Déclaration du Gouvernement sur les régimes spéciaux (Suite)

M. le Président. - La parole est à M. Gournac.

M. David Assouline. - La défense de la grande bourgeoisie !

M. Alain Gournac. - Je remercie le Gouvernement d'avoir inscrit ce débat à notre ordre du jour. L'occasion nous est donnée d'affirmer avec force la nécessité de la réforme et le Gouvernement prouve ainsi sa volonté de résoudre le financement des retraites dans la transparence et la concertation. Le Sénat a beaucoup travaillé sur cette difficile question et notre majorité peut être fière des décisions courageuses, parfois impopulaires mais nécessaires, qu'elle a approuvées. Dès 1993, le gouvernement Balladur a porté à quarante ans la durée de cotisation dans le régime général et les régimes alignés. Dix ans plus tard, la loi Fillon a préservé les régimes par répartition et accompli un pas décisif vers l'égalité entre secteurs public et privé en harmonisant la durée de cotisation à 40 ans. Nous pouvons être fiers d'avoir ainsi prouvé notre ferme volonté politique de prendre les problèmes à bras le corps.

Ces réformes ont commencé à porter leurs fruits : le financement des retraites est assuré et le principe de la répartition sauvé. Il nous faut garder le cap. Les évolutions déjà engagées doivent être prolongées dans l'esprit volontariste de la loi de 2006, laquelle prévoyait une concertation en 2008. Des actes forts sont indispensables pour assurer le redressement et l'égalité entre Français. Oui, la réforme s'impose et ne rien faire nous exposerait à être les victimes des évolutions démographiques. L'allongement de la durée de vie traduit notre haut niveau de développement mais il a pour conséquence un vieillissement de la population : la proportion des plus de 60 ans atteindra 27,3 % en 2020 et celle des plus de 65 ans, 21,1 %. En 2050, un tiers de la population aura plus de soixante ans. Or l'âge moyen de cessation d'activité est un des plus faibles et le taux d'activité des séniors n'est que de 37,6 % contre 45,3 % en Union européenne.

M. Jean-Luc Mélenchon. - Affinez vos statistiques : nous n'avons pas la même proportion de femmes qui travaillent. Tout cela ne se compare pas.

M. Alain Gournac. - J'ai encore la possibilité de le faire.

M. Jean-Luc Mélenchon. - Vous enfilez des perles !

M. Alain Gournac. - Notre système décourage le travail des plus de cinquante ans...

M. Jean-Luc Mélenchon. - On les met dehors !

M. Alain Gournac. - Le Président de la République a dénoncé ce scandale le 18 septembre dernier au Sénat devant les journalistes d'information sociale. Si aucune mesure n'est prise, les actifs supporteront une charge insupportable.

M. Guy Fischer. - Les profits du CAC 40 explosent.

M. Alain Gournac. - Nous devons augmenter le taux d'emploi. La préservation de nos grands équilibres exige un allongement de la durée de cotisation, y compris dans les régimes spéciaux, ainsi que la Cour des comptes le recommandait dès septembre 2006. L'âge de la retraite y est précoce, 55 ans à la SNCF, où des bonifications peuvent l'avancer de cinq ans. Le déficit de ce régime atteint 3 milliards ; l'État le compense mais qui finance sinon les salariés du régime général ? Il ne s'agit pas de stigmatiser qui que ce soit (marques de scepticisme à gauche) mais de chercher l'équité.

Le Président de la République a réaffirmé son engagement de traiter la question. Il nous revient d'agir pour le respect de cet engagement, le vote des Français nous y oblige. Une phase de concertation est bien sûr un préalable : la solidarité nationale doit être fondée sur la transparence et vous avez prouvé votre volonté de dialogue dès le 19 septembre. Vous avez aussi indiqué que les marins pêcheurs, dont le métier reste pénible, ne serait pas concerné.

Notre majorité est déterminée à agir pour l'égalité entre retraités. Nous devons prendre nos responsabilités tant sur la durée de cotisation que sur l'emploi des séniors. Des mesures sont déjà intervenues en 2003 et 2006 ; il faut les amplifier. Le PLFSS 2008 brise cette logique infernale qui pousse les employeurs à s'en débarrasser.

Nous soutenons le Gouvernement dans sa volonté de réforme. Notre groupe aidera le Gouvernement à tenir les engagements pris par le Président de la République devant les Français. (Applaudissements à droite)

M. le président. - La parole est à M. Fischer.

M. Jean-Pierre Bel. - Il a fallu attendre une heure et demie pour que l'opposition puisse s'exprimer. (Dénégations à droite où l'on invoque le tirage au sort)

M. Jean-Luc Mélenchon. - C'était une litanie de monologues !

M. Guy Fischer. - Après le service minimum en juillet, GDF en septembre, voici les retraites et les régimes spéciaux dans le collimateur du Gouvernement. Il y a quelques jours, le ministre se posait, sur un ton péremptoire, en champion du dialogue social car, assurait-il, on ne réforme pas sans négocier. Vous nous mettiez au défi de prouver le contraire ? Mais en précipitant le débat et en n'accordant que quinze jours à la négociation, plus quinze jours gracieusement octroyés par le Président de la République, vous n'êtes pas l'homme du dialogue. Dialoguer, ce n'est pas seulement écouter mais aussi prendre le temps de l'écoute et des échanges et des propositions.

Vous confondez écoute, concertation et négociation et pratiquez la politique du fait accompli.

M. Roland Courteau. - Très bien !

M. Guy Fischer. - Je me souviens très bien d'un projet de loi examiné en urgence, en plein été, le 5 juillet 2004, destiné à ouvrir EDF et GDF au marché concurrentiel. M. Sarkozy, alors ministre d'État, de l'Économie, des Finances et de l'Industrie, a déclaré ici que le statut des agents défini en 1946 serait maintenu, que son champ d'application ne serait pas modifié et concernerait les actifs, présents ou futurs, comme les retraités. Il nous a rappelé que la réussite d'EDF et de GDF était le fruit d'une histoire sociale qu'il nous faut prendre en compte et respecter.

M. Jean-Pierre Bel. - C'est un récidiviste !

M. Guy Fischer. - Or, c'est dans la précipitation qu'est organisée maintenant la consultation des partenaires sociaux et de la représentation nationale.

Monsieur le ministre, vos méthodes en disent long sur vos objectifs. Le Premier ministre a déclaré publiquement que la réforme était prête depuis des mois, et n'attendait que le feu vert du Président de la République. Les organisations syndicales ont dénoncé la négociation à froid et précipitée d'une réforme qui mérite un véritable débat, et du temps. Vous ne nous proposez aujourd'hui qu'une simple communication gouvernementale, sans vote. Ce n'est malheureusement pas une nouvelle faute de parcours mais un mode de gouvernement. Ainsi, le conseiller social du Président de la République a déclaré le 18 septembre au Monde que le calendrier s'appliquant au dialogue social ne devait pas faire obstacle à l'action. La réforme devrait donc être menée à bien d'ici au 31 décembre. Cela nous rappelle la méthode scandaleuse employée en 1995 par la majorité RPR d'alors, qui a privé de débat la représentation nationale avant d'être contrainte de reculer devant l'ampleur des manifestations. Il s'agit à nouveau, aujourd'hui, d'aligner les régimes spéciaux sur le régime général, en commençant par les rapprocher du régime de la fonction publique. M. Leclerc voudrait même les calquer dès maintenant sur le régime général.

M. Nicolas About, président de la commission. - Ce n'est pas vrai !

M. Guy Fischer. - C'est inacceptable.

M. Xavier Bertrand, ministre. - Que proposez-vous ?

M. Guy Fischer. - En revanche, le Medef n'est pas aussi pressé d'entamer le débat sur la pénibilité, on comprend pourquoi.

