SÉANCE

du jeudi 5 novembre 2009

17e séance de la session ordinaire 2009-2010

présidence de M. Bernard Frimat,vice-président

Secrétaires : M. Bernard Saugey, M. Jean-Paul Virapoullé.

La séance est ouverte à 9 h 30.

Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.

La Poste (Procédure accélérée - Suite)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi relatif à l'entreprise publique La Poste et aux activités postales (procédure accélérée).

Rappel au Règlement

M. Guy Fischer.  - Après le débat pour le moins argumenté d'hier soir durant lequel vous avez mis en exergue, monsieur le ministre, le montant préoccupant de la dette de La Poste -plus de 6 milliards !-, j'ai mal dormi... (exclamations amusées à droite) cherchant la réponse que j'allais donner au ministre ! En fait, dans une véritable démarche comptable, il aurait fallu citer tous les chiffres car si l'on rapporte la somme de 6,2 milliards aux 21 milliards de chiffre d'affaires du groupe, la dette ne paraît plus si terrible !

M. Roland Courteau.  - En effet !

M. Guy Fischer.  - Et par rapport à un actif de bilan de 124 milliards hors livret A, elle l'est encore moins... Quand l'État supporte une dette de 1 000 milliards (exclamations à droite) que deux années de réformes à la cravache et de sarkozysme militant...

Mme Isabelle Debré.  - C'est un festival !

M. Guy Fischer.  - ...ont accru de 200 milliards pour 250 milliards de recettes, finalement tout est relatif ! Puisque vous êtes un peu fâché avec la comptabilité, permettez-moi de vous rappeler, monsieur le ministre, que les charges d'intérêts que supporte La Poste représentent 1,4 % de son chiffre d'affaires. Par comparaison, la ville de Nice...

Mme Isabelle Debré.  - Comme par hasard !

M. Guy Fischer.  - ...acquitte 13,5 millions de frais financiers pour des recettes de fonctionnement de 492 millions, soit un taux de 3 % sans que cette situation, à en croire les bulletins d'information municipale, n'émeuve personne.

En outre, avec le changement de statut et les 2,7 milliards que l'État et la Caisse des Dépôts -encore une fois, partenaire obligé- s'apprêtent à mettre dans le capital de l'entreprise transformée en société anonyme, vous allez accroître de 50 % la dette de La Poste. Un apport en capital dans une entreprise, ce n'est pas un don désintéressé, mais une dette nouvelle...

M. Jacques Blanc.  - N'importe quoi !

M. Guy Fischer.  - ...contractée auprès des actionnaires qui en attendent un retour, un dividende.

M. Jacques Blanc.  - Et qui va encaisser les dividendes ? C'est l'État ! (« Très bien ! » à droite)

M. Guy Fischer.  - La Poste a versé 141 millions de dividendes à l'État en 2008 -une goutte d'eau dans l'océan du déficit public de l'ère Sarkozy. En 2009, malgré la contraction de l'activité courrier, La Poste serait prête à lui verser pour le premier semestre 103,4 millions. Dans ces conditions, accroître l'endettement de La Poste n'est pas forcément une bonne idée ! (Applaudissements sur les bancs CRC)

Discussion des articles (Suite)

Article premier (Suite)

M. le président.  - Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus à l'amendement n°439 au sein de l'article premier.

Amendement n°439, présenté par M. Teston et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Rédiger ainsi cet article :

La Poste est un établissement public à caractère industriel et commercial.

M. Martial Bourquin.  - La Poste est aujourd'hui un Epic. (Exclamations ironiques au banc de la commission) Ce statut protecteur ne procède en rien de la volonté de soustraire le groupe au secteur concurrentiel : avec 70 % de ses activités soumises à la concurrence, La Poste se situe dans le trio de tête dans nombre de secteurs, tout en étant bien perçue par les usagers malgré la détérioration progressive du service postal. L'Epic n'est en rien un statut obsolète, has been, comme on dit, il peut parfaitement s'adapter aux exigences de la modernité, M. Teston l'a montré, dans le respect des principes du service public. Aussi ne comprenons-nous pas l'acharnement du Gouvernement à modifier ce statut. Les Français ont rappelé le 3 octobre leur attachement au service postal et à la nécessité de protéger ce dernier. Le Parlement va-t-il rester sourd à leur demande ? Pour les socialistes, La Poste doit conserver son statut.

M. Pierre Hérisson, rapporteur de la commission de l'économie.  - Nous avions compris !

M. Martial Bourquin.  - Quelles que soient les assurances du rapporteur et du ministre sur le caractère 100 % public du capital de La Poste, les Français ont trop d'exemples en tête, notamment EDF ou GDF, pour être convaincus par ces belles paroles.

M. Pierre Hérisson, rapporteur.  - Temps de parole écoulé !

M. le président.  - Monsieur Bourquin, veuillez conclure.

M. Martial Bourquin.  - N'accroissons pas le fossé entre élus et électeurs et travaillons tous ensemble à la modernisation de La Poste dans le cadre de son statut d'Epic ! (Applaudissements à gauche)

M. le président.  - Chers collègues, j'invite chacun à respecter strictement les temps de parole. L'hémicycle est désormais équipé de minuteurs qui passent au jaune trente secondes avant la fin du temps autorisé, puis au rouge...

M. Guy Fischer.  - C'est du harcèlement ! (Sourires)

M. le président.  - Amendement n°443, présenté par M. Teston et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Rédiger ainsi cet article :

La Poste est une personne morale de droit public désignée sous l'appellation d'exploitant public.

M. Jean-Jacques Mirassou.  - La Poste est très liée à l'idéal républicain. Quelles que soient les difficultés actuelles, nous devons tenir compte de notre histoire et de la place qu'occupent les services publics dans le développement de notre pays, avec notamment la construction des grandes infrastructures, et de la démocratie, surtout depuis 1945. (M. Roland Courteau approuve) Le secteur public, si affaibli soit-il, demeure un atout que les socialistes défendront en toutes circonstances.

M. Roland Courteau.  - C'est sûr !

M. Jean-Jacques Mirassou.  - L'expérience montre que les privatisations entraînent restrictions et inégalités pour la population et reculs pour les salariés. Si la concurrence fait baisser les prix dans un premier temps, les usagers déchantent rapidement, car les acteurs du marché s'entendent pour maintenir des tarifs élevés : voir les récentes privatisations du gaz ou des renseignements téléphoniques...

Les privatisations privent les pouvoirs publics de leviers d'intervention dans un contexte de mondialisation des capitaux. Enfin, les mutations technologiques, qui augmentent la solidarité entre les peuples, impliquent des relations fondées sur des critères autres que le profit et la rentabilité. Pour toutes ces raisons, La Poste doit rester un exploitant public. (Marques d'approbation à gauche)

M. Pierre Hérisson, rapporteur.  - Nous avons largement débattu du sujet... Le statu quo ne permet plus à La Poste d'assurer son développement. La commission approuve sa transformation en société anonyme. Avis défavorable aux deux amendements.

M. Christian Estrosi, ministre chargé de l'industrie.  - Défavorable.

M. Daniel Raoul.  - Depuis le début de la discussion, vous nous assénez que la recapitalisation est la seule façon d'augmenter les fonds propres de La Poste sans encourir les foudres de Bruxelles. Le Gouvernement a pourtant pu aider les banques à hauteur de plusieurs milliards, tout comme le Royaume-Uni... L'État pourrait facilement abonder l'Epic rien qu'en remboursant sa dette réelle à son égard pour les missions de service public ! Pourquoi ne le fait-il pas ? Y aurait-il des raisons cachées ? Ayez le courage d'assumer vos choix stratégiques ! (M. Roland Courteau approuve). Je n'ose imaginer que les questions de gouvernance et de rémunérations évoquées par M. Desessard puissent être les réelles motivations du changement de statut. Monsieur le ministre, quelle est votre véritable stratégie ? (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Bernard Vera.  - Dans l'Essonne, la votation citoyenne a mobilisé 47 000 votants dans 78 villes. (M. Alain Gournac s'exclame) Pourtant, le Gouvernement reste déterminé à faire adopter le changement de statut de La Poste, prélude à sa privatisation. Notre mobilisation se poursuit donc, ici et sur le terrain, afin de préserver ce service public de proximité.

La Poste assure des missions d'intérêt général mais représente aussi un lien social et un moyen de lutter contre la désertification rurale. Le 20 octobre, lors d'une conférence de presse, nous avons renouvelé notre demande d'un référendum sur l'avenir du service public postal. Nous avons déposé une motion référendaire en ce sens. A chacun désormais de prendre ses responsabilités, et d'expliquer à ses électeurs pourquoi leur bureau de poste ferme...

En 2004, l'Essonne comptait 84 bureaux de poste de plein exercice ; en 2009, ils ne sont plus que 45. Combien en restera-t-il après l'ouverture du capital de La Poste à des capitaux privés obnubilés par leurs dividendes ? Depuis 1997, 250 emplois ont disparu dans mon département. La fermeture du centre de tri de Bondoufle est prévue pour 2011 : 450 personnes sont concernées.

L'État devrait s'engager à donner à La Poste les moyens de poursuivre ses missions de service public au lieu de l'abandonner au privé. La parole de nos concitoyens ne peut être confisquée plus longtemps. Nous refusons le changement de statut, et nous exigeons la tenue d'un référendum.

M. Jean-Jacques Mirassou.  - J'ai rappelé le lien entre service public et République. Vous ne nous convaincrez pas qu'une société anonyme peut assurer un service public. Le ministre parle des nouveaux défis, des nouvelles technologies, mais oublie l'importance de l'acheminement du courrier, surtout pour les plus défavorisés. Nos conseils municipaux et généraux votent régulièrement des voeux pour s'opposer à la fermeture de bureaux de poste. Dans nos villages, la camionnette jaune du facteur est un élément du lien social, notamment pour les personnes âgées.

L'amendement n°439 n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°443.

