Rapport annuel du Médiateur de la République

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la communication de M. Jean-Paul Delevoye, Médiateur de la République, sur son rapport annuel. (M. le Médiateur de la République prend place dans l'hémicycle)

Monsieur le Médiateur de la République, cher Jean-Paul Delevoye, je vous souhaite, au nom du Sénat tout entier, mais aussi pour la première fois en mon nom personnel, une cordiale bienvenue dans notre hémicycle où vous venez remettre aujourd'hui votre rapport annuel.

Vous exercez la mission difficile, et pourtant essentielle à notre République, consistant à faciliter, par votre action, les relations des citoyens avec l'administration et à rechercher des solutions concrètes aux difficultés et appréhensions du quotidien.

Il est très symbolique de constater que vous avez déposé devant nous votre rapport au cours de la première semaine qui, en application des nouvelles règles constitutionnelles entrées en vigueur le 1er mars, soit consacrée dans son intégralité au contrôle de l'action du Gouvernement.

Vos observations, la relation directe que vous entretenez tant avec les autorités administratives qu'avec nos concitoyens, avec le Sénat et moi-même, puisque nous avons eu un long échange la semaine passée, constitue une évaluation in vivo -vous reconnaissez le vétérinaire que je suis !- des conditions d'application de la loi.

Vous contribuez donc à faire progresser la réflexion du Sénat sur cette question. Vous avez déjà pu le constater : les expériences vécues relatées dans votre rapport nous servent ainsi régulièrement, dans notre fonction de parlementaires, à contribuer par nos initiatives à améliorer la loi et l'effectivité de sa mise en oeuvre.

C'est donc avec une grande attention que nous allons écouter maintenant.

M. Jean-Paul Delevoye, Médiateur de la République.  - (Applaudissements) Je vous remercie pour votre accueil et la richesse de nos relations, marquées par la constante volonté de connaître l'application réelle des textes et la situation de nos concitoyens. Je remercie également le président de la commission des lois pour sa collaboration en vue de réformes législatives issues de mes observations.

Mes trois grands domaines de compétence concernent les services publics, les droits de l'homme et les voies de réforme.

Bien que les moyens mis à notre disposition soient restés identiques, avec une centaine de collaborateurs à Paris, nous avons intégré le 1er janvier une plate-forme téléphonique dédiée au pôle santé-sécurité-soins. Nous avons 386 points d'accueil, un délégué référent au sein de chaque maison départementale du handicap et 45 délégués en milieu carcéral.

Nous avons amélioré l'accueil, nous appliquant à ne perdre que 5 % des appels, au lieu de 25 % autrefois. Pour la première fois dans l'administration française, un e-délégué du Médiateur est joignable à toute heure.

Les thèmes pour lesquels nos concitoyens nous sollicitent sont, dans l'ordre décroissant, le surendettement, le pôle santé, les impôts, les amendes et infractions routières, les relations entre locataires et propriétaires.

Sur les 65 000 dossiers traités chaque année, plus de la moitié comportent exclusivement des demandes d'information. Lorsqu'on a un souci avec les pompiers ou les gendarmes, on sait qui joindre, mais pas pour les difficultés d'ordre personnel. Il faudra donc développer les centres d'accès aux droits en faveur des personnes en difficulté, de plus en plus isolées.

Grâce à la mobilisation du personnel, nous avons traité 20 % de demandes supplémentaires. Les dossiers sociaux viennent en première ligne, avec plus de 34 % du total.

Nous avons orienté le développement de notre action dans plusieurs directions, particulièrement vers le milieu carcéral. Je salue à ce propos le travail du Sénat pour la dernière loi pénitentiaire. Grâce à mes contacts avec le Commissaire européen aux droits de l'homme et avec la Cour de justice, je sais à quel point ce texte était regardé à l'échelle européenne et internationale.

Les délégués du Médiateur sont nécessaires dans les prisons car la privation de liberté n'est pas la privation du droit. D'ici 2010, tous les détenus seront couverts.

