Mercredi 13 mars 2024

- Présidence de M. Jean-François Longeot, président -

La réunion est ouverte à 10 h 30.

Communication sur la procédure d'examen des nominations dites « article 13 »

M. Jean-François Longeot, président. -- Je souhaite partager avec vous une décision prise par le Bureau de notre commission, qui s'est réuni mercredi 6 mars dernier.

Nous avons décidé de mettre en place une nouvelle pratique concernant la procédure d'examen des nominations dites « article 13 » : un an au plus tard après leur entrée en fonction, les personnalités désignées au titre de l'article 13 de la Constitution seraient de nouveau entendues par le rapporteur ayant conduit l'audition. Cette nouvelle audition - au format rapporteur - vise à mesurer l'écart entre les engagements du candidat devant la commission et ses actions depuis son entrée en fonction et à examiner les conditions dans lesquelles il exerce ses missions.

Cette nouvelle pratique a été expérimentée par Bruno Rojouan, qui avait été désigné rapporteur pour conduire l'audition de Marc Papinutti candidat aux fonctions de président de la Commission nationale du débat public (CNDP) le 3 mai 2023 et a entendu ce dernier pour dresser un premier bilan de l'exercice de son mandat le 23 janvier dernier. Le 6 mars dernier, Bruno Rojouan est venu rendre compte au bureau de la commission de ses principales observations, constatant que Marc Papinutti devait se déporter d'un nombre important de projets en raison de ses fonctions antérieures, ainsi que l'avait craint la commission lors de l'audition « article 13 » de Marc Papinutti. Cette situation semble de nature à remettre en cause le pouvoir de contrôle du Parlement : de fait, lorsqu'il se déporte, Marc Papinutti confie ses prérogatives à ses deux vice-présidents, dont la nomination n'est pas soumise à l'avis du Parlement. Notre bureau a déploré cette situation regrettable.

Le bureau a donc décidé de poursuivre cette expérience à l'avenir, afin de marquer la volonté du Parlement d'exercer pleinement, et dans la durée, le pouvoir de contrôle sur les nominations à certains postes clés par le Président de la République qui nous a été confié par la Constitution. Cette évolution s'inscrit dans le prolongement de la réforme du Règlement du Sénat du 1er juin 2021, qui avait permis la désignation d'un rapporteur chargé de préparer l'audition par toute commission permanente consultée sur un projet de nomination en application de la procédure de l'article 13 de la Constitution.

 « État des ponts des collectivités territoriales : quel bilan 5 ans après le rapport de la mission d'information sur la sécurité des ponts “Sécurité des ponts : éviter un drame” »

Nous consacrons ce matin nos travaux à l'état des ponts des collectivités territoriales. Notre commission est mobilisée sur cette question cruciale pour les collectivités territoriales depuis plusieurs années. En août 2018, l'effondrement du pont Morandi à Gênes a conduit à une véritable prise de conscience sur l'absolue nécessité de maintenir un niveau suffisant d'entretien de nos ponts. À la suite de cette catastrophe qui a provoqué la mort de 43 personnes, notre commission avait pris l'initiative de créer, en octobre 2018, une mission d'information sur la sécurité des ponts présidée par Hervé Maurey, et dont les rapporteurs étaient Patrick Chaize et Michel Dagbert. Je tiens ici à saluer leur travail et leur mobilisation pour faire avancer ce dossier. Dans son rapport d'information publié en juin 2019, cette mission dressait un état des lieux alarmant de la situation. Au-delà d'un premier constat affolant - à savoir le fait que le nombre exact de ponts était inconnu et pourrait s'élever entre 200 000 et 250 000 - cette mission avait tiré la sonnette d'alarme quant à la proportion considérable de ponts dans un état dégradé, puisqu'elle estimait que plus de 25 000 ponts étaient en mauvais état structurel et posaient des problèmes de sécurité et de disponibilité pour les usagers. La mission estimait que cette situation s'expliquait essentiellement par le vieillissement du patrimoine conjugué à un sous-investissement chronique en matière d'entretien et à des lacunes dans la politique de surveillance et d'entretien. Les ponts gérés par les communes et les intercommunalités, notamment celles de petite taille, concentraient a fortiori les inquiétudes des collectivités, ces collectivités indiquant le plus souvent ne pas disposer des ressources techniques ni humaines ni des moyens nécessaires à l'entretien, voire à la réparation des ponts, compte tenu des montants considérables qui sont en jeu.

Près de cinq ans après la publication du rapport d'information, des efforts ont été faits, les travaux du Sénat ayant eu l'effet d'un électrochoc. Le Gouvernement a lancé en décembre 2020 le Programme national ponts dans le cadre du plan de relance. Ce programme permet, dans les communes volontaires, de recenser et d'améliorer la connaissance des ouvrages d'art des communes et, depuis 2023, avec un fonds doté de 35 millions d'euros, de financer la réparation des ouvrages les plus dégradés.

Pour autant, ainsi que le déplore le rapport de suivi des recommandations de la mission d'information de 2019 du sénateur Bruno Belin adopté en juin 2022, ces efforts restent malheureusement insuffisants. Le retard cumulé par rapport à l'objectif de soutien financier aux collectivités territoriales dans l'entretien de leurs ponts atteint déjà 430 millions d'euros sur la période 2021 à 2024. C'est pourquoi la commission propose chaque année, dans le cadre de l'examen du projet de loi de finances, une augmentation de ce soutien financier.

Nous le constatons tous, dans nos déplacements et sur nos territoires, les moyens nécessaires à l'entretien des ouvrages d'art sont considérables. Une action publique plus ambitieuse est aujourd'hui vraiment nécessaire.

Pour évoquer ces différents enjeux, je suis heureux d'accueillir Pascal Berteaud, directeur général du Cerema, Yoann Blais, adjoint au sous-directeur des finances locales et de l'action économique au sein de la direction générale des collectivités locales (DGCL), Éric Ollinger, chef du département de la transition écologique, de la doctrine et de l'expertise technique au sein de la direction générale des infrastructures, des transports et des mobilités (DGITM), Bruno Faure, président du conseil départemental du Cantal, qui représente l'association Départements de France, et Sylvain Laval, coprésident de la commission transport à l'AMF, maire de Saint-Martin-le-Vinoux en Isère et vice-président de Grenoble Alpes Métropole.

