Pouvoirs publics

Mme la présidente.  - Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Pouvoirs publics ».

Interventions des rapporteurs

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, en remplacement de M. Henri de Raincourt, rapporteur spécial.  - L'exercice de cet après-midi est un peu particulier. Non seulement vous vous apprêtiez à entendre un nouveau rapporteur spécial mais, de plus, nous sommes dans une situation budgétaire assez inédite.

Sur le premier point, j'ai le plaisir de vous présenter l'analyse faite par le rapporteur spécial : M. de Raincourt est retenu par un engagement impérieux pris alors que le calendrier de la discussion budgétaire n'était pas encore consolidé.

Ce projet de loi de finances est empreint d'incertitudes. L'inflation retenue pour la préparation du budget 2009 était de 2 %. Le Gouvernement a révisé cette estimation et l'a ramenée à 1,5 %. Le contexte économique n'est pas sans conséquence pour la mission « Pouvoirs publics », notamment en ce qui concerne les dotations des assemblées parlementaires.

La présentation en séance au Palais Bourbon de ces crédits, le 13 novembre, a été marquée par l'adoption de deux amendements identiques, à l'initiative du président Accoyer et de notre collègue Jean Launay, rapporteur spécial, visant à ramener la dotation de l'Assemblée nationale pour 2009 très exactement au niveau voté en loi de finances initiale pour 2008, soit 533 910 000 euros, ce qui s'est traduit par une réduction de 20,29 millions. S'agissant du Sénat, l'augmentation initiale des crédits était plus mesurée et fixée à 1,39 %, soit moins que l'inflation prévisionnelle. Notre assemblée avait donc d'emblée réduit en volume ses crédits de fonctionnement et d'investissement, effort qui mérite d'être souligné car nos effectifs se sont accrus du fait de l'arrivée de douze nouveaux collègues. Nous voyons cet après-midi l'effet de cet accroissement de nos effectifs ! (Sourires)

Comme l'indiquait le président Larcher dans son discours du 14 octobre, en ces temps qui exigent des efforts importants de nos compatriotes et de l'État, notre institution sait faire preuve d'exemplarité en matière de dépenses. C'est ainsi que nous aurons à nous exprimer dans quelques minutes sur l'adoption d'un amendement maintenant la dotation « Sénat », en euros courants, très exactement au niveau de celle de 2008. L'effort ainsi réalisé portera sur 4 550 000 euros, pour un budget global de 327 694 000 euros.

La Présidence de la République verra sa dotation augmenter de 2,11 % pour s'élever à 112 336 000 euros. Afin de parachever le processus de transparence et de sincérité, le document budgétaire que nous avons reçu fait mention de la nécessité de réévaluer deux postes qui avaient été sous-évalués en 2008 : les pensions des militaires affectés à la surveillance de l'Élysée, pour 4 223 000 euros, et les frais d'entretien des avions présidentiels pour 5 millions. Je me félicite que soit, pour la première fois depuis 1958, affiché un coût complet qui devrait permettre une analyse sereine et objective de ces crédits.

Le Conseil constitutionnel va connaître en 2009 une situation exceptionnelle liée à l'engagement de travaux importants, pour près de 5 millions. Ses crédits vont ainsi augmenter de 60,7 %, pour s'élever à 12,46 millions. J'ai visité les locaux : ces travaux sont absolument indispensables. Le suivi de l'exécution de ces crédits en cours d'année prendra un intérêt encore accru par rapport aux exercices précédents et le rapporteur spécial ne manquera pas de vous en rendre compte à l'occasion de l'examen de la loi de règlement.

Je vous propose d'adopter les crédits de la mission « Pouvoirs publics » avec l'amendement qui va vous être présenté. (Applaudissements à droite et au centre)

Mme Jacqueline Gourault, en remplacement de M. Yves Détraigne, rapporteur pour avis de la commission des lois.  - La dotation allouée au Conseil constitutionnel s'élèverait à 12,4 millions, soit une progression de 60,7 %. Cette augmentation est due à des travaux de rénovation de locaux restitués au Conseil constitutionnel par le ministère de la culture ainsi qu'aux commémorations du cinquantenaire du Conseil.

