Immigration, asile et intégration

M. le président.  - Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Immigration, asile et intégration ».

Orateurs inscrits

M. André Ferrand, rapporteur spécial de la commission des finances.  - Cette nouvelle mission, dont nous examinons les crédits ce matin, correspond à la traduction budgétaire de la création du ministère de l'immigration.

Pour la commission des finances, ce ministère devra être celui de la réforme administrative. La coordination des administrations chargées de l'immigration et de l'intégration est une nécessité. Dans un rapport de novembre 2004, la Cour des comptes dénonçait « l'absence de pilotage » en ce « domaine sensible », laquelle « n'a pas été étrangère à l'incapacité à définir une politique claire de l'immigration ». Votre ministère aura la tâche difficile de faire travailler ensemble des administrations aux traditions parfois antagonistes.

En tant que ministre de la modernisation, il vous faudra renforcer la tutelle financière sur les opérateurs de cette mission afin d'améliorer leur gestion.

La question de la répartition des tâches entre l'Agence nationale pour l'accueil des étrangers et des migrations, l'Anaem, et l'Agence pour la cohésion sociale et l'égalité des chances, l'ACSE, et des objectifs qui leur sont assignés devra être tranchée. Ainsi, en matière de formation linguistique, les deux agences ont affaire au même public bien que l'Anaem soit en théorie chargée des primo-arrivants, et l'ACSE des personnes présentes sur le sol français depuis plus d'un an. Au reste, les opérateurs gagneraient à se professionnaliser. Enfin, leur gestion n'est pas conforme aux prescriptions de la Lolf. Pour exemple, l'Anaem ne dispose pas de comptabilité d'engagement, ce qui empêche de savoir si ses ressources sont conformes à ses besoins. Cette anomalie doit être corrigée. Je vous proposerai un amendement visant à réduire le fonds de roulement de cet organisme qui représente 62 millions sur 134 millions de budget en 2007.

La Cour nationale du droit d'asile devra être réformée, les délais d'examen des recours étant actuellement trop longs. Une réduction du nombre de formations de jugement -elles sont 130 !-, et une professionnalisation des présidents de ces formations sont incontournables.

Ministre de la maîtrise de l'immigration, vous êtes aussi chargé d'attirer les talents sur notre territoire. Pour atteindre l'objectif de 50 % d'immigration économique fixé par la lettre de mission du Président de la République, il faudra construire une administration de l'immigration économique performante et accueillante. Pour mesurer vos résultats, des objectifs et indicateurs de performance devront être présentés au Parlement dans le prochain budget. Au-delà du taux de migrants économiques, je propose de créer des indicateurs de simplification administrative et des indicateurs plus qualitatifs sur la base d'enquêtes relatives à l'accueil dans les services des visas et des préfectures.

Enfin, monsieur le ministre, vous êtes le ministre de l'intégration, autre pilier de la politique de l'immigration. Sur ce point, la quasi-totalité des actions est déléguée à l'ACSE, pour un peu plus de 100 millions, qui financent plus de 4 800 associations. Or le Parlement ne peut juger des actions entreprises en l'absence d'indicateurs. L'ACSE, consciente de ce besoin d'évaluation, a commandé des audits sur les principales associations qu'elle finance en 2006. Ces dernières, en sus d'un certain essoufflement de leur vie associative, peinent à concentrer leurs actions sur la lutte contre les discriminations. Cette situation devra être améliorée.

Sous le bénéfice de ces remarques et des trois amendements que je vous présenterai, je vous propose d'adopter les crédits de cette mission. (Applaudissements à droite et au centre)

M. Jean-Guy Branger, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères.  - Le programme « garantie de l'exercice du droit d'asile » comprend les crédits dévolus à l'office pour les réfugiés et les apatrides, l'Ofpra, à la commission de recours des réfugiés, qui étaient auparavant sous la tutelle de la direction des Français à l'étranger et des étrangers en France du ministère des affaires étrangères. L'Ofpra, dont le fonctionnement s'est amélioré ces dernières années grâce à un renforcement notable de ses moyens humains, a toujours fonctionné comme un service à part. Ses personnels sont davantage des spécialistes des pays d'origine des réfugiés que des diplomates. Pour les membres des corps du ministère, la tutelle est maintenue ; une convention de délégation de gestion permettra leur rémunération.

Le délai d'un mois pour faire appel d'une décision de l'Ofpra n'a pas été modifié par la loi sur l'immigration du 20 novembre. La subvention attribuée à l'office, qui a doublé depuis la loi sur l'asile de 2003, est de 43 millions dans ce budget et 370 équivalents temps plein travaillé lui sont affectés, dont 137 sont transférés du ministère des affaires étrangères. L'augmentation des moyens, conjuguée à une baisse des demandes d'asile -elles sont passées de 57 700 à 26 300 de 2004 à 2006 pour les personnes majeures-, a permis de réduire la durée d'instruction des dossiers d'une vingtaine de jours de 2004 à 2007 ainsi que le stock des dossiers en instance pour s'établir à deux mois d'activité en 2006. Le nombre de demandes de réexamen par la commission de recours des réfugiés a été également réduit de 31 % entre 2003 et 2006. Cependant, on peut s'interroger sur le caractère durable de cette amélioration avec l'augmentation des demandes émanant de ressortissants bangladais, chinois ou serbes début 2007 et la pression exercée par les populations des pays de l'Est non membres de l'Union et des pays les plus troublés des Balkans.

Le Haut commissariat pour les réfugiés estime à 660 400 le nombre des demandeurs d'asile dans le monde en 2005, dont la moitié en Europe. Si le flux est aujourd'hui stabilisé en France, autour de 26 000 demandes, le nombre de recours devant être traités dans le délai d'un mois ne cesse en revanche d'augmenter, traduisant le rôle positif d'information que jouent les associations. Mais fonctionnellement, la charge de travail de la Commission de recours des réfugiés s'en trouve alourdie et la durée de séjour sur notre territoire de personnes dont le sort reste incertain inutilement allongée. Il serait souhaitable que le ministre de l'immigration veille au bon fonctionnement tant de l'Ofpra que de la Commission des recours et augmente, si nécessaire, leurs moyens.

Sous ces réserves, la commission des affaires étrangères vous propose d'adopter les crédits de la mission « Immigration, asile et intégration ». (Applaudissements à droite et au centre)

M. François-Noël Buffet, rapporteur pour avis de la commission des lois.  - Après avoir longtemps balancé entre le mythe de « l'immigration zéro » et une certaine résignation à subir les bouleversements de notre monde, notre pays, depuis 2003, se dote progressivement d'une politique migratoire.

