Débat européen sur le suivi des positions européennes du Sénat

M. le président.  - L'ordre du jour appelle le débat européen sur le suivi des positions européennes du Sénat.

Ce débat sera organisé autour de quatre thèmes : évolution du système d'information Schengen ; association des parlements nationaux au contrôle d'Europol ; mise en oeuvre du principe de l'égalité de traitement ; droits des patients en matière de soins de santé transfrontaliers.

Évolution du système d'information Schengen

M. Robert del Picchia, pour la commission des affaires européennes. - En 2001, le Conseil européen a confié à la Commission le soin d'élaborer un système Schengen de deuxième génération (le SIS 2) doté de nouvelles fonctionnalités comme l'holographie et les empreintes. Ce système devait aussi permettre la connexion des nouveaux États membres. Opérationnel depuis 1995, le SIS constitue la contrepartie de la libre circulation des personnes au sein de l'espace Schengen. Cet outil de contrôle aux frontières extérieures et de sécurité intérieure permet aux autorités compétentes de disposer en temps réel des informations introduites dans le système par l'un des États membres grâce à une procédure d'interrogation automatisée. Le SIS est composé d'une partie nationale dans chaque État membre et d'une structure de support centrale, installée à Strasbourg et dont la gestion technique est assurée par la France.

L'évolution vers le SIS 2 a subi de nombreux retards. Prévue pour octobre 2007, elle a été décalée à septembre 2009. Puis la présidence française a fait adopter par le Conseil, en octobre 2008, les textes nécessaires pour proroger le mandat de la Commission européenne tout en clarifiant ses relations avec les États membres. Cette clarification juridique n'est pas allée de pair avec une clarification technique : des blocages empêchent le système central de fonctionner de manière satisfaisante. D'ores et déjà, le calendrier modifié début 2008, et donc l'échéance de septembre 2009, sont inapplicables. Face à cette situation, il a été décidé, sous présidence française, d'engager une réflexion destinée à faire émerger une solution alternative, au cas où il s'avérerait impossible de rendre le SIS 2 opérationnel.

Il faudra aussi vérifier la fiabilité des liens entre le système central et les systèmes nationaux. Parallèlement, l'examen du scénario alternatif doit être approfondi. Un rapport doit être présenté en mai par la présidence et la Commission européenne en liaison avec la task force qui associe les États membres. Ce rapport devra contenir une évaluation et une comparaison détaillée des deux scénarios. Au vu de cette situation peu favorable, nous ne pouvons que constater que les réserves que nous avions émises sur la méthode retenue étaient fondées.

Le nouveau système devra être au moins aussi performant que le système existant. Pouvez-vous éclairer le Sénat sur les travaux techniques en cours et sur les résultats auxquels ils sont parvenus à ce jour ? Pouvez-vous nous donner des précisions sur les coûts de ce projet pour le budget communautaire et pour la France ? Quelle évaluation peut-on faire des deux scénarios envisagés ? Peut-on compter que le Conseil européen parvienne en juin à des conclusions fermes ? Quelles seront les modalités de gestion les plus opérationnelles ?

M. Hubert Haenel, président de la commission des affaires européennes.  - Très bien !

M. Bruno Le Maire, secrétaire d'État chargé des affaires européennes.  - Je vous prie de m'excuser pour la brièveté de ce débat : je dois participer à une réunion exceptionnelle que le Premier ministre a convoquée à 19 h 45 pour traiter de la grippe porcine.

De fait, monsieur Del Picchia, le contrôle des parlementaires sur ce type de sujets est décisif. En l'état actuel des choses, les investissements destinés au SIS 2 atteignent les 27 millions. Ils sont justifiés par la nécessité d'inclure de nouvelles données, en particulier biométriques. Les difficultés techniques rencontrées sont si sérieuses que je ne puis rien vous garantir pour l'avenir.

La première exigence du Gouvernement est que ces 27 millions n'aient pas été gaspillés. Ils devront servir au nouveau système, que celui-ci soit un SIS 1 rénové ou un SIS 2. Sa deuxième exigence absolue -je le dis pour M. Ries et M. Haenel- est que le SIS reste basé à Strasbourg, dont la vocation européenne doit être défendue sous toutes ses formes.