Vous nous proposez donc d'aligner la durée de cotisation des régimes spéciaux sur le régime de la fonction publique en passant de 37,5 à 40 annuités. Le Premier ministre a même annoncé 41 annuités pour 2008. Monsieur le ministre, tiendrez-vous votre parole de ne pas toucher à nouveau aux régimes spéciaux l'année prochaine ?

M. Xavier Bertrand, ministre. - J'ai été clair tout à l'heure.

M. Guy Fischer. - La protection sociale connaît depuis plusieurs décennies de grandes difficultés financières qui imposent des réformes d'ampleur. Nous ne pouvons nous satisfaire d'un déficit de la sécurité sociale estimé à 12 milliards d'euros pour 2008. C'est avec la droite qu'il a atteint un niveau record et historique ! Le déficit cumulé sur cinq ans sera de 42 milliards. Mais, contrairement au Président de la République, nous ne considérons pas que les bénéficiaires des régimes spéciaux en soient la cause ou l'origine. Ne les stigmatisons pas.

Certes, le déficit de ces régimes s'élève à 5,1 milliards. Mais les difficultés de la protection sociale sont dues aux politiques économiques menées ces dernières années, et notamment à celles qui cassent l'emploi stable au bénéfice des contrats précaires. Cela est particulièrement vrai dans les entreprises publiques, à la SNCF par exemple, où le nombre de cheminots est passé de 470 000 à 160 000 ! L'accroissement du temps partiel imposé, particulièrement aux femmes, restreint l'assiette des cotisations. De nombreux cadeaux sont faits aux plus riches, à l'image du bouclier fiscal voulu par le Medef, promis par M. Sarkozy, exécuté par M. Fillon. Les 14 milliards d'euros dilapidés ainsi cet été représentent l'équivalent du déficit annuel de la sécurité sociale. 38 milliards d'exonération fiscale ont déjà été offerts en 2007 au patronat et aux spéculateurs. Le bouclier fiscal ne concerne que les 245 000 foyers les plus riches, qui recevront un chèque de 85 000 euros de réduction d'impôts. (M. le ministre le conteste) La mesure coûtera 1,4 milliard par an. S'y ajoutent la suppression quasi-totale de l'impôt sur la fortune, la suppression des impôts locaux pour les plus riches, des droits de succession des 4 % de Français les plus riches... Ces cadeaux fiscaux vont réduire les marges de manoeuvre de l'État, accroître le déséquilibre budgétaire et accentuer les inégalités, d'autant que la croissance n'est pas au rendez-vous.

En juillet dernier, le ministre du budget, M. Éric Woerth, annonçait qu'il faudrait une croissance de 3 % pour que la dette publique soit dès 2010 inférieure à 60 % du PIB et que disparaisse le déficit budgétaire. Il tablait sur 2,25 à 2,5 % en 2007 et 2,5 % en 2008. Or, selon de nombreux économistes, le coût du « paquet fiscal » dégradera les finances publiques, la croissance sera inférieure aux prévisions gouvernementales et l'augmentation des taux d'intérêt alourdira la charge de la dette. Gilles Carrez, rapporteur général du budget à l'Assemblée nationale, admettait que « à 2,5 de croissance, on passe ; à 2 %, on aura des problèmes ». Aujourd'hui, les perspectives de croissance se limitent à 1,7 %.

Cette faillite due aux cadeaux fiscaux et à l'allégement du coût du travail est instrumentalisée pour faire accepter des mesures d'austérité qui seraient dictées par la conjoncture mondiale. Or, non seulement les régimes spéciaux ne sont pas à stigmatiser, mais isoler leur réforme est une aberration et une tromperie. C'est l'ensemble de la protection sociale que vous attaquez ainsi. Vous commencez par aligner la durée de cotisation des régimes spéciaux sur la fonction publique, par indexer les pensions sur les prix et non plus sur les salaires, par créer une décote, ou surcote, et par calculer le taux de remplacement sur les six derniers mois. MM. Leclerc, Vasselle, About veulent même aller plus loin. Dans un second temps, second « coup de fusil » : la réforme des retraites dans son ensemble. 90 % du financement de celle-ci repose sur les seuls salariés. Les cotisations patronales n'ont cessé de diminuer : les allégements sont passés d'un milliard d'euros en 1993 à 25 en 2007. Dans le même temps, le pouvoir d'achat des retraites a baissé.

Je remarque l'absence soudaine de tous les sénateurs de l'UMP. On n'en voit plus un seul ! (On s'indigne à gauche)

Quant aux retraites complémentaires, du fait des accords de 1996-2003 -que seule la CGT a refusé de signer-, la valeur du point est indexée sur les prix, tandis que son prix d'achat l'est sur les salaires. Ainsi, pour le même salaire, le nombre de points attribués diminue chaque année.

Dernière étape de votre projet, la casse annoncée de la sécurité sociale et du système de retraite par répartition, le Gouvernement souhaitant passer d'une logique de solidarité à un régime d'assurance, d'un droit collectif à un droit individuel. Il faudra également cotiser individuellement pour garantir son accès aux soins. Et M. Sarkozy ne s'est pas caché, dans son discours du 18 septembre au Sénat, de vouloir inciter les Français à garantir leur éventuelle future dépendance ou leur retraite par des placements financiers. Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2008 n'augmente les retraites que de 1,1 % alors que l'inflation prévue est 1,6 % !

Les parlementaires communistes sont favorables à une réforme des systèmes de retraite comme de la sécurité sociale sans diminution des droits, au contraire. Compte tenu de l'évolution de la démographie de notre pays, il faudra donner la priorité aux besoins humains et les faire primer sur la logique financière qui fait habituellement des budgets sociaux des variables d'ajustement de votre politique libérale. Nous proposons le retour aux 37,5 annuités pour ouvrir droit à une retraite pleine et entière. Voulez-vous revenir à la situation de la fin du XIXsiècle, lorsque les plus modestes devaient travailler jusqu'à 65 ou 70 ans ? Il faudra également revenir sur les dispositions antisociales qui rendent de plus en plus virtuel le départ à la retraite à 60 ans.

Pour ce faire, nous voulons conforter le dispositif « carrière longue », que M. Fillon souhaite remettre en cause, notamment pour modifier la règle des 168 trimestres validés. Il faudra aussi prendre en compte les années d'études et de formation après 18 ans. En effet, en moins de trente ans, le début de la vie professionnelle a reculé de près de sept ans, et de neuf ans pour l'intégration dans un premier emploi stable, ce qui rend impossible la validation de 160 trimestres à 60 ans. Il s'agit là d'une simple mesure d'équité, puisque l'entrée plus tardive dans la vie professionnelle est due à la précarité du travail, qui explose au sein de notre société, principalement au détriment des femmes et des jeunes.

Mais il faut également revaloriser substantiellement l'ensemble des retraites, qui ont constamment diminué. Pour les salariés, il faut principalement rétablir l'indexation des pensions sur les salaires bruts, mettant ainsi fin au désastre causé par l'indexation sur les prix hors tabac, qui appauvrit les retraités. Le Comité national des retraités et des personnes âgées chiffre à 14 % l'écart qui s'est ainsi creusé de 1993 à 2005 entre l'évolution des salaires et celle des pensions. Vous ne pouvez nier cette réalité, vécue par des millions de retraités, que M. Raffarin, alors Premier ministre, avait qualifié de « peuple d'en bas ». Les retraités subissent une véritable paupérisation. L'urgence est donc de garantir la retraite totale à 75 % du salaire moyen des dix meilleures années de carrière, avec un minimum au moins égal au Smic. Il faut également revaloriser la retraite totale du chef de l'exploitation à 75 % du Smic brut, instaurer la parité des conjoints avec les chefs d'exploitation et supprimer les coefficients de minoration. Pour les fonctionnaires, nous proposons de rétablir et d'améliorer le code des pensions d'avant le plan Fillon. Avec mes collègues du groupe CRC, je réclame que les pensions soient calculées sur la base de 75 % du traitement des six derniers mois d'activité. Il faudra également inclure les primes et indemnités dans le traitement indiciaire, rétablir les bonifications pour enfant et supprimer les décotes pour carrière incomplète -qui pénalisent particulièrement les femmes.