M. le président.  - Amendement n°24, présenté par M. Danglot et les membres du groupe CRC-SPG.

Alinéas 1 et 2

Supprimer ces alinéas.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin.  - Nous doutons de la volonté du Gouvernement de préserver durablement les fonctions et les missions de La Poste, pourtant profondément ancrée dans notre identité nationale. L'ouverture à la concurrence est clairement inscrite dans l'article 129 B du traité de Maastricht. En supprimant cet article premier, nous avons conscience de gêner la privatisation de La Poste à moyen terme. Au moins, demain, personne ne pourra dire : « nous ne savions pas » ! Vous n'avancez aucun argument sérieux pour garantir le maintien et le développement d'un service public postal.

M. le président.  - Amendement n°25, présenté par M. Danglot et les membres du groupe CRC-SPG

Alinéa 1

Supprimer cet alinéa.

Mme Annie David.  - En supprimant cet alinéa, nous vidons le projet de loi de son contenu. Votre volonté de privatiser La Poste est patente. Le rédacteur n'a pas cherché à dissimuler ses intentions, n'en déplaise au ministre : « la personne morale de droit public La Poste est transformée en une société anonyme ». Termes qui font les délices des libéraux...

Certes, la phrase suivante rappelle le caractère public de l'actionnariat, mais cela ne nous rassure pas, puisque rien n'indique que les personnes morales de droit public associées au capital exerceront un mandat pérenne avec l'objectif de développer les missions de service public postal. L'expérience nous enseigne d'ailleurs que ces acteurs finissent toujours par user des mêmes armes que les sociétés privées. Sans doute m'objectera-t-on, sur les bancs UMP, que c'est bien là la preuve de la supériorité du marché ? Adage libéral auquel jamais nous ne souscrirons.

M. le président.  - Amendement n°28, présenté par M. Danglot et les membres du groupe CRC-SPG.

Alinéa 2

Supprimer cet alinéa.

Mme Odette Terrade.  - Cet alinéa, qui prévoit la transformation de La Poste en société anonyme au 1er janvier prochain, soit un an avant l'ouverture totale à la concurrence, constitue bien le coeur de ce projet, fruit d'une procédure engagée depuis de nombreux mois, puisque, dès l'automne dernier, le Président de la République chargeait la commission Ailleret d'émettre des propositions sur le statut futur de La Poste. Sans doute sa proposition de transformer l'entreprise publique en société anonyme détenue à 100 % par des personnes publiques constituait un progrès au regard de la mise en cause pure et simple de ce joyau de notre République, mais cela n'a pas suffi à convaincre les 2 300 000 personnes qui se sont déplacées le 3 octobre pour dire leur refus du changement de statut. Car nos concitoyens sont de plus en plus exaspérés par les promesses non tenues. Il n'est pas loin, le temps où Nicolas Sarkozy jurait, la main sur le coeur, que GDF ne serait jamais privatisée... Et que dire de France Télécom... Au cours de cette votation citoyenne, nous avons discuté avec des personnes qui y travaillent. Elles nous ont dit qu'elles étaient là parce qu'elles ne voulaient pas que les agents de La Poste connaissent la même dégradation des conditions de travail. De fait, France Télécom et La Poste sont deux entreprises qui évoluent en parallèle. D'où l'intérêt d'observer de près ce qui s'est passé dans la première : un développement international aux avantages très limités, puisqu'il a entraîné des pertes financières très lourdes ; une logique d'entreprise privée, privilégiant la rentabilité, avec ses conséquences très lourdes sur les personnels ; et tout cela tandis que l'entrée de nouveaux opérateurs n'a pas bénéficié aux usagers, les entreprises ayant noué des ententes. Est-ce cela que vous voulez ? Nous vous appelons à la lucidité !

M. le président.  - Amendement identique n°445, présenté par M. Teston et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

M. Roland Courteau.  - Nous sommes ici au coeur du coeur du projet. Je me suis longuement exprimé sur ce changement de statut, dogmatique, qui ouvre la voie à la privatisation, et que rien ne justifie, ni aucune exigence de l'Europe, ni les questions de financement. Changer le statut de La Poste, c'est déposséder les Français du bien commun que constitue cette entreprise, ainsi que le soulignait hier Daniel Raoul.

Hélas, du sort de La Poste, vous aviez décidé dès longtemps, et la commission Ailleret n'a fait qu'entériner des choix préalables.

Personne n'est dupe. Les faux remparts que vous érigez ne stopperont pas le processus de privatisation, qui par nature, conduit à la recherche du profit pour les actionnaires, au détriment des missions de service public.

M. Pierre Hérisson, rapporteur.  - La commission a approuvé le changement de statut : elle ne peut être que défavorable à ces quatre amendements.

M. Christian Estrosi, ministre.  - Même avis.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin.  - Ce projet n'avance que de fausses raisons pour organiser la future privatisation de La Poste. Certes, il s'appuie sur bien des études, bien des rapports. Nous ne contesterons pas la qualité de cette élite qui s'est spontanément mise à votre disposition pour changer le statut de notre Poste afin de la moderniser... Mais faut-il rappeler qu'une votation citoyenne, organisée dans des conditions difficiles mais avec beaucoup de sérieux, a clairement rejeté votre projet, qui doit priver nos concitoyens d'un service de proximité essentiel, souvent le seul qui demeure dans certaines communes puisque vous vous êtes déjà employés à supprimer commissariats, perceptions, tribunaux, subdivisions de l'équipement... Déjà, à La Poste, vous avez progressivement réduit le service offert aux usagers, limité les horaires d'ouverture, remplacé des fonctionnaires par des contractuels corvéables et licenciables. Vous ne proposez plus aux maires que le service minimum postal, en leur offrant temporairement quelques compensations financières. S'il existe toujours 17 000 points de contact, seuls 11 000 sont encore des bureaux de poste, et très peu offrent la totalité des services postaux. En 2007, plus de 600 bureaux ont été perdus. Depuis 2001, 25 000 emplois ont disparu, et la précarité s'étend.

Votre fil conducteur ? La logique libérale. Vous offrez ici un cadre légal à la privatisation, rationnalisant ainsi votre entreprise de destruction. Les conclusions de la commission Ailleret sont à cet égard éclairantes : en transformant La Poste en société anonyme, il s'agit en fait de diminuer les surcoûts liés aux missions de service public, notamment en termes d'aménagement du territoire. L'État, pour atteindre l'équilibre financier dont il a fait sa doctrine, sacrifie donc La Poste. Que ne rembourse-t-il pas plutôt les sommes qu'il lui doit au titre de l'exercice de missions de service public ? Elles suffiraient à sauver l'opérateur public.

Nous avons d'autres ambitions pour La Poste. Nous voulons un grand service public répondant aux attentes des citoyens, des particuliers comme des entreprises, et je pense tout particulièrement aux PME et aux artisans. Nous voulons rapprocher La Poste des besoins de la collectivité nationale.

M. René-Pierre Signé.  - On pousse La Poste à l'autodestruction en installant des bureaux de poste dans les grands magasins, type Carrefour. Chez moi, le directeur départemental se réjouit : c'est le bureau qui fonctionne le mieux. Mais à quel prix ? Les gens sont requis d'aller à La Poste en même temps qu'ils vont faire leurs courses. Du même coup, on déshabille les agences postales rurales. Comment voulez-vous qu'elles restent rentables ? Trente euros seulement de recettes dans la matinée ? Cela justifie une réduction des horaires d'ouverture. Et voilà enclenché le cercle vicieux : tout est fait pour transférer le service postal aux grands magasins.

M. Jean-Paul Emorine, président de la commission de l'économie.  - Vous confondez points poste et agences postales communales, lesquelles sont en place dans les mairies et ne peuvent être mises en cause, en particulier dans les zones de revitalisation rurale : un contrat a été signé, dans le cadre duquel quelque 900 euros sont versés chaque mois. Ces agences postales peuvent même venir renforcer les maisons de service public. (Applaudissements à droite)

Mme Béatrice Descamps.  - Avez-vous une agence postale dans votre commune ?

Mme Brigitte Gonthier-Maurin.  - Oui, et nous nous battons pour la conserver.

Mme Béatrice Descamps.  - J'en ai une dans ma commune. Il y a vingt ans, le receveur faisait en sorte que La Poste soit ouverte du matin au soir. Et puis l'activité a diminué et le bureau n'a plus été ouvert que le matin. Quand on nous a annoncé qu'il allait fermer, le conseil municipal a décidé de le garder en l'installant dans la mairie. J'ai signé une convention grâce à quoi me sont remboursés les quatre cinquièmes des frais. (Exclamations à gauche)

M. David Assouline.  - Quel aveu !

Mme Béatrice Descamps.  - On ne vient plus guère à la mairie que pour des permis de construire, puisque nous ne délivrons plus de fiches d'état civil, ni de copie conforme, ni de passeports ; on y vient pour l'agence postale, grâce à quoi nous connaissons nos administrés. Les agences postales sont ainsi un excellent moyen de défense du service public.

M. René-Pierre Signé.  - Elles sont privées de clients.

M. Martial Bourquin.  - Je remercie notre collègue de l'UMP d'avoir aussi bien posé le problème. Les choses se passent effectivement comme Mme Descamps vient de dire : on diminue l'amplitude horaire, donc la fréquentation baisse et l'on vous propose d'ouvrir une agence postale communale. L'étape suivante consistera à confier les activités postales au magasin du coin. La méthode, c'est de diminuer volontairement l'activité.

M. Alain Gournac.  - C'est faux !

M. Alain Fouché.  - C'est votre interprétation.

M. Martial Bourquin.  - C'est ce que je constate dans ma commission départementale de présence postale.

Au début, cela ne touchait que la ruralité. Maintenant sont atteintes des communes de 5 000 habitants et les quartiers sensibles de grandes agglomérations. Avec le passage en société anonyme, ce processus va connaître une accélération. (On le conteste à droite) Mais si, regardez ce qui s'est passé dans les autres pays européens !

M. Pierre Hérisson, rapporteur.  - Nous ne sommes pas obligés de faire pareil !

M. Martial Bourquin.  - C'est la logique des choses. J'en suis à me demander si certaines tournées de facteur ne seraient pas mises à la charge des collectivités territoriales ! (Exclamations à droite) Ne mettons pas le doigt dans cet engrenage.

La question de la mobilité va devenir cruciale, avec le vieillissement de la population -qui est, en soi, une bonne chose. On convoque un Grenelle de l'environnement et on va obliger les gens à prendre leur voiture pour aller à La Poste ! Et encore, dans la mesure où, l'âge venu, on pourra encore conduire.

