Mercredi 20 mars 2024

- Présidence de Jean-François Rapin, président -

La réunion est ouverte à 14 h 00

Agriculture et pêche - Nouvelles techniques génomiques - Examen du rapport, de la proposition de résolution européenne et de l'avis politique de M. Jean-Michel Arnaud, Mme Karine Daniel et M. Daniel Gremillet

M. Jean-François Rapin, président. - Mes chers collègues, nous sommes appelés aujourd'hui à examiner un sujet important, celui de l'encadrement juridique à retenir pour les nouvelles techniques génomiques (NTG). Ces techniques trouvent diverses applications, et notamment dans le domaine de la sélection variétale de plantes cultivées. Elles succèdent aux organismes génétiquement modifiés (OGM), et à ce titre peuvent réveiller les mêmes inquiétudes ; mais elles se distinguent clairement des OGM par leur précision et leur capacité à cibler la modification génétique, ainsi que par le fait qu'elles introduisent uniquement du matériel génétique issu d'espèces pouvant naturellement être croisées. C'est parce qu'elles s'apparentent aux OGM mais en sont distinctes qu'il importe d'adapter aux NTG le cadre juridique applicable aux OGM depuis douze ans. Il s'agit d'une tâche délicate car les enjeux afférents au développement des NTG sont majeures, aussi bien pour l'avenir de l'agriculture et de la recherche en Europe, l'autonomie stratégique du continent, la transition climatique, ou encore en termes de brevetabilité du vivant. La Commission européenne a proposé un texte relatif aux NTG en juillet dernier et voudrait le finaliser avant la fin de son mandat : il est donc temps pour notre commission de se positionner sur le cadre réglementaire proposé et d'alerter sur ses enjeux essentiels.

Nos collègues Jean-Michel Arnaud, Karine Daniel et Daniel Gremillet y ont beaucoup travaillé. Ils ont mené de multiples auditions et sont prêts aujourd'hui à nous présenter le rapport qu'ils ont établi sur cette base et à nous proposer une résolution européenne et un avis politique. Je laisse la parole à nos trois rapporteurs.

M. Jean-Michel Arnaud. - Monsieur le Président, mes chers collègues, je vous remercie pour votre présence et souhaite souligner l'intérêt que mes corapporteurs et moi avons eu à travailler sur ce sujet d'apparence technique.

Après plusieurs mois d'auditions et de rencontres, nous concluons aujourd'hui nos travaux sur la proposition de législation européenne sur les nouvelles techniques génomiques, cette nouvelle génération de techniques de modification du génome, apparues depuis l'adoption de la directive sur les OGM. Plus précises, plus rapides, moins onéreuses et plus faciles à mettre en oeuvre que toutes les autres méthodes de modification génétique, les NTG permettent de cibler spécifiquement certains gènes et donc d'accélérer de manière significative les étapes de la sélection variétale. Les mutations provoquées par certaines NTG pourraient donc se produire naturellement à l'avenir du fait du phénomène de mutagenèse spontanée - mais souvent à l'horizon de plusieurs milliers, voire millions d'années.

Les NTG visées dans la proposition de législation se limitent, de surcroît, à l'insertion d'un matériel génétique provenant uniquement de la même espèce ou d'une espèce sexuellement compatible - contrairement à la transgenèse, qui repose sur l'insertion d'un gène d'origine étrangère. Or, en dépit de ces différences notables, les NTG sont encore couvertes par la directive sur les OGM de 2001, ce qui soulève trois types de difficultés.

Premièrement, certaines règles sont de fait difficiles à faire respecter pour les végétaux issus de NTG, en raison de la non détectabilité de la mutation génétique opérée par le biais de ces nouvelles techniques. Mes collègues vous feront part des conséquences induites en termes de traçabilité.

Deuxièmement, cette réglementation ne permet pas à l'Union de tirer parti des nouveaux développements en matière de biotechnologies pour atteindre ses objectifs stratégiques en termes de climat et d'autonomie. En effet, les techniques d'édition du génome constituent une innovation scientifique majeure, dont les applications en agriculture s'annoncent prometteuses : elles permettraient ainsi de conférer aux semences des caractéristiques « durables » - comme la résistance à certaines maladies, la tolérance aux stress environnementaux, une moindre dépendance aux pesticides ou encore une amélioration des rendements ou de la qualité nutritionnelle. Les NTG pourraient ainsi contribuer à adapter les cultures au changement climatique, et donc renforcer la résilience des chaînes alimentaires, réduire la dépendance aux importations et in fine renforcer l'autonomie stratégique de l'Union européenne. Nous estimons par conséquent qu'elles doivent faire partie du panel de solutions à disposition des agriculteurs et des obtenteurs pour relever les défis agroenvironnementaux auxquels nous sommes exposés.

Troisièmement, l'accès à ces techniques constitue un facteur indéniable de compétitivité dont on ne saurait priver notre agriculture. Alors que de nombreux États dans le monde se sont dotés de législations visant à faciliter le recours aux NTG, un statu quo règlementaire au sein de l'Union aggraverait inévitablement les distorsions de concurrence dont souffrent nos agriculteurs, en matière de production comme sur le plan des échanges commerciaux. Il s'agit également de préserver l'excellence de notre filière semencière française, en lui ouvrant l'accès à ces technologies de pointe ; je rappelle que la France est non seulement le premier pays producteur de semences de l'Union, mais également le premier exportateur mondial.

J'en viens maintenant à la proposition de règlement à proprement parler, qui opère une distinction entre deux catégories de végétaux : ceux qui pourraient apparaître naturellement ou être produits par sélection conventionnelle, dits « NTG de catégorie 1 » et tous les autres, dits « NTG de catégorie 2 ». Les premiers dérogeront entièrement à la législation sur les OGM, tandis que les seconds y resteront soumis. Sans entrer dans le détail, permettez-moi de vous présenter quelques éléments clés du nouveau cadre juridique proposé.

S'agissant des végétaux de catégorie 1, la Commission part du postulat que les risques posés sont comparables avec les végétaux conventionnels, et donc qu'il n'est pas nécessaire de recourir à une évaluation des risques et à une autorisation préalablement à leur dissémination. Pour obtenir le statut de catégorie 1, les végétaux doivent remplir un certain nombre de critères scientifiques. Nous avons auditionné durant nos travaux de nombreux scientifiques qui débattent de ces critères. Plusieurs experts nous ont indiqué que ces critères pourraient être retravaillés pour mieux tenir compte, notamment, de la diversité de la taille des génomes. Dès lors, il nous semblerait opportun d'insérer une clause de revoyure, permettant de vérifier la pertinence des critères d'équivalence quelques années après l'adoption du règlement.

S'agissant des végétaux de catégorie 2, la législation sur les OGM continuera à s'appliquer, modulo quelques adaptations relatives à l'évaluation des risques, à la conformité des méthodes de détection, au suivi et au renouvellement régulier de l'autorisation de mise sur le marché. Ces dispositions ont vocation à alléger le dossier initial à fournir pour les végétaux de catégorie 2 - ce dossier étant actuellement tellement lourd et coûteux qu'il exclut de facto l'ensemble des petites et moyennes entreprises et des laboratoires publics. Il ressort néanmoins de nos auditions qu'en dépit de ces ajustements, le cadre règlementaire ne sera vraisemblablement pas assez attractif pour développer des filières. La proposition de règlement prévoit également de supprimer la clause de non-participation - également appelée « opt out » - qui permet aux États membres d'interdire ou de restreindre la culture d'un OGM autorisé au niveau de l'Union. Nous sommes favorables à sa suppression pour les végétaux de catégorie 2 ; alors que nos agriculteurs pâtissent régulièrement de distorsions de concurrence intra-européennes, nous estimons qu'il importe de garantir un égal accès à l'innovation et une égalité de traitement entre tous les producteurs européens.

