Mardi 6 février 2024

- Présidence de M. Jean-François Longeot, président -

La réunion est ouverte à 17 h 00.

Proposition de loi relative au renforcement de la sûreté dans les transports - Examen du rapport pour avis

M. Jean-François Longeot, président. - Mes chers collègues, nous sommes réunis pour examiner la proposition de loi relative au renforcement de la sûreté dans les transports, déposée le 28 décembre dernier par Philippe Tabarot et plusieurs de ses collègues. Son examen a été renvoyé au fond à la commission des lois. Cependant, notre commission a jugé opportun de se saisir pour avis de ce texte essentiel pour renforcer l'exigence de sécurité qui doit être assurée à nos concitoyens, et pour garantir une sûreté de haut niveau dans le prolongement de la loi Savary - Le Roux de 2016 et, plus récemment, de la loi de 2021 pour une sécurité globale préservant les libertés.

Je tiens à remercier notre excellent collègue Philippe Tabarot qui, en plus d'être l'auteur et le rapporteur pour avis de cette proposition de loi, a été l'interprète des attentes de nos concitoyens, qu'ils soient usagers des transports ou personnels des opérateurs de transport.

Ces attentes sont d'autant plus fortes que le contexte sécuritaire s'est profondément dégradé : est-il besoin de rappeler l'attaque de samedi matin gare de Lyon, qui fait écho à celle de la gare du Nord qui a eu lieu il y a un an, ou le terrible attentat de la gare Saint-Charles en 2017 ?

Ces attentes sont d'autant plus fortes que nous allons devoir relever, dans ce contexte, le défi inédit de l'accueil, cet été, des jeux Olympiques et Paralympiques.

Je vous rappelle que l'examen du rapport par la commission des lois aura lieu demain et que le délai limite pour le dépôt des amendements de séance est fixé au lundi 12 février à 12 heures. L'examen en séance publique aura lieu mardi 13 février après-midi et soir, après les explications de vote des groupes, puis le scrutin public solennel sur le projet de loi et le projet de loi organique relatifs à la sûreté nucléaire.

M. Philippe Tabarot, rapporteur pour avis. - Je suis heureux de présenter les principaux axes de mon rapport pour avis sur la proposition de loi relative au renforcement de la sûreté dans les transports. Comme vous le savez, j'en suis non seulement le rapporteur pour avis, mais également l'auteur. J'ai déposé cette proposition de loi sur le Bureau du Sénat le 28 décembre dernier et je me félicite que près de 140 de nos collègues, issus de quatre groupes différents, l'aient cosignée. J'y vois un signe de l'importance majeure du sujet et de son acuité. L'actualité nous rattrape malheureusement : il y a quelques jours, une attaque au couteau et au marteau a fait plusieurs blessés à la gare de Lyon. C'est notamment grâce à l'intervention d'un agent du service de surveillance générale de la SNCF (la Suge) que l'individu a pu être maîtrisé et remis aux forces de l'ordre. Je tiens à saluer son courage.

Avant toute chose, je souhaiterais partager avec vous plusieurs constats sur l'insécurité dans nos réseaux de transport qui nécessitent, selon moi, de façon urgente, des évolutions législatives.

En premier lieu, comme vous le savez, les emprises et véhicules de transports collectifs sont des espaces singuliers dont la configuration peut favoriser l'insécurité, compte tenu de leur caractère exigu, parfois confiné, des nombreuses interconnexions entre les réseaux souterrains et de surface, et des flux importants d'usagers qui les fréquentent. À titre d'exemple, le RER B transporte un million de voyageurs par jour.

Aussi, compte tenu de ces spécificités, les réseaux de transport concentrent un grand nombre d'agressions et d'actes violents. Pour la seule année 2023, plus de 90 000 personnes ont fait l'objet de vols sans violence dans les transports en commun en France, plus de 6 000 personnes ont été victimes de vols avec violence et plus de 7 000 personnes ont été victimes de coups et blessures volontaires. Certains types d'agressions sont en hausse. Ainsi, le nombre de victimes de violences sexuelles a augmenté de 4 % entre 2022 et 2023. Comme l'a relevé la dernière enquête « Victimation et sentiment d'insécurité en Île-de-France », les transports en commun restent en tête des espaces les plus criminogènes, concentrant 38 % des agressions sexuelles.

Ces chiffres doivent nous interpeller. Ils alimentent le sentiment d'insécurité qui prédomine chez un certain nombre de nos concitoyens, notamment chez certains publics et à certaines heures du jour ou de la nuit.

Outre les agressions commises à l'encontre des usagers des transports collectifs, on observe également une hausse de l'agressivité dirigée à l'endroit des agents des entreprises de transport.

Ainsi, l'Union des transports publics et ferroviaires (UTP) observe, dans son dernier rapport relatif à la sûreté dans les transports, une hausse du nombre d'agressions sur le personnel ayant donné lieu à un arrêt de travail, de 14 % entre 2021 et 2022. La RATP constate, quant à elle, une augmentation en 2023 du nombre d'atteintes physiques portées aux agents de contrôle du réseau de surface et aux machinistes. Nous gardons tous en mémoire le tragique décès d'un conducteur à Bayonne en 2020 à la suite d'une agression d'une grande violence. Rappelons que les conducteurs d'autobus sont particulièrement exposés à la violence tant verbale que physique dans le cadre de leurs missions.

En parallèle de ces constats préoccupants, la SNCF nous alerte sur une croissance exponentielle du nombre d'objets dangereux introduits dans les espaces de transport. En 2023, l'introduction de plus de 4 000 objets dangereux - pour ne citer que quelques exemples : hachoir de boucher, pic à glace, couteaux, batte de baseball, bonbonne de gaz, etc. - a été constatée dans les emprises ferroviaires.

En deuxième lieu, en pratique, l'efficacité de la réponse des forces de sûreté en présence se heurte à de nombreux obstacles. Une multitude d'acteurs peuvent intervenir en la matière, avec des prérogatives différentes : police nationale et municipale, gendarmerie, services internes de sûreté des opérateurs de transport, agents de sécurité privée. Ainsi, pour reprendre l'exemple de la gare du Nord, neuf acteurs de la sûreté sont amenés à y exercer leurs missions.

Si les forces de sécurité intérieure disposent des prérogatives les plus larges, elles ne peuvent, en pratique, assurer une présence quotidienne dans tous les réseaux de transport. Partant de ce constat, les agents des services de sécurité internes de la SNCF et de la RATP - respectivement la Suge et le groupe de protection et de sécurité des réseaux (GPSR) - sont le plus souvent en première ligne face aux diverses menaces qui pèsent sur nos réseaux de transport.

Pour cette raison, ces agents disposent d'un régime juridique particulier prévu par le code des transports qui leur permet notamment d'effectuer, dans certaines conditions, des palpations de sécurité, des inspections visuelles et des fouilles de bagages, mais aussi de constater certaines infractions et de contraindre une personne à sortir d'un espace ou d'un véhicule de transport.

Pour autant, leur action se voit limitée du fait d'un champ de compétences trop restreint et d'une articulation imparfaite avec les compétences des officiers de police judiciaire (OPJ). Cela se traduit par des situations parfois ubuesques. Ainsi, les agents de la Suge et du GPSR ne peuvent intervenir hors des véhicules et espaces de transport. Certains contrevenants tirent parti de cette limite et se retranchent parfois au seuil des emprises pour échapper à l'interpellation. Ces mêmes agents peuvent enjoindre à une personne ayant commis une infraction de sortir d'un véhicule ou d'une gare, mais ils ne peuvent pas lui interdire d'y rentrer de nouveau, de telle sorte qu'il faut attendre qu'elle commette une deuxième infraction pour le contraindre à en sortir de nouveau.

Cette situation n'est pas acceptable, d'autant plus dans un contexte de menace terroriste prégnante et a fortiori alors que nous nous apprêtons à accueillir plusieurs millions de voyageurs supplémentaires lors des jeux Olympiques et Paralympiques.