Le facteur joue un rôle social essentiel, et voilà qu'on chronomètre sa tournée !

M. Alain Gournac.  - Et alors ?

M. Martial Bourquin.  - C'est peut-être votre idée de la modernité ; pour nous, ce n'est vraiment pas un progrès. Il y a de moins en moins de facteurs, on supprime des milliers d'emplois. Dans ce monde libéral où règne le chacun pour soi, veut-on encore aggraver cela ? (Applaudissements à gauche)

M. Didier Guillaume.  - Je partage les arguments du président de la commission : mieux vaut une agence postale communale que rien du tout, mieux vaut un point poste que rien du tout. Président de l'Association des maires de mon département, je me suis battu pour obtenir des points poste ; j'en ai maintenant 65. Il est clair qu'un bureau de poste ne peut être ouvert toute la journée s'il n'a que trois ou quatre clients par jour.

M. Alain Gournac.  - D'accord !

M. Didier Guillaume.  - D'un autre côté, on voit bien que, si les horaires d'ouverture changent tous les jours, les gens ne savent plus quand le bureau est ouvert et ils y vont de moins en moins. Nous avons mis le doigt dans cet engrenage, c'est notre tort à tous. Aller chercher son colis parmi les boîtes de conserve et les paquets de lessive ne va déjà pas de soi, mais que reste-t-il de confidentialité si l'on veut prendre ou déposer de l'argent ?

Nous sommes tous des élus locaux. Nous devons tenir le même discours ici que localement.

M. Alain Gournac.  - Défendre La Poste !

M. Didier Guillaume.  - Le jour où La Poste deviendra société anonyme, la porte sera béante pour une accélération de ce processus car le risque de privatisation sera là.

Ne nous laissons pas prendre dans cet engrenage ! Je parle pour nous tous ici, sans faire de procès d'intention à personne.

M. Pierre Hérisson, rapporteur.  - Si nous voulons avoir un débat constructif, discutons les sujets au moment où ils apparaissent dans le projet de loi. En l'occurrence, à l'article 2.

En 2002, il y avait 900 agences postales communales ; on en sera à 5 000 fin 2009. Cela signifie que 5 000 délibérations auront été prises en ce sens par des conseils municipaux. Ils n'y sont pas contraints ! Regardez les indices de satisfaction !

Accordez-moi la bonne foi. A l'Observatoire des services publics que je préside, je vois ce qu'il en est.

Les discussions ont lieu au sein des commissions départementales de présence postale : sur les 4 600 agences communales créées, ceux qui ont demandé à bénéficier du statu quo ou de la médiation du préfet n'ont représenté qu'une infime minorité, 1 % des cas. La modernisation est donc déjà en marche.

M. René-Pierre Signé.  - On a compris !

M. Pierre Hérisson, rapporteur  - Concernant la cartographie de la présence postale, tout passe par des négociations. (On le conteste à gauche) La seule chose qui doit compter pour nous, c'est la satisfaction de l'électeur citoyen et contribuable.

Vous nous accusez de vouloir imposer un changement, mais il est déjà en marche ! Il faut maintenant nous donner les moyens de répondre aux aspirations de nos concitoyens. (Applaudissements à droite)

M. René-Pierre Signé.  - Ce sont des contre-vérités !

M. Jean-Jacques Mirassou.  - Article premier ou article 2, peu importe : ce débat est au coeur de nos préoccupations mais aussi de celles des usagers de La Poste. En commission, les uns considèrent que la présence postale communale est un moyen terme intéressant et d'autres, dont je fais partie, estiment qu'une agence postale communale, même si elle rend service, n'est qu'un pis-aller. Cette évolution résulte d'un insuffisant financement du service public. Quand les municipalités acceptent la présence d'une agence communale, elles y voient aussi l'opportunité de justifier la présence de personnels qu'elles ont souvent du mal à payer. Mais, en réduisant la voilure, la clientèle est forcément moins importante.

Un parallèle est manifeste entre le délitement du maillage territorial que l'on constate à La Poste et celui auquel nous avons assisté dans la gendarmerie, lorsqu'une brigade sur deux a été supprimée.

M. Alain Fouché.  - Merci Jospin !

M. Jean-Jacques Mirassou.  - Évidemment, les plaintes ont baissé, car les gens ne se déplaçaient plus dans le canton voisin. Les promoteurs du projet ont eu beau jeu de dire que la réforme était justifiée puisqu'on constatait moins de faits délictueux !

Comme l'a dit M. Guillaume, nous sommes pessimistes, car nous constatons la dégradation du service public et elle s'accélèrera inévitablement si le statut de La Poste est modifié. (Applaudissements socialistes)

M. François Fortassin.  - Notre conception de la République diffère. Les maires ne veulent pas être pris en otage : on leur demande s'ils veulent une agence communale ou plus rien du tout.

M. Pierre Hérisson, rapporteur.  - Non ! Ce n'est pas comme cela que les choses se passent !

M. René-Pierre Signé.  - On fait tout pour fermer les bureaux de poste !

M. Pierre Hérisson, rapporteur.  - Vous avez une bien piètre idée du fonctionnement des commissions départementales !

M. François Fortassin.  - Bien entendu, les maires acceptent l'agence communale. Mais si La Poste avait négocié avec les maires pour que ses propres agents assurent le service postal, les choses auraient été bien différentes ! En se contentant de verser son obole, La Poste laisse aux municipalités le soin de faire fonctionner ce service : il s'agit donc bien d'une autre conception de la République. L'opposition n'est pas entre la droite et la gauche, mais entre ceux qui veulent sauvegarder les principes républicains et ceux qui les bradent. Qu'on le veuille ou non, vous faites offense à notre histoire. (Applaudissements socialistes, tandis qu'on le conteste à droite)

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Si vous voulez nous dire que les collectivités vont suppléer les carences de l'État, vous avez tout à fait raison ! (Exclamations à droite) Mais vous allez finir par les étrangler financièrement.

A Paris, les bureaux de poste ne connaissent pas de désaffection puisqu'il y a la queue aux guichets dont le nombre diminue sans cesse : la déstructuration des services publics est en marche. A Paris, on casse les bureaux de poste qui avaient été refaits il y a trois mois : bonjour le gaspillage ! Le but est de diminuer le nombre de guichets : en voyant des guichets vides, les gens pensaient que les employés s'amusaient dans les bureaux. Maintenant, les seuls guichets qui sont bien apparents, ce sont ceux de la Banque postale. Il n'y a pratiquement plus de guichets d'accueil, mais un agent qui circule parmi ceux qui font la queue pour les orienter vers les automates. A Château-Rouge, dans le 18e arrondissement, les salariés ont fait une grève de quinze jours pour dénoncer les manques d'effectifs. Ils ont fini par gagner. Parallèlement, au métro Simplon, La Poste a ouvert une sorte d'agence pour le retrait des colis. Quel progrès ! D'un côté, on diminue le nombre de postiers, on allonge les queues et, de l'autre, on transforme la RATP en agence postale ! C'est formidable, non ? Avec le changement de statut de La Poste, les choses ne vont certainement pas s'améliorer ! (Applaudissements sur les bancs CRC)

M. David Assouline.  - Tout le monde ici estime que La Poste est un service public essentiel. Mais nous différons sur la méthode : dans le contexte de la mondialisation et des rapports de force qui se sont inversés au détriment des services publics, notamment en France, il y a ceux qui pensent qu'il faut laisser aller les choses et faire confiance, et d'autres, dont nous sommes, qui estiment qu'il faut faire très attention car la déstructuration des services publics est déjà en marche. On nous dit que nous sommes pessimistes mais la réalité nous donne quotidiennement raison.

Depuis les débuts de La Poste sous l'Ancien Régime, l'augmentation de la couverture territoriale était signe de progrès. Et soudainement, nous assistons à la tendance inverse, et vous appelez cela la modernisation !

M. Alain Gournac.  - Il n'y a personne dans les bureaux !

M. David Assouline.  - Mais il y a la même insatisfaction lorsque les gens font la queue ! Les personnes âgées ne peuvent plus attendre, elles sont épuisées ! Il y a moins de guichets !

Seul l'Epic peut empêcher la remise en cause du service public. Vous n'en avez peut-être pas conscience mais, nous, nous gardons les yeux ouverts et maintenons nos avertissements car les vingt dernières années nous ont, hélas, toujours donné raison, et France Télécom en est le parfait exemple.

M. Christian Estrosi, ministre.  - Cette discussion aurait davantage sa raison d'être à l'article 2. Mais tout ce qui vient d'être dit apporte une dimension humaine au débat. Chacun a son expérience vécue particulière de La Poste, la diversité territoriale entraînant la diversité des situations. Je suis moi-même élu local, j'ai été parlementaire plus de vingt ans, et ministre chargé de l'aménagement du territoire lorsque j'ai proposé de créer des pôles d'excellence rurale. Des participations de 5 000 euros ont été proposées pour ouvrir des agences postales dans les commerces, ainsi que des aides du Fonds national pour l'aménagement du territoire. Je vous apporterai d'ici ce soir la liste des maires, toutes étiquettes confondues, qui, depuis cinq ans ont fait appel aux aides de l'État et pioché dans les diverses propositions de La Poste. Dans mon département, dont j'ai longtemps présidé le conseil général, il y a eu, ces dix dernières années, 40 % de services publics en plus : écoles, crèches etc. On y comptait 140 bureaux de postes il ya cinq ans contre 208 aujourd'hui ! M. Collombat m'a blessé, hier, en déclarant ignorer que « le maire de Nice était un maire de la ruralité », alors que j'ai été longtemps le maire d'un petit village, à la limite du Mercantour, que ma circonscription comptait 72 communes rurales plantées principalement de vignes ! Et Paul Blanc, qui m'avait fait inaugurer son agence postale, au pied du Canigou, me confiait que, depuis trois ans, l'activité postale avait doublé dans son village.

M. Daniel Raoul.  - C'est un contre-exemple ! (M. Jacques Mahéas le confirme)

M. Christian Estrosi, ministre.  - Toutes les expériences sont intéressantes ! Des maires de gauche comme de droite font en sorte que l'usager trouve une activité postale en même temps que son essence, son pain, son lait...