M. Daniel Gremillet. - Venons-en maintenant à un aspect délicat de la proposition de règlement, à savoir les dispositions relatives à l'étiquetage et la traçabilité des plantes NTG. Nous pouvons écarter d'emblée le cas des végétaux de catégorie 2 ; ces derniers resteront soumis aux exigences prévues par la législation sur les OGM, avec un étiquetage jusqu'au produit final, ce qui nous paraît tout à fait justifié et conforme aux attentes des consommateurs.

La situation est plus complexe pour les végétaux de catégorie 1 qui, je le rappelle, ne peuvent être différenciés des végétaux conventionnels ! Dans ce contexte, l'étiquetage doit-il être centré sur le produit final, ou bien mentionner la technique utilisée ? En d'autres termes, des produits identiques peuvent-ils faire l'objet d'un traitement distinct ?

Nous estimons que sur ce point, la proposition de règlement gagnerait à être plus étayée ; le texte initial de la Commission comporte deux mesures destinées à garantir la transparence : la mise en place d'une base de données accessible au public, et l'étiquetage obligatoire des semences, afin de garantir la traçabilité des variétés NTG ainsi que le libre choix des agriculteurs et des obtenteurs.

Ces dispositions sont jugées insuffisantes par les associations de consommateurs, qui plaident en faveur d'un étiquetage jusqu'au consommateur final. Nos travaux ont néanmoins mis en exergue les difficultés que susciterait la mise en place d'un tel étiquetage ! D'un point de vue pratique, les producteurs ont pointé le risque d'une véritable usine à gaz : en effet, les opérateurs étant dans l'incapacité de détecter les plantes dont le génome a été édité, une telle mesure supposerait le respect d'une stricte différenciation tout au long de la chaîne de production. L'amont comme l'aval de la filière se verraient alors imposer des obligations de traçabilité et de ségrégation complète entre les variétés conventionnelles et les variétés issues de NTG - avec pour corolaire des surcoûts élevés, susceptibles de se répercuter auprès des consommateurs par une hausse des prix. J'ajouterai que plusieurs experts interrogés nous ont mis en garde contre les distorsions de concurrence qui résulteraient d'un tel étiquetage, au détriment des producteurs européens, puisque les denrées importées ne seraient pas soumises à de telles exigences.

Vous l'aurez compris, il y a là un équilibre complexe à trouver, afin de respecter la liberté de choix du consommateur sans obérer le déploiement des NTG - car tel est le risque in fine, comme en témoigne l'exemple des OGM. Dans ce contexte, il nous semblerait judicieux que la Commission publie, d'ici 5 à 7 ans, une évaluation relative aux incidences positives et négatives d'un étiquetage plus aval, en tenant compte, le cas échéant, de l'évolution de la perception des consommateurs. Cette étude pourrait utilement nous éclairer sur l'opportunité, mais également le coût ou même la faisabilité d'une telle mesure. À plus court terme, nous estimons que si les produits ne sont pas différenciables, ils doivent être traités à l'identique. Néanmoins, afin de respecter la liberté de choix du consommateur, nous préconisons d'autoriser explicitement le recours à un étiquetage volontaire destiné à mettre en exergue le caractère « non-NTG » de certaines filières.

Enfin, il nous paraît indispensable de promouvoir l'adoption de mesures miroirs, afin de conserver un niveau d'exigence comparable, s'agissant de la traçabilité et de l'étiquetage, entre les plantes NTG importées et les plantes NTG cultivées dans l'Union.

J'en viens à présent à un deuxième sujet sensible : la place des NTG dans la filière biologique. Le règlement relatif à la filière biologique interdit l'utilisation d'OGM dans la production biologique ; par conséquent, les végétaux de catégorie 2 sont de facto interdits dans cette production, mais le sort réservé aux végétaux de catégorie 1, considérés comme semblables aux conventionnels, doit être clarifié.

Alors que dans sa proposition de législation, la Commission a fait le choix d'interdire l'utilisation des végétaux NTG dans la production biologique, nous estimons qu'une telle interdiction relève davantage du règlement sur la production biologique, et n'a pas nécessairement sa place dans le règlement sur les NTG. En effet, c'est aux acteurs de la filière biologique de se prononcer sur ce point, le cas échéant en faisant évoluer le cahier des charges du label bio. Les représentants des filières biologiques, que nous avons bien évidemment consultés sur ce point, nous ont cependant fait part de leur soutien à une interdiction des NTG dans l'agriculture biologique, et de leur souhait de voir figurer une telle mesure dans le règlement sur les NTG, ce dont nous prenons acte. Nous estimons néanmoins que cette interdiction ne doit pas obligatoirement revêtir un caractère définitif ; par conséquent, nous souhaitons que la Commission produise, d'ici quelques années, un rapport sur l'évolution de la perception des NTG par les consommateurs et les producteurs, accompagné le cas échéant d'une proposition législative destinée à lever l'interdiction d'utiliser ces techniques dans le secteur de la production biologique.

À plus court terme, et dans la mesure où les NTG seront interdites dans l'agriculture biologique, il faut définir des modalités permettant à cette filière de respecter son cahier des charges, d'une manière qui n'empêche pas les filières conventionnelles d'avoir recours aux NTG. À cet égard nous estimons, d'une part, que, grâce à l'étiquetage obligatoire des semences, la filière biologique sera en mesurer d'assurer une traçabilité stricte tout au long de la chaîne de production, et donc de ne pas utiliser de végétaux NTG.

Nous constatons, d'autre part, que l'équilibre global de la proposition de règlement ne permettra pas d'éviter la présence involontaire de végétaux NTG dans les cultures biologiques. Néanmoins, dès lors que les végétaux de catégorie 1 ont vocation à être traités comme des plantes conventionnelles, nous considérons qu'il n'y a pas lieu de prévoir de mesures de coexistence spécifiques avec la production biologique. Nous estimons par conséquent que la présence fortuite de végétaux de catégorie 1 dans la production biologique ne doit pas constituer une violation du règlement sur l'agriculture biologique.

Pour finir, j'aimerais préciser que nous avons au cours de nos travaux mené un nombre très important d'auditions et reçu de nombreuses contributions écrites qui nous ont permis d'élaborer le rapport que nous vous présentons aujourd'hui. Nous avons aussi bien pris en compte l'opinion des scientifiques, des producteurs, des organisations environnementales que des chambres de commerce, des organisations de distributeurs que des associations de consommateurs.

Mme Karine Daniel. - Nous souhaitions aborder, enfin, un élément central de la proposition de règlement, à savoir la question de la protection intellectuelle des végétaux NTG. En effet, deux régimes de protection intellectuelle des plantes coexistent actuellement : le certificat d'obtention végétale (COV) et le brevet. Le COV, qui prévaut en Europe pour les variétés conventionnelles, permet à l'agriculteur de réutiliser les semences de son exploitation pour réensemencer l'année suivante - c'est le « privilège du fermier » - et autorise les sélectionneurs à utiliser librement une variété protégée pour en sélectionner une autre - ce qu'on appelle « l'exemption du sélectionneur ». Lors de nos auditions, nous avons pu constater l'attachement des acteurs du monde agricole français à ce système de propriété intellectuelle, qui garantit le maintien d'une large diversité génétique, préserve l'accès d'un grand nombre d'acteurs aux innovations ainsi qu'aux ressources génétiques, et assure une rémunération efficace de l'innovation variétale.