Tout cela suppose de rompre définitivement avec la logique comptable qui anime votre politique. La solution ? Donner à la sécurité sociale les moyens financiers d'assumer ses missions. Il faut donc mettre à contribution les profits financiers et spéculatifs des entreprises et des banques : tous les revenus du travail doivent être mis à contribution, sans exonérer les plus riches. Il est également indispensable que l'État rembourse ses dettes envers la sécurité sociale et qu'il supprime les exonérations de cotisations, car votre politique de cadeaux fiscaux a pour seul effet d'épargner les bénéfices des entreprises. Vous comprendrez notre grand contentement à la lecture du rapport annuel sur la sécurité sociale rendue par la Cour des comptes, dont le Président -que l'on ne peut soupçonner de partager nos conceptions- propose justement de taxer stocks-options et parachutes dorés.

Vous ne pensez qu'à réduire les dépenses, alors que l'accroissement des recettes devrait être prioritaire en étendant l'assiette des cotisations. (L'entrée de M. Juilhard dans l'hémicycle est saluée par des applaudissements ironiques du groupe socialiste)

Pourquoi une telle précipitation ? Parce que vous voulez, par un habile effet de manches, dissimuler l'échec du plan Fillon.

M. Roland Courteau. - Eh oui !

M. Guy Fischer. - Quelle conséquence tirez-vous de cet échec ? Aucune ! Vous persistez à vouloir mettre à contribution les seuls salariés tout en épargnant les entreprises, dont les bénéfices croissent pourtant.

L'appauvrissement de la sécurité sociale, la culpabilisation des affiliés et la suspicion entre Français ont pour seul objectif de préparer l'après sécurité sociale ! Que voulez-vous en fait ?

M. Xavier Bertrand, ministre. - Sauver les retraites par répartition !

M. Guy Fischer. - Supprimer le régime par répartition au bénéfice d'une capitalisation profitant au secteur privé ? Le financement totalement fiscalisé via la TVA sociale, les franchises médicales et l'appel aux mutuelles complémentaires, la création des plans d'épargne retraite, l'annonce d'une cinquième branche dépendance faisant une large place au privé : autant de signes de votre coupable projet ! C'est d'ailleurs ce qu'esquissait la loi Fillon sur l'épargne retraite, qui offre aux plus riches des exonérations fiscales massives pour se constituer des compléments de retraites par capitalisation. Ce dispositif ne connaît qu'un faible succès, mais vous voulez le généraliser à tous les salariés ! Vous voulez donc substituer la capitalisation à la répartition.

Mais pourquoi un tel empressement ? Quelle situation si indigne mérite votre précipitation ? Les régimes spéciaux ont une histoire : il ne s'agit pas seulement de retraite, mais également d'une réalité sociale marquée par la solidarité intergénérationnelle. C'est le fruit de luttes courageuses de milliers d'hommes et de femmes attachés à leurs outils de travail. C'est aussi la traduction d'une reconnaissance de la nation envers le service public et ses agents, sur lesquels pèsent des contraintes particulières et qui remplissent une mission spécifique avec dévouement. Comment parler des régimes spéciaux en éludant les agents ? Derrière un statut particulier, se trouvent des hommes et des femmes. Rappelez-vous le formidable travail réalisé par les agents d'EDF après les tempêtes de 1999 !

Avant 1945, il n'y avait pas de régimes spéciaux, car le patronat s'opposait à toute véritable protection sociale. Le régime solidaire et intergénérationnel devra attendre la fin de la guerre et l'application du programme de la Résistance pour qu'enfin tous les salariés aient droit à un salaire de substitution une fois l'âge de la retraite venu. C'est à cela que voudrait s'attaquer votre Gouvernement, qui désire abandonner progressivement les risques accidents et maladies, pour n'assurer que les risques heureux tels que la grossesse. Et dans quelles conditions ! Je vous renvoie à votre refus rétrograde d'allonger de trois semaines le congé maternité.

D'ailleurs, la proposition du Président de la République de créer un cinquième risque dépendance ne dupe personne, puisqu'il en appelle au privé pour proposer des placements. Aujourd'hui, les régimes spéciaux de retraites concernent 1 600 000 personnes, actifs et retraités confondus. Ce serait donc pour ces 1,1 million de retraités sur 14 millions et ces 500 000 actifs, soit 2 % de l'ensemble, qu'il faudrait précipiter le débat et défier les syndicats ?

Il me semble important de rappeler quelques vérités sur les régimes spéciaux.

Contrairement à ce que nous avons pu entendre ici ou là, les salariés de la SNCF ne sont pas les nantis de la République. (M. le rapporteur et M. le président de la commission en conviennent) Alors que dans le privé le taux de remplacement est globalement égal à 73 %, il n'atteint que 66 % à EDF et 63 % à la SNCF. Cela provient de salaires bas, parfois inférieurs au Smic, complétés par des primes qui ne sont pas prises en compte pour la retraite.

Le Gouvernement voudrait faire croire que les régimes spéciaux coûtent aux assurés sociaux, alors que c'est votre projet de réforme qui les mettrait à contribution. Car ces régimes autonomes dégagent souvent des bénéfices : celui des industries électriques et gazières avoisine les 300 millions d'euros. Cette caisse participe d'ailleurs à la compensation démographique. Effectivement, le régime de la SNCF est déficitaire, ...

M. Xavier Bertrand, ministre. - Ah !

M. Guy Fischer. - ... mais parce que la diminution importante du nombre de salariés réduit le nombre de cotisants. C'est cela que vient compenser l'État en versant 4 milliards d'euros, conformément à un strict principe de solidarité qui s'applique également au régime général. Il le fait en raison d'un règlement européen de 1969 qu'il vous faudra modifier pour mener vos projets à bien.

Monsieur le Ministre, entendez-vous réformer les régimes spéciaux ou modifier les droits spécifiques correspondants ? Cette distinction n'est pas neutre ! Les régimes spéciaux participent à hauteur de 47 % à la compensation, là où le régime général participe pour 46 %. Qui bénéficie de cette compensation ? La majeure part, soit 70 %, va en direction des exploitants agricoles, les commerçants et artisans en reçoivent 24 % et les régimes spéciaux seulement 7 %. Les ressources de la caisse de retraite de la SNCF se décomposent ainsi : les cotisations représentent 38 %, la contribution de l'État, 54 % et la compensation est limitée à 7 %. Telle est la réalité que vous préférez taire.

A écouter M. Sarkozy, M. Fillon et vous-même, on pourrait croire à une réforme commandée par la morale. En entendant le Président de la République exprimer son sentiment d'indignation et son désir d'équité, j'ai cru un instant qu'il envisageait la remise à plat de notre système fiscal, cette mesure tant attendue par l'opposition pour supprimer tous vos cadeaux fiscaux !

Ce qui est indigne, pour vous, c'est le droit à la retraite à 55 ans. Pourtant, ces hommes et ces femmes ont contribué à faire de leur entreprise des leaders au niveau européen, voire mondial !

M. Nicolas About, président de la commission. - Nous ne parlons pas seulement de la SNCF !

M. Guy Fischer. - Vous feignez d'ignorer le mode spécifique de calcul de la durée de cotisation dans les régimes spéciaux, où seuls les trimestres strictement cotisés sont pris en compte.

