Questions d'actualité

M. le président.  - L'ordre du jour appelle les réponses du Gouvernement aux questions d'actualité. J'invite chacun à respecter son temps de parole.

Conséquences de la crise sur les collectivités locales

Mme Anne-Marie Escoffier .  - Ma question, rédigée avec M. Fortassin, s'adresse au Premier ministre. Dans le contexte actuel de crise financière, certains, à commencer par M. Fillon, ont émis l'idée d'assouplir, voire de suspendre les critères de Maastricht. Il serait opportun que les ressources nouvelles ainsi dégagées aillent aux collectivités locales, fragilisées par la baisse des dotations de l'État, et dont on sait la gestion exemplaire et le faible niveau d'endettement. Le Gouvernement envisage-t-il de dégager des ressources nouvelles pour les collectivités locales, qui concourent pour 70 % à l'effort d'investissement et auxquelles les Français sont très attachés ? (Applaudissements sur plusieurs bancs à gauche)

M. Éric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique .  - Le Gouvernement n'a pas l'intention de s'exonérer des critères de Maastricht.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - On a eu peur !

M. Éric Woerth, ministre.  - Le pacte de stabilité autorise à dépasser le niveau de déficit prévu, en cas de circonstances exceptionnelles. Cela ne veut pas dire que nous devons le faire ! L'État ne compensera pas une éventuelle chute des recettes fiscales, due au ralentissement de la croissance, par une hausse des impôts : ce serait rajouter la crise à la crise. Il faut rester très prudent sur les dépenses. L'objectif du retour à l'équilibre des finances publiques est essentiel : c'est cela qui nous donnera des marges de manoeuvre politiques.

Le projet de loi de finances prend en compte les besoins des collectivités territoriales : les dotations de l'État augmentent à hauteur de l'inflation, ce qui représente une hausse de 1,1 milliard par rapport à 2008. Le fonds de compensation de la TVA percevra 670 millions supplémentaires en raison de la hausse des investissements des collectivités locales, qui sont en effet des acteurs importants. (Applaudissements à droite)

Conséquences de la crise sur l'industrie automobile

M. Yves Détraigne .  - A l'occasion du Mondial de l'Automobile, le Président de la République a dit refuser que la France, qui a produit jusqu'à 3,2 millions de voitures en 2004, n'en fabrique plus que 2,5 millions en 2007. Malgré un regain des immatriculations de voitures neuves sur le marché français en septembre et une production des constructeurs français au premier semestre supérieure à 2007, la production automobile intérieure poursuit sa baisse. L'inquiétude face à la crise et l'instauration du bonus-malus conduisent les ménages à préférer de petits modèles, souvent fabriqués à l'étranger.

Le chef de l'État a dit, à juste titre, vouloir favoriser des véhicules plus propres et plus économes et augmenter la part des énergies renouvelables mais certains constructeurs sont sceptiques sur l'avenir du véhicule électrique et la disparition progressive de la fiscalité incitative sur les biocarburants, prévue par le projet de loi de finances pour 2009, a freiné les ventes de véhicules flex-fuel et menace notre production nationale de biocarburants.

Les intentions du Gouvernement sont louables, mais la crise financière n'augure guère une relance de l'industrie automobile : monsieur le ministre, que comptez-vous faire ? (Applaudissements à droite et au centre)

M. Hervé Novelli, secrétaire d'État chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme et des services .  - L'industrie automobile est stratégique pour notre économie, vous en connaissez les chiffres. Le Président de la République, en se tournant vers l'avenir, a dit les défis industriels, énergétiques et environnementaux que cette industrie doit relever : nous devons changer en profondeur notre modèle automobile. Le système du bonus-malus est maintenu pour l'an prochain, il est efficace : les ventes de véhicules bonifiés ont augmenté de moitié au premier semestre ; dès le 1er janvier, un décret fixera à 130 grammes de dioxyde de carbone le seuil de déclenchement du bonus.

Nous voulons aller au-delà, avec un plan de soutien aux véhicules « décarbonés » : nous y consacrerons 400 millions en quatre ans. Ce plan s'inscrit dans un ensemble plus large de mesures en faveur de l'innovation et de la recherche, avec notamment la réforme du crédit impôt recherche et le développement des pôles de compétitivité.