Si les variétés végétales ne sont donc pas brevetables au sein de l'Union, les procédés techniques et les caractères peuvent être protégés par brevet. Or, cette protection par brevet risque d'entraver la libre utilisation des variétés par les agriculteurs et les obtenteurs. En pratique, l'obtenteur qui souhaiterait utiliser une variété tombant sous la dépendance d'un brevet pour en créer une autre serait face à une alternative : éliminer, par le biais de croisements, les gènes et caractéristiques brevetés, ou s'acquitter de redevances auprès du détenteur du brevet, afin d'obtenir une licence. Ainsi, le développement des NTG pourrait faire tomber de nombreuses variétés dans le champ des brevets, soulevant des enjeux inédits en termes de concentration du marché, d'accès aux ressources génétiques et de sécurité juridique.

S'agissant du risque de concentration du marché, il nous a été indiqué qu'un recours massif aux NTG pourrait se traduire par un « empilement de caractères », faisant définitivement tomber la variété créée dans le champ des brevets, sans qu'il soit possible d'éliminer les caractères brevetés. Les sélectionneurs seraient alors amenés à payer des redevances exorbitantes auprès des différents détenteurs de brevets - sur les techniques ou sur les traits. Concrètement, le développement des NTG pourrait donc à l'avenir créer des barrières à l'entrée pour les petites et moyennes entreprises, tout en renforçant le pouvoir de marché des grandes entreprises. Ce scénario n'est pas fantaisiste : c'est très précisément ce qui s'est passé aux États-Unis, où 71 % des brevets déposés sur des plantes entre 1976 et 2021 sont détenus par trois grands groupes. En l'état, la proposition de règlement fait donc non seulement peser une menace vitale sur la filière semencière française, mais soulève également des enjeux vertigineux, s'agissant de la possibilité pour l'Union de mettre en oeuvre ses propres politiques agricoles et alimentaires, sans dépendre d'intérêts étrangers aux objectifs européens.

Une concentration accrue du secteur tendrait également à favoriser la disparition de la biodiversité cultivée - il s'agit du deuxième risque que nous avons identifié. En effet, dans une situation oligopolistique, il y a fort à craindre que les grandes firmes ne concentrent leurs recherches sur un nombre limité de végétaux et de traits, dont la commercialisation serait jugée plus rentable - ce qui aboutirait à une standardisation des semences. Ce n'est pas tout : le mitage de l'ADN des variétés végétales par des brevets - certains parlent de « buissons de brevets » ou de « champs de mines » - rendrait inopérants l'exemption du sélectionneur et le privilège du fermier, conduisant donc à remettre en cause le libre accès aux ressources phytogénétiques et à restreindre l'innovation variétale. Dans ce contexte, nous estimons que le maintien du libre accès aux ressources phytogénétiques doit constituer une priorité absolue.

J'en viens à présent au troisième et dernier risque, qui est juridique et découle directement du manque d'accès à l'information sur les brevets. En effet, les agriculteurs et les sélectionneurs pourraient rapidement se trouver dans l'incapacité de se prémunir contre la présence involontaire de matériel breveté dans leurs variétés, en raison de deux facteurs : l'impossibilité de détecter les éléments brevetés par des analyses, et l'absence d'obligation déclarative quant à la présence de ces éléments. Ils pourraient donc être amenés à utiliser à leur insu des variétés contenant des éléments brevetés, se plaçant ainsi dans une situation de contrefaçon involontaire ! Cette incertitude juridique nécessiterait de mobiliser du temps et des moyens supplémentaires pour sécuriser la sélection variétale - et désavantagerait donc à nouveau les petites et moyennes entreprises.

Vous l'aurez compris, la propriété intellectuelle des plantes NTG soulève une multitude d'enjeux. Or, à ce stade, la Commission européenne s'est uniquement engagée à publier, d'ici 2026, une étude d'impact sur les répercussions qu'aurait le brevetage des végétaux, assortie le cas échéant d'une nouvelle proposition législative. Ce garde-fou n'en est pas vraiment un, puisque l'adoption d'une telle proposition supposerait plusieurs années de travail législatif, durant lesquelles des brevets abusifs pourraient être accordés et verrouiller progressivement l'accès au vivant.

Nous estimons donc que les règles de propriété intellectuelle doivent être examinées en même temps que la proposition de règlement et préconisons à cet effet d'insérer une clause interdisant la brevetabilité des végétaux NTG. Cette solution permettrait de soumettre ces plantes au régime de protection communautaire des obtentions végétales, donc de préserver la liberté d'exploitation, l'exemption de l'obtenteur et le droit à la reproduction autonome pour les variétés issues des NTG.

À moyen terme, il sera toujours envisageable d'ajuster les dispositions du règlement, afin de tenir compte des conséquences juridiques d'une telle interdiction. Cette solution, aussi imparfaite soit-elle, demeure à nos yeux nettement préférable à toute option visant à corriger, avec plusieurs années de retard - et si tant est que cela soit encore possible - les divers blocages qui ne manqueraient pas de résulter d'une multiplication des brevets sur les variétés végétales. Enfin, à plus long terme, nous appelons la Commission à réviser les règles européennes relatives à la propriété intellectuelle, afin de remettre le COV au coeur de la propriété intellectuelle des plantes. Je vous remercie.

M. Jean-François Rapin. - Je remercie nos trois co-rapporteurs. L'approche à privilégier sur cette question nouvelle n'avait rien d'évident. Je crois que vous avez su, chacun dans vos exposés, nous éclairer utilement.

M. Bernard Jomier. - Je vous remercie pour votre rapport. Ces nouvelles technologies sont issues d'une découverte fondamentale, CRISPR-Cas9, faite par une chercheuse française, Emmanuelle Charpentier, et qui lui a d'ailleurs valu le prix Nobel. Cette découverte incroyable a constitué une véritable révolution, y compris dans le domaine de la génétique humaine. Elle a permis de s'affranchir des obstacles temporels et d'équipements en matière de modification génomique.

S'agissant de génétique humaine, une analyse éthique est opérée. Au niveau national, l'agence de la biomédecine et le comité consultatif national d'éthique (CCNE) se sont prononcés sur le cadre juridique applicable à ces techniques. Au niveau international, un cadre existe également, en atteste l'ostracisation complète d'un chercheur chinois ayant utilisée la technique afin de rendre un enfant résistant au VIH. Sans interdire complètement CRISPR-Cas9, des barrières ont été posées.

Par la simplification qu'elle opère, cette technique permet une massification des transformations génomiques, et donc un changement d'échelle, puisque l'ensemble du monde végétal peut s'en trouver modifié. Il est nécessaire de procéder à des analyses à l'échelle nationale comme européenne sur les conséquences de ces transformations sur le vivant. Les solutions proposées dans le projet de règlement comme dans votre rapport ne sont que transitoires. L'interdiction de la brevetabilité durera-t-elle réellement dans le temps ? Est-il prévu, au niveau européen, des processus analogues à ce qui est pratiqué en médecine humaine ? Un comité d'éthique du vivant est-il en projet ? Je ne suis absolument pas opposé à cette technique, mais je tiens seulement à rappeler qu'elle peut se révéler problématique en termes de transformation du vivant.

J'ai écouté avec attention l'avis de la filière biologique sur les NTG. Cette position s'entend, mais elle ne s'inscrit pas dans une réflexion d'ensemble. Elle risque même d'être contre-productive, puisque l'agriculture biologique pourrait bénéficier d'une baisse d'intrants en utilisant de manière proportionnée les NTG. L'Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) ne peut décider seule sur ce sujet trop important. Comment l'Union européenne organise-t-elle donc sa réflexion sur le vivant ?

M. Ronan Le Gleut. - Sur la question de la propriété intellectuelle, vous favorisez dans votre rapport le certificat d'obtention végétale (COV) plutôt que le brevet. Or, le COV donne également un droit de monopole au détenteur, ce qui est similaire au principe des brevets. Pourquoi donc jugez-vous le COV préférable au brevet ?