M. Didier Boulaud.  - Et la crémière !

M. Christian Estrosi, ministre.  - Le seul fait de leur accorder un soutien financier m'a permis de maintenir en activité des épiceries, des petits commerces en même temps que j'y installais des agences postales car cela permettait aux gérants de cumuler deux chiffres d'affaires. C'est ainsi qu'on ramène ou maintient une activité dans une commune rurale.

M. Bourquin prétend qu'on a supprimé « des milliers de facteurs ». L'excès en tout est un défaut. Ne mentez pas ! M. Guillaume prétend qu'on a réduit les horaires d'ouverture de La Poste alors que, dans une épicerie, le courrier peut être disponible six jours sur sept, de 8 à 21 heures ! Mme Borvo brosse un tableau catastrophique des zones urbaines alors que les situations y sont très diverses : deux petits bureaux aux horaires inadaptés ont souvent été remplacés par un grand centre postal beaucoup plus accessible. Et il n'est pas anormal que la RATP ait passé convention avec La Poste afin que l'usager puisse récupérer ou déposer un colis ou un recommandé en même temps qu'il prend le métro. Au lieu de diminuer, l'offre s'est donc diversifiée.

Monsieur Assouline, vous vous plaignez de la disparition de milliers de facteurs, de la longueur des files d'attente, de la diminution des amplitudes horaires. Donc tout va mal ! Et vous voudriez maintenir l'Epic ? Soyez cohérent ! (Applaudissements à droite)

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Avec la SA, ce sera encore plus grave.

A la demande du groupe CRC-SPG, l'amendement n°24 est mis aux voix par scrutin public.

M. le président.  - Voici les résultats du scrutin :

Nombre de votants 339
Nombre de suffrages exprimés 337
Majorité absolue des suffrages exprimés 169
Pour l'adoption 150
Contre 187

Le Sénat n'a pas adopté.

Rappel au Règlement

M. Martial Bourquin.  - Je viens de consulter le site Twitter de M. Estrosi. On peut y lire : « Les sénateurs socialistes et communistes font de l'obstruction mais considèrent qu'ils travaillent trop. Que peuvent en penser les Français ? » Ou encore : « Le référendum d'initiative populaire : socialistes et communistes en ont rêvé, notre majorité l'a instauré ». Si seulement ! On lit aussi : « Patriat PS. Raconter autant de salades en séance, me solliciter pour accompagner ses projets et se coller à moi sur la photo Bourgogne. Gonflé. »

M. Didier Boulaud.  - Drôle de moeurs !

M. Martial Bourquin.  - Poursuivons : « Je commence le bêtisier : Bourquin PS : "efficacité du service publique mais cette efficacité pas au détriment du service publique" ». Même si je suis autodidacte comme vous, monsieur le ministre, je vous fais remarquer que « service public » s'écrit avec un « c », non avec « que » : le Gouvernement se targue d'être le défenseur de l'identité nationale, l'orthographe en fait partie ! (Marques d'approbation à gauche) Il est inadmissible de brocarder ainsi les élus de la Nation ! Acceptez que nous ayons des opinions différentes des vôtres !

MM. Nicolas About et Robert del Picchia.  - Ce n'est pas un rappel au Règlement !

M. Martial Bourquin.  - On lit encore : « Minuit et demi. L'opposition n'a rien proposé pour parler d'une Poste moderne et humaine ». M. Teston et plusieurs d'entre nous ont consacré plus de la moitié de leurs interventions à présenter des propositions pour faire évoluer La Poste tout en conservant son statut d'Epic. Ce manque de respect vis-à-vis des élus fait le jeu des extrêmes, à gauche comme à droite, et discrédite notre démocratie. (M. Roland Courteau et Mme Odette Terrade renchérissent)

Je viens de téléphoner à M. Patriat en Bourgogne. Il s'avère que c'est le conseil régional de Bourgogne qui a financé le pylône que vous êtes allé inaugurer : il est bien normal que le président de la région ait assisté à la cérémonie ! Dans son intervention d'hier, M. Patriat n'a fait que s'inquiéter de la persistance des zones blanches : est-ce que ce sont des « salades » ? Je suis profondément indigné par ces allégations qui avilissent notre Haute assemblée et renforcent les extrêmes. (Applaudissements à gauche et sur les bancs du RDSE)

M. le président.  - Monsieur Bourquin, votre intervention n'était pas un rappel au Règlement. Je vous ai laissé achever et M. le ministre pourra vous répondre. Mais je demande à tous dorénavant de citer les articles sur lesquels se fondent leurs rappels au Règlement et de respecter leur temps de parole. (Applaudissements sur plusieurs bancs UMP)

M. Christian Estrosi, ministre.  - Vous avez fait l'observation que je voulais faire, monsieur le président. Pour le reste, chacun est libre de recourir aux medias de son choix pour dire sa part de vérité. (Protestations à gauche) J'invite M. Bourquin à être lui aussi plus respectueux à mon égard.

M. Martial Bourquin.  - Jamais je ne vous ai manqué de respect !

M. Christian Estrosi, ministre.  - Je suis quotidiennement brocardé dans des journaux comme L'Humanité ou Libération et dans certaines émissions de télévision.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Nous ne contrôlons pas les médias !

M. Christian Estrosi, ministre.  - Je remercie toutefois M. Bourquin d'avoir fait de la publicité pour les nouveaux médias : souhaitons que cela incite tous les Français à se connecter à Twitter ! (Applaudissements à droite ; protestations à gauche)

Discussion des articles (Suite)

Article premier (Suite)

M. Thierry Foucaud.  - La libéralisation du secteur postal engagée par la Commission européenne n'exonère pas le Gouvernement de ses responsabilités, à moins qu'il avoue que sa voix n'est pas entendue à Bruxelles... Cette politique libérale de privatisation a pour seule fin de transformer les services rendus à la population en dividendes pour des actionnaires.

L'actionnaire restera l'État, dit-on. Mais l'exemple de la SNCF n'est pas de nature à nous rassurer : 321 millions d'euros de dividendes versés en deux ans, des salariés en butte à une direction hermétique à tout dialogue social, une gouvernance destinée à faire entrer l'entreprise dans la « modernité » mercantile... Nous ne souhaitons pas voir se poursuivre avec La Poste cette fuite en avant qui met à mal le système social français imaginé par le Conseil national de la Résistance et fondateur du vivre ensemble.

D'ores et déjà, à La Poste, des dizaines de tournées de courrier ont été supprimées, celui-ci n'étant plus distribué à certains endroits que tous les deux ou trois jours ; les horaires d'ouverture des bureaux ont été réduits, en particulier dans les quartiers qui subissent déjà des inégalités criantes en matière de logement, d'emploi et d'accès aux services publics ; une nouvelle gestion patrimoniale conduit à la vente de locaux jugés obsolètes, et ces opérations immobilières lucratives aboutissent à la diminution du nombre de bureaux et à l'installation des agents dans des locaux exigus ; des bureaux ont été fermés à la campagne, les maires se trouvant contraints pour ne pas voir disparaître purement et simplement la présence postale dans leur commune d'ouvrir des « maisons des services publics » où seuls certains services peuvent être rendus par des fonctionnaires territoriaux, en échange d'une dotation de La Poste ; la direction souhaite tarifer l'affranchissement du courrier non plus en fonction du volume ou du poids, mais selon le trafic ; enfin le personnel, comme à France Télécom, est soumis à une exigence de productivité effrénée et à des méthodes de direction propres aux « patrons de choc » chers à Mme Parisot, voire aux dirigeants des ateliers clandestins...

Pour toutes ces raisons, nous voterons l'amendement n° 25.

L'amendement n°25 n'est pas adopté.

Mme Odette Terrade.  - Le projet de loi initial disposait : « [La Poste] restera une entreprise publique dont la totalité du capital social sera détenue par l'État ou par des personnes morales appartenant au secteur public ». La commission a remplacé la coordination « ou » par « et ». Mais cela ne suffit pas à garantir la présence de l'État au capital de La Poste. Un amendement déposé par un autre groupe, et qui tendait à énoncer clairement que le capital de La Poste est détenu par l'État et la Caisse des dépôts, a été rejeté par la commission alors qu'il aurait pu apparaître comme une simple formalité.

En revanche, la commission a apporté une autre modification d'importance : elle a considéré que la rédaction initiale était trop large et permettait à des sociétés détenues en partie par des investisseurs privés d'entrer au capital de La Poste : cela montre bien quelles étaient les intentions du Gouvernement.

M. le rapporteur jure que la transformation de La Poste en SA ne présage en rien sa privatisation, citant l'exemple de Radio France et de France Télévisions. Mais le secteur d'activité de La Poste la rapproche bien plutôt de France Télécom et de GDF.

Conformément au résultat de la votation citoyenne du mois dernier, nous demandons donc au Gouvernement de renoncer au changement de statut de La Poste et soutenons l'amendement n°28.

M. Didier Guillaume.  - Nous voterons également cet amendement, car la transformation de La Poste en SA est dangereuse. (M. Jean-Paul Emorine, président de la commission, s'impatiente) Dans les départements, nous faisons en sorte que le service public soit assuré aussi bien que possible. En tant que président de conseil général, j'aide financièrement les mairies qui installent une agence postale ou un point poste dans leur mairie : j'ai inauguré jeudi un multiservices où, grâce à la présence de La Poste, l'équilibre entre les services public est préservé.

Créer un commerces multiservices réunissant en un seul lieu épicerie, bureau de tabac, bistrot et point poste peut sauver un ou deux emplois dans les petites communes de 500 ou 1 000 habitants. Les subventions versées, notamment par le conseil général ou le conseil régional, permettent de tenir. Il n'y a pas d'un côté ceux qui veulent aller de l'avant et de l'autre ceux qui s'y refusent, mais ce dispositif ne peut devenir la norme, car une agence postale rend des services plus étendus.

Avec l'Epic, nous avons la certitude de conserver ces points. Comme élu de la Drôme, je veux maintenir l'existant. Avec la mairie, La Poste est souvent le dernier service public local.

