Mercredi 14 février 2024

- Présidence de Mme Marie Mercier, présidente d'âge -

La réunion est ouverte à 12 h 30.

Réunion constitutive

Mme Marie Mercier, présidente d'âge. - En ma qualité de présidente d'âge, il me revient d'ouvrir la première réunion de la commission d'enquête sur la paupérisation des copropriétés immobilières.

Je vous rappelle que cette commission d'enquête a été créée sur l'initiative du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste - Kanaky (CRCE-K), en application du droit de tirage reconnu aux groupes politiques par l'article 6 bis du Règlement du Sénat. Il en a formulé la demande lors de la Conférence des présidents du 24 janvier 2024.

Les dix-neuf membres de la commission ont été nommés, sur proposition des groupes politiques, lors de la séance publique du 1er février dernier.

Je vous rappelle que, en application du deuxième alinéa de l'article 6 bis du Règlement du Sénat, le groupe à l'origine de la création de la commission a demandé à exercer la fonction de rapporteur et que cette demande est de droit.

Nous devons tout d'abord procéder à la désignation du président de la commission d'enquête.

Pour les fonctions de président, j'ai reçu la candidature de notre collègue Mme Amel Gacquerre, du groupe Union Centriste.

La commission d'enquête procède à la désignation de sa présidente, Mme Amel Gacquerre.

- Présidence de Mme Amel Gacquerre, présidente -

Mme Amel Gacquerre, présidente. - Je vous remercie de m'avoir confié la présidence de cette commission d'enquête qui me permettra de prolonger le travail que j'effectue comme rapporteure du projet de loi relatif à l'accélération et à la simplification de la rénovation de l'habitat dégradé et des grandes opérations d'aménagement qui vient d'être adopté et modifié par la commission des affaires économiques.

Avant d'entrer dans le vif du sujet, permettez-moi de vous rappeler brièvement les règles spécifiques qui s'appliquent au fonctionnement des commissions d'enquête.

Nous sommes tout d'abord tenus à un délai impératif de six mois pour rendre nos travaux. La prise d'effet de la création de la commission d'enquête étant fixée au jour de nomination de ses membres, c'est-à-dire le 1er février, elle prendra fin par la publication de son rapport et au plus tard le 31 juillet.

Nous disposons de pouvoirs de contrôle renforcés, tel que celui d'auditionner toute personne dont nous souhaiterions recueillir le témoignage ou d'obtenir la communication de tout document que nous jugerions utile.

Les auditions seront publiques, sauf si nous devions en décider autrement. Toutes les personnes appelées à témoigner le feront sous serment.

En revanche, tous les travaux non publics de la commission d'enquête, autres que les auditions publiques et la composition du Bureau, sont soumis à la règle du secret pour une durée maximale de vingt-cinq ans. J'appelle donc chacun d'entre nous à la plus grande discrétion sur ceux de nos travaux qui ne seront pas rendus publics.

Pour mémoire, je me dois de vous indiquer que le non-respect du secret est puni des peines prévues à l'article 226-13 du code pénal, soit d'un an d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende. En outre, l'article 100 du Règlement du Sénat prévoit que « tout membre d'une commission d'enquête qui ne respectera pas les dispositions du paragraphe IV de l'article 6 de l'ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relatives aux travaux non publics d'une commission d'enquête pourra être exclu de la commission par décision du Sénat prise sans débat sur le rapport de la commission après avoir entendu l'intéressé » et que cette exclusion « entraînera pour le sénateur qui est l'objet d'une telle décision l'incapacité de faire partie, pour la durée de son mandat, de toute commission d'enquête ».

Nous poursuivons la constitution du Bureau de la commission d'enquête.

Nous procédons, dans un premier temps, à la désignation du rapporteur.

J'ai reçu la candidature de Mme Marianne Margaté, du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste - Kanaky.

La commission d'enquête procède à la désignation de sa rapporteure, Mme Marianne Margaté.

Mme Amel Gacquerre, présidente. - Je vous félicite, chère collègue, nous aurons l'honneur de vous avoir comme rapporteure de cette commission d'enquête et de travailler ensemble au bon aboutissement de nos investigations.

Nous procédons, dans un second temps, à la désignation des vice-présidents.

Compte tenu des désignations de la présidente et de la rapporteure qui viennent d'avoir lieu, la répartition des postes de vice-présidents est la suivante : pour le groupe Les Républicains, trois vice-présidents ; pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, deux vice-présidents ; pour les autres groupes, un vice-président.