Je précise dans un souci de clarté et d'intelligibilité des débats que la table ronde de ce jour ne porte que sur les ponts des collectivités territoriales et non sur les ponts de l'État, qui font face eux aussi à des défis importants.

Je commencerai par quelques questions introductives. Tout d'abord, partagez-vous le constat que j'ai pu donner d'un état des ouvrages d'art des collectivités territoriales qui reste aujourd'hui dégradé ? Observez-vous une poursuite de la spirale de dégradation des ouvrages d'art des collectivités territoriales ou au contraire des améliorations notables ? Les moyens mobilisés pour l'entretien et la réparation sont-ils, selon vous, aujourd'hui suffisants ? Estimez-vous que les collectivités sont suffisamment outillées pour faire face aux défis que représentent la mise en sécurité et l'entretien de leurs ponts ? Sinon, comment d'après vous les soutenir pour faciliter les efforts de surveillance, d'entretien et de réparation de leurs ouvrages ? Enfin, j'aimerais vous entendre sur le bilan des actions mises en oeuvre à l'échelle nationale comme locale pour recenser, évaluer et réparer les ponts. Je pense au Programme national ponts, qui permet de recenser les ponts et d'évaluer leur état ainsi que, depuis peu, de financer leur réparation, mais aussi au soutien en ingénierie, apporté par des opérateurs comme l'ANCT ou le Cerema et par d'autres collectivités. Quel bilan faites-vous de ces initiatives ? Sont-elles adaptées à leur cible ? Comment pourrions-nous améliorer leur efficacité ?

M. Pascal Berteaud, directeur général du Cerema. - Le Cerema s'est très fortement impliqué dans le Programme national ponts, en association avec le Sénat, qui est également fortement impliqué sur le sujet. Nous avons commencé, dans le cadre du Plan de Relance, par un programme de 40 millions d'euros, visant à diagnostiquer les ouvrages des petites collectivités. Cette première partie du Programme national ponts est presque terminée. Nous avons diagnostiqué plus de 45 000 ouvrages, répartis sur 11 500 communes. Avec le Programme national ponts 2, nous allons traiter 3 000 à 4 000 communes supplémentaires. Au total, nous aurons traité plus de 15 000 communes et 55 000 à 60 000 ouvrages. Nous recensons ainsi les ouvrages et réalisons une première évaluation de leur état, ce qui permet d'établir un carnet de santé de chacun d'entre eux, remis à la collectivité territoriale propriétaire. Les ouvrages les plus sensibles ou particulièrement dégradés bénéficient en complément d'une inspection détaillée. Pour le Programme national ponts 1, cette inspection détaillée concernait environ 1 000 ouvrages, le Programme national ponts 2 en concernera environ autant.

Au total, pour répondre à votre question sur l'état des ouvrages, 10 % des ouvrages étudiés nécessitent des mesures de sécurité immédiates et 4 % présentent un désordre grave de structure. Les mesures préconisées sont le plus souvent une restriction de circulation, voire une fermeture à la circulation pour environ 300 ponts dans le cadre du Programme national ponts 1. Récemment, un pont s'est écroulé, alors qu'un tracteur était en train de le traverser. Ce pont avait été diagnostiqué et il avait très clairement été préconisé de le fermer.

Environ 26 % des ponts sont globalement en bon état et 25 % nécessitent des travaux. Parmi ces derniers, 8 % à 10 % nécessitent des travaux ou des mesures d'urgence.

Sur le Programme national ponts 1, le coût de réparation des ouvrages dégradés est estimé à 2 milliards d'euros, dont 400 millions pour les ponts qui nécessitent une action immédiate. Le coût de maintenance des ouvrages est estimé à 160 millions d'euros par an. Le Programme national ponts 2, en cours, accroîtra ce nombre d'ouvrages, mais globalement, ces proportions se vérifient à peu près : 25 % des ponts environ sont en bon état, 50 % en état moyen et 25 % présentent des problèmes, dont 10 % justifiant des mesures immédiates.

Nous avons mis en place en parallèle des accompagnements aux collectivités pour les aider à gérer leur patrimoine, avec des vidéos de sensibilisation, le manuel du carnet de santé, un certain nombre de documents à destination des élus, etc. Nous avons également mis en place des services d'accompagnement opérationnel, avec par exemple le service SOS Pont, grâce auquel une commune peut rapidement entrer en contact avec un expert du Cerema. Nous avons enfin mis en place une communauté ponts sur notre plateforme Expertise territoires, ainsi que des webinaires et des séminaires aussi bien pour les élus que pour les techniciens.

Le Programme national ponts 2, qui a été lancé il y a maintenant six mois, consiste en un deuxième programme d'audit des ponts, notamment pour toutes les collectivités qui n'étaient pas entrées dans le premier programme, soit 3 300 communes supplémentaires. Il s'agit également d'engager un programme de subventions aux travaux. Sur la base du premier ressourcement, environ 9 000 ouvrages présentent des défauts structurels majeurs. L'enveloppe disponible pour ces travaux s'élève à 55 millions d'euros. Nous estimons pouvoir subventionner environ 800 ouvrages, avec un taux maximal de prise en charge de 60 %. Le montant moyen des travaux, tel qu'il ressort des diagnostics, s'élève à environ 100 000 euros, ce qui représente un montant déjà considérable pour une commune de 1 000 habitants.

À ce jour, après cinq mois de mise en place de ce programme, nous avons reçu plus d'une centaine de demandes de subvention : 30 % de ces dossiers sont approuvés, avec un montant global attribué d'un peu plus de 2 millions d'euros et un taux moyen de subvention de 55 %. Seuls 30 % des premiers dossiers sont approuvés, 90 % des demandes rejetées ne respectant pas les critères d'éligibilité stricts (niveau de défaut, taille des ouvrages, absence de diagnostic préalable, montant des travaux, etc.). Nous avons adapté ces critères, d'abord pour les ouvrages régis par la loi Didier, qui n'entraient pas au départ dans le périmètre, ensuite pour les ouvrages de moins de deux mètres et les travaux engagés avant la demande de subvention. Nous essayons donc de faire preuve de pragmatisme.