En troisième lieu, l'ancien rapporteur de la loi « Climat et résilience » que je suis ne peut pas ne pas évoquer l'enjeu majeur du report modal vers les transports collectifs. La sécurité dans les transports est une dimension essentielle de la qualité de l'offre de transport, aux côtés de la « quantité d'offre » et de son coût. Tant que certains et certaines de nos concitoyens éviteront les transports en commun pour des raisons d'insécurité, tous les dispositifs que nous, législateurs, mettons en place en faveur du report modal ne pourront être pleinement efficaces.

Sur la base de ces trois constats, la proposition de loi présente dix-neuf mesures visant à renforcer la sûreté dans nos transports. Elles s'articulent autour de sept chapitres, qui visent tout d'abord à renforcer les prérogatives des services internes de sécurité des opérateurs de transport que sont la Suge et le GPSR, en leur donnant la possibilité d'intervenir aux abords immédiats des gares et des stations, et d'interdire l'accès en gare de certaines personnes sous certaines conditions ou encore en assouplissant les conditions dans lesquelles ils peuvent procéder à des palpations de sécurité.

L'enjeu est ensuite d'améliorer le continuum de sécurité dans les transports, en permettant aux agents de police municipale d'accéder librement aux véhicules et aux espaces de transport, et en autorisant certains agents d'Île-de-France Mobilités (IDFM) à accéder au centre de coordination opérationnelle de la sécurité dans les transports d'Île-de-France, dans le contexte de l'ouverture à la concurrence du réseau de surface francilien.

L'idée est également de recourir davantage à la technologie pour sécuriser les réseaux de transport, en pérennisant le recours par les contrôleurs aux caméras-piétons dans l'exercice de leurs missions, ou encore en autorisant la captation du son dans les véhicules en cas de déclenchement d'une alarme.

Le but est aussi de mieux réprimer certains délits. Cela peut vous paraître anecdotique, mais les abandons de bagages ont de lourdes répercussions sur les plans de transport. En 2023, selon la RATP, les objets délaissés ont induit un total de 512 heures d'interruption de trafic. Mis bout à bout, ces oublis correspondraient, d'après Jean Castex, que nous avons auditionné, à une interruption de la ligne 8 - la deuxième plus longue de Paris - pendant un mois chaque année. C'est pourquoi l'article 14 vise à sanctionner plus durement ces oublis. En complément, l'article 12 crée un « délit d'habitude » en cas d'infractions répétées au code des transports, tandis que l'article 13 crée une peine complémentaire d'interdiction de paraître dans un ou plusieurs réseaux de transport pour un certain nombre de délits prévus par le code pénal.

J'en viens aux orientations que je vous proposerai par voie d'amendements en tant que rapporteur pour avis. Si vous les adoptez, je les présenterai demain en commission des lois, au nom de notre commission.

Au fil des auditions conduites en commun avec la rapporteure de la commission des lois, Nadine Bellurot, et des discussions avec d'autres collègues, notamment Hervé Reynaud, plusieurs pistes se sont dessinées, et il me semble opportun de consolider les dispositions de ce texte selon trois objectifs.

D'abord, je vous présenterai deux amendements visant à mieux protéger les agents des entreprises de transport, qui font face au quotidien à des situations d'agressivité, voire de violence. Les différentes expérimentations qui ont été menées sur l'utilisation des caméras-piétons ont apporté des résultats positifs, notamment pour apaiser les situations de conflit. C'est pourquoi je vous proposerai un amendement visant à expérimenter l'emploi de cet outil pour les chauffeurs d'autobus et d'autocars, particulièrement exposés. Pour les agents de la police ferroviaire, la loi d'orientation des mobilités avait prévu une expérimentation de quatre ans qui se terminera au 1er octobre 2024.

Un autre amendement que je vous soumettrai, et que ma collègue rapporteure au fond, Nadine Bellurot, a également déposé, vise à ajuster le périmètre d'utilisation des caméras-piétons pour les agents de la Suge et du GPSR, compte tenu de l'extension de leur champ d'intervention aux abords des emprises prévue à l'article 2. Ces amendements me semblent de nature à mieux protéger ces conducteurs et ces agents, tout en facilitant la collecte de preuves en cas d'infraction ou d'agression et une intervention rapide des forces de sûreté.

Ensuite, deux amendements visent à renforcer l'efficacité du continuum de sécurité. L'un d'entre eux a pour objet d'unifier les signalements des voyageurs lorsque leur sécurité ou celle des autres usagers est en jeu. Comme vous le savez, la SNCF a mis en place un numéro unique d'appel ou d'envoi de SMS, le 31 17. Or on constate que certains nouveaux entrants ne recourent pas à ce dispositif. Cette situation est de nature à morceler le traitement des alertes et conduit in fine à une perte d'efficacité de la réponse apportée. À l'heure de l'ouverture à la concurrence du transport ferroviaire, une réponse unifiée aux signalements de sûreté est indispensable.

Un autre amendement vise, par sa réécriture de l'article 16, à assurer le contrôle des futures interdictions de paraître dans les transports, instaurées en application de l'article 13, dans le respect des règles en matière de traitement des données personnelles. Il prévoit, pour ce faire, une transmission systématique des procès-verbaux dressés par des agents assermentés, y compris de la Suge et du GPSR, à des officiers de police judiciaire, afin que ces derniers vérifient le respect des interdictions de paraître dans les transports.

Enfin, je vous proposerai deux amendements en commun avec ma collègue, rapporteur au fond, Nadine Bellurot, visant à réprimer de manière plus efficace les dispositifs pénaux dont la proposition de loi prévoit la création. Il s'agit, d'une part, de sanctionner davantage les abandons intentionnels de bagages que les oublis involontaires et, d'autre part, d'étendre le délit de trainsurfing au transport routier, ce que ne permettait pas la rédaction initiale.

Sous le bénéfice de l'adoption de ces amendements, je vous proposerai d'émettre un avis favorable à l'adoption de cette proposition de loi. Ce texte permettra, en vue des jeux Olympiques et Paralympiques, et surtout bien au-delà, de lever certains blocages opérationnels et de répondre enfin à une demande forte des usagers et des agents qui se trouvent en première ligne.

M. Stéphane Demilly. - Ce texte, que j'ai cosigné, s'avère nécessaire à l'approche des jeux Olympiques et Paralympiques. L'article 12, créant un délit d'habitude visant à sanctionner plus sévèrement les contrevenants réguliers aux règles tarifaires et de comportement, est particulièrement important.

Selon un sondage réalisé par Transilien SNCF, huit Français sur dix sont gênés par des actes d'incivilités dans les transports en commun. Or ces incivilités sont le point de départ de dérapages comportementaux. Il est interdit depuis plusieurs années de fumer sur le quai des gares ; pourtant, de nombreuses personnes le font et jettent leurs mégots sur les voies ferrées. D'autres personnes encore regardent des films sans faire attention au volume sonore. Il en va de même pour les personnes qui téléphonent dans les transports. D'autres poussent des gens pour entrer dans la rame, mettent leurs pieds sur la banquette, etc. La liste est longue.

Comment cet article s'appliquera-t-il alors que certains contrôleurs baissent les bras devant cette situation ? Une sorte de fatalisme, ou d'abandon, semble en effet prédominer devant des comportements inciviques qui, s'ils ne sont pas dramatiques individuellement, peuvent poser problème lorsqu'ils se multiplient et constituent surtout le prélude à des actes plus graves.

M. Jacques Fernique. - Merci à l'auteur et rapporteur pour son travail et pour sa volonté d'améliorer la qualité des transports publics, et donc leur sécurité.

Après la loi Savary et Le Roux de 2016 et la loi pour une sécurité globale plus récemment, l'ouvrage revient sur le métier. Améliore-t-on progressivement les choses, ou bien les textes précédents n'ont-ils pas produit les effets escomptés ? L'exposé des motifs du présent texte pointe plusieurs manquements. L'idée est de franchir une étape décisive dans le renforcement des prérogatives des forces de sécurité, mesure nécessaire à la garantie d'une sécurité de haut niveau.

Toutefois, si l'ambition est sérieuse, comme il s'agit d'une proposition de loi, il manque un diagnostic précis ainsi qu'une évaluation détaillée des dispositions existantes et de l'impact des mesures proposées. Le périmètre des mesures, concentré sur le renforcement des prérogatives du GPSR et de la Suge, paraît déséquilibré, alors que la sécurité publique nécessite la prise en compte du triptyque « prévention, dissuasion et répression ».