Mme Karine Daniel. - Les questions et équilibres parfois difficiles à trouver entre les différentes parties prenantes s'inscrivent dans un moment de déficit de discussion sur les questions génétiques en agriculture. Cette situation, qui dure depuis plusieurs années, résulte notamment du traumatisme français sur les OGM. La profession agricole comme la recherche publique estiment que le principe du COV permet de préserver la diversité génétique en garantissant un libre accès aux ressources génétiques des plantes cultivées. Ce système permettrait de réaliser des arbitrages collectifs quant à l'utilité de développer des NTG pour leurs capacités en termes de résistance aux chocs hydriques ou aux parasites.

Concernant la brevetabilité, il existe une vraie rupture entre celle des produits et des semences elles-mêmes. Nous avons également entendu des start-ups qui se disent frustrées car obligées de travailler aux Etats-Unis au regard des régulations françaises. Au niveau européen, le Groupe européen d'éthique des sciences et des nouvelles technologies a rendu en 2021 un avis éthique sur l'édition génomique. Cet organe joue un rôle consultatif auprès de la Commission européenne. Néanmoins, les outils européens sont-ils adaptés pour faire face aux défis futurs ? La question se pose.

M. Jean-François Rapin. - Il est donc question de brevet sur les gènes, sur les semences, ou sur les plantes ?

Mme Karine Daniel. - Non, pour l'instant seuls les techniques et les caractères sont brevetables, l'enjeu étant que les plantes ne puissent faire l'objet d'un brevet.

M. Daniel Gremillet. - J'ai encore en mémoire la signature de l'accord liant la médecine et la profession agricole en termes de recherche génomique. C'est pour moi un moment merveilleux pour la connaissance du génome humain, animal et végétal. La rapidité avec laquelle des solutions sont apportées quand nous associons nos moyens est formidable. La connaissance du génome permet un gain de temps et d'efficacité précieux sur les maladies humaines ou animales. Malheureusement, nous sommes rentrés par la mauvaise porte en ce qui concerne les plantes, à savoir par le dossier des OGM.

Les NTG 2 sont très proches des OGM. Les NTG 1 s'apparentent davantage à ce que j'appelle une agence matrimoniale du patrimoine génétique. Je partage l'avis de notre collègue Jomier sur l'agriculture biologique et suis persuadé que les NTG 1 permettront à l'avenir de réduire les traitements sur les produits biologiques.

Concernant le COV, j'estime qu'il constitue pour l'Europe, et plus particulièrement pour la France une chance extraordinaire. Ce n'est pas un hasard si la France a été depuis des années à la pointe du progrès génétique sur les végétaux. C'est une opinion que nous, corapporteurs, partageons : il faut conserver le COV. Grâce à lui, un paysan peut récolter et ressemer sa semence. Dans le cadre du brevet, cela ne serait pas le cas. La filière semencière française se compose d'un nombre important de petites entreprises ; derrière elles, se cache un patrimoine végétal fabuleux. En introduisant des brevets, quelques entreprises risquent de s'accaparer le marché et ainsi de provoquer une perte terrible du patrimoine génétique existant.

Nous favorisons donc le COV car il maintient le privilège du fermier. Nous défendons également l'obligation de l'étiquetage des semences. Ce faisant, un agriculteur pourrait établir une filière totalement sans NTG 1. La question ne se pose pas pour les NTG 2, similaires aux OGM. Le COV permet de conserver la richesse du patrimoine végétal et ne rentre pas dans la logique de financiarisation propre au brevet.

M. Jean-Michel Arnaud. - Permettez-moi d'aborder la question de la grande distribution et le point de vue des consommateurs, que nous avons pu auditionner. Nous avons débattu afin de trancher sur l'opportunité d'étiqueter les NTG jusqu'aux consommateurs ou bien de permettre la valorisation positive des produits qui n'utilisent pas les NTG 1. La vraie question est de savoir si les NTG bénéficieront d'un accueil favorable auprès des consommateurs. Nous avons constaté qu'il était nécessaire d'accompagner la grande distribution comme les consommateurs afin de sublimer l'effet psychologique des OGM, dont découle une peur profondément ancrée dans les esprits.

Nous avons formulé un avis équilibré, qui s'inscrit dans un paysage européen non-stabilisé ; il n'y a aucune garantie que le trilogue en cours soit conclusif d'ici le renouvellement du Parlement européen. En fonction des positionnements des acteurs sur les NTG, des tensions sociétales et politiques sont à même d'alimenter la surenchère populiste.

Je réitère l'urgence de ne pas laisser la possibilité d'« opt out » et de ne pas ouvrir des perspectives de concurrence déséquilibrée au sein de l'UE dans ce contexte de crise agricole.

M. Jean-François Rapin. - Je remarque que le slogan « NTG = OGM » existe déjà et connait un certain succès.

M. Daniel Gremillet. - J'aimerais réitérer que les végétaux issus NTG 1 sont indécelables, et équivalents aux végétaux obtenus à l'aide de méthodes de croisement naturel, d'où ma comparaison avec une agence matrimoniale. L'un des messages forts que je retiens de nos travaux est que, si l'Europe ne se positionne pas à l'échelle internationale, la diversité du patrimoine génétique accessible pour la création variétale sera menacée, de même que notre capacité à subvenir aux besoins alimentaires des Européens. Il est nécessaire d'éviter une fuite des cerveaux vers d'autres pays, disposant de législations favorables aux NTG depuis quelques années. Enfin, j'ai remarqué dans d'autres responsabilités que des filières non-NTG n'ont pas forcément d'attrait pour le consommateur : ce n'est ni un facteur de vente, ni un élément de prix. Encore une fois, l'Europe n'a pas voulu d'OGM mais les citoyens européens en consomment tous les jours sans le savoir.

Mme Karine Daniel. - La frontière entre NTG 1 et 2 n'est pas totalement hermétique, ni parfaitement lisible : c'est pourquoi nous souhaitons que les critères d'équivalence puissent régulièrement être évalués et, le cas échéant, affinés. Concernant la traçabilité, nous sommes à première vue tentés d'aller vers une transparence maximum en vertu des droits du consommateur. Néanmoins, la traçabilité a un coût financier et environnemental. La meilleure traçabilité qui existe aujourd'hui repose sur la technologie blockchain, que l'on peut appliquer aux produits agro-alimentaires. Prenons une escalope de poulet tracée en Blockchain : son coût environnemental est triplé, ne serait-ce que par le fait que l'escalope véhicule de l'information. Gardons cela en tête pour éviter toute surenchère en termes de traçabilité.

Enfin, les enjeux de désinvestissement de la recherche en développement génétique se retrouvent dans les NTG. Il n'y a pas d'antinomie entre la conservation de races ou la préservation de filières, et le développement des NTG. Les chercheurs de l'Institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement nous l'ont redit : il est nécessaire de renforcer le soutien public à la recherche dans ces domaines afin d'apporter un éclairage optimal pour les décideurs publics.

M. André Reichardt. -Vos propositions paraissent équilibrées, tant pour la filière biologique que pour l'étiquetage.

Je m'inquiète de la façon dont nous allons communiquer sur ce sujet particulièrement technique. Je me pose également des questions sur la manière dont seront étiquetés ces NTG et les éventuels risques de suspicions qui en découleraient. Un travail de vulgarisation scientifique à destination des consommateurs est primordial, car si ces NTG sont associées à des OGM, la confiance sera brisée pour longtemps.

M. Jean-François Rapin. - La vulgarisation commence par un élément simple, selon moi : « on mange déjà tous les jours des NTG ». Le dispositif mis en place a seulement vocation à accélérer le développement des NTG.