Ce qui est indigne, pour vous, c'est le droit de bénéficier d'une retraite anticipée en raison de la pénibilité du travail. Combien de suicides de salariés faudra-t-il encore pour que vous compreniez que la pénibilité, jusqu'alors évaluée au plan physique, se mesure aujourd'hui au niveau psychologique ?

Ce qui est indigne pour vous, c'est que l'on prenne pour référence de calcul de la pension les six derniers mois de traitements, et non les vingt-cinq meilleures années comme dans le privé. Pourquoi ne pas harmoniser par le haut, plutôt que toujours niveler par le bas ?

De même, pourquoi dissimuler que le déficit de la protection sociale est largement le fait des transferts entre régimes ? Le régime des agriculteurs et celui des commerçants et artisans, pour reprendre les mots de M. Alain Vasselle sont depuis longtemps « en coma dépassé. » En 2005, on a transféré près de 7 milliards du régime général au régime agricole au titre de la compensation démographique...

M. Nicolas About, président de la commission. - C'était un coup bas !

M. Guy Fischer. - ...et près de 5 milliards aux régimes des fonctionnaires.

Pour autant, je n'entends pas stigmatiser ces régimes. MM. Domeizel et Leclerc ont montré que les réserves de la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales ont été asséchées dans les années 1980 et la contribution de la caisse nationale d'assurance vieillesse fortement augmentée entre 2001 et 2005 pour alléger la charge de l'État.

En fait, on ne peut pas séparer la question des régimes spéciaux d'une réforme globale des retraites. Les ressources existent, nous l'avons démontré, pour une réforme de progrès qui prenne pour critère la pénibilité du travail, dont le stress, et définisse un véritable socle de garanties communes pour tous, dont le droit à la retraite à soixante ans. Le problème des retraites ne peut être réduit à un problème démographique.

L'équité n'est pas en cause : sinon vous auriez supprimé les dispositions du texte relatif au travail, à l'emploi et au pouvoir d'achat. Il ne s'agit pas d'une mesure comptable, M. Xavier Bertrand l'a encore confirmé hier. En réalité, vous cherchez à diviser les Français pour imposer le contrat « anti-social » de M. Sarkozy, contrat majoritairement rejeté par la population. Accuser l'autre de tous les maux, faire planer le doute et la suspicion, ...

M. Dominique Leclerc, rapporteur. - C'est « indigne » ! (Sourires à droite)

M. Guy Fischer. - Vous avez appliqué la même méthode pour le projet de loi sur l'immigration et vous l'emploierez bientôt pour les franchises médicales et le régime général des retraites.

Mme Annie David. - Très juste !

M. Guy Fischer. - Mais en dépit de votre propagande, vous ne parviendrez pas à convaincre et à opposer les salariés entre eux.

La vérité, c'est qu'avec cette réforme, le Président de la République ne cherche qu'une chose : accrocher à son tableau de chasse les régimes spéciaux ! (Applaudissements à gauche)

présidence de M. Adrien Gouteyron,vice-président

M. Jean-Pierre Bel. - Je tiens à saluer le retour des sénateurs du groupe de l'UMP dans l'hémicycle. Ce matin, l'opposition a montré combien elle était nécessaire. Durant un débat aussi essentiel que celui sur les régimes spéciaux, les membres du groupe UMP se sont absentés durant une demi-heure ! (Vifs applaudissements à gauche ; M. Charles Revet proteste)

M. Nicolas About, président de la commission. - Il restait tout de même le meilleur d'entre eux : le rapporteur !

M. le président. - Nous reprenons le débat sur les régimes spéciaux de retraite.

M. Aymeri de Montesquiou. - Héritage de l'Ancien régime, les régimes spéciaux illustrent combien la France est imprégnée par la préservation de ses particularismes. (M. Jean-Luc Mélenchon s'esclaffe)

Mme Dominique Voynet. - Quel spécialiste de l'Ancien régime !

M. Aymeri de Montesquiou. - Nos régimes spéciaux, fruits d'un État protecteur, ont-ils toujours une raison d'être en ce début du XXIe siècle ? D'autres secteurs d'activités ne sont-ils pas concernés par le stress et la pénibilité ? Comme l'a récemment déclaré le chef de l'État, « il existe des régimes spéciaux de retraite qui ne correspondent pas à des métiers pénibles, il existe des métiers pénibles qui ne correspondent pas à un régime spécial de retraite ». Rappelons que certains de ces régimes spéciaux remontent à Louis XIV, notamment celui des marins créé en 1673 pour assurer une subsistance aux personnes blessées qui ne pouvaient poursuivre leur activité, d'autres au XIXe siècle comme les régimes de la Banque de France, de la Comédie française, des chemins de fer et des mines. Lors de la création des assurances sociales en 1930, puis de la sécurité sociale en 1945, les ressortissants de ces régimes choisirent pour la plupart de ne pas s'affilier au régime général.

Ce sujet est d'autant plus complexe que ces régimes sont fort différents. Certains assurent l'intégralité de la protection sociale de leurs membres, tels ceux des marins, des agents de la SNCF ou des notaires, quand d'autres n'offrent qu'une protection partielle et ne touchent que la branche vieillesse, comme ceux des fonctionnaires locaux, des industries électrique et gazière ou des personnels de l'Opéra de Paris. Parmi les trois principaux régimes, on constate une grande hétérogénéité s'agissant du départ en retraite : 55 ans pour les personnels de maintenance, 50 ans pour les agents de conduite à la RATP et à la SNCF ; 60 ans pour tous à EDF, sauf pour les salariés qui occupent des fonctions pénibles et peuvent partir à 55 ans.

Pour éviter de faire face à des charges de plus en plus lourdes, EDF-GDF et la RATP ont choisi d'adosser les retraites de leurs agents au régime général. Ce transfert a été compensé par le versement d'une soulte. Mais les gaziers, électriciens et agents de la RATP continuent à bénéficier de conditions plus favorables que les autres salariés, ce qu'a déploré la Cour des comptes dans son rapport. Ces régimes, théoriquement autofinancés, accusent pour des raisons démographiques des déficits, que l'État doit couvrir : 2,5 milliards pour la seule SNCF !

Alors que de nouveaux efforts seront demandés à l'ensemble des Français en 2008, la réforme des ces régimes s'impose. Nombre de syndicalistes et de membres du parti socialiste partagent cet avis, notamment MM. Manuel Valls et Michel Rocard ainsi que le nouveau directeur général du FMI.

M. Jean-Luc Mélenchon. - Vous sélectionnez les propos de trois socialistes, alors que nous sommes 300 000 ! (Exclamations à droite)

M. Aymeri de Montesquiou. - Un autre pays développé a-t-il conservé ses régimes spéciaux ? Non. L'objectif est de mettre l'ensemble des Français sur un pied d'égalité avant la fin de l'année avant le rendez-vous de 2008 sur les retraites. La réforme des régimes spéciaux ne vise pas à opposer certaines catégories professionnelles à d'autres, mais à sauvegarder la retraite de tous. Elle est guidée par un impératif d'équité et de justice. La pénibilité d'une profession spécifique doit être démontrée. Il ne fait aucun doute que les marins pêcheurs connaissent des conditions de travail extrêmement difficiles.

Certains régimes concernent d'autre part des professions peu nombreuses, qui se sont déjà autoréformées -je pense aux clercs de notaire ou à la Banque de France. Il importe donc d'agir au cas par cas en incitant les secteurs concernés à réformer par eux-mêmes, étant entendu que l'État devra intervenir en cas d'échec.