Il ne faut pas hésiter à proposer au Cerema des dossiers. Pour l'instant, nous n'avons pas reçu énormément de dossiers. Nos subventions peuvent également s'accompagner de subventions du département. En réalité, les plans de financement se montent avec un taux de subventions de 80 %, voire au-delà. Aujourd'hui, le dispositif fonctionne, nous avons introduit de la souplesse. Près de 9 000 ouvrages d'art sont concernés par la nécessité de travaux, il faut que les communes et les collectivités puissent les proposer au financement.

Vous me demandez si les moyens sont suffisants : à ce stade ils le sont, mais si le programme est un succès, ces moyens ne seront plus suffisants. J'aimerais donc pouvoir vous dire dans quelques mois que ces moyens sont insuffisants !

M. Yoann Blais, adjoint au sous-directeur des finances locales et de l'action économique au sein de la direction générale des collectivités locales. - J'interviendrai à titre principal sur le programme 119, concernant les concours financiers accordés aux collectivités et à leurs groupements, qui regroupe les dotations de soutien à l'investissement. Les montants votés en loi de finances initiale sont stables par rapport à ceux de l'année dernière et une circulaire a été adressée aux préfets pour donner des orientations prioritaires en termes de financement d'opérations. Cette circulaire a bien fait état de la possibilité de financer la rénovation et la sécurisation d'ouvrages d'art en complément et en articulation avec les financements qui sont offerts dans le cadre Programme national ponts 2.

Depuis 2018, à travers la dotation d'équipement aux territoires ruraux (DETR), la dotation de soutien à l'investissement local (DSIL) et la dotation de soutien à l'investissement départemental (DSID), ce sont environ 1 000 projets qui ont été soutenus, dont deux tiers au titre de la DETR et un tiers au titre de la DSIL et de la DSID. Ces 1 000 projets soutenus représentent un montant de financement d'environ 125 millions d'euros. Nous avons par exemple accordé une subvention au conseil départemental de l'Allier pour une rénovation d'ouvrage d'art à hauteur de 4 millions d'euros en 2020 ou une subvention la même année pour la reconstruction du pont de Fleurville à hauteur de 1,8 million.

Je tenais également à rappeler la possibilité offerte par le code général des collectivités territoriales, notamment son article L.1111-10, qui prévoit que le montant total des financements accordés par des personnes publiques peut dépasser les 80 % du montant de l'investissement. Cela concerne notamment les ponts et les ouvrages d'art.

M. Éric Ollinger, chef du département de la transition écologique, de la doctrine et de l'expertise technique, direction des mobilités routières. - L'enveloppe du Programme national ponts 2 et celle du Programme national ponts travaux relèvent du programme 203 de la DGITM. Nous sommes totalement impliqués dans la gouvernance de cette programmation et participons au comité qui attribue les subventions travaux en ce moment même.

Vous avez posé la question de l'outillage des collectivités. L'outil SOS Ponts est destiné à aider la collectivité à construire un projet de réparation en répondant à l'ensemble de ses questions, de façon très pragmatique. En plus de cet outil, un guide du Cerema relatif à la gestion de patrimoine d'ouvrages d'art à destination des petites communes est également disponible.

Je voudrais insister sur la surveillance. Sur le périmètre du Programme national ponts, 25 % des ouvrages sont en état structurel problématique, ce qui pourrait montrer une dégradation par rapport au précédent rapport sénatorial, qui évoquait un taux entre 18 et 20 %. La surveillance ne doit donc pas s'arrêter à cette photo, la surveillance doit être réalisée dans la durée.

M. Sylvain Laval, maire de Saint-Martin-le-Vinoux, vice-président de Grenoble-Alpes Métropole, coprésident de la commission transport, Association des maires de France (AMF). - Je ne peux que souscrire au propos précédent. Nous constatons qu'au sein des petites communes, la situation s'améliore peu et lentement. D'autres problèmes apparaissent, puisque les ouvrages étant de plus en plus anciens, de nouvelles dégradations s'ajoutent aux anciens problèmes.

Les communes se réjouissent des programmes de soutien et des accompagnements. Cependant, les difficultés persistent pour les plus petites communes, notamment parce que ces sujets sont difficiles à traiter. Nous pouvons craindre qu'un certain nombre de communes ne s'intéressent pas encore suffisamment, faute de capacités, à ces questions-là. Les états critiques pourraient être supérieurs à 15 000 ouvrages. Plus de la moitié des ouvrages ont été construits avant 1950, et le temps faisant son oeuvre, les besoins et les nécessités augmentent.

Je veux me faire ici le porte-voix des plus petites communes par rapport aux critères d'éligibilité et notamment sur le seuil de deux mètres. J'ai bien entendu que le Cerema en avait conscience et essayait d'améliorer la situation. Nous ne pouvons que nous en réjouir. Nous sommes sensibles au fait que ces situations soient tout autant accompagnées et ne soient pas écartées.

Nous nous réjouissons de l'existence du dispositif d'accompagnement. Néanmoins, les critères d'éligibilité posent des difficultés pour les plus petites communes. Évidemment, nous savons que le Cerema est à leur disposition. Le remplissage des dossiers est de plus en plus complexe. Une grande précision est demandée dans les pièces à fournir. Or les petites collectivités ne disposent pas de l'ingénierie ni des moyens pour y faire face, ce qui peut limiter les candidatures. Pour autant, je veux souligner ici que le service SOS Ponts mis en place par le Cerema, est très utile.

Je voudrais aussi évoquer la question des ponts dits sous convention qui sont exclus du dispositif, alors que ce sont des travaux importants aussi pour les collectivités. Ces ponts remplissent aussi des fonctions qui ne sont pas négligeables et mériteraient de faire partie également du programme. Nous nous permettons d'insister sur ce point.

Je voudrais dire quelques mots sur la jurisprudence de la voie portée. Il faut souligner l'avancée de la loi Didier de 2014, mais nous avons besoin que les conventionnements avancent. Or nous constatons aujourd'hui que cette question n'avance pas suffisamment, puisque de nombreuses conventions ne sont pas signées pour les ouvrages. Cela pose des difficultés. Pour le réseau routier national, la situation a avancé, mais ce n'est malheureusement pas le cas pour les infrastructures des communes et des intercommunalités, notamment sur le réseau fluvial des voies navigables et sur le réseau de la SNCF. Or nous aurons besoin que cette question progresse, car elle engage la responsabilité de nombreux élus en matière pénale.