Nous avons noué un partenariat avec le contrôleur général des lieux privatifs de libertés.

Le 1er janvier 2009, nous avons créé un pôle santé-sécurité-soins intégrant la Mission pour le développement de la médiation, de l'information et du dialogue pour la sécurité des soins (Midiss). Des experts et des médecins répondent aux appels téléphoniques concernant les difficultés liées aux parcours de santé. Auparavant, sur 150 appels reçus chaque mois, la moitié concernait les affections nosocomiales. Depuis janvier, ces dernières ne sont plus liées qu'à un quart des 500 appels reçus par mois. Avant janvier, la moitié des réclamations traitées par la médiature étaient des demandes d'informations. Celles-ci représentent désormais 47 % des appels reçus par le pôle. Que s'est-il passé ? Dans 90 % des cas, le dialogue entre les acteurs de la santé et les patients vise à apaiser une douleur ou une inquiétude et non à judiciariser les problèmes.

L'administration donne le plus souvent la priorité à la protection du système plutôt qu'à la protection de l'individu. La culture est à la sanction du signalement, et la carrière est privilégiée plutôt que l'adaptation du système. Et parmi les cinq sortes de signalement existant, comment distinguer l'événement potentiellement dangereux de l'événement indésirable grave ? Les procédures diffèrent, et certains signalements sont sanctionnés. Nous devons simplifier ce système afin de mieux juger de la situation.

Dans le monde hospitalier, on compte 450 000 événements indésirables graves, dont les conséquences varient de l'altération de la santé à la mort. 85 % proviennent d'erreurs de procédure, 15 % d'erreurs médicales. L'étude de l'Observatoire des signalements date de 2005 : pour débattre de cette question, il nous faut connaître plus précisément la réalité. Le pôle santé-sécurité-soins, par son indépendance, par le partenariat qu'il a instauré avec les professionnels de santé, permettra d'améliorer la gestion des risques et l'analyse des erreurs. Nous pourrons ainsi répondre aux attentes des victimes, qui cherchent davantage à comprendre les faits qu'à condamner les médecins.

J'attire l'attention du président de la commission des lois sur le fait qu'il s'agit de l'avant-dernier rapport du médiateur. Vous allez travailler à l'élaboration de lois organiques prévoyant le basculement de la médiature vers le défenseur des droits. Nous devrons étudier avec vous certaines questions liées au mode de saisine et à son périmètre, ainsi qu'aux pouvoirs tenant aux recommandations en équité. Ainsi, nous avons un débat avec l'administration fiscale concernant une profession libérale qui, assujettie depuis un an à la TVA, a reçu un appel de taxes pour les quatre années précédentes. Sur ce cas, on a reconnu que j'avais moralement raison, mais juridiquement tort, et qu'il n'était pas possible de réviser l'amende car le redevable n'est pas considéré comme un contribuable mais comme un collecteur d'impôts.

Dès les premiers débats sur la démocratie entre Platon et Aristote, le premier soulevait l'imperfection de la loi quand le second plaidait pour le pouvoir du juge. Dès 1973, votre assemblée a jugé que l'application de la loi pouvait aboutir à des situations injustes car le législateur ne pouvait prévoir toutes les situations possibles. (M. Nicolas About, président des la commission des affaires sociales, approuve) La création du médiateur devait permettre de juger en équité et non en droit. Il faut aujourd'hui étudier la faculté de décharger un fonctionnaire en s'appuyant sur une recommandation en équité. Cette question touche également à la protection des fonds publics car l'administration a parfois intérêt à être condamnée pour justifier les dépenses engagées plutôt qu'à suivre une recommandation qui épargnerait l'argent public.