M. Jean-Paul Emorine, président de la commission.  - Son maintien sera inscrit dans la loi !

M. Alain Fouché.  - On est d'accord !

M. Didier Guillaume.  - N'essayons pas de nous opposer sur tous les sujets. Les divergences sur le statut sont parfaitement respectables, mais nous voulons tous maintenir les services publics !

M. Claude Bérit-Débat.  - Le statut d'Epic permet à La Poste de bien fonctionner et de se moderniser.

M. le ministre a fait le panégyrique de son action sur le terrain. Je ne mets en doute ni sa compétence, ni son expérience du milieu rural, car notre divergence porte sur la conception d'un service public : doit-il être proposé aux habitants et payé par leur commune ou assuré à tous les citoyens quel que soit leur lieu d'habitation ou leur type sociologique ? Cela fait une sacrée différence !

Les moyens mis à la disposition des communes sont bienvenus, mais insuffisants pour éviter les disparités. Lorsque le maintien d'une agence postale est refusé à un maire, celui-ci se résigne au point poste, qui coûte bien plus de 1 000 euros. Mais qui finance ? Le contribuable ! L'aide à l'investissement apportée par le conseil régional ou le conseil général n'évite pas le transfert insidieux de charges.

Le rôle dévolu à l'État pour assurer l'égalité républicaine est le fondement de la politique.

Entre rien et un minimum, les élus optent pour le minimum, mais cet engrenage soulage le budget de l'État au détriment des finances locales. A la longue, la création de la SA supprimera le service public.

M. Alain Gournac.  - C'est faux !

M. Claude Bérit-Débat.  - Laissez-moi parler !

M. Alain Gournac.  - Ce que vous dites n'est pas vrai !

M. Claude Bérit-Débat.  - Cessez de cornaquer les orateurs !

M. Roland Courteau.  - En applaudissant le rapporteur lorsqu'il a dit que le nombre d'agences postales communales était passé de 900 à 4 600, nos collègues ont en fait approuvé le désengagement de La Poste.

Monsieur le ministre, vous avez évoqué le volontarisme des maires, mais savez-vous comment cela se passe le plus souvent ?

M. Christian Estrosi, ministre.  - Oui.

M. Roland Courteau.  - Le directeur départemental de La Poste dit à un maire qu'il a le choix entre la fermeture de l'agence postale, une réduction massive de ses plages horaires de fonctionnement et la création d'un point poste.

M. Pierre Hérisson, rapporteur.  - Envoyez-le nous !

M. Roland Courteau.  - Que peut répondre le maire ? Est-ce du volontarisme ? Comment qualifiez-vous ce comportement ? (Applaudissements à gauche)

M. Jean Bizet.  - Je ne m'étais guère exprimé jusqu'à présent, car je n'estimais pas avoir l'expertise de mes collègues. Je souhaite néanmoins m'exprimer au nom de la commission des affaires européennes pour lever l'incompréhension sur le changement de statut.

Je m'abstiens d'évoquer des postures intellectuelles, sachant qu'il n'y a qu'un pas vers l'imposture. (Exclamations à gauche) Je refuse de franchir ce pas.

M. Roland Courteau.  - Vous venez de le faire ! (M. Jean-Pierre Caffet le confirme)

M. Jean Bizet.  - Tout d'abord, l'entrée en vigueur du traité de Lisbonne le 1er décembre garantira les services publics. Quelle sécurité supplémentaire pourriez-vous désirer ?

M. David Assouline.  - Avec Barroso !

M. Jean Bizet.  - La Commission européenne a engagé contre la France une procédure motivée par la garantie illimitée dont bénéficie La Poste en tant qu'Epic. La transformation en société anonyme permet à la France d'éviter une lourde amende. Dans ce cadre, la Caisse des dépôts pourra jouer le rôle d'investisseur avisé permettant à La Poste de se développer dans le cadre du service public.

Ensuite, la dernière directive postale reconnaît le service public sur tout le territoire national, jusqu'à la plus petite commune rurale.

Pourquoi notre débat est-il si difficile ? Nous examinons un montage financier rationnel permettant à La Poste de rester au service de nos concitoyens.

Monsieur Guillaume, la mutualisation des points postaux et des commerces ouvre une ère nouvelle pour La Poste, mais exige beaucoup d'argent. Le montage proposé est le seul permettant de réussir ! (Applaudissements à droite)

M. David Assouline.  - Nous abordons là un débat plus général. C'est une question de volonté politique.

M. Pierre Hérisson, rapporteur.  - Absolument !

M. David Assouline.  - Lorsqu'ils sont acculés à choisir entre rien et un bureau communal, les élus locaux de gauche ne pratiquent pas la politique du pire. Il reste que le transfert de charges sur les collectivités territoriales est patent.

M. Pierre Hérisson, rapporteur.  - Non !

M. David Assouline.  - Vous serez tous concernés par la suppression de la taxe professionnelle et par la réforme des collectivités territoriales.

M. Pierre Hérisson, rapporteur.  - C'est un autre débat !

M. David Assouline.  - Ce sont d'autres facettes du même sujet.

Ne nous accusez pas de surenchère. Ce n'est pas notre choix, mais la tendance de long terme imposée par l'Europe et l'ouverture aux marchés exigent beaucoup de volonté politique pour sauvegarder les services publics.

Or le statut d'Epic est justement celui qui peut contrer cette dérive générale tout en modernisant La Poste via les abondements de l'État. Quel dommage que ce débat soit segmenté ! L'enjeu est le même pour l'AFP, dont nous parlerons bientôt. Son PDG, que j'ai auditionné, m'a expliqué que le statut de société anonyme avec 100 % de capitaux public était la solution pour que l'Agence se modernise. Mais, que je sache, l'Agence est bénéficiaire et n'est pas au bord de la banqueroute. Pourquoi donc a-t-elle besoin de capitaux ? Non pas pour affronter la concurrence, m'a répondu son PDG, mais pour prendre des participations dans d'autres agences ici et là et sous-traiter ce qu'il est possible de faire, rétorquent les salariés, sans modifier le statut de l'entreprise.

Mme Nathalie Goulet.  - Sans parler de RFI !

M. David Assouline.  - Le changement de statut a des effets secondaires que ni vous ni moi ne pouvons prédire car, la marche du monde continuant, nous serons confrontés à des choix tels que celui de fermer ou non le bureau communal...

Voix à droite.  - A nous d'être vigilants !

M. David Assouline.  - Aujourd'hui, la mission de La Poste est de tout faire pour que les Français continuent d'utiliser ses services après l'ouverture à la concurrence.

M. le président.  - Veuillez conclure.

M. David Assouline.  - Soit, il faut des capitaux, mais pour financer les missions de service public...

M. Pierre Hérisson, rapporteur.  - Temps de parole écoulé !

M. David Assouline.  - Avancer comme seul argument justifiant le changement de statut la nécessité, pour La Poste, de prendre des participations dans des entreprises et de concurrencer les autres opérateurs à l'étranger...

M. Pierre Hérisson, rapporteur, et M. Jean-Paul Emorine, président de la commission.  - N'importe quoi !

M. David Assouline.  - ...c'est un peu court !

L'amendement n°28, identique à l'amendement n°445, n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°440, présenté par M. Teston et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Alinéa 2, première phrase

Supprimer cette phrase.

Mme Gisèle Printz.  - Plutôt que de vilipender la votation citoyenne du 3 octobre à laquelle nous sommes fiers d'avoir participé, la majorité devrait en tenir compte. Rien ne justifie le passage en société anonyme : l'Europe ne l'impose pas et, avec le statut d'Epic, elle est une des entreprises les plus compétitives de son secteur avec 500 millions de bénéfices cette année, malgré la crise. Ne joignons pas les mensonges à la mauvaise foi ! Aujourd'hui, La Poste peut déjà nouer des partenariats à l'étranger -la RATP le fait déjà avec succès- pour compenser la perte du secteur réservé et emprunter à condition de présenter un plan d'expansion crédible aux créanciers. C'est peut-être là que se situe, d'ailleurs, le véritable débat mais vous préférez, par idéologie, noyer le poisson en limitant la discussion à des questions de forme. Les missions de service public, de cohésion sociale et d'aménagement du territoire commandent de conserver à l'entreprise son statut protecteur d'Epic. La Poste n'est pas une entreprise comme les autres !

M. le président.  - Amendement n°448, présenté par M. Teston et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Alinéa 2, première phrase

Rédiger ainsi cette phrase :

La Poste est une entreprise publique qui exerce ses missions pour le compte de la collectivité.

M. David Assouline.  - La Poste doit faire face à de nombreux défis : (M. Jean Bizet ironise) la libéralisation du marché postal en 2011, la banalisation du livret A, la concurrence des modes de communication dématérialisés. Le groupe socialiste est convaincu -que tous les sénateurs et M. le ministre se le mettent dans la tête !- que La Poste doit évoluer, innover, se moderniser tout en assurant ses missions de service public. La solution de cette équation réside, selon le PDG de La Poste, dans le changement de statut. Mais pourquoi le groupe a-t-il besoin de 2,7 milliards ?

M. Charles Revet.  - Pour se moderniser !

M. David Assouline.  - Malgré les nombreuses auditions auxquelles ils ont procédé cette année, les sénateurs socialistes n'ont pas trouvé de réponse à cette question. L'objet, d'après un communiqué d'août 2008, est de tirer la croissance du groupe par « l'acquisition ou le développement d'opérateurs alternatifs de courrier en Europe » ainsi que par « des acquisitions ciblées hors d'Europe » ; mais, d'après M. Bailly auditionné par la commission, l'enjeu est surtout de moderniser les systèmes d'informations de son groupe et l'activité de colis express. En un an, le discours, les priorités, les montants ont changé. Au regard de cette grande opacité, le passage en force vers la société anonyme relève davantage du dogmatisme que d'une véritable nécessité : l'État peut parfaitement aujourd'hui, par dotation publique, apporter à La Poste les moyens de se préparer à l'ouverture à la concurrence. (Mme Nathalie Goulet acquiesce) Ce ne serait que justice quand il n'a jamais véritablement compensé les missions de service public de La Poste.

M. le président.  - Amendement n°449, présenté par M. Teston et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Alinéa 2, première phrase

Rédiger ainsi cette phrase :

La Poste est une entreprise en totalité publique.

