une demande de scrutin public par le groupe CRC-SPG. (Marques d'impatience à droite)

L'amendement n°195 rectifié est mis aux voix par scrutin public.

M. le président. - Voici les résultats du scrutin :

Nombre de votants 340
Nombre de suffrages exprimés 339
Majorité absolue des suffrages exprimés 170
Pour l'adoption 152
Contre 187

Le Sénat n'a pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°198 rectifié, présenté par M. Danglot et les membres du groupe CRC-SPG.

Avant l'alinéa 1 

Insérer un paragraphe ainsi rédigé :

... - Par dérogation aux dispositions de l'article L. 221-5 du code monétaire et financier, les sommes collectées par La Poste au titre de l'article L. 221-2 du même code sont intégralement reversées au fonds défini à l'article L. 221-7 du même code.

M. Bernard Vera.  - Cet amendement est le premier d'une série...

M. Jean-Paul Emorine, président de la commission.  - Oh là là !

M. Bernard Vera.  - ...sur l'épargne populaire, dont La Poste était, avec la Caisse d'épargne, un acteur attitré avant la funeste loi de modernisation de l'économie. La banalisation du livret A -qui, par parenthèse, a précédé la création du groupe Banque populaire-Caisse d'épargne voulue par le Président de la République- a été marquée par un phénomène jusqu'alors peu connu : la loi ne s'applique pas à tous avec la même rigueur. Ainsi, La Poste et la Caisse d'épargne, opérateurs historiques, ont dû respecter un taux de centralisation particulièrement élevé et apporter l'essentiel des 160 milliards attendus.

Cet amendement exige de La Poste la centralisation intégrale des ressources du livret A et du livret de développement durable. Pris isolément, il peut paraître sévère, mais nous proposerons ensuite d'autres amendements visant à établir une plus grande égalité de traitement entre La Poste et les autres établissements assurant la collecte de ces produits d'épargne défiscalisée à haute valeur ajoutée.

M. Pierre Hérisson, rapporteur.  - Pourquoi soumettre la Banque postale à un régime différent de celui des autres établissements de crédit ? Le dispositif introduit par la loi de modernisation de l'économie est équilibré. Avis défavorable.

M. Michel Mercier, ministre.  - Même avis.

M. Guy Fischer.  - L'amendement est important : la banalisation du livret A constitue un véritable pillage de l'épargne populaire, un détournement de l'épargne populaire de sa finalité sociale au profit, notamment, des entreprises -je ne dis pas que cela soit mauvais de financer les entreprises, mais il s'agit d'un détournement. En tant qu'élus, nous devrions être particulièrement vigilants. De fait, lorsque nous devions financer des investissements, nous avions traditionnellement un rendez-vous avec la Caisse des dépôts et consignations et la Caisse d'épargne. Mais, compte tenu des instructions gouvernementales et de disponibilités de plus en plus réduites, nous devons parfois emprunter dans des conditions plus difficiles, qui pèsent sur le budget des communes et, donc, sur la fiscalité locale. Pour financer le logement social notamment, les conditions se sont dégradées de manière magistrale ! (« Très bien ! » sur les bancs CRC-SPG)

M. Bernard Vera.  - Depuis sa création en 1818, le livret A, avec 45 millions de titulaires, est le symbole de l'épargne populaire. Tous les gouvernements se sont attachés à préserver son mode distribution et la centralisation de ses fonds au nom du logement social, qu'il finance à 80 %, et de la lutte contre l'exclusion bancaire, dont il est le dernier outil. Nous en avons plus que jamais besoin quand six millions de personnes seraient mal logées en France selon la Fondation Abbé Pierre en 2007 pour un million de demandes de HLM non satisfaites ; quand l'exclusion bancaire toucherait, selon l'estimation faite en 2004, environ cinq millions de Français. Produit sans équivalent international, le livret A a fait la preuve de sa solidité depuis des décennies.