Le texte reprend plusieurs dispositions de la loi pour une sécurité globale préservant les libertés sur lesquelles le Conseil constitutionnel avait soulevé des réserves d'interprétation dans sa décision de mai 2021 : palpations de sécurité, fouilles de bagages, notamment. Le Conseil constitutionnel jugeait que ces vérifications ne sauraient s'opérer que sur la base de critères excluant toute discrimination. Il avait souligné également que le motif permettant le recours aux caméras-piétons excluait un usage généralisé et discrétionnaire. En quoi les rédactions nouvelles de la présente proposition de loi prennent-elles davantage en compte les réserves du Conseil constitutionnel ?

Ce dernier a également rappelé, dans sa décision, l'obligation de définir les crimes et délits en termes suffisamment clairs et précis pour exclure l'arbitraire. Je crains que le délit d'incivilité d'habitude ne soit confus sur le plan juridique. De même, le délit de bus- et trainsurfing paraît imprécis. Ces comportements ne peuvent-ils pas d'ailleurs être déjà sanctionnés en l'état actuel du droit ?

Plusieurs articles procèdent à des ajustements en réponse à des insuffisances des textes en vigueur, par exemple pour accélérer l'intervention des chiens des équipes cynotechniques sur les bagages suspects, ou pour donner à la Suge l'autorisation d'intervenir dans les bus de substitution ou les cars express en cas d'interconnexion avec les services ferroviaires. Les articles 17, 18 et 19 vont également dans ce sens.

En revanche, je suis assez perplexe concernant l'article 11, qui cadre la captation du son dans les voitures et les rames des transports publics. Nous voyons mal quelle portée cela pourrait avoir dans les conditions strictes qui l'encadrent : captation non permanente, message sonore annonçant le déclenchement de l'enregistrement, etc. Cette disposition ne précède-t-elle pas des aménagements ultérieurs potentiellement problématiques au regard des libertés ?

Enfin l'article 14 pour lutter contre la plaie des bagages oubliés sera-t-il vraiment efficace ? Les 3 750 euros d'amende ne sont pas une nouveauté. L'article 2242-4 du code des transports permet déjà aux procureurs d'infliger cette amende aux cas extrêmes. Le décret n° 2004-1022 applique les contraventions de première classe - environ 200 euros, frais de dossier compris - en cas d'oubli ou de négligence qui pose problème.

La proposition de loi prévoit une somme comprise entre 250 et 600 euros, sous forme d'amende forfaitaire. En quoi cela changerait-il vraiment la donne ? De telles menaces disproportionnées - pour des négligences par nature non volontaires - ne risquent-elles pas de s'avérer contre-productives en dissuadant le passager distrait de récupérer vite son bagage sans étiquette, ce qui éviterait l'évacuation de la gare et l'arrêt des circulations ?

Si le texte comporte de bonnes intentions, il contient aussi des mesures problématiques ou parfois peu convaincantes.

M. Hervé Gillé. - Merci pour ce travail qui ouvre un débat intéressant dans la perspective des jeux Olympiques et Paralympiques. Si nous souhaitons vivement renforcer la protection des usagers dans les transports, ce texte soulève plusieurs questions.

Les travaux de MM. Savary et Le Roux comportaient des propositions pertinentes, sur l'installation de portiques notamment, ou sur la présence humaine, dont plusieurs moyens de transport sont aujourd'hui insuffisamment dotés.

Olivier Jacquin n'a pu être présent, mais suit ce sujet avec attention.

Cette proposition de loi nous laisse perplexes et soulève de nombreuses questions au regard du droit et du respect des libertés.

Les agents de sécurité disposent-ils des moyens adéquats pour assumer l'extension du champ de leurs missions prévue dans la première partie du texte ? Des réflexions ont-elles été menées sur leur formation, leur déontologie, leurs capacités d'adaptation à de telles évolutions ?

L'article 1er prévoit d'élargir les pouvoirs des agents de sécurité de la SNCF et de la RATP en matière de palpations de sécurité en allégeant les conditions qui permettent d'y recourir. Ces palpations seraient désormais possibles « en l'absence de circonstances particulières liées à l'existence de menaces graves pour la sécurité publique ou de périmètres de protection, dès lors que des éléments objectifs laissent à penser qu'une personne pourrait détenir des objets susceptibles de présenter un risque pour la sécurité des personnes et des biens. » En 2021, ce sujet avait déjà été discuté par le biais d'un amendement à la proposition de loi pour une sécurité globale. Or le rapporteur Loïc Hervé et le ministre de l'intérieur Gérald Darmanin s'y étaient opposés. L'amendement avait été rejeté. Cet article serait donc contraire à la position exprimée par la commission des lois de l'époque. Loïc Hervé, alors rapporteur, indiquait : « Une telle extension des prérogatives des agents de la RATP et de la SNCF ne nous semble pas opportune, d'autant plus qu'aucune garantie aux conditions d'exercice de ces missions n'est prévue dans cet amendement. Les prérogatives des agents de la Suge et du GPSR doivent être restreintes dans le temps et dans l'espace. Ces propositions nous semblent aller beaucoup trop loin : avis défavorable. »

Par ailleurs, la sécurisation par la technologie serait de nature à limiter les libertés publiques. Peut-on envisager sérieusement d'enregistrer les conversations dans le métro ? Il y a encore loin de la coupe aux lèvres et les problèmes que pose cette proposition sont considérables et nous interrogent.

Sur le plan répressif, les mesures présentées n'ont fait l'objet d'aucune étude d'impact. La complémentarité des propositions et leur adaptation à la nature du risque, notamment juridique, n'ont pas été plus étudiées.

Nos interrogations sont donc majeures, en particulier en ce qui concerne la création d'un délit non intentionnel d'oubli ou d'inattention, qu'il sera bien difficile de caractériser. Ce dernier, surtout, a vocation à réprimer n'importe qui, sans aucune distinction.

Pour toutes ces raisons, nous exprimons nos vives inquiétudes. Ce texte mériterait une étude d'impact approfondie.

M. Philippe Tabarot, rapporteur pour avis. - Mes inquiétudes vont avant tout vers les victimes dans les transports en commun.

M. Hervé Gillé. - Les nôtres aussi !

M. Philippe Tabarot, rapporteur pour avis. - Les événements de la gare de Lyon de ce samedi ont été relatés par les médias, mais personne ne sait que, dès le lendemain, la station Stalingrad a été le théâtre d'une bagarre au couteau. Si cette proposition de loi leur est antérieure, ces événements m'inquiètent.

Je rappelle que les palpations sont très encadrées : elles nécessitent un arrêté préfectoral et ne peuvent être faites qu'avec le consentement de la personne. Dans ces conditions, la violation des libertés individuelles ne me paraît pas évidente.

Mes chers collègues, vous êtes pour la plupart des juristes ; vous savez combien il est compliqué de maintenir un arrêté préfectoral qui s'applique à l'ensemble du territoire en permanence. Nous demandons simplement la suppression de cette condition. Un agent qui se sentirait en difficulté ou qui constaterait qu'un individu détient manifestement un objet dangereux devrait pouvoir effectuer une palpation, avec l'accord de la personne, sans devoir téléphoner au préfet pour savoir si le périmètre concerné - telle gare ou telle station de métro - est bien couvert par un arrêté.

En l'état actuel des choses, un agent du GPSR ou de la Suge qui serait amené, à la suite d'une palpation, à procéder à une saisie doit attendre l'arrivée d'un officier de police judiciaire dans l'heure qui suit, faute de quoi il doit laisser le « matériel » à son propriétaire. Je veux parler ici de couteaux, de marteaux ou autres battes de base-ball. Si vous pensez que cette situation n'exige pas de faire évoluer la législation...

M. Hervé Gillé. - Ne nous faites pas dire ce que nous n'avons pas dit !

M. Philippe Tabarot, rapporteur pour avis. - Vous avez pourtant exprimé vos plus grandes réserves et vos plus grandes inquiétudes.