Je voudrais revenir sur la question des intercommunalités et notamment des métropoles, qui disposent de la compétence voirie. Ces intercommunalités ont récupéré ces ouvrages d'art par transfert de communes qui, elles-mêmes, ne disposaient pas de moyens considérables pour les entretenir. Elles ne sont pas toutes 100 % urbaines et comptent des parties périphériques, avec des zones de coteaux ou de montagnes, avec des ouvrages d'art extrêmement dégradés qui nécessitent des investissements importants sans budgets spécifiques ni supplémentaires.

Je voudrais enfin m'arrêter sur un dernier point, l'expérimentation que l'État a menée sur les betteravières de plus de 48 tonnes, dans un certain nombre de départements. Cette expérimentation s'est achevée en avril 2023 et autorisait la circulation des camions très lourds, pouvant peser jusque 48 tonnes. Il semblerait que l'État se dirige vers une pérennisation de ce dispositif par voie réglementaire. Nous sommes très inquiets sur ce sujet-là, qui engage la capacité des ouvrages d'art à supporter un poids plus important. Il conviendrait de s'assurer de la résistance de ces ouvrages avant de laisser librement circuler ce type de camions très lourds, ce qui pourrait engager la responsabilité pénale des propriétaires d'ouvrages et donc des maires et des présidents d'intercommunalités. Ce sujet est très préoccupant.

M. Bruno Faure, président du conseil départemental du Cantal, association Départements de France. - Les Départements sont largement impliqués dans la voirie d'une manière globale, avec plus de 400 000 kilomètres de routes et environ 118 000 ponts auxquels s'ajoutent les murs de soutènement. Les départements ont une très bonne connaissance de ce patrimoine, 50 % de ces ponts étant inspectés chaque année, en fonction des territoires et des moyens humains. Si les deux tiers sont jugés de bonne qualité, un peu plus de 1 % de ces ouvrages présente des structures altérées, des limitations de tonnages ont été apportées. Pour le dernier tiers, des travaux doivent être menés, mais qui ne sont pas urgents.

Les difficultés rencontrées par les départements sont celles que rencontrent les autres collectivités, à savoir des difficultés de financement. Certains départements disposent de moyens financiers plus importants. Les départements de montagne ou présentant de faibles capacités financières, consacrent de 12 % à 20 % des sommes dévolues aux grosses réparations aux ouvrages d'art. L'État peut intervenir à travers la DSID, qui n'augmente pas cependant. Les moyens de l'État restent donc limités. Pour l'association Départements de France, le coût du financement de ces ponts équivaut à celui du financement de la route, sur laquelle de nombreux prélèvements sont opérés, sans pour autant financer directement l'entretien de la route. Il semble nécessaire de prévoir un fonds spécifique pour la maintenance de ces ouvrages d'art, alimenté par les amendes de police, la TICPE, la taxe à l'essieu, etc.

Nous constatons le rôle positif du Cerema. Davantage de moyens pourraient lui être octroyés, pour qu'il devienne davantage un animateur technique de nos agents. J'appelle votre attention sur un risque de perte de compétences, avec les départs en retraite à venir dans les départements.

Enfin, je tenais à souligner les difficultés rencontrées lorsqu'on intervient sur les ponts, en ce qui concerne le dossier Loi sur l'eau, les problèmes relationnels avec les architectes des bâtiments de France(ABF) et la SNCF.

M. Hervé Maurey, président de la mission d'information sur la sécurité des ponts . -- Merci, Monsieur le Président, de votre invitation. Je tenais à saluer cette initiative, ce suivi des travaux parlementaires est tout à fait essentiel, au-delà d'un simple rapport d'information. Cette opportune table ronde s'inscrit dans le prolongement de tous les travaux de suivi précédents.

En 2019, la commission a créé cette mission d'information. Avec Patrick Chaize et Michel Dagbert, nous avons investigué le sujet. Ce qui m'a alors frappé, c'est que les élus locaux ignoraient souvent le patrimoine que représentent les ponts, notamment le nombre de ponts que comptait leur territoire. Le premier rapport d'information a permis une certaine prise de conscience de la part des collectivités, y compris des départements. Les communes et les intercommunalités se sont davantage souciées de cette question. Cependant, les communes ne disposent pas des moyens techniques, humains, ni financiers leur permettant de faire face à cette situation. Nous regrettons que l'État ne leur ait pas octroyé les moyens nécessaires pour ce faire. La mission concluait en effet qu'un plan Marshall était nécessaire, à hauteur du versement de 130 millions d'euros par an en faveur des collectivités locales pour l'entretien de leurs ponts. Avec beaucoup de difficultés, nous avons obtenu seulement 110 millions d'euros au total de 2020 à aujourd'hui. Le Cerema fournit un travail tout à fait remarquable que je salue, mais ce n'est pas suffisant.

Dans le même temps, les dossiers de demande de financement ne sont pas suffisants. Ceci s'explique par deux raisons. Premièrement, la complexité des dossiers dissuade les collectivités territoriales de toute initiative. D'une façon générale, les demandes de l'État se complexifient. Il convient donc de simplifier les dossiers et les procédures. Je précise ici que les ponts ne sont pas éligibles à la DETR dans tous les départements. Ce sont en effet les commissions départementales de la DETR qui prennent ces décisions.

Deuxièmement, le Cerema et les services qu'il peut apporter - dont je salue la qualité - sont insuffisamment connus des élus. Monsieur le Directeur général, je vous invite et vous implore à faire plus de communication en direction des élus pour identifier davantage de ponts à traiter. Vous avez donc traité 1 000 ponts et espérez en ajouter 800 dans le cadre du Programme national ponts 2, soit un total de 1 800 ponts, encore très éloigné des 100 000 ponts relevant du domaine communal.