Le Gouvernement est donc pleinement conscient du rôle de l'industrie automobile, nous sommes résolus à la défendre pour que le plus grand nombre de véhicules continuent d'être produits sur notre territoire. (Applaudissements à droite et au centre)

Crise financière et bancaire

M. Pierre-Yves Collombat .  - Quand j'entends le Gouvernement, les bras m'en tombent ! (Exclamations à droite) La France connaîtrait une croissance de 5 % au lieu de la récession actuelle, qui est assortie d'une inflation de 3 %, le chômage baisserait plutôt qu'augmenter durablement, notre système financier ne serait pas sous perfusion que le Gouvernement et sa majorité ne seraient pas moins triomphants. Péremptoires hier sur la justesse de leur politique, péremptoires aujourd'hui sur l'antidote, condescendants toujours avec ceux qui, dans l'opposition, ne saisissent pas toute la subtilité de leur génie. L'intervention massive de l'État dans la sphère financière est expliquée avec la même assurance que hier sa nécessaire obsolescence. De surcroît, tout ce que nous propose le Gouvernement est « gagnant-gagnant » et à coût zéro, sauf la location du pacemaker, comme l'a dit hier notre rapporteur général.

Les Français ont un peu de mal à suivre : s'ils ne doutent pas d'être rasés, ils craignent bien que ce ne soit pas gratis ! (On apprécie à gauche) Ceux qui travaillent dur, si chers au Président de la République, redoutent que la crise financière ouvre sur une crise économique, sur plus de pauvreté et de chômage. Ils s'inquiètent pour leurs retraites ! Certes, le choc paraît moindre qu'aux États-Unis, où les fonds de pension ont perdu 2 000 milliards de dollars en dix-huit mois. Mais notre fonds de réserve des retraites a tout de même perdu 14,5 % en quelques mois, ce qui représente 4,5 milliards !

On s'inquiète pour les excédents du livret A, qui risquent fort d'être détournés de leur finalité, le logement social. Vous trouvez facilement 40 milliards pour sauver les acrobates de la spéculation mais pas les 20 milliards que réclament les PME pour leur développement !

M. le président.  - Votre question !

M. Pierre-Yves Collombat.  - Les collectivités locales voient leurs dotations progresser moins vite que l'inflation, mais leurs charges augmenter : elles se demandent comment boucler leur budget ! Le Gouvernement soigne les financiers, mais que fait-il pour les savetiers ? (Applaudissements à gauche)

M. Hervé Novelli, secrétaire d'État chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme et des services - Le Gouvernement ne fait rien pour les PME, dites-vous, nous leur refuserions 20 milliards ? Mais, dès avant la décision historique de sauver le système financier, nous avons mobilisé 22 milliards dans le plan de soutien aux PME ! C'est l'arbitrage qu'a rendu le Président de la République le 4 octobre. Quant à l'excédent des livrets A et livrets d'épargne populaire, une convention entre l'État et le réseau bancaire, signée avant la fin du mois, en assurera le fléchage vers les PME.

Nous n'oublions donc pas les PME et nous sauvons le poumon bancaire de notre économie : notre politique est équilibrée ! (Applaudissements à droite)

Conséquences de la crise financière

Mme Annie David .  - (Applaudissements sur les bancs CRC) Je souhaitais poser ma question au Premier ministre, mais il n'est pas venu ! Hier, les caisses de l'État étaient vides pour augmenter les salaires, les pensions et les minima sociaux. Mais aujourd'hui, on trouve 360 milliards pour les banques ! (Vives exclamations à droite)

M. Henri de Raincourt.  - Démago !

Mme Annie David.  - Le Président de la République dit vouloir « moraliser le capitalisme financier », mais il refuse de conditionner au contrôle public et citoyen les facilités accordées aux banques ! Il y a peu, il proposait même de dépénaliser le droit des affaires et envisageait de supprimer le délit d'abus de biens sociaux. Le Président de la République s'alarme de la crise du logement tout en organisant, avec Mme Boutin, la casse du logement social ! En revanche, on peut toujours attendre pour la suppression des parachutes dorés. (Applaudissements à gauche) Tout cela, vous le cachez aux Français ! En revanche, le Gouvernement ne chôme pas pour « chasser » et sanctionner les salariés privés d'emplois ou les bénéficiaires de minima sociaux !