Pour les fonctions de vice-président, j'ai reçu les candidatures suivantes : pour le groupe Les Républicains, Mme Marie Mercier, M. Laurent Burgoa et M. Stéphane Sautarel ; pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, Mme Audrey Linkenheld et M. Hussein Bourgi ; pour le groupe Union Centriste, M. Guislain Cambier ; pour le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants, M. Bernard Buis ; pour le groupe Écologiste - Solidarité et Territoires, Mme Antoinette Guhl ; pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, M. Ahmed Laouedj ; pour le groupe Les Indépendants - République et Territoires, M. Cédric Chevalier.

La commission d'enquête procède à la désignation des autres membres de son Bureau : Mme Marie Mercier, M. Laurent Burgoa, M. Stéphane Sautarel, Mme Audrey Linkenheld, M. Hussein Bourgi, M. Guislain Cambier, M. Bernard Buis, Mme Antoinette Guhl, M. Ahmed Laouedj et M. Cédric Chevalier, vice-présidents.

Mme Marianne Margaté, rapporteure. - Notre groupe a demandé la constitution de cette commission d'enquête, car le phénomène des copropriétés paupérisées et en difficulté est massif et, semble-t-il, croissant.

Il y a en France environ 750 000 copropriétés. Quelque 200 000 d'entre elles ne sont pas immatriculées, vraisemblablement parmi les plus petites et les moins bien gérées. En effet, l'Agence nationale de l'habitat (Anah) identifie environ 115 000 copropriétés en difficulté, dont les trois quarts sont des petites copropriétés.

Toutefois, nous ne savons pas exactement combien il y a de copropriétés en France, et il nous faudra caractériser l'objet de notre étude. En outre, il existe plusieurs définitions de la copropriété en difficulté de sorte que leur nombre, selon le critère considéré, pourrait varier de 2 500 à 250 000. Ce point est d'ailleurs essentiel puisque les syndics ont des obligations liées à des seuils d'impayés que tous jugent mal positionnés sans être pour autant d'accord sur la solution à adopter.

Par ailleurs, si l'on considère le problème sous l'angle du logement indigne, le récent rapport de Mathieu Hanotin et Michèle Lutz indique qu'il y aurait en métropole 400 000 logements indignes, dont la moitié est occupée par leur propriétaire.

Enfin, autre preuve que le phénomène est à la fois massif et diffus, et parfois silencieux et invisible, dans la consultation en ligne des élus locaux réalisée par la commission des affaires économiques sur la plateforme dédiée du Sénat, pour préparer l'examen du projet de loi sur l'habitat dégradé, 58 % des maires indiquent avoir au moins une copropriété en difficulté sur leur territoire et, pour deux tiers d'entre eux, il s'agit d'une question importante ou très importante.

Trois questions se posent pour traiter le sujet : quelles sont les origines de la paupérisation des copropriétés ? Comment mieux détecter pour mieux prévenir ? Comment mieux redresser les copropriétés en difficulté ou dégradées ?

Pour y répondre, je souhaite que nous nous concentrions particulièrement sur les petites copropriétés qui sont souvent moins bien prises en compte que les grands ensembles, ainsi que sur les villes petites et moyennes qui ne disposent pas des équipes techniques et de l'ingénierie nécessaire pour traiter les difficultés. Ce choix me semble d'autant plus pertinent que nous traversons une grave crise du logement.

Concernant tout d'abord les origines de la paupérisation, il sera nécessaire de caractériser les copropriétés en difficulté et d'en dresser une typologie, car aucune définition consensuelle n'existe et des chiffres contradictoires circulent. Il faudra aussi évaluer la dynamique du phénomène qui est a priori en croissance. Nous devrons identifier les causes de long terme et de court terme : la taille des copropriétés, le vieillissement des bâtiments, la paupérisation des propriétaires occupants ou bailleurs, l'éventuelle corrélation entre la présence de propriétaires-bailleurs et la paupérisation de la copropriété, l'éventuelle corrélation entre une gestion bénévole ou professionnelle d'un syndic et la dégradation de la copropriété, le vieillissement de la population, l'impact de la vente HLM, le développement des marchands de sommeil, ainsi que les limites de la loi de 1965 en termes de prise de décision, de financement, de compétence des acteurs.

Concernant ensuite la détection et la prévention de la fragilisation des copropriétés, il s'agira de préciser les critères et les seuils de déclenchement ; d'évaluer les différents outils existants, notamment le registre national d'immatriculation des copropriétés que l'Anah souhaite pouvoir utiliser à cet effet, ainsi que la police de la salubrité et de la sécurité qui devrait permettre aux communes et à l'État d'intervenir plus tôt et de suivre certains immeubles ; d'identifier les raisons qui rendent inopérants certains dispositifs de prévention existants comme le placement sous mandat ad hoc d'une copropriété qui n'est presque pas utilisé ; d'examiner le rôle et les moyens des acteurs de cette prévention, qu'il s'agisse des occupants, propriétaires ou locataires, des syndics, des collectivités territoriales ou des services de l'État ; de recueillir les propositions des acteurs pour rendre active cette phase du processus et d'identifier les pratiques vertueuses ; de réfléchir à des formations pour les syndics bénévoles et d'encadrer davantage les syndics professionnels qui, pour certains, ne remplissent pas leur rôle, afin d'assurer une meilleure prise en compte des responsabilités de chacun.