Reste qu'il faut clairement dire aux Français que la réforme des régimes spéciaux, ceux-ci ne concernant que 2 % des actifs, ne règlera pas définitivement le problème des retraites ni ne saurait être le moyen de financer les petites retraites. Est-il équitable que l'ensemble des Français contribuent massivement à l'équilibre des retraites d'une petite minorité de salariés qui travaille moins longtemps qu'eux dans des métiers dont la pénibilité n'est pas certaine ? Il faut se fixer, pour 2012, un objectif courageux : l'équilibre du régime général par un allongement de la durée de cotisation variable selon la pénibilité des métiers.

Nous sommes au début d'un chemin ardu. Il est plus que temps d'aligner les régimes spéciaux sur le régime général, pour des raisons financières comme d'équité. Il faut pour cela éviter tout passage en force comme toute stigmatisation des personnels concernés, privilégier au contraire le dialogue et la négociation. Le contexte est particulièrement favorable. Si près des trois quarts des Français sont favorables à la réforme, ils refusent cependant l'injustice : comment demander des efforts à un salarié payé au Smic et ignorer que les stock-options distribuées aux cadres dirigeants des entreprises représentent, comme l'a souligné la Cour des comptes, un manque à gagner pour la sécurité sociale de trois milliards d'euros ? (Vives approbations sur les bancs socialistes) A la devise de la République, il serait bon d'ajouter le mot « équité ».

M. Jean-Luc Mélenchon. - Ah non ! Cela n'a rien à voir ! L'équité, c'est le contraire de l'égalité !

M. Aymeri de Montesquiou. - Le groupe du RDSE se félicite de la tenue de ce débat sur un sujet d'ordre réglementaire et se dit convaincu que la réforme des régimes spéciaux est tout à la fois équitable et indispensable à l'équilibre de notre système de retraite par répartition ; il suivra le Gouvernement. (Applaudissements au centre et à droite)

M. Jean-Marie Vanlerenberghe. - La réforme des régimes spéciaux s'impose à tous, les syndicats eux-mêmes le savent qui sont prêts à faire évoluer le système à l'issue d'une véritable négociation. Ici l'urgence, monsieur le ministre, peut être l'ennemie de l'excellence.

Cette réforme répond d'abord à une nécessité économique. Les comptes de ces régimes sont structurellement très déséquilibrés -c'est un euphémisme. Pour 13 milliards de prestations servies, l'État versera, en 2007, une subvention d'équilibre de 5 milliards d'euros ...

M. Jean-Luc Mélenchon. - S'est-on demandé pourquoi ?

M. Jean-Marie Vanlerenberghe. - ... soit à peu près le déficit de la branche vieillesse, qui compte dix fois moins d'assurés. En 2008, cette subvention devrait atteindre 5,5 milliards. Et si l'on considère les autres financements, cotisations extérieures, subventions des employeurs, compensation interrégimes, soit, si l'on en croit le rapport de MM. Domeizel et Leclerc, près de 2 milliards, on constate que le déficit réel atteint 7 milliards. L'équilibre n'est réalisé que par une opération de magie comptable.

Pourquoi un tel déséquilibre ? La représentation nationale manque d'éléments d'appréciation ; mais on peut identifier trois causes majeures : la démographie, le montant des pensions versées et les avantages spécifiques -ces derniers, selon la Cour des comptes, expliquant l'essentiel du déficit. Nombre d'entre eux sont-ils encore justifiés ? Je n'évoquerai pas cette tarte à la crème qu'est le régime des cheminots ...

M. Jean-Luc Mélenchon. - Et celui des curés ?

M. Jean-Marie Vanlerenberghe. - Inversement, certaines professions pénibles ne bénéficient pas de tels avantages. On touche ici à l'équité ...

Ni la réforme Balladur ni la loi Fillon n'ont traité des régimes spéciaux. Cela ne veut pas dire que rien n'a été fait ; des réformes ponctuelles ont eu lieu, certaines positives, d'autres dangereuses. Parmi les premières, je citerai l'extinction progressive des régimes spéciaux de la Seita, de France Télécom ou de la Chambre de commerce et d'industrie de Paris ; c'est la solution la plus réaliste, même si la durée de l'extinction peut être très longue - soixante à quatre-vingts ans, note notre collègue M. Leclerc. Le régime de la Seita, vingt-cinq ans après sa fermeture, coûte encore à l'État 120 millions par an ...

Parmi les secondes, il faut citer les réformes réalisées par adossement au régime général, dont on connaît les mécanismes. En pérennisant des avantages dont beaucoup peuvent être obsolètes, elles ne sont que des trompe-l'oeil ; le risque est ainsi transféré à la CNAV ... Heureusement, ce n'est pas la voie qu'emprunte le Gouvernement ; sommes-nous pour autant rassurés ? Nous craignons qu'un trompe-l'oeil n'en remplace un autre. Le Gouvernement propose un alignement sur le régime des fonctionnaires, plus avantageux que le régime général, notamment à cause du salaire de référence -il est vrai calculé sans les primes.

M. Xavier Bertrand, ministre. - Merci de le préciser.

M. Jean-Marie Vanlerenberghe. - Le Président de la République a déclaré vouloir un tel alignement sur cinq points. S'agissant de la surcote et de la décote, l'alignement est théoriquement une bonne chose ; mais il ne s'appliquera qu'en 2015. Devra-t-on attendre 2020 ou au-delà pour les régimes spéciaux ? S'agissant de la durée de cotisation, tout dépendra des conditions de la négociation et de ce qu'obtiendront les représentants des personnels.

Vous ne voulez pas agir brutalement ? Certes, mais il faut agir !

L'alignement de l'indexation des pensions ne souffre, lui, nulle critique. En revanche, nous ne disposons d'aucune information sur les bonifications ni sur la prise en compte de la pénibilité.

Nous craignons que la grande réforme annoncée des régimes spéciaux n'améliore guère la situation générale des comptes.

La réforme est urgente et il n'est rien de pire qu'annoncer une réforme pour ne pas la réaliser. Certes, monsieur le ministre, nous comprenons bien qu'une telle réforme ne soit pas de nature comptable ; mais il est difficile de ne pas se fixer des objectifs chiffrés, assortis d'un calendrier : l'avez-vous fait ? Quels sont-ils ? Quand s'appliquera le régime de décote et de surcote et quel sera-t-il précisément ? Quelle sera la bonification ? Comment la pénibilité sera-t-elle prise en compte ?

M. Xavier Bertrand, ministre. - Ce sont précisément les questions que j'ai posées ; j'espérais vos réponses !

M. Jean-Marie Vanlerenberghe. - Ne risque-t-on pas, au terme de la réforme, de maintenir des différences entre les salariés, selon l'employeur, voire l'emploi ?

M. Xavier Bertrand, ministre. - C'est l'enjeu de notre débat !

M. Jean-Marie Vanlerenberghe. - L'arbre ne doit pas cacher la forêt et la réforme des régimes spéciaux laisser intangibles les déficits abyssaux du régime général ! Le groupe UC-UDF propose une remise à plat des régimes spéciaux, avec une indemnisation au point ; M. Leclerc va dans le même sens, celui d'une extinction progressive des régimes spéciaux qui préserve cependant les acquis des salariés. Nous regrettons que le Gouvernement ne retienne pas cette solution et nous serons très vigilants sur les suites de la négociation.

Nous ne disposons cependant que de moyens très limités pour contrôler l'action gouvernementale. Notre information est lacunaire, M. Vasselle l'a souligné : les données sur le déficit manquent de précision, la réforme ne s'accompagne d'aucune étude d'impact.

