Questions cribles sur les crises agricoles

M. le président.  - L'ordre du jour appelle les questions cribles. Le thème d'aujourd'hui est relatif aux crises agricoles. Comme en a décidé la Conférence des Présidents, l'auteur de la question et le ministre ont chacun deux minutes ; une réplique d'une minute peut être présentée, soit par l'auteur de la question, soit par un membre du groupe auquel il appartient. Des chronomètres sont visibles dans l'hémicycle pour aider les orateurs à maîtriser le temps de leur intervention. S'il reste du temps, une huitième question pourra être posée par un sénateur du groupe UMP.

Je remercie Public Sénat qui retransmet cette séance et France 3 qui fera de même à compter du 27 octobre, toutefois en différé le soir et deux fois par mois après l'émission de M. Taddéi.

M. Gérard Bailly.  - Le groupe UMP salue votre engagement, monsieur le ministre ; grâce à votre détermination l'Europe s'est engagée le 5 octobre sur la voie de la régulation du marché du lait. Ce n'était pas gagné. Il s'agit d'un changement de cap majeur qui permet d'envisager plus sereinement l'avenir de nos producteurs de lait.

Il est toutefois dommage qu'il faille attendre le mois de juin pour des décisions concrètes alors que les producteurs attendent des mesures immédiates : je les comprends. Un plan d'accompagnement national a certes été mis en place à hauteur de 60 millions d'euros, notamment des aides de trésorerie et des prêts-relais. Mais la crise est trop grave pour qu'on en reste là. Il faut que les relations entre producteurs, industriels et distributeurs soient rapidement rééquilibrées, comme le demande le rapport de l'Observatoire des prix et des marges du 30 juillet dernier. Un report des charges structurelles doit être décidé. Au plan européen, et après la réunion de Vienne hier, on peut espérer un accord sur la régulation du marché lors du prochain conseil des ministres de l'agriculture. (Applaudissements à droite)

M. Bruno Le Maire, ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche.  - Je me réjouis d'être le premier membre du Gouvernement à intervenir lors de cette séance de questions cribles, qui marque un progrès de la démocratie parlementaire.

La situation actuelle du marché du lait est inacceptable, qui voit le revenu des producteurs, en France comme dans d'autres pays d'Europe, rester très largement inférieur au prix de revient de leur production. Nous allons dans le mur. Ces dernières années, le choix constant de l'Europe a régulièrement fait le choix de la dérégulation de toutes les filières : toujours plus de concurrence, toujours plus de libéralisation des marchés, toujours moins de contrôle des revenus. Il était temps de revenir en arrière, ce que nous avons fait en marquant avec l'Allemagne le 2 juillet, puis hier avec dix-neuf autres États membres, notre volonté d'avancer vers une régulation européenne du marché du lait, vers la possibilité pour les producteurs de conclure des contrats justes et équilibrés avec les industriels afin de stabiliser leurs revenus, vers des mécanismes d'intervention plus efficaces, vers plus de transparence sur les volumes afin d'éviter les surproductions que nous avons connues.

Soyez assuré que notre détermination est totale. Nous avons obtenu des premiers résultats il y a deux semaines, de nouveaux hier ; nous en obtiendrons d'autres, j'en suis convaincu, le 19 octobre prochain, lors du conseil des ministres de l'agriculture. (Applaudissements à droite)

M. Bernard Fournier.  - Nous savons, monsieur le ministre, que vous n'avez pas ménagé vos efforts pour convaincre vos homologues européens. Vingt États sur vingt-sept se sont engagés le 5 octobre sur la voie de la régulation. Sans la France, rien ne se serait passé. Nous pouvons espérer pour le 19 octobre des réponses immédiates et concrètes à la mesure de la crise. L'enjeu est de taille pour des agriculteurs qui produisent à perte depuis six mois et veulent un prix rémunérateur. J'ai pu mesurer leur désarroi dans mon département ; si les tensions sont vives, c'est que le désespoir est profond. Sachez, monsieur le ministre, que vous avez notre plein soutien. (Applaudissements à droite)