Le droit sera respecté. La commission des lois se prononcera sur un certain nombre d'articles et la portée du texte sera probablement réduite. Pour autant, j'estime que cette proposition de loi répond, dans un cadre légal, à un besoin. Elle vise surtout à protéger les agents qui sont en première ligne. Ce n'est pas le cas des officiers de police judiciaire, qui sont certes indispensables, mais très loin de l'action.

Je voudrais à présent préciser le cadre dans lequel s'effectuerait la captation du son. Nous parlons ici de situations d'urgence : un chauffeur ou un machiniste qui se sentirait en difficulté pourrait appuyer discrètement sur un bouton. Les personnes qui écouteraient la conversation apprécieraient alors la dangerosité de la situation et enverraient des équipes pour lui porter secours au prochain arrêt. Si cet article pose problème, je proposerai un amendement visant à généraliser les caméras-piétons sur les machinistes. Cela ne me paraît pas non plus attentatoire aux libertés.

Sur la question des bagages, je n'ai pas de solution idéale. Nous avons essayé de distinguer l'oubli, involontaire, de l'abandon, volontaire. Mes chers collègues, vous êtes tous des défenseurs des transports en commun. Vous avez vu les chiffres : il faut traiter ce fléau, qui occasionne des retards considérables. Une meilleure information couplée à une répression plus forte et plus efficace pourrait faire évoluer les choses.

Monsieur Demilly, je partage votre constat : le sentiment d'insécurité est particulièrement désagréable lorsque l'on se trouve en présence de personnes qui fument, mettent les pieds sur les fauteuils ou dégradent le matériel. C'est pourquoi l'article 12 prévoit la création d'un délit pour ces comportements.

Monsieur Gillé, cela fait cinq ans que j'échange avec Gilles Savary. Lui-même considère que sa loi arrive en bout de course, qu'elle présente des manques et qu'il faut à nouveau légiférer. J'ai travaillé en parfaite harmonie avec lui sur des dispositions complémentaires.

De son côté, Loïc Hervé est dans son rôle, en tant que membre de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (Cnil). Il considère risqué de procéder à des palpations en présence d'un arrêté préfectoral et du consentement des personnes concernées. Je ne suis pas de son avis.

Certes, le cadre juridique est fondamental, mais vous réclamez régulièrement des moyens pour les transports en commun. Nous n'atteindrons pas nos objectifs en matière de report modal si nous ne sécurisons pas les transports.

Si vous avez des mesures efficaces à proposer, n'hésitez pas à déposer des amendements en vue de la séance publique. Je suis ouvert à toutes les propositions. Mais s'il vous plaît, accompagnez ce mouvement ! Les usagers et, plus que quiconque, les agents qui sont en première ligne en ont besoin.

M. Jean-François Longeot, président. - Notre commission a entendu deux personnalités importantes : Jean Castex, président-directeur général de la RATP, et Jean-Pierre Farandou, président-directeur général de la SNCF. Il était très intéressant de les entendre, eux qui sont confrontés au quotidien à ces problèmes. Jean-Pierre Farandou nous a notamment expliqué que l'oubli d'un bagage non identifié entraînait l'évacuation complète de la gare et l'arrêt total de la circulation des trains.

Ces situations ne font que renforcer le mécontentement de nos concitoyens. Si nous voulons favoriser l'usage des transports en commun, notre priorité doit être de leur apporter - ils la réclament - une plus grande sécurité.

J'ai été frappé notamment d'apprendre que lorsqu'un agent de sécurité poursuit un individu à l'origine d'un problème dans une gare, il doit le rattraper avant qu'il ne sorte de la gare, faute de quoi il doit le laisser partir !

J'entends constamment des commentaires arguant que tel ou tel aurait dû agir ainsi. Mais on réfléchit toujours en aval et jamais en amont ! À défaut d'une étude d'impact, les auditions de Jean-Pierre Farandou et de Jean Castex nous ont apporté suffisamment d'éléments.

Monsieur Demilly a raison, on parle beaucoup des grands drames comme celui de samedi dernier, mais trop peu de la délinquance et des agressions quotidiennes dont sont victimes les chauffeurs de bus et nos concitoyens.

Si nous ne prenons pas la mesure de l'enjeu, nous mettrons un frein à toutes nos politiques de développement des transports en commun. De nombreuses personnes renoncent à prendre les transports en commun parce qu'elles ont peur. Nous devons a minima essayer d'agir.

M. Philippe Tabarot, rapporteur pour avis. - Les oublis de bagages peuvent coûter plusieurs dizaines de milliers d'euros à la SNCF compte tenu des interruptions de TGV.

J'aurais rêvé de faire une étude d'impact, mais cela n'était pas possible. Je me suis donc efforcé de faire un travail sérieux, en me rendant sur le terrain et en rencontrant des personnes aussi compétentes que M. Savary.

Alors que la situation s'est détériorée, vous ne pouvez pas ne pas vouloir ce qu'ont voulu Gilles Savary ou Alain Vidalies, sous la présidence de François Hollande !

M. Pierre Barros. - Nous sommes tous d'accord sur un point : nous ne verrons pas de sitôt le report modal si nous n'améliorons pas les conditions de sécurité et de tranquillité publiques à l'intérieur des transports en commun.

Il est clair également que les difficultés que l'on rencontre à l'extérieur des gares se retrouvent à l'intérieur. Devons-nous développer dans les gares et dans les trains des moyens spécifiques, alors que nous peinons à conduire une politique cohérente dans le reste de l'espace public ? La question se pose.

Cela fait trente-cinq ans que je prends le RER. Il y a quelques décennies, nous étions huit à neuf millions d'habitants en Île-de-France. Nous sommes aujourd'hui près de douze millions. Or le réseau ferré n'a pas évolué depuis, pas plus que le niveau de service. Il y a donc une tension entre l'offre et le besoin. Aujourd'hui, les trains sont bondés et sales, et l'état épouvantable du réseau explique un certain nombre de retards. Cette ambiance désagréable, et le seul fait d'imposer aux gens de voyager dans de telles conditions, augmente le risque d'incivilités.

Soyons également attentifs au respect que nous nous devons les uns et les autres. Pour le vivre au quotidien, il suffit souvent d'aller vers les gens, de leur demander gentiment d'éteindre leur téléphone ou de parler un peu moins fort pour qu'ils s'exécutent, même si des dérapages, parfois très graves, sont toujours possibles.

J'ai constaté un autre phénomène, qui s'est encore accentué ces dernières années : il n'y a plus personne dans les gares. Autrefois, des agents de quai, des chefs de gare, le personnel de guichet assuraient une présence physique, offraient un service, orientaient les gens. Ils occupaient le terrain et contribuaient à une ambiance positive. C'est une volonté politique de la région que d'avoir remplacé ces postes qualifiés par des maîtres-chiens, qui, malheureusement, font ce qu'ils peuvent sans assurer les mêmes services.

Dans la gare RER de ma ville, j'ai eu à gérer en direct une émeute, en coopération avec la Suge, la gendarmerie et un ensemble de partenaires. Or ce texte ne traite pas de la capacité des acteurs à travailler ensemble. À cette occasion, j'ai vu des gens qui se connaissaient, capables de se coordonner pour faire du bon travail.

Soyons attentifs à ne pas rendre plus flou le périmètre d'intervention des uns et des autres. La question de la sécurité est basique : chacun son travail, chacun son périmètre et ses compétences. Il peut certes y avoir des porosités acceptables - permettre aux intervenants d'interpeller un individu à la sortie de la gare relève du bon sens -, mais veillons, par exemple, à ne pas envoyer des agents de police municipaux dans des endroits où ils ne devraient pas mettre les pieds. Évitons la confusion des genres. Le flou crée l'insécurité.

En conclusion, je salue le travail réalisé, mais reste très interrogatif sur les dysfonctionnements que ce texte pourrait entraîner.

M. Philippe Tabarot, rapporteur pour avis. - L'idée, je le redis, est de créer un continuum de sécurité favorisant la coordination des acteurs. Pas moins de neuf acteurs différents interviennent aujourd'hui à l'intérieur de la gare du Nord !

Les agents de la Suge et du GPSR ont été rigoureusement sélectionnés. Ils ont suivi des mois de formation et acquis une connaissance approfondie de la procédure pénale. C'est pourquoi je souhaite leur donner des prérogatives supplémentaires. Je veux aussi pouvoir mieux protéger les agents de sécurité privée, même si je ne traite pas cette question directement dans mon texte, car il s'agit d'un autre métier.