Si du chemin reste à parcourir pour passer d'une politique de maîtrise des flux à une politique visant, dans un espace européen ouvert, à leur pilotage, la création d'un ministère unique, qui réunit enfin l'ensemble des administrations concernées, autrefois éclatées entre différents ministères, marque une étape importante.

La création de la mission « Immigration, asile et intégration », traduction budgétaire de cette réforme fondamentale, est aussi cohérente avec l'approche globale développée par l'Union européenne.

J'insiste sur la nécessité, monsieur le ministre, de disposer, ainsi que le préconisait déjà la commission d'enquête sénatoriale sur l'immigration clandestine, d'éléments statistiques sérieux et sur celle de poursuivre dans la voie de la promotion de l'immigration professionnelle. Comment s'organisera à l'étranger la promotion de nos besoins de main-d'oeuvre : sont-ce nos consulats, nos missions économiques ou encore l'Anaem qui en auront la charge ? Disposez-vous d'un premier bilan des besoins de main-d'oeuvre qui ont pu être satisfait grâce à l'ouverture de certains métiers aux ressortissants des nouveaux États membres de l'Union européenne ?

La mission « Immigration, asile et intégration », équilibrée et cohérente, ne couvre cependant pas l'ensemble de vos compétences. Les services déconcentrés comme les services des visas, ceux des étrangers dans les préfectures ainsi que la police aux frontières n'y figurent pas, alors même que vous avez autorité conjointe sur certains. La réhabilitation d'une vision positive de la politique de l'immigration, trop longtemps cantonnée à des tâches de maîtrise des flux et de gestion des demandes, passe par une rénovation administrative. Il y faudra du temps et du doigté, mais je ne doute pas de votre détermination.

Dans les crédits relatifs à l'exercice du droit d'asile, qui représentent les trois quarts des crédits du programme « immigration et asile », ceux qui sont alloués à l'Ofpra devraient diminuer de 5 % afin de tenir compte de la très forte baisse des premières demandes d'asile depuis trois ans. Cette baisse reste modérée, et il ne serait pas de bonne méthode de réduire trop brutalement les moyens de l'Ofpra, car les fluctuations imprévisibles de la demande risquent de grossir, comme en 2002, le stock des affaires en cours au prix d'un allongement de la durée des procédures et donc des frais d'hébergement et de prise en charge des demandeurs.

Pour assurer l'autonomie de la Cour nationale du droit d'asile, anciennement dénommée Commission des recours des réfugiés, vous avez pris l'engagement, monsieur le ministre, de consacrer son autonomie budgétaire dès 2009 en distinguant son budget de celui de l'Ofpra. Cette réforme doit s'accompagner d'une réflexion plus globale sur le fonctionnement de la Cour.

Je salue le succès du nouveau contrat d'accueil et d'intégration. Ayant assisté à une journée d'accueil de primo-arrivants sur la plate-forme de l'Anaem à Paris, j'ai pu constater que les signataires apprécient le déroulement de cette journée, qui permet de poser les jalons de leur intégration. Ce succès, il faut le conforter. Certains prestataires, notamment des cours de langue, ne seraient pas toujours aussi performants qu'ils le devraient. Pouvez-vous nous préciser, monsieur le ministre, où en est la démarche d'évaluation et si des mesures ont été prises pour remédier au problème ?

L'année 2008 sera une année européenne. Le Président de la République a fait de l'immigration une priorité de la présidence française. L'organisation d'une nouvelle conférence euro-africaine permettra à la France de mettre en avant l'expérience de ses accords bilatéraux de gestion concertée des flux migratoires. Il serait souhaitable, monsieur le ministre, que la représentation nationale soit tenue informée des avancées sur le projet de pacte européen des migrations.

Quelques mots de la situation des mineurs étrangers isolés en France, sur lesquels je me suis plus particulièrement penché dans mon rapport. Les conditions matérielles et juridiques de leur arrivée à Roissy se sont, depuis quelques années, sensiblement améliorées. Mais la prise en charge des quelque 5 000 mineurs isolés se trouvant sur le territoire français reste inégale, la diversité des profils expliquant pour partie ce constat. Je tiens toutefois à saluer le travail effectué par le lieu d'accueil et d'orientation (LAO) de Taverny, géré par la Croix-Rouge. La plupart des mineurs qui y passent parviennent, à leur majorité, à être régularisés en raison de leur bonne insertion. Autre piste à explorer : le développement de partenariats avec des entreprises françaises intervenant dans les pays d'origine de ces mineurs ou jeunes majeurs, notamment dans le BTP. Elles pourraient soutenir la formation de ces jeunes en vue de leur embauche dans le pays d'origine, tandis que leur retour, à leur majorité, serait contractualisé et s'inscrirait dans un projet de réinsertion.

Sous le bénéfice de ces observations, la commission des lois vont invite à adopter les crédits de cette mission. (Applaudissements à droite et au centre)

Mme Catherine Tasca.  - Si depuis l'entrée en vigueur de la Lolf, l'architecture des missions qui composent le budget de l'État a subi un certain nombre d'ajustements, la création d'une mission nouvelle relevant d'un ministère nouveau est inédite. L'ensemble des crédits concourant aux politiques d'immigration, d'asile et d'intégration relevaient jusqu'alors des missions « Solidarité et intégration », « Sécurité » ou « Action extérieure de l'État », et dépendaient de quatre ministères. L'examen du budget du nouveau ministère n'est donc pas aisé, faute de nomenclature de référence.

Je regrette que l'asile, qui relève du droit international et est protégé par la Convention de Genève de 1951, ne soit plus qu'une composante des crédits consacrés à l'immigration et un instrument de régulation des flux. Les crédits de l'action 2, relative à la garantie de l'exercice du droit d'asile, diminuent de 4,1 % en autorisations d'engagement et 3,7 % en crédits de paiement. Certes, l'Ofpra est parvenu à résorber une grande part du stock des demandes, mais les délais de traitement restent plus proche des cent jours que des soixante, objectif pourtant fixé par la loi de finances pour 2007.

À une diminution des crédits tenant compte de la baisse constatée des demandes d'asile s'ajoute une réduction supplémentaire de 10 % bien imprudente alors que la multiplication des conflits régionaux, en République du Congo, au Liban, en Tchétchénie, et la guerre en Irak risquent de provoquer un afflux massif de réfugiés.