Il faudra également réfléchir aux modalités d'accès aux documents : trop souvent, quand l'administration risque d'être mise en cause, certains documents disparaissent. C'est le cas, notamment, pour les dossiers médicaux, les pièces n'étant pas codifiées. Pour restaurer la confiance entre l'administration et les administrés, il est nécessaire d'avoir le courage de la vérité. L'équilibre de notre société est aujourd'hui très fragile : si l'on ne croit plus à la force du droit, on revendique le droit à la force ; si le dialogue fait défaut, la violence s'impose. Il en est de même pour l'inspection en injonction et la saisine du Conseil d'État. Ainsi, la lecture d'une circulaire peut varier d'un département à l'autre, et la décision du Conseil d'État se fait attendre deux ou trois ans.

Quelles sont les impressions ressenties par nos services ? S'agissant des agents publics, c'est le sentiment de précarité qui prédomine ; pour la fiscalité, c'est la complexité et l'insécurité juridique ; dans les administrations générales et l'urbanisme, c'est une réglementation extrêmement compliquée. En l'absence d'informations précises, les élus locaux s'adressent à des experts, qui ne sont pas toujours compétents dans les conflits d'urbanisme.

Sur le plan social, les textes ne tiennent pas compte de la mobilité croissante et des fractures de parcours. Ainsi, la coordination des législations fait défaut en cas de mobilité à l'intérieur de l'Europe ; les conventions collectives ne s'accordent pas lors d'un changement de travail ; le suivi des dossiers se fait difficilement en cas de rupture de couple et de changement de département. La réorganisation des structures liées à l'emploi et aux allocations familiales coïncide avec une demande accrue des chômeurs. Il ne faut pourtant pas ajouter une rupture à une rupture, et l'attente des allocations durant deux ou trois semaines peut créer de sérieuses difficultés. Soyons attentifs à ce que les amortisseurs sociaux dont nous disposons en France ne soient pas paralysés par des dysfonctionnements, au risque de créer des situations d'endettement critiques.

En matière de santé, nous souhaitons que l'on passe de la culture de la faute à la culture de l'erreur. La faute est inexcusable alors que l'erreur peut être expliquée et les procédures modifiées en conséquence.

Le droit à la bonne administration fait partie des chartes des droits fondamentaux. Or, la non-réponse de nombreuses administrations crée une insécurité juridique. Les préjudices sont considérables et les possibilités de recours mal connues.

Le mal endettement sera abordé par les lois Lagarde et Hirsch. Nous remercions le Parlement et le Gouvernement d'avoir saisi la médiature à ce sujet.

Les décideurs devront désormais agir dans des domaines dans lesquels ils seront de moins en moins compétents et la qualité de leurs décisions dépendra de la qualité des experts. Or les magistrats manquent d'experts compétents. Il faut réfléchir à la qualification des experts judiciaires, notamment dans les domaines de la santé. Ainsi, un obstétricien a tout perdu pendant quinze ans en raison de deux expertises avant d'être rétabli dans ses droits lors d'un jugement approuvé par tous les professionnels. Je souhaite également que l'on réfléchisse au principe de précaution, qui justifie parfois une non-décision, parfois une contestation de la décision.

S'agissant des ruptures de couple avec enfants, la médiation familiale est nécessaire dans les tribunaux de grande instance. Il serait utile que les juges puissent ainsi rétablir le dialogue afin que les enfants ne supportent plus une double souffrance : séparation, puis déchirement des parents. Les expériences québécoises témoignent des avantages que nous pouvons en attendre.

Je n'ai pas à me prononcer sur le Pacs, mais les faits sont là et il s'agit d'une communauté juridique. En 2008, 145 000 couples, soit 42 % de plus que l'année précédente, à 85 % hétérosexuels ont choisi une communauté juridique et pas seulement affective. Nous avons évité le risque que la cohabitation informelle ne débouche sur la disparition des pensions de réversion dans quarante ans. Or, les fonctionnaires ont droit à quatre jours de congé pour la signature d'un Pacs, pas les salariés du privé. Ces derniers, comme les fonctionnaires territoriaux, bénéficient du capital décès, mais pas les fonctionnaires de l'État... C'est incompréhensible. Et pourquoi les pacsés n'ont-ils pas droit à une pension de réversion - même si l'on peut la subordonner à une franchise de deux ans ?

