Grenelle de l'environnement (Suite)

Discussion des articles (Suite)

Article 17 bis

Afin de tenir compte et de limiter les dommages environnementaux causés par l'activité hydroélectrique sur les bassins versants sur lesquels les ouvrages sont installés, la taxe sur le chiffre d'affaires des concessions hydroélectriques pourra être déplafonnée au-delà de 25 %.

M. le président.  - Amendement n°59, présenté par M. Sido, au nom de la commission.

Supprimer cet article.

M. Bruno Sido, rapporteur.  - L'article 17 bis ouvre la possibilité de déplafonner la redevance sur le chiffre d'affaires des concessions hydroélectriques.

Cela induirait une confusion entre la redevance qui alimente les budgets de l'État et des départements et la redevance des Comités de bassin sur « les prélèvements en eau », qui finance la protection des milieux aquatiques.

Et surtout, ce serait mettre aux enchères les concessions hydroélectriques lors de leur renouvellement, au détriment de l'équilibre entre l'exploitation de la chute hydraulique, l'insertion environnementale, le développement durable... Le risque est en effet d'attirer des investisseurs à la recherche d'une rentabilité de court terme, alors que la gestion des concessions hydroélectriques exige une vision de long terme. Enfin, un déplafonnement total n'a pas sa place ici, il conviendra d'en discuter dans le cadre du Grenelle II.

M. Jean-Louis Borloo, ministre d'État.  - Favorable.

M. Jean Desessard.  - Nous nous abstenons !

L'amendement n°59 est adopté et l'article 17 bis est supprimé.

Article 17 ter

L'État étudiera la possibilité d'étendre aux départements et aux régions le bénéfice des tarifs d'achat de l'électricité produite à partir de sources renouvelables.

M. le président.  - Amendement n°60 de suppression, présenté par M. Sido, au nom de la commission.

M. Bruno Sido, rapporteur.  - Ces dispositions ont vocation à figurer dans l'article 17.

L'amendement n°60, accepté par le Gouvernement, est adopté et l'article 17 ter est supprimé.

L'amendement n°603 n'est pas soutenu.

Article 18

La production en France des biocarburants est subordonnée à des critères de performances énergétiques et environnementales comprenant en particulier ses effets sur les sols et la ressource en eau. La France soutiendra aux niveaux européen et international la mise en place d'un mécanisme de certification des biocarburants tenant compte de leur impact économique, social et environnemental.

Une priorité sera donnée au développement de la recherche sur les biocarburants de deuxième et de troisième générations.

M. le président.  - Amendement n°648, présenté par MM. Muller et Desessard et Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet.

I. - Dans les premier et second alinéas de cet article, remplacer le mot :

biocarburants

par le mot :

agro-carburants

II. - En conséquence, procéder à la même substitution dans l'ensemble du projet de loi.

Mme Marie-Christine Blandin.  - Nous connaissons parfaitement la réglementation européenne ainsi que les lois et règlements français. Et nous persistons à considérer que le terme de « biocarburants » prête à confusion. Comme les bio-lessives, les bio-aliments, ils semblent attrayants. Or ils n'ont rien de « biologique » au sens désormais courant du terme. Dans ma région, les agriculteurs utilisent un pesticide, le Temic ; ils m'ont dit : « on met des masques et des gants, tellement c'est dangereux ». Et pour cause : le Temic était fabriqué à Bhopal et a causé la mort de milliers d'Indiens ! Je me souviens d'un tract « Boire ou conduire, il faut choisir »que je diffusais pour mettre en garde nos concitoyens, car la production de bioéthanol consomme tellement de pesticides de type Temic que les nappes phréatiques, si tout le monde roule à ce carburant, seront bientôt entièrement polluées et l'eau inapte à la consommation. Les « bio-carburants » sont en fait des « agro-carburants » : employons le mot juste. (M. Jean Dessessard applaudit)

M. Bruno Sido, rapporteur.  - La définition est d'ordre réglementaire, on ne peut la modifier dans la loi.

M. Jean-Louis Borloo, ministre d'État.  - Je ne suis pas loin de partager votre sentiment...

M. Jean-Louis Borloo, ministre d'État.  - Les deux termes sont utilisés ; à quoi bon changer l'un pour l'autre ? Mieux vaut garder le terme actuel, même si le problème sémantique mérite réflexion. En tout cas, bio-carburant ou agro-carburant, je vous déconseille vivement d'en boire ! (Rires)

M. Jacques Muller.  - Au tout début de notre débat, on a pris acte de la difficulté de traduire les concepts anglo-saxons. Bio fuel signifie « carburant issu des plantes » ; il n'y a donc pas de confusion possible avec la filière bio qui est dite organic. En France, on a introduit une confusion entre les « biocarburants » et la filière des produits de l'agriculture bio. Certaines stations-service affichent des panneaux publicitaires vantant ce qu'ils appellent des « carburants bio » ! On fait là du green washing : on repeint en vert des choses qui ne le sont pas. Ce n'est pas seulement une question de vocabulaire ; nous sommes dans une loi fondamentale, précisons les concepts !