Mme Odette Herviaux.  - (Applaudissements sur les bancs socialistes) Il n'est jamais trop tard pour reconnaître l'inadéquation des choix faits ces dernières années par les gouvernements français. Je pense à la loi d'orientation de 2006, qui voulait faire des exploitations des entreprises comme les autres, soumises aux dérives libérales que vous dénoncez aujourd'hui, ou encore à la loi de modernisation de l?économie de 2008, tout entière dédiée à la relance de la consommation par la baisse des prix -deux lois adoptées dans l'urgence sans véritable travail de fond. Pire : les prix à la consommation n'ont pas baissé, tandis que ceux payés aux producteurs devenaient de moins en moins rémunérateurs. Le Président de la République a annoncé une loi de modernisation agricole : corrigera-t-elle les dérives des précédentes ?

Au plan européen, le bilan de santé de la PAC, adopté sous présidence française, s'appliquera dès l'année prochaine, sur le fondement d'un diagnostic aujourd'hui obsolète. Vous semblez reconnaître que la politique de dérégulation est responsable de la crise. Vous dites vouloir gagner la bataille de la régulation ; mais qu'avez-vous obtenu le 5 octobre ? La France défendra-t-elle une vraie politique publique européenne en matière agricole et alimentaire, seule capable de résoudre les problèmes de nos agriculteurs ? Ne faudrait-il pas s'opposer à une renationalisation de la PAC et soutenir un budget européen plus ambitieux que le 1 % du PIB européen ? (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Bruno Le Maire, ministre.  - Évitons les polémiques. M. Glavany, alors ministre de l'agriculture, s'est battu en 1999 pour davantage de régulation ; mais il a été mis en minorité par ses homologues européens. La France s'est retrouvée isolée. Aujourd'hui, elle réclame aussi de la régulation mais ses efforts diplomatiques ont porté leurs fruits et elle a obtenu la majorité qualifiée.

M. Dominique Braye.  - Il faut un bon ministre !

M. Bruno Le Maire, ministre.  - Je suis surpris que le parti socialiste se fasse l'écho du discours de la Commission quand elle prétend que nous ne proposons pas de mesures concrètes. Vingt-et-un États membres ont signé ensemble un document -que je peux vous faire tenir- qui sera remis aujourd'hui même à la Commission et à la présidence suédoise. Ils demandent par exemple le déblocage de 300 millions d'euros supplémentaires de fonds européens en 2010. J'ai bon espoir que ce document soit adopté par le conseil des ministres lundi prochain. (Applaudissements à droite)

M. Didier Guillaume.  - Le contexte de 1999 était bien différent de ce qu'il est aujourd'hui. Vous ne nous avez pas convaincus et vous n'aurez pas convaincu les producteurs, qui feront entendre leur détresse par des manifestations dans toute la France le 16 octobre. Vous ne prenez pas la voie de la régulation, raison pour laquelle le groupe socialiste demande la constitution d'une commission d'enquête sur la formation des prix agricoles. Il n'est pas normal qu'en France des agriculteurs se fassent voler tandis que d'autres engraissent. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Gérard Le Cam.  - La réalité inavouée, c'est la crise du système économique libéral, prisonnier à la fois de ses propres règles de concurrence libre et non faussée et des traités européens, qui figent dans le marbre les règles intangibles du capitalisme.

Pas surprenant que le conseil des ministres européens de l'agriculture soit un échec : les traités européens interdisent toute remise en cause des quotas. Il est irresponsable, pour ne pas dire criminel, de renvoyer à l'été 2010 les conclusions d'un groupe d'experts quand nos producteurs laitiers perdent 150 euros par jour ! Il faut des mesures d'urgence exceptionnelles avant fin 2009.

