Financement de la sécurité sociale pour 2008 (Suite)

M. le président. - L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2008, adopté par l'Assemblée nationale.

Débat sur la démographie médicale

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé, de la jeunesse et des sports. - Dans le cadre de cette tradition fort utile qui consiste à débattre d'un sujet de fond à l'occasion de l'examen du projet de loi de financement, la commission des affaires sociales a choisi cette année d'aborder la question cruciale de la démographie médicale. En la matière, l'heure n'est plus à l'évaluation. Si nous ne faisons rien pour mieux répartir les médecins sur le territoire, la situation, comme en ont témoigné de nombreux sénateurs hier, deviendra irréversible dans de nombreux territoires si elle n'est pas déjà catastrophique. (On le confirme à droite) Plus de quatre millions de Français ont des difficultés à consulter un généraliste. Il n'y a plus de pédopsychiatres en Lozère, contre trente dans l'Hérault. La densité de médecins dans le IVe arrondissement de Paris est 2,5 fois supérieure à la moyenne de l'Ile-de-France. A titre de comparaison, cet arrondissement de 30 000 habitants compte 46 généralistes et 116 spécialistes, contre 22 généralistes et 6 spécialistes à la Courneuve, ville de 37 000 habitants. Ceci n'est pas acceptable.

Si le nombre de praticiens en exercice a augmenté de 7 % depuis 2000, ce corps est marqué par un fort vieillissement -l'âge moyen était de 49,4 ans en 2007- et une importante féminisation -38,8 % des médecins sont des femmes. D'après le rapport de M. Juilhard, la densité médicale chutera de 15,6 % vers 2025 pour revenir au niveau qui était le sien au milieu des années 1980. Par ailleurs, le développement du salariat dans ce secteur traduit une véritable mutation sociologique. A l'inégale répartition des médecins sur le territoire s'ajoute une désaffection relative pour certaines spécialités, dont la médecine générale, pivot essentiel de notre système. Je me félicite que ce diagnostic -sans diagnostic, pas de traitement possible !- soit maintenant partagé par tous grâce au débat qui a été lancé dans l'opinion publique. A mon arrivée au ministère, on me soutenait encore qu'il n'y avait pas de problème de démographie médicale ! (M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales, rit)

La demande de soins s'est transformée avec l'augmentation des pathologies chroniques due au vieillissement de la population, du nombre de Français atteints d'affections de longue durée -plus de 10 % par an depuis dix ans- et l'accroissement de structures alternatives à l'hospitalisation en même temps que l'offre de soins se remodèle. Ainsi, les choix faits en matière de numerus clausus et de postes offerts aux ECN, autrement dit les jeunes médecins qui ont réussi les épreuves classantes nationales, se feront sentir pour les internes dans trois à cinq ans, et pour les étudiants dans dix ans.

Face à ce constat, de nombreuses voix, y compris au Sénat, s'élèvent pour réclamer des mesures coercitives qui remettent en cause l'un des principes fondamentaux de la médecine libérale depuis 1927, celui de la liberté d'installation. M. Juilhard, dans son rapport, s'interrogeait sur l'opportunité de recourir à des mesures portant sur les revenus et la prise en charge des cotisations sociales ou encore de moduler le conventionnement dans certaines zones.

Je partage ces questionnements : si nous sommes garants de la liberté d'installation, nous devons aussi garantir l'accès de tous à des soins de qualité. Toutefois, pour avoir moi-même pratiqué l'exercice, je mesure la complexité de la question. Nous ne résoudrons pas le problème de la démographie médicale par la mise en place de mesures incitatives ou coercitives, mais en engageant une réflexion globale sur note système de santé prenant en compte les questions de la formation, des conditions d'exercice, de la répartition territoriale, de l'organisation des soins de premier recours, de la coordination entre la ville et l'hôpital, des modes de rémunération et, enfin, de la gouvernance du système.

Depuis mon arrivée au ministère, j'ai fait de l'amélioration de notre système de santé l'une de mes priorités avec l'organisation des Etats généraux de l'organisation de la santé, la mise en place de la commission Larcher sur l'hôpital et la création des agences régionales de santés. A l'occasion des États généraux, étudiants, internes et jeunes médecins, par leurs propositions, ont montré qu'ils partageaient l'objectif du Gouvernement de garantir aux générations futures des soins de qualité.

Cet accord se matérialise dans les articles 32, 32 bis et 33 du projet de loi de financement, modifiés par des amendements du Gouvernement adoptés par l'Assemblée nationale.

L'article 32 bis, spécifique aux infirmières, conforte l'accord du 22 juin 2007 conclu entre l'UNCAM et les quatre syndicats infirmiers, lequel prouve que la réforme est possible lorsque sens des responsabilités et esprit de concertation se conjuguent. En proposant une régulation de leur démographie professionnelle, les infirmières ont donné un bel exemple de solidarité responsable.

J'ai demandé au professeur Yvon Berland et à la directrice de l'hospitalisation et de l'organisation de soins de présider les États généraux de l'organisation de la santé qui se tiendront en février 2008. C'est la première fois que des élus, des patients et des professionnels de santé se retrouvent pour définir ensemble l'évolution de notre système de santé.

M. François Autain. - Il y a déjà eu des États généraux ! (M. Fortassin le confirme)

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. - L'offre de soins de premier recours doit être rénovée, les Français doivent avoir accès à des soins de qualité sur l'ensemble du territoire.

Je veux que ces États généraux soient l'occasion pour tous de réfléchir à la mutation de leurs pratiques et de leurs comportements, que les acteurs institutionnels reconsidèrent leurs périmètres d'intervention et leurs relations pour définir une stratégie globale plus cohérente. Les réflexions devront concerner l'ensemble des professionnels de santé et prendre en compte les problématiques de l'hôpital. Il s'agit de mettre en cohérence les réflexions engagées, notamment dans le cadre de la mission menée par M. Gérard Larcher, pour aboutir à une réforme de structure.

Les États généraux seront préparés par des consultations et des auditions portant sur les expériences et réflexions locales pertinentes. Certaines séances de travail seront délocalisées en région. Il ne s'agira plus de répéter les propositions des divers rapports -numerus clausus, maisons de santé, offre de soins de premier recours- mais de prévoir leur mise en oeuvre concrète.

Les mesures incitatives devront être privilégiées mais les débats doivent être ouverts aux propositions les plus innovantes. Les recommandations de M. Juilhard feront l'objet d'une étude approfondie : le recensement des besoins, la valorisation et l'évaluation des dispositifs en place et l'information des plus jeunes me semblent incontournables, tout comme la poursuite de la simplification administrative, le développement des centres de santé, l'évolution de l'examen classant national et la valorisation des maîtres de stage.

Nous conduirons cette réflexion sans tabou, animés par le seul souci de trouver des réponses concrètes aux préoccupations des Français.

Ce projet de loi de financement de la sécurité sociale pose les fondations de cette stratégie et nous en fournit les principaux outils : expérimentations de nouveaux modes de rémunération, organisation de la permanence des soins, contrats individuels, possibilité de constituer des groupements de coopération sanitaire de territoire, mesures d'adaptation des relations conventionnelles en fonction de l'offre de soins.