La liberté de circulation doit aller de pair avec des technologies de contrôle performantes, dans le respect des droits des citoyens. On vient d'en voir l'utilité avec l'affaire Élise.

Mme Alima Boumediene-Thiery.  - Je voudrais marquer notre inquiétude pour la protection des données personnelles. Il ne s'agit pas seulement de faire fonctionner le système Schengen avec davantage d'États mais surtout d'y inclure des données biométriques. Le rapporteur du Parlement européen a parfaitement résumé l'attente des citoyens : la transparence.

Les textes se multiplient tellement qu'on peine à apprécier l'état réel de la protection des données personnelles en Europe. Il importe donc de faire le point sur les différents systèmes qui existent, et pas seulement Schengen. Une réflexion est-elle engagée à votre ministère ?

M. le président.  - Merci pour votre brièveté.

M. Bruno Le Maire, secrétaire d'État.  - C'est une vraie question. La réflexion n'a pas été engagée mais je ne serais pas hostile à ce qu'on le fasse.

Association des parlements nationaux au contrôle d'Europol

M. Hubert Haenel, président de la commission des affaires européennes.  - Le Sénat a demandé un contrôle démocratique sur Europol. Il s'est prononcé pour une commission mixte entre les parlements nationaux et le parlement européen. Cette demande est restée sans réponse.

La nécessité de renforcer la coopération policière en Europe n'est plus à démontrer mais elle doit être soumise à un contrôle démocratique auxquels sont associés les parlements nationaux. Ils contrôlent l'activité de la police et l'exercice de la justice. Cette association répond donc à une nécessité démocratique et à un objectif d'efficacité. Un tel contrôle n'est pas une idée neuve. Dès 2002, la Commission l'avait proposée, mais cette idée avait curieusement disparu lors d'un Conseil européen. Or le traité de Lisbonne permet un contrôle démocratique, via les règlements à l'élaboration desquels les parlements nationaux sont associés. Qu'on ne m'objecte pas que le traité n'est pas ratifié : c'est en bonne voie. La France doit s'y préparer et prendre des initiatives. L'enjeu est essentiel. Nos voulons que la voix de la France porte ce message simple : plus de contrôle démocratique, c'est plus de légitimité pour Europol.

M. Bruno Le Maire, secrétaire d'État chargé des affaires européennes.  - Europol, dont l'efficacité n'est plus à prouver, a été transformé en institution de l'Union le 6 avril, ce qui ouvre la voie au contrôle que vous souhaitez dans le cadre du traité de Lisbonne. Je suis donc tout disposé à répondre favorablement et à anticiper la ratification du traité, en laquelle j'ai bon espoir.

Nous avons un rendez-vous essentiel, le 6 mai, au Sénat tchèque. Nous avons eu assurance d'un résultat positif mais cela ne suffit pas à garantir la signature. Avec M. Fillon, nous avons rencontré ce matin le président polonais qui nous ait dit son accord sur le fond. Le climat s'améliore entre la Croatie et la Slovénie et le traité d'adhésion de la Croatie comportera des assurances similaires à celles qu'avait reçues l'Irlande. Dans cette course d'obstacle, chaque haie est importante et nous devons mobiliser toute notre puissance politique pour la franchir : s'il faut se battre sur chacune, j'ai bon espoir que le traité de Lisbonne soit ratifié avant la fin de l'année 2009. (M. Robert del Picchia s'en réjouit)

Mise en oeuvre du principe de l'égalité de traitement

Mme Muguette Dini, au nom de la commission des affaires sociales  - Je m'adresse à vous avec un sentiment de colère et de profonde frustration. Le Gouvernement ou les fonctionnaires qui le représentent à Bruxelles n'ont tenu aucun compte de la résolution que nous avions adoptée le 17 novembre dernier. Quel déni de notre volonté ! Nous avions demandé des modifications à l'article 2 qui, en l'état, remettait en cause l'égalité des citoyens devant la loi, l'un des principes fondamentaux de notre République. Le 21 novembre, les autorités françaises, qui présidaient l'Union, ont présenté plusieurs amendements sur la discrimination directe et indirecte comme sur le harcèlement, mais en ignorant la position du Sénat.

