Mardi 19 mars 2024

- Présidence de Mme Amel Gacquerre, présidente -

La réunion est ouverte à 16 heures.

Audition de MM. Hugues Périnet-Marquet, professeur émérite en droit privé à l'université Panthéon-Assas, et Jean-Marc Roux, maître de conférences à l'université d'Aix-Marseille (en téléconférence)

Mme Amel Gacquerre, présidente. - Nous reprenons les travaux de notre commission d'enquête en recevant MM. Hugues Périnet-Marquet et Jean-Marc Roux.

Monsieur Périnet-Marquet, vous êtes professeur émérite à l'Université Panthéon-Assas en droit de l'immobilier, de la construction et de l'urbanisme et êtes l'auteur de plusieurs ouvrages consacrés à ces sujets. Vous présidez par ailleurs le Conseil national de la transaction et de la gestion immobilière (CNTGI), organe représentatif de la profession immobilière, ainsi que l'association française du droit de la construction et de l'immobilier. Entre 2015 et 2019, vous avez également dirigé le groupe de travail sur la réforme du droit de la copropriété de la chambre nationale des experts en copropriété.

Monsieur Jean-Marc Roux, vous êtes pour votre part docteur en droit, maître de conférences au sein de l'université d'Aix-Marseille, et avez contribué à la rédaction du code de la copropriété commenté. Vous dirigez l'Institut de formation et de recherche sur l'évaluation immobilière d'Aix-en-Provence et êtes à la tête des collections Edilaix.

Nous nous réjouissons de pouvoir vous entendre aujourd'hui dans le cadre de cette audition commune, afin que vous puissiez nous faire bénéficier de votre expertise et de votre connaissance du droit des copropriétés, qui permettront d'éclairer et d'affiner les travaux de notre commission d'enquête.

En particulier, votre audition doit nous permettre de mieux appréhender le cadre juridique complexe s'appliquant aux copropriétés dégradées, cadre qui, je le rappelle, sera de nouveau mis à jour par le projet de loi relatif à l'accélération et à la simplification de la rénovation de l'habitat dégradé et des grandes opérations d'aménagement, dont je suis la rapporteure et qui sera, je l'espère, définitivement adopté la semaine prochaine.

Monsieur Périnet-Marquet, en votre qualité de président du groupe de recherche sur la copropriété (Grecco), vous avez mené une réflexion approfondie sur la loi du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété et des immeubles bâtis. Selon vous, dans quelle mesure ce texte est-il aujourd'hui encore adapté pour faire face aux dynamiques que nous observons s'agissant de la paupérisation des copropriétés ?

Monsieur Roux, vous êtes également l'auteur d'un ouvrage intitulé Prévenir et redresser les copropriétés en difficulté, tout à fait à propos compte tenu du périmètre de notre commission d'enquête. Puis-je vous demander quelles mesures pourraient, selon vous, venir renforcer les outils de détection, de prévention et de traitement face à la dégradation de la situation des copropriétés ?

Je m'interroge également sur la capacité de nos outils juridiques actuels à prendre en compte la pluralité de réalités que recoupe le terme « copropriété dégradée ». Comme le soulignait Marianne Margaté la semaine passée, une part grandissante des copropriétés dégradées sont aujourd'hui des petites structures : le droit actuel accompagne-t-il suffisamment ces copropriétaires ?

Enfin, vous avez l'un et l'autre souligné à maintes reprises, dans le cadre de vos travaux, le phénomène de complexification du droit de la copropriété, notamment en raison des nombreuses réformes et textes additionnels depuis 1965. Est-il selon vous possible de le simplifier, afin de le rendre plus accessible pour toutes les parties prenantes, sans perdre en pertinence et en efficacité ?

Permettez-moi d'ajouter que notre commission d'enquête a décidé de lancer une consultation sur la plateforme participative du Sénat pour permettre à tous nos concitoyens qui le souhaitent de contribuer à nos travaux. Un questionnaire est en ligne depuis hier. Il est possible d'y répondre en se connectant au site internet du Sénat dans le volet « consultation citoyenne ».

Avant de vous laisser la parole pour répondre à ces premières questions et pour un propos introductif, il me revient de vous indiquer que cette audition est diffusée en direct et en différé sur le site internet et sur les réseaux sociaux du Sénat et qu'un compte rendu sera publié.

Je dois également vous rappeler qu'un faux témoignage devant notre commission d'enquête serait passible des peines prévues aux articles 434-13, 434-14 et 434-15 du code pénal, qui peuvent aller de trois à sept ans d'emprisonnement et de 45 000 euros à 100 000 euros d'amende.

Je vous invite à prêter serment de dire toute la vérité, rien que la vérité ; à lever la main droite et à dire : « Je le jure. »

Conformément à la procédure applicable aux commissions d'enquête, M. Hugues Périnet-Marquet et M. Jean-Marc Roux prêtent successivement serment.

M. Hugues Périnet-Marquet, professeur émérite en droit privé à l'université Panthéon-Assas. - En préalable, je précise que je m'exprime ici en mon nom personnel et non en tant que président du CNTGI, au sein duquel les opinions sont variées.

Vous avez évoqué la problématique de la définition d'une « copropriété dégradée », qui renvoie directement à la complexité de la réglementation. Dès l'exposé des motifs, le projet de loi mentionne ainsi des « copropriétés en difficulté », tandis que des copropriétés ou des ensembles immobiliers « indignes » peuvent aussi être évoqués dans le débat, ce qui génère de la confusion. J'en veux pour preuve un e-mail envoyé par le ministère de l'économie et des finances consacré à Ma Prime Logement Décent qui la présente comme une nouvelle aide proposée par l'Agence nationale de l'habitat (Anah) destinée à lutter contre « l'habitat indigne » et à remettre en état un « logement très dégradé ».

Je pense donc qu'il faut clarifier le vocabulaire employé, en partant du principe que le terme de « dégradation » renvoie à un bien et que celui de « difficulté » renvoie à une personne morale. Par conséquent, il vaudrait mieux parler de « copropriétés en difficulté » générant des immeubles qui se dégradent et de « copropriété dégradée » au sens des biens qui la composent.

Toujours au sujet de la définition, la question de l'adéquation des seuils existants peut être posée, mais je note que le projet de loi élargira considérablement la notion de « copropriétés en difficulté », en y intégrant les copropriétés sans syndic et les copropriétés qui n'ont pas statué sur leurs comptes depuis deux ans. Il sera donc utile, dans un premier temps, d'attendre les premiers effets de cette nouvelle législation, avant d'envisager d'autres réformes ultérieures.

J'en viens à l'origine du phénomène des copropriétés en difficulté, dont les causes me semblent davantage économiques que juridiques. Le redressement d'une copropriété est en effet bien plus ardu dès lors que les copropriétaires sont eux-mêmes en difficulté économique, puisqu'il faudra se pencher sur chaque cas, alors que les problèmes de gouvernance peuvent être résolus par la modification de certaines règles, sans obstacle majeur.

Cette racine économique du problème tient au fait que des acquéreurs assez fragiles ont été par le passé incités à l'achat, en considérant que la propriété était la clé du bonheur immobilier. Ces acquéreurs ont suivi ces recommandations, sans se rendre compte qu'ils se trouvaient à la limite de leurs capacités et sans avoir conscience des implications d'un achat en copropriété. De surcroît, ils ont souvent acquis des biens situés dans des immeubles peu chers, dont la qualité technique était loin d'être parfaite.

Il en résulte une sorte de double peine : les acquéreurs les plus fragiles occupant les immeubles les plus fragiles, le redressement des copropriétés en difficulté ainsi créées sera d'autant plus ardu qu'il faudra à la fois redresser les finances des copropriétaires et réaliser des travaux plus lourds que dans un immeuble haussmannien à Paris, par exemple. Les statistiques de l'Anah au 31 décembre 2023 permettent d'ailleurs de constater que les copropriétés les plus endettées se concentrent en Seine-Saint-Denis, dans le Val-d'Oise et dans le Val-de-Marne.

Plusieurs conséquences peuvent être tirées de cet état de fait. Tout d'abord, je suis intimement persuadé que le droit ne saurait être l'unique solution, il n'est peut-être même pas la solution principale. Le problème étant essentiellement d'origine économique, aucune modification législative n'apportera des changements significatifs.

Une copropriété en difficulté renvoie, en outre, à une inadéquation entre les revenus des propriétaires et leurs charges. Je souhaite attirer votre attention sur un élément qui me préoccupe beaucoup, à savoir l'existence d'une « bombe sociale » ou d'un « mur de la dette », dans la mesure où ces copropriétés dégradées vont devoir, comme tous les immeubles, être mises aux normes écologiques. Or le coût des travaux nécessaires est très élevé, à hauteur de 30 000 euros, voire de 40 000 euros par logement. Pour des copropriétaires précaires, déjà en peine de payer leurs charges, un tel effort n'est pas envisageable. Si le projet de loi que vous voterez prochainement prévoit la possibilité d'un prêt sur dix ans, ce dernier sera également synonyme d'un alourdissement des charges financières, et je crains que tout le travail de redressement en cours ne se heurte à cette perspective de la mise aux normes.

Le Gouvernement l'a compris, même s'il est pris entre le marteau et l'enclume : il doit en effet concilier la poursuite de la transition écologique et la nécessaire prise en compte de l'aspect social de la situation. Des annonces ont d'ores et déjà été faites sur les logements de moins de 40 m2, abaissant les exigences en matière de mise aux normes, tandis que la ministre de la culture, Rachida Dati, a évoqué la perspective d'un autre régime pour les immeubles anciens.

S'agissant des marchands de sommeil, souvent mis en cause dans le débat, je doute qu'ils jouent un rôle prépondérant dans l'apparition de copropriétés dégradées. Je les vois plutôt comme des vautours qui repèrent leurs proies, c'est-à-dire des copropriétés déjà dégradées. Bien sûr, leur arrivée dans celles-ci n'arrange en rien la situation. Les marchands de sommeil sont rares dans les copropriétés qui se portent bien, celles-ci étant plutôt la cible des marchands de tourisme.

J'en viens au syndic, considéré à juste titre comme l'homme-orchestre de la copropriété et qui devient aisément le bouc émissaire en cas de difficultés. Les statistiques de l'Anah mentionnent un élément surprenant, à savoir que 213 000 copropriétés, sur un total de 577 000, sont dépourvues de syndic. Et, parmi les 57 000 copropriétés comprenant de 50 à 200 lots, 12 000 copropriétés ne disposent pas d'un syndic. Si l'on entend faire reposer la politique d'éradication des copropriétés en difficulté sur les syndics, encore faut-il s'assurer qu'ils soient présents partout.

L'un des nouveaux critères de la copropriété en difficulté repose justement sur cette absence de syndic. Compte tenu des chiffres que j'ai cités précédemment, cette évolution gonflera considérablement le nombre de copropriétés en difficulté, sans que cela soit synonyme d'un appauvrissement soudain d'une masse de copropriétaires.

Par ailleurs, on attend du syndic qu'il assume des missions toujours plus nombreuses, mouvement qui se confirme avec le projet de loi que vous portez et qui m'interroge. Cet ajout de nouvelles tâches est-il cohérent avec les projets de déréglementation des syndics que semble envisager le ministère de l'économie et des finances ? Peut-on projeter de multiplier les tâches incombant au syndic - on peut penser qu'il devra être toujours plus compétent - tout en déréglementant la profession ?

J'espère d'ailleurs que cette déréglementation permettra de conserver une garantie financière, dont la disparition pourrait s'avérer dramatique. J'en parle en connaissance de cause : trois mois après la faillite de mon syndic, nous nous sommes aperçus que la prime d'assurance de l'immeuble n'avait pas été réglée. Le problème a pu être résolu grâce à une cotisation des membres du conseil syndical qui se sont ensuite fait rembourser, mais cette issue a été possible car il ne s'agissait pas d'une copropriété en difficulté. Dans le cas contraire, la situation créée par ce défaut de paiement de la prime aurait été très dangereuse.

Concernant les difficultés prêtées aux règles actuelles de décision à la majorité, qui bloqueraient des décisions importantes pour la copropriété, je ne suis pas persuadé par cet angle d'attaque. D'une part, je rappelle que la situation des copropriétés en difficulté ne découle pas essentiellement de problèmes de gouvernance ; d'autre part, les modifications législatives successives intervenues depuis 1965 n'ont cessé d'abaisser le seuil des majorités, jusqu'à arriver à la situation actuelle, où des décisions importantes peuvent être prises à la majorité simple des présents.

Aussi, je ne vois pas comment nous pourrions aller plus loin dans ce domaine. Cette perspective pourrait même être dangereuse si l'on considère le fait que l'absentéisme dans les réunions de copropriété est compris en moyenne entre 30 % et 40 %. Par conséquent, le minimum d'un tiers des voix fixé par le législateur pour soumettre une décision correspond environ à la moitié des présents. Imaginons le cas de figure dans lequel les minoritaires - en fait majoritaires en nombre - ne voteraient pas, ou voteraient contre des décisions qu'ils désapprouvent en raison de leur incapacité à assumer les dépenses correspondantes : ils se retrouveraient ainsi dans l'obligation de contribuer, alors qu'ils n'en ont pas les moyens. Prenons donc garde à éviter des formes de dictatures de minorités implicites, même si je ne plaide pas pour autant en faveur d'un rehaussement des seuils de majorité.

En conclusion, je porte un regard plutôt positif sur le projet de loi que vous portez, qui contient plusieurs mesures nécessaires, dont le prêt collectif, à condition bien sûr que les banques jouent le jeu. Je suis également tout à fait favorable à la possibilité de prolonger l'expropriation des parties communes et à la possibilité d'acquérir les parties communes, même si cette disposition pourrait aboutir à des copropriétés étranges, avec des lots ne comprenant plus que des parties privatives. En outre, faciliter l'expropriation à plusieurs égards est une bonne chose, car il s'agit souvent - malheureusement - de la seule solution.

Plusieurs aspects m'interrogent néanmoins, à commencer par la complexification du droit, à laquelle je suis très sensible en tant que juriste. Qui trop embrasse mal étreint, et je ne peux que constater une fuite en avant irréversible vers une accumulation normative. Je me suis amusé à compter le nombre d'articles contenus dans les textes en vigueur régissant les copropriétés en difficulté : il en existe environ une quarantaine, et le projet de loi actuel en comporte autant, alors qu'il était à l'origine question d'un texte relativement modeste.