Ce débat était nécessaire et nous vous en remercions, monsieur le ministre. Mais nous souhaitons pouvoir débattre à nouveau après la concertation et avant la rédaction des décrets. Nous sommes favorables à la réforme, à la concertation, mais nous sommes encore circonspects sur les modalités ! (Applaudissements au centre et sur quelques bancs à droite)

M. Claude Domeizel. - (Applaudissements à gauche) Le Président de la République et le Gouvernement claironnent depuis deux semaines qu'ils vont réformer les régimes spéciaux, mais que se passe-t-il vraiment, au-delà de cette opération de communication magistralement orchestrée ? Et à quoi servira ce débat sans vote ?

M. Xavier Bertrand, ministre. - Nous mettons toutes les propositions sur la table !

M. Claude Domeizel. - Monsieur le ministre, vous nous abreuvez de généralités sur les régimes spéciaux, tout en nous confirmant que la réforme se fera par décret. Vous voulez notre avis sur des orientations imprécises : nous ne tomberons pas dans ce piège !

M. Xavier Bertrand, ministre. - Où est le piège ?

M. Jean-Louis Carrère. - Partout ! (Sourires)

M. Claude Domeizel. - En sortant de cet hémicycle à 13 heures, monsieur le ministre, je ne doute pas que vous pensiez : « Mission accomplie au Sénat, et demain la même chose à l'Assemblée nationale ! ». Le Président de la République vous a demandé une concertation, vous la faites en quinze jours seulement ! Prêts ? Partez ! Comment voulez-vous que vos interlocuteurs puissent consulter leur base ? Ou peut-être cette précipitation s'explique-t-elle par la baisse de confiance que subissent le Président de la République et le Gouvernement, à l'heure du paquet fiscal de 15 milliards, de la baisse du pouvoir d'achat des Français, de la détérioration de notre économie ? Ou, encore, par une stratégie électorale d'avant municipales ?

Une concertation est simulée, nombreux pensent que tout est déjà bouclé. Le Sénat bouleverse son ordre du jour...

M. Jean-Louis Carrère. - Cela n'a pas toujours porté chance à la droite : rappelons-nous la loi Falloux !

M. Claude Domeizel. - Hier à 16 heures, vous réunissez les présidents des groupes des deux chambres, ils ont une heure pour les inscriptions de parole dans ce débat sans vote, lequel commence à 9 heures ce matin : cette précipitation n'est pas respectueuse de nos droits ni de notre travail !

M. Yannick Bodin. - Dictature !

M. Claude Domeizel. - Comment consulter même nos collègues ? Aussi mon propos est-il le fruit de réflexions personnelles, il n'a pas pu être validé par mon groupe !

Le Gouvernement prétend se contenter de décrets, mais la réforme touche à bien des matières législatives ! Le Président de la République a indiqué que l'harmonisation des régimes spéciaux se ferait sur la base du régime de retraite de la fonction publique, lequel repose sur le code des pensions civiles et militaires : n'est-on pas dans le domaine de la loi ? L'autorisation d'emprunter, les participations prélevées sur le budget de la Nation relèvent également de la loi. Dans ces conditions, pourquoi le Parlement ne vote-t-il pas ? C'est incompréhensible !

De plus, nous débattons sans aucun document officiel : nous en sommes réduits à lire la presse ! Monsieur le ministre, me faut-il m'abonner à un quotidien local de l'Aisne pour savoir ce que vous avez dit sur les retraites lors d'une inauguration ou une foire à Braine ou à Crouy ?

M. Xavier Bertrand, ministre. - Ce n'est pas dans ma circonscription !

M. Claude Domeizel. - Le Président de la République a donné son feu vert à la réforme le 18 septembre, lors d'une assemblée générale d'une association de journalistes. Il aurait qualifié « d'indignes » les régimes spéciaux qu'il considère réservés à des « privilégiés ».

Pourquoi stigmatiser une catégorie de population, susciter des sentiments de jalousie, alors que les régimes spéciaux s'expliquent par l'histoire de notre pays ? Leur objectif n'a jamais été de favoriser une partie des salariés ! En 1945, le législateur a maintenu les régimes préexistants au nouveau régime général parce que les salariés tenaient aux avantages liés à la pénibilité de leur travail.

Depuis la réforme des retraites de 2003, les comptes de la branche vieillesse n'ont cessé de se détériorer ; nous le disions il y a quatre ans, la réforme n'a pas amélioré les comptes et on peut affirmer qu'il en ira de même avec celle que vous voulez aujourd'hui !

Le Conseil d'orientation des retraites considère qu'une réforme des régimes spéciaux est inévitable et qu'elle passe par des mesures courageuses, dont certaines risquent d'être impopulaires.

M. Xavier Bertrand, ministre. - Vous êtes d'accord ? (Sourires)

M. Claude Domeizel. - Il propose des pistes opérationnelles avec des efforts partagés de l'État, des régimes eux-mêmes et de leurs assurés sociaux.

M. Claude Domeizel. - Mais cet avis n'exclut pas une nécessaire concertation, ni une réforme plus globale plutôt que réduite au seul aspect des régimes spéciaux.

A titre personnel, je suis convaincu que l'immobilisme est une mauvaise solution car ces caisses de retraite connaissent toutes un rapport démographique défavorable et font appel à la solidarité entre régimes ou à l'impôt. Mais l'origine du problème est ancienne, elle date de 1946, puis de la loi de 1974, qui a créé un système de compensation démographique généralisé. Et on a vu la même reculade dans la loi de finances de 1986 qui a instauré la surcompensation bien connue des maires parce qu'elle fait participer exagérément la fiscalité locale au déficit des caisses de retraites. Or, chacun le sait, ce système de compensation est aujourd'hui à bout de souffle.

Dans ce contexte, il n'est guère surprenant que l'extrême diversité des régimes suscite des réactions passionnées de nos concitoyens. Sans doute une majorité de Français considère-t-elle qu'il n'est plus possible de maintenir le statu quo intégral, notamment sur la question sensible de la durée de cotisation de 37 ans et demi. Encore faudrait-il que le Gouvernement se donne les moyens de son ambition réformatrice autoproclamée, en ouvrant un véritable dialogue social. Les partenaires sociaux y sont disposés, à condition de ne pas avoir le sentiment que tout est joué d'avance.

Quels paramètres sont en cause ? Vous nous dites que tout est sur la table.

M. Xavier Bertrand, ministre. - Oui !

M. Claude Domeizel. - La durée des cotisations, les décote et surcote, l'indexation des pensions, la bonification, la pénibilité, la durée du stage, la retraite d'office, les retraites additionnelles, l'égalité hommes-femmes... Ce trop plein d'ouverture masque mal la réalité de vos intentions : tout est décidé. Comment en serait-il autrement si vous devez rendre votre copie dès le 15 octobre prochain ?

M. Xavier Bertrand, ministre. - Qui a parlé du 15 octobre ? C'est faux ! J'ai dit : en octobre.

M. Claude Domeizel. - Je ne vais pas vous faire le reproche de savoir où vous allez, mais nous aimerions mieux cerner vos intentions. Ces sujets complexes imposent des travaux techniques préalables, des échanges approfondis, une confiance mutuelle. Pas le simulacre de négociation en quinze jours auquel nous venons d'assister !

Enfin, je suis convaincu que la question des régimes spéciaux doit être traitée dans la globalité, c'est-à-dire dans le cadre du rendez-vous de réforme des retraites de 2008. Non, il n'y a pas l'urgence que vous dites, d'autant que les régimes spéciaux ne représentent que 7 % des assurés. Toute vraie réforme suppose notamment de remettre à plat le système de compensation démographique, ainsi que Dominique Leclerc et moi-même le soulignions dans notre rapport élaboré en 2006 dans le cadre de la MECSS. Si vous abordez la notion de pénibilité sous le seul angle des régimes spéciaux, vous allez commettre une lourde erreur et aggraver encore la cacophonie que vos discours ont engendrée.