L'enveloppe de prêts à taux préférentiel et le report de six mois des annuités sociales et assurantielles ne répondent pas à la détresse des producteurs. L'argent volé doit leur être rendu ! Des mesures de régulation du marché et des échanges, de contrôle des marges et de la grande distribution sont indispensables pour sauver la production laitière, préserver notre indépendance alimentaire, faire vivre nos espaces ruraux. Nous ne voulons pas de fermes de 2 000 à 5 000 vaches, nous ne voulons pas livrer cette production aux intégrateurs, esclavagistes des temps modernes. Allez-vous engager immédiatement des discussions avec l'ensemble des producteurs ? Quelles mesures préconisez-vous pour assurer des prix rémunérateurs et éviter les crises à répétition ? (Applaudissements à gauche)

M. Bruno Le Maire, ministre.  - Je suis en parfait accord avec vous. (Exclamations étonnées à gauche) Je ne suis pas pour l'intégration, mais pour des contrats équilibrés et justes, garantis par la loi, pour rééquilibrer les rapports de force entre producteurs et industriels. Je ne veux pas d'exploitations de 2 000 à 5 000 bêtes : ce n'est pas notre modèle. Je regrette de ne pas avoir davantage le soutien des socialistes dans la bataille pour la régulation. (Protestations à gauche)

M. Dominique Braye.  - Ils font de la petite politique !

M. Bruno Le Maire, ministre.  - Si nous avons tant de mal à convaincre nos partenaires européens, c'est que des intérêts économiques majeurs sont en jeu, entre le nord de l'Europe, qui a tout intérêt à la dérégulation, et les autres, emmenés par la France, qui réclament que l'on prenne en compte la diversité géographique, l'aménagement du territoire, la sécurité sanitaire et alimentaire. Je n'ai cessé de dialoguer, d'écouter toutes les organisations syndicales agricoles représentatives. Nous ne trouverons de solution que par le dialogue, l'ouverture, en écoutant chacun. (Applaudissements à droite)

M. Dominique Braye.  - Très bien.

Mme Annie David.  - Vous dites partager notre position, mais nous ne sommes pas satisfaits. (M. Dominique Braye s'exclame) Il faut des prix rémunérateurs, davantage de régulation, dites-vous. Mais est-ce euro-compatible ? Comment en faire une réalité ? Les agriculteurs ont besoin de mesures concrètes : une année blanche, un report des délais pour la mise aux normes des installations, des prix laitiers fixés à 350 euros au minimum, une prise en compte des particularités de la montagne. (Applaudissements sur les bancs CRC)

M. Daniel Soulage.  - Le Lot-et-Garonne, département de polyculture et d'élevage, compte 5 000 agriculteurs et 15 000 salariés agricoles. Les fruits et légumes représentent 44 % du chiffre d'affaires de la ferme départementale. Je me fais ici l'interprète des responsables de mon département.

S'agissant des prix, pourquoi ne pas utiliser le coefficient multiplicateur en cette période de crise ? La mesure a été votée, les décrets ont été publiés, or la mesure n'a jamais été testée.

Pourquoi ne pas étendre les exonérations de charges patronales, qui ne concernent que le personnel occasionnel, au personnel permanent ? Ne pourrait-on instaurer une TVA sociale pour le secteur des fruits et légumes, afin de réduire durablement le coût de la main-d'oeuvre ?

Les agriculteurs ne pouvant faire face à leurs engagements financiers, le Gouvernement doit prendre en compte les intérêts des emprunts et reporter en fin de tableau la charge en capital. Enfin, le montant maximum d'aides étatiques -7 500 euros- en fonction de la règle de minimis doit pouvoir être dépassé en période de crise.

Certains trouveront les producteurs exigeants, mais la situation est grave et ce n'est qu'à ce prix que l'on conservera un secteur fruits et légumes de qualité. Si nous sommes contraints d'acheter notre nourriture à l'extérieur de la ferme France, nous perdrons nos marchés, nos emplois, nous appauvrirons nos territoires. Il deviendra inutile de parler de sécurité sanitaire ou alimentaire. (Applaudissements au centre)

M. Bruno Le Maire, ministre.  - La crise frappe toutes les filières agricoles. Je l'ai dit à l'Assemblée nationale : c'est la France agricole tout entière qui souffre aujourd'hui. S'il faut des réponses concrètes pour permettre au secteur des fruits et légumes de passer le cap et prendre un nouvel élan, veillons toutefois à ne pas nourrir des illusions, qui seraient source de déceptions.