L'efficacité du dispositif sera-t-elle pour autant démultipliée dans la même proportion ? Prenons garde à ne pas réduire l'efficacité législative en voulant trop bien faire, certaines dispositions semblant redondantes : l'article L. 480-1 du code de l'urbanisme, qui permet au maire de demander la démolition en dehors de toute action civile ou pénale, est ainsi intégré au texte avec des limites précises, alors que le Conseil d'État avait décidé, dans un arrêt du 22 décembre 2022, que la démolition était possible sans condition. En croyant bien faire, nous retournons parfois en arrière.

De même, si la mise en place d'un permis de construire auquel les règles d'urbanisme ne s'appliquent pas est une bonne chose, un permis précaire présentant les mêmes caractéristiques existait déjà dans le code de l'urbanisme.

Par ailleurs, nous devrions nous interroger sur l'expropriation : à qui profite-t-elle ? Qui frappe-t-elle ? Ne risque-t-on pas de refermer sur certains une trappe à pauvreté ? Prenons le cas de l'achat d'un appartement réalisé vingt ou trente ans plus tôt, dans un quartier dont l'acheteur pouvait espérer qu'il valoriserait le bien. Si ce pari ne se réalise pas et que l'immeuble se dégrade ensuite, il n'en est pas nécessairement responsable, mais il se retrouvera malgré tout exproprié et appauvri. Certes, il n'existe sans doute pas d'autres solutions, mais nous devons avoir conscience de cet aspect social. Parallèlement, la Cour de cassation a décidé de ne plus indemniser les constructions illégales, mais il s'agit en l'espèce de sanctionner une faute, ce qui n'est pas le cas dans l'exemple que je viens de mentionner.

En outre, un effort de rationalisation sera sans doute nécessaire pour ce qui est de la gestion des copropriétés en difficulté. La liste des intervenants actuels est en effet édifiante, puisqu'elle comprend le syndic, l'administrateur ad hoc, l'administrateur judiciaire, l'administrateur provisoire, l'opérateur, le coordonnateur du plan de sauvegarde, le syndic d'intérêt collectif et le diagnostiqueur structurel. Tous ces intervenants coûtent de l'argent aux copropriétaires, tandis que la pertinence de ce dispositif interroge. Plus globalement, l'élaboration d'un recueil de textes relatifs à la copropriété, voire d'un code de la copropriété, pourrait s'avérer utile, afin d'éviter d'aller rechercher des dispositions éparpillées entre la loi de 1965, le code de la construction et le code de l'urbanisme.

Enfin, je vous soumets deux idées, dont je vous laisserai apprécier la pertinence. La première a trait aux banquiers, qu'il faudrait peut-être inciter à prendre davantage en compte les charges actuelles et futures lorsqu'ils accordent des prêts en vue d'acheter des lots de copropriété. Cette piste n'est peut-être pas la bonne dans la mesure où l'obtention d'un prêt est déjà malaisée, le renforcement des critères de solvabilité risquant d'aggraver la situation.

La deuxième idée renvoie à une décision de la Cour de cassation en vertu de laquelle la vente d'un immeuble sans syndic est autorisée - bienvenue, car la trappe à pauvreté serait complètement refermée dans le cas contraire -, qui m'amène à m'interroger sur les moyens d'action qui permettraient d'augmenter le nombre de syndics.

M. Jean-Marc Roux, maître de conférences à l'université d'Aix-Marseille. - La notion de copropriété dégradée n'est pas définie juridiquement. En effet, elle ne figure ni dans le code de la construction et de l'habitation ni dans la loi du 10 juillet 1965. Cependant, l'article 29-1 de la loi de 1965 définit la copropriété en difficulté comme une copropriété dont « l'équilibre financier [...] est gravement compromis » ou qui se trouve « dans l'impossibilité de pourvoir à la conservation de l'immeuble ».

La notion de copropriété dégradée, au sens où l'entend votre commission, se rapproche en revanche de la copropriété placée sous administration provisoire renforcée, ainsi que le prévoit l'article 29-11 de la loi de 1965 : lorsqu'une copropriété atteint un taux d'endettement considérable et ne peut assumer la réalisation de travaux de très grande ampleur, le recours à un administrateur provisoire et à un opérateur de travaux peut être décidé. En effet, la nécessité de réaliser des travaux à hauteur de plusieurs millions d'euros est souvent avancée pour justifier le recours à cette procédure particulière.

Le code de la construction et de l'habitation prévoit également une procédure de carence et d'expropriation, mais celle-ci n'intervient qu'en dernier recours, signant l'échec du syndic à gérer l'immeuble.

La loi de 1965 distingue quant à elle deux régimes en matière de copropriétés en difficulté.

Le premier régime, qui concerne les copropriétés dites fragiles, a été instauré par la loi de mobilisation pour le logement et la lutte contre l'exclusion, dite loi Molle. Il vise à prévenir les difficultés rencontrées par la copropriété suffisamment en amont pour éviter une réelle dégradation.

Le second régime a été créé en 1994 et réformé en 2000, puis par la loi du 24 mars 2014 pour l'accès au logement et un urbanisme rénové (Alur) : il prévoit, pour les copropriétés en difficulté, un placement sous administration provisoire au titre des articles 29-1 et suivants de la loi de 1965, consistant à désigner une personne chargée de la gestion quotidienne de la copropriété et de son redressement.

Deux axes émergent des propositions que vous avez émises dans le cadre du projet de loi relatif à la rénovation de l'habitat dégradé.

Le premier axe concerne le mandat ad hoc. Selon le rapport de la direction des affaires civiles et du sceau (DACS) sur les contentieux de la copropriété, trente-quatre demandes de désignation d'un mandataire ad hoc ont été émises devant les juridictions en 2017. Dans le même temps, le rapport de l'Anah de 2022 établit que 128 151 syndicats de copropriétaires avaient un taux d'impayés supérieur à 31 %. Cet écart important montre le très faible recours à la procédure de mandat ad hoc.

De nouvelles conditions de recours à cette procédure ont été introduites dans le projet de loi. Actuellement, il n'existe qu'un seul critère, purement financier, déclenchant le lancement de cette procédure : le taux d'impayés doit atteindre 25 %, ou 15 % pour les copropriétés de plus de 200 lots. Or ce niveau d'endettement est assez fréquent, non pas parce que les copropriétés vont mal, mais en raison de retards de paiement ponctuels des copropriétaires ou de règlements de travaux.

Ce critère unique a un effet pervers. Dès que le mandat ad hoc est déclenché, il faut non seulement en informer le registre national des copropriétés, mais également s'assurer que la procédure figure dans les annonces relatives à la vente de lots dans les copropriétés concernées - ce qui peut faire fuir les potentiels acquéreurs...

Le caractère automatique de ce critère unique pose donc une difficulté. C'est la raison pour laquelle le projet de loi prévoit la possibilité de déclencher cette procédure en cas d'absence d'approbation des comptes par l'assemblée générale. C'est une proposition pertinente, car il s'agit d'un bon indice de difficultés dans la gestion comptable et financière de la copropriété. D'autres pistes pourraient être explorées, comme la prise en compte du taux d'absentéisme au sein des assemblées générales ou de l'impossibilité d'adopter certaines décisions relatives aux travaux d'entretien ou de rénovation énergétique. Ces critères, cumulatifs ou non, seraient ainsi susceptibles d'attirer l'attention des pouvoirs publics et du juge sur des difficultés de gestion.

L'efficacité de l'intervention du mandataire ad hoc pourrait également être améliorée. En effet, celui-ci établit un rapport comprenant des préconisations, lesquelles sont ensuite inscrites à l'ordre du jour de l'assemblée générale par le syndic. Or, sauf erreur de ma part, ces préconisations ne sont pas obligatoires : l'assemblée générale peut aussi bien les adopter que décider de les reporter sine die. Il serait donc utile de préciser que certaines préconisations devront être adoptées par l'assemblée générale, qui n'en votera que les modalités de réalisation.

Par ailleurs, l'article 29-1 B de la loi de 1965 prévoit que le rapport rendu par le mandataire ad hoc précise « le résultat des actions de médiation ou de négociation qu'il aura éventuellement menées avec les parties en cause ». Pourquoi ne pas instaurer une obligation d'opérer ces actions de médiation et de négociation avec les créanciers du syndicat des copropriétaires, ce qui permettrait de résoudre certaines difficultés de manière extrajudiciaire ?

Le deuxième axe des propositions émises dans le cadre du projet de loi consiste à améliorer le régime de l'administration provisoire prévu aux articles 29-1 et suivants de la loi de 1965.

Je veux d'abord revenir sur l'imputation des frais de l'administrateur provisoire au syndic.

Dans certains cas, il apparaît que le syndic de copropriété a trop tardé avant de déclencher la procédure d'administration provisoire. Le rapport de la DACS de 2017 révèle en effet que la très grande majorité des demandes en justice en vue de désigner un administrateur provisoire sont émises par les syndics eux-mêmes. Néanmoins, le syndic n'a-t-il pas trop tardé à déclencher la procédure d'alerte ? N'est-il pas allé trop loin ? Ne s'est-il pas montré négligent ? Les juges de fond - pour l'essentiel, la cour d'appel de Paris et d'autres cours d'appel qui connaissent de ce type de contentieux - admettent la condamnation du syndic au paiement de dommages et intérêts, au motif qu'il est à l'origine des difficultés de la copropriété.

Le projet de loi prévoit la possibilité pour le juge d'entendre les intéressés et de condamner le syndic. Cette proposition me semble dans le droit fil de la réalité tant juridique que pratique. L'insaisissabilité des sommes versées à la Caisse des dépôts de consignation au profit du syndicat des copropriétaires pour son redressement est également une mesure pertinente.

Vous avez également introduit un nouvel acteur, le syndic d'intérêt collectif, dont la place me semble difficile à situer dans le paysage actuel du droit de la copropriété. D'après les dispositions qui ont été débattues devant les deux chambres, le syndic d'intérêt collectif intervient à deux titres différents. En premier lieu, il est « présumé compétent pour gérer les copropriétés pour lesquelles un mandataire ad hoc a été désigné ». J'ai du mal à comprendre le rôle de ce syndic d'intérêt collectif. Sera-t-il désigné en tant que syndic de copropriété pour les copropriétés administrées par un mandataire ad hoc ? Cela ne me semble pas être le cas. Accompagnera-t-il le syndic ? C'est le rôle du mandataire ad hoc. S'agit-il alors du mandataire ad hoc lui-même ? Le syndic d'intérêt collectif interviendra-t-il dans le cadre d'une gestion bicéphale, aux côtés du syndic classique ?

En second lieu, le syndic d'intérêt collectif peut être désigné « à la demande d'un administrateur provisoire désigné sur le fondement de l'article 29-1 ». Il aurait ici un rôle d'assistance, accompagnant l'administrateur provisoire au quotidien : nombre d'administrateurs le demandent. Attention néanmoins : Hugues Périnet-Marquet évoquait la multiplication des intervenants. Il ne faudrait pas que le syndic d'intérêt collectif devienne un nouveau motif d'alourdissement des finances de syndicats de copropriétaires souvent déjà obérées. Il faudrait donc clarifier le cadre dans lequel ce syndic pourrait être rémunéré.

Concernant le futur régime de la copropriété en difficulté, le projet de loi ne fait aucune mention des prérogatives de l'administrateur provisoire. Celui-ci cumule les fonctions de décision au sein de l'assemblée générale et d'exécution de ces mêmes décisions. D'après la jurisprudence issue de la Cour de cassation - qui est bien fixée sur sa manière d'appréhender les décisions du syndicat, comme l'a encore récemment montré un arrêt de janvier 2024 -, les décisions de l'administrateur provisoire ne sont pas susceptibles de recours. Certes, celui-ci exerce ses fonctions sous le contrôle du juge et il est tout à fait possible d'en référer au président du tribunal judiciaire. Néanmoins, pourquoi ne pas l'inscrire explicitement dans la loi de 1965 ? Il s'agit d'une procédure exceptionnelle, par laquelle un tiers gère le syndicat des copropriétaires en difficulté. L'administrateur provisoire peut mettre en oeuvre des mesures exorbitantes du droit commun, en raison de ses prérogatives à l'égard des créanciers du syndicat des copropriétaires. Pourquoi donc ne pas aller au bout du processus ?

J'en viens à la durée du plan d'apurement des dettes. Celui-ci a été établi par la loi Alur en raison du rapprochement du régime des copropriétés en difficulté de celui des entreprises en difficulté. On parle désormais de redressement et de procédures collectives du syndicat des copropriétaires. Néanmoins, la durée du plan d'apurement ne me semble pas adaptée aux copropriétés en grande difficulté. En région parisienne, certaines d'entre elles sont placées sous administration provisoire depuis dix, quinze ou vingt ans ; or la durée du plan d'apurement est de cinq ans seulement. Il serait utile de l'aligner sur la durée de dix ans en vigueur dans le code du commerce. Certes, il est actuellement possible de demander une prorogation au juge ; néanmoins, fixer directement cette durée à dix ans faciliterait l'étalement du versement des sommes dues dans le cadre du redressement.

Il faudrait également simplifier les démarches de l'administrateur provisoire auprès du juge. En effet, les administrateurs provisoires font régulièrement état d'un hiatus entre la nécessité de demander des mesures assez rapides au président du tribunal judiciaire et celle de recourir à la procédure accélérée au fond. Bien entendu, cette mesure permet le respect du principe du contradictoire. La voie de requête me semblerait, dans certains cas, plus pertinente pour que le juge puisse réagir rapidement. Je pense notamment à la possibilité de demander au juge la suspension de l'exigibilité des sommes qui sont dues par le syndicat des copropriétaires ou des mesures de poursuite contre celui-ci. Actuellement, il faut procéder par voie d'assignation, étant donné que la procédure accélérée au fond est mise en oeuvre ; mais la voie de requête permettrait de bénéficier plus facilement de ces ordonnances du juge.

L'accent a été mis sur le fait que, dans les copropriétés de dimension importante très dégradées, l'une des clés, c'est la restructuration. Concrètement, il s'agit de diminuer l'unité de gestion, par exemple en ayant un syndicat des copropriétaires par bâtiment. C'est quelque chose que j'ai vu en pratique, voire que j'ai parfois préconisé : avoir une copropriété à taille humaine, personnalisée, pour éviter la généralisation des difficultés.

Je ne suis pas certain que les marchands de sommeil soient nécessairement à l'origine de phénomènes que vous avez évoqués. Mais ils constituent un facteur d'aggravation. La loi Alur permet déjà de les repérer. Le notaire peut demander au syndic si le candidat à l'acquisition est déjà copropriétaire dans l'immeuble ou faire une démarche auprès des services du casier judiciaire. Ce sont des mesures efficaces. Pour autant, les syndics me confient avoir du mal à identifier ces marchands de sommeil. Certes, ils peuvent faire des signalements aux autorités compétentes. Mais comment aller plus loin ? Sans doute par un contrôle accru sur les ventes aux enchères : ce qui intéresse les marchands de sommeil, c'est d'acheter à bas prix ; on peut donc les repérer.