La présence de nouveaux intervenants s'explique aussi par la réduction des effectifs de la police nationale, laquelle n'est plus en mesure d'assurer la sécurité sur l'ensemble du territoire. Donnons-leur les pouvoirs nécessaires et cessons de les considérer comme des sous-traitants qui seraient incapables de procéder à une interpellation et d'effectuer des palpations ou des saisies. Ces acteurs connaissent leur métier. Ils sont courageux et font très bien leur travail.

Enfin, je précise que ce sont les syndicats - ils sont proches de vos partis politiques - qui demandent ces évolutions. Sortons des dogmes politiciens et retrouvons-nous sur ce sujet transpartisan !

M. Hervé Reynaud. - Je salue l'engagement et la force de conviction de Philippe Tabarot. Ce texte a le mérite de mettre la sûreté dans les transports au coeur du débat.

L'actualité nous a rattrapés le week-end dernier. Je suis, moi aussi, attentif aux restrictions de liberté qui pourraient émerger de nos échanges. Mais n'est-ce pas une restriction de liberté que de ne pas pouvoir prendre le train ou les transports en commun à n'importe quel moment de la journée et sur n'importe quelle ligne ?

Cette proposition de loi s'appuie sur un principe de réalité ainsi que sur des éléments factuels. J'ai trouvé assez édifiants les éléments factuels évoqués lors des auditions de Jean Castex et de Jean-Pierre Farandou. Le milieu a radicalement évolué pour devenir bien plus hostile. Lorsqu'on entend que la détention d'armes blanches est en hausse de 150 %, il est normal de s'interroger.

Cette proposition de loi assure également une continuité du socle juridique. Dans la Gazette des communes, Gilles Savary dressait lui-même récemment un constat mitigé de la loi de 2016, considérant qu'il fallait aller plus loin. Je partage cet avis, au risque de nous heurter parfois à nos collègues de la commission des lois.

Avec ce texte, qui prévoit des mesures pérennes, nous allons au-delà de l'émotion suscitée par les dernières attaques. Nous dépassons également le contexte des jeux Olympiques. C'est au quotidien que nous devons oeuvrer à l'attractivité de nos transports en commun. Au fond, cette proposition de loi précise et conforte un certain nombre de modalités en matière de sécurité. Pour reprendre les mots de Jean-Pierre Farandou, elle apporte un « supplément d'efficacité dans l'action ».

M. Didier Mandelli. - Dans cette commission, nous avons pour habitude de travailler sur des sujets sensibles en évitant les approches manichéennes ou binaires. Aussi, je ne voudrais pas que le débat se réduise à une confrontation entre les défenseurs à tout prix des libertés individuelles, d'un côté, et les tenants du tout sécuritaire dans les transports en commun, de l'autre.

Cette proposition de loi s'appuie sur les grandes connaissances de Philippe Tabarot en matière de sécurité et de transports. En 2019, j'avais été rapporteur du projet de loi d'orientation des mobilités et nous avions trouvé sur ces sujets, avec Françoise Gatel, rapporteur pour la commission des lois, des compromis qui n'allaient pas aussi loin que nous l'espérions. Auparavant, en 2016, un rapport d'information Fouché-Bonhomme commun à notre commission et à la commission des lois n'avait pas débouché sur une proposition de loi.

Cette proposition arrive, finalement, dans un contexte compliqué. Les jeux Olympiques sont un élément déclencheur, mais ils ne devraient pas être l'alpha et l'oméga de notre politique. Le texte répond aux besoins exprimés par les opérateurs comme à ceux des usagers. Je pense au grand nombre de femmes qui ont subi des attouchements de la part de frotteurs, à ces jeunes femmes qui n'osent plus prendre les transports en commun, à toutes ces personnes qui le font avec la peur au ventre ou qui préfèrent prendre leur voiture.

Il ne faut pas se voiler la face, c'est une réalité et, si nous, parlementaires, ne sommes pas capables d'aborder ces sujets en toute transparence, ne nous étonnons pas ensuite que les extrêmes gagnent du terrain dans notre pays ; n'abandonnons pas ces sujets, ne laissons pas à d'autres le soin de les traiter en jouant sur les peurs, sur l'irrationalité. Ayons le courage de traiter ces sujets, soyons responsables !

Le travail se poursuivra en commission et en séance publique, et j'ai toute confiance en notre rapporteur pour avis pour le mener à bien.

M. Pierre Jean Rochette. - Je félicite notre collègue Philippe Tabarot pour cette proposition de loi, qui est excellente. Comment peut-on vouloir développer le transport public si celui-ci ne peut fonctionner dans des conditions normales de sécurité ? Ce problème de sécurité entraîne non seulement un manque à gagner pour les collectivités, car les transports publics sont désertés à partir d'une certaine heure, mais il contraint, en outre, une partie de notre population, souvent la moins favorisée, à subir cette situation. Je suis donc très favorable à cette proposition de loi et les amendements de séance que je déposerai viseront à procéder à des ajustements.

Je signale que la pratique des écoutes discrètes existe déjà dans certains réseaux urbains, donc n'en ayons pas peur. C'est très efficace, il faut l'encourager.

Je suis peut-être le seul sénateur à avoir le permis D, pour autocar, et la certification SNCF. Avant mon élection, je conduisais des autocars et il m'arrivait de faire des remplacements de nuit, notamment entre Lyon et Saint-Étienne. Sur cette ligne, dans les autocars partant à 23 heures et à minuit et demi, il n'y a plus de femmes seules, parce qu'elles ont peur de l'emprunter. Une fois que le car a démarré, le conducteur se retrouve seul avec les passagers qu'il a embarqués, qui n'ont pas forcément de billet, et, s'il procède au contrôle, il a une chance sur deux de déclencher une altercation physique. Quant aux agents de la Sûreté ferroviaire, de la Suge, ils ont besoin de cette proposition de loi parce qu'ils ne sont pas toujours couverts, notamment dans les gares routières. La mesure proposée à cet égard est donc excellente.

Si l'on ne règle pas ce problème, ce que fait d'ailleurs largement cette proposition de loi, nous ne dépasserons pas le stade des déclarations d'intention sur la promotion du transport public et nous passerons à côté d'un facteur important de détournement du public des transports en commun. Quand on s'est retrouvé dans une situation de confrontation sur le terrain, on se rend compte que ces articles ne sont pas trop sévères, ils correspondent exactement à ce qui est requis. C'est du vécu...

M. Ronan Dantec. - Il y a sans doute des trous dans la raquette et il peut être en effet pertinent, dans certains cas, d'essayer de les combler.

Néanmoins, il convient également de se pencher sur les aberrations auxquelles nous conduisent certaines procédures de sécurité. Prenons un exemple, celui d'un colis oublié dans un TER en gare de Quimper, qui bloque la circulation de tous les trains jusqu'à l'arrivée des démineurs de Brest. Quel pourrait bien être l'intérêt pour un terroriste de faire sauter un TER vide en gare de Quimper ? L'impact médiatique serait minime...

M. Jean-François Longeot, président. - Si l'on n'intervient pas et que le colis saute, c'est là que l'impact médiatique sera important...

M. Ronan Dantec. - Justement, à force de rechercher une sécurité absolue, qui est illusoire, on en arrive à prendre des mesures dont le coût social est supérieur au gain. Il y a peu de chances que cela se produise. Nous ne parlons que de colis oubliés ! Cela n'a pas de sens.

Nous devons nous demander si tout cela est bien raisonnable. Le risque zéro n'existe pas, comme dans beaucoup d'autres domaines, et la procédure applicable en cas de colis oublié est aberrante. Il vaudrait mieux consacrer ces moyens à l'accroissement du nombre d'agents présents dans les rames et au renforcement de l'accompagnement psychiatrique, puisque nombre de problèmes proviennent de son effondrement. Sans doute certaines évolutions juridiques sont-elles nécessaires pour combler des trous dans la raquette, mais un travail doit également être mené dans l'autre sens.

M. Philippe Tabarot, rapporteur pour avis. - Parier sur l'intelligence des terroristes, c'est prendre des risques importants...