M. Jean-François Longeot, président. - Effectivement, les élus se posent de nombreuses questions. Nous devrons évoquer notre présente table ronde dans nos Newsletters et d'autres canaux, pour informer les maires de l'accompagnement et des aides existants. Lorsque les maires ignorent les structures auxquelles ils peuvent s'adresser, les sénateurs ont un rôle à jouer.

M. Jean-Yves Roux. - Je souhaite intervenir en ma qualité de co-rapporteur de la mission conjointe de contrôle sur les inondations survenues en 2023 et au début de l'année 2024. L'actualité a rappelé de manière dramatique les enjeux sensibles posés par les ouvrages d'art en cas d'épisodes d'inondations. Les inondations causées par la tempête Monica dans le département du Gard ont fait plusieurs victimes ces derniers jours. Toutes tentaient de traverser en voiture un pont submersible. Ce type d'ouvrage d'art sans parapet est conçu pour laisser s'écouler l'eau au-dessus du tablier en cas de crue. Il peut toutefois s'avérer très dangereux s'il est traversé lors d'une inondation.

Disposez-vous de chiffres quant au nombre de ponts submersibles en France ? Selon vous, les mesures mises en oeuvre pour assurer la sécurité des usagers de ces ponts sont-elles suffisantes ? De quelle manière pourrions-nous les renforcer ? Comment mieux sensibiliser les populations sur les dangers associés à la traversée d'un tel pont durant les crues ?

Je souhaiterais également vous interroger plus largement sur le sujet de la réparation des ponts après les inondations. Les inondations des derniers mois ont largement endommagé les ouvrages d'art des collectivités territoriales, s'ajoutant aux autres dommages causés par cette catastrophe naturelle. Disposez-vous d'une estimation de l'impact financier sur les ponts des collectivités territoriales des inondations survenues fin 2023 et début 2024 ? Un soutien de l'État est-il prévu afin de permettre aux collectivités territoriales d'assurer la prise en charge de ces réparations ? Enfin, comment pourrions-nous réduire la vulnérabilité des ouvrages d'art des collectivités territoriales à ces épisodes d'inondations qui vont se multiplier durant les prochaines années du fait du changement climatique ?

M. Hervé Gillé. - Nous pouvons être inquiets au regard des exposés que vous avez pu faire aujourd'hui. Nous constatons que le nombre de dossiers n'est pas suffisant et que nous n'allons pas assez vite, ce qui nous empêche de rattraper le retard qui s'accumule. Si nous devions réellement faire face à la demande nécessaire, nous manquerions d'argent.

Il faut donc construire un véritable schéma stratégique partagé de réhabilitation et de réparation des ponts, avec des objectifs communs entre l'État et les collectivités territoriales. Cela nous permettrait également de définir le cadencement nécessaire en la matière.

La situation est d'autant plus préoccupante que, souvent, la variable d'ajustement des collectivités territoriales correspond aux travaux à mener sur les routes et sur les infrastructures. Avec les difficultés budgétaires que connaissent aujourd'hui les collectivités, des priorités devront être définies, au détriment des objectifs desquels nous discutons aujourd'hui. J'aimerais connaître votre avis sur ce sujet.

Louis-Jean de Nicolaÿ et moi-même avions déposé des amendements au projet de loi de finances 2024 pour obtenir des moyens supplémentaires, mais ces moyens supplémentaires sont inutiles, en raison de l'insuffisance des dossiers pour alimenter cette stratégie nationale. Cette situation est particulièrement préoccupante au regard des 25 % de ponts nécessitant des travaux et des 10 % de ponts nécessitant des travaux urgents. Quelle programmation de travaux faudrait-il mettre en place sur ces ouvrages qui nécessitent des interventions urgentes ?

Je souhaitais également interroger le représentant des Départements de France sur le transfert des sections de réseaux routiers nationales non concédés. Je crois savoir que votre département n'a pas souhaité s'engager dans cette démarche. Ces ouvrages et ces réseaux continuent de se dégrader. Il s'agit aujourd'hui d'un sujet préoccupant pour les collectivités, notamment départementales.

Le rapport annuel de la Cour des comptes, publié hier, nous alerte par ailleurs au regard de la vulnérabilité des ouvrages liée au changement et à l'adaptation climatiques. Il s'agit d'un sujet préoccupant sur lequel j'aimerais avoir vos points de vue. Quelle est la stratégie à moyen et long termes sur ces sujets ?

Enfin, ces ponts sont souvent aujourd'hui questionnés sur le sujet de l'intermodalité et des mobilités douces. Ces sujets sont préoccupants et nous constatons un manque de vision d'accompagnement et de stratégie.

Pour terminer, je relèverai l'appel lancé pour que le Cerema soit encore plus accompagnateur. En Gironde, votre organisme est suffisamment connu, mais nous observons une demande, en lien avec la complexité des dossiers. Une mission d'accompagnement plus forte nous permettrait d'aller plus vite et plus loin.

M. Louis-Jean de Nicolaÿ. - Monsieur Gillé a largement anticipé mes questions. Comme rapporteur pour les budgets de la cohésion des territoires, nous avons en effet travaillé sur ce dossier. Nous avons constaté un besoin de 430 millions d'euros pour résoudre, en très grande partie, l'ensemble des problèmes auxquels nous faisons face. Nous avions proposé des amendements portant à 40 millions par an le soutien de l'État à la réfection des ponts qui n'ont pas été retenus dans le texte définitif.

Cela étant dit, la complexité des études est telle qu'il ne semble pas opportun de prévoir des crédits, si ceux-ci ne sont pas utilisés. Cela prouve que ces mécanismes ne fonctionnent pas de façon satisfaisante, notamment au niveau des départements.

Je tiens aussi à féliciter le Cerema du travail exceptionnel qu'il réalise. Cependant, nous ne pouvons pas solliciter la DSIL pour financer les études, car les maires, sauf en cas d'accident grave, font passer la problématique des ponts après leurs investissements. Au niveau départemental ou au niveau régional, il faut définir les crédits à attribuer à la réalisation des ponts, sans que cela passe par des décisions de DETR et de DSIL. Il s'agit là d'un travail important que doit réaliser le Cerema avec l'État pour permettre de trouver des solutions.

Par ailleurs, des outils comme Waze et Google sont-ils alertés des difficultés rencontrées sur les ponts, notamment lorsqu'ils engagent les véhicules à emprunter des voies secondaires en cas de déviation en raison de travaux ?