Certaines pistes d'amélioration du registre national des copropriétés, comme la diffusion de la situation financière du syndicat ou l'immatriculation de tous les syndicats de copropriétaires, figurent dans le projet de loi. Mais le fait que des copropriétés en difficulté puissent ne pas avoir de lots à usage d'habitation passe sous les radars du registre national des copropriétés. On ne peut pas immatriculer des copropriétés composées entièrement de lots à usage autre que d'habitation. Selon un rapport de 2022 de l'Anah, plus de la moitié des syndicats de copropriétaires ne fournissent pas d'informations chiffrées. Certes, le code de la construction et de l'habitat prévoit des sanctions, mais ne faudrait-il pas les alourdir ?

J'insiste enfin sur la pédagogie, à l'égard tant des copropriétaires eux-mêmes que des syndics, notamment des syndics bénévoles, qui n'ont pas conscience de l'obligation non seulement de s'immatriculer, mais également de fournir chaque année des données chiffrées.

Mme Amel Gacquerre, présidente. - Je vous remercie de ces éléments. J'aimerais revenir avec vous sur trois points.

D'abord, le problème ne réside-t-il pas moins dans la multiplicité des acteurs que dans leur manque de coordination ? Pensez-vous qu'un acteur unique ou, à tout le moins, une porte d'entrée unique permettraient de renforcer l'efficacité du système ?

Ensuite, selon vous, l'origine des difficultés relève davantage de la situation des copropriétaires que la gouvernance. Mais la gouvernance actuelle constitue-t-elle, à vos yeux, une solution ? Ne faudrait-il pas la penser autrement pour demain ?

Enfin, disposons-nous des outils législatifs pour gérer les petites copropriétés, qui ne sont d'ailleurs pas forcément immatriculées dans le registre national ? Ne faudrait-il pas envisager une prise en charge ou un accompagnement distincts ?

M. Hugues Périnet-Marquet. - À mon sens, la réflexion sur le nombre d'acteurs et leur coordination pourra se fonder sur les retours d'expérience de la réforme, une fois qu'elle aura été votée et mise en place.

Dans la rédaction actuelle du projet de loi, le syndic d'intérêt collectif est présumé compétent pour gérer les copropriétés dans lesquelles un mandataire ad hoc a été désigné. Mais cela signifie-t-il qu'il va remplacer le syndic actuel ? Ce n'est précisé nulle part. Or c'est une question que tout le monde se pose. Il faudrait, me semble-t-il, affiner la réflexion.

Si la gouvernance est conçue pour les copropriétés « classiques », nous avons, je le crois, tout ce qu'il faut dans la loi pour gouverner des copropriétés en difficulté. Le texte prévoit la création d'un « homme fort » de la copropriété qui va prendre quasiment tous les pouvoirs du syndic, de l'assemblée générale et du conseil syndical. Un tel mode de gestion soulève la question de la démocratie en copropriété. Il y a un équilibre délicat à trouver. Mais je ne vois pas de problèmes de gouvernance qui ne soient pas susceptibles d'être résolus. Bien entendu, il arrive un moment où, s'il n'y a pas d'argent parce que les gens ne paient pas leurs charges, il n'y a pas de budget. La solution ultime, c'est la vente aux enchères, ce qui est tout de même socialement très compliqué.

La réforme de 2019 a prévu des dispositions spécifiques pour les petites copropriétés, de deux à cinq copropriétaires. D'après les remontées dont je dispose, je n'ai pas le sentiment que cela donne lieu à des difficultés particulières.

M. Jean-Marc Roux. - Je comptais précisément évoquer avec vous la coordination - c'est un point qui me semble primordial. Si l'on devait parler d'un acteur unique, celui qui, au regard des textes actuels, devrait a priori être au centre du redressement de la copropriété, c'est l'administrateur provisoire, qui se verrait confier des missions de coordination avec le maire, le président de l'établissement public de coopération intercommunale (EPCI), le représentant de l'État dans le département, l'Anah, etc.

Nous avons une pluralité de textes, avec différentes sources : le code de la construction et de l'habitat, le code de la santé publique, le code de l'urbanisme, la loi de 1965... Il faudrait les coordonner pour que les acteurs puissent eux-mêmes se coordonner.

Pour évoquer les origines des difficultés, j'aurais tendance à distinguer deux types de copropriétés.

D'un côté, nous avons les copropriétés dégradées, qui sont l'objet principal du projet de loi. En l'occurrence, il y a des problèmes récurrents s'agissant du paiement des charges, voire de l'intérêt de certains copropriétaires à l'égard de la copropriété : ceux qui ne se voient pas comme des propriétaires occupants ne vont pas aux assemblées générales, font en sorte de ne pas voter les travaux pour ne pas avoir à payer, etc.

De l'autre, nous avons des copropriétés « simplement » en difficulté, qui ne peuvent pas fonctionner pour des raisons autres que le non-paiement des charges. Contrairement à ce que l'on pourrait penser, il y en a beaucoup. Nombre de syndicats faisant l'objet de mesures au titre de l'article 29-1 de la loi 1965 concernent des copropriétés où il n'y a pas de problèmes financiers. Les difficultés tiennent plus à la gouvernance ou à la dimension : en France, nous avons les plus grandes copropriétés d'Europe ; ce n'est pas évident de gérer ces grands ensembles immobiliers.

Je rejoins Hugues Périnet-Marquet sur la gouvernance de copropriétés en difficulté : les articles 29 et suivants de la loi de 1965 me paraissent tout à fait adaptés, sous réserve des remarques que j'ai pu formuler et des propositions que d'autres ont pu émettre. En réalité, les problèmes sont bien connus : absentéisme aux assemblées générales ; tendance de certains à agir comme propriétaires plus que comme copropriétaires ; omission, tantôt volontaire tantôt involontaire, de l'intérêt général par certains membres de la copropriété, etc.

L'assemblée générale devrait être le cadre où vont se décider les mesures permettant à une copropriété d'aller bien. Le rapporteur de la loi de 1965 déclarait que les décisions en copropriété devaient être prises en assemblée générale autour du « tapis vert ».

Il me semble que plusieurs copropriétés ont oublié cette notion. Faire en sorte que l'assemblée générale retrouve son rôle et son pouvoir initial, afin que chacun participe à la décision - nous avons parlé de démocratie il y a quelques instants -, pourrait figurer à l'ordre du jour. Différents moyens ont été évoqués, comme l'abaissement des majorités ou la création de passerelles permettant de passer d'une majorité à l'autre. Plusieurs solutions existent à cette problématique soulevée dans certaines copropriétés.

M. Périnet-Marquet l'a indiqué, des dispositifs particuliers pour les petites copropriétés existent. Dans la loi du 10 juillet 1965, les « petites copropriétés » sont définies comme celles qui comportent moins de cinq lots principaux ou dont le budget prévisionnel moyen est inférieur à 15 000 euros sur une période de trois exercices consécutifs. Les règles s'appliquant à ces dernières ont été assouplies : une assemblée générale de copropriété n'y est pas toujours nécessaire et le très lourd formalisme de ces assemblées générales est allégé.

Il y a également ce qu'on appelle les « micropropriétés » - le terme ne figure pas dans la loi -, c'est-à-dire les copropriétés à deux personnes. Elles font parfois l'objet d'administrations provisoires, non seulement pour des raisons financières, mais aussi pour être gérées plus facilement. L'ordonnance de 2019 a déjà permis de lever une difficulté les concernant. En application du droit commun de la copropriété, les voix du propriétaire disposant du plus de tantièmes étaient en réalité limitées au total des voix de l'autre propriétaire. Comme chacun avait le même nombre de voix, toutes les décisions, y compris les décisions de gestion courante, devaient être votées à l'unanimité. Le régime particulier des copropriétés à deux écarte ce problème. De plus, depuis l'ordonnance de 2019, certains dispositifs du code civil relatifs à l'indivision ont été importés dans le régime des micropropriétés. Le recours au juge est un dispositif intéressant : si l'un des copropriétaires refuse de prendre une décision, il est possible de demander que le juge la prenne lui-même. Cela permet de lever certaines situations de blocages, qui de temps en temps conduisent des copropriétés vers des difficultés.

Mme Amel Gacquerre, présidente. - Vous êtes revenus à plusieurs reprises sur le syndic d'intérêt collectif, en relevant le manque de clarté de ce dispositif.

Dans le projet de loi relatif à l'accélération et à la simplification de la rénovation de l'habitat dégradé et des grandes opérations d'aménagement, nous avons pensé cet outil comme un syndic ayant des compétences spécifiques, mais répondant exactement aux mêmes règles que les autres syndics. Les élus sont partis du constat que les copropriétés en difficulté ont besoin de syndics disposant de compétences et d'informations spécifiques. Il semblait intéressant de mettre en place un vivier de syndics, afin de les porter à la connaissance des acteurs. Ces précisions me semblaient importantes, même s'il faudra sans doute encore clarifier le sujet.

Mme Marianne Margaté, rapporteure. - Je vous remercie de la richesse de vos propos. Vous avez employé des expressions très fortes, comme « bombe sociale » ou « mur de la dette », qui figuraient déjà il y a dix ans dans le rapport de Claude Dilain sur les copropriétés très dégradées ou dans le rapport Prévenir et guérir les difficultés des copropriétés du président de l'Anah de l'époque. Hélas, nous continuons d'avancer vers une forte aggravation de la paupérisation des copropriétés. En raison de la crise du logement, certains n'ont pas d'autres moyens pour se loger que de trouver refuge dans des copropriétés dégradées. Les alertes données à l'époque n'ont pas été assez entendues.

Je m'interroge sur la place des locataires dans les copropriétés. Nous parlons de démocratie, de gouvernance et de fabrique du commun ; pourtant, leur place reste secondaire. Comment leur donner une place, alors qu'ils habitent ces logements et peuvent contribuer à donner plus de vitalité aux assemblées générales ? Peut-on envisager de leur donner un droit de vote en assemblée générale, avec un mandat de leur propriétaire-bailleur ? Le locataire pourrait-il payer directement ses charges au syndic, sans passer par le propriétaire-bailleur, qui peut être un propriétaire indélicat ? Cela permettrait peut-être de ne pas creuser les difficultés financières de la copropriété.

Des évolutions de la loi de 1965 ont permis d'encadrer financièrement les prestations des syndics. Faut-il encadrer d'autres actes des syndics, afin d'assainir les relations et d'éviter certains abus ? Cela permettrait-il de restaurer la confiance dans le dialogue entre les syndics et les copropriétaires, au moment de la mise en concurrence ? Peut-on également envisager d'encadrer la durée des procédures, notamment au sujet des impayés et des mises en demeure ? Les procédures qui traînent en longueur ne font qu'aggraver les difficultés de la copropriété.

Les marchands de sommeil sont attirés par les copropriétés en difficulté et ils contribuent à aggraver le problème. Peut-on envisager d'interdire l'achat de nouveaux lots dans la copropriété à tout débiteur marchand de sommeil ou à tout propriétaire-bailleur déjà endetté ? Comment contrôler les achats par des propriétaires déjà endettés ?

M. Hugues Périnet-Marquet. - La question de la place des locataires ne concerne pas spécifiquement les copropriétés en difficulté. Par hypothèse, les locataires ne paient les charges qu'aux propriétaires. La question est donc latérale par rapport au sujet de cette commission d'enquête. Le choix d'autoriser les locataires à participer à une assemblée dans laquelle ils retrouveraient les copropriétaires est un choix politique. Le risque est de multiplier les assemblées ; il peut également s'agir d'une richesse. Il faut donc bien calibrer les choses.

Donner aux locataires le droit de vote va peut-être un peu loin. La copropriété est en quelque sorte soumise à un suffrage censitaire : ont le droit de vote ceux qui paient. Cela reviendrait à donner le droit de vote à certains qui ne paient pas. J'ai tendance à penser que le fait de payer permet de prendre en compte les risques d'endettement. Il faut faire attention à l'endroit où l'on place le curseur afin d'éviter que des gens puissent prendre des décisions sans en assumer par la suite les conséquences. Cela serait assez mal vécu dans les copropriétés, où l'ambiance n'est pas toujours très bonne. Vous avez tout à fait raison d'indiquer que la démarche participative doit être améliorée dans les copropriétés, mais il faut que l'insertion des locataires soit alors perçue comme un élément d'amélioration et non de perturbation.

Peut-on encadrer les procédures ? Si ces dernières sont menées jusqu'au bout, elles deviennent des procédures judiciaires. Il est assez difficile d'encadrer les délais dans lesquels les procédures judiciaires s'enclenchent. Bien sûr, le droit de l'urbanisme le permet, notamment en cas de recours pour les permis de construire, mais les affaires sont alors portées devant le juge administratif. Je ne suis pas sûr que cela soit possible en la matière. Il est sans doute possible d'améliorer l'efficacité des procédures, mais je ne pense pas qu'imposer des délais particuliers le permette.

Enfin, il est déjà possible de limiter la possibilité offerte à des marchands de sommeil d'acheter des lots dans des copropriétés lorsqu'ils sont endettés. Faut-il aller plus loin ? Comment définit-on un marchand de sommeil ? C'est quelqu'un qui a été condamné en tant que tel. On peut tenter de le définir comme quelqu'un qui est déjà endetté auprès d'une copropriété, mais il paraît difficile de demander à toutes les copropriétés de France si untel, qui veut acheter un lot, est déjà endetté. La condamnation pénale est le seul élément qui permet de définir ce qu'est un marchand de sommeil, mais il est alors souvent trop tard : un marchand de sommeil condamné pénalement est bien souvent moins prédateur, ou alors il utilise des prête-noms et laisse faire le sale travail par d'autres. Il ne faut pas espérer trop de choses de cette mesure, et il ne faut pas non plus compliquer toutes les ventes par ces procédures.

La question des marchands de sommeil se pose dans des copropriétés en difficulté, dans des lieux particuliers. Sur les 900 000 ventes immobilières annuelles en France, combien sont concernées par cette problématique ? Il me semble qu'on ne peut pas ralentir et complexifier 900 000 ventes pour 500 ou 1 000 cas.

M. Jean-Marc Roux. - Plusieurs pistes existent au sujet de la place des locataires. Une disposition de la loi Alur permet aux occupants de l'immeuble d'être avertis des décisions votées en assemblée générale, car le syndic a l'obligation d'afficher dans les parties communes le procès-verbal des décisions de la dernière assemblée générale.