M. Ronan Dantec. - Sans doute, mais il faut tirer ce fil, car on en arrive à des situations aberrantes.

M. Jean-François Longeot, président. - Ce n'est pas pour cela qu'il ne faut rien faire...

M. Daniel Gueret. - Ce débat est très intéressant, car nous sommes tous concernés, quelle que soit notre appartenance politique.

Quand on a un projet long à conduire sur le terrain, on s'aperçoit que la délinquance a évolué, qu'elle n'est plus la même qu'il y a vingt ans. J'apprécie la notion de « continuum de sécurité » introduite par Philippe Tabarot, car il y a un véritable problème en la matière : quand la Suge poursuit un délinquant qui sort d'une gare, dès que celui-ci pénètre sur le territoire de la municipalité, elle n'est plus compétente et, si la police municipale n'est pas présente sur l'instant, lorsqu'elle arrive sur les lieux, il est trop tard et le délinquant est parti en marchant. Cela exaspère nos concitoyens.

J'ai été élu d'une région pendant quatre mandats, dont trois dans l'opposition. Le président socialiste de mon conseil régional s'était opposé à ma proposition d'équiper toutes les gares et tous les lycées de caméras de surveillance ; aujourd'hui, cette région, toujours dirigée par un socialiste, a équipé ces établissements de caméras de vidéosurveillance. La vision de chacun évolue donc sur ces questions.

Nous souhaitons tous qu'il y ait plus de services et d'usagers de transport en commun, mais les problèmes auxquels nous sommes confrontés vont perdurer. J'adhère au triptyque « Prévention, sécurité, répression », mais les agents de la Suge sont confrontés à une délinquance très différente de celle que nous connaissions jadis. Au-delà de cette évolution, les comportements sont différents : en Europe du Nord, on trouve autour de chaque gare des milliers de vélos sans cadenas qui ne sont ni volés ni détériorés, chose inimaginable chez nous ; mais on n'y peut rien changer, les populations sont différentes, sans parler des problèmes psychiatriques déjà mentionnés.

Par ailleurs, on a sans doute dégarni excessivement le volet humain de certains services. À Bruxelles, il y a davantage de postes d'accompagnateur.

De même, monsieur Dantec, sans doute faut-il revoir certaines procédures, mais je pense qu'il faut agir avec précaution en matière de sécurité, sans verser néanmoins dans les excès du principe de précaution. Il est difficile de décider de traiter différemment un colis oublié à Quimper et un bagage abandonné à Marseille, car celui qui prend la responsabilité de le faire joue gros : les agressions au couteau ne sont plus l'apanage des grandes villes...

Cette proposition de loi va dans le bon sens, j'espère qu'elle ne sera pas trop modifiée par la commission des lois. Notre intérêt à tous est que de plus en plus de personnes empruntent les transports en commun sans avoir l'impression de prendre un risque. Si l'on ne peut pas améliorer la situation, on n'atteindra pas cet objectif. Le pire serait de ne rien faire.

Ce sujet mérite un échange transversal et objectif. Quand j'ai été confronté à la question de la vidéoprotection, j'ai visité dix-sept mairies de France tenues par la gauche, et je me suis beaucoup inspiré des pratiques du maire de Tours, par exemple, sans me préoccuper des étiquettes politiques.

M. Jacques Fernique. - Je développerai mon argumentation en séance publique, mais je ne comprends pas la rédaction actuelle de l'article 11. Il y a un décalage avec ce qui a été dit sur l'écoute discrète, et le caractère très général de l'alinéa 5 qui indique, « La captation et l'enregistrement du son [...] sont accompagnés d'une annonce sonore annonçant le début de la captation et de l'enregistrement du son ».

M. Philippe Tabarot, rapporteur pour avis. - Cet article va être réécrit par la commission des lois et je vous proposerai un amendement pour le compléter.

M. Jacques Fernique. - Je veux dire un mot des colis abandonnés, dont le nombre a considérablement augmenté au cours des dernières années. Il existe une règle pour répondre à ce problème, mais on n'a pas les moyens humains de la faire respecter : c'est l'étiquetage obligatoire, qui permet de contacter le propriétaire du bagage quasi immédiatement. Si l'on n'accroît pas radicalement les sanctions, on ne changera rien à ce problème.

EXAMEN DES ARTICLES

Article 8

M. Philippe Tabarot, rapporteur pour avis. - L'amendement COM-28 vise à tirer les conséquences de l'article 2 de la proposition de loi, lequel étend le périmètre d'intervention des agents de la Suge et du GPSR aux abords immédiats des emprises de transport. Cet amendement, que la rapporteure Nadine Bellurot et moi-même portons en commun, a pour objet de permettre à ces agents, dans ce cadre uniquement, de poursuivre l'enregistrement de leur intervention par leurs caméras-piétons.

L'amendement COM-28 est adopté.

Après l'article 8

M. Philippe Tabarot, rapporteur pour avis. - L'amendement COM-29 vise à permettre, à titre expérimental, l'utilisation de caméras-piétons par les conducteurs d'autobus et d'autocar. La loi Savary avait déjà autorisé l'emploi de caméras-piétons via une expérimentation pour les agents de la Suge et du GPSR. En 2019, la loi d'orientation des mobilités a instauré un dispositif similaire pour les contrôleurs, que l'article 8 de la présente proposition de loi entend d'ailleurs pérenniser. Les caméras sont un outil dont l'usage a fait ses preuves : les remontées de terrain montrent que le déclenchement de la caméra par un agent permet bien souvent d'apaiser des situations conflictuelles. Je propose d'en étendre l'usage aux conducteurs d'autobus et d'autocar.

L'amendement COM-29 portant article additionnel est adopté.

M. Philippe Tabarot, rapporteur pour avis. - L'amendement COM-30 a pour objet de garantir, dans le cadre de l'ouverture à la concurrence du transport ferroviaire de voyageurs, le recours à une plateforme unique de signalement par les voyageurs, afin de renforcer l'efficacité du continuum de sécurité. Il s'agit d'étendre l'usage du 31 17 de la SNCF à tous les autres opérateurs, aux nouveaux entrants sur les services librement organisés (SLO), les TER et les trains d'équilibre du territoire (TET).

L'amendement COM-30 portant article additionnel est adopté.

Article 14

M. Philippe Tabarot, rapporteur pour avis. - L'amendement COM-31, que Nadine Bellurot et moi portons ensemble, vise à rendre le dispositif de l'article 14 plus opérant, en clarifiant la distinction entre les cas où l'abandon de bagage est délibéré et ceux où il est involontaire. Il tend en particulier à rendre l'échelle des peines plus cohérente, en sanctionnant les abandons de bagages de manière plus sévère lorsqu'ils sont délibérés que lorsqu'ils sont involontaires.

L'amendement COM-31 est adopté.

Article 15

M. Philippe Tabarot, rapporteur pour avis. - L'amendement COM-32, soutenu également par Nadine Bellurot, a pour objet d'étendre le délit de trainsurfing au bussurfing, qui touche les bus et les métros. Cela peut faire sourire, mais il y a eu 5 morts depuis 2015 et 70 signalements l'année dernière sur le réseau RATP ; si les opérateurs demandent une telle mesure, c'est parce que les faits se multiplient.

M. Jacques Fernique. - L'arsenal existant permet déjà de réprimer ces comportements. Je m'abstiens.

L'amendement COM-32 est adopté.

Article 16

M. Philippe Tabarot, rapporteur pour avis. - L'amendement COM-33 vise à remplacer la création d'un fichier répertoriant l'identité des personnes soumises à une interdiction de paraître dans les transports par une transmission d'informations des agents assermentés des opérateurs de transports vers les officiers de police judiciaire. L'objectif est de faciliter le constat, par les OPJ, des violations de la peine complémentaire d'interdiction de paraître dans les transports, instituée à l'article 13, et, ainsi, d'en assurer l'effectivité.

L'amendement COM-33 est adopté.

La commission émet un avis favorable à l'adoption de la proposition de loi, sous réserve de l'adoption de ses amendements.