Enfin, la simplification des dossiers me semble essentielle, pour gagner en efficacité.

M. Damien Michallet. -Localement, au niveau des départements, nous ne savons pas toujours que nous pouvons être accompagnés par le Cerema. Ls dossiers sont aussi bien trop complexes : certains élus décident donc de ne pas recourir aux dispositifs existants. Il est finalement simple de prévoir des budgets qui ne seront pas consommés en raison de cette complexité.

Je tenais également à évoquer l'entretien des ponts et leur maintenance, sur les années et décennies à venir. Quelle sera la responsabilité de l'élu passée cette période ? Comment accompagner l'entretien de ces ouvrages ?

Mme Christine Herzog. - J'aimerais poser une question à Monsieur Ollinger. J'ai été interpellée par des communes de Moselle et celle d'Imling concernant l'entretien des ponts qui surplombent les voies ferrées d'importance, notamment la ligne TGV. Sur ce sujet, j'ai adressé un courrier à la SNCF, qui renvoie les travaux à la charge de la commune même si, lors de la construction, la SNCF n'existait pas dans sa forme juridique actuelle. Or la commune d'Imling ne dispose pas des ressources lui permettant d'investir dans un tel projet. Quelle pourrait être la porte de sortie raisonnable d'un tel enjeu ?

M. Jean-Claude Anglars - Dans les départements, comment la coordination avec les préfets est-elle organisée, notamment pour accompagner les communes rurales ?

Nous sommes toujours inquiets lorsque des lignes budgétaires sont prévues, mais ne sont pas consommées. Nous savons le regard du ministère des Finances sur ce sujet. Quel est le taux de consommation de la DTER au niveau national ?

M. Pascal Berteaud. - Nous pouvons nous féliciter de ces nombreuses questions, qui montrent que ce sujet intéresse.

En ce qui concerne la simplification des dossiers et l'utilisation des crédits, nous en sommes au début du processus. Il n'est donc pas illogique que le démarrage soit lent. Lorsqu'on lance une politique de subventionnement, cela peut prendre du temps. Cette situation n'est pas anormale.

Nous avons essayé de bâtir un dossier qui soit le plus simple possible, mais quand il s'agit de réparer un ouvrage d'art, une étude technique sérieuse doit être menée au préalable, notamment pour prendre en compte des questions de tonnage qui n'étaient pas d'actualité il y a un siècle. La plupart des refus de subventions correspondent à des dossiers qui n'étaient pas mûrs. Effectivement, il faut simplifier au maximum les procédures, le dossier, mais, sur le plan technique, il convient de faire preuve de rigueur. Le service SOS Ponts et un dispositif d'assistance aux collectivités ont d'ailleurs été mis en place pour assister les collectivités.

Par ailleurs, effectivement, à chaque inondation, notamment dans le sud-est de la France, nous devons faire face à cette problématique des radiers. En 2020, le Cerema a fait paraître un guide sur ce sujet, indiquant comment gérer ces radiers et faisant état de l'interdiction en cas de pluies. Je ne dispose pas d'information concernant les récents événements, pour lesquels des enquêtes sont en cours. Au cours des 40 dernières années, j'ai cependant constaté que des gens trouvaient la mort en voulant franchir un radier, alors qu'un gendarme le leur avait interdit quelques instants plus tôt. Les gens ne se rendent pas toujours compte de la dangerosité de ces situations.

Je ne dispose pas des chiffres relatifs aux réparations suite aux inondations de 2023. Ces situations se chiffrent cependant souvent en dizaines de millions d'euros.

Je souscris tout à fait à l'intervention relative à l'intermodalité, qui ajoute un degré de complexité.

L'entretien des 50 000 ouvrages diagnostiqués représente environ 160 millions d'euros chaque année. Il faut considérer que le travail que nous sommes en train de mener constitue un bon début, qui n'épuisera pas le sujet néanmoins.

Nous avons beaucoup progressé dans la connaissance du Cerema par les élus. Il nous reste toutefois encore beaucoup de chemin à parcourir. Nous avons essayé de mettre cette expertise à disposition. Dans le cadre du plan « villages d'avenir », un expert du Cerema sera la tête de pont de notre établissement auprès des collectivités rurales. Cette expérimentation sera menée dans vingt départements. Le Cerema compte 23 implantations en métropole. Contrairement à la plupart des autres organismes, nous sommes un organisme totalement provincial puisque nos experts sont implantés uniquement dans les régions, sur l'ensemble du territoire.

Nous pourrions cependant aller encore plus loin et prévoir un jour des subdivisions départementales du Cerema, pour une proximité accrue avec les territoires. Le Cerema compte 830 adhérents, et bientôt 870, dont 350 à 400 intercommunalités et 350 et 400 communes, 80 % des départements et toutes les régions. Nous revendiquons notre mission d'accompagnement et considérons que nous avons pour mission d'agir en tant qu'experts auprès des élus et des territoires. Il faut néanmoins tenir compte de la question des moyens. Entre 2017 et 2022, les effectifs du Cerema ont été abaissés de 20 % et sa dotation pour charge de service public, de 25 %. Cette situation est en train de s'inverser en 2024, particulièrement grâce au Sénat, mais il faut tenir compte de cet historique.

M. Éric Ollinger. - Avec le Cerema, au moment de la mise en place du dispositif, nous avons adressé un courrier à chaque commune éligible pour lui proposer d'y participer. Nous nous sommes également adressés aux directions départementales des territoires pour diffuser l'information sur le dispositif, nous avons organisé des webinaires, etc. Effectivement, cela ne semble pas suffire et il convient de continuer à diffuser cette information, y compris la diffusion de cette table ronde sur le site du Sénat.

Pour revenir sur la complexité des dossiers, les éléments demandés sont nécessaires pour passer les marchés de travaux. Il ne s'agit donc pas d'éléments supplémentaires ni inutiles.

En ce qui concerne la question de Monsieur de Nicolaÿ et le fait que la DSIL ne finance pas d'études, je précise que le Programme national ponts finance bien ces études réalisées en amont des travaux.