Connaissant le Sénat, je ne doute pas que nos débats seront riches et fructueux. (Applaudissements à droite et au centre)

M. Alain Vasselle, rapporteur de la commission des affaires sociales pour les équilibres financiers généraux et l'assurance maladie.  - Ne nous méprenons pas sur le terme de démographie médicale : le problème de la France n'est pas le nombre de médecins mais leur répartition sur le territoire. Les difficultés les plus aigües concernent les généralistes, mais aussi certaines spécialités : il est des zones où il faut plus d'un an pour obtenir un rendez-vous avec un ophtalmologiste ! J'espère que cette grave question de santé publique sera abordée dans le cadre des futurs États généraux.

Perceptible depuis une dizaine années, le constat d'une pénurie à venir n'a été que récemment établi, sur la base des travaux de l'Observatoire national de la démographie des professions de santé. Le diagnostic est désormais largement partagé.

Au cours des quatre dernières années, en réaction aux premiers indices d'une possible pénurie, le Gouvernement a opté pour une politique fondée sur l'incitation. Divers mécanismes d'incitation financière ont été mis en place pour favoriser l'installation ou le maintien de médecins dans les zones sous-médicalisées, qu'il s'agisse des zones rurales ou des quartiers sensibles.

Les résultats de cette politique, certes récente, sont encore faibles. Plus grave, le rapport de M. Juilhard pointe le manque d'information sur ces dispositifs, y compris dans les services de l'État. Le ministre en charge n'a pas suffisamment secoué ses services pour obtenir une traduction concrète des mesures législatives, notamment en matière d'aménagement du territoire. Ignorant le détail des dispositifs, les étudiants et les jeunes médecins n'y ont évidemment pas suffisamment recours ! Nous avions pourtant prévu toute une boîte à outils dans le cadre de la réforme de l'assurance maladie de 2004, à laquelle s'ajoute l'avenant à l'accord conventionnel entre la CNAM et les professionnels de santé. Ce n'est pas à nous à battre notre coulpe, mais au ministre et à ses services, qui n'ont pas diffusé l'information !

L'État ne doit pas laisser l'assurance maladie et les collectivités territoriales assumer seules cette mission. Je salue d'ailleurs les actions souvent créatives engagées par les collectivités territoriales pour attirer des professionnels de santé : elles sont les seules à mener une politique volontariste !

M. Jacques Blanc. - Oui !

M. Alain Vasselle, rapporteur. - C'est le cas de l'Allier...

M. Jacques Blanc. - De la Lozère !

M. Alain Vasselle, rapporteur. - ... de la région Lorraine, entre autres, alors que l'État, lui, traîne les pieds.

Ainsi, la loi de 2005 relative au développement des territoires ruraux autorise les collectivités locales à aider financièrement les médecins au moment de leur installation : aussitôt, plusieurs d'entre elles ont proposé d'accorder des bourses aux étudiants, soit pour favoriser les stages dans les zones sous-médicalisées, comme en Bourgogne...

M. Éric Doligé. - Et dans le Loiret !

M. Alain Vasselle, rapporteur. - ... soit en contrepartie d'une installation future -c'est le cas de l'Allier et de la Manche.

Les collectivités territoriales soutiennent également la création de maisons de santé. A ce sujet, toute une série d'amendements, issus des propositions du rapport Juilhard, a d'ores et déjà été frappée par l'article 40, dénoncé hier par MM. Godefroy et Fischer. Avec cette nouvelle méthode, un amendement de la commission ne pourra même pas être discuté en séance, alors qu'il aurait suffi que le Gouvernement lève le gage pour qu'il soit adopté ! (M. Fischer approuve) Il appartiendra donc au Gouvernement de reprendre ces initiatives à son compte...

M. François Autain. - Après les États généraux !

M. Alain Vasselle, rapporteur. - Je regrette que la commission des finances nous scie ainsi les jambes.

M. Guy Fischer. - Nous sommes sous tutelle !

M. Alain Vasselle. - Le conseil régional de la Lorraine a également conclu une convention avec l'Agence régionale de l'hospitalisation (ARH) et l'Union nationale des caisses d'assurance maladie (UNCAM) pour coordonner les interventions.

D'autres pistes restent à explorer. Ainsi, que dire de la faible place accordée à la télémédecine, si brillamment défendue par notre collègue Jean-Claude Etienne ? On nous oppose la difficulté d'installer un réseau à haut débit sur l'ensemble du territoire, et la nécessité d'aménagements juridiques et de nouvelles règles de financement et de rémunération.

Qu'attendons-nous pour prendre les mesures propres à y remédier ? Il est regrettable que la télémédecine ne se développe pas plus rapidement. Il faut convaincre Bercy de donner au ministère de la santé les moyens budgétaires et humains nécessaires.

On pourrait aussi réduire le nombre des visites à domicile, favoriser, dans les territoires déficitaires, des systèmes collectifs ou individuels de transport des personnes à mobilité réduite vers les cabinets médicaux ou les maisons de santé. A ce titre, l'expérience menée par le conseil général de la Marne doit être suivie de près.

Le Haut conseil pour l'avenir de l'assurance maladie estime d'autre part indispensable, dans son rapport 2007, d'agir sur le taux d'activité des femmes et des séniors, afin d'accroître l'offre médicale. La féminisation des professions de santé n'est en effet pas sans conséquence sur la durée d'activité. Il serait en outre judicieux de transformer l'actuel examen classant national en épreuves régionales, tant il est vrai que les étudiants s'installent majoritairement dans la région où ils ont fait leurs études ; on aurait alors la possibilité de guider leur choix. Une meilleure adéquation entre le nombre de postes ouverts aux concours et le nombre de candidats est nécessaire ; 542 postes de médecine générale n'ont pas été pourvus cette année, ce qui n'est pas rien. Si demande et offre étaient ajustées, davantage d'étudiants seraient orientés vers la médecine générale et pourraient s'installer dans les zones déficitaires.

M. François Autain. - Eh oui !

M. Alain Vasselle, rapporteur. - La mesure la plus novatrice du projet de loi de financement de la sécurité sociale est la possibilité pour les Missions régionales de santé de définir les zones sur-dotées à côté des zones sous-dotées. Si les dispositions de la loi de 2004 et des accords conventionnels touchant aux cotisations sociales n'ont pas été mises en oeuvre, c'est bien parce que cette possibilité n'existait pas. (M. Autain approuve) Il n'est que temps de s'en apercevoir.

Quant au chiffon rouge du conventionnement, les corrections ont été apportées par l'Assemblée nationale. Tout semble calé aujourd'hui... Et on consultera les internes : tous les problèmes seront donc réglés, plus de sous-médicalisation, plus de surmédicalisation ! (Sourires)

J'espère que les États généraux annoncés par Mme la ministre porteront leurs fruits et que nous pourrons, l'an prochain à la même époque, nous féliciter et des travaux parlementaires, et des résultats obtenus. (Applaudissements au centre et à droite)

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales.  - La France compte aujourd'hui 207 000 médecins en activité ; leur nombre n'a jamais été aussi élevé. Et pourtant, tout porte à croire que nous allons vers une situation de pénurie, parce que le nombre d'étudiants baisse depuis les années 1980, parce que les générations d'après-guerre vont partir massivement à la retraite, parce que ces deux phénomènes vont se conjuguer avec la demande de soins croissante d'une population vieillissante.

