Règlement des comptes et rapport de gestion pour l'année 2007 (Conclusions de la CMP)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la discussion des conclusions du rapport de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi de règlement des comptes et rapport de gestion pour l'année 2007.

M. Paul Girod, en remplacement de M. Philippe Marini, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire.  - (Applaudissements à droite et au centre) J'ai en cet instant quelques états d'âme car, remplaçant M. le rapporteur général, l'occasion m'est donnée de monter pour la dernière fois à cette tribune pour présenter un texte un peu particulier et dans des conditions un peu particulières.

Depuis 1958, c'est la troisième fois qu'une loi de règlement donne lieu à une commission mixte paritaire ou à une deuxième lecture. Il y eu la loi de règlement du budget de 1983, censurée en 1985 pour des raisons de forme par le Conseil constitutionnel, et la loi de règlement pour 1998 discutée au Sénat seulement en juin 2001 et qui fit l'objet d'une deuxième lecture.

Ce soir, nous discutons d'une loi dont l'intitulé a été modifié, conformément au souhait de notre commission des finances pour témoigner de la nouvelle importance donnée par la Lolf à la loi de règlement qui n'a plus simplement pour objet de donner un quitus de nature comptable mais qui doit attester de la sincérité des écritures comptables, sur la base des diligences de la Cour des comptes, et apprécier la performance de l'action publique.

La loi de règlement des comptes est bien ce « moment de vérité budgétaire » où le Parlement peut évaluer globalement et publiquement l'efficacité de la gestion des différents ministres. C'est pourquoi votre commission a organisé treize auditions en « petit hémicycle » et publié sous la signature des rapporteurs spéciaux un fascicule faisant une analyse critique des rapports de performance fournis par l'administration. On cesse ainsi de donner plus d'importance aux déclarations d'intention qu'aux réalisations, appréciées en fonction de critères de performance aussi objectifs que possible. La loi de règlement n'est plus une simple formalité mais un acte essentiel qui permet de bâtir la discussion budgétaire de l'année n+1.

La loi de règlement des comptes donne aussi l'occasion d'améliorer les moyens de contrôle du Parlement. C'est d'ailleurs ce qui était en question dans les trois articles encore en navette, sur lesquels la commission mixte paritaire est parvenue à un accord équilibré. A l'article 7 bis, les députés ont approuvé une initiative de nos collègues Fréville et Trucy, pour améliorer l'information du Parlement sur le coût des grands programmes d'armement. L'article 9 bis, relatif à la transmission au Parlement des référés de la Cour des comptes, a fait l'objet d'un compromis en commission mixte paritaire. Se fondant sur des cas concrets, le Sénat avait voulu réduire le délai de transmission des référés de la Cour des comptes de trois à deux mois et rendre obligatoire la communication des observations définitives de la Cour des comptes. L'Assemblée nationale avait émis des réserves à cause du nombre des observations et parce que le caractère systématique de la communication de ces observations pourrait affecter le fonctionnement interne de la Cour des comptes. Un compromis a été trouvé par l'introduction de la mention « à la demande » des commissions des finances, qui réduit en fait l'obligation de communication des observations définitives aux seuls cas où il y a transmission d'un référé au Parlement. Cette rédaction est satisfaisante dans la mesure où il s'agissait de permettre aux commissions des finances de disposer des éléments nécessaires pour apprécier la portée de référés souvent trop succincts.

Enfin, la commission mixte paritaire a rétabli l'article 10 introduit par l'Assemblée nationale, tendant à créer une annexe récapitulant les mesures fiscales et celles relatives aux cotisations sociales adoptées en cours d'année. Votre commission des finances ne voulait pas interférer avec le débat engagé à l'occasion de la réforme constitutionnelle sur l'introduction d'un éventuel « domaine réservé » des lois de finances et des lois de financement de la sécurité sociale en matière de mesures fiscales et de règles d'assiette des cotisations sociales.

La représentation nationale a tranché ; ce principe n'a pas été retenu. Il est vrai que ces informations peuvent être fournies dans un « jaune » classique, même si une modification de la Lolf eût été préférable.