M. Jean-François Longeot. - Je vous entends, mais nous devons essayer de nous adapter. Lorsqu'un maire d'une commune de 135 habitants doit réaliser des travaux sur un pont, il doit faire face à de multiples interlocuteurs et de multiples difficultés. Cette adaptation est cruciale. Le plus important n'est pas uniquement le financement, mais le conseil et l'appui aux élus qui sont souvent seuls, alors qu'ils sont poussés par leurs administrés.

M. Éric Ollinger. - Le dispositif SOS Ponts constitue une bonne réponse à cette problématique, afin d'accompagner pas à pas le maire dans l'élaboration de son dossier. À tout moment, le maire peut poser une question et obtenir une réponse sur l'étape suivante.

M. Pascal Berteaud. - Nous partageons votre constat, ce qui nous a amenés à bâtir SOS Ponts, justement pour accompagner les maires de communes rurales. Nous constatons ce besoin d'assistance de proximité.

M. Thomas Fauconnier. - Nous évoquions tout à l'heure les dépenses d'ingénierie. Les dépenses d'ingénierie qui sont attachées à des ouvrages d'art peuvent constituer des dépenses accessoires à des dépenses d'immobilisation et peuvent ainsi entrer dans le champ du Fonds de compensation de la taxe à la valeur ajoutée (FCTVA).

J'ai entendu votre propos sur la simplification. Nous avons essayé de nous articuler avec la DGALN, afin d'éviter de devoir déposer un même dossier au sein de plusieurs services administratifs, mais que les services communiquent entre eux sur ces dossiers.

Concernant votre inquiétude sur la consommation des crédits, je peux vous rassurer. Le taux d'exécution des DSIL et DETR oscillera entre 99,6 %, 99,9 %. L'ensemble des enveloppes sont donc bien consommées.

M. Bruno Faure. - La quasi-totalité des conseils départementaux travaillent avec des agences d'ingénierie, nombre d'entre elles ayant développé des prestations sur les ouvrages d'art, en lien avec le Cerema.

Il ne faut pas éluder le problème de la réglementation et notamment de la loi sur l'eau. Lorsque nous diagnostiquons des ponts fragilisés, avec la nécessité d'intervenir en urgence, il est souvent indiqué qu'il faut attendre la période d'étiage. Les élus sont décontenancés face à ces réglementations.

Une question a été posée sur le transfert du réseau des routes nationales. Pourquoi l'État a-t-il voulu transférer des milliers de kilomètres de routes ? La réponse est simple : dès lors qu'il n'est plus en capacité de le faire, il veut transférer cette responsabilité. Aujourd'hui, seuls 14 départements ont validé ce transfert. Ce transfert concerne en effet un patrimoine vieillissant, avec des règles de compensation qui ne sont pas du tout favorables. La remise en état des ouvrages d'art n'est pas prise en compte dans le cadre d'un transfert, qui consistait à faire payer notamment au département un manque d'entretien et de modernisation du réseau routier national. C'est pourquoi les départements n'ont pas été au rendez-vous. Cela se traduit dans les nouveaux contrats de plan État-région par une diminution des crédits fléchés vers les routiers nationaux. L'État n'a pas envie d'investir sur le réseau routier, alors même que celui-ci est vecteur de nombreuses taxes.

M. Sylvain Laval. - Les petites communes n'ont pas toujours eu conscience qu'elles étaient propriétaires d'un ouvrage, dont elles ne se sont donc pas occupées pendant des décennies. Les ouvrages ont parfois été construits à des époques où il n'y avait pas de diagnostics techniques. Ces clarifications occupent beaucoup les collectivités, notamment en cas de transfert.

Je voulais aussi revenir sur la loi « 3DS » et sur la possibilité de transfert des routes nationales aux collectivités, départements ou métropoles. La métropole de Grenoble n'a pas demandé de transfert, s'agissant de zones de circulation très denses, qui sont souvent des portions de voies express, de rocades, ou des routes qui comportent des ouvrages d'art très importants, et notamment des ponts. Nous n'avons absolument pas été demandeurs de ce transfert, puisqu'accepter le transfert, c'est accepter l'héritage en l'état et donc devoir investir encore davantage.

Le changement climatique et son impact sur les ouvrages ont été évoqués. Nous y sommes très fortement confrontés dans nos stratégies de travaux et d'investissement. Les phénomènes climatiques provoquent des dégradations beaucoup plus importantes, qui non seulement nécessitent des réparations, mais aussi des adaptations des usages de ces ponts. Des aménagements piétons ou en pistes cyclables deviennent aujourd'hui nécessaires et nécessitent des investissements supplémentaires. Ils posent aussi parfois des problèmes techniques, parce qu'un pont très ancien n'est pas forcément prévu pour supporter des charges lourdes ou un encorbellement pour faire passer ces nouveaux usages. C'est souvent même une reconstruction totale du pont qu'il faut envisager dans ces situations. Or en matière d'arbitrage budgétaire des moyens des collectivités : les ponts ne sont pas toujours la priorité.

Pour revenir sur le sujet des ponts qui franchissent les voies ferrées, nous avons constaté que la SNCF ne s'engageait pas, mais renvoyait la responsabilité aux collectivités. Cependant, sa capacité de blocage et d'action est considérable, puisqu'elle maîtrise les créneaux de travaux, car cela impacte la circulation des trains. Nous devons donc initier un dialogue avec la SNCF, pour accélérer ces opérations. Lorsque nous sommes face à des ponts avec des enjeux de sécurité ou d'effondrement, on nous dit que l'on ne peut rien faire avant trois ou quatre ans parce que les sillons de travaux ne sont pas prévus. Que fait-on dans ce cas ? Notre responsabilité pénale étant engagée, nous prenons des arrêtés de limitations de tonnages - que nous n'avons, au demeurant, pas toujours les moyens de faire respecter - et nous attendons.

Enfin, je voulais revenir sur les questions de congestion et de contournement de trafic par les GPS et les applications. Ces outils orientent en effet sans distinctions la circulation sur ces ouvrages en difficulté, sans que nous ayons toujours la capacité de faire respecter les imitations de tonnage.

Mme Christine Herzog. - Malheureusement, je n'ai pas eu de réponse à ma question concernant la commune de Imling, qui renvoie à une question de compétences. Des travaux sont imposés à la commune, ce qui constitue un problème.