Le sort des amendements examinés par la commission est retracé dans le tableau suivant :

Article 8

Auteur

N° 

Objet

Sort de l'amendement

M. TABAROT

COM-28

Autorisation sous condition du recours aux caméras-piétons dans le cadre d'interventions aux abords immédiats des emprises de transports pour les agents de sûreté de la SNCF et de la RATP

Adopté

Article additionnel après Article 8

M. TABAROT

COM-29

Expérimentation de l'usage des caméras-piétons pour les conducteurs d'autobus et d'autocars

Adopté

M. TABAROT

COM-30

Mise en place d'un numéro unique d'alerte pour les usagers des transports

Adopté

Article 14

M. TABAROT

COM-31

Amélioration de la cohérence juridique du dispositif visant à réprimer plus sévèrement les oublis de bagages sur les réseaux de transports

Adopté

Article 15

M. TABAROT

COM-32

Amélioration de l'effectivité du dispositif instituant un délit de bus et trainsurfing

Adopté

Article 16

M. TABAROT

COM-33

Transmission d'informations au ministère public pour faciliter le constat de la violation d'une interdiction de paraître dans les réseaux de transport

Adopté

La réunion est close à 18 h 25.

Mercredi 7 février 2024

Présidence de M. Jean-François Longeot, président. -

La réunion est ouverte à 9 h 00.

Projet de loi relatif à l'organisation de la gouvernance de la sûreté nucléaire et de la radioprotection pour répondre au défi de la relance de la filière nucléaire et projet de loi organique modifiant la loi organique relative à l'application du cinquième alinéa de l'article 13 de la Constitution - Examen des motions et amendements au texte de la commission

M. Jean-François Longeot, président. - Nous examinons les motions et les amendements de séance sur le projet de loi relatif à l'organisation de la gouvernance de la sûreté nucléaire et de la radioprotection ainsi que sur le projet de loi organique modifiant la loi organique relative à l'application du cinquième alinéa de l'article 13 de la Constitution.

PROJET DE LOI

EXAMEN DES MOTIONS

Question préalable

La commission émet un avis défavorable à la motion n°  1 tendant à opposer la question préalable au projet de loi.

Demande de renvoi à la commission

La commission émet un avis défavorable à la motion n°  2 rectifiée tendant au renvoi à la commission du projet de loi.

EXAMEN DE L'AMENDEMENT DU RAPPORTEUR

Article 14

L'amendement de coordination légistique n°  96 est adopté.

EXAMEN DES AMENDEMENTS AU TEXTE DE LA COMMISSION

M. Jean-François Longeot, président. - Je vous propose d'entériner les avis émis par la commission des affaires économiques sur les articles 12 et 16 à 18 du projet de loi relatif à l'organisation de la gouvernance de la sûreté nucléaire et de la radioprotection, qui lui ont été délégués au fond.

La commission a donné les avis suivants sur les amendements dont elle est saisie, qui sont retracés dans le tableau ci-après :

Motion

Auteur

N° 

Objet

Avis de la commission

M. DANTEC

1

Question préalable

Défavorable

M. DEVINAZ

2 rect.

Motion tendant au renvoi en commission

Défavorable

Article 1er

M. SALMON

21

Suppression

Défavorable

M. CHAIZE

91

Changement du nom de la nouvelle autorité

Sagesse

M. GAY

87

Transformation de l'ASNR en autorité publique indépendante (API)

Défavorable

Mme GUHL

90

Transformation de l'ASNR en autorité publique indépendante (API)

Défavorable

M. GAY

79

Mission d'expertise fondée sur l'état de l'art des connaissances scientifiques et techniques et indépendante de tout intérêt

Défavorable

M. PIEDNOIR

18

ASNR veille à tenir compte, sur un plan procédural, des projets de production ou de recherche nucléaires innovants

Avis du Gouvernement

M. SALMON

7

Ajout de la formation du public aux missions de l'ASNR

Défavorable

M. GAY

80

Ajout aux missions de l'ASNR du partage de connaissances et du dialogue renforcé avec la société civile en garantissant l'information et la participation des CLI, de l'ANCCLI, des élus locaux et des associations 

Défavorable

Mme GUHL

6

Dotation de l'ASNR en moyens humains et financiers suffisants

Défavorable

M. GAY

72

Dotation de l'ASNR en moyens humains et financiers suffisants

Défavorable

Article additionnel après Article 1er

M. DEVINAZ

65

Proportion des exigences techniques de l'ASN conditionnant la poursuite de l'exploitation

Défavorable

Article 2

M. SALMON

22

Suppression de l'article 2

Défavorable

M. PIEDNOIR

19

Remplacement de la notion de « distinction » par celle de « séparation »

Défavorable

Le Gouvernement

34

Suppression de l'alinéa prévoyant que le règlement intérieur fixe les modalités organisationnelles de distinction et d'interaction des personnels en charge de l'expertise et de la décision

Défavorable

M. SALMON

23

Indépendance entre les personnes responsables de l'expertise et la personne ou les personnes responsables de l'élaboration de la décision et de la prise de décision

Défavorable

M. FAGNEN

55

Indépendance entre les personnes responsables de l'expertise et la personne ou les personnes responsables de l'élaboration de la décision et de la prise de décision

Défavorable

M. GAY

66

Indépendance des travaux d'expertise et formalisation sous forme de position scientifique et technique

Défavorable

M. DEVINAZ

42 rect.

Indépendance des travaux d'expertise et formalisation sous forme de position scientifique et technique

Défavorable

M. SALMON

26

Intégration dans le processus d'évaluation des risques des phases de dialogue technique avec la société civile

Défavorable

M. SALMON

8

Intégration dans le processus d'évaluation des risques des phases de dialogue technique avec la société civile

Défavorable

Le Gouvernement

33 rect.

Commission d'éthique et de déontologie chargée de conseiller le collège dans les conditions prévues aux articles 13 et 14 de la loi n° 2017-55 du 20 janvier 2017 portant statut général des autorités administratives indépendantes et des autorités publiques indépendantes

Défavorable

M. DEVINAZ

40 rect.

Commission d'éthique et de déontologie composée de personnalités qualifiées nommée par décret

Défavorable

M. FAGNEN

41

Commission d'éthique et de déontologie chargée de veiller à la publication des résultats des expertises et à la distinction entre, d'une part, l'expertise et, d'autre part, l'élaboration de la décision et la prise de décision

Défavorable

M. SALMON

25

Rapport annuel de la commission d'éthique et de déontologie de l'ASNR 

Défavorable

M. SALMON

24

Commission d'éthique et de déontologie veille à prévenir les conflits d'intérêts

Défavorable

M. DEVINAZ

56

Indépendance des groupes permanents d'experts vis-à-vis de la décision

Défavorable

M. GAY

67

Publication des activités d'expertise en amont de la prise de décision

Défavorable

Mme GUHL

27

Publication des activités d'expertise en amont de la prise de décision

Défavorable

M. FAGNEN

57

Publication des activités d'expertise en amont de la prise de décision

Défavorable

M. DEVINAZ

44

Publication des activités d'expertise sous la forme de positions scientifiques et techniques

Défavorable

M. FAGNEN

43

Publication des activités d'expertise en amont de la prise de décision

Défavorable

M. PIEDNOIR

20

Résultats des activités d'expertise se rapportant à des résultats d'activités d'instruction publiés de manière concomitante

Défavorable

Article 2 bis

Mme GUHL

9

Désignation d'un membre du collège de l'ASNR par le président du Conseil économique, social et environnemental 

Défavorable

Article 3

M. GAY

81

Précision des travailleurs concernés par la gestion et l'exploitation des données des mesures de l'exposition des travailleurs aux rayonnements ionisants

Défavorable

M. SALMON

10

Création au sein de l'ASNR d'un comité d'orientation des recherches

Défavorable

M. FAGNEN

45

Création au sein de l'ASNR d'un comité d'orientation des recherches

Défavorable

Mme GUHL

28

Publication des propositions et recommandations des besoins de la recherche identifiés par l'ASNR

Défavorable

Article 4

M. SALMON

11

Avis annuel de la CNDP sur la participation des citoyens aux décisions dans le domaine nucléaire

Défavorable

M. DEVINAZ

62

Communication à l'ANCCLI des principaux résultats des programmes de recherche de l'ASNR

