Loi de finances pour 2008 (Deuxième partie - Suite)

Travail et emploi

M. le président. - Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Travail et emploi ».

Orateurs inscrits

M. Serge Dassault, rapporteur spécial de la commission des finances.  - Les crédits de cette mission « Travail et emploi » s'établissent à 12,32 milliards. Le nombre de programmes passe de cinq à quatre.

Le programme 102, doté de 6,28 milliards, a pour objet de lutter contre le chômage et l'exclusion durable du marché de l'emploi : 1,245 milliard d'euros sont consacrés aux emplois non marchands, 400 millions aux emplois marchands, 1,3 milliard à l'ANPE, 1,6 milliard aux allocations de solidarité -qui ne créent aucun emploi.

Le programme 103, doté de 17 milliards, vise à prévenir l'impact des restructurations et à faciliter les reconversions. Il est prévu 947 millions d'euros au titre des exonérations de cotisations sociales liées aux contrats d'apprentissage, qui sont, à mon sens, la meilleure porte d'entrée dans le monde professionnel. En revanche, il faudra rationaliser le système de la formation professionnelle, éclaté en de multiples organismes et dont le financement est trop complexe et trop lourd. L'action relative au développement de l'emploi aboutit à des emplois marchands, ce qui en fait le programme le plus utile pour l'emploi, malgré son coût budgétaire important.

Le programme 111, doté de 130 millions, a pour objet l'amélioration des conditions d'emploi et de travail des salariés du secteur concurrentiel. La hausse de 62 % des crédits est due aux frais d'organisation des élections prud'homales et de formation syndicale.

Le programme support 155, doté de 730 millions, ne regroupe que partiellement les moyens humains et matériels dévolus aux autres programmes. Ainsi, les 35 millions de crédits de fonctionnement de la Délégation générale à l'emploi et à la formation professionnelle ne figurent plus dans la mission.

Le nombre des emplois des principaux opérateurs excède 41 000 ETPT, dont 28 000 pour l'ANPE et 11 000 pour l'Association pour la formation professionnelle des adultes (AFPA), soit, en tout, plus de 50 000 emplois pour gérer ce budget. Sont-ils tous indispensables ?

Les dépenses globales de l'État au titre de la politique de l'emploi atteignent en réalité 50 milliards. Il faut ainsi prendre en compte les 9,6 milliards de dépenses fiscales, dont 4,2 milliards pour la prime pour l'emploi, qui ne crée pourtant aucun emploi : pour inciter les chômeurs à travailler, il suffirait de réduire leurs allocations.

Plus importants sont les 27 milliards d'allégements généraux de cotisations patronales, dont 22 milliards pour les bas salaires et 5 milliards pour les heures supplémentaires. Ces 27 milliards relèvent désormais du budget de la sécurité sociale, ce qui nous enlève tout contrôle. Notons que cette somme représente la moitié de notre déficit budgétaire, pour un impact sur l'emploi très relatif...

Il existe pourtant des moyens de réduire le chômage plus efficaces et moins coûteux. D'abord par la « flexsécurité », évoquée hier soir par le Président de la République, car la rigidité de l'emploi, loin de protéger les salariés, décourage l'embauche.

Nos coûts de production sont trop élevés, à cause des 35 heures...

M. Guy Fischer. - Vous allez les tuer !

M. Serge Dassault, rapporteur spécial. - ...mais aussi des charges qui doublent pratiquement les salaires nets. Les charges qui ne sont pas du ressort des entreprises mais de la sécurité sociale -assurance maladie, allocations familiales- devraient être supprimées du salaire. Pour les financer, je propose d'instaurer un « coefficient d'activité », assis sur le chiffre d'affaires de l'entreprise moins la masse salariale.

La diminution des allégements de charges sociales sur le Smic pourrait être compensée par l'attribution de crédits d'investissement afin de favoriser la rechercher et l'innovation et, partant, la croissance et l'emploi.

Enfin, le collège unique et l'absence totale de sélection à l'université sont les principaux responsables du nombre de jeunes chômeurs mal préparés au monde professionnel.

La mondialisation et l'élargissement de l'Europe font un tort considérable à nos PME, la sous-traitance étant réalisée de plus en plus dans les pays à faibles coûts.

M. Louis Souvet, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales.  - Tout à fait.

M. Serge Dassault, rapporteur spécial. - Cela conduit à des délocalisations qui aggravent le chômage.

Pourquoi continue-t-on à dépenser tant pour si peu d'effet ? On a cru qu'en réduisant le coût de l'emploi, les entreprises embaucheraient plus facilement. Ce n'est pas faux, mais il aurait fallu le faire sans que l'État paie la différence !

On peut mener une politique de l'emploi plus efficace et moins coûteuse. Qu'attend-t-on pour réduire ces aides à l'emploi inefficaces, qui alourdissent notre dette ? Qu'attend-t-on pour revenir rapidement à l'équilibre budgétaire, en supprimant purement et simplement toutes ces aides ? En supprimant de suite la prime pour l'emploi et le financement des emplois non marchands, en ramenant le financement des charges sur le Smic de 1,6 à 1,4 dès 2008, on réduirait notre déficit de plus de 10 milliards ! Ce serait salutaire pour notre économie et notre croissance.

Alors pourquoi continue-t-on ? Pour ne pas mécontenter le Medef ? Si on cherche à ne mécontenter personne, on ne fera jamais rien.

M. Jean-Pierre Godefroy. - Là, nous sommes d'accord !

M. Serge Dassault. - Il est dangereux de bâtir un budget avec des hypothèses de recettes trop optimistes : mieux vaut avoir de bonnes surprises que de mauvaises.

N'attendons pas un hypothétique point de croissance supplémentaire pour revenir à l'équilibre budgétaire, mais commençons de suite à réduire nos emprunts en diminuant le budget de l'emploi: Je vous propose des solutions pratiques avec des choix budgétaires simples. Il est urgent de prendre une décision.

Au nom de la commission des finances, je vous invite à voter le budget de la mission « Travail et emploi ». (Applaudissements à droite)

M, Louis Souvet, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales.  - La commission des affaires sociales a trouvé dans ce projet de budget de réels motifs de satisfaction.

Malgré une croissance économique modérée, les créations d'emplois restent dynamiques, ce qui a permis de ramener le taux de chômage aux alentours de 8 % de la population active. Preuve que les réformes visant à diminuer le coût du travail peu qualifié et à améliorer la formation professionnelle commencent à porter leurs fruits.

La politique de revalorisation de la valeur travail trouvera, l'an prochain, une réelle traduction budgétaire, que l'analyse des seuls crédits de la mission ne permet pas d'apprécier à sa juste mesure : une part importante de l'effort de l'État va en effet prendre la forme de transferts de recettes fiscales à la sécurité sociale.

Lors du débat sur le projet de loi en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat, en juillet dernier, le Gouvernement avait annoncé que la sécurité sociale bénéficierait d'une compensation intégrale de la perte de recettes résultant de la détaxation des heures supplémentaire : engagement tenu, puisque 5,1 milliards de recettes fiscales iront à la sécurité sociale.

Le panier fiscal, qui compense, depuis 2006, l'allégement général de cotisations, va être abondé de 500 millions car son produit s'est révélé, à l'usage, légèrement insuffisant.

Notre commission se félicite de la poursuite des efforts destinés à améliorer le taux d'emploi des seniors. Les crédits consacrés au financement des dispositifs de préretraite sont en diminution sensible et il est proposé de supprimer l'allocation équivalent retraite, qui s'accompagne, dans presque tous les cas, d'une dispense de recherche d'emplois.

La commission est également attentive au développement des dispositifs de sécurisation des parcours professionnels que sont la convention de reclassement personnalisé (CRP) et le contrat de transition professionnelle (CTP). Les premiers résultats du CTP paraissent encourageants mais le coût de sa généralisation pourrait n'être pas négligeable. Quelles sont les intentions du Gouvernement ?

D'autres aspects de ce projet de budget soulèvent en revanche quelques interrogations. Sur les neuf articles rattachés, sept correspondent à des suppressions d'exonérations de cotisations sociales ou d'aides publiques instaurées sous la précédente législature.

Notre commission, d'accord pour réaliser, dans un contexte financier très contraint, des économies budgétaires, s'inquiète des conséquences d'une remise en cause trop rapide de certaines mesures récentes de soutien à la création d'emplois ou à la formation professionnelle.

Les contrats de professionnalisation sont, avec les contrats d'apprentissage, le support privilégié des formations en alternance. Alors que le plan de cohésion sociale a cherché à développer ce type de formations, il nous paraît discutable de remettre en cause, dès à présent, les incitations dont les entreprises bénéficient à ce titre, depuis 2005.

Le secteur des services à la personne, ensuite, constitue un important gisement d'emplois que le plan de développement, mis en oeuvre courant 2005, a permis de mieux organiser. Là encore, nous ne sommes pas certains qu'il soit justifié de revenir sur les exonérations votées il y a seulement deux ans et demi pour favoriser le développement de ces entreprises. L'Assemblée nationale est aussi réservée sur ce point mais ses amendements rendent le système trop complexe.

La commission s'inquiète aussi du devenir des maisons de l'emploi, dont le conventionnement va être interrompu en 2008, en raison de la fusion programmée de l'ANPE et de l'Unedic, Qu'adviendra-t-il des projets en voie d'achèvement qui ont parfois donné lieu, avec les encouragements de l'État, à d'importants investissements de la part des collectivités locales ? Comment les structures existantes vont-elles s'insérer dans le réseau du futur service public de l'emploi ?

Autre sujet d'interrogation : l'avenir des contrats aidés. Le Grenelle de l'insertion, programmé pour le début de l'année prochaine, pourrait déboucher sur la proposition d'un contrat unique d'insertion. Or les contrats aujourd'hui en vigueur, créés au début de l'année 2005, ont déjà été modifiés plusieurs fois depuis. Il faudra s'assurer que les bénéfices de la simplification l'emportent réellement sur les inconvénients qui découleraient de tout nouveau bouleversement des règles applicables.

Ces interrogations ne modifient pas l'appréciation globalement positive portée par notre commission sur ce projet de budget qui permet de mettre en oeuvre, dans de bonnes conditions, les engagements pris pendant la campagne présidentielle en matière d'emploi et sur lequel elle émet un avis favorable. (Applaudissements à droite et au centre)

Mme Catherine Procaccia. - (Applaudissements sur plusieurs bancs de l'UMP) Je tiens à vous féliciter, madame la ministre, pour votre engagement constant en faveur de l'emploi. Les chiffres du chômage, dont les derniers ont été publiés ce matin, montrent que la politique du Gouvernement commence à porter ses fruits. Au deuxième trimestre de 2007, ils avaient déjà été ramenés à 8,1 %, soit 0,7 point de moins que la moyenne depuis 2004.

M. Guy Fischer. - Les chiffres sont faux.

Mme Catherine Procaccia. - Ils sont fiables... (Exclamations à gauche)

M. Guy Fischer. - Nous en reparlerons...

Mme Catherine Procaccia. - ...car l'Insee vient de revoir sa technique de construction statistique. La volonté du Gouvernement d'obtenir des chiffres correspondant à la réalité, qu'elle soit favorable ou non, me paraît de bon augure. (On ironise à gauche)

Le recul du nombre de demandeurs d'emploi en septembre -28 000 personnes de moins qu'au mois d'août, selon l'ANPE- profite aux plus exclus : - 1,5% chez les jeunes, - 3 % chez les chômeurs de longue durée. Ces résultats traduisent la volonté du Gouvernement de s'attaquer au noyau dur du chômage, soit les personnes inscrites à l'ANPE depuis plus d'un an, notamment grâce aux contrats aidés.

Vous avez annoncé, madame la ministre, que ces bons résultats justifiaient une accélération des réformes. Le Président de la République a fixé un objectif ambitieux : atteindre le plein emploi, c'est à dire un taux de chômage de 5 %, et un taux d'activité de 70 %, en cinq ans, grâce à une politique de revalorisation du travail.

Le budget de mission « Travail et emploi » traduit cette détermination malgré un contexte financier contraint. Il s'élève à 12 milliards en crédits de paiement, tandis que l'État consacre près de 49 milliards au total au travail et à l'emploi.

Ce budget de transition préfigure les réformes annoncées : simplification des contrats aidés ; levée des obstacles à l'emploi des seniors ; unification du service public de l'emploi ; remise à plat des règles d'indemnisation du chômage ; réforme du contrat de travail...

Une politique d'accompagnement des chômeurs et d'adéquation entre l'offre et la demande joue un rôle essentiel pour parvenir à l'objectif de plein emploi. Un rapprochement, voire une fusion de l'ANPE et de l'Unedic ont souvent été évoqués par le passé, mais cette réforme n'a jamais été réalisée.

Alors que plus de 400 000 offres d'emploi ne sont pas satisfaites, on compte près de deux millions de demandeurs d'emploi. La fusion envisagée permettra d'aller vers plus d'efficacité, ne serait-ce qu'en permettant aux demandeurs d'emploi de se renseigner sur tous les dispositifs d'aide en un seul et même lieu.

Certains objectent que les deux structures n'ont pas le même statut, l'ANPE obéissant à un mode de gestion public tandis que l'Unedic est entièrement paritaire, et que leur fusion créerait une usine à gaz. Mais ils perdent de vue le vrai sujet : la France fait moins bien que ses voisins qui, depuis plus de 20 ans, ont unifié les fonctions de suivi, de placement et souvent de formation des chômeurs. Leurs services d'aide à la recherche d'emploi sont plus performants, plus réactifs et plus personnalisés que le nôtre.

La fusion permettra en outre d'avoir une vision globale du service public de l'emploi, ce qui est aujourd'hui impossible, les dispositifs d'accompagnement étant proposés par une multiplicité d'organismes concurrents.

Elle devrait également aboutir à une régionalisation accrue des organismes, car un bon accompagnement passe par une bonne connaissance du marché local du travail.

Une réserve, cependant : je regrette que les maisons d'emploi, dont le projet n'était pas assez avancé, ne puissent, du fait de la fusion, voir le jour. Il conviendra de veiller que les acteurs, dans les Maisons déjà créées, puissent coopérer avec le nouveau service public de l'emploi. Pourriez-vous, madame le ministre, nous donner votre sentiment sur ce point, nous faire part du calendrier de la réforme et nous indiquer son mode de financement ?

Le panorama des contrats aidés établi par la Cour des comptes, à la demande de notre commission des finances, fait apparaître l'éclatement et la complexité des dispositifs, et surtout les disparités dans leur mise en oeuvre, en dépit du début de simplification apporté par le plan de cohésion sociale.

Cependant, leur bilan est positif : ils jouent leur rôle d'insertion, voire de prévention de l'exclusion, pour les personnes les plus vulnérables et les plus éloignées de l'emploi.

Concernant le dispositif de soutien à l'emploi des jeunes en entreprise, je partage le souci de rationalisation du Gouvernement. Pour éviter les effets d'aubaine, il convient de le fusionner avec le contrat-initiative-emploi, qui concerne le même public. Le Président de la République a demandé au Gouvernement de conduire une réflexion sur l'ensemble des contrats aidés. Quelles perspectives peut ouvrir ce Grenelle de l'insertion ?

Le premier bilan du plan de développement des services à la personne est très positif : 116 000 nouveaux emplois, correspondant à 33 000 emplois en équivalent temps plein, ont été créés en 2006, soit une multiplication par trois du rythme de création antérieur. Le nombre de structures agréées a doublé entre 2005 et 2006.

L'article 55 rattaché prévoit de réformer les exonérations dont bénéficient les prestataires de services intervenant auprès de publics non fragiles. Mais revenir au droit commun dans un secteur en plein essor, même si les publics fragiles ne sont pas concernés, n'est-il pas risqué ? Et la distinction ne complexifie-t-elle pas le système ? Je m'associe au souhait de notre commission de maintenir l'ensemble du dispositif.

Un mot sur la suppression, à l'article 57, de l'allocation équivalent retraite, qui s'inscrit dans la politique générale d'encouragement à l'emploi des seniors.

Il s'agit de supprimer les multiples dispositifs de cessation précoce d'activité. Comme nous l'ont expliqué nos rapporteurs, il semble inutile de différer, dans un but d'évaluation, la suppression de l'allocation équivalent retraite (AER). Pour le taux d'emploi des seniors, nous sommes dans l'Union européenne très en retard dans la lutte contre l'éviction des salariés âgés de l'activité. Je félicite le Gouvernement de s'être attaqué au problème. Le plan national pour l'emploi des seniors a pour objectif de parvenir à un taux d'emploi de 50 % des 55-64 ans à l'horizon 2010, au lieu de 37 % actuellement. Notre pays a besoin de toutes ses forces et de toutes ses compétences.