M. Yannick Botrel.  - Malgré vos explications, monsieur le ministre, les Français ont bien compris que le changement de statut ouvrait la voie à la privatisation de La Poste. Ce changement de statut serait une obligation européenne. Faux ! Et le capital à 100 % public de La Poste n'offre aucune garantie, comme l'a montré l'exemple de GDF. La privatisation, dans les pays où elle a été actée, s'est faite aux dépens des salariés et des usagers. D'où la nécessité de garantir le caractère public de La Poste, ce que ne permet pas cet article premier. Le passage en société anonyme serait une décision anachronique qui remettrait en cause les missions de service public. Chers collègues, si vous êtes réellement opposés à la privatisation et que votre posture dans les médias n'est pas politicienne, vous devez vous opposer à ce changement de statut en votant cet amendement.

M. le président.  - Amendement n°450, présenté par M. Teston et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Alinéa 2, première phrase

Rédiger comme suit cette phrase :

La Poste demeure la propriété collective de la nation.

M. Roland Courteau.  - Permettez-moi de rappeler le neuvième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946 selon lequel : « tout bien, toute entreprise dont l'exploitation a ou acquiert les qualités d'un service public national ou d'un monopole de fait doit devenir la propriété de la collectivité ». Cela fait, je veux rappeler que le secteur réservé, dont M. Jospin avait négocié le maintien, permettait, par péréquation, d'offrir un tarif identique pour une lettre du VIe au XXe arrondissement de Paris et de la Corse au îles du ponant. Ensuite, rien ne permet de garantir, dans ce texte, que l'État ne se désengagera pas du capital de La Poste, comme il l'a fait pour GDF. En outre, La Poste a dégagé un milliard de bénéfices l'an passé et 500 millions cette année sans que cela coûte au contribuable. Or le passage en société anonyme équivaudrait à faire financer l'entreprise par le contribuable. Les sénateurs socialistes ne s'expliquent pas cette logique « perdant-perdant ». Maintenons le statut d'Epic ! (Applaudissements à gauche)

M. le président.  - Amendement n°451, présenté par M. Teston et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Alinéa 2, première phrase

Rédiger ainsi cette phrase :

La Poste demeure la propriété de la collectivité.

M. Claude Bérit-Débat.  - Amendement de principe. La Poste est un service public national qui appartient à notre patrimoine. M. Courteau a cité l'alinéa 9 du Préambule de 1946, notre pacte social fondateur. Les activités de service public doivent relever de la collectivité. La Nation doit à ses citoyens un service public de qualité, sur tout le territoire.

A vous croire, le marché ferait aussi bien que le service public, avec les bénéfices en plus ! La pratique dément la théorie, et les pays qui ont privatisé leurs services publics, comme le Japon, font aujourd'hui marche arrière... La privatisation ne profitera pas aux citoyens, surtout dans les zones rurales. La collectivité doit avoir le monopole des missions de service public indispensables au bon fonctionnement de la société. C'est pourquoi La Poste doit rester propriété des citoyens, et non de capitaux privés. (Applaudissements sur les bancs socialistes).

M. le président.  - Amendement n°19, présenté par M. Danglot et les membres du groupe CRC-SPG

Alinéa 2, première phrase

Remplacer l'année :

2010

par l'année :

2035

M. Thierry Foucaud.  - Si votre objectif n'est pas de privatiser La Poste, pourquoi la transformer en société anonyme ? France Télécom, EDF, GDF : nous voyons les conséquences de la privatisation pour les salariés comme pour les usagers, devenus « clients ». M. Sarkozy avait pourtant juré que jamais GDF ne serait privatisée... Voici une nouvelle preuve de votre volonté de marchandiser toutes les activités humaines, de remettre en cause tous les services publics.

La modernisation de La Poste n'implique pas un changement de statut. Rien n'interdit un partenariat financier, par exemple avec la Caisse des dépôts. Pourquoi ne pas imaginer un pôle financier public qui financerait la modernisation des services publics ? Nous sommes de ceux qui ont lutté pour la mise en place de services publics dans notre pays. Aujourd'hui, La Poste adopte les modes de gestion du privé : on en voit déjà les conséquences en milieu rural... (Marques d'impatience à droite, où l'on signale que l'orateur a dépassé son temps de parole)

M. le président.  - Amendement n°18, présenté par M. Danglot et les membres du groupe CRC-SPG

Alinéa 2, première phrase

Remplacer l'année :

2010

par l'année :

2030

Mme Brigitte Gonthier-Maurin.  - M. Darcos a déclaré que s'il avait dû participer à la votation citoyenne, il aurait voté contre la privatisation de La Poste, affirmant qu'il ne s'agit pas de privatiser...

M. Jean Bizet.  - Et oui !

Mme Brigitte Gonthier-Maurin.  - Mais les faits sont têtus. L'ouverture à la concurrence du secteur postal a été décidée par une directive du 15 décembre 1997. Le Conseil européen de Lisbonne de mars 2000 a demandé à la Commission d'accélérer cette libéralisation. Le 15 octobre 2001, à Luxembourg, les Quinze s'accordaient pour poursuivre l'ouverture à la concurrence, repoussant toutefois la déréglementation totale à 2009. En octobre 2006, la Commission européenne exigeait de la France « la suppression de la garantie étatique illimitée en faveur de La Poste », considérant que celle-ci créait « une distorsion de concurrence sur un marché en voie de libéralisation ».

Les conséquences ne se sont pas fait attendre. La mise en orbite capitalistique de La Poste a été précédée d'une profonde transformation de l'entreprise : techniques de management agressives, précarisation du personnel, dégradation du service, fermeture de bureaux, culte du profit. Pourtant, la majorité et le Gouvernement nient l'évidence et rétorquent que le changement de statut de La Poste ne signifie pas sa privatisation...

M. le président.  - Stop !

Amendement n°17, présenté par M. Danglot et les membres du groupe CRC-SPG

Alinéa 2, première phrase

Remplacer l'année :

2010

par l'année :

2025

Mme Odette Terrade.  - Amendement de repli. L'article premier transforme l'Epic en société anonyme, preuve que le Gouvernement entend bien privatiser La Poste, sans que cela soit imposé par le droit communautaire et contre la volonté du peuple. La majorité préfère le terme de « sociétisation ». Dans son rapport d'information sur la loi relative à France Télécom, M. Larcher nous explique ce néologisme : il s'agit de la transformation en société anonyme détenue majoritairement par l'État dans des conditions garantissant de manière pérenne le statut et l'emploi des personnels de l'entreprise publique, tout en leur ouvrant de nouveaux droits. Bref, pas de quoi s'inquiéter...

Dix ans après la privatisation de France Télécom, où en sommes-nous ? Les effectifs sont passés de 165 000 agents fonctionnaires en 1997 à 95 000 en 2008, dont 25 000 de droit privé. La préretraite maison, ouverte dès 55 ans, a été utilisée, de gré ou de force, par 40 000 agents. Sa suppression, fin 2006, n'a pas mis fin à la saignée des effectifs, mais les méthodes d'incitation au départ se sont musclées : à la fin de l'année, l'opérateur devrait afficher 90 000 salariés.

La précarité a explosé avec le développement de la sous-traitance. L'ouverture à la concurrence s'est faite au détriment des usagers. Les opérateurs s'entendent pour maintenir des tarifs élevés. La couverture du territoire n'est pas assurée ; les suppressions d'emplois, les incessantes réorganisations, l'insuffisance des investissements font que France Télécom n'est plus capable d'entretenir son réseau. Seuls les actionnaires se frottent les mains, car les résultats financiers sont au rendez-vous...

Évitons à La Poste de connaître les mêmes dérives !

M. le président.  - Amendement n°16, présenté par M. Danglot et les membres du groupe CRC-SPG

Alinéa 2, première phrase

Remplacer l'année :

2010

par l'année :

2020

M. Thierry Foucaud.  - Ces amendements de repli sont aussi des amendements d'appel : ce débat doit être l'occasion de dresser ensemble un état des lieux. Il faut impérativement repousser la date d'entrée en vigueur de ce projet de loi. Comment envisager que tout puisse être en place dans moins de soixante jours ?

M. le président.  - Amendement n°15, présenté par M. Danglot et les membres du groupe CRC-SPG.

Alinéa 2, première phrase

Remplacer l'année :

2010

par l'année :

2015

Mme Brigitte Gonthier-Maurin.  - La directive européenne prévoit la mise en concurrence, pas la privatisation. Elle ne vous oblige en rien à précipiter la transformation du statut de La Poste en société anonyme. Pourquoi refuser de prendre en compte la votation citoyenne, alors que 75 % des Français sont opposés à la privatisation de La Poste ? Votre choix est idéologique, comme il le fut pour France Télécom et GDF. Il conduira à la recherche de la rentabilité à tout prix, au détriment des missions de service public et des conditions de travail des personnels. Dans certains départements, on en a déjà l'avant-goût : agents remplacés par des commerciaux, contractuels remplacés par des automates, filiales s'imposant lors de restructurations, au prix de méthodes douteuses... Et tout ceci au détriment de la qualité du service rendu.

Repousser la date permettrait au moins de tenter de mettre un terme à cette politique néfaste.

M. le président.  - Amendement n°14, présenté par M. Danglot et les membres du groupe CRC-SPG.

Alinéa 2, première phrase

Remplacer l'année :

2010

par l'année :

2014

Mme Odette Terrade.  - Laissez La Poste développer ses activités postales publiques, fruits d'une tradition d'excellence qui remonte aux relais de poste de Louis XI et a permis d'assurer un réel maillage du territoire, un véritable service public de proximité.

Un délai de quatre ans permettra à La Poste de prendre part aux assises de la ruralité annoncées par le ministre lors de son audition. La loi de régulation des activités postales du 20 mai 2005 exige qu'au moins 90 % de la population ait accès à un point de contact à moins de cinq kilomètres ou vingt minutes de distance. 88 % des habitants des communes rurales sont concernés et restent très attachés à cette présence postale. Le ministre lui-même déclarait lors de son audition que ce dispositif, qui a fait la preuve de son efficacité, devrait servir de modèle à tous les opérateurs qui ont signé la charte du service public. Il est donc essentiel que La Poste participe à ces assises.