Nos concitoyens ne supportent plus cette injustice qui veut que l'on se porte au secours des plus riches quand les plus pauvres peinent chaque jour davantage, au secours de la spéculation et de la bourse mais qui laisse salariés, étudiants, chômeurs et retraités sur le bord de la route. (Vifs applaudissements à gauche) Je pense aux 760 salariés du groupe Matussière et Forest, dont 460 en Isère, qui reçoivent en ce moment même leur lettre de licenciement ou aux salariés de Renault à Sandouville, à la lutte exemplaire.

Il y aurait pourtant bien des mesures à prendre pour protéger les principales victimes de cette crise spéculative comme revenir sur le bouclier fiscal, nationaliser durablement les établissements soutenus financièrement par l'État, arrêter net la privatisation de la Poste, interdire les expulsions, geler les licenciements boursiers (Lazzis à droite)

M. Jean-Luc Mélenchon.  - Ils rient des malheurs du peuple !

Mme Annie David.  - Au lieu de garanties sans contrepartie aux financiers, allez-vous instaurer un bouclier social pour protéger les populations de votre désastreuse politique ? Quelles garanties apportez-vous à celles et ceux qui craignent pour leur travail, leur pouvoir d'achat, qui ont peur du lendemain ? (Applaudissements à gauche)

M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État chargé de l'emploi .  - Je sais que l'emploi vous préoccupe beaucoup, et pas seulement dans votre circonscription. Il faut comprendre les implications de la crise financière internationale au niveau de l'économie réelle. Pour améliorer la situation, il faut en premier lieu éteindre l'incendie sur les places financières.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Pas sans contreparties !

M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État.  - Le but n'est pas de sauver les banques pour leurs beaux yeux mais pour financer l'économie, les PME et préserver les emplois.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - On connaît les mécanismes financiers. Ne nous prenez pas pour des ignorants !

M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État.  - C'est pourquoi, en contrepartie des garanties qu'elles obtiendront, les banques devront financer les PME.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Aucune contrepartie ! (Marques d'exaspération à droite)

M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État.  - De plus, l'État va racheter 30 000 logements dont la construction risquait d'être arrêtée.

En troisième lieu, l'État va mettre sur la table 22 milliards pour financer les PME, ce qui est vital pour l'avenir.

Le plan en faveur de l'emploi va permettre de poursuivre les réformes touchant aux structures de l'emploi, notamment avec la mise en place du nouvel opérateur et la refonte de la formation professionnelle : le service public doit en effet être le plus efficace possible. (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s'exclame)

Là où existent des difficultés dans les bassins industriels, notamment chez vous, madame la sénatrice, mais aussi à Sandouville où nous avons fait un déplacement, nous essayons d'apporter des réponses en lien avec les partenaires sociaux. Je me permets d'ailleurs de regretter que les élus socialistes n'aient pas participé à cette rencontre alors que tous les autres élus, quelles que soient leurs étiquettes politiques, étaient présents. (On juge l'argument misérable sur les bancs socialistes tandis qu'on feint de s'indigner à droite)

Il ne suffit pas seulement d'éteindre les incendies, mais aussi d'aller chercher les emplois dans les secteurs qui en manquent, notamment dans les services. Nous avons d'ailleurs signé hier un partenariat dans la perspective de 150 000 emplois pour l'année prochaine.

Notre objectif n'est donc pas de faire de grands discours politiciens mais d'agir directement sur le terrain, au coeur des problématiques de l'emploi. (Applaudissements à droite)

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Qui est politicien ?

M. Bernard Piras.  - Les chômeurs s'en souviendront !

Crise financière et économique

M. Gérard Longuet .  - (Applaudissements à droite) Ma question sera d'une simplicité brutale : le Gouvernement peut-il garantir que sa volonté d'aider les banques servira d'abord et avant tout à aider les clients des banques : particuliers, collectivités locales et entreprises ?

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - C'est effectivement un problème !

M. Gérard Longuet.  - Vous avez évoqué un plan de 22 milliards pour les PME mais quels seront les critères d'éligibilité ? Assurerez-vous un suivi par banques et qui sera décliné régionalement ?

Le Parlement vient d'adopter une loi créant une Caisse de refinancement. Petit problème, l'argent est aujourd'hui très cher. Ainsi, EDF vient de conclure un prêt de six mois au taux Euribor majoré de 6,20 % alors qu'elle est une des meilleures signatures françaises. Un tel taux est quasiment inaccessible pour l'immense majorité des entreprises. Comment faire pour que se resserre l'écart entre les taux directeurs et ceux qui sont pratiqués par les banques ?