Celui-ci poursuit la rationalisation de ses effectifs, au sein desquels les fonctionnaires de catégorie A ont augmenté de 16 à 20 entre 2004 et 2008 pour faire face au développement de l'activité juridictionnelle. En revanche, le Conseil a choisi de ne pas remplacer des chauffeurs, secrétaires et agents après leur départ à la retraite.

En cinquante années, le Conseil constitutionnel a acquis au sein de nos institutions une place essentielle. Son rôle se développera encore avec la mise en oeuvre de l'exception d'inconstitutionnalité.

La dotation allouée à la Cour de justice de la République s'élèverait à 845 000 euros, contre 874 000 en 2008. Cette dotation permet à la Cour de faire face à une activité très fluctuante. Elle a ainsi reçu 26 requêtes en 2007, contre 66 en 2006 et 97 en 2005.

Le stock des requêtes est revenu à huit et aucune n'a été transmise depuis le 1er janvier 2008.

La mission ne comporte aucun crédit pour la Haute cour, qui ne s'est jamais réunie. La loi organique prévue par l'article 68 de la Constitution tel qu'il résulte de la révision du 23 février 2007 n'a toujours pas été soumise au Parlement, ainsi que l'a relevé la commission des lois à l'occasion de la dernière révision constitutionnelle. Le Gouvernement envisage-t-il d'intégrer les dispositions relatives à la Haute cour dans l'un des textes organiques présentés au Parlement pour la mise en oeuvre de la loi constitutionnelle du 23 juillet dernier ou bien envisage-t-il de déposer un projet de loi organique spécifique ? (Applaudissements au centre et à droite)

Interventions des orateurs

Mme Anne-Marie Escoffier.  - Si le budget de la mission « Pouvoirs publics » n'est pas le plus important, il n'en a pas moins une forte valeur symbolique puisqu'il finance des institutions qui de la Présidence de la République à l'Assemblée nationale et au Sénat, du Conseil constitutionnel à la Cour de justice de la République, forment la clef de voûte de nos institutions. S'y ajoutent, pour la dernière année, le service des indemnités des représentants français au Parlement européen. C'est dire l'honneur qui est le mien aujourd'hui. Je m'exprimerai avec la rigueur de mise lorsqu'on aborde le plus haut domaine de la République mais aussi l'absolu devoir d'exemplarité qui doit caractériser la représentation nationale dans l'exercice de ses fonctions.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances.  - Excellent !

Mme Anne-Marie Escoffier.  - La démocratie, disent les humoristes, n'a pas de prix mais, comme la santé, elle a un coût. Et celui-ci doit être raisonné et raisonnable. Je ne puis donc que me féliciter que la progression des crédits du Sénat soit inférieure à celle de l'inflation malgré l'augmentation du nombre de sièges. Le président de notre assemblée a manifesté sa volonté d'oeuvrer à une bonne gestion sur la base des audits. Ce n'est en effet pas la masse de ses dotations qui permet au Sénat de s'imposer dans le paysage politique de la Nation mais la qualité de ses travaux et la force de persuasion de ceux qui animent ses débats -et c'est là un démenti à tous ses contempteurs.

Je n'aurais pu que déplorer la progression initiale des crédits de l'Assemblée nationale s'ils n'avaient été réduits par un amendement de son président. Nos concitoyens ne comprendraient pas que les parlementaires ne s'imposent pas les restrictions que subissent tous les autres secteurs. Il convient de contenir la progression du budget des pouvoirs publics et ce sera le cas pour l'Assemblée nationale et le Sénat dont les dotations seront stabilisées en volume.

Mais le tableau n'est pas tout à fait idyllique : les dotations de la Présidence de la République progressent de 2,1 %. On m'objectera qu'elles traduisent un effort de transparence et que certaines lignes avaient été sous-évaluées en 2008. Outre qu'on peut s'interroger sur la sous-évaluation des pensions des militaires, personne ne peut ignorer les dépenses imprévues et imprévisibles... non plus que la mission « Dépenses imprévues » destinée aux rééquilibrages nécessaires. La somme de 112,3 millions inscrite au budget de la Présidence de la République n'est-elle pas un peu excessive à l'heure où la rigueur devrait s'imposer partout ? L'exemple devrait être donné au plus haut niveau de l'État.