Aller plus loin, notamment pour le paiement direct des charges au syndic, me semble difficile. L'obligation est liée à la qualité de copropriétaire. Or il n'y a pas de lien de droit direct entre le syndicat des copropriétaires et les locataires, et il semblerait difficile de demander aux locataires de payer directement les charges de copropriété à une personne avec laquelle il n'a pas de lien juridique.

En revanche, il serait possible d'indiquer que le locataire a le droit d'accéder à l'assemblée générale. À l'heure actuelle, ce n'est pas le cas, et les copropriétaires peuvent refuser l'accès à l'assemblée générale à un locataire. Aller plus loin que ce droit d'accès et donner à un locataire le droit de voter est déjà possible par le biais d'un mandat : un copropriétaire peut donner mandat à un locataire pour voter à sa place dans une assemblée générale. Toutefois, cela n'arrive que rarement, dans la mesure où un locataire pourrait voter des mesures sans en assumer la charge financière.

L'encadrement des syndics doit-il encore être renforcé ? Beaucoup, peut-être même trop, a déjà été fait dans la loi Alur. Les dispositions des contrats de syndics sont impératives, et les missions du syndic ont déjà été multipliées par trois ou quatre. Le plus long article de la loi de 1965, l'article 18, concerne les missions des syndics. Peut-on demander à ceux-ci des efforts supplémentaires, en sachant que les pouvoirs publics ont la volonté directe ou indirecte d'encadrer la rémunération des syndics ? Les syndics ne peuvent demander d'honoraires supplémentaires que dans des cas limités prévus par les textes.

Des dispositions de la loi Alur durcissaient les règles relatives à la mise en concurrence, mais on est revenu en arrière, car les copropriétaires sont souvent satisfaits de leur syndic, et ne vont demander une mise en concurrence qu'en cas de reproches. Mais d'après ce que j'ai compris, cela ne correspond pas à la grande majorité des cas.

La procédure accélérée au fond a été introduite pour le paiement des arriérés de charges des copropriétés, ce qui permet d'obtenir assez rapidement des décisions de la part du président du tribunal judiciaire.

Je n'ai rien de plus à signaler concernant les marchands de sommeil. La loi Alur a déjà posé deux limites au moyen de deux procédures de contrôle, à savoir la consultation systématique du casier judiciaire pour les biens à usage d'habitation et l'interrogation systématique du notaire par le syndic de copropriétaires, afin de savoir si l'acheteur est déjà copropriétaire et s'il est à jour de ses charges.

Madame la rapporteure, certaines des mesures que vous évoquez sont déjà en partie appliquées dans le cadre de la loi de 1965. En revanche, d'autres de vos propositions apporteraient un bouleversement du paysage juridique de la copropriété. Il me semble difficile d'aller dans cette direction.

M. David Ros. - Ma première question concerne la taille des copropriétés. En Essonne, deux villes sont concernées par la paupérisation des copropriétés, celles de Grigny et d'Épinay-sous-Sénart. Toutefois, les copropriétés y sont de taille différente et les problèmes n'y sont pas de même nature. Pensez-vous qu'il serait approprié de différencier, dans le cadre législatif, les situations en fonction de la taille des copropriétés ?

Ma seconde question part du fait que les difficultés viennent souvent de gens eux-mêmes en difficulté. Estimez-vous rétrospectivement que ceux qui ont permis aux gens de devenir copropriétaires ont suffisamment informé ces derniers en amont ? Quelle est la responsabilité de ces personnes dans ces situations, et donc dans l'état des copropriétés ?

M. Rémi Cardon. - Ma question concerne la rénovation thermique des copropriétés. Vous avez comme moi suivi l'actualité de ce sujet, qui a bouleversé le secteur et les bénéficiaires des différentes aides. En tant que spécialiste du sujet des copropriétés, avez-vous observé des éléments qui permettraient d'accélérer et de faciliter ces rénovations ?

Tous les articles de presse relatifs à la rénovation thermique des copropriétés insistent sur la lenteur des décisions, ainsi que sur la difficulté pour le Gouvernement d'utiliser l'argent fléché afin de réaliser un maximum de rénovations.

Qu'en est-il de Mon Accompagnateur Rénov', ces gens pouvant jouer un rôle de médiateur ou de fédérateur ? Que faudrait-il regarder lors des prochains mois pour répondre à cet enjeu ? En 2023, les aides versées pour la rénovation énergétique des logements se sont élevées à 2,7 milliards d'euros en dehors des copropriétés, contre 0,35 milliard d'euros pour les copropriétés, ce qui est presque négligeable par rapport à l'ampleur de l'enveloppe.

M. Hugues Périnet-Marquet. - Des copropriétés de taille déraisonnable ont été bâties dans les années 1970 et le projet de loi reprend le mécanisme de scission de copropriétés afin de détruire ces grands ensembles. Une démarche de ce type a été menée au niveau de l'Ensemble immobilier de la tour Maine-Montparnasse (EITMM), qui était à l'origine une copropriété unique comportant un nombre considérable de lots, avant d'être divisée en plusieurs volumes l'année dernière. Cette solution consistant à revenir à des tailles plus réduites par des scissions de copropriétés, soit volontaires, soit sur décision du juge, me semble adéquate.

Concernant les informations qui n'auraient pas été communiquées aux copropriétaires, le sujet est complexe : les acteurs juridiques de l'époque ont fourni les renseignements qui étaient obligatoires à cette période, mais il faudrait rouvrir ce sujet à l'avenir, en indiquant clairement aux copropriétaires que leur statut est bien différent de celui de locataires et qu'ils devront assumer des décisions qui les engageront financièrement.

Au-delà de cet enjeu, peut-être faudra-t-il interroger la pertinence de proposer systématiquement l'accès à la propriété. Certains de nos voisins, tels que l'Allemagne ou les Pays-Bas, comptent une moindre proportion de propriétaires, sans que leurs habitants vivent moins bien.

Quant à la rénovation thermique, les copropriétaires d'un immeuble haussmannien peuvent se poser des questions légitimes face aux coûts élevés qu'elle implique, d'autant plus que les retours sur investissements seront nuls dans un premier temps, ne devenant visibles qu'au bout de plusieurs dizaines d'années. Il est donc difficile de défendre des dépenses qui s'effectueront à fonds perdu pendant une période, quand bien même il est possible d'invoquer une amélioration du confort de l'appartement, ainsi que de moindres dépenses d'énergie.

L'argument de la contribution à la lutte contre le dérèglement climatique me paraît quant à lui peu audible : si tous les Français se montraient vertueux dans la rénovation de leur logement, cela n'aboutirait qu'à supprimer environ 0,3 % des émissions de gaz à effet de serre du pays, qui n'émet lui-même que 1 % du total mondial des émissions.

Cette absence de retour sur investissement de la rénovation thermique constitue un réel obstacle, qu'il est difficile de surmonter sans s'inscrire dans une démarche punitive. De surcroît, l'isolation par l'extérieur de certaines copropriétés est impossible. Je suis de ceux qui pensent que la « valeur verte » liée à la rénovation des appartements n'existe pas, mais que la « non-valeur brune », c'est-à-dire l'absence de travaux, risque bien de faire diminuer leur valeur.

M. Jean-Marc Roux. - Cette rénovation thermique risque effectivement d'être une source d'aggravation de la situation des copropriétés en difficulté, même si des aides existent. Quant à la lenteur des opérations, je tiens à souligner qu'il existe un hiatus entre le calendrier de la rénovation thermique des bâtiments et les outils mis à la disposition des copropriétés, dont le fonds de travaux : prévu par la loi de 1965, il est manifestement insuffisant.

S'agissant de la taille des copropriétés, le rapport de l'Anah publié en 2022 indique que 89 % des copropriétés comportent moins de 50 lots principaux, tandis que 1 % d'entre elles compte plus de 200 lots : très minoritaires, ces copropriétés de grande taille posent davantage de difficultés. Cela étant, la taille de la copropriété a été prise en compte par le législateur à plusieurs reprises sous la forme de textes « à tiroirs », et je ne suis pas sûr que la multiplication des régimes spécifiques soit la bonne solution.

Enfin, l'information des copropriétaires a été l'un des maîtres mots de la loi Alur, qui prévoyait la remise d'un épais dossier au candidat acquéreur au stade de l'avant-contrat, au risque de le noyer sous les données. L'information fournie devrait être plus pertinente, afin d'attirer l'attention des futurs copropriétaires sur certains aspects. Est-il raisonnable de remettre 11,2 kilos de documents sous format papier - le format électronique est désormais envisageable - à un candidat acquéreur ? Pensez-vous qu'un acheteur lambda les étudiera ?

En revanche, la loi Alur avait prévu une notice d'information relative aux droits et aux obligations des copropriétaires : visée dans l'article L. 721-2 du code de la construction et de l'habitat, celle-ci devait remplir une fonction pédagogique, en présentant le rôle du syndic et de l'assemblée générale, en mentionnant l'existence de charges futures et en indiquant qu'il faudra respecter le règlement de copropriété. Or, dix années après l'adoption de la loi, cette notice n'a toujours pas fait l'objet d'un arrêté.

Mme Audrey Linkenheld. - En tant que rapporteure du projet de loi qui est devenu la loi Alur en mars 2014, je me souviens fort bien de cette discussion au sujet de la notice d'information, justifiée par le fait qu'être copropriétaire ne s'improvise pas et s'avère bien plus complexe - voire plus dangereux - que d'être propriétaire. Ce document visait justement à faire prendre conscience à chacun des obligations découlant de ce statut, quels que soient ses revenus.

Nous pourrions profiter du dixième anniversaire de la loi Alur, que nous fêterons la semaine prochaine, pour éclaircir les raisons expliquant qu'un simple arrêté n'ait pas pu être publié...

Mme Amel Gacquerre, présidente. - Merci pour vos précieuses contributions. Les travaux de cette commission d'enquête prendront la forme d'un rapport qui sera publié avant le 31 juillet 2024.

Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.

Audition de MM. Gilles Frémont, président de l'association nationale des gestionnaires de copropriétés (ANCG), Loïc Cantin, président de la Fédération nationale de l'immobilier (FNAIM), Alain Duffoux, président du Syndicat national des professionnels immobiliers (SNPI), Pierre Hautus, délégué général de Plurience, Mme Danielle Dubrac, présidente de l'Union des syndicats de l'immobilier (UNIS) et M. Olivier Safar, président de l'Association Quali-SR

Mme Amel Gacquerre, présidente- Notre commission d'enquête sur la paupérisation des copropriétés poursuit aujourd'hui ses travaux par une table ronde des représentants des syndics et gestionnaires de copropriétés.

L'association nationale des gestionnaires de copropriétés, qui porte les intérêts des gestionnaires, des comptables et des assistants de copropriétés, est représentée par son président, M. Gilles Frémont.

La Fédération nationale de l'immobilier (FNAIM) est représentée par son président, M. Loïc Cantin.

Nous recevons également M. Alain Duffoux qui préside le syndicat national des professionnels immobiliers (SNPI) qui représente, entre autres, les syndics de copropriété.

Nous accueillons également l'association Plurience, qui regroupe des professionnels de l'immobilier au service des copropriétaires et des locataires, et qui est représentée par son délégué général, M. Pierre Hautus.

Mme Danielle Dubrac est également présente en sa qualité de présidente de l'Union des syndicats de l'immobilier (UNIS).

Enfin, l'association Quali-SR est représentée par son président, M. Olivier Safar. Pour rappel, l'association Quali-SR a contribué à l'élaboration d'une certification de syndics de redressement de copropriétés, en fragilité ou en difficulté et a désormais pour mission d'assurer un suivi du référentiel, de procéder, le cas échéant, aux adaptations nécessitées par des difficultés de mise en oeuvre ainsi que de participer aux travaux relatifs à la gestion et au redressement de copropriétés en difficulté.

Madame, Messieurs, en tant que représentants de syndics et de propriétaires, vous portez la voix des acteurs de terrain. Vous êtes ainsi en mesure de témoigner du rôle et des difficultés des syndics au sein des copropriétés en voie de paupérisation ou dégradées.

Nous avions à coeur de vous recevoir, dès le début des travaux de notre commission afin de mieux comprendre le rôle des syndics de copropriétés dans la prévention et l'identification des facteurs qui conduisent à la dégradation des copropriétés. Ces facteurs, nous le savons, peuvent varier selon que la copropriété soit de taille restreinte ou plus importante, ainsi qu'en fonction de sa localisation en zone urbaine ou dans des bourgs.

De même, nous souhaitons vous entendre sur les difficultés que rencontrent les syndics de copropriétés dégradées au coeur de la crise : quels sont les outils dont vous disposez afin d'intervenir le plus en amont possible et éviter les situations les plus critiques ? Quel regard portez-vous sur l'efficacité des dispositifs publics qui peuvent vous accompagner ?

Par ailleurs, quelques jours après la commission mixte paritaire relative au projet de loi sur l'habitat dégradé, pourriez-vous nous indiquer ce qui, selon vous, reste à inventer afin de simplifier les missions des syndics et renforcer leurs outils notamment dans la lutte contre l'accumulation d'impayés et de dettes et le recouvrement des charges, l'identification d'éventuels marchands de sommeil ou plus généralement le processus de dégradation des copropriétés ?

Je voudrais enfin indiquer que la commission a décidé de lancer une consultation sur la plateforme participative du Sénat pour permettre à tous nos concitoyens qui le souhaitent de contribuer à nos travaux. Un questionnaire est en ligne depuis hier. Il est possible d'y répondre en se connectant au site internet du Sénat dans le volet « consultation citoyenne ».

Avant de vous laisser la parole pour répondre à ces premières questions et pour un propos introductif d'environ cinq minutes chacun, il me revient de vous indiquer que cette audition est diffusée en direct et en différé sur le site internet et les réseaux sociaux du Sénat et qu'un compte rendu sera publié.

Je dois également vous rappeler qu'un faux témoignage devant notre commission d'enquête serait passible des peines prévues aux articles 434-13, 434-14 et 434-15 du code pénal, qui peuvent aller de trois à sept ans d'emprisonnement et de 45 000 euros à 100 000 euros d'amende.

Madame et messieurs, je vous invite à prêter serment de dire toute la vérité, rien que la vérité, en levant la main droite et en disant : « Je le jure ».

Gilles Frémont, Olivier Safar, Danielle Dubrac, Loïc Cantin, Pierre Hautus et Alain Duffoux, Alain Papadopoulos lèvent la main droite et disent « Je le jure » chacun à leur tour.