Quid de l'indépendance des petites et des grandes entreprises françaises ? Beaucoup d'entre elles ont emprunté pour croître et les banques leur ont demandé d'apporter en garantie des titres. L'effondrement de la bourse fait que les banques sont en droit d'appeler automatiquement des gages en garantie, ce qui aboutit à forcer à la vente des sociétés dont les titres ont déjà beaucoup perdu de valeur. On risque donc un effet d'accélération à la baisse.

Comment faire en sorte que l'aide aux banques soit avant tout une aide à l'économie et aux clients des banques ? (Applaudissements à droite)

M. Jean-Luc Mélenchon.  - C'était hier qu'il fallait poser ces questions !

M. Hervé Novelli, secrétaire d'État chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme et des services .  - Je veux saluer la connaissance que vous avez des réalités économiques. Grâce à la majorité du Parlement, nous avons mis en place deux plans : l'un pour les PME et l'autre pour refinancer les banques. Nous l'avons fait pour sauver du naufrage un système qui permet de financer l'économie, à savoir les entreprises, les particuliers et les collectivités, chères au coeur du Sénat.

Les 22 milliards seront assortis d'une convention qui sera signée avant la fin du mois avec la Fédération bancaire française : les banques nous feront un point mensuel des encours de prêts et des nouveaux prêts qu'elles consentiront aux PME françaises. Les 5 milliards d'Oseo sont déjà mobilisés pour ces entreprises. Nous nous assurerons que les 17 milliards restant iront aussi à leur financement. Il s'agit d'un plan PME et de rien d'autre.

Autre plan massif pour permettre au système financier de surmonter les épreuves internationales : une société de refinancement dotée de 320 milliards mais qui n'agira, pour chaque banque, que sur le fondement d'une convention dont un exemplaire-type sera transmis aux commissions des finances de vos deux assemblées. Seront exigées des contreparties éthiques...

M. le président.  - Il faut conclure, monsieur le ministre.

M. Hervé Novelli, secrétaire d'État.  - ...et économiques.

Le taux du crédit interbancaire a commencé à refluer, signe du retour de la confiance, pour la première fois depuis la faillite de Lehman Brothers. (Applaudissements sur les bancs UMP)

Avenir de La Poste

M. Didier Guillaume .  - (Applaudissements sur les bancs socialistes) La gravité de la situation devrait interdire à un ministre de la République, monsieur Wauquier, d'entrer, comme vous l'avez fait, dans de telles polémiques politiciennes. (Les huées, sur les bancs UMP, couvrent la voix de l'orateur) Les élus socialistes sont aux côtés des salariés.

M. Dominique Braye.  - Dites-le à Collombat !

M. Didier Guillaume.  - Le 1er octobre dernier, le Premier ministre déclarait que La Poste ne serait pas privatisée : c'est avouer qu'elle pourrait l'être. Les Français, dans leur majorité, sont pourtant opposés à un changement de statut de l'entreprise publique. Dans mon département, tous les maires souhaitent le maintien de la présence postale. En cette période de crise financière internationale, qui signe le retour en force du politique et des États, n'est-il pas anachronique de militer pour une introduction de La Poste en bourse...

M. Alain Gournac.  - Méfiance, c'est un inspecteur du trésor !

M. Didier Guillaume.  - ...qui conduira inéluctablement à la recherche du profit maximum pour les actionnaires, au détriment des missions de service public. L'exemple de la Deutsche Post est suffisamment édifiant : division par deux du nombre des bureaux, concentrés sur les zones géographiques rentables ; délaissement du secteur du courrier au profit d'activités plus lucratives ; augmentation de tarifs ; réduction des effectifs.

Il est temps de s'interroger sur le sens de l'action publique, temps de réaffirmer le rôle indispensable de service de proximité que joue La Poste.

M. Alain Gournac.  - Elle ne le joue plus depuis un moment !

M. Didier Guillaume.  - Elle doit continuer à jouer son rôle essentiel d'aménagement du territoire, appuyé sur le triptyque « égalité d'accès, non-discrimination, péréquation tarifaire ».