La loi de finances pour 2009 a affecté 20 millions à l'agriculture biologique et 1,5 milliard aux « biocarburants ». Ce n'est pas la même chose !

Le ministre semble ouvert à la discussion ; si l'on ne clarifie pas les notions au moment où l'on écrit la loi, quand le fera-t-on ?

Mme Marie-Christine Blandin.  - Pour donner du courage au rapporteur et au ministre, je leur dirai que nous avons réussi à supprimer le mot « race » du projet de loi sur l'audiovisuel. Nous n'y étions pas arrivés dans la Constitution et puis Mme Albanel a osé.

M. Paul Raoult.  - On peut le faire !

M. Charles Pasqua.  - L'argumentation de nos collègues est cohérente et convaincante. Je voterai leur amendement. La loi doit primer sur le règlement ! (Applaudissements sur plusieurs bancs socialistes)

M. Bruno Sido, rapporteur.  - Où s'arrêter ? Qu'a de plus l'agriculture biologique par rapport à l'agriculture durable ou à l'agriculture raisonnée ?

M. Charles Pasqua.  - Il est logique d'appeler les agro-carburants par leur nom.

Mme Évelyne Didier.  - L'argument du rapporteur montre bien où le bât blesse. Les agriculteurs on été montrés du doigt pour diverses raisons. C'est aujourd'hui une profession qui se cherche, qui est en quête d'une respectabilité qu'elle a l'impression d'avoir perdue. Pour y parvenir, les agriculteurs devront accepter d'appeler les choses par leur nom. Nous savons bien qu'on ne se débarrassera pas d'un coup des produits phytosanitaires, mais nous savons aussi que les pesticides ne sont pas bons pour l'environnement ni pour la santé. Il faut aller dans cette direction ; il faudra du temps, mais qu'on cesse de nous faire prendre des vessies pour des lanternes !

L'amendement n°648 est adopté.

M. le président.  - Amendement n°332, présenté par Mme Herviaux et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Dans la première phrase du premier alinéa de cet article, remplacer les mots :

des critères de performances énergétiques et environnementales

par les mots :

l'obligation de mener des expertises exhaustives et contradictoires du bilan écologique et énergétique

M. Paul Raoult.  - Nous considérons en effet que l'on ne peut se limiter à ces simples critères de performances énergétiques et environnementales. Nous devons disposer d'études objectives, qui puissent être contradictoires. Il y a quelques années, on présentait les agro-carburants comme la solution miracle au problème des énergies fossiles et l'on ne se demandait même pas de quelle manière ils étaient obtenus. Avec le recul, le bilan est beaucoup plus mitigé, pour ne pas dire très critique lorsque l'on prend en compte tous les pesticides utilisés et la quantité d'eau nécessaire. On voit, avec la déforestation, le bilan désastreux du Brésil.

Il faut nourrir la population avant les voitures !

M. Bruno Sido, rapporteur.  - Aucune expertise ne peut être dite exhaustive puisque les données évoluent. En outre, la directive qui vient d'être adoptée parle bien de « critères ». Défavorable.

M. Jean-Louis Borloo, ministre d'État.  - Même avis que le rapporteur.

L'amendement n°332 est retiré.

M. Jean Desessard.  - Bravo pour votre efficacité, monsieur le rapporteur !

M. le président.  - Amendement n°649, présenté par MM. Muller et Desessard et Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet.

Après le mot : 

comprenant

rédiger comme suit la fin de la première phrase du premier alinéa de cet article :

, entre autres, son bilan carbone, ses effets sur les sols, la ressource en eau, la biodiversité, la qualité de la rotation des sols et la sécurité alimentaire.

M. Jacques Muller.  - Nous proposons un certain nombre de critères essentiels.

Le colza, s'il est pressé dans l'exploitation et utilisé tout de suite a un rendement énergétique considérable qui pourrait assurer l'autonomie énergétique de l'exploitation.

Si on fait du diester de colza vendu en station service, le bilan carbone est extraordinairement dégradé. On sait aussi que produire de l'éthanol avec de l'amidon est un gâchis. C'est pourquoi il est si important de préciser les critères.

M. Bruno Sido, rapporteur.  - Vous avez satisfaction puisque la France soutient un mécanisme de certification des biocarburants et que la directive européenne traite de leur durabilité. Je souhaite le retrait ou le rejet de cet amendement inutile.