Je crains qu'il ne s'agisse pas d'une grande réforme de structure, mais d'une opération limitée, menée dans la précipitation, pour des raisons essentiellement politiciennes. A s'en tenir aux rares informations rendues publique par le Gouvernement, manifestement vous entendez modifier deux ou trois paramètres de ces régimes, ceux qui, comme le mode d'indexation des pensions ou la durée de cotisation, sont les plus compréhensibles pour l'opinion publique. Pourtant, faire une refonte générale de ces régimes, certains conçus il y a 100 ou 150 ans, nécessiterait, pardon d'y insister, du temps et des travaux préparatoires. Ce n'est pas la voie que vous avez choisie. Je ne peux m'empêcher de penser qu'il s'agit de permettre au Président de la République d'afficher à tout prix, avant les élections municipales de mars 2008, la mise en oeuvre de l'un de ses engagements électoraux les plus emblématiques. Sans doute cherchez-vous aussi à donner des gages à votre majorité, au moment où apparaissent les premières difficultés et la fin de l'état de grâce. Mais, en réalité, les contours de cette réforme répondront-ils aux attentes de vos électeurs ? Ceux qui, parmi eux, attendent la disparition des régimes spéciaux risquent d'être déçus, de même d'ailleurs que ceux qui espéraient sincèrement que vous alliez résoudre ce problème dans un esprit de responsabilité et de dialogue avec les partenaires sociaux. Quant aux assurés sociaux de ces régimes spéciaux, qui dans leur immense majorité sont disposés à faire des efforts, ils ne pourront se satisfaire d'une pseudo réforme menée à la va-vite et sans contrepartie.

Au total, vos projets ne résoudront donc rien, comme cela a déjà été le cas d'ailleurs avec la précédente réforme des retraites, et vous risquez de mécontenter tout le monde.

Mais sous la baguette d'un chef d'orchestre frénétique -ce n'est pas moi qui ait trouvé ce qualificatif-, l'impératif de communication et la logique d'affichage doivent donc prévaloir coûte que coûte ! Du moins pourriez-vous éclairer le Sénat sur les contours et le mode opératoire de votre réforme, qui me semblent bien flous. Tous ici, nous attendons de savoir : quels seront exactement les régimes concernés par votre projet de réforme ? Car on entend des versions différentes : 120 régimes ? Une quarantaine ? Pour ma part, je n'en connais que 12, à la lecture du code de la sécurité sociale. Et pour brouiller un peu plus le message, vous déclarez que les mineurs et marins ne seront pas concernés. En quoi consistera « l'harmonisation », annoncée par le Président de la République, des régimes de retraite spéciaux sur ceux de la fonction publique ? A quelle échéance, cette évolution pourrait-elle être effective ? Le dialogue sera-t-il une simple concertation ou une véritable négociation ? La fin de l'année constitue-t-elle une date butoir pour le Gouvernement ?

M. Xavier Bertrand, ministre. - Arrêtez ! Pas vous !

M. Claude Domeizel. - Nous nous sommes opposés, de ce côté de l'hémicycle, à votre réforme des retraites de 2003.

M. Charles Revet. - Et vous avez eu tort !

M. Claude Domeizel. - Et l'évolution de la branche vieillesse nous a depuis donné raison. Je ne suis pas davantage optimiste aujourd'hui. En écoutant le Président de la République, le Premier ministre et vous-même, nos concitoyens peuvent avoir le sentiment qu'une grande réforme est en préparation, une sorte de « grand bond en avant » des régimes spéciaux ! Cela ne sera pas le cas et comme ce précédent historique fameux, vos projets risquent de finir dans l'impasse.

Ne vous méprenez pas, je suis convaincu moi aussi qu'une réforme des régimes spéciaux est nécessaire dans l'intérêt d'ailleurs bien compris, à moyen terme, de leurs assurés sociaux eux-mêmes.

M. Xavier Bertrand, ministre. - J'attends vos propositions.

M. Claude Domeizel. - Mais nous aurions dû plutôt aborder cette question l'an prochain, à l'occasion de la clause de rendez-vous de la réforme des retraites. Sans doute devez-vous tenir compte du calendrier électoral ! Croyez moi, monsieur le ministre, vous ne gagnerez rien à opposer les différentes catégories d'assurés sociaux entre-elles ! Surtout, nous n'apprécions guère de voir la représentation nationale tenue à l'écart de ce sujet de société majeur, nous en reparlerons à l'occasion du prochain PLFSS et de nos prochaines séances de questions au Gouvernement : vous pouvez compter sur notre vigilance attentive.

Vous l'avez compris, nous ne sommes pas favorables à une réforme précipitée, dans la cacophonie, et qui oppose les salariés entre eux.

M. Xavier Bertrand, ministre. - Vous n'êtes pas favorables à une réforme tout court.

M. Claude Domeizel. - A un moment où le Gouvernement multiplie les cadeaux fiscaux et les transferts fiscaux vers les plus favorisés, il ne faut pas laisser penser que les bénéficiaires des régimes spéciaux sont des nantis ou des privilégiés. (Applaudissements sur les bancs socialistes) Nous voulons une réforme globale, qui gomme les inégalités de la loi de 2003 et ses incohérences, qui s'inspire de notre modèle social et non de la fracture sociale. Nous voulons une réforme qui tienne compte de la pénibilité, qui prépare l'avenir et donne espoir aux générations futures. Nous voulons surtout une réforme qui préserve le système par répartition. (Applaudissements à gauche)

M. Xavier Bertrand, ministre. - (Applaudissements à droite et au centre) Il est évident que, pour voir disparaître certaines postures, il faudra attendre d'autres débats ...

Oui, monsieur le président de la commission des affaires sociales, il faut faire cette réforme sans laquelle personne, sur aucun de ces bancs, ne pourra garantir, dans dix à quinze ans, le paiement des pensions. Parce que les règles de la démographie sont universelles et s'imposent à tous les salariés comme à tous les pays, il n'y a pas de raison d'exempter les bénéficiaires des régimes spéciaux des efforts demandés à l'ensemble de la nation. Eux-mêmes le savent bien. Mais il n'ya pas non plus de raison de s'interdire d'accomplir cette réforme de façon progressive : celle du régime général a pris dix ans, celle des fonctions publiques, plus de cinq.

Pourquoi n'envisageons-nous pas d'aligner ces régimes spéciaux sur le régime général ? Parce qu'une évolution progressive permettra d'aboutir au même résultat sans faire peser tout l'effort sur une même classe d'âge.

Une double affiliation entraînerait un double statut, donc des difficultés de gestion des ressources humaines. Les entreprises ont insisté sur ce point. Je salue les travaux de la commission, qui m'a remis des propositions précises et des éléments de réponse utiles...

M. Claude Domeizel. - Où est ce document ?

M. Xavier Bertrand, ministre. - M. Leclerc me l'a remis à la fin de son intervention. Peut-être n'étiez-vous pas tous là ? (Protestations sur les bancs socialistes) Il est nécessaire de supprimer les clauses couperet, qui empêchent de donner leur place aux seniors dans l'entreprise et qui les privent de pensions correctes. Les salariés âgés ne doivent plus être victimes de pratiques du passé. (Protestations à gauche)

A la fin de la réforme, les résultats seront connus : aura-t-on, oui ou non, mis en place la convergence ? Sera-t-on passé de 37,5 à 40 années ? En attendant, les situations, au sein de chaque entreprise, sont très diverses, c'est pourquoi les discussions doivent se tenir à ce niveau et non au niveau national.