M. Dominique Braye.  - Ça ne marche pas !

M. Didier Guillaume.  - Que ce soit en ville ou dans les campagnes, les Français ne veulent pas d'un service public au rabais ! Ils veulent la garantie, pour tous, du même service, à coût égal.

Les services publics sont là pour garantir un vrai service à tous les Français et assurer aux entreprises les conditions optimales de leur développement. (On s'impatiente à droite) Oui, La Poste doit se moderniser, c'est indéniable !

Quand, dans la grave crise que nous traversons, le Président de la République et le Gouvernement trouvent 320 milliards d'euros pour tenir les cours boursiers et rassurer les marchés... (Nouvelles marques d'impatience à droite)

M. le président.  - Votre question ?

M. Didier Guillaume.  - Quelle place comptez-vous donner à l'État et à la puissance publique dans la modernisation de La Poste ? Comment expliquerez-vous à nos concitoyens qu'il faut ouvrir le capital, avant de privatiser, demain ? A quand un grand débat public associant les élus, les syndicats et les usagers ? (Applaudissements sur les bancs socialistes et sur plusieurs bancs CRC)

M. Hervé Novelli, secrétaire d'État chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme et des services .  - La Poste a, dans un monde qui bouge, beaucoup évolué (« Merci Larcher » sur plusieurs bancs à gauche) : création de la Banque postale, nouveaux métiers, expansion internationale... 70 % de ses activités sont aujourd'hui en concurrence ; 1 000 points postaux sont rénovés chaque année ; l'entreprise s'adapte aux réalités économiques.

Aujourd'hui, La Poste doit faire face à deux nouveaux défis : défi technologique, avec internet ; défi concurrentiel, avec l'ouverture totale du marché postal à la concurrence au 1er janvier 2011.

M. Henri de Raincourt.  - Décidée par qui ?

M. Hervé Novelli, secrétaire d'État.  - La responsabilité du président de La Poste est de préparer, avec l'ensemble des structures dirigeantes, une stratégie d'entreprise, donc d'avenir. C'est ce qu'il a fait, et le Gouvernement étudie ses propositions. Quant au débat public que vous appelez de vos voeux, le Président de la République a décidé de l'engager au sein d'une commission rassemblant parlementaires, élus locaux et usagers.

M. Didier Guillaume.  - C'est ce que vous appelez un débat public ?

M. Hervé Novelli, secrétaire d'État.  - Mme Lagarde a installé cette commission le 26 septembre.

Je vous rassure : les missions de service public de La Poste ne sont pas négociables. La distribution reste et restera assurée six jours sur sept sur l'ensemble du territoire, le prix unique du timbre ne sera pas remis en cause. Mais soyez aussi assuré que le Gouvernement prendra ses responsabilités pour aider La Poste à surmonter les défis de l'avenir. (Applaudissements sur les bancs UMP)

Travail du dimanche

Mme Isabelle Debré .  - (Applaudissements sur les bancs UMP) Ma question, relative au travail du dimanche, s'adresse à M. Bertrand. (« Ah ! » sur les bancs de gauche)

M. Bernard Piras.  - Ministre du dimanche ?

Mme Isabelle Debré.  - Aujourd'hui, 7 millions de Français travaillent occasionnellement le dimanche, 3 millions de façon régulière ; 180 dérogations ont d'ores et déjà été accordées pour l'ouverture du dimanche ; 52 % des Français interrogés par l'Ifop déclarent être favorables à l'ouverture dominicale, et le chiffre atteint 73 % en région parisienne ; 67 % des Français se disent prêts à travailler le dimanche contre une compensation financière.

La société évolue, les habitudes changent, comme nous avons pu le constater avec Luc Chatel et notre collègue député Richard Mallié lors de notre déplacement dimanche dernier. (Exclamations à gauche)

M. Guy Fischer.  - A la rencontre des patrons hors-la-loi !

Mme Isabelle Debré.  - De nombreux États européens ont développé cette pratique. Ainsi, tout en maintenant le principe de l'interdiction, la Belgique...

M. Jean-Luc Mélenchon.  - Revoilà la Belgique !

Mme Isabelle Debré.  - ...a assoupli sa législation en 2007.

M. Yannick Bodin.  - Une sottise !

Mme Isabelle Debré.  - Réputée fermée au travail dominical, l'Allemagne s'est elle aussi lancée dans cette voie.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - On va à la messe, le dimanche !