S'agissant des retraites, le régime général calcule les pensions sur les vingt cinq meilleures années civiles. Donc, si le départ en retraite a lieu en cours d'année, les acquis des derniers mois sont perdus. Vous pourriez réfléchir sur ce sujet. De même, lorsque j'étais ministre de la fonction publique, je me suis battu pour que soit majorée la durée d'assurance pour les femmes élevant des enfants seules, mais j'ai oublié les hommes. Je le regrette.

Vous avez fait aboutir des réformes importantes, même si elles touchent parfois à des détails, par exemple pour mettre à égalité au regard du paiement de la redevance les détenus qui ont de l'argent et ceux qui n'en ont pas.

Le Gouvernement se réjouit de la montée en puissance du statut d'auto-entrepreneur ; peut-être faut-il faire en sorte que le chômeur qui adopte ce statut ne perde pas ses droits après deux ans s'il dépose son bilan.

Je vous sais très attentifs à la publication des décrets d'application. Je mesure ce que je vous dois sur les tutelles et les curatelles, mais je suis un peu fâché de voir que des instructions précises n'ont pas été données aux tribunaux, que certains d'entre eux n'ont pas fait le travail nécessaire pour distinguer ceux qui sont psychologiquement fragiles de ceux qui le sont socialement ; et que certains conseils généraux n'ont pas mis en place l'accompagnement social prévu. La mobilisation est très diverse : là est l'iniquité.

Vous avez voté une loi sur l'assurance-vie en déshérence ; le Gouvernement devait remettre un rapport au 1er janvier 2009 pour faire le point sur le nombre de contrats concernés et les sommes versées au fonds de solidarité des retraites. Il n'a pas été publié.

Je vous invite à regarder de près le défaut de collaboration entre médecins du travail et médecins conseil, s'agissant des droits, lors de la reprise du travail, selon que les personnes sont considérées comme malades ou handicapées ; de même que la réalité de l'attribution de plein droit des allocations familiales pour les enfants résidant en France ...

J'ai reçu une lettre du ministre de la défense relative à l'indemnisation de victimes des essais nucléaires ; la question demeure : prise en charge par les pensions militaires ou par un fonds dédié ? Une indemnisation est de toute façon nécessaire.

Je regrette l'absence de décision politique sur des questions parfois douloureuses. Ainsi de la situation des enfants nés sans vie, sur laquelle je vous avais alertés. Selon l'OMS, la viabilité est établie à 22 semaines d'aménorrhée. La Cour de cassation a dénié toute valeur juridique à la circulaire prise sur ce fondement, non sans raison. Mais aujourd'hui les politiques sont divisés entre ceux qui veulent redonner une valeur juridique à la notion de viabilité et ceux qui craignent de voir relancé le débat sur le statut du foetus. Or sans seuil légal de viabilité, c'est la pratique hospitalière qui prévaut ; et les services d'état civil des collectivités locales sont laissés dans l'indécision. La déclaration est certes de la responsabilité des parents, mais en l'état actuel de la réglementation, alors que toutes les grossesses prématurément arrêtées devraient être déclarées, elles ne le sont pas. L'absence de décision politique n'est pas sans conséquences : au-delà de 22 semaines d'aménorrhée, le congé est de maternité, en deçà il est de maladie... Le congé de quatre jours accordé au père est de même fondé sur les 22 semaines. Vous ne pouvez pas ne pas décider : ou la suppression de la notion de viabilité dans tous les codes, ou sa clarification. Sinon, je le répète, c'est la pratique médicale qui dira ce qu'elle est, 15, 17, 22 semaines... En résumé : l'absence de décision politique crée la confusion pour les médecins, pour les officiers d'état civil, pour les familles. Il faudra aussi se préoccuper de l'inhumation du corps de ces enfants à quelque stade de développement qu'ils soient décédés.