Je suis ouvert à une expérimentation du coefficient multiplicateur, mais j'attire votre attention sur le risque d'une importation massive de produits étrangers. Nos étals regorgent déjà de pommes chiliennes, alors que nous produisons largement en cette saison de quoi fournir les consommateurs français...

Attention à la TVA sociale, qui risque d'être incompatible avec les règles communautaires et d'entamer le pouvoir d'achat des Français, en les détournant de consommer des fruits et légumes, trop chers.

Sur l'allègement des charges pour les saisonniers, nous sommes prêts à aller aussi loin que possible. Le Président de la République s'exprimera prochainement. (Applaudissements à droite)

M. Daniel Soulage.  - Je vous remercie pour votre réponse, et pour votre engagement au service de notre agriculture. Les producteurs, confrontés à de vrais problèmes de revenus et de trésorerie à très court terme, attendent que la collectivité nationale intervienne rapidement. Nous comptons sur vous : il en va de la survie de nombreuses exploitations.

M. François Fortassin.  - Jamais la situation n'a été aussi calamiteuse : chute des prix de 30 % pour les oléagineux et céréales, de 15 % pour le porc ou les fruits et légumes. Mais c'est la crise laitière qui est la plus grave. Je vous donne acte de votre bonne volonté, mais, à l'évidence, votre action risque d'être aussi efficace qu'un emplâtre sur une jambe de bois...

Quelles mesures draconiennes comptez-vous prendre ? Il faut créer une solidarité au sein de la filière. Les producteurs laitiers doivent-ils être la seule variable d'ajustement ? Les distributeurs et les industriels, qui n'ont jamais gagné autant d'argent, ne devraient-il pas partager les risques ? (« Très bien » et applaudissements à gauche) Il faut assainir la situation. Pourquoi ne pas reprendre mon amendement, adopté à l'unanimité par le Sénat, qui prévoyait que les herbivores doivent manger de l'herbe (sourires) : cela donne les meilleurs produits laitiers, protège les nappes phréatiques et est exceptionnel sur le plan environnemental. Nous attendons des mesures draconiennes, monsieur le ministre, même si elles sont impopulaires aux yeux de certains. (Applaudissements à gauche)

M. Bruno Le Maire, ministre.  - Je partage votre analyse : nous ne pouvons pas attendre pour poursuivre nos mesures de soutien.

A l'échelle européenne, nous n'attendrons pas 2010 que le groupe à haut niveau rende ses conclusions. Je demande des mesures immédiates, le déblocage des 300 millions supplémentaires dès 2010, l'ouverture d'une organisation commune de marché, afin d'être en accord avec les règles européennes quand nous mettrons sur pied un accord entre industriels et producteurs.

Au plan national, outre les 60 millions en mesures de soutien, les 250 millions en prêts bonifiés, les mesures de la PAC seront débloquées dès cette semaine, pour un coût de 3 millions pour l'État. Toutes les mesures nécessaires seront prises. Si des difficultés supplémentaires font surface, nous réagirons. Aucun exploitant agricole français ne sera laissé sur le bord du chemin. (Applaudissements à droite)

Mme Anne-Marie Escoffier.  - Merci de ces éléments de réponse, monsieur le ministre, qui apportent quelque réconfort. Toutefois, vous n'avez pas évoqué la question des distributeurs, qui est au coeur du problème.

C'est dans ce cadre-là que nous attendons des mesures immédiates et de moyen terme.

M. Alain Vasselle.  - L'agriculture française, toutes filières confondues, est au bord de la faillite. Et à la différence de l'État français qui se livre, depuis quelques années, à des opérations de cavalerie et emprunte pour embourser sa dette, les agriculteurs n'ont pas cette ressource. (On s'amuse à gauche)

La dérégulation est le poison dont souffre notre agriculture. Les charges s'alourdissent, et le Grenelle II va encore charger la barque : même si la taxe carbone devrait être compensée pour les agriculteurs, il n'est pas certain que la démultiplication des obligations administratives arrange la situation.