M. le président.  - Amendement n°13, présenté par M. Danglot et les membres du groupe CRC-SPG.

Alinéa 2, première phrase

Remplacer l'année :

2010

par l'année :

2013

M. Thierry Foucaud.  - L'Union européenne, si elle impose une ouverture à la concurrence qui met hélas le plus souvent en concurrence rentabilité et qualité du service rendu, n'impose cependant pas le changement de statut. Pourquoi cette obsession, et pourquoi cette urgence ? L'exposé des motifs de votre projet indique que le statut d'établissement public de l'entreprise, qui fait dites-vous figure d'exception en Europe, ne lui permet pas d'être concurrentielle. Autrement dit, La Poste ne serait pas capable de faire face à la concurrence avec les seuls moyens de l'État. Mais quel autre financement, alors que son capital resterait « 100 % public » ? Il est clair que l'engagement d'aujourd'hui sera remis en cause demain, pour assurer une concurrence libre et non faussée, violente et destructrice. Et c'est ainsi que vous préparez le terrain pour faire entrer au capital de La Poste des fonds privés, tout en jurant que vous ne le ferez pas.

M. le président.  - Amendement n°12, présenté par M. Danglot et les membres du groupe CRC-SPG.

Alinéa 2, première phrase

Remplacer l'année :

2010

par l'année :

2012

Mme Brigitte Gonthier-Maurin.  - Repousser le changement de statut à 2012 permettrait au moins de mener à bien l'étude indispensable sur les conséquences de la libéralisation du secteur sur les conditions de travail et la qualité des prestations. Les seules mesures dont nous disposions aujourd'hui sont les exemples étrangers et les autres services libéralisés, chez nous. Ils ne présagent rien de bon. Travaillons donc au moins à éviter une dégradation brutale de la qualité du service, en particulier dans les zones enclavées et ménageons-nous un sursis qui permettra, tout en se mettant en conformité avec la directive, d'en renégocier les termes au Conseil européen. Le combat n'est pas perdu contre l'idéologie libérale : employons-nous à défendre une autre conception, celle d'un service public qui participe au respect des droits de chacun, au lien social, à la solidarité. Ne sacrifions pas notre conception française d'un service public garant de l'égalité des citoyens au désir aveugle du marché, le désir de l'enrichissement.

M. le président.  - Amendement n°432, présenté par M. Teston et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Alinéa 2, première phrase

Compléter cette phrase par les mots :

dont le capital demeure en totalité public

M. Michel Teston.  - Il est défendu.

M. Pierre Hérisson, rapporteur.  - Défavorable à l'amendement n°440, au reste peu cohérent puisqu'il laisse subsister les dispositions relatives à la détention du capital. Même avis sur le n°448 et le n°449. Que La Poste demeure propriété collective nationale reste vrai, mais dans la mesure où l'amendement n°450 substitue cette assertion aux dispositions relatives à la transformation de l'établissement en société anonyme, la commission ne peut lui être favorable. Même avis sur le n°451. Quant à repousser le changement de statut, comme le prévoient decrescendo les amendements n°s19 à 12, ce serait dangereux : il est urgent que La Poste soit mise en état de recevoir la dotation en capital dont elle a besoin pour se moderniser. Défavorable, enfin, à l'amendement n°432.

M. Christian Estrosi, ministre.  - 2035, et pourquoi pas l'éternité ? Avis défavorable sur l'ensemble.

M. Martial Bourquin.  - Nous voterons ces amendements. Le ministre va répétant que tout ce qui est excessif est dérisoire et que j'ai tort d'annoncer la suppression de milliers de postes. J'éviterais donc toute subjectivité pour dire les raisons de notre attachement au service public de La Poste. En 2007, il y a eu 10 000 suppressions nettes d'emploi. Si l'on y ajoute les 7 000 suppressions recensées dans le bilan social 2008, cela fait 17 000 en deux ans. Vous voyez que nous n'exagérons pas ! Nous ne faisons que lire le bilan social. Pour 2009, nous nous fondons sur la stratégie de la direction de La Poste : elle vise le non-remplacement d'un départ en retraite sur cinq, contre un sur deux ou sur trois ces dernières années. Tout ceci permet de tracer une courbe.

En 2003, La Poste comptait 315 364 équivalents temps plein travaillé et 295 742 en 2008 ; dans le même temps, le nombre d'emplois précaires est passé de 114 500 à 143 455. On est là au coeur du débat ! Avec la transformation en société anonyme, cette stratégie va recevoir un coup d'accélérateur.

M. Alain Gournac.  - Le statut d'Epic ne l'a pas freinée.

M. Martial Bourquin.  - Ces emplois supprimés, ce sont des facteurs en moins, des guichets fermés, des files d'attente qui s'allongent. Tous ces problèmes que nous, élus, tentons de résoudre jour après jour. Le ministre nous dit qu'il crée des emplois dans les services publics des Alpes-Maritimes. Tous les départements n'ont pas la même richesse par habitant !

M. Alain Gournac.  - Il va nous faire pleurer !

M. Martial Bourquin.  - Avec les services publics, nous défendons l'emploi. Si l'on continue à déménager ainsi le territoire, on le paiera très cher. (Applaudissements à gauche)

M. Guy Fischer.  - Je veux apporter ma pierre au débat. (Rires à droite)

Avec mes nuits à Saint-Exupéry, avec mes rencontres avec les postiers, j'ai appris beaucoup de choses. Par exemple que, dans le VIIIe arrondissement de Lyon, on a supprimé sept postes de facteur sur vingt-et-un. Et cette belle organisation vient de cadres semblables à ceux qui ont oeuvré comme on sait à France Télécom.

M. Alain Gournac.  - Des cadres comme ça !

M. Guy Fischer.  - Qui font un véritable harcèlement.

M. Jean Bizet.  - Besancenot est toujours là !

M. Daniel Dubois.  - Nous sommes tous d'accord pour vouloir un service public de qualité, je veux dire : un service rendu au public. Monsieur Fischer, le courrier continue-t-il à être acheminé après la suppression des sept postes ?

M. Guy Fischer.  - Oui...

M. Daniel Dubois.  - C'est donc que ces facteurs étaient en trop. (Exclamations à gauche ; applaudissements à droite)

M. Martial Bourquin.  - Cinq millions de chômeurs !

M. Alain Fouché.  - Je ne vis pas à Lyon mais dans ma région je ne vois pas le nombre de facteurs diminuer.

M. Christian Estrosi, ministre.  - Quelle est la grande entreprise qui, sur vingt ans, n'a pas connu de modernisation, avec les conséquences qu'on imagine en termes de ressources humaines ?

M. Alain Gournac.  - Même ma mairie !

M. Christian Estrosi, ministre.  - Il est sain qu'une grande entreprise comme La Poste diversifie ses activités : pour créer des emplois demain.

M. Bourquin a comparé des chiffres sur un an. Si l'on regarde sur une plus longue durée, l'impression qui se dégage est tout autre. Je comparerai plutôt le chiffre de 2008 avec celui de 1991 : il y avait alors 308 608 emplois. Cela signifie qu'en dix-neuf ans on est resté autour de 300 000, avec des moments de diminution et d'autres de remontée. Combien d'entreprises font aussi bien en termes d'emploi ? En 1997, le chiffre était descendu jusqu'à 286 000, et puis il est remonté. En 2008, il y a eu 8 300 embauches, dont 90 % en CDI.

M. Guy Fischer.  - Sous statut privé !

M. Christian Estrosi, ministre.  - Quant aux suppressions depuis 2006, elles sont surtout dues à des départs volontaires en retraite, qui ont été 7 000, mais avec 5 000 embauches. Telle est la réalité des chiffres.

L'amendement n°440 n'est pas adopté, non plus que le n°448.

M. Yannick Botrel.  - Vous affirmez que, nonobstant le changement de statut, le caractère public de La Poste ne sera pas affecté. Dans ces conditions l'amendement n°449 est consensuel.

L'amendement n°449 n'est pas adopté, non plus que les amendements nos450 et 451.

M. Thierry Foucaud.  - La dégradation du service postal est déjà bien entamée, et cela ne peut qu'aller s'aggravant sous l'empire de la concurrence et de la rentabilité exigée. Les exemples de France Télécom et de GDF sont parlants.

On ferme des bureaux, on installe des agences postales dans des boutiques où les règles minimales de sécurité et de confidentialité ne sont pas respectées.

Chaque jour, La Poste, soumise à des exigences de rentabilité, réduit ses services. Nous savons d'ailleurs ce qu'il en est dans d'autres entreprises, comme France Télécom.

Vous vous cachez derrière l'Europe, mais elle n'impose pas de changement de statut. La directive impose l'ouverture des services postaux à la concurrence, mais pas de statut particulier aux entreprises. Il est donc possible de reculer la date d'entrée en vigueur du nouveau régime.

L'amendement n°19 n'est pas adopté.

Mme Odette Terrade.  - La privatisation de La Poste a été décidée par l'Union : depuis deux décennies, en effet, l'Europe s'est attaquée aux marchés non concurrentiels des grands services publics historiques.

Le 1er octobre, alors que la votation citoyenne se poursuivait en France, le journal The Guardian rappelait que des lobbies avaient dépensé près de 400 millions de dollars pour lutter contre le projet de réforme de l'assurance maladie aux États-Unis. L'opposition du Sénat américain se base sur une prétendue inégalité entre un secteur public qui coûterait moins cher aux assurés et le secteur privé. Or, l'accord général sur le commerce des services s'oppose à l'existence de services publics, les services devenant des marchandises comme les autres. Le même problème se pose en Europe : depuis vingt ans, les services publics y sont systématiquement démantelés.

La privatisation de France Télécom est très avancée tandis que celle de la recherche se met en place. La privatisation de l'électricité en France a provoqué une forte augmentation de son prix. Or, nos concitoyens s'opposent dans leur grande majorité à la libéralisation à marche forcée de tous les services publics. L'Union fait en effet reculer le modèle européen.

M. Thierry Foucaud.  - D'autres pays européens ont déjà franchi le cap de la privatisation et les résultats sont catastrophiques.