La France, au titre de ses obligations liées à la Convention de Genève du 28 juillet 1951 et au Protocole de New-York du 31 janvier 1967 relatifs au statut des réfugiés, doit assurer la prise en charge sociale des personnes qui demandent à accéder à ce statut, tout au long de l'instruction de leur dossier par l'Ofpra et la Commission de recours des réfugiés, en assurant leur hébergement en centre d'accueil pour demandeurs d'asile ou, à défaut de places disponibles, par le versement d'une allocation temporaire d'attente. Alors que le budget 2007 prévoyait la création de 1 000 places, aucune création n'est prévue cette année, fait regrettable quand on sait qu'un demandeur d'asile hébergé en centre d'accueil a quatre fois plus de chances qu'un autre d'obtenir le statut de réfugié. Et il n'est toujours pas prévu de création à Paris, ville qui compte pourtant le plus grand nombre de réfugiés !

Nous déplorons aussi l'absence d'efforts réels en faveur de l'intégration. Le Président de la République, au cours de son allocution télévisée de jeudi dernier, s'exprimant à propos des violences à Villiers-le-Bel, faisait du défaut d'intégration l'une des causes du malaise social des banlieues.

Notre cohésion nationale dépend davantage des efforts d'intégration que de la promotion de ce qui serait notre identité nationale. Qu'en est-il de l'intégration dans votre budget, monsieur le ministre ?

La mission « accueil des étrangers et intégration » échoit pour l'essentiel à l'Anaem dont la subvention baisse de 10 %. Ce budget devrait lui permettre d'assurer l'accueil des étrangers et les formations prévus dans le cadre de l'actuel contrat d'accueil et d'intégration, l'évaluation, dans le pays d'origine, de la connaissance de la langue française et des valeurs de la République et, enfin, la formation gratuite de 140 heures des étrangers ne connaissant pas suffisamment le français ni ses valeurs et la formation aux droits et devoirs parentaux induite par l'entrée en vigueur du contrat d'accueil et d'intégration familiale. Or actuellement il faut attendre des semaines et des mois pour trouver une place auprès des associations qui initient à la langue française : l'Anaem est insuffisamment dotée. L'augmentation de la taxe sur les attestations d'accueil payée par les étrangers, qui passe de 30 à 45 euros, ne compense pas la baisse de sa subvention concomitante à l'augmentation de ses missions induite par la dernière loi sur l'immigration. Ces moyens en diminution traduisent-ils l'approche purement comptable de l'immigration que votre Gouvernement, ainsi que la Commission européenne, veulent désormais privilégier en instaurant des quotas selon le métier et la nationalité ? Je refuse une telle politique de l'immigration sélective : il faut prendre en compte les besoins d'intégration, d'emploi et de cohésion sociale. J'espère que la Charte européenne de l'immigration que vous proposez de créer lors de la présidence française ira dans ce sens.

Les crédits accordés à la police des étrangers sont conséquents, mais je crains qu'ils ne soient davantage consacrés à la traque des étrangers et à la reconduite à la frontière qu'à l'amélioration des conditions d'accueil des centres de rétention administrative. Comme la Cimade, je suis indignée par les effets dévastateurs de la multiplication du nombre de personnes mises en rétention. La logique du chiffre que vous mettez en oeuvre confine à l'absurde et provoque chaque jour des drames humains.

Je regrette enfin que les contrats de partenariat avec les pays d'origine visent essentiellement à freiner les flux d'immigration et non à éradiquer la misère des pays d'origine. J'espère que vous nous préciserez le contenu des récents accords signés, notamment avec le Bénin.

Objectifs chiffrés de reconduite à la frontière, insuffisance de la coopération avec les pays d'origine, rupture avec la tradition du droit d'asile de la France, restriction des crédits et, surtout, absence de politique réelle de l'intégration, c'est toute votre politique de l'immigration qui est à revoir. Le groupe socialiste votera contre votre projet de budget.

M. Christian Cambon.  - Votre ministère de plein exercice, inédit dans l'histoire de la Ve République, illustre une ambition que le ministre d'État Nicolas Sarkozy avait appelée de ses voeux et que, Président de la République, il a réalisée. Son intitulé révèle la cohérence de la nouvelle politique.

L'immigration, l'une des préoccupations majeures de nos concitoyens depuis plus de vingt-cinq ans, a acquis une dimension européenne et internationale. Votre mission, monsieur le Ministre, est de construire une nouvelle politique d'immigration en France qui soit cohérente et équilibrée entre la fermeté à l'égard des immigrés qui ne respectent pas les lois de la République et la protection de ceux qui partagent nos règles et nos valeurs. On ne peut plus traiter de l'immigration sans y associer les questions d'intégration, d'identité nationale et de codéveloppement.

Pour remplir cette mission, encore fallait-il des ressources financières et humaines. Il était temps que la France, à l'image de nombreuses démocraties occidentales, se dote d'une structure de coordination pour rationaliser sa politique d'immigration. Vous avez obtenu les moyens nécessaires. Avec un budget propre et une véritable administration centrale, vous aurez à mener à bien trois objectifs : maîtriser et rééquilibrer les flux migratoires de telle sorte qu'en 2012, 50 % d'entre eux soient d'ordre économique ; intégrer les immigrés légaux ; imposer le codéveloppement comme une nouvelle forme d'aide publique au développement.

Les crédits inscrits, à la hauteur des enjeux, permettront la nécessaire maîtrise des flux et l'harmonieuse coexistence entre nos concitoyens. Refusant la solution de facilité consistant à exiger toujours plus de crédits, vous avez élaboré un projet de budget ambitieux, en misant sur des gains de productivité là où cela semble possible.

Le codéveloppement, est la seule solution pour maîtriser, à long terme, les flux migratoires. Je me félicite de la création du programme « codéveloppement » qui marque, comme la mission « Immigration, asile et intégration » un tournant. Ce programme prévoit certaines actions significatives en direction des pays d'origine et, surtout, la signature d'accords de gestion concertée des flux migratoires et de codéveloppement, qui doivent servir nos intérêts autant que ceux de ces pays par l'appui aux projets portés par les diasporas. La migration clandestine vers le Nord se nourrit des déséquilibres du Sud : plus d'un tiers des 900 millions d'Africains vit avec moins d'un euro par jour et la moitié de la population de ce continent a moins de 20 ans. Ce continent représente 65 % des flux réguliers vers la France à des fins de séjour permanent. L'un des enjeux des années à venir est donc de redonner confiance à la jeunesse d'Afrique pour qu'elle comprenne qu'il existe un avenir en dehors de l'émigration. L'objectif est de permettre aux ressortissants des pays d'émigration de mieux vivre chez eux, plutôt que de survivre ailleurs.