Mme Danielle Dubrac, présidente de l'Union des syndicats de l'immobilier (UNIS)- Nous vous remercions pour cette invitation et, face à un constat négatif sur la paupérisation des copropriétés, nous allons tenter d'élaborer une vision positive et optimiste. l'Agence nationale de l'habitat (Anah) estime que 115 000 des 750 000 copropriétés en France seraient en difficulté. Dans ces copropriétés, les propriétaires n'ont ni les moyens d'effectuer les travaux nécessaires ni les moyens de partir, et demeurent propriétaires d'un logement dégradé, ce qui entraîne de graves conséquences sanitaires et sociales. L'étude d'impact sur le projet de loi relatif à l'habitat dégradé, auquel nous avons participé, indique que 15 % des copropriétés sont considérées comme fragiles. Il convient d'ajouter que les situations les plus graves, concentrées en Île-de-France et en région PACA, sont désormais étendues sur le territoire, puisque dix-sept sites ont été répertoriés sur l'hexagone.

Le parc locatif privé est considéré comme un parc social de fait. En effet, il arrive que des locataires, qui ne parviennent pas à trouver un logement dans le secteur libre ou dans le secteur social, deviennent copropriétaires. 70 % des locataires privés sont éligibles au parc social. La paupérisation représente donc un phénomène plus global que celui des copropriétés. Les impayés, notamment les impayés locatifs et les impayés de charges de copropriété, atteignent une ampleur dramatique dès lors qu'il n'existe pas de principe de solidarité entre copropriétaires pour le paiement des charges, et ce principe ne saurait être mis en oeuvre.

Par ailleurs, la soumission de la prise de décision au vote majoritaire accélère parfois la paupérisation de certaines copropriétés et de certains copropriétaires, puisque certaines décisions et certaines dépenses, faute d'être votées, ne sont pas décidées au bon moment. Cela peut concerner la conservation, la maintenance ou les travaux à mener impérativement. La baisse des recettes locatives en raison, d'une part des blocages, des encadrements et des plafonnements des loyers, d'autre part des hausses de charges dues à la maintenance des équipements, à l'inflation, au prix de l'énergie et à la taxe foncière, impacte négativement l'entretien du parc immobilier. Sur le plan financier et fiscal, nous déplorons la fin des crédits d'impôt et leur remplacement par MaPrimeRénov'. Il convient de s'interroger sur un amortissement des travaux et des charges de copropriété, ainsi que sur un allègement de TVA.

Enfin, les mécanismes légaux de recouvrement des charges de copropriété trouvent leur limite dans les copropriétés dégradées. Le « super-privilège » du syndicat est efficace, à condition que le lot puisse être vendu. Or, dans ces copropriétés, la vente n'est pas toujours possible. Il en va de même pour la procédure accélérée prévue par l'article 19-2 de la loi du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis. Si le copropriétaire n'est pas solvable, le mécanisme est vain.

En dépit de ces constats, nous souhaitons porter une vision positive des copropriétés, à condition de placer le syndic en amont sur la pré-alerte, en situation de coaction, c'est-à-dire qu'il soit associé aux actions de la collectivité dans son ensemble. Je pense ici aux établissements publics de coopération intercommunale (EPCI), aux communes ou aux intercommunalités. Il convient également de placer les syndics en situation de coopération, afin que les petites copropriétés, qui sont souvent non gérées, ou gérées par des copropriétaires bénévoles, puissent être encadrées par des compétences professionnelles.

Nous sommes donc volontaires pour mettre en place un partenariat avec les collectivités locales, et dessiner un cercle de confiance incluant les syndics, les collectivités locales et les services préfectoraux. Les syndics, par les portefeuilles qu'ils gèrent, sont des gestionnaires de collectivités. Nous gérons des communautés et, au-delà du prérequis, nous gérons des personnes. Trop souvent, nous constatons que les syndics sont les derniers informés par les collectivités. Nous proposons qu'ils soient intégrés dans les réflexions et les planifications très en amont. Par exemple, dans la perspective de la construction d'un immeuble, pourquoi ne pas consulter des professionnels de l'immobilier pour réfléchir à la maintenance et à la gestion futures, ou à la constitution du règlement de copropriété ? Les mairies communiquent avec les opérateurs et avec les copropriétaires, mais très insuffisamment avec les gestionnaires que sont les syndics, ou avec les professionnels représentatifs des syndics.

Pour revendiquer ce rôle en amont, nous nous fondons sur le fait que les syndics sont les courroies de transmission des politiques publiques, ce qui n'est pas toujours aisé. Je citerai à titre d'exemples la sobriété énergétique, la rénovation, le bouclier tarifaire, le confinement, ou encore la sécurité. Sur tous ces sujets, les syndics sont présents. Ils contribuent également au recensement des données par l'État, en alimentant le registre national d'immatriculation des copropriétés (RNIC) avec l'Anah, ainsi qu'à l'Observatoire des impayés installé par le gouvernement, auquel ils livrent régulièrement des informations. Ils sont par ailleurs sollicités dans l'usage des lots et des immeubles, au regard notamment de la réglementation touristique des locations de type Airbnb. Enfin, les syndics seront amenés à gérer, et nous nous en réjouissons, les emprunts collectifs votés récemment à la faveur du projet de loi relatif à l'habitat dégradé.

L'UNIS propose un Programme opérationnel de prévention et d'accompagnement des copropriétés (Popac) amélioré, en intégrant rapidement les syndics locaux en cas de difficulté. Lorsque les prémices d'un problème deviennent sensibles, pourquoi ne pas être inclus dans cette organisation ? Nous demandons que les aides prévues soient versées en amont des opérations, et non après comme c'est le cas aujourd'hui. À ce titre, il conviendrait d'ailleurs de maîtriser le dispositif d'aides à un niveau très local, préférable aux délégations. Nous proposons également de créer des cellules « Maison de l'habitat » avec les communes. Des cellules existent, qui permettent aux futurs copropriétaires d'être renseignés sur les aides. Pourquoi ne pas intégrer les syndics à ces structures, et les associer ainsi à la gestion courante de la ville ou de l'EPCI ?

Enfin, nous proposons la mise en place d'administrateurs de biens privés dans un intérêt public, en écho à la notion de syndic d'intérêt collectif inscrite dans le cas du projet de loi. Sur ce sujet, l'expérience de QualiSR peut s'avérer très précieuse. Tenons des conférences locales avec les collectivités, les préfets et les syndics, c'est-à-dire avec tous ceux qui interviennent dans l'acte de gérer, de rénover, de produire et bien sûr de redresser des logements. Nous avons la chance de disposer de registres, desquels il est possible d'extraire des données locales. La mise en place d'un « référent copro » dans les EPCI ou les communes est un dispositif peu onéreux permettant de disposer d'un interlocuteur direct, qui pourrait interpeller ou être interpellé et qui, en cas de crise, serait en mesure de constituer une cellule de crise. Nous sommes très favorables à la prévention. Notre rôle consiste à mieux entendre, mieux s'entendre et mieux faire comprendre la réglementation, afin que les décisions soient prises au bon moment.

M. Gilles Frémont, président de l'association nationale des gestionnaires de copropriétés (ANCG)- Je commencerai par établir quelques constats sur la paupérisation des copropriétés. Premier constat, le patrimoine immobilier est vieillissant. Deux tiers des copropriétés en France sont antérieures à 1970, et parmi elles la moitié sont antérieures à 1914. Les bailleurs sociaux ont engagé depuis quinze ans un lourd processus de rénovation globale, avec des moyens financiers importants et en étant seuls décisionnaires.

Deuxième constat, le renchérissement des travaux et des charges de copropriété est dû à plusieurs éléments, tels que l'augmentation du coût des matières premières et du coût de la main-d'oeuvre, ou l'augmentation de la TVA qui, il y a 20 ans, était fixée à 5,5 % pour les travaux, et qui est passée à 10 %.

Troisième constat, la prévoyance et l'épargne sont insuffisantes dans les copropriétés. Le fonds travaux aujourd'hui représente 5 % du montant du budget prévisionnel, et en assemblée générale on vote rarement au-delà de ce seuil minimum. L'épargne collective n'est pas suffisamment ancrée dans la culture de la copropriété en France.

Autre constat, les montages juridiques pèchent souvent par leur complexité excessive, avec différentes strates d'Associations syndicales libres (ASL), d'Associations foncières urbaines libres (Aful) et de syndicats secondaires. Cette complexité juridique est également sensible dans le montage de certains règlements de copropriété, avec des clés de charges démultipliées. La sophistication concerne la responsabilité des promoteurs, des géomètres, mais aussi des clients acheteurs, qui souhaitent individualiser au maximum les charges dans une copropriété, ce qui entraîne des complications juridiques et de fonctionnement et, à terme, des contestations de charges et des impayés.

De nombreux petits immeubles fonctionnent sans syndic, ou avec des syndics bénévoles. Je ne critique pas les syndics bénévoles, mais le bénévolat suppose une absence de qualification. Les tâches administratives pesant sur les syndics professionnels sont de plus en plus lourdes. La complexité des missions et du droit en général est devenue si importante que le coût d'un syndic professionnel a augmenté, et que les petites copropriétés ne sont plus en mesure de s'offrir ses services.

La paupérisation des propriétaires, de manière générale, impacte le pouvoir d'achat immobilier et les ressources des bailleurs particuliers. Le plafonnement et le gel des loyers, les impayés et les travaux de rénovation énergétique imposés accumulent les coûts. Ainsi, on évalue la quote-part à une fourchette comprise entre 15 000 et 25 000 euros.

J'esquisserai à présent quelques pistes et solutions. Le recouvrement des charges est le nerf de la guerre, et faciliter ce recouvrement par le syndic me semble essentiel. Pour cela, notre première proposition consiste à déroger à l'obligation de conciliation pour le recouvrement des créances inférieures à 5 000 euros, qui fait perdre du temps, augmente le coût du recouvrement, et s'avère inutile en copropriété dans la mesure où il n'y a rien à concilier, sinon un étalement de la dette qui peut être demandé au juge. Il suffirait, pour faciliter le recouvrement, de considérer que la procédure accélérée au fond entre dans les critères de dérogation. Pour faciliter le recouvrement de charges, on pourrait également autoriser le syndic à procéder à un appel de fonds exceptionnel et urgent afin de financer une procédure en cours d'année, qui n'a pas été budgétisée puisqu'elle est par définition imprévisible. Cela permettrait de financer un avocat et de lancer une procédure sans devoir attendre une assemblée générale qui interviendra peut-être trop tard.

Deuxième proposition, il convient de mieux détecter les copropriétés en voie de fragilisation, c'est-à-dire les détecter très en amont. La procédure d'alerte du mandataire ad hoc me semble quelque peu simpliste. La loi sur les copropriétés dégradées l'a révisée, et nous avions formulé des propositions pour enrichir les critères. Ceux-ci en effet se limitent au taux d'impayés, qui n'est peut-être pas suffisamment significatif. Il conviendrait de mettre en place de vrais indicateurs économiques, avec des ratios sur la trésorerie, sur les dettes, les créances, l'épargne, autrement dit une analyse dynamique de l'annexe 1 des comptes présentés. Le syndic serait en mesure de produire cette analyse, avec un système de drapeaux hiérarchisant les degrés d'alerte.

Notre troisième proposition consiste à simplifier les montages juridiques et surtout le droit de la copropriété en général. Il est nécessaire de relancer la codification du droit de la copropriété, qui a été abandonnée par la Chancellerie. À l'époque de la loi Élan, la Chancellerie avait pourtant reçu, par une ordonnance du Parlement, une habilitation à procéder à cette codification. Elle a eu deux ans pour s'exécuter, mais n'a pas tenu cet engagement. Or cette simplification permettrait de rendre plus lisible le droit pour les gestionnaires et pour les copropriétaires. Il suffirait de voter une nouvelle habilitation pour la rendre possible.

Notre quatrième proposition consiste à favoriser une prise en compte sérieuse par les banques des provisions de charges des copropriétaires lorsqu'elles leur accordent un prêt. Les banques devraient systématiquement demander que leur soit communiqué le plan pluriannuel de travaux (PPT). En effet, intégrer les charges de copropriété, notamment les charges travaux, dans un projet de financement immobilier est primordial, et les banques devraient avoir le réflexe, sinon l'obligation, de le faire.

Enfin, dernière proposition concernant l'épargne et la prévoyance, il convient de remonter le taux d'épargne de 5 % à 10 %, voire à 15 %, ce taux pouvant varier en fonction des copropriétés, dont certaines nécessitent un taux d'épargne plus élevé que d'autres.

M. Loïc Cantin, président de la Fédération nationale de l'immobilier (FNAIM)- La paupérisation des copropriétés immobilières et la paupérisation des copropriétaires ne vont pas l'un sans l'autre. Ce sont les copropriétaires appauvris qui font les copropriétés en voie de paupérisation.

Je dois dire que j'ai été très surpris par votre convocation, puisque le thème de la paupérisation des copropriétés avait été largement abordé lors de la préparation de la loi sur l'habitat dégradé. L'Assemblée nationale et le Sénat ont déjà eu l'occasion de s'emparer de ce thème et d'y apporter un véritable traitement.

Vous avez évoqué, Madame la présidente, la loi qui a été adoptée après une commission mixte paritaire. On peut se demander si nous ne sommes pas passés à côté de quelque chose. En effet, le manque de définition de ce qu'est une copropriété paupérisée persiste et m'inquiète. Le recensement de l'Anah fait apparaître plusieurs dénominations : les copropriétés fragilisées, les copropriétés en difficulté, les copropriétés dégradées, et maintenant les copropriétés paupérisées. Nous attendons une définition précise, et une hiérarchisation de ces états. Quand nous les avons demandés au cours de la préparation de cette audition, on nous a renvoyés au critère du taux d'impayés inscrit dans la loi Élan. Toutes les organisations professionnelles se sont élevées contre ce critère, en rappelant que le taux d'impayés ne reflète pas fidèlement la situation d'une copropriété, puisqu'il s'agit d'un instantané très volatil. Nous avons formulé des propositions pour faire de la persistance de la dette un critère d'évaluation de la difficulté d'une copropriété.

L'évaluation de la situation des copropriétés est également basée sur le registre de la copropriété tenu par l'Anah, auquel l'ensemble des professionnels souscrivent et transmettent leurs comptes. Il est possible d'asseoir le critère du taux d'impayés à la date d'arrêté des comptes. Mais, en réalité, on se rend compte que 800 000 copropriétés existaient ou étaient recensées, avant l'application de la loi. Or on en recense aujourd'hui 580 000. Où sont les autres ? Ce sont peut-être elles qui sont en voie de paupérisation. Dès lors, j'estime qu'il convient d'exercer un droit d'inventaire, qui n'est pas assuré actuellement.