Comment corriger cette tendance ? Le premier réflexe est d'augmenter le numerus clausus, ce qu'on a fait depuis quatre ans ; mais cette mesure ne produira ses effets que dans le temps, effets partiels qui plus est, car il n'est pas certain que les installations se feront de manière équilibrée sur le territoire. Dans le cadre de la préparation des États généraux annoncés par Mme la ministre, je souhaite affirmer qu'il ne doit pas y avoir de génération sacrifiée. Les études médicales sont longues et difficiles, elles requièrent audace, volonté d'entreprendre, courage, constance et travail. Il ne peut être question de changer les règles de l'installation en cours de route. Il convient d'autre part de réfléchir aux moyens de redonner une dimension régionale aux études médicales ; dans leur immense majorité, les médecins vissent leur plaque dans la région où ils ont achevé leurs études et effectué leur stage. Cet élément doit être mieux pris en compte dans l'organisation des cursus, sans doute en réformant l'actuel examen classant national.

Ces actions ont toutefois leurs limites et il faut agir simultanément sur l'organisation du système de soins. Mon expérience personnelle de médecin généraliste est que l'offre de soins est étroitement corrélée aux missions des professionnels et aux conditions d'exercice. Le problème n'est pas tant la pénurie que le « temps médical », celui que le médecin consacre à l'examen de ses patients, le temps disponible pour ce colloque singulier qui fait la spécificité et la grandeur du métier.

Or ce temps médical se réduit comme peau de chagrin : d'abord à cause des tâches administratives de plus en plus lourdes qui pèsent sur le médecin ; ensuite parce que les jeunes médecins n'acceptent plus les contraintes de leurs aînés ; enfin parce que la profession se féminise et que le temps partiel devient de plus en plus fréquent. Pour optimiser le temps médical, je crois à la délégation des tâches, au partage du travail ; certains soins peuvent être effectués par des professionnels mieux formés que le médecin, naturellement sous sa responsabilité. Le bilan des expérimentations qui ont été menées est positif. Autoriser les infirmières à pratiquer les vaccinations est par exemple une excellente mesure. Je suis persuadé que la suppression de la vaccination obligatoire du BCG doit beaucoup au fait que les médecins sont mal formés aux injections intradermiques...

Il faut aussi rendre plus favorable l'environnement professionnel des médecins, les décharger des tâches administratives, simplifier leurs relations avec les caisses ; c'est pourquoi la commission propose la suppression de l'obligation d'établir un énième document d'information semestriel, redondant et parfaitement inutile.

Il convient de même de favoriser l'exercice de groupe, qui permet de mutualiser les frais fixes, d'externaliser les tâches administratives, d'éviter le sentiment d'isolement, de permettre la consultation des collègues pour affiner un diagnostic ou une prise en charge ; c'est aussi une façon de sécuriser les médecins, à l'heure où la contestation de leurs actes devant les tribunaux est de plus en plus fréquente.

Une formule novatrice se développe, celle des maisons de santé pluridisciplinaires, que M. Juilhard connaît bien. C'est une solution appropriée au manque d'attractivité de certains territoires. Les jeunes professionnels s'installent plus volontiers dans ces structures, qui répondent mieux à leurs aspirations ; elles leur permettent par exemple d'habiter en ville près des écoles ou du travail de leur conjoint, tout en exerçant dans une zone fragile voisine. La commission suggère de promouvoir le développement de ces maisons de santé, de leur attribuer des financements spécifiques et de lever les obstacles administratifs qui entravent leur essor.

Ce problème existe également dans les zones urbaines denses et pauvres.

Il faut aux maisons médicales une tête de file, un médecin qui conçoit le projet, mobilise des investissements, et se montre persuasif. Les médecins ont du mal à faire le pas de cet engagement collectif et solidaire, et le bailleur refuse de signer des actes séparés avec chacun d'eux plutôt qu'avec le seul collectif, nous devons les y inciter. Les collectivités locales ont un rôle d'interface à jouer pour repérer et mettre à disposition les locaux nécessaires aux maisons de santé, elles requièrent souvent plus de 1 000 mètres carrés et l'entremise d'un investisseur à vocation sociale, moins pressé de retrouver ses billes, ainsi que l'engagement d'un gestionnaire compétent. La caisse des dépôts, les groupes d'assurance ont également leur rôle à jouer.

Il est donc temps de passer de petits cabinets médicaux à des maisons départementales de santé, pluridisciplinaires, relevant d'abord du secteur 1, c'est à ce prix qu'on pourra garantir une offre de soins de premier recours -j'allais dire de premier secours...- dans les campagnes et les zones urbaines pauvres.

Autre obstacle à lever, madame le ministre, il n'est pas normal que le parcours de soins devienne un obstacle à l'installation de maisons de santé : les caisses doivent reconnaître les maisons de santé comme médecins traitant. C'est à ce prix que le droit à la protection de la santé, reconnu par la Constitution de 1946 auquel renvoie le préambule de notre Constitution, deviendra effectif ! (Applaudissements au centre et à droite)

M. François Autain. - La régulation de la démographie médicale est un sujet ancien de controverses, longtemps nous avons craint la pléthore plutôt que le manque de médecins ! Au point d'instituer, dans les années 1990, un mécanisme d'incitation à la cessation d'activité (MICA) pour les médecins âgés de 57 à 65 ans : ce fut un véritable succès auprès des médecins, mais un fiasco pour les caisses -700 millions- et pour l'offre médicale. Le mécanisme était encore en place en 2004 alors que, dès 2003, nous nous alertions d'un manque de médecins et installions un observatoire national de la démographie des professionnels de santé. La prudence s'impose donc particulièrement sur ce sujet !

On ne peut pas dire qu'il y ait pénurie, puisqu'avec 340 médecins pour 100 000 habitants, la France n'est devancée en Europe que par l'Italie : en maintenant le numerus clausus à 7 100 médecins par an, nous serions en 2025 à la moyenne actuelle des pays de l'OCDE, de 283 médecins pour 100 000 habitants. Cependant, nous constatons de fortes inégalités territoriales et disciplinaires, au point que 4 % de la population -vous avancez même le chiffre de 4 millions de personnes, madame la ministre- n'accèdent pas facilement aux soins, le plus souvent en zone rurale.

M. Nicolas About, président de la commission. - L'espérance de vie n'y est pourtant pas inférieure !

M. François Autain. - Deux études ont examiné les zones déficitaires, elles recensent 4 078 communes à elles deux, mais seulement 1 000 communes coïncident. Quant aux zones surmédicalisées, nos informations sont lacunaires : le seul facteur dont on soit certain, c'est un fort taux d'ensoleillement... (Sourires) Nous manquons de données fiables et cohérentes, mais nous pouvons constater que la liberté d'installation et du conventionnement, ne garantit plus l'égal accès aux soins, ni le droit à la protection de la santé.

Les gouvernements, depuis cinq ans, ont multiplié les mesures brouillonnes, sans concertation ni stratégie, pour prendre finalement l'an passé un plan pour la démographie médicale, qu'il aurait été plus cohérent d'adopter en premier. Les mesures se sont superposées, souvent étrangères au domaine de la santé. Enfin, le comité sur la démographie médicale ne s'est jamais réuni, parce que ses membres n'ont pas été désignés : je proposerai de supprimer... ce qui n'existe pas !