En 190 ans d'existence, jamais aucun épargnant n'a été spolié. Il est le moins coûteux d'Europe pour les finances publiques. Son utilisation rationnelle et responsable est une exigence sociale. La centralisation de la collecte doit être exemplaire. (Applaudissements sur les bancs CRC-SPG)

L'amendement n°198 rectifié n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°199, présenté par M. Danglot et les membres du groupe CRC-SPG

I. - Avant l'alinéa 1

Insérer un paragraphe ainsi rédigé :

... - Après le premier alinéa de l'article L. 221-5 du code monétaire et financier, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Cette quote-part ne peut être inférieure aux quatre cinquièmes des dépôts collectés au titre des livrets ci-dessus définis. »

II. - Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

... - La perte de recettes résultant pour l'État du I ci-dessus est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

M. Guy Fischer.  - Même idée qu'à l'amendement précédent ; seule change la part de collecte centralisée. Depuis le 1er janvier 2009, comment les banques se sont-elles comportées ?

M. Guy Fischer.  - Avec la banalisation, l'encours global de la collecte du livret A et du livret de développement durable a atteint 250 milliards fin septembre 2009. Or on observe une décollecte d'environ 9 milliards par rapport à l'année précédente, preuve d'un siphonage du livret A par les établissements bancaires. Le droit au compte, le financement du logement social et des investissements des collectivités territoriales sont remis en cause. L'accessibilité bancaire se dégrade. Dans les grands quartiers populaires, aux Minguettes par exemple, des queues impressionnantes se forment aux guichets de la Banque postale, car les plus démunis se déplacent souvent pour retirer quelques dizaines d'euros !

M. le président.  - Pouvons-nous considérer que vous avez défendu les deux amendements suivants, qui sont presque identiques ?

M. Guy Fischer.  - Soit, si mes camarades sont d'accord... (Sourires)

Mais ce délitement du lien social qu'assurait La Poste auprès des plus fragiles est un grave problème.

M. le président.  - Amendement n°201, présenté par M. Danglot et les membres du groupe CRC-SPG

I. - Avant l'alinéa 1

Insérer un paragraphe ainsi rédigé :

... - Après le premier alinéa de l'article L. 221-5 du code monétaire et financier, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Cette quote-part ne peut être inférieure aux sept dixièmes des dépôts collectés au titre des livrets ci-dessus définis. »

II. - Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

... - La perte de recettes résultant pour l'État du I ci-dessus est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

M. Guy Fischer.  - Il est défendu.

M. le président.  - Amendement n°200, présenté par M. Danglot et les membres du groupe CRC-SPG

I. - Avant l'alinéa 1

Insérer un paragraphe ainsi rédigé :

... - Après le premier alinéa de l'article L. 221-5 du code monétaire et financier, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Cette quote-part ne peut être inférieure aux trois quarts des dépôts collectés au titre des livrets ci-dessus définis. »

II. - Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

... - La perte de recettes résultant pour l'État du I ci-dessus est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

M. Guy Fischer.  - Il est défendu.

M. Pierre Hérisson, rapporteur.  - Ces amendements concernent l'ensemble du système bancaire et excèdent largement le champ du projet de loi. Avis défavorable.

M. Michel Mercier, ministre.  - Le débat sur le livret A a déjà eu lieu. Ces amendements sont des cavaliers : avis défavorable.

L'amendement n°199 n'est pas adopté, non plus que les amendements n°s201 et 200.

Prochaine séance demain, vendredi 6 novembre 2009, à 9 h 30.

La séance est levée à 23 h 55.

Le Directeur du service du compte rendu analytique :

René-André Fabre

ORDRE DU JOUR

du vendredi 6 novembre 2009

Séance publique

À 9 HEURES 30, À 14 HEURES 30 ET LE SOIR

- Suite du projet de loi relatif à l'entreprise publique La Poste et aux activités postales (Procédure accélérée) (n° 599 rectifié, 2008-2009).

Rapport de M. Pierre Hérisson, fait au nom de la commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire (n° 50, 2009-2010).

Texte de la commission (n° 51, 2009-2010).