M. Daniel Gremillet. - Je vous rassure concernant l'étiquetage : les végétaux NTG 2 et les produits qui en sont issus seront étiquetés de la même manière que les OGM, tandis que les végétaux NTG 1 ne seront pas étiquetés de manière distincte, dans la mesure où ils sont considérés comme étant équivalents aux végétaux obtenus par des techniques conventionnelles.

M. Vincent Louault. - Il n'y a aucun transfert de gènes possible entre les végétaux NTG et le génome des individus qui en consommeraient. C'est ce qu'il faut rappeler aux consommateurs.

M. Bernard Jomier. - Pourquoi la confiance est-elle ébranlée ? En médecine humaine, lorsque des thérapies géniques sont mises en oeuvre, elles suscitent une large adhésion car tout le monde est convaincu de leurs vertus, d'une part, et de l'absence d'impact négatif sur l'ensemble de la collectivité, d'autre part. Ce sont des réflexions scientifiques d'intérêt général. La difficulté réside ici dans la perception des consommateurs des décisions européennes, qui seraient prises pour favoriser des intérêts particuliers et financiers. Pour restaurer la confiance, il faut que ces décisions soient prises à l'aune des réflexions relatives à l'éthique du vivant. Le débat sur les OGM a été faussé car le public a acquis la conviction qu'ils mettraient en cause la propre composition génétique de l'humain. Le citoyen n'a pas confiance parce qu'il présume qu'au niveau européen, ces décisions sont dictées par des intérêts économiques.

M. Jean-Michel Arnaud. - Il faut distinguer les NTG 1 et les NTG 2. Les premiers sont une accélération du fait naturel avec un objectif d'accroissement de la capacité de résilience des plantes aux stress hydriques ou autres menaces liées au dérèglement climatique. C'est une avancée visant donc à obtenir une production plus souveraine au niveau de l'UE. Voilà comment il faut communiquer à ce sujet. Nous avons débattu de l'étiquetage jusqu'au consommateur. Le point d'équilibre est de demander une analyse poussée après 5 ans, permettant de rassurer le consommateur, et d'instaurer un climat de confiance.

M. Jean-François Rapin. -En termes de communication, nous ferons probablement un communiqué de presse sur ce sujet. Je mets aux voix la proposition de résolution européenne et l'avis politique.

La commission adopte la proposition de résolution européenne disponible en ligne sur le site du Sénat, ainsi que l'avis politique qui en reprend les termes et qui sera adressé à la Commission européenne.

La réunion est close à 14 h 55

PROPOSITION DE RÉSOLUTION EUROPÉENNE

sur la proposition de législation européenne sur les nouvelles techniques génomiques

Le Sénat,

Vu l'article 88-4 de la Constitution,

Vu le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, en particulier ses articles 43, 114 et 168, paragraphe 4, point b,

Vu la directive 2001/18/CE du Parlement européen et du Conseil du 12 mars 2001 relative à la dissémination volontaire d'organismes génétiquement modifiés dans l'environnement et abrogeant la directive 90/220/CEE du Conseil,

Vu le règlement (CE) n° 1829/2003 du Parlement européen et du Conseil du 22 septembre 2003 concernant les denrées alimentaires et les aliments pour animaux génétiquement modifiés,

Vu le règlement (CE) n° 1830/2003 du Parlement européen et du Conseil du 22 septembre 2003 concernant la traçabilité et l'étiquetage des organismes génétiquement modifiés et la traçabilité des produits destinés à l'alimentation humaine ou animale produits à partir d'organismes génétiquement modifiés, et modifiant la directive 2001/18/CE,

Vu le règlement (UE) 2018/848 du Parlement européen et du Conseil du 30 mai 2018 relatif à la production biologique et à l'étiquetage des produits biologiques, et abrogeant le règlement (CE) nº 834/2007 du Conseil,

Vu la décision (UE) 2019/1904 du Conseil du 8 novembre 2019 invitant la Commission à soumettre une étude, à la lumière de l'arrêt de la Cour de justice dans l'affaire C-528/16 concernant le statut des nouvelles techniques génomiques dans le droit de l'Union, et une proposition, le cas échéant pour tenir compte des résultats de l'étude,

Vu le document de travail des services de la Commission du 29 avril 2021, « Étude concernant le statut des nouvelles techniques génomiques dans le droit de l'Union et à la lumière de l'arrêt rendu par la Cour de justice dans l'affaire C-528/16 », SWD(2021) 92 final,

Vu la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil concernant une utilisation des produits phytopharmaceutiques compatible avec le développement durable et modifiant le règlement (UE) 2021/2115, COM(2022) 305 final,

Vu la proposition de règlement du Parlement et du Conseil concernant les végétaux obtenus au moyen de certaines nouvelles techniques génomiques et les denrées alimentaires et aliments pour animaux qui en sont dérivés, et modifiant le règlement (UE) 2017/625, COM(2023) 411 final,

Vu la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil concernant la production et la commercialisation des matériels de reproduction des végétaux dans l'Union, modifiant les règlements (UE) 2016/2031, 2017/625 et 2018/848 du Parlement européen et du Conseil et abrogeant les directives 66/401/CEE, 66/402/CEE, 68/193/CEE, 2002/53/CE, 2002/54/CE, 2002/55/CE, 2002/56/CE, 2002/57/CE, 2008/72/CE et 2008/90/CE du Conseil (règlement sur les matériels de reproduction des végétaux), COM(2023) 414 final,

Vu la communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions - « Le pacte vert pour l'Europe », COM (2019) 640 final,

Vu la communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions - « Une stratégie “De la ferme à la table” pour un système alimentaire équitable, sain et respectueux de l'environnement », COM (2020) 381 final,

Vu la communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions - « Stratégie de l'UE en faveur de la biodiversité à l'horizon 2030 : Ramener la nature dans nos vies », COM (2020) 380 final,

Vu la communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions - « Bâtir une Europe résiliente - la nouvelle stratégie de l'Union européenne pour l'adaptation au changement climatique », COM (2021) 82 final,

Vu la communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions - « Préserver la sécurité alimentaire et renforcer les systèmes alimentaires », COM (2022) 133 final,

Vu l'arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne du 25 juillet 2018, « Confédération paysanne e.a. contre Premier ministre et ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt »,

Vu la résolution du Parlement européen du 14 juin 2023 - Garantir la sécurité alimentaire et la résilience à long terme de l'agriculture dans l'Union, 2022/2183(INI),

Vu l'avis du Comité économique et social européen du 26 avril 2023,

Vu l'avis du Comité européen des régions du 5 février 2024, NAT-VII/038,

Vu la loi n° 2008-595 du 25 juin 2008 relative aux organismes génétiquement modifiés,

Vu la loi n° 2016-1087 du 8 août 2016 pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages,

Vu le rapport d'information n° 507 (2016-2017) de M. Jean-Yves Le Déaut, député, et Mme Catherine Procaccia, sénateur, fait au nom de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques, intitulé « Les enjeux économiques, environnementaux, sanitaires et éthiques des biotechnologies à la lumière des nouvelles pistes de recherche », déposé le 14 avril 2017,

Vu le rapport d'information n° 671 (2020-2021) de M. Loïc Prud'homme, député, et Mme Catherine Procaccia, sénateur, fait au nom de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques, « Les nouvelles techniques de sélection végétale en 2021 : avantages, limites et acceptabilité », déposé le 3 juin 2021,

Vu l'avis du Comité consultatif commun d'éthique Inra-Cirad-Ifremer de mars 2018, « Avis sur les nouvelles techniques d'amélioration génétique des plantes »,

Vu l'avis de l'Académie d'agriculture de mars 2020, « Réécriture du génome, éthique et confiance »,