S'agissant des handicapés, enfin, nous soulignions l'insécurité juridique insupportable qui résultait de la notion d'« aménagements raisonnables », mais le 27 novembre, le Gouvernement ou ses représentants ont, pour la troisième fois, ignoré la position du Sénat.

Même mépris systématique de la volonté du législateur sur le droit d'accès des couples homosexuels à la procréation assistée, dont nous rappelions que cela relevait des parlements nationaux.

Dites clairement qu'en matière communautaire, nous ne sommes qu'une chambre d'enregistrement ! C'est ainsi que l'on éloigne l'Europe des peuples qui la composent et qu'on la rend impopulaire, antidémocratique. Si des sénateurs de tous les groupes s'étaient retrouvés autour de cette proposition de résolution qui avait fait l'objet d'un quasi-consensus, c'est parce qu'elle visait à défendre notre commun patrimoine républicain contre une directive d'inspiration ouvertement communautariste. La présidence française était une occasion unique de promouvoir une conception plus fidèle à l'héritage des Lumières. Occasion gâchée ! Je n'imagine pas que les autorités françaises ne s'engagent pas pour défendre nos valeurs et méprisent la volonté du Parlement.

M. Hubert Haenel.  - Vous avez malheureusement raison !

M. Bruno Le Maire, secrétaire d'État chargé des affaires européennes.  - Votre question dépasse le strict cadre européen.

J'ai été parlementaire et j'ai bien l'intention de le redevenir ; je suis donc très attaché au respect de la volonté du législateur. Toute l'idée que je me fais de la construction européenne est d'associer les parlements nationaux, ainsi que je viens de le montrer dans mes réponses précédentes.

Sur les discriminations, j'ai eu l'occasion de travailler avec MM. Chirac et de Villepin à la création de la Haute autorité de lutte contre les discriminations. Je suis partisan d'une approche républicaine, bien éloignée de toute approche communautariste. Je trouvais la distinction entre discrimination directe et indirecte byzantine et hasardeuse. Nous avons essayé de contribuer à introduire une approche universaliste, parce que nous devons protéger tous les citoyens des discriminations et non pas leur donner une protection différente selon l'origine ethnique, la sexualité ou la religion. Si nous ne l'avons pas assez bien fait, nous essaierons de faire mieux demain, mais bien loin de moi la tentation de ne pas porter attention à vos propositions : nous les défendrons avec vigueur la prochaine fois.

Droits des patients en matière de soins transfrontaliers

M. Jacky Le Menn, pour la commission des affaires sociales.  - Le 11 avril dernier, le Sénat a adopté une résolution européenne sur la proposition de directive relative à l'application des droits des patients en matière de soins de santé transfrontaliers, actuellement en cours de discussion au Conseil. Monsieur le ministre, quels efforts les autorités françaises ont-elles entrepris pour faire valoir notre position ?

Nous avons demandé que les soins hospitaliers ou spécialisés dont le remboursement est soumis à une autorisation préalable soient énumérés sur une liste établie au niveau national. Au niveau communautaire, une telle liste ne pourrait prendre en compte les différences de qualité des soins entre les États membres et serait contraire au principe de subsidiarité. Lors de la présidence française, la France a proposé le principe de listes nationales, mais la présidence tchèque n'a pas retenu cette suggestion. Où en est la discussion au Conseil sur ce sujet et quelle est la position défendue par la France ?

Nous avons également exigé que les États membres puissent accorder une priorité d'accès aux affiliés de leur régime de sécurité sociale pour les soins rares faisant l'objet d'une liste d'attente au niveau national. Nous voulons ainsi éviter qu'en matière de greffes, par exemple, un citoyen assuré dans un État ne subisse la concurrence d'un citoyen assuré dans un autre État et n'ayant pas acquitté les mêmes cotisations. Pouvez-vous nous dire, monsieur le ministre, de quelle manière les autorités françaises ont fait valoir la position du Sénat ?

La résolution juge, par ailleurs, inapplicable l'obligation faite aux États membres d'informer précisément leurs ressortissants sur le système de soins des autres États membres. L'obligation d'information devrait se limiter à celle portant sur le droit des patients de recourir à des soins transfrontaliers. Les autorités françaises ont-elles convaincu une majorité d'États membres du bien-fondé de cette proposition ?