Le projet de loi de finances renforce les dispositifs d'alternance en augmentant les crédits de la formation, sujet que je connais bien parce que j'ai débuté ma carrière dans la formation en entreprise... Une mission du Sénat, présidée par Jean-Claude Carle et ayant pour rapporteur Bernard Seillier, a dressé un tableau assez noir de ce système. Le rapport a dénoncé les trois maux de la formation professionnelle : complexité, cloisonnements et corporatisme. Pour les entreprises, particulièrement les PME et les TPE, comme pour les salariés, la formation est un véritable parcours du combattant.

Les moyens accordés à la formation professionnelle continue et à l'apprentissage, déjà conséquents, sont en constante progression. Mais la formation ne va pas à ceux qui en ont le plus besoin : elle bénéficie surtout aux grandes entreprises et aux demandeurs d'emploi les plus qualifiés. L'effort moyen de formation par salarié représente 791 euros dans les entreprises de dix salariés et plus, contre 74 euros dans les entreprises de moins de dix salariés : 24 % des titulaires de CAP ou de BEP ont accès à la formation professionnelle continue, contre 44 % de diplômés de l'enseignement supérieur.

Si nous voulons relancer le système, il faut passer, comme le préconise le rapport sénatorial, d'une logique de dépenses à une logique d'investissement et de résultat, et sortir du « former ou payer » : dès lors que l'entreprise est soumise à une obligation de nature essentiellement financière, l'incitation à former l'ensemble des salariés est faible et la formation va aux mieux formés. Il faut une triple réponse simultanée et adaptée : à la demande des personnes, aux besoins économiques des entreprises et à l'aménagement du territoire.

Ce budget est la manifestation d'une politique ambitieuse et tournée vers l'avenir. Bien évidemment, notre groupe lui apportera son soutien. (Applaudissements à droite et au centre).

Mme Annie David. - C'est dans un contexte de suspicion sur le chiffre du chômage que s'ouvre ce débat sur la mission « Travail Emploi ». Ces incertitudes accroissent les inquiétudes de nos concitoyens. Le récent mouvement étudiant contre la loi sur l'autonomie des universités en est une expression. En refusant la participation des entreprises dans le financement et donc dans la direction des universités, les étudiants crient haut et fort leur crainte de voir celles-ci intervenir directement dans les choix pédagogiques. Ce qu'ils redoutent, c'est une formation spécifique, répondant aux seuls besoins des entreprises, dans un bassin d'emploi bien défini. En cas de délocalisation, nos étudiants craignent l'inadaptation de leurs diplômes. Et ce n'est pas la réponse de Mme Pécresse à mon collègue Jean-François Voguet, hier aux questions d'actualité, qui va les rassurer. Ce n'est pas non plus la manière forte employée hier sur le campus grenoblois où des étudiants ont été blessés, qui va apaiser la situation.

Le Président de la République avait dit vouloir faire de la question de l'emploi, comme de celle du pouvoir d'achat, une priorité. Nous l'avons entendu hier au soir : rien de bien nouveau à l'horizon ! On sait ce qu'il en est du pouvoir d'achat et on voit ce qu'il en sera de l'emploi. Une priorité affichée, mais en recul de 2,7 %. J'en veux pour exemple le programme 102, concernant l'accès et le retour à l'emploi des personnes les plus fragiles. Pourtant, c'est en direction de ces populations que l'État doit concentrer ses efforts.

La même coupe claire est appliquée au programme 103 appelé « accompagnement des mutations économiques » mais qui aurait pu s'appeler : « comment les pouvoirs publics viennent compenser les délocalisations et autres restructurations d'entreprises ». Ce que nous dénonçons ici, ce n'est pas la solidarité nationale, c'est le fait qu'elle réponde à des choix économiques contestables, visant à assurer aux actionnaires une croissance à deux chiffres, mais peu soucieux de l'emploi. Ce que nous dénonçons, c'est la conséquence directe de la première mesure prise par la droite en 2002, la suppression de la loi de contrôle des fonds publics, présentée par Robert Hue.

Pour en revenir au programme 102, vous proposez, mesure phare, de rapprocher les services de l'ANPE et de l'Unedic, tout en annonçant la suppression de cent quatre vingt trois postes ; comment alors promettre que les agents de la future agence fusionnée s'occuperont chacun de trente demandeurs au plus, alors qu'aujourd'hui, ce chiffre dépasse la centaine ? Le suivi personnel ne pourra être fait, à moins que vous n'ayez dans votre besace une solution bien cachée : le recours au privé. Le guichet unique supprime la séparation entre le prescripteur et le payeur. Il faut chercher à qui profite cette contre-réforme, comme toutes les autres. Au patronat ! Ce projet est dans la continuité du Pare car la main qui versera l'allocation sera aussi celle qui mettra en relation l'employeur et le chômeur. Il suffit d'être chômeur pour comprendre immédiatement ce que cela veut dire : refuser la mise en relation -salaire trop bas, emploi inadapté, horaires impossibles- c'est remettre en cause le versement de ses allocations, tout comme son inscription parmi les chômeurs. Le service en sera-t-il amélioré ? Il y a lieu d'en douter et les salariés des deux agences mettent en garde contre ce qui va être l'une des principales difficultés : la pluridisciplinarité. Un même agent va devoir accueillir le demandeur, lui rechercher un emploi, organiser sa formation et gérer ses indemnisations. Quelles formations sont prévues pour permettre aux salariés des Assedic d'accomplir des tâches jusqu'alors dévolues à l'ANPE et vice et versa ? Aucune ! Par ailleurs, l'Afpa, pilier du service public de l'emploi, deviendra un prestataire au même titre que n'importe quel autre, soumise à concurrence pour avoir les marchés des régions ! Ce n'est pas de cette fusion dont les salariés ont besoin, mais d'un service public de l'emploi, orienté tant vers les chômeurs que les actifs, afin de sécuriser les parcours professionnels de chacun ! Ce que veut le Gouvernement, c'est servir sur un plateau d'argent cet important marché aux sociétés privées, comme c'est déjà le cas dans de nombreux départements gérés par sa majorité, qui recourent de plus en plus à des sociétés privées, comme Ingeus, pour réintroduire les demandeurs d'emploi sur le marché du travail, certains, pas tous : les jeunes diplômés et les cadres, l'ANPE continue de s'occuper des autres. Comme dans le domaine de la santé, ce qui est complexe et coûteux reste dans le giron des services publics, ce qui rapporte passe au privé.

J'en viens au programme 111 « santé et sécurité au travail ». Là encore, c'est la déception : vous amputez le budget de près de 3 millions. La santé des salariés serait-elle tellement satisfaisante ? Mais vous suivez votre logique. Lors de l'examen du PLFSS, vous avez refusé tous nos amendements visant à garantir un service public de la médecine du travail et vous l'avez privatisée partiellement en autorisant les médecins qui pratiquent les contre-visites pour le compte de l'employeur à donner à la Cnam un avis sur le maintien du paiement des allocations journalières. Vous avez refusé d'exonérer les salariés victimes d'AT-MP de vos franchises médicales, ce qui revient, au final, à leur renier le caractère de victimes. Pourtant, selon un rapport de l'Igas d'octobre 2007, la médecine du travail est dans une situation alarmante : « les signes de dysfonctionnement se sont multipliés ces dernières décennies : forte augmentation des maladies professionnelles, désaffection pour le métier de médecin du travail, inapplication de la loi, éparpillement des responsabilités... ». Ce même rapport considère que « la médecine du travail est mal armée pour affronter les transformations du système productif », et qu'elle « manque d'outils pour sa pratique professionnelle ». Elle manque également d'indépendance, les cas de médecins du travail ayant minoré les risques apparaissent chaque jour. Vous minorez les risques !

M. Xavier Bertrand, ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité. - Pas du tout !

Mme Annie David. - Et vous diminuez les crédits. Décidément la santé des travailleurs vous importe beaucoup moins que celle du portefeuille des actionnaires. Vous qui n'avez de cesse de créer des droits opposables, vous allez supprimer soixante-trois conseils de prud'hommes, dont neuf en Rhône-Alpes, et deux sur cinq, en Isère, soit près de 50 % ! Votre redécoupage risque d'allonger les délais...

M. Xavier Bertrand, ministre. - C'est le contraire !

Mme Annie David. - ... et d'éloigner plus encore les salariés de la juridiction qui, malheureusement, en raison des comportements inacceptables de certains employeurs, les concerne le plus. Cela ne se justifie pas au regard des bénéfices colossaux des entreprises. Sans aller jusqu'à envisager une taxation supplémentaire, peut être pourriez-vous supprimer les multiples exonérations sociales qui ne profitent pas à l'emploi. Sur ce point, je suis d'accord avec M. Dassault, une fois n'est pas coutume.... Vous aviez l'occasion de renforcer la protection des travailleurs, vous avez préféré recodifier a minima le code du travail. Les désastres causés par votre politique de l'emploi vont s'aggraver avec ce que vous appelez pudiquement « modernisation du marché du travail ». Après avoir morcelé les contrats de travail et affaibli les droits des salariés, vous voulez instaurer un contrat de travail unique qui prendra, de la multitude de contrats précaires antérieurs, le plus mauvais et le moins protecteur pour en faire la norme.

M. Xavier Bertrand, ministre. - C'est tout le contraire !

Mme Annie David. - Les salariés demandent une autre politique de l'emploi, ils exigent une sécurisation des parcours professionnels...

M. Xavier Bertrand, ministre. - C'est ce que nous voulons faire !

Mme Annie David. - ... qui, de la faculté jusqu'à la retraite, permettrait de bénéficier d'un droit permanent à la formation, pour que les périodes de chômage ne soient pas des périodes d'inactivité, mais des moments de formation rémunérés et qui permettent au salarié de se réinsérer au plus vite dans l'emploi. Au lieu de cela, non seulement vous répondez flex-sécurité -et là, je ne suis plus d'accord avec M. Dassault-, une pâle imitation de la sécurisation des parcours professionnels qui fait des salariés la valeur d'ajustement des politiques libérales des entreprises. De plus vous pénalisez les personnels de la formation professionnelle -Afpa, Greta ou missions locales.

Vous allez même jusqu'à supprimer, à l'article 54, les aides accordées aux petites entreprises pour faciliter le remplacement des salariés partis en formation.

Ce budget n'est pas à la hauteur des attentes populaires que vous avez su faire naître pendant la campagne électorale. Le groupe CRC votera contre. (Applaudissements à gauche)

M. Bernard Seillier. - La mission sénatoriale sur le fonctionnement des dispositifs de formation professionnelle a mis en évidence leur cloisonnement, leur complexité et leur corporatisme. La conséquence est simple : la formation professionnelle ne va pas à ceux qui en ont le plus besoin. Le taux de départ en formation est de 12 % dans les très petites entreprises, de 22 % dans les PME de dix à cinquante salariés, de plus de 40 % pour l'ensemble des entreprises.

Les crédits de la mission « Travail et emploi » permettent-ils d'investir avec suffisamment d'efficacité dans la formation professionnelle et l'apprentissage ? La réforme du service public de l'emploi implique celle de la formation professionnelle. Les dispositifs d'alternance sont renforcés : 285 000 contrats d'apprentissage sont prévus en 2008, soit 10 000 de plus qu'en 2007, et 140 000 contrats de qualification, soit 5 000 de plus. Les personnes les moins qualifiées devraient pouvoir accéder plus facilement à la formation professionnelle. Les crédits destinés aux demandeurs d'emploi en fin de droits progressent de 80 %, à 200 millions d'euros.

L'institution qui naîtra de la fusion entre l'ANPE et l'Unedic, que la mission sénatoriale appelait de ses voeux, jouera un rôle majeur dans les régions les plus touchées par les restructurations et dans celles où les offres d'emploi ne sont pas satisfaites. L'expérimentation du contrat de transition professionnelle est très opportune, ce dispositif alliant prise en charge matérielle, mise en situation d'emploi et actions de formation. La mission sénatoriale a souhaité que la mise en place de guichets uniques soit activement poursuivie.

Le besoin de formation professionnelle concerne également les adultes. Si une réflexion sur l'avenir de l'Afpa est lancée, il est indispensable de rapprocher ses services d'orientation de ceux qui résulteront de la fusion de l'ANPE et de l'Unedic.

Le plan régional de développement des formations professionnelles doit jouer un rôle de coordinateur, afin de rendre la formation professionnelle accessible à l'ensemble des publics et adaptée aux besoins sur l'ensemble du territoire régional.

La baisse de 12 % des crédits relatifs à l'accès à la qualification s'explique par la suppression à l'article 53 des exonérations spécifiques liées aux contrats de professionnalisation, dont l'économie est estimée à 140 millions d'euros. Je me félicite que l'Assemblée nationale ait maintenu, sur proposition du Gouvernement, le régime spécifique aux groupements d'employeurs pour l'insertion et la qualification (GEIQ), qui devraient connaître un développement important car ils associent harmonieusement la stimulation dans l'effort de formation et l'accompagnement dans l'adaptation à l'emploi.

La suppression de l'aide au remplacement des salariés en formation accordée aux entreprises de moins de cinquante salariés fait débat. Je n'ignore pas que seulement 776 conventions ont été conclues en 2005, 828 en 2006 et 711 en septembre 2007 ; les employeurs ont peu recouru à ce dispositif. Sa suppression est-elle pour autant justifiée ? Notre effort de formation ne bénéficie pas assez aux petites entreprises ; dans celles-ci, le départ en formation d'une seule personne peut créer un vide insupportable. Que compte faire le Gouvernement pour y favoriser l'accès à la formation professionnelle ? Un service de remplacement n'est-il pas nécessaire ?

Il est en outre indispensable de développer la fonction de conseil, d'ingénierie et d'accompagnement pour la formation professionnelle.

Je m'interroge d'autre part sur la baisse de 18 millions des crédits de la formation professionnelle consacrés à la validation des acquis de l'expérience. Celle-ci connaît un rythme de développement soutenu mais, comme l'a relevé un récent rapport de l'Inspection générale de l'éducation nationale, seulement 0,5 % de la population active a participé à une réunion d'information sur le sujet en 2004 ; il faut impérativement donner un nouvel élan à cette voie de certification. La mission sénatoriale a mis en évidence les limites du dispositif : sa longueur et sa complexité -en 2005, plus de 30 % des candidats ont abandonné la procédure en cours de route ; ou encore la nécessaire présentation d'un dossier écrit, qui peut décourager ceux qui ont connu l'échec à l'école. Il faut avoir une approche plus pragmatique et moins académique. (M. Paul Blanc approuve)

La formation professionnelle mobilise plus de 24 milliards d'euros ; ses moyens sont en augmentation, mais les entrées en formation sont de moins en moins nombreuses. La mission sénatoriale a proposé de créer une autorité indépendante chargée de l'évaluation et de la régulation de la formation professionnelle ; il serait bon d'y réfléchir.

La réforme de nos dispositifs de formation professionnelle est un immense chantier, qui conditionne le plein emploi. Les crédits de la mission « Travail et emploi » expriment clairement la volonté du Gouvernement de donner la priorité à la formation professionnelle. C'est pourquoi je les voterai avec la majorité du groupe RDSE. (Applaudissements au centre et à droite)

M. Jean-Pierre Godefroy. - Je concentrerai mon intervention sur le programme 111 de la mission, relatif à l'amélioration de la qualité de l'emploi et des relations du travail. Derrière cet intitulé plutôt flou se cachent des questions importantes qui, lors du débat à l'Assemblée nationale comme de nos travaux en commission, ont été abordées trop rapidement.

Certes, les crédits de ce programme représentent moins de 10 % du total ; mais la santé et la sécurité au travail, le respect de la législation du travail ou la justice prud'homale méritent qu'on s'y attarde, d'autant que le contexte est pour le moins inquiétant.

L'attention de l'opinion publique a été attirée récemment par la succession de suicides survenus dans l'industrie en quelques mois -cinq à l'usine PSA de Mulhouse, quatre chez Renault, quatre à la centrale EDF de Chinon- qui sont liés à une aggravation des conditions de travail. Ce phénomène n'est pas nouveau : en 2003, la sécurité sociale en a reconnu dix-neuf comme accidents du travail ou maladies professionnelles, treize en 2004 et vingt-six en 2005. Le nombre de dépressions liées à diverses formes de pression, de maltraitance ou de harcèlement par l'employeur est en augmentation.