Enfin, je voudrais que nous abordions la question du redressement des copropriétés. Nous pourrons ainsi mieux cerner les outils existants, qui fonctionnent plus comme une mosaïque que selon une chaîne efficace, évaluer les moyens financiers et proposer des améliorations. Il s'agira aussi d'identifier les différents acteurs et opérateurs, notamment dans le cadre du plan Initiative Copropriétés (PIC), avec le même objectif. Nous pourrons préciser les points de blocage et proposer des solutions opérationnelles pour simplifier, accélérer et trouver des ressources. Il conviendra de réfléchir à une nouvelle organisation territoriale de l'action entre préfets, départements, établissement public de coopération intercommunale (EPCI) et communes. Nous proposerons des dispositifs d'accompagnement financier et opérationnel adaptés aux différentes tailles de copropriétés et à leur niveau de paupérisation, de manière à pouvoir résoudre les difficultés. Enfin, nous pourrons définir des contreparties aux moyens publics engagés pour la rénovation des copropriétés privées.

En pratique, nos travaux s'articuleront autour d'une dizaine d'auditions qui auront lieu le lundi ou le mardi après-midi et qui permettront d'entendre les principaux responsables et acteurs concernés. Nous réaliserons aussi quelques déplacements.

En outre, nous allons demander une étude de législation comparée pour mieux comprendre ce qui se fait chez nos principaux partenaires européens, en particulier en Belgique où un système efficace de prêt collectif aux copropriétés est en place.

Enfin, je précise que les auditions commenceront le mardi 12 mars à partir de 16 h 00.

M. Laurent Burgoa. - En ce qui concerne les déplacements, je vous suggère la ville de Nîmes, où une politique est déjà engagée sur les copropriétés, notamment dans le quartier Pissevin qui en compte 50 %.

Mme Sabine Drexler. - Nous pourrions aussi aller à Mulhouse. Le maire de la ville et son premier adjoint Alain Couchot seront de bons interlocuteurs.

Mme Amel Gacquerre, présidente. - Nous avons eu l'occasion de les entendre, dans le cadre de la commission des affaires économiques et lors de l'examen du projet de loi sur les copropriétés dégradées. Il faudra faire des choix et veiller à alterner les visites, en nous rendant non seulement sur de grands sites de copropriétés, mais aussi dans des centres-bourgs et dans des petites communes, voire dans des communes rurales.

Mme Audrey Linkenheld- La démarche que vous nous proposez est tout à fait intéressante. Je suis élue du Nord, à Lille, où j'ai exercé pendant quelques années les fonctions d'adjointe au logement. J'ai également été députée avant d'être sénatrice et, à ce titre, j'ai été rapporteure sur la loi pour l'accès au logement et un urbanisme rénové (Alur).

Il sera très intéressant de nous concentrer sur les petites copropriétés. Il en existe aussi à Lille. Nous pourrions entendre les acteurs concernés en audition sans forcément nous y déplacer. La ville dispose d'un service communal d'hygiène et de santé, qui a vingt à trente ans d'expérience, et compte quinze inspecteurs de salubrité.

Enfin, lors de votre propos introductif, vous avez justement mentionné les problèmes qui se posent dans des copropriétés pauvres verticales. Mais d'autres problèmes concernent des organisations plus horizontales, qui ne sont pas nécessairement juridiquement des copropriétés. Plusieurs propriétaires individuels paupérisés s'y retrouvent, à l'intérieur de quartiers. D'autres outils juridiques sont alors concernés. Il serait intéressant, alors qu'il est question de paupérisation, d'étudier ces questions.

M. David Ros. - Parmi les visites que nous pourrions effectuer, la ville de Grigny est emblématique des grandes copropriétés. Nous pourrions imaginer coupler un déplacement dans cette ville avec de plus petites copropriétés d'Île-de-France, par exemple en Seine-et-Marne.

Mme Amel Gacquerre, présidente. - Nous vous remercions de vos propositions. Nous vous donnons rendez-vous le 12 mars prochain, au plus tard, pour le début de nos auditions. N'hésitez pas à nous faire parvenir des contributions écrites.

La réunion est close à 12 h 55.