Mme Isabelle Debré.  - Le Royaume-Uni, quant à lui, ne se pose plus la question : le travail le dimanche y est généralisé depuis 1994, sous une forme très encadrée et sur la base du volontariat.

M. Didier Boulaud.  - Et l'Islande ? Parlez-nous de l'Islande.

Mme Isabelle Debré.  - Je rappelle que le droit européen laisse chaque État membre libre de sa politique concernant le travail du dimanche. Seul est exigé un repos hebdomadaire après six jours de travail. Récemment, sur une grande chaîne de télévision publique, un responsable du parti socialiste avec lequel vous débattiez, monsieur le ministre, reconnaissait lui aussi la nécessité de se pencher sur cette question. (Protestations à gauche)

Dans les pays où la législation a été assouplie, on constate une hausse significative de l'emploi, et la mesure s'est révélée un facteur non négligeable de croissance.

M. le président.  - Votre question ?

Mme Isabelle Debré.  - Est-il normal de voir les contentieux se multiplier et certains abuser de l'absurdité de la réglementation actuelle ? (Protestations à gauche) Est-il juste d'interdire de travailler le dimanche à ceux qui le souhaitent ? (Vives protestations sur les mêmes bancs) Est-il raisonnable de laisser la moitié des magasins des Champs-Élysées fermés le dimanche ?

M. Didier Boulaud.  - Pour vendre des sacs à main ?

Mme Isabelle Debré.  - N'est-il pas temps, monsieur le ministre, d'engager sereinement un débat avec tous les acteurs concernés, étant entendu qu'il faudra veiller à préserver les équilibres locaux et à garantir aux salariés un droit au refus, une majoration de salaire et un repos compensateur ? (Applaudissements sur les bancs UMP)

M. Xavier Bertrand, ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité .  - Oui, il est temps de faire bouger les choses. (Protestations sur les bancs CRC)

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Oui, de travailler sept jours sur sept !

M. Xavier Bertrand, ministre.  - Les conservateurs de tout poil (protestations à gauche) refusent encore de regarder la réalité en face.

M. Jean-Luc Mélenchon.  - Nous défendons des droits.

M. Xavier Bertrand, ministre.  - La réalité, c'est que sept millions de français travaillent le dimanche. Les hôpitaux sont-ils fermés le dimanche ? Et les cinémas, et les restaurants ?

Notre objectif est, comme c'est déjà le cas dans certaines zones touristiques bien définies, d'autoriser les magasins à ouvrir le dimanche moyennant, pour les salariés, des garanties inscrites dans la loi. Pour les salariés, il faut que le jeu en vaille la chandelle et c'est pourquoi ils seront assurés d'être payés double ce jour-là.

Certaines enseignes en ont assez de payer ou d'être menacées de payer des astreintes. Beaucoup d'entre elles vont donc fermer et des milliers de salariés vont perdre leur revenu ou leur emploi.

Certains cherchent à faire peur en faisant croire qu'il est question de faire travailler tous les Français le dimanche et d'ouvrir tout le dimanche, y compris les crèches. Le problème, c'est que, ce jour-là, certains parents n'ont pas de solution de garde. Je pose donc une question tandis que d'autres, par peur d'avancer, se réfugient dans le conservatisme. C'est une question de droit du travail mais aussi de droit au travail. (Vifs applaudissements à droite)

Réforme des collectivités territoriales

M. François Patriat .  - Le rapport Warsmann ouvre le débat sur la réforme des collectivités locales : c'est le « big bang territorial ». Mais ce débat s'ouvre d'une façon désordonnée, confuse, voire obscure. Monsieur le président, vous avez fait de cette réforme une de vos priorités. C'est aussi une priorité du Président de la République, de parlementaires comme MM. Perben et Méhaignerie, ainsi que des deux assemblées. Le groupe UMP a tenu une réunion sur ce sujet.

Cette réforme peut être intéressante, voire nécessaire, mais elle doit viser la pertinence, la lisibilité et l'efficacité de nos territoires. Dès lors, il est illégitime d'utiliser ce débat pour mettre en cause la gestion de certaines collectivités d'opposition. Nos collectivités locales participent pour 11 % à la dette publique, mais pour plus de 73 % aux investissements civils. (Applaudissements à gauche) La fiscalité des régions ne représente que 0,2 % du PIB des régions.