Comme l'indique la Direction de l'animation de la recherche, des études et des statistiques (Dares) dans son rapport de juillet 2007, les contraintes et pénibilités physiques traditionnelles ne diminuent pas et de nouvelles formes apparaissent, qualifiées de risques psychosociaux, résultant « d'une forte demande psychologique et d'une faible latitude décisionnelle », en clair d'une forte pression et de contraintes pesantes, le tout accompagné d'un délitement des solidarités. Se développe aussi la pénibilité due à la répétition de mouvements douloureux entraînant des troubles musculo-squelettiques (TMS). Contrairement à ce qu'on imagine, de plus en plus d'ouvriers travaillent à la chaîne, notamment des femmes. Un salarié sur trois est soumis à de fortes contraintes de rythme de travail. Les horaires atypiques se sont développés de même que le travail dominical. Cette aggravation de la pénibilité se traduit par une mutation des accidents du travail et des maladies professionnelles (AT/MP).

Si les accidents du travail sont en diminution sur la durée, depuis l'an 2000, leur taux de gravité ne cesse d'augmenter ; les mauvaises conditions de travail y contribuent de manière décisive. Quant aux maladies professionnelles, ai-je besoin de rappeler la gravité des faits et leurs conséquences humaines et financières ?

Je souhaite revenir sur deux points du projet de loi de financement de la sécurité sociale : l'application des nouvelles franchises aux victimes d'AT/MP et les nouvelles modalités du contrôle médical applicable aux indemnités journalières.

Nous refusons le principe même de ces franchises ; leur application aux accidentés du travail et aux personnes atteintes de maladie professionnelle est réellement incompréhensible : il ne s'agit pas de malades qu'il faudrait responsabiliser, mais de victimes subissant les conséquences physiques et financières d'une faute de leur employeur.

Les victimes d'accidents du travail ou de maladies professionnelles vont financer une partie de leurs soins ! Elles seront les seules victimes en France à ne pouvoir s'adresser aux juridictions de droit commun pour obtenir remboursement de ces franchises. De cette atteinte au droit à réparation nous avons saisi le Conseil constitutionnel.

Quant aux indemnités journalières, comment peut-on accorder à l'employeur le droit de faire contrôler les salariés concernés par un médecin rémunéré par lui ? (M. Fischer et Mme Le Texier approuvent) C'est un moyen de pression entre les mains d'employeurs indélicats.

M. Xavier Bertrand, ministre. - N'exagérez-vous pas un peu ?

M. Jean-Pierre Godefroy. - Depuis l'accord du 13 septembre 2000 sur la santé au travail et la prévention des risques professionnels, peu de progrès réel. Les travaux préparatoires à la conférence nationale, en septembre dernier, ont montré tout le chemin qu'il reste à parcourir pour faire émerger des propositions concrètes.

M. Xavier Bertrand, ministre. - Ce n'est pas ce que disent les syndicats !

M. Jean-Pierre Godefroy. - Vous réagissez : cela démontre que je mets le doigt là où cela fait mal.

M. Xavier Bertrand, ministre. - Non, cela montre que vous êtes isolé ! (Protestations et marques d'ironie à gauche)

M. Jean-Pierre Godefroy. - C'est ce qu'on nous opposait à propos du CPE et du CNE... Les employeurs font de la résistance : ils contestent jusqu'au cadrage statistique fourni par votre ministère et s'en prennent aux résultats de l'enquête de la Dares sur les conditions de travail comme de l'enquête Sumer -surveillance médicale des risques. Je suis donc isolé, comme vos services.

Le Medef est dans sa logique de déni ; le Gouvernement, pour sa part, est encore loin d'avoir fait sa révolution sur le sujet : les crédits de l'action « santé et sécurité au travail », déjà bien faibles, sont en diminution !

M. Guy Fischer. - C'est la vérité...

M. Jean-Pierre Godefroy. - Les atteintes à la santé physique et morale des individus appellent une refondation de notre système de santé au travail. Pourtant, l'inertie l'emporte ; l'État, sensible aux priorités des entreprises, manque ici de volontarisme. Le cadre des négociations que vous avez fixé ne répond que très partiellement aux questions, même s'il a le mérite d'exister.

M. Xavier Bertrand, ministre. - Quel mépris pour les partenaires sociaux qui l'ont approuvé !

M. Jean-Pierre Godefroy. - Nous avons des contacts réguliers avec eux et nous savons ce qu'ils en pensent. (Applaudissements à gauche)

M. Xavier Bertrand, ministre. - Vous avez beaucoup de mémoire...

M. Jean-Pierre Godefroy. - Précisément !

La situation de la médecine du travail est un des aspects les plus préoccupants. La pénurie de médecins du travail va apparaître dans les prochaines années...

M. Paul Blanc. - De tous les médecins !

M. Jean-Pierre Godefroy. - La moyenne d'âge des médecins en activité est de 50 ans. Dans les cinq années à venir, 1.800 vont partir. Plusieurs rapports récents ont formulé des propositions, celui de M. Frimat et Mme Conso par exemple. Quelle suite comptez-vous y donner ? Interrogé à l'Assemblée nationale par M. Muzeau, vous avez annoncé une large concertation, la réforme devant intervenir « au plus tard au second trimestre 2008 ». Mais avec quels moyens ? Rien n'est prévu dans ce projet de budget...

Je vous donne acte en revanche de l'effort fait en faveur de l'inspection du travail...

M. Xavier Bertrand, ministre. - Ah ! Tout de même ! Cela ne vous est-il pas trop douloureux ?

M. Jean-Pierre Godefroy. - Il faudra continuer les prochaines années...

M. Xavier Bertrand, ministre. - C'est pourquoi nous avons un plan pluriannuel.

M. Jean-Pierre Godefroy. - Je m'élève avec force cependant contre un décret qui détourne véritablement la mission des inspecteurs et contrôleurs du travail. Il modifie les attributions du ministre de l'immigration et de l'identité nationale...

M. Guy Fischer. - Et voilà !

M. Jean-Pierre Godefroy. - ...celui-ci compte sur les inspecteurs du travail, qui ont la faculté d'entrer à tout moment dans les entreprises. Qui contesterait le bien-fondé d'un contrôle du travail illégal ? Mais le contrôle des papiers d'identité relève d'un autre métier. Les agents concernés sont indignés, ils refusent de « servir d'ouvre-boîte aux forces de police, juste pour améliorer le score des reconduites à la frontière ». Leur tâche est suffisamment vaste : ne les transformez pas en supplétifs de la police.

M. Guy Fischer. - Démentez donc, monsieur le ministre !

M. Jean-Pierre Godefroy. - Ce budget est loin d'être satisfaisant, il contient aussi peu d'engagements que de moyens. Seules progressent les exonérations de cotisations patronales. Vous imposez un double effort aux salariés : contribuables, ils doivent soutenir les chefs d'entreprise, travailleurs, rétablir la compétitivité. J'y verrais volontiers une forme d'hommage aux salariés ; hélas, il s'agit bien plutôt d'un retour à des conditions insupportables. Nous voterons donc contre. (Applaudissements à gauche)

M. Adrien Gouteyron. - Mon seul souci dans cette intervention, madame la ministre de l'économie, est que la loi travail, emploi et pouvoir d'achat prenne son plein essor.

M. Paul Blanc. - Très bien.

M. Adrien Gouteyron. - Aujourd'hui, sur 17 millions de salariés du privé, 6 ou 7 effectuent des heures supplémentaires, et pourraient donc bénéficier des dispositions de la loi Tepa. Ma commune est concernée car elle compte plusieurs entreprises et une maison de retraite.

M. Guy Fischer. - Rosières !

M. Adrien Gouteyron. - Le contingent normalement autorisé est de 220 heures annuelles, mais certains accords collectifs antérieurs ont fixé un contingent plus bas, par exemple dans les assurances, la fabrication de meubles, l'automobile, le bâtiment, la blanchisserie, la pharmacie, la plasturgie. Dans cette dernière branche, le contingent est de 130 heures, sur 40 semaines, soit 3,25 heures hebdomadaires. On ne peut donc dépasser 38,25 heures par semaine : comment sortir de cette contrainte ? Les salariés comme les patrons le souhaitent !

Dans les maisons de retraite médicosociales, où les tâches se concentrent le matin, le temps partiel est plus commode, plus souple. Souvent les femmes le demandent, pour faire face à leurs contraintes familiales. Elles aimeraient aussi faire des heures supplémentaires. Auparavant, des heures complémentaires étaient autorisées, jusqu'à 10% du temps travaillé -et jusqu'à un tiers par dérogation. Pourquoi ne peut-on pas en profiter dans le cadre de la loi Tepa ?

Ce dispositif ne peut pas s'appliquer, et cela se comprend du point de vue du droit du travail. Il y a là un gisement de pouvoir d'achat, de confort social pour les salariés, à exploiter.

Je ne sous-estime pas les difficultés mais j'ai voulu, madame la ministre, monsieur le ministre, évoquer les pistes à explorer. Je ne suis pas de ceux qui méconnaissent les bienfaits de la loi Tepa, et je souhaite même qu'elle soit généralisée autant que possible. (Applaudissements à droite et au centre)

M. Georges Othily. - Alors qu'il convient de critiquer un néolibéralisme censé être effréné, l'examen de la mission « Travail et emploi » nous rappelle qu'historiquement, les attentes citoyennes à l'égard d'un État régulateur n'ont jamais été aussi fortes. Sans surestimer le pouvoir réel des autorités publiques -car, selon une expression bien connue, « la croissance et l'emploi ne se décrètent pas »-, songeons que l'action publique peut affecter les conditions économiques et sociales dans l'accompagnement des mutations internationales et dans l'impulsion des restructurations. En ce sens, les processus de rationalisation engagés dans ce budget de transition autour de la refondation des contrats aidés et d'une meilleure coordination de la prise en charge des demandeurs d'emploi vont dans le bon sens.

Cette problématique renvoie à deux enjeux étroitement corrélés, relatifs à une prospective des métiers et aux carences structurelles que connaît la France dans l'inadéquation entre son offre et son marché de l'emploi. Ainsi, les travaux menés par la Direction de l'animation de la recherche, des études et des statistiques (Dares) et le Centre d'analyse stratégique (CAS) sur l'état des métiers d'ici 2015 indiquent qu'un retour au plein emploi se profile, du fait notamment du départ à la retraite de la génération du baby-boom, même dans l'hypothèse d'un taux de croissance relativement réduit d'environ 2 %. Selon les scénarios proposés, cela ne sera possible qu'à la condition expresse que les pouvoirs publics favorisent le retour à l'emploi des personnes éloignées du marché du travail. Parallèlement, de profondes disparités entre les types d'activité se manifesteront, avec un secteur tertiaire dominant et des tensions dans certains domaines de recrutement, telle la santé.

Le groupe RDSE entend insister sur la nécessaire adaptation structurelle de notre marché du travail, alors qu'un rapport de la Chambre de commerce et d'industrie de Paris de juin 2006 évoque le chiffre de 100 000 emplois non pourvus en Ile-de-France. Le secrétaire général de la Confédération générale des petites et moyennes entreprises (CGPME) l'évalue même à 300 000. Cela pèserait, dans près de 50 % des cas, sur le chiffre d'affaires des entreprises. La politique de sanction pour les chômeurs refusant deux emplois successifs doit certainement être poursuivie, accompagnée d'un effort considérable en faveur de la formation professionnelle. Les centres de formation d'apprentis sont débordés, et l'on attend toujours la promotion réelle de l'école manuelle d'excellence, seule à même de contrecarrer la désaffection pour certains métiers jugés pénibles, tel le bâtiment.

Le Gouvernement a choisi d'agir en priorité sur le levier de la consommation. Nous examinerons prochainement le projet de loi sur le développement de la concurrence, adopté par l'Assemblée nationale, et un autre texte d'ampleur est attendu en début d'année prochaine.

Les premières mesures préconisées dans le prérapport de la commission Attali concernent une libéralisation, raisonnée, des marchés. La réforme des professions fermées est légitime et susceptible d'impulser une véritable dynamique d'emplois. Les impératifs d'aménagement, de vitalité du territoire et d'urbanisation, chers à notre haute assemblée, appellent cependant des réserves à l'égard d'un assouplissement des conditions d'implantation de la grande distribution. N'oublions pas que les oppositions entre « archaïques » et « modernes » lors de l'examen de la loi Royer en 1973 ont été dépassées quatre ans plus tard lorsque la crise a obligé Raymond Barre à réorienter sa politique d'emploi vers la promotion des PME et TPE. Le différentiel de création d'emplois entre la grande distribution et les secteurs productifs et artisanaux invite de surcroît à la prudence.

Observons nos voisins : l'Allemagne profite d'un certain dynamisme fondé sur l'excédent de sa balance commerciale. La politique de l'emploi est par essence transsectorielle et les interventions de la mission « Travail et emploi » sont indissociables des mesures relatives à notre commerce extérieur et au développement économique.

L'impact des politiques sectorielles et macro-économiques sur le marché de l'emploi ne se vérifiera que s'il s'accompagne d'un aggiornamento des pratiques sociales. La régulation économique ne peut s'effectuer que dans un cadre social apaisé. Le modèle dirigiste français devra disparaître et une voie devra être trouvée entre deux modèles, le modèle rhénan, contractualiste, qui permet de garantir la paix sociale par des accords entre patronat et représentants des salariés, et le modèle anglais, fondé sur des accords d'entreprise décentralisés et une liberté d'action collective contrainte par la loi.

La signature en 2001 d'un accord sur le dialogue social dans l'artisanat entre les confédérations salariales et l'union interprofessionnelle du secteur démontre que les partenaires sociaux sont prêts à cette mutation : sa validation par l'extension des accords de déclinaison prônés par le rapport Hadas-Lebel et la remise à plat des conditions générales d'organisation du dialogue social devront intervenir rapidement.

L'examen de la mission « Travail et emploi » est l'occasion pour le groupe RDSE d'énoncer son soutien et son engagement sur les mutations à venir, et de voter en conséquence les dispositifs budgétaires pour 2008. (Applaudissements à droite et au centre)

Mme Annie Jarraud-Vergnolle. - A l'évidence, le présent budget pèche par manque de lisibilité et de souffle.

Les questions du développement économique harmonieux et de l'insertion des salariés devraient nous préoccuper tous et nous fournir des objectifs communs, clairs, relevant d'une stratégie à long terme et s'inscrivant dans une économie mondialisée. Au lieu de quoi, ce projet de loi de finances s'emploie essentiellement à financiariser des mesures à court terme, peu compréhensibles et non évaluées.

En attendant les réformes prévues en 2008, et qui n'apparaissent pas dans ce budget -notamment la fusion Unedic-ANPE-, ce texte laisse présager, comme pour la sécurité sociale, un budget de transition. Les singulières modifications de la présentation budgétaire empêchent toute comparaison avec les budgets antérieurs. Ainsi, le programme « développement de l'emploi » disparaît et se trouve intégré au programme « accès et retour à l'emploi », pour le secteur de l'insertion par l'économique et le programme « accompagnement des mutations économiques et développement de l'emploi » intègre une nouvelle action « développement de l'emploi » pour les emplois de services, les baisses du coût du travail et les aides au secteur hôtels, café, restaurants. Cette mission s'inscrit dorénavant dans une double compétence ministérielle, et ses moyens sont disséminés et opacifiés. Mais on ne nous fera pas prendre des vessies pour des lampions ! Les crédits de la mission sont en baisse de 2,7 % par rapport à 2007, alors qu'aucune évaluation des actions du plan Borloo n'a été faite.

Rappelons-nous cet épisode incroyable du printemps dernier : la non-publication par l'Insee des chiffres du chômage 2006, dont la fiabilité était mise en doute à la veille d'une campagne électorale. Une analyse plus complète a permis à l'Insee de constater que, depuis 2005, le taux de chômage avait baissé d'un point seulement au lieu de deux, ce qui le ramenait au niveau des statistiques de la fin 2002 ! N'oublions pas que le gouvernement de M. Raffarin a supprimé les emplois jeunes et les contrats aidés, et que sa politique économique a conduit à une remontée vertigineuse et brutale des chiffres du chômage, heureusement enrayée par le virage à 180° mené par Jean-Louis Borloo sur les contrats aidés. On voit à quoi mène une mécanique libérale qui laisse de côté les jeunes et les publics les plus fragiles en vertu du principe que seule la loi du marché peut créer de l'emploi. Malheureusement, vous persévérez dans la même logique sans mesurer que, derrière vos politiques, il y a des hommes et des femmes qui vont de petit boulot en petit boulot, à temps partiel pour la plupart, ou à durée déterminée pour la majorité -plus de 50 % des contrats signés le sont en CDD.