M. Bernard Vera.  - Oui !

Mme Anne-Marie Escoffier.  - Le Conseil constitutionnel voit ses dotations progresser de 60 % et celles de la Cour de justice de la République sont reconduites à l'identique.

L'évaluation des modalités de la dépense publique prévue par l'article 51 de la loi organique relative aux lois de finance garantit la sincérité et la transparence dans lesquelles s'inscrit le Gouvernement. Cependant, si le Sénat peut se féliciter de l'effort de sincérité accompli par la Présidence de la République, dont le fonctionnement avait pu être jugé opaque, des économies plus significatives pourraient être réalisées au plus haut niveau de l'État. Nous pouvons déjà apprécier le choix de ne plus délocaliser le conseil des ministres en province, comme cela avait été le cas à Strasbourg et à Ajaccio. Je n'irai pas jusqu'à recommander la rigueur du président Poincaré qui affranchissait son courrier personnel sur sa cassette, ou celle du général de Gaulle prenant sur ses deniers personnels quand l'un des siens venait dîner à l'Élysée. Et pourtant...

C'est en conscience - et dans leur diversité- que les membres de mon groupe se prononceront sur ces crédits. (Applaudissements sur les bancs du RDSE ainsi qu'au banc des commissions)

M. Bernard Vera.  - Ces crédits ne prêtent pas à la controverse mais appellent une analyse du sens que nous entendons donner à nos institutions. Notons d'emblée que le Sénat se trouvera convié à voter un amendement maintenant en euros constants sa dotation 2008. Sans vouloir donner plus d'importance qu'il n'en faut à cette initiative présentée comme une participation à l'effort de maîtrise des dépenses publiques, soulignons que la progression récente a deux origines : l'allongement significatif de la durée des sessions et l'inflation législative. Les sessions extraordinaires sont devenues monnaie courante au point que ce serait leur absence qui serait extraordinaire. Cela ne participe pas à la qualité de la loi et nous avons passé quelques heures sur des textes inappliqués, inapplicables ou inopérants, inspirés par des faits divers ou soufflés par des conseillers présidentiels à l'imagination fertile, d'où la multiplication des lois sur la sécurité ou encore sur l'immigration. En quelques mois, nous aurons ainsi examiné un projet de programmation budgétaire, deux collectifs, un projet de loi de finances initiale et peut-être un plan d'urgence et de relance. En faisant l'économie de quelques textes, nous pourrions travailler dans de meilleures conditions et l'on maîtriserait les coûts de fonctionnement de nos assemblées.

Les crédits ouverts pour la Présidence de la République font preuve d'un remarquable dynamisme. Après l'effort de transparence consenti en 2008, la progression des crédits reste supérieure à l'inflation alors que la France n'exercera plus la présidence de l'Union européenne. Sans discuter de la pertinence de ces crédits, comment ne pas s'interroger sur l'implication de plus en plus visible de collaborateurs du président dans la vie publique ? Cette évolution ne nous semble pas positive.

Nous ne pourrons voter ces crédits. (Applaudissements à gauche)

M. Jacques Gautier.  - L'existence même de la mission « Pouvoirs publics » est la preuve du bon fonctionnement de notre démocratie : l'examen public des crédits de la Présidence de la République, de nos assemblées, du Conseil constitutionnel et de la Cour de justice de la République est un gage de transparence.

Nos concitoyens sont en droit de savoir comment les deniers publics sont utilisés. Cette mission permet un travail de pédagogie sur le fonctionnement de nos institutions, pour balayer la méfiance et les rumeurs infondées.