M. Nicolas About, président de la commission. - Démarche toujours utile !

M. François Autain. - Il faut compter également avec les 137 mesures régionales ou locales recensées. Le Gouvernement, à l'initiative du Président de la République, vient pour finir de s'attaquer sans ménagement à la liberté d'installation des futurs médecins. Une concertation s'imposait, mais vous avez voulu passer en force : le résultat ne s'est pas fait attendre, les internes, descendus dans la rue, vous ont fait retirer les articles 32 et 33 du PLFSS !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. - Non ! Nous les avons modifiés parce que nous sommes ouverts au dialogue !

M. François Autain. - Ne jouons pas sur les mots : vous avez reculé, renvoyant le tout aux états généraux de la santé. Ils ne seront pas les premiers...

M. Nicolas About, président de la commission. - C'est normal, il en va comme des « Grenelle » !

M. François Autain. - ... M. Kouchner, déjà, avait réuni de tels états généraux !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. - Il n'a pas réglé pour autant les problèmes de la démographie médicale !

M. François Autain. - Mieux vaudrait commencer par évaluer l'efficacité des innombrables mesures en vigueur, encore peu connues : les étudiants que j'ai rencontrés, réclament la création d'un guichet unique !

La majoration de 20 % de la rémunération des médecins généralistes dans les zones déficitaires, effective depuis le 23 mars 2007, risque de conduire les médecins à réduire le nombre de leurs actes, ce qui va à l'encontre du but recherché. Elle pose aussi les problèmes de découpage.

Les aides au maintien ou à l'installation sont nombreuses et inutilement complexes par la référence à trois zonages, sans coordination : les zones déficitaires en offre de soins définies par les missions régionales de santé ; les zones franches urbaines ; les zones de revitalisation rurales. En fait, les incitations à l'installation ne sont jamais considérées comme déterminantes par les étudiants et les jeunes médecins.

La réduction du nombre de médecins n'a pas produit les effets escomptés. Symétriquement, on peut douter que le relèvement du numerus clausus réussisse à éliminer la pénurie de médecins généralistes. Pour qu'il améliore la répartition de l'offre, le numerus clausus doit être modulé en fonction des régions, comme le préconise la Conférence nationale de santé.

Simultanément, la formation des médecins généralistes et leurs conditions d'exercice doivent être profondément réformées. Je nourris quelques espoirs... En matière de formation initiale, commençons par appliquer les réformes déjà décidées. Ainsi, les stages de deuxième cycle, théoriquement obligatoires depuis 1997, ne sont accessibles dix ans après qu'à 25 % des étudiants et il n'y a toujours pas de stage chez les généralistes pour les internes.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. - La situation s'améliore.

M. François Autain. - Enfin, la médecine générale doit devenir une spécialité à part entière, enseignée par les professeurs d'université, non par des praticiens hospitaliers. Aujourd'hui, cette discipline est absente des programmes de deuxième cycle des études médicales. Reste que les épreuves nationales classantes ne permettent pas de pourvoir les postes de médecine générale, dont 2 000 sont restés vacants au cours des trois dernières années. En attendant que la médecine générale redevienne attractive pour les étudiants, il convient de régionaliser les épreuves et de réduire le nombre de postes. Quant aux conditions d'exercice de la médecine libérale, ce texte ouvre la voie à des expérimentations encore timides.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. - Merci de reconnaître leur existence.

M. François Autain. - Le temps dont je dispose ne suffit pas pour faire le tour de cette question, au demeurant traitée de façon remarquable par notre collègue M. Jean-Marc Juilhard dans son excellent rapport consacré à la fracture territoriale de l'offre de soins. Mon intérêt pour les maisons de santé n'est pas nouveau, puisque j'ai créé en 1968 une maison médicale, où j'ai d'ailleurs eu le plaisir de recevoir Mme le ministre, venue promouvoir un médicament...

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. - Le premier bêtabloquant !

M. François Autain. - ... fabriqué par le laboratoire qui l'employait (rires) à l'époque. Aujourd'hui, c'est fini !

M. le président. - Que de chemin parcouru !

M. François Autain. - Nos échanges avaient déjà été très fructueux.

Pour terminer, je souligne que la crise de la démographie médicale n'est qu'un aspect de celle que traverse notre système de santé.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. - C'est vrai.

M. François Autain. - Il serait donc illusoire d'espérer régler l'une sans l'autre. Le plus urgent est d'apporter de nouvelles recettes à l'assurance maladie. Sur ce point, le Gouvernement ne semble pas sur la bonne voie.

Nous ne pourrons voter un budget qui manque singulièrement d'assises. (Applaudissements à gauche)

M. Georges Othily. - La démographie médicale est depuis longtemps au coeur des réflexions des élus et des professionnels de santé, dans l'hexagone et outre-mer.

Mais je commencerai par exprimer le profond mécontentement suscité par le rapport d'enquête établi en juin 2007 par l'inspection générale des affaires sociales et par l'inspection générale des finances. En effet, ce document est truffé d'erreurs, d'idées préconçues et de manipulations. Il faut dire que ses auteurs n'ont séjourné que 48 heures en Guyane et n'ont pas pris la mesure de l'immigration clandestine. Mais qui peut décrire la réalité mieux que les élus de terrain ? Vous êtes venue en Guyane, dont vous connaissez la situation sanitaire, marquée par la croissance soutenue de sa population.

Les rapporteurs prétendent que les médecins guyanais disposent de revenus élevés, ce qui est insensé car ils sont sous-payés et travaillent avec beaucoup d'humanité. Les rapporteurs ont écrit que les centres de santé ne réalisaient pas toutes les actions de santé publique, de prévention et d'éducation sanitaire. Or, cette observation porte sur le seul centre Saint-Georges de l'Oyapock, dont la clientèle est constituée à 75 % de Brésiliens en situation irrégulière qui agressent les médecins, parfois fusil à la main. Le 11 novembre, on a commémoré la grande guerre la fleur au fusil. Chez nous, ce n'est pas ça.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. - C'est la loi de la jungle.

M. Georges Othily. - Les rapporteurs repoussent l'idée d'appliquer aux médecins déjà installés de nouvelles incitations, alors que la Guyane peine à conserver les professionnels de santé, surchargés, âgés, épuisés. De nombreux praticiens ont déjà déserté la Guyane.

Les rapporteurs écartent la création d'un centre hospitalier universitaire (CHU) à Cayenne. Pourtant, la Guyane possède un centre spatial et un commandement interarmées. Pourquoi pas un CHU qui aiderait les pays voisins à former leurs étudiants ? Les évacuations sanitaires coûtent trop cher !

Il y a en Guyane 3,5 fois moins de médecins que dans l'hexagone alors que la population a triplé en vingt-cinq ans par suite d'une importante immigration irrégulière et d'une forte natalité.

On ne peut continuer à analyser passivement cette situation inacceptable en comptant sur une amélioration miraculeuse apportée par l'usure du temps, car le défi sanitaire en Guyane est immense.