M. Guy Fischer. - C'est la vérité !

M. Paul Blanc. - C'est votre vérité !

Mme Annie Jarraud-Vergnolle. - Le développement de ces emplois atypiques et précaires correspond davantage aux besoins du système productif qu'au souhait des salariés. Mais il faut bien vivre, dans l'incertitude du lendemain. Pour une part croissante de salariés, le quotidien consiste à avoir un pied dans l'emploi, l'autre dans le chômage. Ces situations permettent aux employeurs d'ajuster leurs effectifs à la situation du marché, tout en conservant « précieusement » leurs salariés qualifiés, indispensables au bon fonctionnement de leurs entreprises.

Les supplétifs de l'emploi jouent donc un rôle de variable d'ajustement, dans un système économique où la demande est de plus en plus volatile. Les premières victimes sont les femmes, qui en paient le plus lourd tribut. Aujourd'hui, un CDI à temps plein ne garantit pas forcément des revenus permettant de vivre décemment. (On le confirme à gauche)

Un salarié sur deux travaillant à temps plein gagne moins de 1 500 euros par mois et ce salaire médian a baissé de 0,4 % compte tenu de l'inflation. Le Smic n'est même plus le salaire minimum : dans cinquante-cinq branches professionnelles sur quatre-vingt-quatre, les minima salariaux y sont inférieurs. A côté de ces chiffres consternant, les plus grandes entreprises, notamment celles du CAC 40, affichent depuis trois ans des profits records, distribuent des dividendes faramineux et elles ont quasiment gelé les salaires !

Alors que la France est de plus en plus riche, jamais elle n'a été aussi inégalitaire : 7,1 millions de personnes vivent en dessous du seuil de pauvreté dont 2 millions qui exercent une activité professionnelle. Votre politique accroît et pérennise la précarité. Selon le rapport d'août de l'Observatoire des inégalités, une frange considérable de la population manque de ressources. Il ne s'agit pas, dans la plupart des cas, de dénuement total, comparable à celui des pays les plus pauvres. Il n'empêche que des millions d'enfants, d'hommes et de femmes vivent en marge de la société. Ils n'aspirent pas seulement à manger mais aussi à avoir un logement décent, à étudier, à travailler et à se soigner comme les autres.

Pour une plus grande équité, il conviendrait de sécuriser les parcours professionnels en améliorant les droits sociaux des salariés, en reconnaissant leurs acquis professionnels, en développant la formation et en ajustant les revenus. Mais vos priorités sont toutes autres : la loi pour le travail, l'emploi, et le pouvoir d'achat (Tepa) a multiplié les cadeaux fiscaux en faveur des plus aisés, sans avoir d'effets sur la croissance de l'activité, de l'emploi et du pouvoir d'achat.

A contrario des déclarations de Nicolas Sarkozy : « il faut nettoyer les niches fiscales qui rendent notre système opaque et inégalitaire et remettre à plat tous les grands prélèvements : cotisations sociales, taxe professionnelle, taxe sur les salaires, TVA, impôt sur le revenu, CSG », la loi fiscale de juillet a multiplié les niches fiscales, notamment en matière d'ISF : c'est la rente, et non le travail, qui est récompensée.

Le président de la commission des finances de l'Assemblée nationale a obtenu les premiers éléments d'appréciation des effets du bouclier fiscal : au premier semestre 2007, deux mille quatre cents contribuables étaient concernés et ils ont reçu chacun un chèque moyen de 50 000 euros.

Mme Gisèle Printz. - Impensable !

Mme Annie Jarraud-Vergnolle. - Quant à l'exonération des heures supplémentaires et ses effets sur l'activité, tous les économistes estiment que cette mesure ne créera pas d'emplois et qu'elle pourrait même en détruire, en dépit de son coût exorbitant pour les finances publiques.

Vous vous félicitez de l'amélioration des chiffres de l'emploi, alors qu'ils ne révèlent ni la réalité de la création d'emplois, ni la précarisation croissante des emplois puisqu'une offre d'emploi de sept heures est comptabilisée comme une création d'emploi.

Mme Michèle San Vicente-Baudrin. - C'est scandaleux !

Mme Annie Jarraud-Vergnolle. - Sous prétexte d'un hypothétique retour de la croissance et d'une série de réformes qui n'ont toujours pas abouti, vous proposez de supprimer les dispositifs au service des plus fragiles.

Vous remettez en cause les contrats aidés, les soutiens à l'emploi des jeunes en entreprise, vous diminuez de 33 % la dotation aux contrats initiative emploi, vous supprimez les exonérations sur les contrats de professionnalisation dans le secteur non marchand. De plus, les contrats d'accompagnement vers l'emploi et les contrats d'avenir diminuent respectivement de 18 et de 27 %. Je note encore la baisse du Civis, l'arrêt des créations des maisons de l'emploi, le maintien du financement des missions locales. Ces coupes claires déstabilisent les processus d'insertion par l'économique, tant pour les personnes que pour les organismes qui s'investissent dans ce domaine.

Alors même, que le budget propose de pérenniser les aides au secteur des hôtels, cafés, restaurants dont les effets positifs sur l'emploi n'ont pas été démontrés, il supprime des dispositifs comme l'allocation équivalent retraite ou l'aide au remplacement des salariés en congé maternité, pour réaliser des économies sans commune mesure avec les montants alloués au secteur HCR.

Les dispositifs d'insertion des publics en difficulté ne sont pas non plus ménagés : baisse de la dotation à l'insertion par l'activité de 4 % mais maintien des aides aux structures de l'IAE.

Mme Christine Lagarde, ministre. - Eh oui !

Mme Annie Jarraud-Vergnolle. - Le fonds d'insertion professionnelle des jeunes accuse également une baisse significative de 30 %, alors qu'il permettait une sécurisation des parcours des jeunes mineurs et l'aide au financement de logements.

L'empilement de tous ces dispositifs ne favorise pas la lisibilité des politiques de l'emploi. Le Grenelle de l'insertion préparerait des expérimentations sur le contrat unique. Mais, seront-elles financées par Bercy ?

En ce qui concerne les personnes handicapées, les crédits d'aide aux postes pour les entreprises adaptées sont maintenus. En revanche, la subvention d'accompagnement est réduite de 11 %. Quel dommage, car il garantissait la réussite de l'insertion durable de ces publics.

En revanche, il est heureux que l'AGEFIPH propose de plus en plus de nouvelles aides pour l'emploi et la formation en partenariat avec les assedic, les Opca et les Opacif.

J'en viens au programme « anticipation et accompagnement des conséquences des mutations économiques sur l'emploi » pour lesquelles l'État crée toute une batterie de mesures en diminution pourtant de 0,4 %. Bien qu'il faille anticiper les mutations économiques, les moyens consacrés à l'analyse et à la prospective restent insuffisants. Les rapports du centre d'analyse stratégique et de la Dares démontrent que nous devons prendre, dès maintenant, des mesures pour préparer l'avenir. Or, ce programme n'est malheureusement pas à la hauteur des enjeux.

Quand vous voterez ce budget, souvenez-vous que le slogan : « travailler plus pour gagner plus » est une imposture qui peut galvaniser une campagne mais qui ne sert pas les travailleurs. Cette formule met l'accent sur le quantitatif au détriment du qualitatif. Dans mon département, et notamment sur la côte basque, l'activité économique est liée à périodes estivales. Les principales offres d'emploi concernent le travail saisonnier notamment en hôtellerie-restauration et le temps partiel dans la grande distribution. Jusqu'en 2007, les périodes de morte saison étaient indemnisées avec un coefficient de minoration. En 2008, elles ne le seront plus. Veut-on précariser un peu plus une population pourtant nécessaire au bon fonctionnement de l'économie locale ?

Si l'on prenait en compte le temps passé et l'effort réalisé, le qualitatif prendrait le pas. Les efforts des travailleurs seraient alors encouragés. Ils seraient récompensés et auraient envie de consommer parce qu'ils en auraient les moyens. Mais « le travailler plus pour gagner plus » ne crée pas d'emplois. L'investissement productif, la formation des salariés, la préparation à l'emploi, la recherche s'inscrivent dans le long terme. Les marchés financiers, eux, privilégient le court terme. La paix sociale passe par l'ajustement des deux.

MM. de Foucault et Piveteau estiment que « la crise de l'emploi ne peut être dissociée de deux autres crises : celle du lien social et celle du sens ». Effectivement, perdre son emploi a des conséquences bien au-delà de la sphère professionnelle. Le retour à l'emploi, pour celui qui l'a perdu depuis longtemps, passe souvent par la reconstruction d'une identité et d'un lien relationnel. Aucun projet politique ne peut se borner à des mesures purement techniques. La réhabilitation du travail passe par là. (Applaudissements à gauche)

Mme Raymonde Le Texier. - (Applaudissements à gauche) Avoir pour objectif un taux de chômage à 5 % et un taux d'activité à 70 % ne manque pas d'ambition. L'afficher alors que le taux de chômage est aujourd'hui de 8,1 %, que la croissance est poussive, que le solde net d'emplois créés reste faible et que la précarité n'a jamais été aussi forte, c'est ne pas manquer d'aplomb.

Faire croire que ce résultat sera atteint avec un budget en baisse de 2,5 %, que la solution réside dans la fusion administrative entre l'ANPE et l'Unedic, dans la suppression des contrats aidés, dans les coupes claires opérées dans le budget de la formation professionnelle, dans la promotion d'un plan senior mis en avant sans qu'aucune ligne budgétaire ne soit prévue, relève de la mystification !

Vous vous réjouissez de la baisse du chômage constatée par l'Insee. Pourtant, nos concitoyens, notamment les jeunes et les séniors, ont toujours autant de mal à trouver un emploi ou à le conserver. Les départements croulent sous la charge du RMI et quand l'emploi est enfin là, il est souvent précaire, partiel, mal payé. Chacun sait que les travailleurs pauvres sont aujourd'hui légion.

Votre budget fait l'impasse sur la contestation aussi récente qu'argumentée des chiffres du chômage par des experts de l'Insee. Vous vous gardez bien également de dire que plus de la moitié des allocataires du RMI ne sont pas inscrits à l'ANPE, « afin de ne pas alourdir les statistiques, ce qui équivaut à les priver de tout accompagnement professionnel » dixit un membre du Gouvernement auditionné à l'Assemblée nationale.

Aujourd'hui, un emploi créé sur six est un intérim. Les nouveaux emplois sont cantonnés aux services aux entreprises et aux particuliers tandis que les effectifs dans l'industrie ne cessent de se réduire. Ces emplois sont fragiles par essence et rarement à temps complet. Pourtant, passer de la stabilité à la précarité est loin d'être neutre pour une société et modifie sa façon de se projeter dans l'avenir.

Le fait que les créations d'emploi ne soient que des emplois précaires est de mauvais augure. Tandis que le pouvoir d'achat est au coeur des préoccupations des Français, la moitié des salariés à temps partiel touche un salaire mensuel inférieur à 750 euros. Ils sont l'archétype de ces travailleurs pauvres pour qui le travail n'est plus gage d'insertion et qui peinent à assurer leur existence. Aujourd'hui, le travail n'est plus un facteur d'émancipation et d'ascension sociale. A tel point que, pour vous, la question de la revalorisation du travail ne passe plus par la fiche de paye, les accords salariaux et la garantie des droits des salariés mais se réduit aux acquêts des heures supplémentaires.

Alors qu'il est plus que jamais nécessaire de mettre en place une politique de l'emploi cohérente, lisible et stable, ce budget est loin du compte. Votre politique en matière d'emploi est finalement plutôt basique et, bien qu'ayant fait la preuve de ses maigres résultats, elle est sans cesse reconduite avec toujours plus de moyens : elle s'appuie sur les allègements de cotisations sociales et sur l'accroissement des dépenses fiscales. Ainsi, l'essentiel des crédits que le Gouvernement consacre à l'emploi ne se trouve pas dans la mission : près de 27 milliards pour les allégements de cotisations sociales et près de 10 milliards de dépenses fiscales. Ces choix ne sont pas sans conséquences. Cette politique de l'emploi consistant en allègement de charges patronales permet de faire assumer le financement de la protection sociale par les ménages, tout en réduisant le champ d'intervention des partenaires sociaux, puisque l'État mobilise ses capacités de financement dans un domaine où il a tout pouvoir.

Cette politique dépend maintenant du bon vouloir de Bercy qui impose des objectifs comptables et des logiques strictement budgétaires. La dimension sociale de ces politiques se réduit comme peau de chagrin quand elle n'est pas tout simplement oubliée.

Enfin, la fusion ANPE-Unedic se fera sous la tutelle de Bercy : le suivi des chômeurs ne sera sans doute pas amélioré (Mme Lagarde s'exclame). Le principe de sanction semble préféré à l'obligation de moyen. La notion « d'emploi convenable » souffre d'un manque de précision inquiétant.

Dans le même temps, des crédits dont l'utilité semblait incontestée sont gelés ou supprimés. C'est le cas des Maisons de l'emploi. Nombreux sont les élus, de droite comme de gauche, qui s'inquiètent de ce signal négatif alors que ces maisons commençaient à donner des résultats.

Un tel désengagement de l'État ne manquera pas de transférer des charges aux collectivités locales : que vont faire les villes de banlieues où le chômage touche 42 % des jeunes de moins de 25 ans ? Où le taux de chômage des actifs est de 22 % quand il est à 8,1 % en moyenne ?

Le nombre de contrats aidés baisse continuellement, mais certainement pas du fait du recul des chiffres du chômage. Ces contrats sont destinés aux publics les plus fragiles, les plus éloignés de l'emploi, ils servent au maintien de la cohésion sociale dans les bassins les plus touchés par la crise économique et industrielle et surtout, ils s'adressent à un public qui n'a pas les moyens d'attendre les résultats du Grenelle de l'insertion.

Vous n'avez pas besoin d'évaluation ni d'un Grenelle des privilèges pour accorder des milliards de cadeaux fiscaux aux plus favorisés, mais vous supprimez les aides aux plus fragiles pour faire quelques économies !

Vous supprimez l'allocation équivalent retraite (AER), parce qu'elle entrerait en contradiction avec le plan national d'action pour l'emploi des seniors. Pourtant, seulement une vingtaine de CDD seniors ont été signés, quand plus de 62 000 AER sont versées ! Sachant que l'ASS varie avec les ressources et ne peut dépasser 435 euros, tandis que l'AER atteint 953 euros par mois, on mesure mieux la perte de pouvoir d'achat pour les seniors !

M. Guy Fischer. - Eh oui, encore des économies sur les plus pauvres !

Mme Raymonde Le Texier. - La majorité sait parfaitement capitaliser les souffrances et les peurs de nos concitoyens quand il s'agit de se faire élire. Mais ensuite, elle ne leur renvoie que mépris et cynisme, c'est ce que j'ai ressenti hier soir en écoutant la prestation du Président de la République, et c'est ce que démontre ce budget ! (Applaudissements à gauche)

Mme Catherine Procaccia. - Nous n'avons pas eu la même impression !

M. Xavier Bertrand, ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité.  - (Applaudissements à droite et au centre) La partie travail ne représente que 7 % de ce programme, mais j'y consacrerai, comme vous, une part plus importante de mon intervention...

Monsieur Dassault, nous voulons tous moderniser le marché du travail et je m'engage à ce que la « flexsécurité » soit équilibrée, sécurisant les parcours d'emploi autant que l'entreprise, je défendrai partout cette position, y compris dans les négociations européennes !

M. Adrien Gouteyron. - Très bien !

M. Guy Fischer. - Nous vérifierons !

M. Xavier Bertrand, ministre. - Les partenaires sociaux partagent cette position, mais le Président de la République a bien dit, hier soir, que nous devons conforter la sécurité des parcours dans l'emploi.

Grâce à la concertation, nous avons regroupé 63 conseils de prud'hommes contre 90, chiffre envisagé au départ. Mais comme on maintient tous les postes de conseillers, on obtiendra une justice plus efficace et plus rapide ! Là où les conseillers se réunissaient une fois par semaine, ils pourront désormais tenir deux sessions, donc traiter plus de dossiers ! (Exclamations à gauche) Partant, les délais d'instruction seront plus courts !

Mme Annie David. - Et la proximité ?

M. Xavier Bertrand, ministre. - Les médecins du travail doivent être plus souvent dans l'entreprise et faire davantage de prévention. C'est pourquoi, dans mes fonctions antérieures, j'ai relevé le numerus clausus de 4 700 à 7 100, tant il est nécessaire d'anticiper le temps partiel !

M. Paul Blanc. - Tout à fait !

M. Guy Fischer. - Et la féminisation ?

M. Xavier Bertrand, ministre. - Je tirerai toutes les conséquences des travaux de la conférence sur les conditions de travail : quand un rapport paraît, je n'ai pas pour habitude de le ranger dans un tiroir.

Mme Annie David. - Les subventions baissent pour certaines agences !