Nous, professionnels, assumons notre rôle et l'application de la loi. D'autres, qui sont souvent des syndics bénévoles ou des copropriétés mal administrées, s'en dispensent. Dès lors, il convient de se montrer plus exigeant sur le renseignement qui doit être transmis de façon exhaustive et par toute personne qui prétend à la qualité de syndic, qu'il soit professionnel ou bénévole.

La paupérisation est constatée surtout dans les ensembles mal entretenus. À quoi ce mauvais entretien du patrimoine immobilier est-il dû ? On entend souvent que les petites copropriétés ne trouvent pas de syndic. C'est exact. Elles ne peuvent s'offrir les services d'un syndic professionnel, parce qu'elles sont trop petites ou parce qu'elles sont restées sans syndic de copropriété à l'époque où cela n'était pas imposé par la loi. Dès lors, on demande aux syndics professionnels d'administrer des ensembles en état de délabrement.

Je crois que les collectivités locales ont un devoir d'inventaire. Or ce devoir d'inventaire ne repose plus sur un texte réglementaire. Par le passé, des stratégies volontaires de rénovation d'îlots de quartiers entiers pour lutter contre l'habitat insalubre étaient mises en oeuvre. Il me semble important, comme l'a souligné Madame Dubrac, de créer des partenariats entre les professionnels et les collectivités afin de procéder à cet inventaire. Par ailleurs, si des syndics ne font pas leur travail, il faut les mettre en demeure de le faire, en engageant leur responsabilité.

Il existe certainement des solutions, mais elles sont difficiles à identifier lorsque la mesure de la paupérisation et le devoir d'inventaire font défaut. Il me semble important de procéder à un recensement précis. Nous rencontrons des difficultés avec des copropriétaires au niveau du paiement des charges, ce qui est normal eu égard à la crise de pouvoir d'achat, et à l'inflation de l'ensemble des charges et des postes de charge. En outre, les propriétaires s'inquiètent des nouvelles obligations des copropriétés en matière de rénovation énergétique, que tous ne pourront pas supporter.

M. Alain Duffoux, président du Syndicat national des professionnels immobiliers (SNPI)- Je vous remercie de nous entendre, tout en partageant l'étonnement de Loïc Cantin quant au sujet qui nous réunit ici.

Aujourd'hui, 540 000 copropriétés rassemblent neuf millions de logements. Parmi elles, 20 % sont des petites copropriétés de dix logements, 39 % comprennent de dix à cinquante logements et 41 % comprennent plus de cinquante logements. Il est par conséquent difficile de dresser un bilan général sur des immeubles très différents, situés dans des secteurs géographiques très divers. Une étude serait nécessaire pour préciser le panorama.

Parmi les causes les plus fréquentes de la paupérisation des copropriétés, on peut citer la vétusté des bâtiments, les difficultés de gestion, l'absence de syndic professionnel, les impayés des copropriétaires, les situations conflictuelles entre propriétaires, voire leur désintérêt, ou encore l'augmentation significative des charges de copropriété liée à la flambée des prix de l'énergie. Les travaux réalisés dans les copropriétés sont suivis par les syndics professionnels, ce qui est une chance. Il importe en effet qu'un professionnel soit la cheville ouvrière de l'action des copropriétés sur les travaux, sur la gestion et l'appréhension des besoins de l'immeuble. Le syndic professionnel, qui est formé et régulièrement à jour sur toutes les obligations, opère le lien entre les pouvoirs publics et les copropriétaires afin de transmettre l'information sur les nouvelles réformes. Il est un acteur majeur de la vie de la copropriété. 90 % des charges réglées par les copropriétaires sont des charges de fonctionnement de la copropriété. Si le syndic professionnel représente un coût, il ne représente pas une charge supplémentaire puisqu'il permet de réaliser nombre d'économies.

La flambée des prix de l'énergie impacte lourdement les copropriétés, puisque les charges de copropriété ont augmenté de plus de 30 % en raison de cette hausse des prix. S'y ajoutent le coût des travaux, de l'entretien et la perspective de la rénovation énergétique. En effet, l'exclusion des passoires thermiques du marché de la location et l'obligation de réalisation des travaux d'amélioration de la performance énergétique représentent un coût moyen compris entre 30 et 50 000 euros par logement. Dès lors, la combinaison de ces facteurs risque de faire exploser le nombre de copropriétés fragilisées ou en difficulté dans les mois à venir.

Comme l'a souligné Madame Dubrac, le syndic professionnel doit être alerté au plus tôt par les pouvoirs publics, si ceux-ci détectent une situation dégradée. Réciproquement, le rôle du syndic de copropriété est aussi d'alerter les pouvoirs publics et les associations locales le plus tôt possible en cas de difficulté. Le syndic professionnel est là pour porter les besoins des copropriétaires, et répondre à des difficultés tant passagères que récurrentes. Certains propriétaires qui s'engagent à acheter des biens immobiliers n'évaluent pas toujours les charges auxquelles ils devront faire face dans les années qui suivent leur acquisition.

M. Pierre Hautus, délégué général de Plurience- La paupérisation des copropriétés est un vaste sujet qui mérite en effet une meilleure définition et l'association Plurience souscrit pleinement aux propos qui viennent d'être tenus.

J'aimerais souligner que la bonne santé des copropriétés, au-delà de la simplification et de l'implication des copropriétaires dans cette micro-démocratie, repose avant tout sur la capacité de financement et les dispositifs permettant de financer l'entretien et les travaux au-delà de l'acquisition.

Si l'on met de côté le parc social, il existe deux types de copropriétaires, le propriétaire bailleur et le propriétaire occupant. L'accession à la propriété stagne depuis une dizaine d'années en France, et les copropriétaires occupants ont de moins en moins de marge de manoeuvre pour financer les travaux et les obligations auxquelles ils sont tenus de faire face. De leur côté, les copropriétaires bailleurs, à qui l'on prête parfois une moindre implication dans la vie de la copropriété, puisqu'ils n'y habitent pas, se trouvent dans une situation où la désirabilité de leur investissement a considérablement diminué. On dit toujours que le soutien public à l'investissement locatif est terriblement coûteux, mais on oublie souvent de rappeler qu'il est aussi extrêmement lucratif, puisque selon les chiffres du ministère de l'économie et des finances, il rapporte le double de ce qu'il coûte.

Aujourd'hui, la bonne santé du secteur requiert une injection de sucre rapide et de sucre lent. Le sucre rapide, c'est l'accroissement de l'investissement locatif. Il est nécessaire de multiplier le nombre d'investisseurs en capacité d'apporter des capitaux pour acquérir des biens et les proposer à la location durable, pour des résidences principales. Dans le questionnaire qui nous a été transmis, il est fait référence à la location touristique. Celle-ci répond à une demande en lien avec le développement du tourisme, mais peut-être sommes-nous parvenus au bout de ce sujet. Il me semble plus important de rendre de nouveau désirable l'investissement locatif pour les résidences principales, notamment celles qui se trouvent non loin du lieu de travail des ménages. À cet égard, le ministre du logement a tout à fait raison de vouloir capitaliser sur l'offre et de l'encourager.

Ce sucre rapide, toutefois, ne suffira pas, et il convient d'y ajouter le sucre lent de l'accession à la propriété. Sa stagnation a certes été contrebalancée par une dynamique d'investissement très forte ces dernières années, à la faveur de taux d'intérêt relativement bas. Or, aujourd'hui, cette contrepartie a disparu. Il convient par conséquent de mettre en place une véritable politique d'encouragement à l'accession à la propriété, au-delà de l'investissement locatif.

Pour les propriétaires occupants comme pour les bailleurs, l'évolution de la fiscalité, en particulier concernant la taxe foncière, est un sujet central. Lorsqu'on investit dans un bien pour l'habiter ou pour le louer, on évalue les charges qui vont s'ajouter au remboursement des échéances d'emprunt. Parmi elles se trouvent les charges de copropriété, les travaux à prévoir, l'entretien de la copropriété, mais aussi cette taxe foncière qui, dans certaines villes, pèse un treizième, un quatorzième voire un quinzième mois dans le budget, et qui n'est pas toujours anticipée.

J'aimerais également, plus tard au cours de nos échanges, revenir sur le prêt collectif et sur la question essentielle des marchands de sommeil, qui nous tient à coeur.

M. Olivier Safar, président de l'Association Quali-SR- Je vais tenter de cerner le problème de la paupérisation des copropriétés en quatre points : l'analyse de l'origine du phénomène, sa quantification, les moyens actuellement disponibles, et enfin les améliorations que nous pouvons apporter.

Premièrement, le phénomène de la paupérisation s'explique principalement par plusieurs facteurs. L'organisation des immeubles est parfois complexe : les immeubles peuvent être de grande taille ou divisés en volume, on y trouve des sous-syndicats de copropriété, des syndicats secondaires, des ASL, des Aful. Cette multiplication des structures entraîne une augmentation des charges et une absence de transparence, puisque les copropriétaires finissent par ne plus comprendre ce qui est payé ou non, ce qui est fait ou non, et quels sont les montants en question.

Par ailleurs, l'obsolescence et le vieillissement des immeubles constituent pour les petites copropriétés des problèmes qui sont mal et trop tardivement appréhendés. Lors de la préparation de la loi Élan, nous avions demandé d'y inscrire que le rôle du syndicat porte sur la conservation, l'entretien, mais aussi l'amélioration de l'immeuble.

La politique d'encouragement à l'achat d'appartement a poussé certains à s'engager sur des crédits de quinze ans, voire vingt-cinq ans, sans prévoir le coût des charges de copropriété et des travaux à venir. Ils se trouvent alors face à un mur, puisque ce coût s'ajoute soudain au remboursement de crédit, et les place dans la difficulté.

Le syndic tient un rôle de gestionnaire et non de décisionnaire. Les décisions sont prises par l'assemblée générale, guidée par le conseil syndical. Celui-ci contrôle la gestion du syndic, et intervient sur le suivi et l'organisation de la copropriété. Le problème de gouvernance intervient en cas de désaccord entre les copropriétaires, qui conduit parfois au rejet du conseil syndical et du syndic. Certaines copropriétés en difficulté ont vu passer trois ou quatre syndics en six ans, parallèlement à une valse des conseillers syndicaux. Le syndic est donc en situation d'impuissance lorsqu'il indique les mesures à prendre pour améliorer l'immeuble, puisque la décision finale revient à l'assemblée générale. Or ne pas prendre certaines mesures entraîne une augmentation des charges. Réparer continuellement des fuites revient bien plus cher que de procéder à la réfection d'une colonne.

Enfin, le rôle du syndic consiste aussi à récolter l'argent des charges auprès des copropriétaires, ce que ces derniers ne perçoivent pas positivement. Pourtant, le syndic n'a vocation qu'à entretenir, conserver et améliorer l'immeuble, et les dépenses correspondent aux charges de l'immeuble. Mais lorsqu'il réclame l'argent aux copropriétaires, surtout lorsque les charges augmentent, et on l'a constaté avec la flambée des prix de l'énergie, les réactions peuvent être violentes.

Deuxièmement, sur le plan de la quantification, il existe 577 389 syndicats de copropriété d'après les chiffres publiés en février par l'Anah. D'après des chiffres datant du dernier trimestre 2023, des impayés sont constatés dans 166 385 de ces copropriétés, soit 28 % d'entre elles. Ce chiffre est sensiblement en hausse, puisqu'il s'élevait à 151 000 en 2022, et à 143 000 en 2021. Cette hausse ne concerne que le seul indice du taux d'impayés, qui ne représente pas un critère suffisant. En effet, avant de s'engager sur une copropriété, nous nous enquérons non seulement des procédures de recouvrement en cours, mais aussi des procédures autres que de recouvrement, ainsi que de l'historique, afin de savoir si la copropriété a fréquemment changé de syndic et de conseil syndical, et si des travaux proposés aux assemblées générales ont été votés ou non. Nous avons besoin de cette analyse et nous ne pouvons pas nous contenter du taux d'impayés comme indicateur.

Troisièmement, nous connaissons des difficultés de recouvrement de charges. La modification de l'article 19-2 par la loi Élan a systématisé les condamnations. Auparavant, le magistrat avait la possibilité de condamner ; désormais, la loi indique que le magistrat condamne. Mais, dans les faits, les personnes condamnées sont insolvables, ce qui oblige au bout d'un an à engager une procédure de saisie immobilière, qui dure en moyenne deux ans. Dans certaines copropriétés de trois cents ou quatre cents logements en difficulté, on dénombre jusqu'à vingt saisies immobilières, ce qui est considérable. C'est d'autant plus grave que ces logements seront ensuite acquis par des marchands de sommeil, à travers une société qui ne payera pas ses charges et qui attendra sa condamnation, puis la saisie immobilière. Et le cycle recommencera.

Concernant les financements des travaux, les aides sont aujourd'hui versées sous forme de subventions. Lorsqu'on veut engager des travaux de rénovation énergétique, MaPrimeRénov', sur le principe, s'avère une très bonne idée. En revanche, sa mise en oeuvre est un enfer. Plus on avance dans le système de MaPrimeRénov', plus on le complexifie et moins on arrive à le mettre en oeuvre. Entrer les informations sur le site représente déjà une étape difficile, même si nous bénéficions d'un accompagnateur MaPrimeRénov'.

À ces difficultés s'ajoute la question des banques. Aujourd'hui, seules deux banques permettent vraiment de financer des travaux. D'un côté, Domofinance, qui est une filiale d'EDF et de BNP, est disposée à faire crédit aux copropriétaires, c'est-à-dire à mettre en place le crédit collectif individuel, et monte, certes avec beaucoup de difficulté, l'éco-prêt à taux zéro (éco-PTZ). D'un autre côté, la Caisse d'épargne Île-de-France monte, elle aussi, l'éco-PTZ, également au prix de grandes difficultés, et permet de monter le crédit pour le reste à charge et le crédit court terme pour la subvention, sans garantie d'une autre banque.

Quali-SR a créé un référentiel de redressement des copropriétés en difficulté, comprenant plus de 200 points, plus de 200 analyses et 200 critères. Il convient de former nos confrères sur ce référentiel, même si nous comptons à ce jour 80 membres, et 43 syndics qui interviennent sur des copropriétés en difficulté. Un groupe de travail a été constitué avec l'Anah sur les copropriétés fragiles et nous élaborons un manuel à destination des syndics afin de les aider à repérer la fragilisation des copropriétés. Ce repérage nécessite une interopérabilité entre le syndic, les copropriétaires, les collectivités territoriales et l'État, de manière à avancer de concert. Nous pâtissons souvent d'un manque de communication. C'est pourquoi nous demandons la création d'une cellule de concertation et, au besoin, d'une cellule de crise.