Je vous invite d'autre part à réfléchir, dans le cadre de la loi bioéthique, aux 18 000 amputations rendues nécessaires par des diabètes. La religion musulmane prescrit que le corps doit être enterré en entier ; quel est le statut du membre amputé ? Comment répondre aussi aux personnes de culture africaine qui demandent à récupérer le placenta pour l'enterrer ? Ces questions éthiques lourdes ne peuvent être laissées aux seuls médecins et gestionnaires hospitaliers, dont les pratiques sont diverses. Ce serait à l'honneur des politiques de s'en saisir.

Je vous invite à user de votre pouvoir afin que paraisse le décret relatif à l'indemnisation des victimes de l'affaire du sang contaminé.

La situation actuelle est anxiogène, dominée par les peurs, les humiliations, les espérances. Certains nourrissent les peurs, d'autres réagissent aux humiliations, les espérances sont parfois difficiles à cerner. Parmi les facteurs d'apaisement il y a l'écoute et le respect. Le service public doit écouter, accompagner plutôt que gérer. Il faut faire confiance aux fonctionnaires mais aussi leur reconnaître un droit à l'erreur. Il n'y aura de « mieux vivre ensemble » que si est restaurée la confiance de nos concitoyens dans leurs institutions. Sinon c'est le rapport de forces qui prendra le pas sur le dialogue.

Je salue enfin le rapporteur du texte sur le mal-endettement que j'ai oublié tout à l'heure. (Applaudissements)

présidence de M. Bernard Frimat,vice-président

M. le président.  - Le Sénat vous donne acte de cette communication.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois.  - Votre rapport d'activité confirme que l'institution dont vous avez la charge s'est imposée comme un acteur majeur de notre paysage administratif ; sa notoriété est croissante auprès de nos concitoyens. Votre action a été placée sous le signe de la proximité : grâce à vos délégués, l'institution est présente dans un nombre croissant de points d'accueil, dont les maisons du droit -vous avez souligné combien nos concitoyens ont besoin d'un accès au droit- les préfectures et les sous-préfectures. Les mêmes délégués assurent parfois un accueil dans deux ou trois lieux différents.

Leur présence en prison est emblématique ; expérimentée depuis 2005, elle a été généralisée par une convention signée le 25 janvier 2007 par le Médiateur et le ministère de la justice. Vous notez dans votre rapport qu'en un an le nombre de détenus ayant un accès direct à un de vos délégués est passé de 26 500 à 44 000, soit les deux tiers de la population carcérale. Les délégués jouent un rôle essentiel en prison, comme l'ont justement rappelé MM. Peyronnet et Lecerf. M. Peyronnet s'est rendu en novembre dans les Yvelines et y a rencontré deux d'entre eux, dont il a noté le dynamisme et la compétence ; il a pu constater à la maison d'arrêt de Bois-d'Arcy que leur intervention était appréciée des détenus, y compris lorsqu'elle portait sur des dossiers que l'administration pénitentiaire pouvait traiter elle-même. Aux dires des délégués rencontrés, les détenus ont besoin d'être écoutés par un tiers de confiance ; les échanges sont pour eux un exutoire. M. Lecerf, de son côté, rapporteur de la loi pénitentiaire -merci d'avoir rendu hommage au travail du Sénat sur ce texte ; j'espère que vous pourrez dire de même de celui de l'Assemblée nationale- a retenu des propos des chefs d'établissements que la présence des délégués, dont nous avons consacré le rôle, était un facteur d'apaisement en détention.

En effet, la privation de liberté ne signifie pas la privation de l'accès au droit.

Poursuivant votre engagement dans la lutte contre le mal-endettement, vous avez formulé plusieurs propositions de réforme. L'amélioration du fonctionnement du Fichier national des incidents de remboursement des crédits aux particuliers (FICP) me paraît essentielle. Ce « fichier des surendettés » ne doit pas être confondu avec le fichier des interdits bancaires géré par la Banque de France.