M. Xavier Bertrand, ministre. - Elles augmentent pour l'Agence nationale d'amélioration des conditions de travail (ANACT), pourquoi le passez-vous sous silence ? La médecine du travail est intégralement financée par cotisation, sans crédits publics, mais vous dites que le Gouvernement diminue les moyens : c'est un peu fort de café ! (Applaudissements à droite) Jamais un gouvernement n'a autant fait pour la médecine du travail, mais la réussite passe par la mobilisation de tous, en particulier par l'implication des entreprises.

Monsieur Godefroy, je n'ai jamais nié la réalité des suicides au travail : je m'en suis inquiété auprès des partenaires sociaux dès mon arrivée, nous évoquons ce douloureux phénomène au sein de la conférence sur les conditions de travail. Le suicide relève de nombreux facteurs, et il faut compter aujourd'hui avec la forte médiatisation.

M. Jean-Pierre Godefroy. - Je ne vous accusais pas personnellement !

M. Xavier Bertrand, ministre. - J'ai souhaité disposer de la meilleure information possible et trouver des réponses nouvelles : c'est le sens de la mission confiée à Philippe Nasse et Patrick Légeron sur « les risques psychosociaux dans l'entreprise ». Vous pouvez leur demander à être auditionné, pour autant que vous ayez des propositions ! Le sujet ne mérite pas la polémique : reconnaissez que les pouvoirs publics prennent enfin ce problème douloureux à bras-le-corps ! (Exclamations à gauche, applaudissements à droite)

M. Jean-Pierre Godefroy. - C'est vous qui polémiquez !

M. Xavier Bertrand, ministre. - Votre agressivité, monsieur Godefroy, ne masquera pas votre incurie ! Ceux qui n'ont rien fait, ce sont les gouvernements que vous avez soutenus ! Vous avez délaissé la valeur travail et abandonné les travailleurs : voilà pourquoi les Français ne vous soutiennent plus depuis quelques années ! (Protestations à gauche)

M. Guy Fischer. - On en reparlera !

M. Xavier Bertrand, ministre. - L'inspection du travail restera sous l'autorité de la direction centrale du travail, sans que son indépendance ne soit aucunement remise en cause -le Conseil d'État ne s'y est pas trompé. Elle participe activement à la lutte contre le travail illégal, elle dresse 20 % des procès verbaux en la matière.

Le Président de la République a souligné la nécessité de sortir du carcan des 35 heures, pour que ceux qui veulent travailler plus puissent le faire. Le dépassement du contingent d'heures supplémentaires par l'entreprise ne fera pas perdre l'exonération de la loi Tepa.

Sur le temps partiel, le Gouvernement fait sa priorité d'aider à transformer les contrats à temps partiel subi et éclaté, en contrats à temps plein. Nous négocions avec deux enseignes de la grande distribution, une table ronde est prévue avec les partenaires sociaux. Ces emplois à temps partiel subi et éclaté concernent essentiellement des femmes, en particulier dans les grands magasins, les entreprises de propreté, le secteur médicosocial.

La réforme du dialogue social et de la représentativité est une priorité du Président de la République. Nous pouvons avoir une démocratie sociale rénovée, renforcée, mais aussi apaisée, car c'est par la négociation plus que par la confrontation que l'on trouve des réponses. Aujourd'hui, chacun est autour de la table des négociations et y met du sien. Il faut poser la question de la représentativité, du financement, des accords -nous allons nous y atteler avec les partenaires sociaux et la représentation nationale. (Applaudissements à droite et au centre)

Mme Christine Lagarde, ministre. - Ma lettre de mission fixe deux objectifs à notre politique de l'emploi : parvenir au plein emploi, avec un taux de chômage au seuil structurel de 5 %, et porter le taux d'emploi à 70 %.

Certains contestent les chiffres. Gardons la tête froide ! Le chômage est retombé à environ 8 % à la fin du deuxième trimestre 2007. La décrue se poursuit, mais notre taux d'emploi global atteint à peine 63 %, contre 66 % en moyenne dans l'OCDE. Il faut nous fixer des objectifs ambitieux, notamment pour les jeunes et les seniors. Chez les 15-24 ans, le taux d'emploi n'est que de 26 %, contre 43 % dans l'OCDE, ce qui incite à explorer la liaison entre organismes de formation et entreprises.

L'Insee, que certains ont mis en cause, a décidé en toute indépendance de suspendre la notification des chiffres lors de la campagne présidentielle. Les chiffres correspondent à la réalité du nombre de demandeurs d'emploi ; leur publication au mois le mois permet de constater une baisse constante.

En 2008, nous consacrons 49 milliards aux différentes politiques de l'emploi : 9,6 milliards de dépenses fiscales, 27 milliards d'exonérations de charges compensées à la sécurité sociale, 12,3 milliards de dépenses budgétaires.

Notre premier objectif, rappelé par le Président de la République, est de valoriser le travail. Le dispositif sur les heures supplémentaires -en vigueur depuis le 1er octobre seulement- permet à un salarié au Smic qui travaillera quatre heures de plus par semaine de toucher 2 000 euros de plus à la fin de l'année. Selon un sondage, 60 % des personnes interrogées se disent intéressées. Nous avons envoyé des prospectus, notamment aux PME, ouvert un numéro d'information unique, et j'ai chargé un missus dominicus, M. Alain Tapie, de faire un tour de France pour expliquer le mécanisme.

Valoriser le travail, c'est aussi augmenter la rémunération de ceux qui permettent aux entreprises de faire des profits. Je veux remettre à l'honneur la logique de la participation imaginée par le Général de Gaulle. Je propose ainsi que l'attribution de stock-options soit subordonnée à l'engagement des entreprises d'associer tous les salariés à la distribution des profits. Par défaut, reste la distribution d'actions gratuites. (M. Gouteyron approuve).

Nous voulons revaloriser l'ensemble des salaires. J'ai ainsi participé à une table ronde sur l'emploi et le pouvoir d'achat avec les partenaires sociaux. Les allègements de charges seront conditionnés au respect par les entreprises de l'obligation de négociation salariale annuelle. Lorsque les accords de branche prévoient des rémunérations inférieures au Smic, l'ordre public prévaut. Ce mécanisme de conditionnalité, évoqué hier par le Président de la République, relève d'un nouveau contrat social entre l'État, les entreprises et les salariés.

Valoriser le travail, c'est aussi favoriser l'émergence de nouveaux métiers. Nous faisons le pari de l'innovation. Aider les entreprises, c'est aider l'emploi. Les pôles de compétitivité voient leurs crédits augmenter de 8 %, nous développons le crédit impôt-recherche. Les nouveaux métiers, comme les services à la personne ne sont pas délocalisables : nous portons notre effort de 3 à 3,4 milliards. Nous pérennisons les aides à l'hôtellerie-restauration mais en les plafonnant à trente salariés, en application du droit communautaire.

Notre deuxième objectif est de rénover le service public de l'emploi. Le monde change, les métiers aussi. Les papy-boomers seront remplacés par des jeunes formés différemment, avec des ambitions différentes. Cette tectonique des plaques est une chance historique de sortir de trois décennies de chômage.

La fusion entre l'ANPE et l'Unedic, en collaboration avec les partenaires sociaux, n'est pas un trait de plume administratif. Il s'agit de créer une entité capable de résister à la concurrence du secteur privé et d'offrir des services complets. Pourquoi ne ferions-nous pas aussi bien que les job centers britanniques ? Cinq grands principes président à cette réforme fondamentale. Le respect du paritarisme, tout d'abord : le transfert aux Urssaf des opérations de recouvrement n'entame pas l'autonomie financière de l'Unedic qui reste propriétaire des informations. La bonne gouvernance ensuite : les partenaires sociaux seront majoritaires au sein du conseil, mais l'État nommera le directeur général, afin que cet organisme reste un outil de la politique de l'emploi.

Je citerai encore la déclinaison territoriale des politiques de l'emploi. Vous avez évoqué les maisons de l'emploi : elles préfigurent, à mon sens, la fusion à venir. J'ai confié à votre collègue député, M. Anciaux, une mission dont j'attends des recommandations, notamment quant à leur futur cahier des charges. Les maisons existantes subsistent, et le dossier de celles dont l'examen est engagé continuera d'être instruit.

Madame Procaccia, comptez sur moi pour faire toute sa place à l'évaluation. Nous avons besoin, plus que de nouveaux mécanismes d'accompagnement, de concentrer notre effort sur ceux qui marchent. Ce sera le rôle du nouveau Comité de suivi de la convention tripartite État-Unedic-Anpe, doté en son sein d'un comité d'audit, que de nous y aider.

Enfin, nous agirons avec pragmatisme dans la mise en oeuvre. L'instance provisoire permettra une transition sans heurt. Je ne sous-estime pas l'ampleur du changement pour les agents. Il faudra travailler au rapprochement des cultures mais seule la volonté de concentrer l'effort sur la qualité du service rendu rendra au service public de l'emploi son efficacité.

La nouvelle entité ne sera donc pas un monstre administratif à deux têtes, mais un attelage léger fédérant les énergies. Les réseaux spéciaux comme l'Apec, les missions locales ou les maisons de l'emploi auront leur rôle à jouer. S'agissant de ces dernières, en l'attente de la stabilisation du nouveau paysage, je souhaite suspendre la création de nouvelles entités. Celles qui existent ne seront pas remises en cause, et l'État en conventionnera encore trente d'ici à la fin de l'année, si bien que leur nombre passera à plus de cent quatre vingts.

Le service public de l'emploi réformé aura pour première charge de mettre en oeuvre une politique intense de retour à l'emploi des seniors, dont le taux d'emploi stagne depuis 2000, alors que plusieurs de nos voisins ont, ces dernières années, réussi à le faire progresser de plus de dix points. Nous devons reprendre l'initiative. Un groupe de travail élargi aux parlementaires évaluera l'opportunité d'une extension des contrats de transition professionnelle, actuellement ciblés sur sept zones expérimentales. La requalification sera mieux soutenue, grâce à l'Afpa. Les contrats initiative emploi seront ciblés non seulement sur les jeunes mais sur les seniors : les directeurs régionaux pour l'emploi auront la charge de répartir équitablement les soixante quinze mille contrats du secteur marchand. L'Anpe, dont le taux d'encadrement sera amélioré grâce à la fusion, aura mission d'intensifier son offre de services en direction des seniors. Le premier comité de suivi est prévu pour le 14 décembre.

Troisième priorité, le lien entre placement et formation, M. Sellier l'a rappelé, est déterminant. Ce sera l'un de nos principaux chantiers en 2008. Si nous voulons le plein emploi, il nous faut, alors qu'ils sont aujourd'hui au nombre de 1 919 000, 900 000 chômeurs de moins. La Dares estime à 500 000 le nombre des offres d'emploi retirées faute d'être pourvues. Il faut nous atteler à cet écart.

Pour améliorer la formation des jeunes, nous renforçons l'alternance : 285 000 contrats d'apprentissage, soit 10 000 de plus, 140 000 contrats de professionnalisation, soit 5 000 de plus. Cet effort supplémentaire permet de maintenir le nombre de contrats aidés du secteur marchand, tout en privilégiant les parcours qualifiants.

L'exonération de charges pour les contrats de formation est plus généreuse que le droit commun. Nous la maintenons pour les entreprises de moins de vingt salariés. Pour les autres, le surcoût moyen sera de 20 euros par mois. Nous en aménageons cependant les conséquences sur les groupements d'employeurs pour l'insertion et la qualification, dont le travail mérite d'être encouragé, et maintenons une exception spécifique pour les plus de 45 ans.

Le besoin de formation concerne aussi, de fait, les adultes. Nous avons engagé, après la décentralisation de 2004, un travail de réflexion sur l'avenir de l'Afpa. L'État continuera de financer, pour partie, la commande publique décentralisée.

La formation, le Président de la République l'a dit encore hier, doit être plus accessible aux moins qualifiés. Nous devons inverser cette logique qui veut que ce soient les plus qualifiés qui bénéficient le plus de la formation. Les moyens consacrés aux demandeurs d'emploi en fin de droits augmenteront à cette fin dans d'importantes proportions, puisqu'ils passeront, en 2008, de 115 à 200 millions.

Mais ne nous voilons pas la face. Certains demandeurs souffrent d'une grande précarité.

M. Guy Fischer. - Quand même !

Mme Christine Lagarde, ministre. - Ils cumulent manque de formation, difficultés de logement, de transport... Ils méritent une action de solidarité mieux ciblée.

Elle doit aller, en premier lieu, à ceux dont le travail est menacé ; je pense aux licenciements économiques liés aux restructurations. Nous maintenons notre effort en faveur des conventions de reclassement personnalisé et maintenons jusqu'en mars les contrats de transition professionnelle existant sur sept bassins d'emploi. Mais développer l'emploi veut dire aussi anticiper les mutations industrielles. Nous rejoignons par là le souhait des partenaires sociaux : mieux vaut prévenir que traiter a posteriori. Nous mettons à cette fin 400 millions de crédits déconcentrés au service de la gestion prévisionnelle de l'emploi.

Mais la solidarité doit aussi aller à ceux qui ne peuvent trouver ou retrouver un emploi. Se pose donc la question des emplois aidés, que vous avez été nombreux à évoquer. Le nombre de contrats prévus en 2008 est certes en diminution, mais il faut y regarder de plus près. Leur diminution, de 260 000 à 230 000 dans le secteur non marchand, soit une baisse de 12 %, et non de 18 % comme je l'ai entendu dire, est en ligne avec la diminution du nombre des chômeurs au cours de douze derniers mois.

En octobre, pas plus qu'en septembre, la baisse du nombre des contrats aidés n'a pas empêché la diminution du nombre des chômeurs : 28 000 en septembre, 23 000 en octobre. La baisse est de 9,8 % de puis le début de l'année, comme viennent de le confirmer ce matin l'Anpe et la Dares. Nous pouvons tous nous réjouir de ce résultat dont le mérite revient avant tout aux entreprises. La baisse sensible du chômage de longue durée et du chômage des jeunes montre que la vigueur du secteur marchand a pris le relai des contrats aidés.

Reste que tous ne profitent pas de cette embellie. Les plus éloignés de l'emploi, les plus fragiles doivent être accompagnés. Nous recentrons donc l'accès à ces contrats aux publics les plus en difficulté : jeunes, seniors, handicapés. Nous avons rencontré les principaux employeurs pour préparer nos instructions. J'entends, avec M. Hirsch, proposer ces priorités au Conseil national de l'insertion. Ces acteurs de l'insertion réalisent un travail considérable. L'État sera à leur côté.

Les personnes handicapées ne seront pas concernées par la diminution du nombre de ces contrats ; au contraire, les crédits qui leur sont affectés augmentent.

L'ensemble de tous ces contrats fera l'objet d'une évaluation en 2008, dans la perspective du contrat unique d'insertion que nous nous proposons de créer et, pour cette évaluation, nous attendons beaucoup des expérimentations du Revenu de solidarité active (RSA).

Voilà les grandes lignes de notre politique économique en faveur de l'emploi, fondée sur la revalorisation du travail et sur l'effort solidaire en faveur des personnes les plus éloignées de l'activité. Nous voulons plus d'emploi car le travail entraîne le travail. La nouveauté, c'est que nous ne menons pas une politique de l'emploi, nous menons une politique économique en faveur de l'emploi comme en témoigne le redécoupage ministériel qui a lié l'économie et l'emploi, au sein d'un même ministère. Un homme politique a dit « Contre le chômage, on a tout essayé ! ». Nous tentons de lui donner tort. Nous croyons en la valeur du travail et nous n'avons pas de leçons à recevoir de la part de ceux qui l'ont dévalorisé en en diminuant la durée ! (Protestations à gauche)

En votant ce budget, vous partagerez notre ambition de créer de la valeur économique pour créer de l'emploi. (Applaudissements à droite et au centre)

Examen des articles

Article 33

M. le président. - Amendement n°II-98, présenté par le Gouvernement.

Soustraire 57 241 620 euros, en AE et CP, du programme « Accompagnement des mutations économiques et développement de l'emploi 

Mme Christine Lagarde, ministre. - L'évaluation de nos politiques de l'emploi n'est pas encore assez développée. Je propose d'augmenter de 200 000 euros la subvention versée par l'État au Centre d'études de l'emploi et de diminuer d'autant les crédits des contrats initiative emploi.

M. Serge Dassault, rapporteur spécial. - Avis favorable.

L'amendement n°II-98 est adopté.

Mme Annie David. - J'ai bien noté ce que vous avez dit sur la fusion de l'ANPE et de l'Unedic : je persiste à craindre la privatisation et je n'ai pas bien compris quelle place sera réservée à la formation des agents de l'agence unifiée. Sur la flexsécurité, nous serons vigilants lors des prochaines négociations. Dans le domaine de la santé au travail, il est urgent de prendre des mesures, c'est un secteur qui mérite mieux qu'une diminution de budget. Quant aux chiffres du chômage, ils demeurent ambigus et nous aurions préféré entendre le nombre des emplois nouveaux.