Depuis l'arrivée de Nicolas Sarkozy, l'opacité qui caractérisait le budget de la Présidence de la République a cédé le pas à la transparence. L'an dernier, toutes les dépenses assumées par d'autres ministères pour le compte de l'Élysée ont été réintégrées dans son propre budget. Le projet de loi de finances pour 2009 intègre désormais la totalité des dépenses de fonctionnement de l'Élysée. En outre, pour la première fois, un rapport détaillé sur l'utilisation des crédits alloués à la Présidence a été remis au Parlement. En 2009, l'évolution du budget de la Présidence ne dépassera pas le rythme de l'inflation : l'Élysée participe à l'effort de maîtrise des dépenses publiques.

Ce souci est partagé par les présidents des deux chambres. L'amendement déposé conjointement par le président de l'Assemblée nationale et le rapporteur spécial de la mission a plafonné au niveau de 2008 les crédits de l'Assemblée. Le Président du Sénat, avec nos questeurs, nous propose d'en faire de même. En cette période ce crise, c'est un message très positif envoyé à nos concitoyens. Le groupe UMP votera sans réserve les crédits de cette mission, ainsi amendés. (Applaudissements à droite et sur le banc des commissions)

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement.  - Il est de tradition que le Gouvernement ne s'exprime pas sur le budget des assemblées : il s'en remet donc à la sagesse du Sénat sur l'amendement en question.

Le budget de l'Élysée a fait l'objet d'un véritable effort de transparence. Insuffisant, juge M. Vera... Mais les crédits ne progressent que de 2 % par rapport à 2008, soit le rythme de l'inflation.

Quant à la hausse des crédits du Conseil constitutionnel, elle est essentiellement due à des investissements spécifiques cette année. Globalement, la mission « Pouvoirs publics » reste une épure d'économie. L'Élysée s'est engagé, avec la Cour des comptes, à poursuivre l'oeuvre de clarification et de transparence.

Enfin, la loi organique prévue à l'article 68-2 de la Constitution sera présentée à la Haute assemblée dès que les lois organiques renforçant les pouvoirs du Parlement auront été adoptées. (Applaudissements à droite et sur le banc des commissions)

Examen des crédits

Article 35 (État B)

Mme la présidente.  - Amendement n°II-117, présenté par M. G. Larcher, Président du Sénat, et MM. Richert, Pastor et Garrec, questeurs du Sénat.

M. Philippe Richert, Premier questeur.  - Cet amendement réduit la dotation du Sénat de 4 554 000 euros.

La Commission commune chargée d'arrêter les crédits nécessaires au fonctionnement des assemblées parlementaires avait fixé le montant de la dotation du Sénat pour 2009 à 332 248 000 euros, en hausse de 1,39 % par rapport à 2008, son budget progressant de 1,28 %, soit moins que l'inflation.

Toutefois, « dans ces temps qui exigent des efforts de nos compatriotes et de l'État », le Président du Sénat a, le 14 octobre 2008, demandé que le « budget demeure en 2009 au niveau qui était le sien en 2008 ».

Le présent amendement, déposé dans le respect des compétences de la Commission commune des crédits, prend acte de cette demande. Le conseil de questure procédera aux ajustements nécessaires afin de diminuer d'autant les dépenses prévues en 2009.

Le Sénat, qui aura ainsi diminué la contribution qu'il demande à l'État de 1,5 %, s'est d'ores et déjà engagé à stabiliser ses dépenses pour les trois années à venir dans le projet de loi de programmation des finances publiques, ce à quoi il n'était pas tenu. Cette année, nous maintenons la stabilité malgré douze sénateurs, deux vice-présidents et deux secrétaires supplémentaires, et la perspective de nouvelles commissions. En trois ans, la progression du budget du Sénat a été maintenue à 6 %, dans la limite de l'évolution du coût de la vie. (Applaudissements à droite)

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances.  - Avis favorable. L'exemple donné par le Sénat contribue à son autorité. Nous serons ainsi mieux fondés à recommander au Gouvernement de mieux maîtriser la dépense publique. Le Sénat est un laboratoire de la gouvernance publique et de la performance.

Mme Jacqueline Gourault, rapporteur pour avis.  - N'en rajoutons pas...

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État.  - Sagesse.

L'amendement n°II-117 est adopté.

Les crédits de la mission, modifiés, sont adoptés.