Si une copropriété en difficulté est repérée, il est possible d'éviter, en trois ans ou quatre ans, qu'elle passe au stade de copropriété dégradée. Il faut dix ou douze ans pour sortir une copropriété en plan de sauvegarde de l'ornière, et je n'évoque même pas certaines copropriétés à Grigny ou à Clichy-sous-Bois, où trente ou quarante ans seront nécessaires. C'est pourquoi il est capital d'intervenir en amont.

Outre le repérage et la prévention, il convient surtout de faciliter la mise en oeuvre de travaux, plus encore que de réparations, parce qu'il est important de distinguer la dépense d'investissement de la dépense en urgence. Réparer coûte toujours plus cher que de procéder à des travaux organisés sur le moyen ou le long terme, selon le plan pluriannuel de travaux. D'ailleurs, certains banquiers demandent aux acquéreurs le plan pluriannuel de travaux et modifient les conditions du crédit en conséquence. Ainsi, en cas de travaux à venir, l'acquéreur n'obtiendra pas 100 % de crédit et l'apport obligatoire peut monter jusqu'à 35 %.

Le rôle de Quali-SR est de créer un cercle de confiance incluant les collectivités, les opérateurs, les syndics, les mairies et l'État. Si nous voulons réduire la paupérisation, à défaut de la supprimer, il faudra intervenir sur les points que j'ai mentionnés. Nous allons vous soumettre des propositions en ce sens, notamment sur les problèmes de procédure judiciaire de recouvrement. À ce sujet, il convient de noter que, depuis la création du registre d'immatriculation, une quinzaine de procédures de mandat ad hoc ont été lancées, soit une quantité négligeable. Or de nombreuses copropriétés en ont besoin, comme elles ont besoin que leur syndic soit accompagné dans cette démarche de redressement.

Mme Amel Gacquerre, présidente. - Avant de revenir sur quelques points que vous avez soulevés, je voudrais rappeler le cadre de cette commission d'enquête, puisque certains d'entre vous s'interrogent très légitimement sur sa raison d'être au moment où nous terminons à peine l'élaboration d'un projet de loi sur l'accélération et la simplification de la rénovation de l'habitat dégradé et des grandes opérations d'aménagement. Ce projet de loi fait suite au rapport Hanotin-Lutz sur le renforcement de la lutte contre l'habitat indigne. Ce rapport, remis en octobre 2023, contient des préconisations concrètes et issues du terrain sur l'accompagnement des acteurs locaux dans leurs projets de rénovation.

Certains sujets évoqués aujourd'hui ont, en effet, été abordés dans le cadre de ce projet de loi. Mais je crois qu'à travers vos questions, vos arguments et les éléments que vous apportez, vous répondez vous-même à la question du pourquoi de cette commission d'enquête. Vous vous accordez à constater que la paupérisation des copropriétés représente un véritable phénomène qui, dans un contexte de paupérisation de certains copropriétaires, prend de l'ampleur d'année en année. Vous vous accordez également sur des questions relatives à la quantification, à la définition de certains termes, aux outils à disposition ou encore à l'identification en amont des copropriétés dégradées. Or tous ces éléments ne formaient pas l'objet premier du projet de loi. C'est pourquoi je suis surprise que vous vous interrogiez sur la raison d'être de cette commission. Nous sommes réunis pour aborder un sujet qui doit mobiliser toutes nos forces, parce que cette problématique nous concerne tous. Tel est le sens de notre invitation, et nous sommes en attente de vos propositions. J'abonde dans votre sens sur le manque de définition et de quantification des copropriétés dégradées, et c'est la raison pour laquelle cette commission d'enquête a toute sa place dans le cadre du projet de loi actuellement en discussion. Il ne s'agit pas d'être redondant, mais d'approfondir le sujet.

J'aimerais vous interpeller sur deux points. Premièrement, nous manquons d'informations sur les petites copropriétés. Au cours de nos auditions a été formulée la préconisation d'aller vers un syndic dans toutes les copropriétés, quelles qu'elles soient. Faut-il ajouter des outils supplémentaires afin de permettre une meilleure prise en charge de ces petites copropriétés ? Deuxièmement, j'aimerais connaître vos recommandations à propos de l'impact des obligations de rénovation thermique sur les copropriétés dégradées, et à propos de l'accompagnement de ces obligations.

M. Loïc Cantin. - Un inventaire exhaustif des copropriétés et de leurs difficultés permettrait de dégager des pistes de travail importantes, de même qu'un effort de définition sur l'état de ces copropriétés. Contrairement à d'autres pays, les syndics de copropriété, en France, sont souvent mis devant le fait accompli. Contrairement à l'immobilier d'entreprise, qui se place toujours dans une stratégie préventive et dans la perspective de l'entretien du patrimoine, la stratégie prévalant dans l'immobilier d'habitation est totalement curative, et d'urgence.

Les petites copropriétés sont principalement situées dans les centres-villes, souvent dans du bâti ancien, voire vétuste, qui n'a pas été entretenu. Ce sont ces immeubles qui concentrent le plus de Diagnostics de performance énergétique (DPE) F et G, et le plus d'indécence programmée et à venir. J'ignore comment ces petites copropriétés vont réagir aux obligations de travaux de rénovation thermique. La plupart de ces copropriétés sont déjà confrontées à des travaux de zinguerie, de toiture, de restauration de souches de cheminées. Dès lors, comment engager des travaux de rénovation énergétique dans ce type de patrimoine, qui ne parvient déjà pas à procéder aux travaux essentiels sur la toiture et les éléments de zinguerie ? Il semble impossible à de nombreuses copropriétés de respecter le calendrier de la rénovation énergétique. Nous allons vers de grandes difficultés sur ce patrimoine, puisque l'indécence va rattraper tous les logements, toutes les résidences principales. Cela pose la question des moyens à mettre en oeuvre pour le soutenir.

À une époque, l'Anah fonctionnait grâce à la taxe additionnelle sur le droit de bail, qui permettait d'entreprendre des travaux de rénovation importants, et qui ont permis de rénover des centres-villes. Aujourd'hui, il n'existe plus d'aides pour ce type de rénovation. Le délabrement du patrimoine favorise l'émergence de copropriétés délabrées, mal entretenues, que nous gérons de moins en moins parce que les copropriétaires refusent de payer pour la mission qui est la nôtre, et refusent d'engager les travaux nécessaires.

La paupérisation des copropriétés est due à la difficulté que rencontrent beaucoup de copropriétaires pour faire face aux échéances. Elle peut être moins forte dans les immeubles plus récents, qui réclament moins de travaux d'ampleur. Mais ces immeubles, eux aussi, finiront par être confrontés à la nécessité d'entreprendre des travaux. C'est la raison pour laquelle le fonds de travaux devrait être augmenté afin de prévenir et de faire en sorte que les copropriétaires, dans leur plan de financement, intègrent une dotation de financement suffisante pour les travaux à venir.

M. Olivier Safar. - Je vous remercie, Madame la présidente, de faire preuve de compréhension à l'égard du rôle du syndic et de sa place aux côtés des opérateurs. Il convient de rappeler que le syndic a pour mission de gérer l'immeuble, de l'administrer, de pourvoir à sa conservation et à son amélioration. Quand la communauté des copropriétaires commence à se fragiliser, le travail du syndic augmente selon un rapport d'un à cinq par comparaison à une copropriété sans problème. Et lorsque la copropriété est en difficulté, on passe d'un à cinquante.

Peu de petites copropriétés sont gérées par des syndics, parce que les propositions d'honoraires des syndics, qui sont à la mesure du temps et du travail que représente cette copropriété, ne seront pas acceptées. Par ailleurs, l'accord passé dans le cadre de Quali-SR avec l'Anah, l'UNIS et la FNAIM comportait une aide à la gestion pour les syndics intervenant sur des copropriétés en difficulté ou en plan de sauvegarde. Cette aide existe, mais ne concerne que certains actes complémentaires, et non une augmentation des actes. Or, lorsque dans une copropriété, on passe de deux procédures de recouvrement dans l'année, à vingt-cinq, le travail et le suivi sont tout autres. Il en va de même pour les réparations et l'entretien.

Je citerai en exemple la plus grande copropriété à Paris, qui comprend 1 067 logements. Nous avons lancé, il y a deux ans, des travaux de réfection, de rénovation énergétique, de ravalement et de canalisations représentant un coût de 10 millions d'euros. Nous avons engagé ces travaux parce que nous étions arrivés à 180 déclarations de sinistres dans l'année, ce qui entraînait une augmentation de la prime d'assurance. Dans une telle copropriété, il est possible de faire en sorte que chaque copropriétaire prenne la mesure des travaux qu'il convient de réaliser. En revanche, les petites copropriétés ne sont pas sensibles à cet argumentaire. Il est impossible de faire entendre à dix copropriétaires que le syndic réclame de 6 à 10 000 euros d'honoraires pour assurer le suivi de la copropriété, ce qui paraît compréhensible.

C'est la raison pour laquelle les aides à la gestion de l'Anah ne sont pas toujours bien adaptées. En outre, elles sont versées toujours après coup, et il faut compter entre six et neuf mois pour les percevoir. Ce délai moyen ne concerne que Paris, car dans certaines régions, en Occitanie par exemple, des aides à la gestion préalablement validées ne sont toujours pas versées après trois ans.

S'occuper correctement d'une copropriété réclame du temps. Nous ne gérons pas seulement des copropriétés sans histoires, avec une réunion de conseil syndical par an. Dans des copropriétés de taille pourtant moyenne, nous sommes présents dans certains immeubles toutes les semaines, et certains conseils syndicaux se tiennent toutes les trois semaines, voire tous les quinze jours.

Un plan de sauvegarde d'une copropriété s'étend, en moyenne, sur dix ans. Par exemple, nous comptons sortir du plan de sauvegarde mis en place à Aulnay dans deux ans. Nous allons présenter le projet de travaux avec un budget compris entre 6 et 8 millions d'euros. Malgré les aides et les subventions, le reste à charge sera très important pour certains copropriétaires. Nous les accompagnons, avec la mairie, l'Anah, l'opérateur et le préfet. Sans ces intervenants, nous n'y arriverions pas. Une assemblée générale est prévue en octobre, et je ne suis pas certain d'être en mesure de faire voter ce plan de travaux à cette date. Peut-être faudra-t-il deux ou trois assemblées pour y parvenir.

M. Gilles Frémont. - Je vous remercie à mon tour, Madame la présidente, pour la bienveillance dont vous faites preuve à l'égard des syndics. Nous sommes soucieux de valoriser le travail des syndics, qui est parfois dénigré. Dans les discussions sur la loi relative à l'habitat dégradé, nous avons ressenti avec amertume que les syndics étaient pointés du doigt, comme s'ils étaient responsables des difficultés rencontrées par les copropriétés. En effet, on leur impute les honoraires de l'administrateur provisoire s'ils n'ont pas déclenché la procédure de mandataire ad hoc, dont on sait qu'elle n'est pas un bon outil, ce qui est assez humiliant.

Nous avons des responsabilités importantes, et nous devons disposer des moyens et du pouvoir nécessaires pour les exercer. C'est la raison pour laquelle j'ai proposé de donner la possibilité au syndic de lancer un appel de fonds sans approbation de l'assemblée générale et sans consultation du conseil syndical. Nous aimerions parfois disposer des mêmes pouvoirs qu'un administrateur judiciaire. Or nous sommes constamment soumis à la prise de décision de l'assemblée générale et, de plus en plus, au contrôle du conseil syndical.

J'aimerais que les pouvoirs publics fassent enfin confiance aux syndics, aux gestionnaires, et qu'ils les débarrassent de certaines dispositions légales comme ces pénalités de retard infligées parce qu'ils n'auraient pas envoyé un document à temps au conseil syndical, ou la mise en concurrence obligatoire des syndics, qui est une aberration. J'ai conscience que des associations, notamment des associations de consommateurs, tiennent le discours inverse. Mais c'est bien nous, et non les consommateurs, qui gérons les immeubles. Baisser la garde vis-à-vis des syndics permettra d'ailleurs d'attirer davantage de jeunes vers cette profession, alors que nous souffrons d'une pénurie de gestionnaires et de comptables de copropriété.

La loi nuit à l'attractivité de nos métiers, même si nous portons aussi une part de responsabilité, et que nous devons fournir un effort de communication. Nous manquons de syndics pour les petites copropriétés. Plus aucun syndic ne se tourne vers elles, parce qu'elles ne sont pas en mesure de régler les honoraires. D'ailleurs, la loi pourrait décharger le syndic d'une partie de ces missions lorsqu'il accepte de gérer une micro-copropriété, et permettre la mise en place d'une forme de cogestion avec un président de conseil syndical et un syndic qui serait toujours responsable, mais porterait des missions restreintes et purement comptables.

Il convient également de réfléchir à la modification du contrat type issu du décret de 2015 et figé depuis près de dix ans. La loi pour l'accès au logement et un urbanisme rénové, dite loi ALUR, prévoit pourtant une concertation bisannuelle obligatoire à l'initiative du ministère du logement, en y associant le Conseil national de la transaction et de la gestion immobilières (CNTGI). Cette concertation n'a jamais eu lieu. Ce contrat type sclérosé empêche de proposer une forme de « cogestion », et je mets volontairement le terme entre guillemets parce qu'il n'existe pas à ce jour dans la loi, c'est-à-dire appuyer une micro-copropriété qui voudrait se prendre en main tout en étant accompagnée par un syndic professionnel.

Mme Danielle Dubrac. - Une petite copropriété dispose, naturellement, d'un petit budget. Recourir à un syndic professionnel entraînerait une augmentation de 30 à 50 % de ce budget. Les syndics eux-mêmes ne sont pas intéressés par ce type de gestion et les syndics bénévoles ont trouvé là leur raison d'être. Mais dès lors que survient une situation d'impayé, la copropriété peut vite basculer dans une situation dégradée.

Les procédures ont été simplifiées afin d'aider les syndics bénévoles et des exonérations ont été mises en place. L'idée est bonne du point de vue de la gestion courante de la copropriété, mais lorsque sont abordées des questions de conservation, de planification de travaux, de DPE, de PPT, qui sont nécessaires même dans de petites copropriétés, alors le bât blesse. Effectuer des travaux de rénovation suppose de chercher des financements, éventuellement de faire procéder à un DPE du bâtiment, de présenter un PPT, de contacter des entreprises. Cela représente un travail important, d'ailleurs certaines collectivités locales qui préconisent un accompagnement durant cette phase par un syndic professionnel ne s'y trompent pas.