Vu l'avis de l'Académie des technologies de mars 2023, « Les nouvelles technologies génomiques appliquées aux plantes »,

Vu l'avis du Comité économique, social et environnemental de mai 2023, « Les attentes et les enjeux sociétaux liés aux nouvelles techniques génomiques »,

Vu l'avis de l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail du 29 novembre 2023, relatif à l'analyse scientifique de l'annexe I de la proposition de règlement de la Commission européenne du 5 juillet 2023, relative aux nouvelles techniques génomiques - Examen des critères d'équivalence proposés pour définir les plantes NTG de catégorie 1, Saisine n° 2023-AUTO-0189,

Vu l'avis de l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail du 22 janvier 2024, relatif aux méthodes d'évaluation des risques sanitaires et environnementaux et des enjeux socio-économiques associés aux plantes obtenues au moyen de certaines nouvelles techniques génomiques, Saisine n° 2021-SA-0019,

Sur le principe d'un règlement concernant les végétaux et aliments obtenus au moyen de certaines nouvelles techniques génomiques

Considérant la nécessité d'assurer l'avenir de l'agriculture européenne et de garantir la souveraineté alimentaire de l'Union ;

Considérant l'intérêt des outils d'amélioration des plantes pour accroître la résistance des variétés aux maladies ou aux organismes nuisibles, renforcer la résilience des cultures et par conséquent réduire les externalités négatives de l'agriculture en diminuant le recours aux intrants de synthèse ;

Considérant également la pertinence de la sélection et de l'innovation variétales pour renforcer la tolérance des plantes aux stress abiotiques, adapter les cultures au changement climatique et contribuer ainsi à la transition agroécologique des systèmes agricoles ;

Considérant le potentiel et l'intérêt des techniques d'édition du génome chez les végétaux par rapport aux autres outils d'amélioration des plantes actuellement utilisés, dans la mesure où, par rapport à la mutagenèse induite et aléatoire utilisée depuis plus d'un siècle, ces techniques permettent de cibler spécifiquement un ou plusieurs gènes identifiés pour leur intérêt agronomique et d'accélérer de manière significative les étapes de la sélection, en évitant plusieurs générations de rétrocroisement et en diminuant le nombre de modifications hors cible ;

Considérant au demeurant que les mutations provoquées par les ciseaux moléculaires pourraient se produire à l'avenir du fait du phénomène naturel de mutagenèse spontanée ;

Considérant enfin que, par rapport à la transgenèse, développée au cours des années 1980 et caractérisée par l'insertion aléatoire d'un nouveau gène provenant souvent d'une autre espèce, la cisgenèse opérée au moyen des techniques d'édition du génome repose sur l'insertion ciblée, dans le génome existant, de matériel génétique provenant uniquement de la même espèce ou d'une espèce sexuellement compatible ;

Considérant que l'amélioration des plantes grâce à l'édition du génome constitue l'un des leviers de la transition agroécologique des systèmes agricoles, à combiner avec d'autres innovations en agronomie et en robotique ;

Considérant par ailleurs que l'édition du génome nécessite de mieux identifier les bases génétiques des caractères d'intérêt agronomique visés et demeure donc étroitement dépendante des avancées de la connaissance scientifique ;

Considérant que l'accès à ces technologies constitue indéniablement un facteur de compétitivité, dans un contexte marqué par le dynamisme de la recherche mondiale sur les biotechnologies, et que par conséquent plusieurs États tiers ont déjà adopté des réglementations destinées à favoriser leur essor ;

Considérant ainsi qu'à l'avenir, l'Union européenne importera inévitablement, et possiblement à son insu, des végétaux obtenus à l'aide de nouvelles techniques génomiques, dans la mesure où ces derniers ne sont pas détectables et ne peuvent être différenciés des variétés conventionnelles ;

Considérant que le caractère abordable des coûts d'entrée et de fonctionnement de ces nouvelles techniques génomiques pourrait permettre à des entreprises de taille moyenne de s'y engager ;

Considérant ainsi que le maintien du cadre actuel serait susceptible d'entraîner une perte de compétitivité au détriment des agriculteurs français et européens et de perpétuer les distorsions de concurrence dont ils pâtissent, tant sur la production que sur les échanges commerciaux ;

Considérant enfin la méfiance suscitée par l'apparition de ces nouvelles techniques, l'opinion publique étant durablement marquée par les débats très polarisés relatifs à l'introduction des organismes génétiquement modifiés par transgenèse ;

Considérant que l'acceptabilité sociale des plantes issues de nouvelles techniques génomiques dépend de la plus-value manifeste qu'elles représentent aux yeux du consommateur, dès lors qu'elles comportent des caractères recherchés, liés à la transition écologique ou à la qualité nutritionnelle ;

Considérant enfin les obligations qui incombent aux autorités publiques en application du principe de précaution ;

Accueille favorablement l'initiative de la Commission visant à clarifier le statut règlementaire des nouvelles techniques génomiques ;

Insiste sur la nécessité d'encadrer la circulation des variétés issues de nouvelles techniques génomiques sur le territoire européen, eu égard à la probabilité que des États tiers commercialisent de telles variétés dans les années à venir ;

Soutient la démarche de la Commission, visant à ce que les sélectionneurs et les agriculteurs puissent accéder plus facilement à certaines techniques d'édition génomique et aux variétés qui en sont issues, afin d'en tirer les bénéfices attendus ;

Appelle, eu égard au désengagement actuel de la recherche publique dans le domaine de la création variétale, à intensifier le soutien public accordé à la recherche sur les variétés végétales ;

Appelle en outre à renforcer le soutien public aux travaux concernant la maîtrise des végétaux issues de nouvelles techniques génomiques, mais également l'évaluation des risques et des effets sur la santé et l'environnement ;

Regrette, à cet égard, que les travaux d'expertise scientifique utiles n'aient pas été rendus disponibles assez tôt pour éclairer la décision politique ;

Invite les pouvoirs publics à oeuvrer pour renforcer l'acceptabilité sociale des variétés issues de nouvelles techniques génomiques, en luttant contre la désinformation à ce sujet et en communiquant sur la valeur ajoutée que présentent de telles variétés pour le consommateur ;

Demande que, dans un contexte marqué par des sauts scientifiques et technologiques inédits et de fortes attentes sociétales, les modalités d'application du futur règlement soient révisées à intervalles réguliers, en fonction des avancées scientifiques, mais également des observations de terrain et des retours d'expérience formulés par les parties prenantes ;

Sur les critères d'équivalence entre les végétaux NTG et les végétaux conventionnels

Considérant que si le choix des critères d'équivalence se fonde sur des considérations scientifiques, il revêt également une dimension politique et constitue un élément central de la proposition de règlement ;

Considérant la nécessité de pouvoir faire évoluer ces critères, afin qu'ils reflètent aussi précisément que possible l'avancée des connaissances scientifiques et techniques ;

Considérant que le seuil de 20 mutations génétiques proposé pour classer un végétal issu de nouvelles techniques génomiques (NTG) en catégorie 1, s'il ne présente pas de caractère strictement scientifique, révèle l'approche prudente retenue par la Commission, puisqu'il se situe en deçà de la limite basse du nombre de modifications observées en sélection conventionnelle, compris entre 30 et 100 ;

Considérant que toute disparité d'évaluation dans l'examen des demandes de statut de catégorie 1 déposées dans les États membres serait source d'insécurité juridique et nuirait par conséquent au développement des végétaux issus de nouvelles techniques génomiques ;

Appelle à la prise en compte des recommandations de l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail relatives à la clarification de certaines définitions énoncées dans la proposition de règlement, afin que les critères soient le plus univoques et précis possible ;