Un dernier mot sur le toilettage de la Lolf. Notre rapporteur général l'a souligné à plusieurs reprises, il conviendrait de remettre sur le métier la loi organique du 1er août 2001. Le renforcement du pouvoir de contrôle, l'amélioration de la qualité de l'information fournie au Parlement ont un but : le redressement de nos finances publiques. La pluri-annualité budgétaire vient d'être inscrite dans la loi fondamentale. Il nous faut améliorer la performance de l'administration et disposer d'une évaluation sincère de l'état des finances publiques. C'est pourquoi il nous faut adapter la Lolf... mais aussi faire preuve de volonté et de courage politique.

Tel est le message que je voudrais exprimer, à l'issue des années que j'ai passées à la commission des finances. La lutte contre les déficits et la dette n'est pas une nécessité imposée de l'extérieur au nom de l'euro, elle est un effort de longue haleine qu'il nous faut entreprendre si nous voulons éviter de n'être que les gestionnaires passifs et résignés du déclin de notre pays. C'est ainsi que nous pourrons préparer l'avenir tout en restant fidèles à la mission que le Sénat s'est toujours assignée. (Applaudissements et « Bravo ! » au centre et à droite)

M. André Santini, secrétaire d'État chargé de la fonction publique.  - L'examen du projet de loi de règlement devient un temps important du débat parlementaire, au cours duquel le Gouvernement rend des comptes et justifie de ses résultats. Votre Assemblée a une fois de plus montré sa vigilance et organisé un grand nombre d'auditions.

Ce regard en arrière est primordial pour éclairer le chemin de l'avenir ; c'est bien là tout le sens du « chaînage vertueux » entre discussion du projet de loi de règlement, débat d'orientation des finances publiques et présentation du projet de loi de finances suivant. Pour la première fois cette année, une CMP s'est réunie : il ne faut pas y voir un désaccord entre les assemblées mais la volonté d'améliorer sans relâche l'information du Parlement. (M. le président de la commission le confirme) Les trois articles qui restaient en discussion concernaient la capacité d'évaluation et de contrôle de l'action publique.

Permettez-moi de remercier le rapporteur pour son travail remarquable.

M. Paul Girod, rapporteur.  - C'est le rapporteur général qu'il faut remercier !

M. André Santini, secrétaire d'État.  - Mais j'ai cru comprendre, cher Paul Girod, que cette séance au Sénat était pour toi la dernière. Je veux donc saluer ton rôle, ton implication et ton travail au Sénat depuis plus de trente ans, puisque tu as rejoint la Haute assemblée le 7 mai 1978 ! Tu as été le père de l'économie mixte et je ne l'ai pas oublié. J'imagine ton émotion ce soir et veux te dire notre gratitude. (Applaudissements)

Je vous indique que le Gouvernement reçoit favorablement les conclusions de votre commission mixte paritaire. (Applaudissements au centre et à droite)

M. Thierry Foucaud.  - Nous avons indiqué déjà notre rejet des principes et du contenu de ce texte. Nous nous étions opposés à la loi de finances initiale, marquée par une logique malthusienne en matière de dépenses publiques ; et nous avons mené, l'été venu, le combat contre la loi Tepa, forme de collectif budgétaire. Pour le reste, contrairement aux prévisions, la croissance économique n'a pas vraiment été au rendez-vous en 2007. Une partie du déficit de l'État ayant été habilement dissimulée dans les comptes sociaux, le solde budgétaire a été quelque peu corrigé... Quant aux collectivités locales, elles ont été montrées du doigt alors que leurs difficultés sont liées à la hausse des taux d'intérêt -qui obère aussi leur capacité d'investissement, essentielle pour l'activité économique. En 2008, des difficultés nouvelles sont apparues : lourd déficit du commerce extérieur, déficit budgétaire frôlant déjà les 50 milliards d'euros. Les indicateurs d'activité sont préoccupants et l'Insee annonce que la consommation des ménages en produits manufacturés est en baisse de 0,4 % en juin, soit une stagnation depuis le début de l'année. Si la France est « en mouvement », elle préfère les transports en commun à la voiture individuelle !