Nous voterons contre ce budget.

M. Guy Fischer. - Très bien !

Les crédits de la mission sont adoptés.

Articles rattachés

L'article 52 est adopté.

Article 53

I. - L'article L. 981-6 du code du travail est ainsi modifié :

1° Le premier alinéa est ainsi rédigé :

« Les contrats à durée déterminée et les actions de professionnalisation ouvrent droit à une exonération des cotisations à la charge de l'employeur au titre des assurances sociales et des allocations familiales, applicable aux gains et rémunérations tels que définis à l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale et à l'article L. 741-10 du code rural, versés par les employeurs mentionnés à l'article L. 950-1 du présent code aux demandeurs d'emploi âgés de quarante-cinq ans et plus. » ;

2° Le deuxième alinéa est ainsi rédigé :

« Les contrats à durée déterminée et les actions de professionnalisation conclus par les groupements d'employeurs régis par les articles L. 127-1 et suivants qui organisent des parcours d'insertion et de qualification au profit soit de jeunes âgés de seize à vingt-cinq ans révolus sortis du système scolaire sans qualification ou rencontrant des difficultés particulières d'accès à l'emploi, soit de demandeurs d'emploi âgés de quarante-cinq ans et plus, ouvrent droit à une exonération des cotisations à la charge de l'employeur au titre des accidents du travail et des maladies professionnelles, applicable aux gains et rémunérations tels que définis à l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale et à l'article L. 741-10 du code rural. Un décret précise les conditions dans lesquelles un groupement d'employeurs peut bénéficier de cette exonération. » ;

3° Le sixième alinéa est ainsi rédigé :

« Le bénéfice de l'exonération prévue au premier alinéa ne peut être cumulé avec celui d'une autre exonération totale ou partielle de cotisations patronales ou l'application de taux spécifiques, d'assiettes ou de montants forfaitaires de cotisations, à l'exception de l'exonération prévue au deuxième alinéa du présent article et de la déduction forfaitaire prévue à l'article L. 241-18 du code de la sécurité sociale. Le bénéfice de l'exonération prévue au deuxième alinéa du présent article est cumulable avec le régime de réductions prévu à l'article L. 241-13 du code de la sécurité sociale. » ;

4° Dans les troisième, quatrième et cinquième alinéas, après le mot : « exonération », sont insérés, par trois fois, les mots : « applicable au titre du premier ou du deuxième alinéa ».

II. - L'article L. 981-6 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à la publication de la présente loi, continue à s'appliquer aux contrats de professionnalisation conclus avant le 1er janvier 2008 et ce jusqu'à leur terme.

III. - Le code du travail, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2007-329 du 12 mars 2007 relative au code du travail (partie législative), est ainsi modifié :

1° L'article L. 6325-16 est ainsi rédigé :

« Art. L. 6325-16. - Les contrats à durée déterminée et les actions de professionnalisation ouvrent droit à une exonération des cotisations à la charge de l'employeur au titre des assurances sociales et des allocations familiales, applicable aux gains et rémunérations tels que définis à l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale et à l'article L. 741-10 du code rural, versés par les employeurs aux demandeurs d'emploi âgés de quarante-cinq ans et plus. » ;

2° L'article L. 6325-17 est ainsi rédigé :

« Art. L. 6325-17. -  Les contrats à durée déterminée et les actions de professionnalisation conclus par les groupements d'employeurs régis par les articles L. 1253-1 et suivants qui organisent des parcours d'insertion et de qualification au profit soit de jeunes âgés de  seize à vingt-cinq  ans révolus sortis du système scolaire sans qualification ou rencontrant des difficultés particulières d'accès à l'emploi, soit de demandeurs d'emploi âgés de quarante-cinq  ans et plus, ouvrent droit à une exonération des cotisations à la charge de l'employeur au titre des accidents du travail et des maladies professionnelles, applicable aux gains et rémunérations tels que définis à l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale et à l'article L. 741-10 du code rural. Un décret précise les conditions dans lesquelles un groupement d'employeurs peut bénéficier de cette exonération. » ;

3° Le premier alinéa de l'article L. 6325-21 est ainsi rédigé :

« Le bénéfice de l'exonération prévue à l'article L. 6325-16 ne peut être cumulé avec celui d'une autre exonération totale ou partielle de cotisations patronales ou l'application de taux spécifiques, d'assiettes ou de montants forfaitaires de cotisations, à l'exception de l'exonération prévue à l'article L. 6325-17 et de la déduction forfaitaire prévue à l'article L. 241-18 du code de la sécurité sociale. Le bénéfice de l'exonération prévue à l'article L. 6325-17 du présent code est cumulable avec le régime de réductions prévu à l'article L. 241-13 du code de la sécurité sociale. » ;

4° Dans les articles L. 6325-18, L. 6325-19, L. 6325-20 et L. 6325-22, après le mot : « exonération », sont insérés, par quatre fois, les mots : « applicable au titre des articles L. 6325-16 ou L. 6325-17 ».

M. le président. - Amendement n°II-57, présenté par M. Souvet, au nom de la commission des affaires sociales.

Supprimer cet article.

M. Louis Souvet, rapporteur pour avis. - Cet article propose de supprimer l'exonération de cotisations attachée au contrat de professionnalisation. Il va à l'encontre de l'objectif de promotion des formations en alternance dans les grandes entreprises, qui était pourtant un des axes majeurs du plan de cohésion sociale. Les modifications introduites par l'Assemblée nationale ont par ailleurs réduit à néant la simplification qu'il était censé apporter puisqu'il distingue différents contrats. La commission des affaires sociales met en garde contre les risques liés à une excessive instabilité des règles fiscales et sociales.

M. le président. - Amendement identique n°II-79, présenté par M. Godefroy et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Mme Annie Jarraud-Vergnolle. - Nous souhaitons également que l'on maintienne le régime actuel d'exonérations de cotisations sociales sur les contrats de professionnalisation. En effet, cette suppression n'a fait l'objet d'aucune concertation préalable avec les partenaires sociaux alors qu'elle affecte des exonérations ciblées, au départ sur les jeunes de moins de 26 ans et les demandeurs d'emploi de plus de 45 ans. De plus, il s'agit d'une mesure d'exonération que vous avez adoptée en 2003 et que vous supprimez en 2007, pour réaliser au départ une économie évaluée à 140 millions, qui devient une économie de 6 millions et demi après passage à l'Assemblée nationale. Le dispositif que celle-ci a adopté présente certes l'avantage de ne plus supprimer l'exonération sur les contrats conclus avec des personnes de plus de 45 ans. II y a en effet beaucoup à faire dans ce domaine car le taux d'activité des salariés seniors dans notre pays a encore diminué en 2006, passant à 37,6 %, chiffre qui remet à sa juste place le plan pour l'activité des seniors. II permet aussi de relativiser l'intérêt de la modification du régime d'imposition des mises à la retraite d'office et de l'alignement des préretraites et des CATS sur le régime de droit commun de la CSG. L'effort va peser sur les salariés, notamment les plus modestes, sans que les employeurs, qui veulent se débarrasser d'eux, soient vraiment incités à prendre des mesures pour les maintenir dans l'emploi. Que ce soit l'aménagement des postes de travail, la formation, le tutorat ou d'autres possibilités. Au contraire, dans ce même budget, vous prévoyez une nouvelle ponction sur le fonds unique de péréquation des OPCA en vue de financer l'allocation de fin de formation qui est à la charge de l'État

Ces opérations comptables ne font pas une politique cohérente. Nous demandons que l'on maintienne les exonérations sur l'ensemble des contrats de professionnalisation.

M. Serge Dassault, rapporteur spécial. - La commission des finances est d'accord avec cet article 53. Retrait.

Mme Christine Lagarde, ministre. - Avis défavorable car cet article 53 est une mesure de simplification administrative, quasiment neutre pour les employeurs. La complexité administrative a un coût.

D'autres outils concourent plus efficacement à la promotion du contrat de qualification, comme l'aide forfaitaire des Assedic ou la participation financière des organismes de gestion de la formation professionnelle. J'ajoute que le dispositif a été encore simplifié par l'Assemblée nationale.

M. Louis Souvet, rapporteur pour avis. - Peut-on vraiment parler de simplification ? Je ne vois pas comment on peut soutenir un dispositif qu'on aura le plus grand mal à appliquer. C'est un monstre ! Je veux bien retirer mon amendement, mais de grâce simplifions !

L'amendement n°II-57 est retiré.

Mme Annie Jarraud-Vergnolle. - Je confirme que la suppression de l'article a été votée par la commission des affaires sociales unanime. Nous maintenons l'amendement.

Mme Annie David. - Nous le voterons. Les économies attendues ne sont que de 6,5 millions d'euros. Décidément, quand on rend les choses complexes, c'est toujours au détriment des salariés !

L'amendement n°II-79 n'est pas adopté.

L'article 53 est adopté.

L'article 53 bis est adopté.

Article 54

I. - Les articles L. 122-25-2-1 et L. 322-9 du code du travail sont abrogés à compter du 1er janvier 2008.

L'article L. 5121-6 du code du travail qui, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2007-329 du 12 mars 2007 relative au code du travail (partie législative), reprend les dispositions de l'article L. 322-9 susmentionné est abrogé à sa date d'entrée en vigueur.

II. - Les départs en formation, en congé maternité ou en congé d'adoption intervenus avant le 1er janvier 2008 continuent à ouvrir droit aux aides mentionnées aux articles L. 122-25-2-1 et L. 322-9 du code du travail.

Mme Annie David. - L'article 54 supprime deux aides aux entreprises de moins de cinquante salariés, l'une au remplacement des personnels en formation, l'autre au remplacement de salariés en congé de maternité ou d'adoption. Les associations régies par la loi de 1901 peuvent actuellement en bénéficier.

Contrairement à ce qu'indique l'exposé des motifs, les difficultés rencontrées par les petites structures pour envoyer leurs salariés en formation sont autant financières qu'organisationnelles. Le budget de formation étant proportionnel à la masse salariale, il n'est pas toujours possible d'y imputer le coût d'une rémunération supplémentaire, sans parler d'éventuels frais de déplacement. Sans aide, les employeurs devront soit voir leurs charges de formation doublées, soit renoncer.

J'ai participé à la mission sénatoriale sur la formation professionnelle ; comme celle-ci l'a rappelé, en contestant l'article 54, les 24 milliards de la formation professionnelle ne vont pas toujours à ceux qui en ont le plus besoin. Ce sont les salariés les plus qualifiés qui se forment le plus, ceux qui sont âgés de moins de 50 ans et travaillent dans les plus grandes entreprises. Le taux de départ en formation dans les TPE est de 12 %, de 22 % dans les PME et de 40 % pour l'ensemble des entreprises. L'effort moyen de formation par salarié est de 791 euros dans les entreprises de plus de dix salariés, de 74 euros seulement dans les autres.

L'objectif de la réforme de 2004 était de réduire les inégalités d'accès à la formation. L'aide au remplacement d'un salarié en congé de maternité ou d'adoption, qui date de 2006, doit faciliter l'embauche des jeunes femmes dans les petites entreprises ; son décret d'application a été publié en mars 2007. A-t-on réellement le recul suffisant pour parler d'effets d'aubaine ?

Les économies attendues de la suppression du dispositif sont faibles, 4,2 millions d'euros. Il est regrettable qu'à chaque fois que le Gouvernement propose des économies, ce soit sur le dos des salariés. Au moment où s'ouvre la négociation sur l'égalité salariale entre les hommes et les femmes, cet article 54 est particulièrement mal venu. (Applaudissements à gauche)

M. le président. - Amendement n°II-74 rectifié, présenté par M. Seillier, Mme Goulet et M. Fortassin.

Rédiger ainsi cet article :

I. - L'article L. 122-25-2-1 du code du travail est ainsi rédigé :

« Art. L. 122-25-2-1. - A compter du 1er janvier 2008, dans les entreprises de moins vingt salariés, l'Etat accorde aux employeurs une aide forfaitaire pour chaque personne recrutée ou mise à leur disposition par des entreprises de travail temporaire ou des groupements d'employeurs définis au chapitre VII du titre II du livre Ier pour remplacer un ou plusieurs salariés en congé de maternité ou d'adoption. ».

II. - L'article L. 322-9 du même code est ainsi rédigé :« Art. L. 322-9. - A compter du 1er janvier 2008, afin d'assurer le remplacement d'un ou plusieurs salariés et du conjoint collaborateur ou du conjoint associé mentionné à l'article L. 121-4 du code de commerce en formation, dans les entreprises de moins de vingt salariés, l'Etat accorde aux employeurs une aide calculée sur la base du salaire minimum de croissance pour chaque personne recrutée dans ce but ou mise à leur disposition par des entreprises de travail temporaire ou des groupements d'employeurs définis au chapitre VII du titre II du livre Ier. Les modalités d'application du présent article sont fixées par décret en Conseil d'Etat ».

III. - Les départs en formation, en congé maternité ou en congé d'adoption intervenus avant le 1er janvier 2008 dans des entreprises de vingt salariés et plus continuent à ouvrir droit aux aides mentionnées aux articles L. 122-25-2-1 et L. 322-9 du code du travail.

M. Bernard Seillier. - Il s'agit d'exclure du champ d'application de l'article les entreprises de moins de vingt salariés.

M. le président. - Amendement n°II-85, présenté par Mme G. Gautier.

I - Au début du premier alinéa du I de cet article, remplacer les mots :

Les articles L. 122-25-2-1 et L. 322-9 du code du travail sont abrogés

par les mots :

L'article L. 322-9 du code du travail est abrogé

 

II - Dans le II de cet article, supprimer les mots :

, en congé maternité ou en congé d'adoption

et remplacer les mots :

aux aides mentionnées aux articles L. 122-25-2-1 et L. 322-9

par les mots :

à l'aide mentionnée à l'article L. 322-9

Mme Gisèle Gautier. - Nous entendons maintenir le dispositif d'aide au remplacement des salariés en congé de maternité ou d'adoption dans les entreprises de moins de cinquante salariés. La loi qui l'a institué date du 27 mars 2006 ; le décret d'application a été publié le 23 mars 2007 et l'arrêté, le 6 avril 2007. On ne dispose pas du recul suffisant pour faire un bilan. Laissons au dispositif le temps de faire ses preuves. On nous dit que les crédits n'ont pas été consommés ; c'est, à mes yeux, parce que les bénéficiaires potentiels ont été mal informés. (Mme David approuve) Une campagne de sensibilisation s'impose.

Je relève que les économies dégagées iront abonder un dispositif d'aide à la garde d'enfant. Mais c'est déshabiller Pierre pour habiller Paul, le second n'étant qu'un lointain cousin du premier...

M. Serge Dassault, rapporteur spécial. - Retrait du II-74 rectifié : la commission n'est pas favorable au maintien d'aides dont les effets sont très limités. Sagesse sur le II-85 : opposé au principe de l'aide, je conviens que le dispositif est trop récent pour qu'on puisse tirer un bilan de son application.

Mme Christine Lagarde, ministre. - La tâche est compliquée pour une femme ministre sensible à la difficulté de concilier rôle de mère et vie professionnelle. Mais je suis défavorable à ces amendements, car nous voulons, non pas réduire l'effort -les moyens passent de 4,2 à 11 millions d'euros- mais le centrer sur la personne plutôt que sur l'entreprise. Je profite de l'occasion pour rendre hommage à l'énergie déployée par Xavier Bertrand lors de la conférence sur l'égalité salariale et professionnelle.

L'aide au remplacement des salariés en congé de formation est peu utilisée par les entreprises : 711 conventions signées en 2007, 828 en 2006...Elle n'est pas très utile. Quant à l'aide au remplacement pendant un congé de maternité, instituée par la loi de mars 2006, l'objectif était bon mais le moyen inadapté : 400 euros ne sont pas un facteur déclenchant... Mieux vaut doper l'aide à la reprise d'activité, budgétairement plafonnée à 18 000 emplois et 5,7 millions d'euros. Au premier semestre 2007, 8 500 aides, pour 2,9 millions d'euros, ont été distribuées. Nous élargissons le dispositif à 36 000 bénéficiaires et 11 millions d'euros, dont 5 à la charge de l'Etat -le fonds social européen contribue au financement.

Néanmoins, je souhaite que Mme Zimmermann et Mme Gisèle Gautier réfléchissent avec moi sur d'autres moyens susceptibles de lever les réticences à l'embauche des femmes. Je vous demande de ne pas voter ces amendements.