Enfin, nous avons estimé que plusieurs dispositions du texte étaient contraires au principe de subsidiarité, notamment l'élaboration par la Commission d'orientations concernant les normes de qualité des soins, les procédures relatives aux contentieux créés par la délivrance des soins ou encore les systèmes d'assurance pour les professionnels de santé. Ces orientations risquent, par le biais de contentieux, d'aboutir à octroyer à la Cour de justice des communautés européennes le pouvoir de fixer des principes généraux ou des normes dans ces matières. Cela serait totalement inacceptable pour nos concitoyens. Cette analyse est partagée par d'autres États membres, comme l'Allemagne, la Grèce ou l'Irlande. Où en sont les négociations au Conseil sur cette question ?

Étant donné la réserve que suscite cette proposition de directive dans une majorité d'États membres, pensez-vous qu'elle sera jamais adoptée par le Conseil ? La défiance générale qu'elle inspire s'explique-t-elle par la reprise de règles très contestables établies par la Cour de justice ? Avez-vous envisagé de remettre celles-ci en cause ou vous semblent-elles inscrites dans le traité européen ?

M. Bruno Le Maire, secrétaire d'État chargé des affaires européennes.  - Ce sujet est lui aussi essentiel. Roselyne Bachelot vous répondra par écrit sur les points les plus techniques.

Sur le fond, il s'agit de trouver un équilibre assurant l'accès aux soins tout en tenant compte des cotisations versées par les assurés. Ainsi, pour les ressortissants étrangers habitant à proximité d'une de nos frontières et désirant être soignés en France, le principe de solidarité européenne appelle la liberté totale du choix du lieu de soin. Il s'oppose cependant au principe justifiant de préserver l'équilibre de notre système de santé et de dispenser aux patients les soins auxquels le versement de cotisations leur donne droit.

Nous sommes opposés à la suppression de l'autorisation préalable, et avons défendu cette position au conseil, car notre système de santé, l'un des plus performants et des plus généreux d'Europe, serait submergé de demandes. Dans l'attente d'une harmonisation sociale européenne, cette autorisation demeure nécessaire. Elle protège notre système de soins, ainsi que les droits de l'assuré français et la solidarité nationale. Je ne pense pas que cette directive soit adoptée dans un délai proche car les systèmes de soins sont trop différents d'un État à l'autre. Une telle libéralisation ne pourrait avoir lieu qu'après un minimum d'harmonisation des différents systèmes de soins.

M. le président.  - Je vous remercie tous de votre effort de concision au cours de ce nouveau type de débat, mené sous l'autorité du président Haenel.

Prochaine séance, mardi 5 mai 2009 à 15 heures.

La séance est levée à 19 h 20.

Le Directeur du service du compte rendu analytique :

René-André Fabre

ORDRE DU JOUR

du mardi 5 mai 2009

Séance publique

A QUINZE HEURES

1. Débat sur le recrutement et la formation des hauts fonctionnaires de l'État.

2. Débat sur la politique de l'État en matière de gestion des ressources halieutiques et des pêches.

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DÉPÔTS

La Présidence a reçu de M. Albéric de Montgolfier un rapport fait au nom de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la Nation sur la proposition de loi de de M. Robert Hue, Mme Marie-France Beaufils, MM. Thierry Foucaud, Bernard Vera, François Autain, Mme Annie David, M. Guy Fischer, Mmes Gélita Hoarau, Éliane Assassi, M. Michel Billout, Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, M. Jean-Claude Danglot, Mmes Michelle Demessine, Évelyne Didier, Brigitte Gonthier-Maurin, M. Gérard Le Cam, Mme Josiane Mathon-Poinat, M. Jean-Luc Mélenchon, Mme Isabelle Pasquet, MM. Jack Ralite, Ivan Renar, Mmes Mireille Schurch, Odette Terrade et M. Jean-François Voguet, relative à l'évaluation et au contrôle de l'utilisation des aides publiques aux entreprises, aux banques et aux établissements financiers (n°239, 2008-2009).