La lutte contre l'immigration clandestine est un préalable sur le plan de la dignité humaine ; il est inadmissible que des étrangers, dans un dénuement extrême, soient exploités par des esclavagistes des temps modernes. L'immigration clandestine menace aussi notre cohésion sociale, car elle diffuse dans notre pays un rejet global de l'étranger, source de xénophobie et de racisme.

L'immigration préoccupe également les États de l'Union Européenne, tous affectés par les flux migratoires. Pour la première fois, les députés européens se sont prononcés pour l'harmonisation des procédures de gestion du retour des réfugiés illégaux. A la conférence sur l'immigration légale, à Lisbonne en septembre dernier, le Premier ministre portugais a expliqué que l'Union se trouvait face à « l'immense défi d'une politique visant à faire de l'immigration un processus gagnant pour tous : pour les pays d'accueil, mais aussi pour les pays d'origine et, naturellement, pour les immigrants eux-mêmes ».

Pendant la présidence française, le Gouvernement organisera trois grandes manifestations : la conférence dite Rabat II, une conférence sur l'intégration et une autre sur l'élaboration d'un régime européen d'asile. Parmi vos priorités, vous avez souhaité renforcer les moyens de l'agence Frontex, à laquelle de nombreux partenaires européens reprochent la faiblesse de ses actions concrètes ; ébaucher un régime européen d'asile ; conclure un pacte européen sur l'immigration, qui pourrait notamment affirmer le refus des régularisations massives ; approuver des accords de réadmission et mettre en avant le codéveloppement. Nous nous félicitons de l'annonce par le Président de la République à Rabat de la tenue, dans le cadre de la présidence française, d'une conférence euro-africaine tendant à définir une gestion concertée des flux migratoires entre les deux rives de la Méditerranée.

De même, nous nous félicitons de vos récentes démarches en Afrique et de l'augmentation des enveloppes destinées à la poursuite des accords de partenariat. Combien de ces accords de gestion concertée des flux migratoires ont-ils été signés depuis 2007 ? Combien avez-vous l'intention d'en signer en 2008 ? En quoi consistent-ils et comment choisissez-vous les pays ? Qu'en est-il du volet « réadmission et codéveloppement » ? Je pense notamment à celui que vous venez de signer avec le Congo et, tout récemment, avec le Bénin. Enfin, quelles sont les sanctions en cas de non respect d'un accord ?

Le candidat Nicolas Sarkozy a au le courage d'affronter le problème, faisant des propositions concrètes parmi lesquelles la création de votre ministère. Que de cris d'orfraie n'a-t-on pas entendus de la part de ces bonnes consciences de tout poil qui n'avaient rien fait quand elles étaient aux affaires ?

La majorité du pays quant à elle était en phase avec vos propositions fermes mais équilibrées. Vous avez accepté avec courage, avec panache même, ce ministère difficile. Vous nous présentez un bon budget. Le groupe UMP le votera avec détermination.

Mme Éliane Assassi.  - Contrairement à M. Cambon et au ministre, je n'arrive pas à me réjouir de ce nouveau ministère, inédit sous la Vè République ! Votre politique est centrée sur une traque systématique, que les termes « codéveloppement », « intégration » ou « accès à la nationalité française » ne sauraient faire oublier. Le programme « asile et immigration » vient parachever au plan budgétaire le rattachement de l'asile au ministère de l'immigration alors qu'il relevait auparavant des affaires étrangères. Vous entendez gérer le droit d'asile -la protection offerte à des personnes persécutées- comme on gère les flux migratoires. Et vous n'hésitez pas à tabler sur une diminution de 10 % des demandes d'asile afin de réaliser de substantielles économies. Le budget de l'Ofpra passe de 45,5 millions d'euros à 43 millions. Les sommes dédiées à l'allocation temporaire d'attente sont en baisse, la durée moyenne prévue d'une procédure d'asile aussi. Auriez-vous des informations que nous n'aurions pas sur la situation dans le monde ? Y aura-t-il moins de famines, moins de guerres, moins de pauvreté ? Ou comptez-vous plutôt sur vos réformes successives qui toutes tendent à restreindre l'accès au droit d'asile ? Acteurs de protection, asile interne, liste des pays d'origine sûrs, protection subsidiaire, etc. : autant de moyens de faire des économies sur le dos des gens les plus vulnérables du monde. Mais que se passera-t-il si votre prévision ne se confirmait pas comme le craignent les rapporteurs de l'Assemblée nationale ? Les priorités que vous avez retenues pour la présidence française de l'Union européenne nous inquiètent : l'objectif de votre régime européen de l'asile sera certainement, sous couvert d'harmonisation, de restreindre les délais et voies de recours ; le pacte européen sur l'immigration interdira les régularisations massives, entérinera les accords de réadmission...

Les reconduites à la frontière via les centres de rétention sont de véritables machines à expulser du territoire. En la matière, vous quantifiez les objectifs : 26 000 en 2008, 28 000 en 2010. Sur quels critères et quel article de loi fondez-vous ces objectifs ? Inhumains, ils sont également impossibles à atteindre et ne servent qu'à manipuler l'opinion publique en faisant croire que « le Gouvernement agit ». Du reste, ils ont déjà été revus à la baisse. L'an dernier, le niveau de 28 000 était annoncé pour la fin 2008. C'est l'aveu d'un pur effet d'affichage, sans efficacité.