Il faut supprimer les doublons, certes, mais pas forcément en supprimant tout un étage. Avec le comité Balladur, avec le rapport Warsmann, la messe semble pourtant être dite. Quel est donc le scénario du Gouvernement ? Quels sont ses scénarii ? S'agit-il de supprimer un échelon des collectivités locales ou bien de clarifier leurs compétences en leur attribuant des ressources pérennes ?

Si vous ne répondiez pas, cela montrerait que cette réforme est d'abord une façon d'accuser les collectivités d'opposition ou de détourner l'attention des Français de la crise et de la récession qui menace. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales   - (Applaudissements à droite) Je vais vous répondre, et clairement. Sur tous les bancs, chacun reconnaît que notre organisation territoriale et son système de financement sont lourds et complexes, voire incompréhensibles pour les citoyens et parfois pour les élus. On ne sait plus qui fait quoi ni qui finance quoi. Depuis quelques semaines, il y a eu tant de déclarations diverses sur cette réforme que le Président de la République nous a demandé de lancer le chantier rapidement afin que 2009 soit l'année de la réforme tant des structures que de la fiscalité locale. Cette réforme sera menée en toute transparence, avec la volonté de consulter tous les échelons et, bien entendu, les parlementaires, sans esprit partisan. En particulier, il n'y a aucun a priori sur la disparition de tel ou tel échelon, en l'occurrence le département qui, comme je l'ai entendu dire, serait menacé. L'objectif est de travailler ensemble pour parvenir à une organisation lisible, efficace, satisfaisante, tant pour les élus que pour les citoyens, et à une meilleure gestion des ressources publiques qui ne sont pas extensibles à l'infini. Je vous propose donc de transcender les intérêts particuliers pour trouver une organisation territoriale qui réponde au mieux aux besoins des citoyens et assure l'avenir de nos territoires. (Applaudissements à droite)

Dotation de solidarité urbaine

M. Hugues Portelli .  - La réforme envisagée de la DSU comporte essentiellement la suppression du critère des logements sociaux et risque d'aggraver les inégalités...

Mme Nicole Bricq.  - C'est vrai.

M. Hugues Portelli.  - ...alors que cette dotation avait été instituée pour améliorer la situation des communes urbaines en difficulté.

Aujourd'hui, 715 communes bénéficient de la DSU ; 238 risquent d'en être privées demain et de voir leurs ressources amputées au moment où, en Ile-de- France, le fonds de solidarité est peu à peu épuisé par les transferts fiscaux massifs des communes riches vers les intercommunalités qu'elles ont créées et la diminution des contrats urbains de cohésion sociale.

On dit qu'il faut mettre fin au saupoudrage ; mais la suppression du critère des logements sociaux est contradictoire avec la volonté de l'État de rénover les quartiers. On oublie en outre que de nombreux locataires ne perçoivent pas d'aide au logement ; relevant de la politique de solidarité, ils ne figureront pas dans le nouveau calcul.

Pour nombre de communes, la disparition de la DSU entraînera la suppression de services, voire, ce qui est impossible pour elles, l'augmentation de leur fiscalité. Estimez-vous donc nécessaire de donner suite à ce projet ? (Applaudissements sur certains bancs à droite et socialistes)

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales .  - Le but de la DSU, c'est d'aider les communes les plus pauvres et celles qui connaissent le plus de difficultés. Quand 75 % des villes de plus de 10 000 habitants en bénéficient, on peut parler de saupoudrage. L'efficacité et la solidarité ne sont pas au rendez-vous. C'est la raison pour laquelle le Président de la République a demandé, en février dernier, une réforme afin de recentrer la DSU sur ses finalités.

Le problème est de choisir les bons critères. Je rappelle que c'est le Comité des finances locales, et non l'État, qui a proposé, dès 2004, de remplacer le critère « logements sociaux » par le critère « bénéficiaires d'une aide au logement » -c'est bien qu'il y avait un problème. Il est vrai que certaines personnes habitent dans un logement social sans percevoir d'aide au logement et que d'autres en perçoivent une sans habiter dans un logement social. Je suis ouverte à la discussion pour ajuster les critères et, pourquoi pas ?, réintroduire certains éléments. Tout est affaire de dosage. J'ai donc proposé à la dernière réunion du comité d'affiner cette question au sein d'un groupe de travail.