M. Bernard Seillier. - Comme je l'ai dit lors de la discussion générale, ces exonérations ne rencontrent pas un franc succès... Il n'en demeure pas moins qu'un artisan, par exemple, ne peut laisser partir un collaborateur en formation s'il n'est pas remplacé. La question demeure d'actualité !

L'amendement n°II-74 rectifié est retiré.

Mme Gisèle Gautier. - Je ne reconnais pas dans les propos de Mme la ministre la logique implacable à laquelle elle nous a habitués. Comment dire qu'un dispositif est inadapté parce que les crédits ne sont pas consommés ? Après seulement six mois et sans avoir vraiment informé les entreprises, peut-on condamner ce dispositif ? Certes, l'aide à la reprise d'activité fonctionne mais elle est bénéficie de moyens importants.

Je maintiens l'amendement. Il sera toujours temps de supprimer la mesure si les entreprises, la connaissant mieux, ne l'utilisent toujours pas.

Mme Gisèle Printz. - Je voterai l'amendement de Mme Gisèle Gautier : pour une fois que l'on fait quelque chose pour les femmes, on le supprime après seulement six mois !

L'amendement n°II-85 est adopté.

L'article 54, modifié, est adopté.

Article 55

M. le président. - Amendement n°II-58, présenté par M. Souvet, au nom de la commission des affaires sociales.

Supprimer cet article.

M. Louis Souvet, rapporteur pour avis. - L'article remet en cause le régime des exonérations sur les services d'aide à la personne, voté à l'été 2005 et qui a suscité de nombreuses créations d'emplois. Nous n'avons pas été convaincus par les dispositions adoptées à l'Assemblée nationale, qui fait une différence selon le public, fragile ou non. Distinction redoutable !

M. le président. - Amendement identique n°II-80, présenté par M. Godefroy et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés

Mme Gisèle Printz. - Effectivement, le dispositif deviendrait ingérable ! Les salariés assistent plusieurs personnes, certaines fragiles, d'autres non. Que le Gouvernement fasse preuve de cohérence : il y a deux ans, il voyait dans ce secteur un gisement d'emplois formidable et entendait en soutenir l'essor. A présent, alors que des emplois se créent, on supprime le soutien ! Cette logique comptable est dangereuse. Stabilisons plutôt la branche, veillons à la pérennisation des emplois et à la qualification des salariés. Il est trop tôt pour revenir au régime de droit commun !

M. le président. - Amendement identique n°II-90 rectifié, présenté par Mme Payet et les membres du groupe UC-UDF.

M. Jean Boyer. - Il est défendu !

L'amendement n°II-90 rectifié, identique aux précédents, n'est pas soutenu.

M. Serge Dassault, rapporteur spécial. - A titre personnel, je suis favorable à ces amendements.

Mme Christine Lagarde, ministre. - Défavorable. Le gain était modeste pour l'employeur ; et la réforme ne remet nullement en cause le soutien de l'Etat au secteur. L'effort budgétaire augmente pour atteindre 400 millions d'euros en 2008.

M. Charles Josselin. - J'ai bien écouté votre intervention à la tribune, madame la ministre. Je ne peux en approuver la philosophie générale, et notamment le procès en sorcellerie fait aux socialistes, coupables d'avoir sacrifié la valeur travail -sur l'autel de la paresse, peut-être ? En revanche, j'ai été très intéressé lorsque vous avez dit qu'il vaut mieux, plutôt que se lancer dans de nouvelles réformes, évaluer les dispositifs existants. Je me référerai au compte rendu analytique pour m'assurer d'avoir bien compris vos propos. Vous rompez ainsi avec le dogme du Président de la République qui veut tout réformer, tout de suite...

Le groupe socialiste votera cet amendement. M. Arthuis nous a indiqué que le dispositif avait fait la preuve de son efficacité avec des milliers de créations d'emplois et une aide considérable pour de nombreuses familles. Il n'y a pas de raison de supprimer ce dispositif, sauf à pratiquer une politique de Gribouille qui consisterait à le faire cesser justement parce qu'il fonctionne.

L'amendement n°II-58, identique aux amendements nosII-80 et II-90 rectifiés, est adopté et l'article 55 est supprimé.

Article 56

L'article 10 de la loi n° 2004-804 du 9 août 2004 pour le soutien à la consommation et à l'investissement est ainsi modifié :

1° Dans le premier alinéa du I, après le mot : « effectuées », sont insérés les mots : « par l'ensemble de leurs salariés », et sont ajoutés les mots : « et pour les périodes d'emplois effectuées par leurs salariés, à compter du 1er janvier 2008, dans la limite de trente équivalents temps plein salariés et dans le respect des dispositions du règlement (CE) n° 1998/2006 de la Commission du 15 décembre 2006 concernant l'application des articles 87 et 88 du traité aux aides de minimis » ;

2° Dans les cinquième et sixième alinéas du même I, les mots : « Pour la période du 1er janvier au 31 décembre 2007 » sont remplacés par les mots : « À compter du 1er janvier 2007 » ;

3° Dans le septième alinéa du même I, les mots : « Pour la période du 1er janvier au 31 décembre 2007, » sont supprimés ;

4° Dans le II, les mots : « du 1er juillet 2004 au 31 décembre 2007 » sont remplacés par les mots : « postérieure au 1er juillet 2004 ».

M. le président. - Amendement n°II-81, présenté par M. Godefroy et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Supprimer cet article.

M. Jean-Pierre Godefroy. - Les hôtels, cafés et restaurants sont une branche particulièrement importante et méritante de notre économie, tant pour notre quotidien que pour le développement du tourisme. Sans doute est-ce pour cela que l'ancien Président de la République avait imprudemment et électoralement promis à cette branche une baisse de la TVA à 5,5 %. Il n'a pas été en mesure de tenir cette promesse qui n'engageait pas que lui. Notre rapporteur spécial, Serge Dassault, indique dans son rapport « qu'il peine à trouver une justification du bien-fondé de cette aide dans son principe ». Il n'est pas le seul. Et depuis quatre ans, nous voyons revenir chaque année la dotation pour l'aide à cette branche : 549 millions d'euros en 2005, 534 millions en 2006 et 648 millions prévus pour 2007, soit, avec les 151 millions de l'exonération de l'avantage en nature sur les repas, un total de 799 millions.

Pour quel résultat ? Les représentants de la branche promettaient à l'époque 45 000 créations d'emplois, des hausses de salaires et des baisses de prix pour les clients. En tant que clients, nous n'avons pas remarqué de diminution des prix. Sur les salaires, la laborieuse négociation sur le Smic hôtelier a abouti à une augmentation de 5 % bruts, soit 68 euros brut par mois avec les deux repas par jour exonérés de cotisations patronales. Et il ne s'agit que des emplois à temps plein, dans une profession qui occupe beaucoup de salariés à temps partiel. Quant aux créations d'emploi, elles se sont élevées à 1 897depuis 2006, pour un coût de 470 830 euros par poste créé. C'est un record.

Le Gouvernement nous propose cette année de pérenniser cette aide, en la plafonnant aux entreprises de 30 salariés. Rien n'empêche un employeur de créer deux entreprises au lieu d'une ! Et notre rapporteur pour les finances nous indique que la prorogation « bien que critiquable, s'avère toujours moins coûteuse que l'octroi d'un taux de TVA réduit ». Cet argument, pour intéressant qu'il soit, n'est pas recevable. Personne n'a obligé l'ancien président Chirac à faire cette promesse et les contribuables français n'ont pas à être pris en otage pour des résultats à peu près inexistants. L'actuel Président de la République a déclaré en décembre 2006 au congrès de la profession que, s'il n'avait pas lui-même pris ces engagements, c'était lui qui allait les tenir !

La Commission européenne aurait inscrit dans son programme de travail un projet de TVA à taux réduit pour les secteurs à fort besoin de main-d'oeuvre. Nous verrons. Pour le moment, l'absence de résultats probants et le coût de cette mesure nous conduisent à en demander la suppression. Si la décision était prise au niveau européen, comment financerions-nous les 2,5 milliards correspondants ? Dans un contexte de restrictions budgétaires et face à un engagement public aussi fort, attendons que la profession tienne ses engagements ! (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Serge Dassault, rapporteur spécial. - La prorogation de l'aide, bien que critiquable, correspond à un engagement du Gouvernement. Le plafonnement à 30 salariés répond à un impératif de sécurité juridique au regard de la législation européenne et constitue un premier signal de réduction de l'aide. Et elle s'avère toujours moins coûteuse que l'octroi d'un taux réduit de TVA. Avis défavorable.

Mme Christine Lagarde, ministre. - Avis défavorable.

Ce sujet se trouve à la jonction de plusieurs questions de droit européen. S'agissant de l'éventuelle application d'un taux réduit de TVA pour les professions à forte densité de main-d'oeuvre, dont font partie les hôtels, cafés et restaurants, nous avons obtenu de la Communauté européenne que la question soit évoquée en 2008 au lieu de 2010. Ensuite, pour pérenniser cette aide, nous devons respecter le principe de minimis et la plafonner au seuil de 30 salariés. Ce plafonnement ne concernera que 1,5 % des entreprises du secteur ; les autres, soit 98,5 %, continueront donc à bénéficier de cette aide.

Les 215 000 hôtels, cafés et restaurants français contribuent à l'attractivité du pays et sont un atout de notre tourisme. Ils génèrent directement un million d'emplois non délocalisables, nous souhaitons soutenir ce secteur d'activité.

Mme Annie David. - Nous voterons cet amendement. Un article sur le droit des femmes devait permettre d'économiser 4 millions d'euros, un autre article 6,5 millions. Là, c'est une économie de 700 millions qui est proposée. Quand il s'agit d'imposer des normes, on est plus strict avec les salariés qu'avec les employeurs !

M. Jean-Pierre Godefroy. - Si certaines branches ont besoin d'aide, il faut que les engagements soient tenus des deux côtés. Nous sommes dans la logique des propos du Président de la République, qui annonce qu'en échange des allégements de cotisations, il doit y avoir une discussion salariale. Surtout quand l'engagement de l'État est si important : 750 millions d'euros, c'est autant que les franchises pour la sécurité sociale ! Quand il n'y a pas de résultat, il faut mettre le holà.

M. Paul Blanc. - Alors, des emplois seront supprimés !

L'amendement n°II-81 n'est pas adopté.

L'article 56 est adopté.

Article 57

Mme Annie David. - Avec cet article, vous complétez la série de mesures injustes que votre gouvernement accumule depuis l'été. Vous entendez supprimer pour 2009 l'Allocation équivalent retraite (AER), qui correspond pour 2007 à 953 euros par mois et s'adresse aux demandeurs d'emplois et Rmistes ayant validé, avant l'âge de 60 ans, 160 trimestres d'activité. Cette allocation leur permet, sous conditions de ressources, de bénéficier d'une allocation en attendant leur retraite à 60 ans.

Il y a quelques semaines, le Gouvernement à lancé plusieurs pistes : taxation des préretraites, suppression des clauses couperet, du dispositif carrière longue et de l'AER. En fait, il s'agissait de tester les réactions : en cas de forte opposition, le projet est retiré, comme pour le dispositif carrière longue. Sinon, vous forcez le passage, comme vous le faites aujourd'hui avec l'AER, qui n'est pourtant pas très éloignée du dispositif carrière longue. Le public est le même : des salariés, souvent des ouvriers, qui ont accumulé 160 trimestres avant d'avoir atteint l'âge légal de départ à la retraite.

L'AER répond donc à une réalité sociale : il faut permettre à un salarié usé par sa vie professionnelle de bénéficier d'une allocation en attendant ses 60 ans. Alors que vous parlez d'équité et que vous voulez ouvrir un grand débat sur la pénibilité, vous seriez bien inspiré de retirer cette mesure. Les publics concernés ont, par définition, commencé à travailler très jeune alors que les conditions de travail étaient rudes. Ils ont été exposés à des poussières de charbon ou à de l'amiante, ils ont fait des travaux de force ou, plus simplement, ils ont travaillé dès 16 ans.

Votre gouvernement, loin de reconnaître leurs droits à un repos bien mérité, souhaite les voir travailler encore et encore. Ils ont suffisamment de trimestres, mais ils n'ont pas atteint 60 ans ? Qu'ils travaillent encore ! Supprimer cette allocation, c'est une nouvelle fois précariser les seniors aux revenus les plus modestes. Vous ne favoriserez pour autant pas leur retour à l'emploi. Vous les condamnerez, au contraire, pour les quelques années qui les séparent de la retraite, au chômage, ce qui diminuera considérablement leur pension.

Cet article est à l'image de la société dont vous rêvez : des actifs qui prennent en charge leurs enfants et leurs parents. Avec cette mesure, vous espérez 60 millions d'économies au détriment de salariés ayant contribué au rayonnement de la France !

M. le président. - Amendement n°II-82, présenté par M. Godefroy et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Supprimer cet article.

M. Jean-Pierre Godefroy. - Comme vient de le dire Mme David, cet article prévoit la suppression de l'AER. Vouloir inciter ces personnes qui ont travaillé très jeune à retrouver un emploi au nom de maintien dans l'emploi des séniors, c'est décidément mettre la charrue avant les boeufs, d'autant que le plan séniors du Gouvernement ne donne aucun résultat. Leur taux d'activité a encore baissé depuis deux ans.

L'an dernier, le Sénat avait, à l'unanimité, supprimé les mises à la retraite d'office mais le Gouvernement l'avait rétabli par amendement après la réunion de la commission mixte paritaire. C'est dire que nous ne sommes pas contre le travail des seniors !

Mais avec cet article, vous proposez une mesure coercitive pour les salariés de préférence les plus modestes : les chômeurs âgés qui ont eu une vie professionnelle longue -puisqu'ils ont cotisé cent soixante trimestre- et souvent dure vont voir leur allocation supprimée : les 953 euros mensuels qu'ils touchaient jusqu'à présent vont se muer en 435 euros, puisqu'on leur versera l'ASS, allocation pour les chômeurs en fin de droit ! Est-ce que l'un d'entre vous imagine vivre avec cette somme ? Vous voulez, dites-vous, encourager le retour à l'emploi des seniors. Mais quel employeur va embaucher un salarié d'au moins 56 ans ?

M. Guy Fischer. - C'est le bon sens !

M. Jean-Pierre Godefroy. - Comment osez-vous proposer cette mesure, alors que vous avez décidé de supprimer l'impôt de bourse, ce qui va coûter 260 millions à l'État ?

M. Guy Fischer. - Il y a deux poids et deux mesures !

M. Jean-Pierre Godefroy. - Bref, une fois de plus, le revenu des plus modestes va diminuer. Vous avez parlé tout à l'heure de la valeur travail. Quand on a commencé sa vie professionnelle très jeune, et je sais de quoi je parle, la reconnaissance de la valeur travail serait de ne pas supprimer l'AES ! (Applaudissements à gauche)

M. le président. - Amendement n°II-42, présenté par M. Dassault, au nom de la commission des finances.

I - Rédiger comme suit le I de cet article :

I. - L'article L. 351-10-1 du code du travail est abrogé à compter du 1er janvier 2008.

Les articles L. 5423-18 à L. 5423-23 du code du travail dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2007-329 du 12 mars 2007 relative au code du travail (partie législative) sont abrogés à leur date d'entrée en vigueur.

II - Au II de cet article, remplacer la date :

 1er janvier 2009 

 par la date :

1er janvier 2008 

M. Serge Dassault, rapporteur spécial. - L'Assemblée nationale a reporté au 1er janvier 2009 l'entrée en vigueur de la suppression de l'AER. Ce faisant, l'article 57 serait dépourvu de tout effet pendant l'année prochaine.

Nous vous proposons donc de rétablir la rédaction initiale de l'article 57 fixant au 1er janvier 2008 la date d'entrée en vigueur de la suppression de cette allocation.

M. le président. - Amendement identique n°II-50, présenté par M. Souvet, au nom de la commission des affaires sociales.

M. Louis Souvet, rapporteur pour avis. - Même avis.

Mme Christine Lagarde, ministre. - Cet article a été modifié par l'Assemblée nationale afin que la mise en application de cette mesure n'intervienne qu'au 1er janvier 2009. Je suis donc défavorable à l'amendement de M. Godefroy mais aussi à ceux des commissions car il faut mettre à profit la période qui s'ouvre pour apprécier le dispositif.

M. Jean-Pierre Godefroy. - Puisque cette mesure n'interviendra qu'en 2009, pourquoi la voter maintenant ? Faites-nous des propositions l'an prochain et nous verrons bien, mais il n'est pas utile de voter cet article.