Un autre chiffre est moins souvent mis en avant : le taux de mise en oeuvre effective des mesures d'éloignement. Il ne dépasse jamais 30 % -2006 étant une année record avec 29,5 %. Au premier semestre 2007, ce taux était inférieur à 20 %. Pour expulser 25 000 personnes, il faut donc en interpeller trois à cinq fois plus parce que plus de 70 % des mesures d'éloignement ne sont pas mises en oeuvre  -annulation de la procédure par le juge, non délivrance de laissez-passer consulaire, manque de places en centre de rétention administrative. Pour faire du chiffre à tout prix, il faut multiplier les contrôles au faciès, rechercher des auxiliaires de police parmi les agents de l'Urssaf, des Caisses d'allocations familiales, de l'Unedic, de l'ANPE, de l'inspection du travail, etc. pour traquer les étrangers. Au point que les défenestrations parfois mortelles se multiplient lors des contrôles de police... On place en rétention administrative ou en zone d'attente des personnes qui n'ont rien à y faire : je pense à ce couple et à son bébé de trois semaines qui ont failli être expulsés avant même d'obtenir réponse à leur demande d'asile, ou à cette jeune femme qui, malgré son passeport français, a été placée en zone d'attente pendant onze heures à Orly. Les arrestations pour délit de solidarité ou d'entrave à la circulation d'un aéronef se généralisent : c'est une criminalisation de l'action militante ! Ces personnes ne sont ni des passeurs, ni des employeurs sans scrupule, ni des marchands de sommeil.

Quant au coût moyen d'une reconduite, de 1 800 euros dans les documents budgétaires, il est très en deçà de la réalité ; vous avez indiqué, à la télévision, un coût de 13 000 euros...

M. Brice Hortefeux, ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du codéveloppement.  - Chez les Britanniques, pas chez nous.

Mme Éliane Assassi. - J'ai regardé à nouveau cette émission pour m'en assurer : vous y parlez bien du coût de nos procédures. Auparavant, vous réussissiez à atteindre les objectifs assignés grâce aux Roumains et aux Bulgares. Mais depuis janvier dernier, ils font partie de l'Europe... On voit bien là les limites de votre politique d'immigration.

Vous avez annoncé une réforme de la Constitution afin de fixer des plafonds annuels d'immigration selon les motifs d'installation et les régions d'origine. N'avez-vous pas l'impression de revenir à une politique aux relents colonialistes ? (M. de Rohan s'exclame) Vous projetez d'uniformiser le contentieux de l'entrée, du séjour et de l'éloignement des étrangers au profit d'un seul ordre juridictionnel. Vous souhaitez que l'État soit systématiquement représenté lors des audiences devant le juge des libertés et de la détention, afin d'éviter que les décisions d'annulation n'empêchent un tiers des expulsions... Le décalage est total entre les effets d'annonce et la réalité. Ce projet de budget entièrement idéologique utilise l'argent public à des fins purement répressives, pour mettre en oeuvre une politique aux principes contestables et aux résultats inefficaces. Le groupe CRC votera contre ce budget. (Applaudissements à gauche)

M. Georges Othily.  - Une mutation de nos politiques d'accueil et d'immigration est à l'oeuvre. L'immigration zéro n'existe pas et je loue les trois axes désormais promus : immigration choisie et concertée, politique d'intégration, amélioration des conditions du droit d'asile.

Le groupe RDSE soutient ce programme d'action dès lors qu'il s'agit bien d'une politique combinée et non exclusive. Nos concitoyens surestiment généralement la présence des immigrés sur notre territoire, qu'ils évaluent autour de 30 % quand le chiffre réel est de 10 %. L'idée d'une « intrusion massive » ne correspond pas à la réalité. Il faudrait plutôt parler d'« infusion durable ». Gardons-nous cependant de tout angélisme : il y bien eu un apport générationnel, continu, qui a largement modifié la composition de la société française et pose d'innombrables problèmes d'insertion économiques et sociale, sans oublier les tensions causées par la concentration géographique.

Notre politique migratoire a entamé une nouvelle phase avec les lois de novembre 2003 et de juillet 2006, poursuivie avec le récent texte sur la maîtrise de l'immigration, l'intégration et l'asile. Le véritable défi concerne la gestion -notamment territoriale- des flux migratoires, non leur ampleur. Si la population active, dans nos démocraties, a déjà entamé son déclin du fait du départ à la retraite des baby-boomers, le niveau de la demande de biens et de services ne va pas baisser. Et tout ne pourra pas venir des gains de productivité, de la remise au travail de nombre de nos concitoyens qui se maintiennent volontairement en marge du marché du travail, sans parler de la délocalisation des productions. Il faudra recourir à une politique migratoire sélective ; cependant, l'action publique sur le marché est contrecarrée par la logique des droits comme celui au regroupement familial : la sélectivité qualitative ne peut pallier totalement les flux quantitatifs. Il n'en reste pas moins que la gestion concertée est incontournable, notamment pour faire face à l'attrait anglo-saxon sur de nombreuses catégories de professionnels.

Mais dans tous les cas, la pression migratoire des personnes les moins qualifiées va se poursuivre. Il faut prendre la mesure de cette tendance lourde.

La République est une et indivisible ; mais les zones géographiques de métropole et d'outre-mer ont chacune des spécificités territoriales, démographiques, socio-économiques différentes. En métropole, ce sont les effets du brassage des phases successives d'immigration qui sont source de tensions ; certains territoires d'outre-mer doivent, eux, subir les effets directs d'une immigration totalement dérogatoire au modèle habituel. La Guyane est devenue en quelques années un eldorado pour des dizaines de milliers de Brésiliens ou Surinamiens, désoeuvrés ou exploités, attirés par les sites aurifères clandestins ou la possibilité d'accéder à nos droits sociaux. Elle est le département d'outre-mer où l'immigration est la plus forte : on y compte 20 000 clandestins et 30 % de la population y est d'origine étrangère.

Le droit français de la nationalité, s'il est mixte, privilégie le droit du sol. En septembre 2005, M. Baroin, alors en charge de l'outre-mer, se référant à la situation à Mayotte, avait évoqué publiquement la nécessité d'une dérogation au droit commun. Qu'en est-il, monsieur le ministre ? L'article 73 de la Constitution, révisé en mars 2003, a ouvert l'expérimentation législative aux départements, mais en a exclu le droit de la nationalité. Comment certains territoires peuvent-ils peser sur les flux migratoires attirés par les garanties offertes par la nationalité française ?

Je veux enfin attirer votre attention sur l'esclavage moderne que subissent les Haïtiens en République dominicaine, chassés de leur pays par la crise économique et l'instabilité politique. Certains risquent leur vie dans le Golfe du Mexique ou la mer des Caraïbes pour rejoindre des rivages plus hospitaliers. Lorsque la coupe de la canne à sucre sera mécanisée en Républlique dominicaine, les Haïtiens seront tentés par d'autres zones des Caraïbes ; Guadeloupe, Martinique et Guyane seront alors en première ligne, avec des risques de réactions xénophobes.