La loi Tepa et d'autres dispositions prises depuis pour soutenir la consommation n'ont pas compensé le renchérissement de l'énergie, des carburants, des loyers. Et le déblocage autorisé de la participation des salariés, au moment où le CAC 40 était en chute libre, n'a pas eu l'impact escompté.

Cette loi de finances 2007 n'a pas répondu aux besoins exprimés par les ménages salariés. Elle s'est doublée d'une nouvelle mise en cause du service public et l'amplification des suppressions d'emplois publics.

L'article 14 de la loi de règlement créant deux nouvelles annexes participe de la volonté affichée par certains, lors du débat sur la révision constitutionnelle, d'encadrer plus nettement le recours à l'arme fiscale dans les lois ordinaires. C'est remettre en cause la possibilité de jouer sur l'incitation fiscale pour mener une politique. Il est vrai qu'avec 73 milliards d'euros de dépense fiscale, 12 milliards d'exonérations de taxe professionnelle, 30 d'allégements de cotisations sociales patronales, il serait peut être temps de voir où l'on va ! L'ensemble de ces mesures, 110 milliards d'euros, représente plus de deux fois le déficit budgétaire ! Nous pourrions approuver le principe de ces annexes. Mais l'important n'est pas de connaître au centime près les engagements : il faut surtout réduire la dépense fiscale sous bénéfice d'inventaire et de mesure d'efficience ! La politique de l'emploi ne peut se borner à inciter à la création d'emplois tertiaires précaires ou à temps partiel. Nous ne pouvons maintenir la TVA à 19,6 % dans la restauration pour que McDonald's puisse conserver un avantage comparatif scandaleux face aux restaurateurs traditionnels.

Les milliards gaspillés dans la dépense fiscale et les politiques de coût du travail doivent être recyclés en dépense publique utile, productrice de croissance et d'emplois. Quand vous serez arrivés à la même conclusion, peut-être pourrons-nous voter une loi de règlement. Celle-ci, nous ne la voterons pas.

M. Jean Arthuis, président de la commission.  - Pour Paul Girod, c'est un moment d'émotion. Il est monté pour la dernière fois à la tribune et nous voulons lui exprimer en cet instant notre estime, notre reconnaissance...

M. Denis Badré.  - Notre affection !

M. Jean Arthuis, président de la commission.  - ...et notre amitié. Il a été depuis trente ans un pilier du Sénat, de la commission des lois, puis de celle des finances, puis à nouveau de la commission des lois parce que l'usage interdit de cumuler les fonctions de vice-président et de membre de la commission des finances. Paul Girod nous est revenu, aux finances, depuis quelques années et il a pris une part active à la mise en oeuvre de la loi organique sur les lois de finances. Je salue son extrême vigilance de rapporteur spécial.

Philippe Marini, ayant eu la grande délicatesse de partir en mission à l'étranger, a permis à M. Girod de revêtir les habits de rapporteur général ce soir, ce qu'il a fait avec son brio habituel.

Nous lui souhaitons une très heureuse fin de mandat.

En effet, il a choisi de ne pas solliciter à nouveau les grands électeurs de l'Aisne.

Cher Paul, il y a une grande et belle vie après le Sénat ! (Applaudissements sur tous les bancs)

M. le président.  - Nous nous associons tous à l'émouvant hommage que le président de la commission des finances vient de rendre.

Je rappelle qu'en application de l'article 42, alinéa 12, de notre Règlement, le Sénat, examinant après l'Assemblée nationale les conclusions de la commission mixte paritaire, se prononce par un seul vote sur l'ensemble du texte.

Les conclusions de la commission mixte paritaire sont mises aux voix par scrutin public de droit en application de l'article 59 du Règlement.

M. le président.  - Voici les résultats du scrutin :

Nombre de votants 326
Nombre de suffrages exprimés 316
Majorité absolue des suffrages exprimés 159
Pour l'adoption 191
Contre 125

Le Sénat a adopté. (Applaudissements à droite)

M. Paul Girod, rapporteur.  - Je vous remercie pour la sympathie que vous m'avez manifestée tout à l'heure et vous dis l'amitié que j'éprouve au fond de mon coeur. (Applaudissements prolongés sur l'ensemble des bancs)

La séance, suspendue à 22 heures 35, reprend à 22 h 40.