M. Hervé Maurey. -- Je me suis personnellement impliqué en Moselle pour régler le problème d'un pont orphelin - le pont de la Petite-Rosselle.

M. Olivier Jacquin. - Merci pour cette initiative, cette table ronde est salutaire. La directive européenne en cours d'adoption pour autoriser les camions des 60 tonnes est dramatique du point de vue patrimonial.

Cette table ronde permet de constater le manque de dossiers qui arrivent auprès des financeurs que sont l'État et le Cerema. Il nous appartient à tous de nous mobiliser. J'ai prévu d'organiser dans mon département un wébinaire sur cette question, en lien avec le Cerema et notre agence départementale. Ces organismes sont très utiles pour nos communes, mais il faut encore faire davantage connaître les dispositifs.

Christine Herzog évoque la question des ponts de rétablissement. Dans mon département, nous réalisons des travaux sur un pont, qui est le premier pont de rétablissement repris par Voies navigables de France. Ce pont sera baptisé à l'automne du nom de Evelyne Didier, en sa présence. En fin d'année, nous pourrions proposer une nouvelle table ronde pour évoquer l'inventaire des ponts de rétablissement, ainsi que les conventions établies, et dresser un bilan des transferts de la loi « 3DS », qui est totalement illisible et insatisfaisante.

M. Jean-François Longeot. - Merci de cette suggestion, que nous allons examiner.

Mme Audrey Bélim. -Je voudrais souligner que le Programme national ponts a été déployé par le Cerema de septembre 2021 à 2023 dans 24 communes des Outre-mer. À cet égard, j'aurais aimé que les Outre-mer figurent sur la carte de France transmise par le Cerema à notre collègue Bruno Belin, pour la rédaction de son rapport.

Pour revenir à mes propos, la commission constate, ainsi que l'indique le rapport d'information de 2022 de suivi des recommandations de la commission de 2019 en matière de sécurité des ponts et des ouvrages d'art, que, si la mise en oeuvre de ce programme est une réelle avancée, les moyens déployés ne sont pas encore à la hauteur des enjeux. Cette question est d'autant plus saillante dans les Outre-mer. D'une part, notre relief a conduit à la construction de nombreux ponts. D'autre part, le climat tropical, les risques cycloniques ou sismiques et l'érosion fragilisent d'autant plus ses ponts. La structure géographique et géologique de la Réunion, encore cassante et friable, est par exemple travaillée par une érosion massive. Les pluies tropicales aggravent cette fragilité.

À la Réunion, nous nous souvenons tous, par exemple, de l'effondrement du pont de la rivière Saint-Etienne en 2007, malgré les inspections régulières sur cet ouvrage. Comment appréhendez-vous les spécificités des Outre-mer dans la mise en oeuvre de ce programme ou dans les conseils apportés concernant le carnet de santé des ponts ?

M. Gilbert-Luc Devinaz. -Je voudrais revenir sur la question évoquée par Hervé Gillé. Il est toujours regrettable de constater que des lignes budgétaires ne sont pas consommées. Nous avons bien compris la complexité des dossiers et la complexité de la simplification des dossiers. L'effort de communication pour mieux faire connaître le dispositif est-il suffisant ? Hervé Gillé a suggéré la mise en place d'un schéma stratégique au niveau national. J'aimerais avoir votre point de vue sur ce sujet.

Par ailleurs, qui contrôle les trajets proposés par certains outils GPS ? Parfois, nous croisons des poids-lourds sur de toutes petites routes, ce qui est invraisemblable. Que se passe-t-il si un poids-lourd ne respecte pas une interdiction ?

Un débat se tient au niveau européen sur le tonnage des poids-lourds, pour permettre la circulation de poids-lourds de 60 tonnes. Les conséquences de ces décisions sur nos ouvrages d'art sont-elles analysées ?

M. Pascal Berteaud. - Le Cerema se préoccupe de l'Outre-mer. Malgré la diminution de nos effectifs, nous avons créé une agence à la Réunion, avec une antenne à Mayotte, une agence en Guyane et une agence en Guadeloupe. Sur le Programme national ponts, nous avons fait travailler de nombreux bureaux d'études privés et avons mis en place un programme spécifique pour l'Outre-mer. Effectivement, les collectivités ont très bien répondu. Nous observons des spécificités, notamment à la Réunion, pour les questions de transports. Cependant, au-delà de ces spécificités, les problématiques restent identiques.

Nous essayons de travailler en symbiose avec les agences techniques départementales et l'ensemble des forces techniques présentes sur le terrain. Globalement, nous essayons de maximiser l'utilisation des forces disponibles sur le terrain.

Sur la question des camions de 60 tonnes, je voudrais simplement rappeler que le pont qui s'est écroulé près de Toulouse était bien entretenu. Il était bien géré par le Conseil général. Toutes les visites étaient réalisées. Cependant, des véhicules de 54 tonnes chargés sont passés plusieurs fois par semaine sur un pont dont la limitation était à 19 tonnes. En six mois, ce pont a été détruit. Cela renvoie à l'importance de l'éducation et de la communication sur la limitation des tonnages.

En ce qui concerne la question des schémas stratégiques, je ne suis pas certain que nous ayons besoin de ce type de dispositifs aujourd'hui. Axons plutôt nos efforts sur les dispositifs que nous venons de mettre en oeuvre. SOS Ponts constitue justement le service qui accompagne l'élu de la petite commune.

M. Éric Ollinger. - Le sujet des GPS a été évoqué à plusieurs reprises. L'article 122 de la loi « Climat et résilience » impose aux GPS d'indiquer les limitations de tonnage et permet aux maires de désigner certains axes comme routes secondaires, qui ne doivent pas être empruntées de façon prioritaire par les GPS. Le décret d'application a été pris et est attaqué.

Sur la question du pont d'Imling, je me pencherai sur ce sujet.

M. Jean-François Longeot. -Ce débat était nécessaire et nous a permis d'obtenir des réponses. Nous constatons un manque de moyens et de dossiers. Il faudra donc répondre aux attentes de nos élus et de nos concitoyens. Ces sujets emportent des questions de sécurité fondamentales.

Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.