L'une des pistes envisagées consiste à créer une zone franche sanitaire. Malheureusement, la mission de l'IGAS l'estime injustifiée et inefficace bien qu'elle soit plébiscitée par tous les professionnels de santé guyanais. Récemment, M. Estrosi a présenté les grandes lignes du projet de zone franche d'activités. Ce projet phare du Président de la République pour les DOM doit améliorer leur compétitivité. La santé figure au nombre des carences les plus criantes en Guyane, qu'il s'agisse des infrastructures, des équipements ou des professionnels. C'est pourquoi, parallèlement au programme d'investissement, il est impératif d'inscrire les professionnels de santé parmi les bénéficiaires de la zone franche globale d'activités. En effet, l'accès à des plateaux techniques adaptés, conjugué à une pression fiscale et sociale modérée, peut attirer et maintenir les professionnels en Guyane. C'est pourquoi la création de la zone franche d'activités englobant le secteur de santé est ardemment espérée.

Les Guyanais ont besoin de votre aide. Avec le Gouvernement, vous pouvez la leur apporter. (Applaudissements sur les bancs du RDSE)

Mme Muguette Dini. - En réalité, l'expression « démographie médicale » regroupe deux thèmes distincts : la répartition territoriale et l'inadaptation du numerus clausus aux besoins globaux.

En matière de répartition géographique, nous faisons fausse route. Les professionnels de santé sont très nombreux en Ile-de-France, dans le sud-ouest, sur la façade méditerranéenne, dans les Alpes et en Corse ; ils sont plus rares dans le centre et le nord de la France. La densité médicale ambulatoire varie de un à quatre selon les départements : pour une moyenne de 189 praticiens pour 100 000 habitants, Paris en compte 365, contre seulement 110 dans l'Eure. Il en va de même pour les masseurs-kinésithérapeutes, mais l'écart est encore plus grand pour les infirmiers libéraux puisque la densité s'échelonne entre 30 et 231 pour 100 000 habitants. On observe que les zones périurbaines défavorisées et les zones rurales sont les plus désertes.

La première conséquence de cette répartition territoriale hétérogène est un accès inégal aux soins. L'assurance maladie indique également une envolée des soins de ville dans les zones surpeuplées.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. - Eh oui !

Mme Muguette Dini. - Pour l'Union nationale des caisses d'assurance maladie, l'offre pléthorique suscite une demande excessive. Ainsi, alors que les soins infirmiers représentent en moyenne 231 euros chaque année par personne, ils sont limités à 100 euros dans le centre mais excèdent 450 en Provence-Alpes-Côte-d'Azur.

Pendant longtemps, les seules mesures prises pour combattre cette situation consistaient à augmenter le nombre de professionnels de santé en introduisant une modulation régionale.

Plus récemment, des aides financières à l'installation ou au maintien en exercice ont été mises en place. Des postes de praticiens hospitaliers ont ainsi été créés dans les régions déficitaires, avec une allocation spécifique de 10 000 euros pour un engagement de cinq ans. Il a également été prévu des postes d'assistants hospitalo-universitaires et de chefs de cliniques donnant accès au secteur 2. En libéral, des exonérations fiscales et de charges sociales sont accordées dans le cas d'exercice ou d'installation dans les zones franches urbaines, les zones de revitalisation rurale, les zones de redynamisation urbaine ou dans les communes de moins de 10 000 habitants.

L'Assurance maladie qui propose également des aides financières dans le cadre de sa politique conventionnelle a récemment instauré de nouvelles incitations pour les omnipraticiens. A l'échelle régionale, les mesures en faveur d'une meilleure répartition géographique des professionnels de santé ont trait surtout à la formation et aux conditions d'exercice. Selon une récente enquête menée auprès des comités régionaux de l'Observatoire national de la démographie des professions de santé (ONDPS), il s'agit essentiellement de mesures de sensibilisation des étudiants à des stages en hôpital local ou en zone rurale, de bourses d'études sous conditions de stage ou d'installation.

Ces politiques nationales et régionales ont pour but d'inciter les professionnels de santé à s'installer dans les zones sous-dotées mais les résultats sont très décevants. En outre, la plupart des mesures n'ont pas été évaluées. Toutefois, l'Institut de recherche et documentation en économie de la santé (IRDES) souligne les limites de ces mesures : l'augmentation du nombre de médecins serait insuffisante et les mesures financières inefficaces. Les exemples du Royaume-Uni, des provinces canadiennes et des États-Unis montrent en effet qu'agir sur les effectifs globaux des médecins ne règle pas la question de leur répartition territoriale.

M. Nicolas About, président de la commission. - C'est sûr !

Mme Muguette Dini. - Malgré la concurrence exacerbée et la saturation de l'offre dans les zones à forte densité, les médecins britanniques, canadiens ou américains ne s'installent pas pour autant dans les zones déficitaires. Quant aux bourses d'études proposées depuis les années 70 aux États-Unis, au Canada et en Australie, elles ont un réel impact à court terme mais se révèlent inefficaces au-delà. Dans de nombreux cas, les professionnels de santé procèdent en effet au rachat de la bourse afin de se soustraire à l'obligation d'exercice.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. - Eh oui !

Mme Muguette Dini. - De plus, ces bourses d'études génèrent d'importants effets d'aubaine et surtout une compétition accrue entre les régions. De même, la majoration de la rémunération des professionnels de santé exerçant en zone déficitaire n'a qu'une influence modérée à court terme et très faible ensuite. Le système de prime à l'installation, appliqué au Royaume-Uni entre 2001 et 2005, a depuis été abandonné.

L'efficacité très relative de ces mesures incitatives doit-elle, pour autant, nous amener à envisager des mesures coercitives ? Le protocole d'accord du 22 0juin 2007 entre l'Assurance maladie et les quatre syndicats représentatifs des infirmiers libéraux peut servir d'exemple. Ce texte prévoit en effet un dispositif de régulation territoriale de la population infirmière libérale, fondé sur le non-conventionnement à l'assurance maladie de tout infirmier libéral s'installant dans des bassins de vie à forte densité. Les médecins, eux, n'hésitent pas à parler de casus belli.

L'étude de l'IRDES sur les cas étrangers conclut également à la faible efficacité de la politique de limitation de l'installation des professionnels de santé en zone excédentaire. L'Institut se réfère notamment au cas de l'Allemagne où, depuis 1993, le conventionnement à l'installation est limité dans les zones où la densité médicale est supérieure de 10 % à la moyenne nationale alors que, inversement, l'installation est encouragée dans les zones situées en-dessous de 10 % de la moyenne nationale. Mais, cette politique a détourné les étudiants des études médicales au profit d'autres filières universitaires et aucune amélioration dans la répartition géographique n'a été enregistrée.

C'est pourquoi notre groupe soutient deux orientations avancées par l'ONDPS et que les professionnels de santé semblent plébisciter. En premier lieu, la question du choix du lieu d'installation et du maintien dans l'activité des professionnels de santé doit être replacée dans un contexte de développement local et d'aménagement du territoire car une problématique exclusivement sanitaire doit être dépassée : l'ONDPS souligne que les professionnels de santé craignent l'isolement. L'accès à un plateau technique performant et l'intégration dans une équipe médicale sont des facteurs d'attractivité. Et les études prouvent que critères professionnels et critères personnels doivent être associés.