Votre tâche n'est pas simple, monsieur le ministre, qui exige tout à la fois intelligence, humanisme et fermeté. Si des voix s'élèvent pour contester votre action, d'autres, plus nombreuses, en métropole comme outre-mer, vous soutiennent. Nous entendons, comme vous, préserver l'essentiel : l'homme. (Applaudissements au centre et à droite)

M. Philippe Dominati.  - L'aridité des chiffres peut cacher la réalité. L'immigration passionne les Français, parfois il est vrai de façon exagérée. La création de votre ministère et celle en janvier prochain d'une nouvelle administration sont les étapes supplémentaires de la politique équilibrée initiée depuis 2005, dont l'intégration est la clé de voûte et la condition de la réussite. On n'avait rien fait dans ce domaine pendant des années. Désormais une ligne claire est définie, fondée sur le logement, l'emploi et l'acquisition de la langue française.

L'article 2 de la loi de juillet 2006 a prévu la création d'une carte « compétence et talent » ; le décret de mars 2007 devait en définir les conditions d'attribution. Vous avez préféré mettre en place une commission ; où en sont ses travaux ? Quand les premières cartes seront-elles distribuées ?

Je vous confirme le large soutien du groupe UMP à la politique de rupture que vous avez engagée. (Applaudissements au centre et à droite)

M. Brice Hortefeux, ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du codéveloppement.  - Je me félicite que ce tout premier budget reçoive un assez large assentiment.

M. Jean-Guy Branger, rapporteur pour avis. - Très large !

M. Brice Hortefeux, ministre.  - La mission comporte les programmes « codéveloppement », -que vous avez déjà adopté-, « intégration et accès à la nationalité française », doté de 195 millions d'euros, et « immigration et asile », doté de 414 millions.

M. Ferrand m'a invité à mobiliser mes services pour promouvoir l'immigration professionnelle ; il a souhaité une simplification des procédures et la mise en place d'indicateurs de résultat. Le sujet me tient à coeur. Je signerai avant la fin de l'année avec Mme Lagarde l'arrêté ouvrant cent cinquante métiers aux ressortissants des nouveaux États-membres de l'Union et trente aux ressortissants de pays tiers. Je confirme à Mme Tasca, qui s'interroge, que le Gouvernement et la Commission européenne sont sur la même ligne. Pendant des années, on a dit, à tort ou à raison, que la Commission était composée de technocrates déconnectés de la réalité ; ce n'est plus du tout le cas aujourd'hui, ses titulaires ont pour la plupart exercé de hautes responsabilités ou des mandats électifs dans leurs pays d'origine, à l'instar du Commissaire en charge de ces questions, l'ancien ministre des affaires étrangères italien M. Frattini. Pour moi, cette convergence de vues est un atout.

Une nouvelle administration centrale sera créée le 1er janvier, au sein de laquelle figurera une mission pour la promotion de l'immigration professionnelle. C'est un signal fort. La deuxième étape sera la mise en place de quotas par métier et par pays, ce qui ne pose pas de problème pour l'immigration professionnelle mais se heurte, pour l'immigration familiale, à des problèmes juridiques dont j'ai confié l'étude à un groupe de travail ; ses conclusions me seront remises en avril.

J'indique à M. Ferrand que le Gouvernement s'en remettra à la sagesse sur son amendement relatif à l'Agence nationale de l'accueil des étrangers et des migrations (Anaem). Il souhaitera en revanche le retrait de celui relatif à l'Agence nationale pour la cohésion sociale et l'égalité des chances (ACSE), qui nécessite un examen préalable avec ma collègue en charge de la ville.

Le Gouvernement approuve aussi l'amendement qui tend à créer un document de politique transversale concernant le secteur dont j'ai la responsabilité.

Monsieur Branger, je vous remercie pour l'avis favorable que vous avez exprimé au nom de la commission des affaires étrangères. J'insiste sur l'Ofpra et la réforme de la nouvelle Cour nationale du droit d'asile qui remplacera en 2009 la commission de recours des réfugiés. Cette réforme dotera la nouvelle cour de l'autonomie budgétaire. En outre, la professionnalisation accrue des magistrats devrait progressivement raccourcir les délais de jugement de treize mois et demi à neuf. J'attends beaucoup de la RGPP. Je serai très vigilant quant aux moyens dont sera doté l'Ofpra. Il est vrai que les subventions versées diminuent de 5 % cette année, mais je fais observer à Mme Tasca et à Mme Assassi que ce n'est pas incohérent avec la réduction des demandes constatée en octobre, soit 14,8 %.

Monsieur Buffet, vous avez exprimé l'avis favorable de la commission des lois et marqué votre intérêt pour l'immigration économique. Le 7 novembre, j'ai présidé le comité interministériel de contrôle de l'immigration, animé par M. Stefanini. Nous avons défini trois catégories. La première concerne les ressortissants de nouveaux États membres. Le principe même de ce nouveau flux nous échappe, mais nous maîtrisons le calendrier. La deuxième catégorie regroupe ceux que l'on dénomme couramment les pays tiers à l'Union. Enfin, j'ai voulu créer une troisième catégorie pour les pays externes à l'Union européenne mais avec lesquels nous entretenons des relations privilégiées. J'ai déjà cité l'exemple de l'Australie, qui a pris une mesure unilatérale envers le continent africain en décidant que plus aucun titre de séjour ne serait délivré à ses ressortissants jusqu'au 30 juin 2008. Il est vrai que le Premier ministre a été battu... Mais l'Australie n'a pas les mêmes liens historiques ni les mêmes devoirs que nous envers les pays africains.

Depuis le 1er mai 2006, les ressortissants des nouveaux États membres avaient accès à soixante-et-un métiers représentant 25 % du marché du travail. Nous en avons ajouté quatre-vingt-neuf, ce qui leur ouvre environ 40 % de ce marché.

J'espère avoir déjà répondu à vos interrogations en matière de droit d'asile.

Nous ferons le point après cette année sur le pilotage de la formation linguistique liée aux contrats d'accueil et d'intégration.

J'en viens au réseau administratif chargé de promouvoir l'immigration de travail. Dans le cadre de la RGPP, je souhaite que les consulats et surtout les missions économiques soient davantage mobilisés au contact des personnes qui souhaitent porter en France un projet de développement économique.