Préconise que les critères permettant de déterminer qu'un végétal NTG est équivalent à un végétal conventionnel prennent en compte la diversité de la taille des génomes ;

Souhaite que la cisgenèse non ciblée soit explicitement exclue des techniques acceptables dans les plantes de la catégorie 1 ;

Demande l'insertion d'une clause de revoyure, permettant de vérifier la pertinence des critères d'équivalence à l'aune de l'expérience accumulée au cours des cinq premières années suivant l'entrée en vigueur du règlement ;

Souhaite que l'actualisation des critères d'équivalence par la Commission européenne soit conditionnée à la publication d'une justification scientifique ;

Propose que l'Autorité européenne de sécurité des aliments soit chargée d'élaborer, en lien avec les agences scientifiques missionnées dans le cadre réglementaire, des lignes directrices précises sur la teneur des rapports de vérification, afin d'éviter les disparités d'évaluation d'un pays à l'autre ou entre le niveau national et le niveau européen ;

Sur le statut des végétaux NTG de catégorie 1

Considérant qu'aucun risque spécifique lié aux végétaux de catégorie 1 n'a jusqu'à présent été identifié, et que si l'avis de l'Anses constate l'absence de prise en compte des risques potentiels dans les critères d'équivalence, il ne signale pas que les risques associés aux végétaux NTG de catégorie 1 seraient supérieurs à ceux associés aux plantes issues de méthodes de sélection conventionnelles ;

Considérant que les variétés NTG de catégorie 1 demeureront soumis à la législation sectorielle applicable aux semences et autres matériels de reproduction des végétaux, et que, par conséquent, les risques liés à ces végétaux seront instruits dans le cadre de l'évaluation de la valeur agronomique, technologique et environnementale ;

Est favorable à ce que les végétaux obtenus à l'aide de nouvelles techniques génomiques qui auraient pu apparaître naturellement ou être produits par sélection conventionnelle soient traités comme des végétaux conventionnels et puissent par conséquent déroger à la législation de l'Union européenne sur les organismes génétiquement modifiés ;

Estime notamment que, dans la mesure où les végétaux NTG de catégorie 1 présentent des risques sont comparables à ceux associés aux végétaux conventionnels, il n'est pas nécessaire de recourir, préalablement à leur dissémination, à une évaluation et à une autorisation ;

Souhaite cependant que, dans les fermes expérimentales, les végétaux de catégorie 1 soient soumis de manière transitoire à un dispositif de biovigilance a posteriori, afin de pouvoir mesurer l'impact de la dissémination de ces variétés sur les systèmes agricoles ;

Sur les végétaux NTG de catégorie 2

Considérant que les différences entre la transgenèse et les techniques d'édition du génome justifient la mise en place d'une approche différenciée entre les organismes génétiquement modifiés issus de la première et les végétaux obtenus à l'aide des secondes ;

Considérant le manque de données sur les risques associés, à moyen et long terme, aux plantes issues de mutagenèse dirigée ;

Considérant néanmoins que le maintien d'une évaluation des risques conforme à celle existant pour les organismes génétiquement modifiés conduirait de facto à empêcher le déploiement des nouvelles techniques génomiques ;

Considérant que la clause de non-participation (« opt out ») valable pour la culture des organismes génétiquement modifiés a conduit à renationaliser des choix politiques relevant jusqu'alors de l'Union européenne, portant une atteinte indéniable au fonctionnement du marché intérieur et générant des distorsions de concurrence intra-européennes ;

Est favorable au maintien du principe d'une autorisation préalable à toute dissémination des végétaux ne remplissant pas les critères de la catégorie 1, parce qu'ils mobilisent des techniques plus complexes ou présentent des modifications plus nombreuses ;

Soutient la mise en place d'une évaluation des risques modulée au cas par cas, en fonction de critères objectifs ;

Appelle à l'instauration d'un suivi systématique post-autorisation des NTG de catégorie 2, avec la mise en place obligatoire d'un plan de surveillance des risques environnementaux, prenant en compte les impacts cumulés liés à la culture de différentes variétés de NTG ainsi que l'impact de la mise sur le marché de ces plantes sur les pratiques culturales ;

Estime que le maintien d'une clause de non-participation pour les végétaux de catégorie 2 conduirait à une situation similaire à celle qui prévaut pour les organismes génétiquement modifiés, à savoir que l'Union européenne n'en produit pas, mais en importe de manière significative ;

Souhaite en conséquence que les États membres ne puissent restreindre unilatéralement la mise sur le marché ou la dissémination volontaire des végétaux de catégorie 2 sur leur territoire, afin de garantir un égal accès à l'innovation et une homogénéité de traitement au sein de l'Union ; 

Sur les NTG et l'agriculture biologique

Considérant que le règlement (UE) 2018/848 relatif à la production biologique interdit l'utilisation d'organismes génétiquement modifiés et de produits issus de ces organismes, et que par conséquent, les végétaux de catégorie 2 demeurent de facto proscrits dans la production biologique ;

Considérant que la présente proposition de règlement prévoit de traiter les végétaux de catégorie 1 comme des variétés conventionnelles, dérogeant entièrement à la législation sur les organismes génétiquement modifiés, et qu'il importe donc de clarifier le statut de ces végétaux par rapport à la production biologique ;

Considérant qu'une telle clarification relèverait davantage du règlement sur la production biologique, le label bio étant défini par un cahier des charges susceptible d'évoluer ;

Considérant la nécessité de définir des modalités permettant à la filière biologique de s'abstenir d'utiliser des végétaux de catégorie 1, si tel est son cahier des charges, d'une manière qui n'empêche pas les filières conventionnelles d'en faire usage ;

Considérant enfin qu'il se pourrait que le recours aux techniques d'édition du génome constitue un outil pertinent pour les agriculteurs désireux d'opérer une conversion vers l'agriculture biologique, en permettant notamment une diminution de l'usage des produits phytosanitaires ;

Prend acte des craintes exprimées par les représentants des filières biologiques s'agissant de la perception des consommateurs à l'égard des produits biologiques et de leur souhait de voir figurer dans le règlement l'interdiction des plantes issues de nouvelles techniques génomiques dans la production biologique ;

Relève que grâce à l'étiquetage obligatoire des semences, la filière biologique sera en mesure d'assurer une traçabilité stricte tout au long de la chaîne de production, en s'appuyant sur une ségrégation entre les productions biologiques et les productions conventionnelles, et donc de ne pas utiliser de végétaux de catégorie 1 ;

Estime que, dès lors que les végétaux de catégorie 1 sont traités comme des variétés conventionnelles, il n'y a pas lieu de prévoir de mesures de coexistence spécifique avec la production biologique,

Estime par conséquent que la présence fortuite de végétaux de catégorie 1 dans la production biologique ne doit pas constituer une violation du règlement sur l'agriculture biologique ;

Demande à la Commission européenne de produire, cinq ans après l'entrée en vigueur du futur règlement, un rapport sur l'évolution de la perception des nouvelles techniques génomiques par les consommateurs et les producteurs, accompagné le cas échéant d'une proposition législative destinée à lever l'interdiction d'utiliser certaines nouvelles techniques génomiques dans le secteur de la production biologique ;

Sur la traçabilité et l'étiquetage des végétaux NTG

Considérant l'impératif de respecter le droit à l'information des consommateurs et de garantir leur liberté de choix au moyen d'une traçabilité permettant à ceux qui le souhaitent de s'abstenir de produits obtenus à partir de plantes éditées ;

Considérant que dans le cas des plantes obtenues au moyen de nouvelles techniques génomiques, et contrairement aux organismes génétiquement modifiés, la détection des mutations non communiquées par le producteur est particulièrement difficile sur le plan technique et que, selon les dernières études scientifiques, il est impossible d'identifier l'origine d'une mutation et donc de déterminer si elle est naturelle, issue de mutagenèse aléatoire ou de mutagenèse ciblée ;