Je suis d'un pays de grande culture, céréalière et betteravière et puis vous dire qu'aujourd'hui l'excédent brut d'exploitation ne permettra pas aux exploitants d'honorer leurs annuités d'emprunt. Il faudra pomper sur la trésorerie, et tout cela pèsera sur l'équilibre des exploitations.

Quelles initiatives le Gouvernement entend-il prendre pour remédier à cette situation ? (Applaudissements sur quelques bancs UMP)

M. Bruno Le Maire, ministre.  - Si toutes les filières sont concernées, vous avez raison d'évoquer la filière céréalière, parmi les plus touchées : augmentation constante du coût des intrants, effondrement des cours des derniers mois, parité euro-dollar très défavorable.

Face à cela, nous disposons de mécanismes de réaction et d'intervention au niveau européen, notamment sur les prix, qui devront être mis en place. Au-delà, nous nous battons pour parvenir à une régulation européenne sur l'ensemble du marché.

Existent aussi des dispositifs nationaux, comme l'assurance revenu qui permettrait aux agriculteurs de faire face à la variation des prix. Ce doit être là un objectif stratégique partagé aujourd'hui pour toute l'agriculture.

Je reviens enfin un moment à la question de la grande distribution, qui doit, en effet, redoubler d'efforts. Elle l'a fait déjà avec la vente-déballage sur les fruits et légumes. Elle doit aller plus loin et mettre fin, en 2010, au système de la ristourne, du rabais, particulièrement néfaste en période de crise. (Applaudissements sur plusieurs bancs UMP)

M. Alain Vasselle.  - Je vous remercie et salue votre volonté de défendre les intérêts de la profession. Je souhaite que les mesures de régulation que vous avancez aient un effet concret et que la profession puisse vivre grâce aux prix plutôt qu'à la merci d'aides européennes.

M. Jean-Pierre Godefroy.  - Après le débat du 25 juin sur la crise du lait, votre audition du 22 septembre au Sénat, monsieur le ministre, et le conseil des ministres du 5 octobre, l'idée de la régulation commence à faire son chemin. Mais une régulation de quel type, et dans quel délai ? Quelle part de régulation et quelle part de contractualisation, dont les agriculteurs ne veulent pas ? Quid du gel des quotas jusqu'en 2015, et quid des quotas « noirs » inutilisés ? D'ici au mois de juin, 87 000 producteurs -un tiers de la filière- seront à la limite de la cessation de paiement. Certains agriculteurs ont perdu 40 % de leur revenu. Quelles mesures envisagez-vous de prendre pour y remédier, sachant que le recours aux banques pour faire face aux difficultés de trésorerie n'est pas satisfaisant ? Envisagez-vous un système d'aides directes à la personne, remboursables ? Ces mesures seront-elles suffisantes pour éviter les disparitions d'exploitations ?

En ce qui concerne la distribution, on ne peut que constater que, dans les grandes surfaces, et alors que le prix du lait s'est effondré, les prix n'ont baissé que de 2 %.

Je souhaiterais, monsieur le ministre, que vous preniez en compte la proposition de M. Guillaume de mettre en place une mission d'information sur la transparence dans la fixation des prix agricoles. (Applaudissements à gauche)

M. Bruno Le Maire, ministre.  - Une régulation européenne du marché du lait, prélude à une régulation de l'ensemble du marché agricole, est indispensable. Et j'espère qu'elle ira de pair avec une régulation mondiale, qui reste un projet stratégique incontournable, ainsi que j'ai eu l'occasion de le dire il y a quelques jours à mon homologue à Washington.

Le premier échelon de la régulation est national, avec des contrats justes et équilibrés, définis par la loi, entre producteurs et industriels, seul moyen d'assurer aux agriculteurs des revenus stables.