Ainsi, la poste néerlandaise, groupe TPG, a été privatisée à 66 % en 1989. Elle a, depuis, procédé à des licenciements massifs. En octobre 2003, alors qu'elle souhaitait racheter la poste belge, son directeur exécutif déclarait : « Nous sommes une entreprise cotée en bourse, nous devons montrer tous les ans à nos actionnaires que nous avançons ». TPG s'intéresse à la poste belge « pour occuper le marché avant les concurrents allemand et français, car demain ne resteront en Europe que quelques grands acteurs » Le PDG du groupe précisait que « la poste belge devrait subir une sévère rationalisation en quatre ans, avant la libéralisation complète du marché. Ce ne sera pas possible avec des départs naturels et les restructurations nécessaires, nous voulons bien les faire nous-mêmes, nous en avons l'expérience ».

En Suède, la libéralisation du courrier postal date de 1993. Depuis, les effectifs ont baissé de 25 % mais les prix des services postaux ont, selon un rapport gouvernemental, augmenté de 7 % entre 1993 et 2003.

Au Royaume-Uni, Royal Mail est devenu en 2001 une société anonyme à capitaux d'État. Elle renoue avec les bénéfices cette année après avoir lancé, en 2002, un plan de licenciements de 30 000 de ses 200 000 employés ! Le nombre de bureaux de poste a également été réduit. Les usagers se plaignent de la dégradation du service. Le président du conseil de surveillance de La Poste déclarait le 31 août que « lors des trois dernières années, les clients ont payé plus chers des services qui se dégradent ». Royal Mail devra verser à ses clients un dédommagement de l'ordre de 50 millions de livres, somme que devrait prendre en charge son actionnaire unique, le gouvernement britannique.

La Deutsche Post illustre parfaitement le passage d'une entreprise publique à une entreprise internationale à vocation commerciale. En quelques années, la Deutsche Bundespost, poste publique allemande, est devenue la Deutsche Post World Net, une compagnie internationale dont le bénéfice a atteint 1,31 milliard en 2003. L'analogie avec le cas français est particulièrement frappante : en 1989, le parlement allemand vote la loi régissant la structure des postes et des télécommunications qui précise que la nouvelle entreprise doit rester publique. En 1997, une nouvelle loi transforme la Deutsche Post en société par actions. Le Gouvernement s'engage à conserver l'intégralité des actions dans un premier temps, et à y rester majoritaire pendant au moins cinq ans. La loi met fin au recrutement de nouveaux fonctionnaires, introduit la concurrence en deux étapes ainsi que la notion de service postal universel, et elle crée l'Agence fédérale de la poste et des télécommunications qui assume des fonctions de surveillance et de coordination. En 2000, la Deutsche Post est introduite en bourse : 29 % de son capital est vendu, puis 2 % supplémentaires en 2001. En 2003, le patron de la Deutsche Poste prévoit une privatisation totale de son entreprise en quatre ans. Dans le magazine Capital, il déclare : « Je m'imagine bien que l'État fédéral va réduire à zéro sa part d'ici 2007 ». Pendant ce temps, l'entreprise s'est lancée dans une politique d'expansion internationale. Le bilan social est sévère : selon la direction, entre 1990 et 1996, les effectifs sont passés de 380 000 à 285 000 employés. Le nombre de bureaux de postes est passé de 26 000 à 13 000 dont 7 000 sont devenus des points de contact.

M. Guy Fischer.  - Voilà ce qui nous attend !

M. Thierry Foucaud.  - Et leur nombre va encore diminuer : la direction de la Deutsche Post a annoncé, le 22 septembre, la fermeture supplémentaire de 1 000 bureaux, surtout dans les zones rurales.

La démonstration est limpide : la libéralisation et la privatisation partielle ou totale des monopoles historiques ont permis aux entreprises de gagner en rentabilité financière pour le compte de quelques-uns, mais au détriment de l'emploi et de la qualité du service public.

M. Guy Fischer.  - Voilà une belle démonstration !

A la demande du groupe CRC, l'amendement n°18 est mis aux voix par scrutin public.

M. le président.  - Voici les résultats du scrutin :

Nombre de votants 338
Nombre de suffrages exprimés 336
Majorité absolue des suffrages exprimés 169
Pour l'adoption 151
Contre 185

Le Sénat n'a pas adopté.

M. Daniel Raoul.  - C'est bien dommage !

Mme Odette Terrade.  - La majorité ne cesse de nous répéter que le changement de statut de La Poste est nécessaire pour la survie de l'entreprise publique, que les personnels et les usagers ne doivent pas s'inquiéter car il ne s'agit que d'une ouverture de capital. On nous dit aussi que le statut des agents et les missions de service public seront préservés. Pourtant les 2,3 millions de personnes qui ont voté contre ce changement de statut n'ont pas été convaincues et pour cause ! Il y a dix ans, les mêmes arguments ont été utilisés pour France Télécom. Les discours d'aujourd'hui ressemblent furieusement à ceux de M. Juppé en 1996.

A l'époque, on nous disait aussi que les missions de service public étaient garanties, que l'État resterait à plus de 50 % du capital. Or la participation de l'État, de 79 % après la première ouverture, a chuté à 62 % en 1998 avant qu'en 2003, la droite vote une loi autorisant l'État à passer sous les 50 %, ce qui marque la privatisation au sens propre. Aujourd'hui, l'État détient moins de 30 % du capital de France Télécom, qui fonctionne comme n'importe quelle entreprise privée. Pas étonnant qu'aucun bilan officiel n'ait été tiré de cette expérience, puisque la seule conclusion possible serait de renoncer à toute privatisation.

Voilà ce qui va se passer pour La Poste au détriment des salariés et des usagers, pendant que les actionnaires seront grassement rémunérés. Cet amendement de repli tend à repousser le changement de statut.

L'amendement n°17 n'est pas adopté.

M. Thierry Foucaud.  - Depuis plusieurs années votre majorité et la direction de La Poste se sont ingéniées à transformer cette entreprise nationale en une entreprise commerciale, presque comme une autre. Des secteurs postaux ont d'ores et déjà été ouverts à la concurrence et des entités publiques privatisées L'esprit de service public ne souffle plus à La Poste : vous avez fermé des milliers de bureaux de poste et vous avez appliqué des techniques managériales fondées sur la mise en concurrence des agents et non sur des objectifs partagés d'un service de qualité à rendre à chaque usager. Vous pensiez faire comme avec de nombreuses entreprises et services publics : réduire les moyens et les coûts en réduisant les missions et la qualité du service rendu ; créer l'insatisfaction envers un service qui se détériore ; puis privatiser ce qui peut être rentable en faisant miroiter à nos concitoyens une amélioration des prestations servies. Seulement cette fois-ci ça ne marche pas : la population a compris votre stratagème. Vous n'avez pas mesuré l'attachement de nos concitoyens au service postal car, pour paraphraser une chanson populaire, « on a tous en nous quelque chose de La Poste ». La majorité des Français ne souhaite pas la transformation annoncée et le dépeçage à venir de cette encore belle entreprise nationale, qui a de beaux restes et les potentialités d'un renouveau du service public. Il faut donc donner la parole au peuple au cours d'un grand débat national sur l'avenir du service public postal, se terminant par un référendum.

L'amendement n°16 n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°15.

M. Guy Fischer.  - La crise actuelle impose, plus que jamais, que La Poste demeure un service public de proximité pour tous les citoyens, qui réponde aux besoins de la population tout en jouant un rôle essentiel dans l'aménagement du territoire. Sa transformation en société anonyme et l'ouverture de son capital doivent être différées pour laisser « le temps au temps ». Temps nécessaire pour s'assurer que les quatre missions publiques de La Poste -le service universel du courrier, l'aménagement du territoire, l'accessibilité bancaire et la distribution de la presse- sont maintenues et confortées sur l'ensemble de notre territoire sans conditions ni critères de flexibilité et de rentabilité.

Ce changement de statut dans l'urgence intervient alors qu'aucune directive n'oblige à la privatisation. L'Union européenne est souvent montrée du doigt quand on cherche un responsable du démantèlement des services publics. Or, si les différentes directives postales ont effectivement ouvert les services postaux à la concurrence, elles n'imposent pas un statut particulier aux opérateurs puisque l'Union n'a aucune compétence en matière de régime de propriété. Si l'Europe est responsable de la libéralisation avec l'ouverture à la concurrence, vous êtes responsables de la privatisation avec ce changement de statut. Au niveau européen, il n'existe pas de définition minimale du service public. Les directives garantissent uniquement un ensemble commun d'obligations qui constituent le service universel, avec par exemple une distribution et une levée du courrier, au minimum cinq jours sur sept à un prix abordable sur l'ensemble du territoire. Les États sont donc libres de choisir les modalités de son financement, ainsi que de donner une définition plus large du service postal. (Applaudissements à gauche)

L'amendement n°14 n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°13.

Mme Odette Terrade.  - L'alinéa 2 signifie une privatisation de La Poste qui aura pour conséquence de la soumettre aux règles comptables et sociales des entreprises privées. Il n'y a pas d'exemple d'un établissement public transformé en société anonyme qui n'ait été privatisé et n'ait fait disparaître ses missions de service public. Le capital sera à 100 % public, aux mains de l'État et de la Caisse des dépôts et consignations (CDC) ? Cette garantie n'est pas suffisante car, ce qu'une loi a fait, une autre peut le défaire. Et la qualité publique d'un actionnaire est toute relative quand il s'agit d'une société anonyme soumise aux lois du code du commerce. Par exemple Icade, détenu à 60 % par la CDC, et qui fut un des premiers bailleurs sociaux, cède aujourd'hui la plupart de ses activités de service et la totalité de son patrimoine social, mettant 2 000 employés en danger. Lorsqu'elle agit en tant qu'investisseur privé, la Caisse des dépôts exige elle aussi un retour sur investissement substantiel. Et rien ne lui interdira de céder tout ou partie de sa participation au capital de La Poste. C'est pourquoi nous vous invitons à voter l'amendement n°12.

L'amendement n°12 n'est pas adopté.

La séance est suspendue à 13 heures.

présidence de M. Gérard Larcher

La séance reprend à 15 heures.