Un médecin hésitera à s'installer avec sa famille dans une zone où son conjoint aura du mal à trouver un emploi, où ses enfants manqueront d'infrastructures scolaires, où les services publics et les commerces ont disparu. Ainsi, pour lutter contre l'isolement des professionnels de santé, il est primordial de favoriser regroupement et coordination. Au niveau hospitalier, il faudra donc organiser les établissements en pôles inter-hospitaliers par le biais de convention ou constituer des groupements de coopération sanitaire. Nous nous réjouissons de l'avancée que comporte ce projet en la matière.

En revanche, tout reste à faire en secteur ambulatoire où des maisons de santé pluridisciplinaires devraient rassembler différents professionnels médicaux et paramédicaux pour une prise en charge globale du patient. En résulterait une amélioration de la qualité des soins et de l'organisation du travail médical. Or, ces maisons en sont encore au stade de l'expérimentation et leur financement est assuré de façon aléatoire par le Fonds d'intervention pour la qualité et la coordination des soins. Nous regrettons donc que notre amendement sur ce point ait été rejeté par la commission des finances.

Il convient aussi de transférer de nouvelles compétences médicales à des professionnels paramédicaux. Le président de l'ONDPS estime qu'il faut « recentrer les médecins sur le coeur de leur métier » et « libérer du temps médical ». Quinze projets expérimentaux ont donc été lancés dont la majorité porte sur la délégation de compétences et d'actes médicaux en faveur des infirmières qui effectuent des consultations de dépistage, des missions de suivi des personnes atteintes de pathologies chroniques et des examens spécialisés complémentaires. Nous vous proposons donc, madame la ministre, de réorganiser l'offre de soins et de transférer des compétences médicales aux professionnels paramédicaux.

La question du numerus clausus n'est toujours pas résolue. Il ne faudrait plus compter le nombre de médecins sortis des facultés mais le nombre d'heures de présence médicale qu'une promotion annuelle de médecins est en mesure d'assurer. Il est fini le temps où les médecins étaient taillables à merci, jour et nuit, sept jours sur sept. Beaucoup de jeunes médecins n'envisagent pas de sacrifier vie de famille et vie personnelle à l'exercice de leur profession et les jeunes mères de famille, en début de carrière, souhaitent exercer leurs missions à temps partiel. Pourquoi ne pas lancer une enquête sur ce sujet ? Elle nous amènerait certainement à revoir notre position. (Applaudissements au centre et à droite)

M. Jean-Pierre Godefroy. - Alors que les problèmes de démographie médicale étaient connus depuis quelques années -j'ai d'ailleurs régulièrement interrogé votre prédécesseur sur le sujet sans toujours recevoir de réponse- le débat de ce matin intervient dans un climat particulier, pour ne pas dire faussé. Comment un article ne prévoyant qu'une discussion entre les acteurs conventionnels et l'assurance maladie a-t-il pu déclencher une telle mobilisation ? Vous avez, madame la ministre, négligé de consulter les acteurs concernés, puis avez tenté de garder le cap avant de reculer. Et le débat d'aujourd'hui, aussi intéressant soit-il, n'apportera rien de concret. Quant aux états généraux annoncés, j'espère sincèrement qu'ils permettront d'avancer sur cette question même si je crains que la crise que vous avez déclenchée ait raidi la position des organisations syndicales de médecins et d'étudiants en médecine.

Tout ceci est d'autant plus surprenant que ce projet de loi de financement, comme le précédent, est bien plus contraignant à l'égard des assurés sociaux que des professionnels de santé. Ce texte accroît les effets pervers de la réforme de 2004 qui pénalise les malades faute de s'attaquer à la réorganisation de notre système fondé sur la qualité et l'égalité d'accès aux soins.

Il s'agit seulement d'être ferme à l'égard des assurés sociaux qui doivent faire, chaque année, des efforts financiers supplémentaires ! En revanche, vous voilà d'une timidité maladive lorsqu'il s'agit d'imposer aux professionnels de santé une obligation minimale d'intérêt général. Les millions d'assurés sociaux qui ont signé une pétition contre les franchises n'ont pas ce même pouvoir de nuisance que les étudiants en médecine !

Comme le rappelle le rapport d'information de notre collègue Jean-Marc Juilhard, le nombre de médecins en exercice n'a jamais été aussi élevé et, pourtant, l'égal accès à des soins de qualité n'est plus assuré sur l'ensemble du territoire. La situation devrait s'aggraver...

Dans ma région, les cas de sous-démographie médicale sont nombreux : généralistes et spécialistes confondus, la Basse-Normandie a la troisième densité la plus faible derrière la Picardie et la Haute-Normandie. Pour les généralistes, nous sommes les avant-derniers, devant la région Centre. Pour les spécialistes, nous sommes en septième position, mais la situation varie selon les spécialités : par rapport au cinquième arrondissement de Paris, les différences sont extraordinaires. Cherbourg, qui compte 100 000 habitants, n'a aucun pédiatre.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. - Je sais cela !

M. Jean-Pierre Godefroy. - Le Ve arrondissement de Paris compte 60 000 habitants ! Ma ville a deux fois moins de gynécologues et de médecins généralistes ; elle compte deux psychiatres alors qu'on en dénombre 114 dans le Ve.

M. Nicolas About, président de la commission. - Cela va bien, à Cherbourg !

M. Éric Doligé. - C'est l'air de la mer !

M. Alain Vasselle, rapporteur. - Changeons le maire de Paris, il y aura moins besoin de psychiatres !

M. Jean-Pierre Godefroy. - La sous-médicalisation ne touche donc pas que des zones rurales !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. - Vous avez tout à fait raison.

M. Jean-Pierre Godefroy. - Depuis deux ans, des mesures ont été prises pour tenter de remédier à cette situation, même si, comme le rappelle la Cour des comptes, elles ne sont pas suffisamment efficaces et souvent mal connues des bénéficiaires potentiels. Elles consistent surtout en incitations financières assumées principalement par l'assurance maladie et les collectivités locales alors que l'État devrait jouer le premier rôle. La Cour des comptes a raison de considérer que « les questions touchant notamment aux droits des malades, à l'accès aux soins et à la permanence des soins devraient rester de la compétence principale de l'État ». Ce n'est plus le cas puisque ce PLFSS délègue aux négociations conventionnelles non seulement les questions relatives à la démographie médicale mais aussi celles de la permanence des soins ou des modes de rémunération. Ce faisant, le Gouvernement méconnaît la responsabilité de l'État tant en matière d'aménagement du territoire que d'ordre public, puisque l'égalité d'accès aux soins est menacée.

On ne règlera certes pas ces questions sans l'implication et la participation des professionnels concernés, mais c'est à l'État de prendre les décisions de régulation au nom de l'intérêt général et de la solidarité nationale, ce que vous renoncez à faire. Notre collègue Jean-Marc Juilhard propose quelques pistes que nous approuvons : régionalisation des épreuves classantes pour l'accès au troisième cycle des études médicales, afin de stabiliser les étudiants dans la région dans laquelle ils auront achevé leurs études ; adéquation entre le nombre de postes ouverts à l'examen et celui des candidats, afin d'éviter les postes non pourvus qui sont toujours ceux de médecine générale ; rationalisation des incitations financières ; simplification des démarches administratives pour l'obtention de ces aides à l'installation ; développement des centres de santé ; labellisation des maisons de santé.