Les instruments européens, ensuite, dont beaucoup ne sont plus adaptés aux situations de crise et aux aléas climatiques, méritent d'être améliorés. Ainsi du stockage privé, qui n'était possible que deux mois sur l'année et dont la France a obtenu qu'il soit autorisé douze mois sur douze, pour permettre de réagir à la variation des cours.

Nous nous battons, enfin, pour la transparence sur les volumes et la mise en place d'une information européenne, afin d'éviter les surproductions que nous avons connues au niveau de l'Europe. (Applaudissements sur les bancs UMP)

M. François Patriat.  - Je salue votre détermination, monsieur le ministre, mais elle me laisse des inquiétudes. La situation que nous connaissons aujourd'hui est le fruit de décisions et de lois iniques qui ont mis à mal la filière lait et créé des difficultés -je pense en particulier à la loi de modernisation de l'économie- entre producteurs et distributeurs. Et que penser aujourd'hui des déclarations passées de François Guillaume, qui voulait que l'on laisse aux producteurs le droit de produire et se déclarait contre les quotas. (Applaudissements à gauche) Difficile, après cela, de reprocher à M. Glavany son manque de fermeté : il n'était guère accompagné.

Les mesures que vous préconisez sont sans doute nécessaires. Elles seront sans doute insuffisantes. Elles ne permettront pas d'aboutir si l'on ne force l'introduction de la question de la régulation dans les futures négociations de l'OMC. Je pense en particulier à la filière viande : ne signez pas, monsieur le ministre, un accord qui mettrait à mal l'ensemble de la filière. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.  - Derrière les difficultés que subissent les ostréiculteurs du bassin d'Arcachon, et que vous avez pu constater lors de votre visite, en juillet dernier, monsieur le ministre, c'est tout un territoire qui souffre. Les fermetures se succèdent. Elles ont atteint un point culminant, jusqu'au nombre de sept durant l'été.

L'incompréhension gagne. Chacun sait que le test dit de la souris, qui détermine les décisions d'autorisation de commercialisation, présente des résultats atypiques, non fiables. Les fêtes de fin d'année approchent, monsieur le ministre, durant lesquelles les ostréiculteurs réalisent 80 % de leur chiffre d'affaires.

Quand donc ce test biologique sera-t-il enfin remplacé par un test chimique ? Quelles conditions entendez-vous éventuellement fixer à ce passage, eu égard aux exigences européennes ?

M. Bruno Le Maire, ministre.  - Ainsi que vous l'avez rappelé, je me suis rendu il y a quelques semaines sur le bassin d'Arcachon, pour entendre les ostréiculteurs et tenter de trouver une alternative au test de la souris, dont le caractère problématique est avéré depuis plusieurs années. Rien n'avait pourtant bougé. Nous avons, quant à nous, obtenu des résultats concrets.

Il y a quelques mois, nous avons obtenu qu'une conférence scientifique se tienne à Bruxelles le 10 septembre pour le passage au test chimique. Nous avons obtenu de l'Afssa son feu vert pour une étude de mise en place de ce test, qui offre davantage de garanties. Reste un obstacle : le délai de modification du droit communautaire. Trois États restent réservés. J'ai reçu ce matin mon homologue italien, dont j'ai obtenu qu'il ne s'oppose plus à une accélération du calendrier. Ne restent donc que deux États à convaincre. J'ai bon espoir que, conformément à mon engagement, se mette en place un nouveau règlement communautaire sur le test chimique, réclamé depuis des années, et qui offre des garanties de sécurité sanitaire et de rigueur scientifique supérieures.

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.  - J'espère beaucoup de votre engagement et de votre volonté politique, monsieur le ministre. Et je vous sais gré de ne pas considérer cette question comme accessoire parmi tous les problèmes agricoles dont vous avez la charge. (Applaudissements sur les bancs UMP)

M. le président.  - Je remercie M. le ministre de s'être prêté à ces 45 minutes de questions cribles et d'avoir donné quelques raisons d'espérer au monde agricole. Nous avons rendez-vous pour une nouvelle séance le mardi 27 octobre sur le thème « la crise, le plan de relance et l'emploi ».