Considérant qu'en raison de l'incapacité des opérateurs à détecter les plantes dont le génome a été édité, l'instauration d'un étiquetage obligatoire jusqu'au consommateur final pour les produits issus de végétaux de catégorie 1 supposerait le respect d'une stricte ségrégation tout au long de la chaîne de production ;

Considérant la charge de travail accrue, la logistique supplémentaire et in fine les surcoûts difficilement absorbables qu'engendrerait une telle mesure pour l'amont de la filière, mais également pour les opérateurs aval, et partant, le risque que ces surcoûts se répercutent auprès des consommateurs par le biais d'une hausse des prix, pour une utilité discutable voire douteuse ;

Considérant enfin que l'étiquetage obligatoire des produits issus de végétaux NTG ne s'appliquerait pas aux denrées importées, et que par conséquent, une telle mesure pourrait générer des distorsions de concurrence au détriment des producteurs européens, les consommateurs se tournant vers des produits importés à moindre coût dont ils ignoreraient le procédé d'obtention ;

Est favorable à un étiquetage obligatoire des semences, garantissant une transparence au début de la chaîne d'approvisionnement, préservant la liberté de choix de l'agriculteur tout en permettant aux chaînes d'approvisionnement qui le souhaitent de rester exemptes de plantes éditées ;

Souhaite que la Commission européenne publie, dans un délai de 5 ans à compter de l'entrée en vigueur du futur règlement, une évaluation relative aux incidences positives et négatives d'un étiquetage plus aval ;

Estime que les informations relatives au matériel de reproduction des végétaux doivent être facilement accessibles dans le catalogue officiel de l'UE et dans les listes nationales de variétés ;

Appelle à la mise en ligne du registre public des végétaux de catégorie 1, contenant les données spécifiques à chaque plante ainsi que ses caractéristiques ;

Demande que soit explicitement autorisé un étiquetage volontaire destiné à mettre en exergue le caractère « non-NTG » des produits commercialisés par certaines filières ;

Soutient pleinement le maintien d'un étiquetage obligatoire pour les végétaux de catégorie 2 et accueille favorablement la possibilité de compléter cet étiquetage par des informations sur le trait conféré par la modification génétique ;

Estime nécessaire, dans un souci de transparence, que tout pétitionnaire désireux de recourir à un étiquetage complémentaire soit tenu de mentionner l'intégralité des traits conférés par la modification ciblée de la plante ;

Réclame l'adoption de mesures miroirs en termes de traçabilité et d'étiquetage, afin de conserver un niveau d'exigence comparable entre les plantes NTG importées et les plantes NTG cultivées dans l'Union européenne ;

Sur la propriété intellectuelle de ces plantes

Considérant l'impératif de préserver la compétitivité et l'excellence de la filière semencière française, la France étant non seulement le premier pays producteur de semences de l'Union européenne mais également le premier exportateur mondial, dégageant sur ce segment un excédent commercial de l'ordre d'un milliard d'euros par an ;

Considérant que l'émergence du génie génétique a provoqué une irruption du brevet d'invention dans le monde des semences, permettant la brevetabilité des techniques de recombinaisons génétiques ainsi que celle des traits génétiques, et que cette évolution a été l'un des moteurs de la concentration de l'industrie des semences au cours des vingt dernières années ;

Considérant que l'Union européenne a jusqu'à présent été préservée de ce mouvement de concentration, grâce au cumul d'un moratoire de fait sur la culture des organismes génétiquement modifiés et d'une législation interdisant la brevetabilité des variétés végétales ;

Considérant que la multiplicité des entreprises semencières a ainsi contribué à la dynamique de la sélection végétale et au maintien d'un vaste patrimoine génétique en Europe ;

Considérant que le certificat d'obtention végétale, qui protège en Europe les variétés de plantes issues de procédés conventionnels, permet d'assurer une juste rémunération de l'innovation variétale et de préserver la diversité génétique en garantissant un libre accès aux ressources génétiques des plantes cultivées (« exception du sélectionneur ») et en autorisant l'agriculteur à reproduire ses semences (« privilège du fermier ») ;

Considérant, d'une part, que les brevets relatifs aux techniques d'édition génomiques sont actuellement détenus par une poignée d'entreprises semencières et, d'autre part, que la multiplication des caractères brevetés au sein d'une même variété imposerait aux sélectionneurs et aux agriculteurs souhaitant y recourir le paiement de redevances financières élevées auprès des détenteurs de brevets ;

Considérant que le cumul de l'impossibilité de détecter les éléments brevetés par des analyses et de l'absence d'obligation déclarative quant à la présence de ces éléments dans les variétés pourrait conduire un obtenteur à utiliser de tels éléments à son insu, le plaçant ainsi dans une situation de contrefaçon involontaire ;

Considérant que l'application du droit des brevets ouvrirait ainsi un véritable champ de mines dans les certificats d'obtention végétale, mettrait fin à l'exercice effectif de l'exemption du sélectionneur comme du privilège du fermier et favoriserait donc in fine la disparition de la biodiversité cultivée ;

Considérant par ailleurs que le caractère brevetable des techniques d'édition génomique, ainsi que des séquences qui en sont issues, pourrait à l'avenir créer des barrières à l'entrée pour les petites et moyennes entreprises semencières, restreindre l'accès des sélectionneurs aux technologies et aux ressources génétiques, et partant renforcer le pouvoir de marché des grandes entreprises semencières tout en générant une grande insécurité juridique ;

Considérant que la proposition de règlement fait ainsi peser une menace vitale sur la filière semencière française qui, à rebours de la tendance à la concentration au niveau mondial, compte plus d'une soixantaine d'entreprises de sélection, dont une majorité de petites et moyennes entreprises ;

Considérant que, si la Commission s'est engagée à remettre, avant la fin de l'année 2026, un rapport sur l'impact de sa proposition sur le droit des brevets afin d'ouvrir la voie à une éventuelle proposition législative, un tel texte nécessiterait plusieurs années de travail avant d'être adopté ;

Considérant enfin que toute modification du droit des brevets ne s'appliquerait qu'aux brevets accordés postérieurement à l'adoption d'une telle proposition, et que tout brevet accordé antérieurement resterait valable pendant une durée de vingt ans, quelle que soit cette modification ;

Estime que les règles de propriété intellectuelle constituent un point essentiel de la législation sur les nouvelles techniques génomiques et devraient par conséquent être examinées concomitamment à cette dernière ;

Souhaite que les plantes issues de nouvelles techniques génomiques soient soumises au régime de protection communautaire des obtentions végétales, afin de préserver la liberté d'exploitation, l'exemption de l'obtenteur et le droit à la reproduction autonome pour ces variétés ;

Demande en conséquence l'interdiction de la brevetabilité des végétaux issus de nouvelles techniques génomiques, de leurs semences dérivées et de leur matériel génétique et ce, dès l'entrée en vigueur du présent règlement afin d'éviter que, dans l'intervalle, des demandes de brevet ne puissent être présentées ou des brevets délivrés ;

Appelle la Commission européenne, à plus long terme, à réviser les règles européennes relatives à la propriété intellectuelle, afin de remettre le certificat d'obtention végétale au coeur du système de propriété intellectuelle des plantes, c'est-à-dire de généraliser l'exemption du sélectionneur et le privilège du fermier au niveau de l'Union, de limiter les brevets d'invention aux technologies et d'interdire la protection par brevet des caractères génétiques, que ces derniers soient considérés comme natifs ou non ;

Invite le Gouvernement à faire valoir cette position dans les négociations au Conseil.