La mission d'un syndic de copropriété ne peut être externalisée. Un syndic est un ensemblier, il n'est pas seulement un fournisseur, son rôle n'est pas qu'opérationnel. Il informe également les copropriétaires. Ainsi, nos syndicats sensibilisent sur la nécessité de procéder à des DPE individuels pour les copropriétaires occupants et pour les copropriétaires bailleurs, quand bien même ils ne souhaitent pas vendre ou louer dans l'immédiat, de façon à prendre conscience de la situation de leur logement.

Ne craignons pas d'affirmer que nos contrats de syndics ne sont pas suffisamment rémunérés. Ainsi, le syndic est tenu de jouer un rôle d'interface avec les collectivités locales et les services préfectoraux. Or ce service n'est pas rémunéré. Par conséquent, lorsqu'il doit se trouve à gérer des difficultés, il arrive qu'il ne réponde pas à la collectivité ou à la préfecture. Rémunérer ce rôle d'interface, qui est pourtant fondamental et permet de mieux articuler les politiques publiques mises en place par l'État et les collectivités publiques, obligerait les syndics à répondre à toutes les sollicitations. Le cercle de confiance que j'ai évoqué dans mon propos introductif est très important. C'est pourquoi nous insistons sur la nécessité d'obtenir un espace de concertation.

À la question de l'obligation des travaux de rénovation énergétique, notre syndicat a répondu par la négative. Nous prônons, plutôt qu'une obligation, une incitation. Il convient de faire mieux connaître les dispositifs d'aides, et d'exiger des DPE individuels et collectifs, mais nous manquons de solutions de financement. MaPrimeRénov' est un bon dispositif, mais il est absolument impératif de simplifier les aides, tant individuelles que collectives. Le parcours MonAccompagnateurRénov', en copropriété, est souvent la dernière roue du carrosse. Le raisonnement s'opère le plus souvent au niveau du logement individuel, et insuffisamment sur le plan des parties communes. Nous sommes favorables à la rénovation énergétique, pour des raisons économiques et écologiques, mais il faut reconnaître qu'elle est trop compliquée. En outre, le reste à charge est trop important. Pour ces raisons, nous n'avons pas souhaité d'obligation de travaux, mais nous incitons nos copropriétaires à entreprendre ces travaux, en vertu de notre rôle d'interface et de conseil.

M. Alain Duffoux. - Il convient de poser quelques questions de bon sens et de fournir un effort de quantification avant de chercher des remèdes. Aujourd'hui, environ 180 000 copropriétés sont en difficulté. Il serait utile de réaliser une projection sur un an du nombre de copropriétés qui vont basculer dans la difficulté en raison de l'augmentation du coût de l'énergie et en raison du coût de la rénovation énergétique.

Comme nous l'avons indiqué, la paupérisation des copropriétés est d'abord celle des copropriétaires. Si on met les copropriétaires devant le fait accompli alors qu'ils ne disposent pas des moyens nécessaires pour supporter cette augmentation des coûts, je pense que nous allons en effet au-devant d'un calendrier intenable, tant pour les parties communes que pour les logements individuels. Dès lors, la réalisation d'un état des lieux et l'élaboration d'une projection des conséquences de l'augmentation du prix de l'énergie et de ce que représente l'obligation des travaux de rénovation énergétique sont des prérequis nécessaires.

Mme Marianne Margaté, rapporteure. - J'aimerais revenir sur la question de la formation, qui a été brièvement abordée. J'ignore depuis combien de temps les formations auxquelles il a été fait référence sont mises en place. S'agit-il de formation continue ? Ou bien les syndics ont-ils ressenti le besoin d'accroître la formation ? Il existe en effet un décalage entre une gestion courante de copropriété et une situation de difficulté croissante.

Madame Dubrac a parlé d'un cercle de confiance avec les collectivités et les pouvoirs publics. Je pense que cette confiance se gagne et s'entretient. Que pouvez-vous nous dire sur l'intérêt de ce travail en commun, et sur les obstacles à surmonter pour y parvenir ? Vous avez mentionné à ce titre l'absence de rémunération du temps passé à collaborer avec les collectivités.

Par ailleurs, peut-on considérer qu'il existe actuellement un phénomène de concentration des syndics ? Le cas échéant, quels sont les avantages et les risques de cette concentration ?

Enfin, le Premier ministre, lors de sa déclaration de politique générale, a annoncé qu'il souhaitait déverrouiller certaines professions, dont, semble-t-il, les syndics. Qu'en pensez-vous ?

M. Olivier Safar. - Les questions sur la formation ont émergé en 2013. Nous avons créé l'association Quali-SR en 2015, parce que nous nous sommes rendu compte qu'il est impossible de gérer une copropriété dégradée ou fragile comme on gère les affaires courantes d'une copropriété sans histoires. Nous avons par conséquent mis en place le référentiel Quali-SR avec des syndics professionnels, mais aussi en concertation avec des opérateurs tels que l'Union sociale pour l'habitat (USH), Soliha, Citémétrie ou Urbanis. Le gouvernement nous a également accompagnés, en nous demandant de nous rapprocher de l'Anah, ce qui a abouti à la signature d'une convention. Nous formons les syndics avec des formations complémentaires à la formation continue, qui est obligatoire. Le nombre important de lois, de décrets et d'arrêtés qui paraissent chaque année impose cette formation permanente.

Je n'ai aucun doute quant à la nécessité d'établir un cercle de confiance. Ce type d'organisation nous a permis de sortir des immeubles de l'ornière, de faire aboutir des plans de redressement avant leur terme, mais aussi de sortir des ASL et des syndicats de copropriété d'un redressement judiciaire. Nous avons donc besoin de ce cercle de confiance, autant que de formation.

M. Gilles Frémont. - Concernant le déverrouillage évoqué par le Premier ministre, il ne serait pas question de revoir la loi Hoguet, mais de favoriser une mise en concurrence entre les syndics, et de faciliter le changement de syndic. Il me semble qu'il s'agit d'un faux problème. En effet, cette mise en concurrence est déjà très forte, et changer de syndic est simplement conditionné à un vote en assemblée générale, puisque le syndic est un mandataire. Le mot « déverrouillage » est selon moi mal venu, surtout dans un contexte de discours de politique générale, car il semble stigmatiser encore une fois les syndics.

En revanche, il me semble que la déclaration du Premier ministre ne visait pas l'accès à la profession, qui est relativement simple. La loi Hoguet stipule que l'obtention d'une carte professionnelle est soumise à quatre conditions : être titulaire d'un BTS professions immobilières ou faire valoir un niveau bac+ 3, disposer d'une caisse de garantie, souscrire une assurance responsabilité civile professionnelle et présenter un casier judiciaire vierge.

J'ai évoqué précédemment la pénurie de jeunes, qui se détournent de ce métier dans les écoles de formation immobilière. Environ 3 ou 4 % des étudiants en formation immobilière s'orientent vers la copropriété d'habitation, qui représente pourtant un tiers des logements des Français. Le besoin de gestionnaires et de comptables de copropriétés est donc gigantesque. Il convient d'améliorer la formation initiale, qui est sans doute un peu lacunaire. Nous travaillons avec l'université Toulouse Capitole, où nous avons créé une licence et un master droit des affaires parcours juriste de copropriété, entièrement dédié au métier de syndic. Il serait souhaitable de dupliquer ce type de cursus dans d'autres universités.

J'ajoute que nous attendons depuis dix ans la parution d'un décret d'application de la loi ALUR concernant la formation initiale et la première attribution de la carte professionnelle de gestionnaire. Rappelons que les gestionnaires tiennent les assemblées générales à la place du syndic, organisent les réunions de chantier ou montent des prêts collectifs. Les fonctions sont les mêmes que celles du syndic, mais ces gestionnaires peuvent disposer d'une carte professionnelle sans avoir validé aucune compétence.

Mme Audrey Linkenheld- Ayant été co-rapporteure de la loi ALUR à l'Assemblée nationale, je constate avec regret que certaines choses n'ont pas changé. Même après une décennie de débats, nous avons encore besoin d'améliorer la confiance entre nous. Le gouvernement de l'époque et les rapporteurs que nous étions, Daniel Goldberg et moi, n'ont jamais eu pour but de viser une profession en particulier, mais d'améliorer la situation avec le soutien de tous les professionnels du secteur. De même, l'objet de notre commission d'enquête est d'examiner la paupérisation des copropriétés et des copropriétaires, et non d'enquêter sur les pratiques des syndics de copropriété. Nous tentons seulement de cerner ce qui pourrait être ajouté, sur les plans législatif et réglementaire, aux dispositifs légaux déjà en vigueur, afin de lutter contre cette paupérisation.

J'ai bien noté vos remarques sur l'application insuffisante de certaines dispositions légales. Et je constate que les manques concernent les outils utiles aux petites copropriétés. Pourriez-vous formuler quelques indications ou préconisations sur ce sujet ?

Les syndics professionnels ne souhaitent pas prendre en charge de petites copropriétés, pour des raisons de rentabilité évidentes. Les syndics bénévoles, quant à eux, sont en mesure de gérer des copropriétés sans problèmes, mais ne suffisent plus en cas de difficulté. De votre point de vue, comment résoudre cette équation complexe ?

Je souligne encore une fois que l'objectif n'est pas d'identifier, chez les copropriétaires, les collectivités ou les syndics, les responsables de situations dégradées, mais de tenter de trouver des solutions au phénomène, réel, de la paupérisation des copropriétés.

M. Alain Papadopoulos, secrétaire général de Quali-SR. - Le modèle économique des syndics est particulièrement contraint dans les petites copropriétés. Lorsqu'une copropriété se trouve en cours de dégradation, quelle que soit sa taille, la charge de travail devient sans commune mesure avec celle que peuvent supporter les copropriétaires ou les syndics bénévoles dans le cas des petites copropriétés. Dès lors, une intervention publique précoce est nécessaire, sans quoi la dégradation risque de s'amplifier et le redressement de la situation sera de plus en plus onéreux. Cette intervention en amont dans le parc des copropriétés en cours de fragilisation suppose d'aider les copropriétés à supporter une charge de syndic bien plus importante, puisque les conditions économiques normales du marché ne sont plus réunies.

Les dispositifs publics d'aides sont mis en place de manière trop tardive, et les aides à la gestion sont distribuées de manière quelque peu aléatoire. Les circulaires précisent que ces aides à la gestion ne sont pas censées couvrir la gestion courante. Or le problème tient justement à la volumétrie de cette gestion courante.

Les syndics doivent être encouragés à aller vers les petites copropriétés en difficulté. La profession est présente sur tous les territoires, et témoigne de sa bonne volonté. Sur les 80 membres de Quali-SR, 50 ou 60 se déclarent volontaires pour gérer des copropriétés en difficulté, malgré les conditions précaires de ce type de situation. Il ne s'agit pas de distribuer les aides sans précautions ni vérification. Le référentiel Quali-SR est la seule norme méthodologique de gestion d'une copropriété fragile ou en difficulté. Elle porte tant sur la prévention de la dégradation que sur le traitement de ces dégradations, ainsi que sur l'insertion du syndic dans les dispositifs publics. Cette certification, qui sanctionne la maîtrise de cette norme méthodologique, est la meilleure garantie pour sécuriser ces aides. Cependant, il est absolument nécessaire que le modèle économique des syndics soit soutenu, sans quoi nous manquerons de syndics à même d'aller vers les petites copropriétés.

Mme Danielle Dubrac. - Un effort d'explication du rôle du syndic est nécessaire à destination des futurs candidats à la copropriété. Et les syndics eux-mêmes doivent s'efforcer de mieux informer les copropriétaires, par exemple sur les votes des assemblées générales. J'insiste également sur l'utilité de mettre en place un référent dans les communes. Il pourrait entretenir un contact direct et de confiance avec le gestionnaire. Je crois beaucoup à ce dispositif, notamment quant à la compréhension de la réglementation par tous les acteurs. Actuellement, bien que les syndics soient tenus d'échanger avec la préfecture et les collectivités, ils ne le font pas toujours.

Enfin, j'aimerais suggérer qu'en matière de rénovation énergétique, le raisonnement soit produit à l'échelle des quartiers, et non à l'échelle de chaque bâtiment.

M. Alain Duffoux. - Pour répondre à la question sur la concentration des syndics, il convient de noter que nous avons tous dans nos organisations des groupes importants. Au SNPI, par exemple, entre 1 600 et 1 700 professionnels exercent une activité de syndic. Cependant, la concentration est moindre aujourd'hui que par le passé. Il me semble que cette question ne porte pas d'enjeu particulier.

M. Loïc Cantin. - De manière générale, les 580 000 immeubles inscrits au registre des copropriétés, ou plutôt les 800 000 selon nos estimations, représentent 12 millions de copropriétaires. Le patrimoine français est relativement bien entretenu. Les syndics, globalement, font bien leur travail. Cette profession est méconnue et mal aimée. Il faut revaloriser notre image de marque, parce qu'il s'agit d'un métier indispensable. C'est un métier difficile, aussi, qui requiert de multiples compétences. Il suppose d'être technicien et comptable, juriste et psychologue, animateur d'assemblées générales de copropriété. Le législateur, les médias et le monde politique se sont souvent désintéressés de notre sphère d'intervention. J'en ai fait l'expérience en animant des salons de la copropriété auxquels j'invitais des députés, des sénateurs, des maires et des journalistes. Aucun ne daignait venir.

Mme Amel Gacquerre, présidente- Je vous remercie pour vos interventions. En conclusion, j'aimerais souligner deux choses. D'une part, je pense qu'il est toujours utile, pour rebondir sur l'exemple de Monsieur Cantin, de s'interroger sur les raisons pour lesquelles certains ne répondent pas aux invitations, comme il convient de s'interroger sur les raisons pour lesquelles, parfois, on ne répond pas à celles qui nous sont faites. Vous vous interrogez sur votre profession, ce qui me semble relever d'une saine logique, puisque chacun porte une part de responsabilité. D'autre part, nos échanges ont bien montré l'utilité d'un débat sur le sujet de la paupérisation des copropriétés, sujet inépuisable sur lequel nous devons poursuivre le travail.

Enfin, je vous informe que cette commission d'enquête aboutira à la production d'un rapport avant le 31 juillet de cette année. Ce rapport prendra peut-être la forme d'une proposition de loi, mais il est trop tôt pour l'affirmer.

Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.

La réunion est close à 19 h 45.