Vous m'avez également interrogé sur la place des politiques d'immigration en Europe. Elles seront au coeur de la présidence française. Il est déjà prévu que mon ministère participe à trois manifestations : la deuxième conférence ministérielle sur les migrations et le développement -ou suivi de la conférence de Rabat, les 20 et 21 octobre- ; la conférence sur l'intégration des 17 et 18 novembre ; la conférence européenne sur l'asile des 13 et 14 octobre. La conclusion d'un pacte européen de l'immigration donnera une vision claire aux pays d'origine. Nous devons impérativement obtenir un socle de règles communes pour la gestion des flux migratoires.

Ma deuxième priorité pendant la présidence française concernera les accords de partenariat avec les pays source d'immigration et les pays de transit.

Madame Tasca, je ne peux laisser dire que l'asile est sacrifié, car ce n'est pas la réalité. Dès le 1er janvier 2008, mon ministère comportera un service de l'asile qui regroupera toutes les administrations compétentes. Sans vouloir polémiquer, j'observe que cela n'avait jamais été fait. Sur le fond, c'est une bonne nouvelle. Je ne sais dans quel idiome m'exprimer pour vous rassurer, mais je répète qu'il n'y aura pas de confusion avec la direction de l'immigration. Vous avez redit pour la dix-septième fois que cette structure serait le bras armé de la politique de l'immigration ; je répète pour la cinquantième que les deux politiques sont totalement distinctes. Vous le constaterez dans un an, avec moi-même ou mon successeur.

Madame Assassi, nous ne créons pas de nouvelles places de Cada parce que les demandes d'asile ont diminué de 10 % en 2005, de 36 % en 2006 et de 13 à 14 % en 2007. Je vous trouve assez décontractée lorsque vous nous reprochez de ne pas continuer le plan, alors qu'entre 2002 et 2007 nous avons porté de 5 000 à 20 000 le nombre de places en Cada. Prévoir que les demandes baisseront de 10 % en 2008 semble raisonnable.

Le codéveloppement n'est pas une fiction : c'est un véritable espoir ! J'ai signé un accord hautement symbolique avec le Bénin. J'ai raconté jeudi l'histoire exemplaire du ministre de la santé de ce pays. Aux termes de l'accord signé, nous verserons chaque année, pendant trois ans, 5 millions d'euros, dont 3 en faveur de la santé. Ce pays de dix millions d'habitants répartis sur 116 000 kilomètres carrés compte un seul scanner ! C'est dire si les besoins sont pressants. Je souligne que notre action n'est pas limitée à la capitale : elle concerne aussi les hôpitaux du reste du pays. La presse béninoise relate que le ministre de la santé et le Président de la République, le Dr Thomas Boni Yayi, ont salué cet accord jugé « historique ». Nous souhaitons que cette formidable avancée de la solidarité soit suivie par de nombreux autres accords.

Je remercie M. Cambon pour son soutien encourageant et presque affectueux à la politique engagée. Les accords dont je viens de parler reposent sur un trépied. En premier vient l'organisation de l'immigration légale, en toute transparence. Elle facilite par exemple la délivrance de visas à certaines catégories de personnes. Avec le Congo et le Bénin, nous avons signé des accords quantitatifs, avec une clause de formation professionnelle. Vient ensuite l'organisation de la lutte contre l'immigration illégale, avec une réadmission dans leur pays d'origine des ressortissants en situation irrégulière. Enfin, le codéveloppement comporte des concours ciblés qui doivent directement répondre aux besoins.

Bien sûr, les accords de réadmission comportent une contrepartie. J'en ai parlé avec le Président de la République du Bénin, mais aussi avec le Président de la République du Mali. Ce pays de 1 250 000 kilomètres carrés compte 14 à 15 millions d'habitants, dont 45 000 à 50 000 vivent légalement en France, outre une importante quantité d'illégaux. Dès lors que la réadmission est organisée, nous délivrons les visas de circulation et dispensons de visas les porteurs de passeports diplomatiques ou de service. Ce n'est pas un sujet anecdotique, mais une question extrêmement sensible aux yeux des pays concernés, qui le voient comme une forme de la reconnaissance qui leur est due. S'ajoutent l'ouverture de notre marché du travail dans des conditions plus favorables que celles du droit commun et le codéveloppement.

Nous avons signé quatre accords en ce sens et espérons en ajouter bientôt six. Au demeurant, nous ne nous limitons pas à l'Afrique subsaharienne, même si elle est au coeur des préoccupations. Monsieur Othily, je partage votre souhait d'un accord avec Haïti, où vous pourriez m'accompagner. Cela signifie qu'il faudra également signer un accord avec le Brésil, qui a une frontière commune avec la Guyane. Je souhaite faire de même avec Madagascar. Il importe aussi de ne pas oublier les pays asiatiques, afin de définir ensemble une politique. J'ai représenté la France au cinquantième anniversaire de la création de l'État malaisien. À l'époque, seulement dix-huit pays avaient reconnu la Malaisie, ce qui nous donne une place particulière. J'en ai profité pour prendre contact avec des responsables de pays voisins.

Mme Assassi ne m'a pas déstabilisé, je m'attendais un peu à ce qu'elle ne vote pas mon budget (sourires) mais il est paradoxal de nous soupçonner des pires intentions au moment où nous mettons en place la Cour nationale du droit d'asile, juridiction indépendante qui examinera les recours contre les décisions de l'Ofpra.

Notre philosophie est simple et claire. Pour nous, un étranger en situation irrégulière a, sauf circonstances exceptionnelles, vocation à être raccompagné dans son pays d'origine. Lors du récent conseil des ministres européens au Portugal, le ministre italien des affaires sociales a demandé à me rencontrer. Pourquoi ce qui est bien aux yeux de ce responsable issu de l'ancien parti communiste italien, est-il mauvais aux yeux du parti communiste français ? (Approbations amusées à droite)

M. Jean-Guy Branger.  - Parce qu'ils sont conservateurs !

M. Brice Hortefeux, ministre.  - Je remercie M. Othily de son soutien. Je mesure son intérêt pour un accord avec le Brésil. Il faut tenir compte des spécificités et de la réalité des flux dans les Caraïbes. Tous les élus, y compris la nouvelle député, se rejoignent pour constater la réalité des chiffres. La question du droit de la nationalité est complexe et délicate -on se rappelle les déclarations de M. Baroin. Je ne la laisserai pas sans réponse mais elle mérite d'être abordée dans le calme et la sérénité.