M. Leclerc appelle à raison à la vigilance sur l'adossement. Il ne faudrait pas confondre réforme du financement et réforme des droits. La seconde est l'essentielle, pour donner enfin une visibilité à l'avenir des régimes. M. Vasselle souhaite des données plus précises sur les régimes spéciaux, notamment ceux qui n'ont pas fait l'objet d'adossement. Le COR devra effectivement poursuivre ses travaux en ce sens afin de mieux informer la représentation nationale. Et le Gouvernement entend associer le Parlement à la réforme, quel que soit le niveau juridique des textes à prendre.

Merci à M. Gournac pour son soutien et ses observations pratiques : le politique doit en effet entrer dans le concret ! Oui, il faut agir, la Cour des comptes nous y a invités, le Président de la République s'y est engagé. Nulle surprise, donc, puisque nos intentions ont été clairement énoncées durant la campagne électorale...

M. Charles Revet. - Et elles ont été approuvées par les électeurs !

M. Xavier Bertrand, ministre. - L'approbation, sur le sujet, dépasse même la majorité présidentielle... M. Gournac a raison de rappeler que les précédentes réformes, 1995, 2003, ont été menées par la droite. (Murmures à gauche) De votre côté, il y a eu des rapports et des reports... à une période où pourtant la croissance facilitait les évolutions.

M. Jean-Louis Carrère. - Certes, la croissance, ce n'est pas votre fort !

M. Xavier Bertrand, ministre. - La volonté d'avancer et de dialoguer est de notre côté.

Notre taux d'emploi des seniors est l'un des plus bas d'Europe : en France, un tiers seulement des plus de 55 ans travaille, contre 70 % en Suède. La réforme des régimes spéciaux contribuera à régler ce problème. Inutile de demander une énième fois aux entreprises de faire toute leur place aux seniors, il faut prendre des mesures et ce sera le cas dans les lois de financement et de finances pour 2008 : suppression des mises à la retraite d'office, en particulier. Ce n'est pas parce que Guy Roux s'en va que les autres ne veulent pas continuer !

Le statu quo n'est plus possible dans la perspective du rendez-vous de 2008 sur les retraites. Même au parti socialiste, on observe des lignes de fracture... Certains se sont exprimés courageusement, ne craignant pas d'affronter les leurs...

M. Jean-Louis Carrère. - Ne vous inquiétez pas pour nous, et si vous voulez la bagarre vous l'aurez !

M. Xavier Bertrand, ministre. - Je ne veux pas vous dresser les uns contre les autres...

M. Jean-Louis Carrère. - Occupez-vous de vous ! Et des tests ADN !

M. Xavier Bertrand, ministre. - Merci aussi à M. de Montesquiou d'avoir souligné la part essentielle que nous accordons à la concertation. Nous n'en avons pas moins tenu à avoir ce débat, au Sénat en premier, et nous entendons le poursuivre, au sein de la commission par exemple, afin de travailler avec vous.

M. Vanlerenberghe a rappelé que la réforme ne se résumait pas à l'adossement ; l'essentiel est la réforme des droits. Les travaux du COR montrent que les comparaisons sont toujours délicates entre le régime général et les fonctions publiques. A M. About, je veux signaler que la prise en compte ou non des primes dans les vingt-cinq années de référence change tout, car les primes représentent jusqu'à 20 % du traitement... Il faut aussi veiller aux différences de niveau au sein de la fonction publique : ceux qui sont au bas de l'échelle ne doivent pas être plus pénalisés que les autres.

M. Jean-Louis Carrère. - Créez donc un bouclier fiscal !

M. Xavier Bertrand, ministre. - La question du bon rythme de la montée en charge de la réforme se pose aussi. Sur la durée de la convergence, nous avons de nombreuses réunions techniques au ministère, avec les entreprises, les syndicats,... Je suis ouvert aux propositions du Sénat.

La réforme ne saurait être de nature comptable : si nous disions que l'objectif est de faire tel montant d'économies, nous enfermerions la négociation dans un carcan trop sévère. Il faut tout mettre sur la table et laisser la discussion ouverte. Ensuite, les résultats seront présentés aux Français, aux partenaires sociaux et aux parlementaires.

J'ai beaucoup entendu M. Fischer...

M. Nicolas About, président de la commission. - 37 minutes !

M. Xavier Bertrand, ministre. - Pour ma part, je n'ai pas vu le temps passer. M. Fischer suggère de repousser la réforme...

M. Nicolas About, président de la commission. - De vingt-cinq ans !

M. Xavier Bertrand, ministre. - Sa vision est différente de la nôtre, et je ne suis pas certain que les Français adhéreraient aux solutions qu'il propose... mais il a le mérite d'en élaborer.

Monsieur Fischer, je ne vous soupçonnerai pas d'avoir mélangé les sujets, GDF, pouvoir d'achat, régimes spéciaux, pour éviter d'aborder de front notre seul sujet d'aujourd'hui. Avec 37,5 années de cotisation, songez-vous aux déficits de la CNAV ?

M. Alain Gournac. - Ils s'en fichent !

M. Xavier Bertrand, ministre. - La logique veut que l'on cotise plus longtemps si l'on vit plus longtemps, comme l'ont compris tous les autres pays européens.

Les revenus du capital contribuent déjà à la solidarité. Les stock-options ? Le débat viendra : des députés y sont décidés et le Sénat a envie d'en traiter. (M. le président de la commission des affaires sociales le confirme) Mon souci est de ne pas pénaliser le pouvoir d'achat. De grâce, ne laissez pas croire que la taxation des revenus du capital serait la seule solution.

Mme Michelle Demessine. - Il y en a d'autres...

M. Xavier Bertrand, ministre. - Évoquer le remboursement de la dette de l'État était sans doute une manière détournée de saluer les efforts du Gouvernement : M. Woerth a annoncé le remboursement de cinq milliards : vous en aviez rêvé, nous l'avons fait... (Applaudissements à droite)

M. Domeizel avec qui j'ai travaillé en d'autres temps sait le respect que je lui porte. Il doit aussi savoir que je n'ai jamais réservé la primeur d'une réforme à ma presse locale. M. Pierre André peut témoigner de mon attachement à mes mandats locaux mais je n'ai jamais mélangé les fonctions, ni fait de coup comme celui auquel M. Domeizel a fait allusion.

Un texte le 15 octobre ? Si vous l'avez pensé, monsieur Domeizel, je vous redis précisément que le Gouvernement présentera en octobre un document d'orientation qui ouvrira la négociation dans les entreprises car nous tiendrons compte du retour des syndicats et des directions. Une organisation syndicale, en sortant de mon bureau, a évoqué le 15 octobre mais elle a immédiatement été démentie par les autres. Il n'y aura pas de passage en force.

Oui, j'ai souhaité un débat ; oui, j'ai souhaité disposer de vos positions -c'est un peu plus clair- et de vos propositions -ça l'est un peu moins...

M. Jean-Louis Carrère. - C'est vous qui êtes au Gouvernement !

M. Xavier Bertrand, ministre. - Je joue le jeu d'une nouvelle méthode et c'est pourquoi je m'exprime à cette tribune sur un sujet d'ordre réglementaire.

Merci enfin de souligner que les paramètres actuels des régimes sociaux datent de la Libération ou des années soixante : on a le droit de penser modernisation. Je retiens que vous n'êtes pas opposé aux réformes même si vous avez pu laisser penser le contraire en vous concentrant sur la forme, mais je ne veux pas vous faire un procès d'intention. Une voie de passage est possible et je suis prêt à la déterminer à plusieurs : ma porte est ouverte à tout moment. Que cette réforme soit conduite ensemble est mon voeu le plus cher. (Applaudissements à droite)

M. le président. - Le débat est clos et la déclaration du Gouvernement sera imprimée et distribuée.