Il faut aller plus loin et envisager une régulation de l'installation.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. - On y vient !

M. Jean-Pierre Godefroy. - Les infirmiers libéraux ont accepté de s'engager dans cette voie, les médecins ne peuvent rester seuls à ignorer les réalités territoriales de l'accès aux soins. Une profession, même libérale, financée par l'argent public a des obligations.

Cette régulation territoriale ne pourra être efficace sans une adaptation de la formation initiale des étudiants en médecine. Il serait intéressant de généraliser une mesure déjà mise en oeuvre par certains départements, comme celui de la Manche, sous la présidence de notre collègue Le Grand : attribuer des bourses aux étudiants en médecine décidés à s'installer durablement sur leur territoire.

Il faudra aussi redonner de l'attractivité au rôle du médecin généraliste car la réforme de 2004 est restée à mi-chemin. Il reste beaucoup à faire pour rendre l'exercice groupé, ou en réseau, véritablement intéressant. Les règles fiscales et sociales liées aux charges de fonctionnement d'un cabinet de groupe ne sont pas suffisamment attractives, non plus que les modes de rémunération des professionnels de santé.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. - J'ai ouvert quelques pistes...

M. Jean-Pierre Godefroy. - Outre qu'il est porteur d'inflation des dépenses de santé, le paiement à l'acte favorise l'isolement et la concurrence entre praticiens ; il doit devenir la variable d'ajustement d'une rémunération des professionnels de santé qui reposerait principalement sur un système forfaitaire et qui reflèterait leur mission de service public. La création du médecin référent par le gouvernement Jospin constituait un premier pas vers de nouvelles règles de rémunération, sur la base du volontariat ; vous y avez mis fin pour des raisons purement idéologiques.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. - Cela n'a pas intéressé plus de 7 000 médecins.

M. Jean-Pierre Godefroy. - On ne règlera pas la question de la démographie médicale sans changer profondément l'esprit et la pratique médicale. Le mécanisme de conventionnement à géométrie variable était une mauvaise solution tant pour les médecins que pour les assurés.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. - C'était votre idée !

M. Jean-Pierre Godefroy. - Espérons que les états généraux annoncés aborderont ce problème de manière globale et constructive car, pour les jeunes étudiants en médecine, il faut que la règle du jeu soit claire dès le départ et tout retard ne fera qu'aggraver la situation des zones sous-médicalisées. (Applaudissements à gauche)

M. Jean-Marc Juilhard. - Je suis particulièrement heureux de l'accueil qui a été réservé à mon rapport.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. - Il est excellent.

M. Jean-Marc Juilhard. - Et, madame, j'ai été très sensible à l'accueil que vous lui avez, vous-même, fait le 17 octobre. Je tiens à vous remercier de nous donner l'occasion de débattre d'un sujet aussi essentiel pour nos concitoyens que l'égalité d'accès aux soins. Il s'agit là d'un des principes fondamentaux notre système de santé.

Avec 252 746 praticiens inscrits au Conseil de l'Ordre au 1er janvier 2007, dont 213 995 en activité, la France compte plus de médecins que la moyenne des pays d'Europe. Depuis 1979, leur nombre a presque doublé. Au fur et à mesure des départs massifs à la retraite, les prévisions laissent pourtant craindre une crise dans l'organisation du système de soins et l'apparition de déserts médicaux en raison d'une répartition déséquilibrée des praticiens sur le territoire. Selon l'Atlas de la démographie médicale en France, présenté en juin dernier par le Conseil national de l'ordre des médecins, les inégalités géographiques ont tendance à s'aggraver.

Voilà un paradoxe : alors que la France n'a jamais compté autant de praticiens en activité, les disparités entre régions sont trop importantes pour garantir à tous nos concitoyens une offre de soins satisfaisante. Aujourd'hui, quatre millions de Français ont des difficultés pour accéder aux soins d'un médecin généraliste : le nombre de généralistes par habitant varie du simple au double entre la Seine-Saint-Denis et les Hautes-Alpes, ce qui montre que la question de la densité médicale ne concerne pas que les territoires ruraux. Et nombre de nos compatriotes sont donc confrontés à des délais trop longs pour obtenir un rendez-vous chez un spécialiste, l'hôpital public ne pouvant à lui seul compenser cette désorganisation. Il est donc nécessaire de remédier très rapidement à une situation qui ne cesse de se dégrader.

En réalité, cette crise comporte plusieurs aspects : la baisse des effectifs des professionnels de santé, l'accentuation des inégalités territoriales en matière d'offre de soins, le vieillissement de la population et l'augmentation du niveau d'exigence des patients. Les mesures prises n'ont pas suffi à contenir l'aggravation de cette fracture territoriale. Les pouvoirs publics ont procédé à une augmentation régulière du numerus clausus depuis 2002, mais nous ne pourrons en constater les effets que dans une dizaine d'années. La loi de 2004 sur l'assurance maladie a permis aux unions régionales des caisses d'assurance maladie de conclure des contrats avec des professionnels de santé libéraux afin de les inciter à se regrouper. La loi du 2 février 2005 relative aux territoires ruraux a permis aux collectivités locales d'attribuer aux étudiants du 3e cycle, une indemnité d'études et une indemnité de logement pour les stagiaires.

Le conseil général de l'Allier, cher à Gérard Dériot, a créé une bourse d'études et de projet professionnel destinée aux étudiants en médecine de 3e cycle qui ont opté pour la spécialisation « médecine générale ». En échange, ceux-ci s'engagent à s'installer pour une durée minimale de six ans dans une zone déficitaire du département. L'aide peut atteindre jusqu'à 36 000 euros par volontaire.

Le champ d'action des collectivités locales a été élargi le 1er janvier 2006 pour que des locaux professionnels ou des logements puissent être mis à disposition des médecins s'installant ou exerçant dans ces zones prioritaires.

Ces incitations financières n'ont pas suffi. Je rends hommage, madame la ministre, à votre volontarisme. Vous avez compris que nous ne devions pas nous contenter de mesures économiques. Votre texte initial a été caricaturé. Vous aviez pourtant rappelé à maintes reprises, ici même, votre attachement à la liberté d'installation. Je regrette que vous n'ayez pas été entendue.

Les décisions d'avenir devront être prises en concertation avec les jeunes médecins. C'est ce que vous avez proposé en annonçant pour le début 2008 la tenue d'états généraux auxquels toutes les organisations d'internes sont invitées. Vous pouvez compter sur notre participation à ces états généraux et, bien entendu, sur mon engagement personnel.

Le Haut conseil pour l'avenir de l'assurance maladie estime indispensable de dépasser la politique actuelle de « moindre contrainte ». Permettez-moi de vous présenter quelques propositions qui ont été adoptées par notre commission des affaires sociales.

J'attache beaucoup d'importance à l'essor des maisons de santé et les pouvoirs publics seraient bien inspirés de favoriser la généralisation de ces expériences nées du terrain, à l'initiative de quelques professionnels entreprenants. Il semble nécessaire de créer un label spécifique « maison de santé pluridisciplinaire », de sécuriser leur cadre juridique et d'harmoniser les aides dont elles bénéficient. Les mesures incitatives déjà prises devront être évaluées et optimisées.