L'extinction de l'action en recouvrement des sommes dues doit conduire à la radiation de ce fichier.

D'une manière générale, la commission des lois, et notamment M. Türk, président de la Cnil, est très attentive au traitement des données à caractère personnel et au traçage des individus. Un groupe de travail animé par Mme Escoffier et M. Détraigne vient d'être constitué sur ce thème.

Si l'intérêt du fichier n'est pas en soi contestable, la Cnil est régulièrement saisie de réclamations concernant des inscriptions à tort ou des « défichages tardifs » alors que les situations ont été régularisées. Ces mêmes problèmes de mise à jour ou d'inscription erronée avaient été relevés à propos des fichiers Stic et Judex.

M. Jean-Paul Delevoye, Médiateur de la République.  - Absolument.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission.  - Vous avez opportunément proposé il y a deux ans une amélioration des conditions de transmission des suites judiciaires par les parquets, et des garanties pour les citoyens susceptibles de faire l'objet d'une enquête administrative donnant lieu à la consultation de ces fichiers.

Vous préconisez une réforme des expertises médicales judiciaires et suggérez notamment que l'expert déclare systématiquement au juge et aux parties l'absence de conflit d'intérêts risquant de porter atteinte à l'impartialité de ses analyses. La commission d'enquête de l'Assemblée nationale sur l'affaire d'Outreau avait opportunément repris la proposition du rapport Viout d'instaurer « une obligation de déclaration d'appartenance à une association lorsque l'affaire porte sur des faits pour lesquels cette association peut se porter partie civile ».

Vous appelez l'attention sur certains problèmes d'application des lois, soulignant que « la vie politique ne saurait se contenter de voter des lois en négligeant leur mise en oeuvre ». Vous notez ainsi que la loi sur la tutelle des majeurs protégés, pourtant applicable à compter du 1er janvier 2009, risque de connaître de grandes difficultés d'application, car les départements et les parquets y sont peu préparés. C'est inadmissible. Chaque année, le bilan du contrôle de l'application des lois est présenté à la Conférence des Présidents, ce qui permet au ministre chargé des relations avec le Parlement de relayer les observations de nos commissions. Au-delà, le Sénat entend exercer pleinement sa mission d'évaluation des politiques publiques, désormais consacrée à l'article 24 de la Constitution.

Je conclurai en évoquant l'avenir de votre institution. La loi constitutionnelle du 23 juillet 2008 a créé un nouvel article 71-1 instituant un Défenseur des droits.

Notre assemblée a modifié le texte initial du Gouvernement en retenant le nom de « Défenseur des droits » au lieu de « Défenseur des droits des citoyens », car l'autorité devra être accessible aux mineurs et aux étrangers ; en étendant son champ aux autorités administratives indépendantes compétentes à l'égard du secteur privé ; en permettant au Défenseur de se saisir d'office ; en l'assistant par un collège pour l'exercice de certaines de ses attribution ; en précisant enfin que le Défenseur devrait rendre compte de son activité au Président de la République et au Parlement. Nous attendons donc le dépôt de la loi organique qui définira le statut et les fonctions de ce Défenseur, qui reprendra, en les étendant, vos attributions et pourra être saisi directement. La commission des lois du Sénat militait depuis de nombreuses années pour la suppression du filtre parlementaire obligatoire.

Monsieur le Médiateur, votre mission paraît plus que jamais essentielle dans une société qui aspire à un droit accessible et à une administration respectueuse des droits fondamentaux, au niveau de l'État mais aussi des collectivités territoriales.

M. Jean-Paul Delevoye, Médiateur de la République.  - Absolument.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission.  - Soyez assuré du soutien et de l'attention que notre commission et le Sénat tout entier portent à votre action. (Applaudissements à droite et au centre)