M. Guy Fischer. - Nous voterons la suppression de cet article car cette mesure est profondément inégalitaire, voire méprisante. Franchement, compte tenu de la population concernée, il y a vraiment deux poids deux mesures ! Cette mesure n'est pas à la hauteur de votre gouvernement car elle va frapper des gens qui ont donné toute leur vie au travail et qui sont totalement usés. Nos parents, et plus particulièrement nos pères, car nos mères ne travaillent pas à l'époque, sont morts avant même d'avoir pu jouir de leur retraite.

M. Xavier Bertrand, ministre. - J'ai entendu vos propos, messieurs Fischer et Godefroy : sur la pénibilité, on peut faire mieux qu'en parler et c'est pourquoi nous prévoyons le rendez-vous retraites. Aujourd'hui, le Gouvernement prévoit que la mesure qui devait s'appliquer dès l'année prochaine soit retardée d'un an. Pourquoi ? Parce que M. le Premier ministre, Mme Lagarde et moi-même avons entendu les partenaires sociaux et notamment la CFDT et FO. C'est pourquoi nous avons accepté l'amendement de l'Assemblée nationale afin d'examiner sereinement cette question l'année prochaine lors du débat sur les seniors. Nous ne voulions pas que certains de nos concitoyens soient perdants et il ne fallait surtout pas que leur pouvoir d'achat diminue en passant de l'AER à l'ASS.

Ce que nous voulons, c'est maintenir dans l'emploi les seniors et la position du Gouvernement est sans doute équilibrée puisqu'il est défavorable à la fois à l'amendement de suppression et aux amendements de rétablissement de la mesure dès 2008. Bref, il faut un débat serein et apaisé sur les mesures qu'il convient de prendre en faveur des salariés éloignées de l'emploi.

M. Guy Fischer. - Il fallait attendre !

M. Xavier Bertrand, ministre. - Il fallait entendre ! (Sourires)

A la demande du groupe socialiste, l'amendement n°II-82 est mis aux voix par scrutin public.

M. le président. - Voici les résultats du scrutin :

Nombre de votants 325
Nombre de suffrages exprimés 325
Majorité absolue des suffrages exprimés 163
Pour l'adoption 125
Contre 200

Le Sénat n'a pas adopté.

M. Louis Souvet, rapporteur pour avis. - La commission n'a pas pu se réunir, mais les arguments de M. le ministre m'ont convaincu. (Applaudissements à droite)

L'amendement n°II-50 est retiré.

M. Serge Dassault, rapporteur spécial. - Idem.

L'amendement n°II-42 est retiré.

L'article 57 est adopté.

Article 58

I. - Le I de l'article L. 322-13 du code du travail et le I de l'article L. 131-4-2 du code de la sécurité sociale dans sa rédaction issue de l'article 9 de l'ordonnance n° 2007-329 du 12 mars 2007 relative au code du travail (partie législative) sont ainsi modifiés :

1° Les mots : « dans la limite du produit du nombre d'heures rémunérées par le montant du salaire minimum de croissance majoré de 50 % » sont remplacés par les mots : « conformément à un barème dégressif déterminé par décret et tel que l'exonération soit totale pour une rémunération horaire inférieure ou égale au salaire minimum de croissance majoré de 50 % et devienne nulle pour une rémunération horaire égale ou supérieure au salaire minimum de croissance majoré de 140 % » ;

2° La référence : « 1031 » est remplacée par la référence : « L. 741-10 ».

II. - Les dispositions des articles L. 322-13 du code du travail et L. 131-4-2 du code de la sécurité sociale dans leur rédaction issue du 1° du I sont applicables aux contrats de travail dont la date d'effet est postérieure au 1er janvier 2008. Les exonérations applicables aux contrats de travail ayant pris effet avant cette date restent régies par les dispositions de ces articles dans leur rédaction antérieure à la présente loi.

M. le président. - Amendement n°II-83, présenté par M. Godefroy et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Supprimer cet article.

Mme Gisèle Printz. - Cet article instaure un barème dégressif plafonné dans les zones de revitalisation rurale (ZRR) et dans les zones de redynamisation urbaine (ZRU), pour les rémunérations excédant un Smic et demi. Le gain attendu de cette opération est de 16 millions. Le Gouvernement explique qu'il veut cibler les exonérations sur les emplois les moins qualifiés. Or, il faut favoriser tous les emplois dans ces zones prioritaires : avec le seuil d'un Smic et demi, les salaires seront nivelés par le bas, tandis que les salariés les plus qualifiés éviteront ces territoires. Le Gouvernement et la majorité considèrent-ils que les populations de ces zones ne sont pas ou ne doivent pas être payées plus qu'un Smic et demi ?

Cette trappe à bas salaires est injuste, nous la supprimons.

M. le président. - Amendement n°II-60 rectifié bis, présenté par M. Jacques Blanc, Mme Procaccia et M. Lecerf.

Compléter cet article par trois paragraphes ainsi rédigés :

... - L'article L. 322-14 du code du travail résultant du 2° du II de l'article 19 de la loi n°    du    de financement de la sécurité sociale pour 2008 est ainsi rédigé :

« Art. L. 322-14.- L'exonération définie à l'article L. 322-13 est applicable, dans la limite du produit du nombre d'heures rémunérées par le montant du salaire minimum de croissance majoré de 50 %, aux gains et rémunérations versés aux salariés embauchés à compter du 1er novembre 2007 dans les zones de revitalisation rurale définies à l'article 1465A du code général des impôts par les organismes visés au 1 de l'article 200 du même code ayant leur siège social dans ces mêmes zones.

« Par dérogation aux dispositions du II de l'article L. 322-13, les embauches réalisées ouvrent droit à exonération même si elles ont pour effet de porter l'effectif total de l'organisme à plus de 50 salariés. »

 ... - L'article L. 131-4-3 du code la sécurité sociale résultant du 2° du III de l'article 19 de la loi n°    du    de financement de la sécurité sociale pour 2008 est ainsi rédigé :

« Art. L. 131-4-3.- L'exonération définie à l'article L. 131-4-2 est applicable, dans la limite du produit du nombre d'heures rémunérées par le montant du salaire minimum de croissance majoré de 50 %, aux gains et rémunérations versés aux salariés embauchés à compter du 1er novembre 2007 dans les zones de revitalisation rurale définies à l'article 1465 A du code général des impôts par les organismes visés au 1 de l'article 200 du même code ayant leur siège social dans ces mêmes zones.

« Par dérogation aux dispositions du II de l'article L. 131-4-2, les embauches réalisées ouvrent droit à exonération même si elles ont pour effet de porter l'effectif total de l'organisme à plus de 50 salariés. »

... - 1. La perte de recettes pour les organismes de sécurité sociale résultant de l'extension du dispositif d'exonération spécifique en faveur des organismes d'intérêt général est compensée à due concurrence par l'institution d'une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

 2. La perte de recettes pour l'État est compensée à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

Mme Catherine Procaccia. - L'article 12 du projet de loi de financement prévoyait de supprimer l'exonération des charges sociales prévue par la loi du 23 février 2005 relative au développement des territoires ruraux. A la suite de négociations difficiles, un équilibre a été trouvé à l'Assemblée nationale : l'exonération a été maintenue pour les ZRR jusqu'au bilan de 2009 pour les salariés embauchés jusqu'au 1er novembre 2007.

Pour préserver cet équilibre, nous précisons que la dégressivité des exonérations au-delà d'1,5 Smic ne s'applique pas pour des organismes d'intérêt général situés en ZRR. Nous proposons également de ne pas appliquer cette dégressivité lorsque les embauches portent sur des effectifs de plus de cinquante salariés.

Cette exonération n'a pas deux ans, laissons lui un peu de temps, ce sera utile aux territoires ruraux !

M. Serge Dassault, rapporteur spécial. - Avis défavorable à l'amendement n°II-83.

Que pense le Gouvernement de l'amendement n°II-60 rectifié bis ?

Mme Christine Lagarde, ministre. - Cet article plafonne l'exonération ciblée et instaure une dégressivité à partir d'1,5 Smic, il va dans le sens du pouvoir d'achat et contre les effets de trappe. Les analyses montrent en effet que les exonérations ciblées encouragent surtout l'emploi peu qualifié. Avis défavorable à l'amendement n°II-83.

La différenciation des ZRR serait complexe et introduirait une différence de traitement : avis défavorable à l'amendement n°II-60 rectifié bis.

M. Paul Blanc. - Élu du monde rural, je connais les grandes difficultés d'installation et de survie des entreprises, malgré les efforts entrepris pour les aider. L'exonération est une bonne chose, elle est prévue jusqu'à l'évaluation de 2009, pourquoi la supprimer ? Je voterai l'amendement n°II-83.

Mme Annie David. - Nous avons voté l'article 12 du projet de loi de financement il y a quelques jours à peine, il y a été décidé que les mesures seraient évaluées, mais aujourd'hui le Gouvernement supprime l'exonération ! C'est à se demander si la rupture ne passe pas à l'intérieur même du Gouvernement !

Mme Christine Lagarde, ministre. - Rassurez-vous, il y a une parfaite solidarité au sein du Gouvernement ! Il ne s'agit pas de supprimer ces exonérations mais de les plafonner en introduisant une dégressivité au-delà du plafond, pour une meilleure efficacité.

Mme Annie David. - On revient sur ce qui a été voté il y a quelques jours !

L'amendement n°II-83 est adopté ; l'article 58 est supprimé.

L'amendement n°60 rectifié bis devient sans objet.

Article 59

I. - 1. L'article L. 351-10-2 du code du travail est complété par une phrase ainsi rédigée :

« Cette allocation est à la charge du fonds de solidarité mentionné à l'article 1er de la loi n° 82-939 du 4 novembre 1982 relative à la contribution exceptionnelle de solidarité en faveur des travailleurs privés d'emploi. »

2. L'article L. 5423-7 du code du travail qui, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2007-329 du 12 mars 2007 relative au code du travail (partie législative), reprend les dispositions de l'article L. 351-10-2 précité est complété par une phrase ainsi rédigée :

« L'allocation de fin de formation est à la charge du fonds de solidarité mentionné à l'article 1er de la loi n° 82-939 du 4 novembre 1982 relative à la contribution exceptionnelle de solidarité en faveur des travailleurs privés d'emploi. »

II. - L'article 1er de la loi n° 82-939 du 4 novembre 1982 relative à la contribution exceptionnelle de solidarité en faveur des travailleurs privés d'emploi est ainsi modifié :

1° Après le 5°, sont insérés un 6° et un 7° ainsi rédigés :

« 6° De l'allocation de fin de formation prévue par l'article L. 351-10-2 du code du travail et par l'article L. 5423-7 du même code, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2007-329 du 12 mars 2007 relative au code du travail (partie législative) ;

« 7° Des cotisations sociales afférentes aux allocations ci-dessus mentionnées. » ;

2° L'avant-dernier alinéa est ainsi rédigé :

« Il reçoit la contribution exceptionnelle de solidarité créée par la présente loi. Le produit de cette contribution ne peut recevoir d'autre emploi. Le fonds reçoit également, le cas échéant, une subvention de l'État et de manière générale, toutes les recettes autorisées par les lois et règlements. »

III. - Il est institué en 2008, au bénéfice du fonds de solidarité mentionné à l'article 1er de la loi n° 82-939 du 4 novembre 1982 relative à la contribution exceptionnelle de solidarité en faveur des travailleurs privés d'emploi, un prélèvement de 200 millions d'euros sur le fonds national mentionné à l'article L. 961-13 du code du travail et à l'article L. 6332-18 du même code, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2007-329 du 12 mars 2007 relative au code du travail (partie législative). Le prélèvement est opéré en deux versements, le premier avant le 1er juin 2008 et le second avant le 1er décembre 2008. Le recouvrement, le contentieux, les garanties et les sanctions relatifs à ce prélèvement sont régis par les règles applicables en matière de taxe sur les salaires.

IV. - Les I et II s'appliquent à compter du 1er janvier 2008.

M. le président. - Amendement n°II-84, présenté par M. Godefroy et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Supprimer cet article.

M. Jean-Pierre Godefroy. - M. Souvet s'étonne dans son rapport que cette nouvelle charge confiée au fonds de solidarité ne soit pas accompagnée d'une recette pérenne. Une fois de plus, le Gouvernement va chercher les fonds manquants là où il les trouve... Le fonds unique de péréquation (FUP) des Opca a déjà été ponctionné l'an dernier de 175 millions pour financer I'Afpa. De tels expédients ne témoignent pas d'une bonne gestion budgétaire. On ne peut à la fois prétendre promouvoir la formation professionnelle pour favoriser la compétitivité de nos entreprises et ponctionner les fonds qui lui sont destinés ! C'est obérer l'avenir.

M. le président. - Amendement n°II-103, présenté par le Gouvernement.

Rédiger ainsi le IV de cet article :

IV. - Le I et le 1° du II s'appliquent à l'ensemble des sommes exigibles à compter du 1er janvier 2008 au titre de l'allocation de fin de formation.

Mme Christine Lagarde, ministre. - L'article 59 prélève sur le FUP les soldes non utilisés pour la formation professionnelle pour les consacrer aux chômeurs qui retrouvent un emploi dans des métiers à forte tension. Ce mécanisme de prélèvement, qui a fait la preuve de son efficacité l'an dernier, permet d'assurer une meilleure adéquation entre l'offre et la demande de travail, qui est une finalité du FUP. Avis défavorable à l'amendement n°II-84.

L'article 59 met l'allocation de fin de formation (AFF), jusqu'à présent prise en charge par l'État, à la charge du Fonds de solidarité, en contrepartie du prélèvement sur le FUP. L'amendement n°II-103 précise les modalités de ce transfert.

M. Serge Dassault, rapporteur spécial. - Défavorable à l'amendement de suppression, favorable à l'amendement du Gouvernement.

L'amendement n°II-84 n'est pas adopté.

L'amendement n°II-103 est adopté.

L'article 59, modifié, est adopté.

Article additionnel

M. le président. - Amendement n°II-43, présenté par M. Dassault, au nom de la commission des finances.

Après l'article 59, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. - Dans la première phrase du premier alinéa de l'article L. 129-8 du code du travail, les mots : « dès lors que ce titre peut bénéficier également à l'ensemble des salariés de l'entreprise selon les même règles d'attribution » sont remplacés par les mots : « dès lors que, dans le cas où l'entreprise dispose de salariés, ceux-ci bénéficient de ce titre selon les mêmes règles d'attribution ».

II. - Le premier alinéa de l'article L. 1271-12 du code du travail dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2007-329 du 12 mars 2007 est ainsi rédigé :

« Le chèque emploi-service universel, lorsqu'il a la nature d'un titre spécial de paiement, peut être préfinancé en tout ou partie par une personne physique ou morale au bénéfice de ses salariés, agents, ayants droit, retraités, administrés, sociétaires, adhérents ou assurés, ainsi que du chef d'entreprise ou, si l'entreprise est une personne morale, de son président, de son directeur général, de son ou ses directeurs généraux délégués, de ses gérants ou des membres de son directoire, dès lors que, dans le cas où l'entreprise dispose de salariés, ceux-ci bénéficient de ce titre selon les mêmes règles d'attribution. »

III. -  Le I du présent article est applicable au chef d'entreprise ou, si l'entreprise est une personne morale, à son président, son directeur général,  son ou ses directeurs généraux délégués, ses gérants ou les membres de son directoire au bénéfice des chèques emploi service délivrés depuis le 1er janvier 2007.

IV. -  La perte de recettes résultant pour l'Etat de l'extension aux chefs d'entreprises du chèque emploi service universel est compensée à due concurrence par une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575-A du code général des impôts.

M. Serge Dassault, rapporteur spécial. - L'article 146 de la loi de finances pour 2007, qui a complété la liste des bénéficiaires du chèque emploi service (Cesu) prévue par l'article L. 129-8 du code du travail en y incluant les « assurés », les « clients » et les chefs d'entreprises, fait l'objet d'une divergence d'interprétation. Selon le ministère de l'emploi, l'entrepreneur individuel, quel que soit son statut juridique, doit pouvoir bénéficier du chèque emploi service. De fait, les organismes habilités ont délivré les Cesu préfinancés aux chefs d'entreprise, y compris en l'absence de salariés. En revanche, l'administration fiscale, dans l'instruction du 17 octobre 2007, subordonne cette extension à la condition que l'aide financière bénéficie à l'ensemble des salariés de l'entreprise selon les mêmes règles d'attribution. C'est une interprétation restrictive de la loi.

Mme Christine Lagarde, ministre. - Je demanderai à mes services fiscaux de corriger l'interprétation donnée par l'instruction du 17 octobre, qui n'est pas conforme à l'esprit de la loi. Retrait ?

L'amendement n°II-43 est retiré.