Je dis enfin aux villes qui ne seront plus demain éligibles à la DSU, dont je comprends l'inquiétude, que la sortie du dispositif se fera en sifflet et qu'elles auront du temps pour aménager leur budget en conséquence.

Nous allons travailler en pleine concertation afin de trouver des solutions qui répondent aux finalités de la DSU et aux contraintes dont, en tant qu'élue locale, j'ai pris la mesure. (Applaudissements à droite)

Suicides en prison

Mme Jacqueline Panis .  - (Applaudissements à droite) La situation dans nos prisons est préoccupante. Alors qu'entre 1997 et 2002, sous le gouvernement Jospin (mouvements divers à gauche), le nombre de places avait diminué de 4 %, vous avez fait bouger les choses, madame la Garde des sceaux, vous avez décidé de construire de nouvelles prisons et augmenté fortement les crédits de fonctionnement de l'administration pénitentiaire. Les progrès restent malgré tout insuffisants ; on ne compte encore que 51 000 places pour 64 250 détenus.

Quatre-vingt-sept détenus se sont suicidés en prison depuis le début de l'année ; le dernier, à Metz, avait 16 ans. Vous vous êtes rendue sur place, madame la Garde des sceaux. Que pensez-vous faire à propos de l'incarcération des jeunes en termes d'aménagement de peines et d'alternatives à l'emprisonnement ? Qu'allez-vous faire pour prévenir les suicides en prison ? (Applaudissements à droite)

Mme Rachida Dati, garde des sceaux, ministre de la justice .  - Je m'associe à la douleur des familles des deux adolescents qui se sont suicidés à Metz et à Strasbourg. Le suicide d'un jeune est toujours un drame et la marque d'un échec pour la société ; c'est aussi un drame pour l'administration pénitentiaire et l'institution judiciaire, dont je salue les personnels qui exercent une mission difficile dans des conditions qui le sont tout autant. Je salue aussi les magistrats qui traitent au quotidien des réalités complexes.

J'entends dire parfois qu'un mineur n'a rien à faire en prison ; s'il l'est, cependant, c'est qu'il a commis une infraction de nature criminelle. Les mineurs incarcérés sont aujourd'hui 697 pour 1 200 places, leur nombre a diminué de 4 % en un an, ce qui prouve que nous faisons davantage pour la prévention. Cela dit, malgré la baisse de la délinquance générale et de voie publique, malgré celle des atteintes aux personnes, la délinquance des mineurs ne diminue pas parce que nous ne disposons pas des outils juridiques pour la réprimer de façon adaptée. Nous devons aussi revoir nos procédures pour mieux la prévenir. Nous ne pouvons pas plus nous satisfaire de voir un mineur tomber dans la délinquance que de le voir, une fois incarcéré, se suicider.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Sur cela, nous sommes d'accord !

Mme Rachida Dati, garde des sceaux.  - J'ai demandé à l'inspection de me faire connaître, après auditions, les circonstances des derniers drames, dont je tire deux leçons. Il faut d'abord prendre toutes les dispositions pour mieux prévenir le suicide en prison.

Il faut ensuite disposer d'outils pour prévenir de telles situations. C'est pourquoi j'ai signé le jour même un décret qui a été publié dès le lendemain afin que tout mineur soit présenté à un magistrat avant d'être incarcéré -c'est notre conception du droit. Le mineur, qui avait été condamné à six mois d'emprisonnement, n'avait pas comparu en personne et, lorsqu'il avait été interpellé dans une cave, on n'avait pu joindre ni parents ni famille.

Deuxième décision, nous avons anticipé une mesure qui devait figurer dans la loi pénitentiaire pour que dès le 1er novembre, une grille d'évaluation du risque suicide soit distribuée aux directeurs d'établissements pénitentiaires et que là où il y a un service médical, un médecin référent soit dédié aux mineurs.

Ces drames doivent tous nous mobiliser, sans polémiques. L'incarcération est parfois nécessaire...

Mme Raymonde Le Texier.  - Des mineurs n'ont pas de famille !

Mme Rachida Dati, garde des sceaux.  - Quand il n'y a pas de famille ni de repères, l'État doit assumer son rôle ! Or la vérité est qu'entre 1997 et 2002, on a détruit des places de prison alors que la délinquance augmentait et que nous avons construit 13 200 places alors qu'elle diminuait. (Applaudissements à droite)