L'amendement n°649 est retiré.

M. le président.  - Amendement n°264, présenté par Mme Didier et les membres du groupe CRC-SPG.

Compléter le premier alinéa de cet article par une phrase ainsi rédigée :

Dans l'attente de la mise en oeuvre d'un système de certification international, les importations d'agro-carburants sont interdites en France.

Mme Évelyne Didier.  - Nous sommes satisfaits de la mise en place d'un mécanisme de certification car, après avoir tous fait preuve d'un enthousiasme sans réserve en 2005, nous nous sommes aperçus qu'il fallait relativiser les avantages des agro-carburants. Le deuxième alinéa a également notre assentiment. En effet, les biocarburants ne doivent pas concurrencer les cultures alimentaires ; produits à partir de déchets, ceux de troisième génération règlent la question. Reste que le deuxième alinéa concerne la recherche et qu'il ne faut pas que les pays en voie de développement souffrent de nos choix.

M. Bruno Sido, rapporteur.  - Importe-t-on des agro-carburants ? Il faut poser les pieds sur terre. Le dernier alinéa de l'article vous donne satisfaction.

Mme Évelyne Didier.  - Pour la recherche !

M. Bruno Sido, rapporteur.  - L'interdiction que vous proposez serait contraire aux règles de l'OMC. Je suis sûr que vous prendrez de la hauteur et retirerez cet amendement.

M. Jean-Louis Borloo, ministre d'État.  - Non, il n'y a pas d'importation mais nous parlons en réalité du processus de Copenhague. Si l'interdiction n'est pas possible, le paquet « climat énergie » a contourné la difficulté par une sévérisation des critères de durabilité.

Mme Évelyne Didier.  - Merci de m'avoir appris le mot « sévérisation »... Nous voulions surtout ouvrir le débat et, en ne demandant pas la fermeture des usines en France, nous avons été modérés dans notre excès.

L'amendement n°264 est retiré.

M. le président.  - Amendement n°506, présenté par M. Biwer et les membres du groupe UC.

Rédiger comme suit le second alinéa de cet article :

Une priorité sera donnée au développement de la recherche et de la production des biocarburants de deuxième et de troisième génération notamment ceux issus de déchets ou de résidus tels que les graisses animales et les huiles alimentaires usagées, de matières cellulosiques d'origine non alimentaire ou de matières ligno-cellulosiques.

M. Jean-Claude Merceron.  - En décembre dernier, le Parlement européen a marqué sa volonté de démontrer le respect des obligations nationales imposées aux opérateurs en matière d'énergie renouvelables. Notre amendement s'inscrit pleinement dans le paquet environnemental européen en appelant à promouvoir les biocarburants issus de résidus et de déchets. Les projets de deuxième génération se distinguent déjà en n'entrant pas en concurrence avec l'alimentation humaine, en réduisant les émissions de gaz à effet de serre et en utilisant au mieux la matière première grâce à des technologies nouvelles.

M. Bruno Sido, rapporteur.  - Cet intéressant amendement serait plus à sa place dans le Grenelle II. Une trop grande précision gênerait paradoxalement le développement de la troisième génération ; je pense notamment au biocarburant produit à partir d'algues. Il serait plus productif de retirer l'amendement.

L'amendement n°506 est retiré.

L'article 18 est adopté.

M. le président.  - Compte tenu du jour, vendredi, de l'heure, 18 heures 10, et du travail accompli, je vous propose de suspendre nos travaux. (Assentiment)

M. Jean-Louis Borloo, ministre d'État.  - Au vu de la qualité des débats et du nombre des amendements, ce projet ne sera pas terminé mardi prochain : nous achèverons sa discussion mercredi ou jeudi, avant le projet de loi sur le transport ferroviaire.

Prochaine séance, mardi 3 février 2009 à 10 heures.

La séance est levée à 18 h 15.

Le Directeur du service du compte rendu analytique :

René-André Fabre

ORDRE DU JOUR

du mardi 3 février 2009

Séance publique

A 10 HEURES

1. Questions orales.

A 16 HEURES ET LE SOIR

2. Suite du projet de loi (n°42, 2008-2009), adopté par l'Assemblée nationale, de programme relatif à la mise en oeuvre du Grenelle de l'environnement.

Rapport (n°165, 2008-2009) de M. Bruno Sido, fait au nom de la commission des affaires économiques.

3. Projet de loi (n°501, 2007-2008) relatif à l'organisation et à la régulation des transports ferroviaires et guidés et portant diverses dispositions relatives aux transports (Urgence déclarée).

Rapport (n°184, 2008-2009) de M. Francis Grignon, fait au nom de la commission des affaires économiques.