Je remercie M. Dominati de ses encouragements. Nous n'avons pas de solution miracle pour la politique de l'intégration. Nous avançons avec pragmatisme et résolution. Un million d'immigrés vivent dans les ghettos urbains. Je proposerai aux bailleurs de mieux réguler leur contingent, ce qui suppose des discussions ; nous donnerons du sens et des repères aux étrangers qui vivent en France -c'est la loi de novembre dernier ; il s'agit aussi de permettre aux étrangers vivant en France ou aux Français issus de l'immigration de travailler, d'où le bilan de compétences. Le taux de chômage est de 8 % pour les Français et de 22 % pour les immigrés : on ne peut continuer comme cela.

Je suis sûr qu'avec ce budget et son identification, nous faisons progresser l'identité nationale et l'intégration (Applaudissements à droite et au centre)

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances.  - Je salue votre engagement, monsieur le ministre. Vous avez besoin de mobiliser tous les moyens dans cette mission. Or, ainsi que l'a remarqué M. Ferrand à propos du réseau Visa, ce n'est pas le cas des crédits informatiques. La réforme de l'Etat n'est pas un long fleuve tranquille et le Quai d'Orsay n'a pas joué le jeu. M. Gouteyron, rapporteur spécial, avait déposé un amendement les transférant à votre mission mais nous avons compris qu'il ne pourrait être adopté. Le ministère de l'intérieur, lui, avait joué le jeu pour les cartes de séjour. Peut-être regrettez-vous avec moi que le Quai d'Orsay ne l'ait pas fait.

Examen des crédits

Article 33

M. le président.  - Amendement n°II-16 rectifié, présenté par M. Ferrand, au nom de la commission des finances.

Modifier comme suit les crédits des programmes (en euros) :

 Intégration et accès à la nationalité française

AE Réduire de 500 000

CP Réduire de 500 000

M. André Ferrand, rapporteur spécial.  - Le ministre, que je remercie de son efficacité, a répondu par avance. L'Agence nationale de l'accueil des étrangers et des migrations doit respecter la Lolf et ses crédits être justifiés dès le premier euro.

M. Brice Hortefeux, ministre.  - Sagesse.

M. Jean Arthuis, président de la commission.  - L'Anaem a-t-elle vocation à encourager l'expatriation. A l'heure où l'on encourage les Français à travailler plus pour gagner plus en France, faut-il mobiliser trente-cinq équivalents temps plein pour encourager des candidats à l'expatriation ?

M. Brice Hortefeux, ministre.  - On ne peut débattre du rôle de l'Agence à propos d'un amendement. Sur la forme, j'ai proposé pour la présider une personnalité que vous connaissez, M. Philippe Bas, l'ancien ministre de la santé, qui est intéressé par ces sujets. (M. Gournac approuve) Sur le fond, comment organiser l'expatriation ? Dans la réflexion à mener, je rappelle que l'Agence a une responsabilité en matière de formation et qu'elle est présente dans d'autres pays.

Nous allons travailler avec nos partenaires allemands, notamment pour mettre à disposition les locaux de l'Anaem en Tunisie, contre un accueil dans des locaux allemands en Turquie.

L'examen plus large que vous appelez de vos voeux, sera possible dans le cadre de la revue générale des politiques publiques.

L'amendement n°II-16 rectifié est adopté.

M. le président.  - Amendement n°II-17 rectifié, présenté par M. Ferrand, au nom de la commission des finances.

Modifier comme suit les crédits des programmes :

(en euros)

Immigration et asile

AP : + 500 000

CP : +500 000

Intégration et accès à la nationalité française

AP : - 500 000

CP : -500 000

M. André Ferrand, rapporteur spécial.  - Conformément à la Lolf, nous souhaitons définir un plafond d'emplois pour l'Agence nationale pour la cohésion sociale et l'égalité des chances (ACSE), au niveau strictement nécessaire à l'exercice de ses missions. La diminution que nous demandons, correspond à dix emplois équivalent temps plein. Nous confortons l'application informatique Trinat/Prenat, outil interministériel de gestion des demandes d'acquisition de la nationalité française.

M. Brice Hortefeux, ministre.  - Retrait, sinon rejet.

M. André Ferrand, rapporteur spécial.  - D'accord, sous réserve que vous ayez bien entendu cet appel à l'évaluation et à l'animation des emplois utilisés par cette agence nationale (M. le ministre acquiesce)

L'amendement n°II-17 rectifié est retiré.

M. Jean Arthuis, président de la commission.  - L'enquête de la Cour des comptes sur la politique de la ville, demandée par nos collègues MM Karoutchi et Dallier, avait souligné le manque d'évaluation des actions entreprises par les associations subventionnées. Nous retirons l'amendement, mais nous attendons une action vigoureuse pour évaluer leur performance, car le transfert d'activités à l'Anaem libère des capacités d'action ; nous serons très vigilants !

A la demande du groupe socialiste, les crédits de la mission sont mis aux voix par scrutin public.

M. le président.  - Voici les résultats du scrutin :

Nombre de votants 328
Nombre de suffrages exprimés 327
Majorité absolue des suffrages exprimés 164
Pour l'adoption 201
Contre 126

Le Sénat a adopté.

Article 45

Dans l'article L. 211-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le montant : « 30 € » est remplacé par le montant : « 45 € ».

Mme Éliane Assassi.  - Nous voterons contre cette augmentation de la taxe perçue par l'Anaem pour validation d'une attestation d'accueil. De même qu'avec le contrat d'accueil et d'intégration, le Gouvernement fait payer aux étrangers les obligations supplémentaires qu'il leur impose, tout comme, avec les comptes d'épargne-développement, il veut faire financer le « codéveloppement » par les étrangers qui travaillent en France. C'est inique, nous sommes contre !

L'article 45 est adopté.

Article additionnel

M. le président.  - Amendement n°II-18, présenté par M. Ferrand, au nom de la commission des finances.

 

Après l'article 45, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après le 11° du I de l'article 128 de la loi n° 2005-1720 du 30 décembre 2005 de finances rectificative pour 2005, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

12° Politique française de l'immigration et de l'intégration

M. André Ferrand, rapporteur spécial.  - Nous souhaitons qu'un document de politique transversale regroupe les crédits consacrés à l'intégration et à l'immigration.

M. Brice Hortefeux, ministre.  - Très favorable

L'amendement n°II-18 est adopté, il devient article additionnel.