Il faut mieux informer les étudiants sur les aides et surtout mieux les accompagner, pour éviter que le doute ne se transforme en renoncement. Il faudra aussi revoir le système de formation, par exemple en réfléchissant à la transformation de l'examen classant national en examen régional.

Les professionnels eux-mêmes n'écartent pas forcément le recours à de nouvelles mesures et les infirmiers libéraux ont déjà signé une convention avec l'assurance maladie afin de mieux réguler leurs pratiques. Les chirurgiens dentistes ne sont fermés à de telles mesures, non plus que certains médecins.

Nous attendons beaucoup des futurs états généraux. (Applaudissements à droite)

présidence de M. Guy Fischer,vice-président

M. Bernard Murat. - D'abord, je remercie M. Fortassin de m'avoir cédé son tour de parole afin que je puisse intervenir en cette fin de matinée.

Bien que notre pays n'ait jamais compté autant de médecins, dans de nombreuses zones du territoire, notamment en zone rurale, il n'est plus possible aux malades d'avoir accès à un médecin, ni à un médecin de trouver un remplaçant. Féminisation de la profession, modification des aspirations des jeunes médecins, évolution des soins, tout concourt au rejet de l'activité médicale en zone rurale et cela ne devrait que s'amplifier dans les prochaines années.

Le problème est moins le nombre des praticiens que leur répartition et il ne sera résolu qu'en améliorant l'attractivité des territoires et les conditions de l'exercice médical en milieu rural, tant pour le praticien que pour sa famille. Les pouvoirs publics ont mis en place des dispositifs incitatifs : bourses, incitations financières, exonérations fiscales et sociales. Les collectivités territoriales essayent aussi d'inciter et d'innover. Mais il ne faudrait pas que cette participation des collectivités devienne source, entre elles, de surenchères ou de conflits. (Mme la ministre approuve) Actuellement en Corrèze, des cabinets médicaux ou des maisons de santé peinent à voir le jour du fait de discordances politiques entre les collectivités, au grand désarroi des médecins candidats et au détriment des patients. Vu le rôle que peut jouer, pour l'aménagement d'un territoire, la présence d'une structure de soins, il sera peut-être nécessaire d'envisager un meilleur ordonnancement, une structuration des interventions de ces collectivités, dans le cadre des SCOT par exemple.

Les dispositifs incitatifs n'ont pas produit les effets escomptés. Faut-il donc adopter des mesures plus contraignantes ? Le Haut Conseil pour l'avenir de l'assurance maladie juge nécessaire de dépasser la politique actuelle de « moindre contrainte », en particulier dans les tâches administratives. Le Gouvernement a envisagé cette possibilité ainsi que les élus ruraux, désemparés face à la dégradation constante de la situation. Beaucoup, se fondant sur les exemples étrangers, Québécois ou Allemands notamment, font état du manque d'efficacité des mesures coercitives, qui pourraient même être contre-productives. Je ne pourrais pas me prononcer avec certitude mais il est certain qu'il va nous falloir agir plus énergiquement.

A propos de mesures coercitives, il m'a été signalé la grave dégradation des gardes dans nos campagnes corréziennes depuis qu'elles se font sur la base du volontariat. (Mme la ministre approuve) L'exemple est peut-être à méditer...

Prenant la mesure du problème, vous nous avez annoncé, pour janvier prochain la tenue d'états généraux de l'organisation de la santé. Je salue le fait que les élus y seront associés. Pour ne pas être strictement corporatistes ces débats doivent être accessibles aux élus et, à travers eux, aux populations directement concernées.

Corrézien et élu d'un territoire rural, je sais que le facteur déterminant de l'installation dans le monde rural est la bonne connaissance de celui-ci : parce qu'on y a vécu, que l'on en est originaire, que l'on y a fait un stage ou que l'on y a pratiqué. Il conviendrait donc de mieux préparer les étudiants à une installation en zone rurale, en utilisant par exemple les maisons médicales installées dans les zones déficitaires pour les stages ambulatoires des internes en médecine générale. Songez aussi au problème de l'adaptation du conjoint et des enfants : médecin des villes ou médecin des champs, c'est aussi le choix de toute la famille.

Il serait bon d'apporter une aide financière aux étudiants s'engageant à exercer en zones déficitaires. La loi de 2005 relative au développement des territoires ruraux prévoit déjà des indemnités d'études et de projet professionnel pour les internes s'engageant à exercer au moins cinq ans dans une zone déficitaire. On pourrait élargir ces mesures aux étudiants plus tôt dans la formation, pour fixer les jeunes médecins dans les territoires ruraux, au moins pour quelques années. Cela permettrait aussi, alors que le numerus clausus va être relevé, de permettre à tous ceux qui sont intéressés par les études de médecine, et qui n'ont pas forcément les moyens de les entreprendre, de se lancer. On peut aussi implanter des facultés de médecine dans les zones déficitaires, les étudiants s'installant souvent sur le lieu de leurs études. Quant à un diplôme intermédiaire, entre celui d'infirmière et celui de médecin, il pourrait être ressenti comme discriminatoire pour nos populations rurales, mais rien n'est à rejeter a priori.

On pourrait aussi envisager des incitations financières pérennes, s'accompagnant d'une aide à l'exercice : les jeunes médecins souhaitent pouvoir exercer plus collectivement ou avoir accès au salariat. Je salue à cet égard les initiatives de notre excellent rapporteur en faveur de l'exercice regroupé entre professionnel de santé. Toutes les mesures en ce sens sont à encourager, mais je mets en garde ceux qui y voit déjà un remède miracle : l'aide à apporter à l'exercice en cabinet de groupe ne doit pas faire oublier le médecin qui s'installe seul, car certaine localité ou territoire ne peuvent admettre qu'un seul médecin. N'oublions pas non plus l'importance de l'accueil de la famille du praticien par les élus et la population.

Quoiqu'il en soit, il faudra prioritairement lancer une politique d'information auprès des étudiants et des jeunes médecins et largement diffuser les mesures favorisant l'installation dans des zones démédicalises : plus les étudiants seront sensibilisés tôt dans leur cursus de formation, plus ils seront susceptibles de s'installer dans des zones déficitaires où les relations avec la population peuvent leur apporter une satisfaction particulière.

Toutes ces questions seront débattues lors des états généraux. Vous avez amorcé un dialogue constructif avec les étudiants et les internes, je sais qu'il se poursuivra. Mais parce que nos étudiants seront nos médecins de demain, je voudrais vous lire un passage d'un courrier reçu récemment d'un médecin d'Ussel, en haute Corrèze.

Dans sa lettre, ce médecin, pourtant installé à Ussel par choix, se dit désespéré. Si rien n'est fait dans les prochains mois, explique-t-il, il devra prendre la décision de partir pour protéger sa famille et lui-même car, il accomplit en moyenne une cinquantaine d'actes par jour, ce qui représente treize à quatorze heures de travail quotidien !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. - En tant que ministre, on fait mieux encore ! (Sourires)

M. Bernard Murat. - Madame, grâce aux heures passées derrière votre bureau et à votre excellente connaissance des dossiers, ce jeune médecin d'Ussel trouvera sans aucun doute une réponse satisfaisante à ses interrogations ! (Applaudissements à droite et au centre)