Défavorable

Le Gouvernement

35

Présentation et transmission du règlement intérieur de l'ASNR à l'OPECST, le HCTISN et l'ANCCLI deux mois après son adoption

Défavorable

M. SALMON

29

Projet de règlement intérieur soumis durant trois mois à la consultation du public

Défavorable

M. GAY

71

Présentation pour avis au HCTISN et à l'ANCCLI du règlement intérieur de l'ASNR 

Défavorable

M. FAGNEN

63

Présentation à l'ANCCLI du projet de règlement intérieur

Défavorable

Article additionnel après Article 4

M. PIEDNOIR

4

Possibilité pour l'Opecst de demander à la commission nationale d'évaluation des recherches et études relatives à la gestion des matières et des déchets radioactifs de lui présenter une expertise sur un sujet relevant de son domaine de compétence. Augmentation du nombre de membres qui sont désignés à parité par l'Assemblée nationale et par le Sénat, sur proposition de l'Opecst, en tant que personnalités qualifiées (de 6 à 8). Haut-Commissaire à l'énergie atomique membre de droit de la commission

Favorable

M. PIEDNOIR

5

Amendement de correction d'une erreur rédactionnelle dans un article du code de l'environnement relatif à la reddition des comptes de l'ASNR devant l'Opecst

Favorable

M. PIEDNOIR

3

Rapport annuel d'activité établi par l'ASNR transmis à l'Opecst avant sa publication

Favorable

Article 5

Le Gouvernement

39

Transfert des biens, droits et obligations de l'IRSN aux CEA et à l'État en prenant en compte la répartition des attributions et sans prévoir de conventions de transfert

Défavorable

Article 6

M. SZCZUREK

17

Personnel de l'Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection de nationalité étrangère ou apatride ne pouvant être recruté pour pourvoir des emplois dont les attributions soit ne sont pas séparables de l'exercice de la souveraineté, soit comportent une participation directe ou indirecte à l'exercice de prérogatives de puissance publique

Favorable

M. CHAIZE

92

Personnel de l'Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection de nationalité étrangère ou apatride ne pouvant être recruté pour pourvoir des emplois dont les attributions soit ne sont pas séparables de l'exercice de la souveraineté, soit comportent une participation directe ou indirecte à l'exercice de prérogatives de puissance publique

Favorable

M. FAGNEN

59

Possibilité pour le comité social d'administration de recourir à un expert-comptable ou à un expert habilité

Avis du Gouvernement

M. GAY

88

Possibilité pour le comité social d'administration de recourir à un expert-comptable ou à un expert habilité

Avis du Gouvernement

Article 7

M. SALMON

13

Maintien des activités de dosimétrie passive au sein de l'ASNR

Défavorable

M. FAGNEN

47

Maintien des activités de dosimétrie passive au sein de l'ASNR

Défavorable

M. GAY

83

Maintien des activités de dosimétrie passive au sein de l'ASNR

Défavorable

Mme GUHL

14

Maintien, au sein de l'ASNR, de l'expertise en matière de sécurité des installations civiles, de sûreté et de radioprotection pour les installations et activités nucléaires intéressant la défense, de non-prolifération et de contrôle des matières dangereuses

Défavorable

M. GAY

85

Maintien, au sein de l'ASNR, de l'expertise en matière de sécurité des installations civiles, de sûreté et de radioprotection pour les installations et activités nucléaires intéressant la défense, de non-prolifération et de contrôle des matières dangereuses

Défavorable

Article 11

M. DEVINAZ

64

Amendement de précision quant au nouveau « contexte nucléaire »

Favorable

Le Gouvernement

36

Suppression de la précision selon laquelle le rapport remis avant le 1er juillet 2024 doit évaluer la faisabilité et l'opportunité d'instituer un préfigurateur chargé de la mise en oeuvre de la création de l'ASNR

Défavorable

Article 12

M. SALMON

30

Suppression de l'article 12 modifiant la base légale du Haut-commissaire à l'énergie atomique (HCEA)

Défavorable

Le Gouvernement

32

Réécriture de l'article 12 modifiant la base légale du Haut-commissaire à l'énergie atomique (HCEA)

Défavorable

M. CHAIZE

94

Amendement de précision rédactionnelle

Favorable

Article 13

M. DEVINAZ

52

Emplois d'inspecteurs de la sûreté nucléaire et d'inspecteurs de la radioprotection devant être occupés par des fonctionnaires ou des contractuels de droit public.

Défavorable

M. CHAIZE

95

Rédactionnel

Favorable

Article 15

M. SALMON

31

Report de l'entrée en vigueur du titre Ier au 1er janvier 2035

Défavorable

Article 16

M. GAY

73

Suppression de l'article 16 autorisant la dérogation à l'obligation d'allotissement pour certains projets nucléaires

Défavorable

Le Gouvernement

37

Réécriture de l'article 16 autorisant la dérogation à l'obligation d'allotissement pour certains projets nucléaires

Défavorable

Article 17

M. GAY

74

Suppression de l'article 17 autorisant la dérogation à la durée maximale des accords-cadres pour certains projets nucléaires

Défavorable

Article 17 bis 

M. GAY

75

Suppression de l'article 17 bis réintroduisant un critère de crédibilité des offres pour certains projets nucléaires

Défavorable

Article 17 ter 

M. GAY

77

Suppression de l'article 17 ter réintroduisant une possibilité d'avenants pour certains projets nucléaires

Défavorable

Article 18

M. GAY

78

Suppression de l'article 18 autorisant la dérogation aux règles de publicité et de mise en concurrence pour certains projets nucléaires

Défavorable

Le Gouvernement

38

Réécriture de l'article 18 autorisant la dérogation aux règles de publicité et de mise en concurrence pour certains projets nucléaires

Défavorable

PROJET DE LOI ORGANIQUE

EXAMEN DES AMENDEMENTS AU TEXTE DE LA COMMISSION

Article 1er

La commission a émis un avis défavorable à l'amendement n°  3.

La commission a émis un avis favorable à l'amendement n°  4.

Article 3

La commission a émis un avis défavorable à l'amendement n°  2.

La commission a émis un avis favorable à l'amendement n°  1.

La commission a donné les avis suivants sur les amendements dont elle est saisie, qui sont retracés dans le tableau ci-après :

Article 1er

Auteur

Objet

Avis de la commission

Le Gouvernement

3

Suppression de la nomination du haut-commissaire à l'énergie atomique

Défavorable

Le Gouvernement

4

Substitution de la Haute autorité de l'audit au Haut Conseil du commissariat aux comptes dans la liste des emplois et fonctions annexée la loi organique n° 2010-837 du 23 juillet 2010 relative à l'application du cinquième alinéa de l'article 13 de la Constitution

Favorable

Article 3

Le Gouvernement

2

Suppression de l'article 3 

Défavorable

M. CHAIZE

1

Précision des modalités d'entrée en vigueur des dispositions relatives au haut-commissaire à l'énergie atomique

Favorable

Proposition de loi visant à préserver des sols vivants - Examen du rapport et du texte de la commission

M. Jean-François Longeot, président. - Nous examinons à présent le rapport de Michaël Weber sur la proposition de loi visant à préserver des sols vivants, présentée par Nicole Bonnefoy et les membres du groupe socialiste, écologiste et républicain.

Je remercie le rapporteur Michaël Weber d'avoir mené un cycle complet d'auditions dans un délai, comme toujours, assez contraint, et je lui sais gré de son investissement pour assurer l'information de la commission.

La présente proposition de loi tend à inscrire la qualité des sols au sein du patrimoine commun de la Nation et définit les services écosystémiques qu'ils rendent. Pour favoriser une meilleure prise en compte des sols, elle crée une stratégie nationale pour la protection et la résilience des sols, coordonnée par un haut-commissaire. Le texte prévoit également de rendre obligatoire la réalisation, à intervalles réguliers, d'un diagnostic de performance écologique des sols agricoles et forestiers, dont les résultats auraient vocation à alimenter un schéma national de données sur les sols.

Cette proposition de loi porte sur un sujet essentiel, la santé des sols. Ceux-ci forment un milieu aussi précieux par les services écosystémiques qu'ils rendent que fragile et méconnu du grand public. Protéger les sols est également un enjeu majeur pour nos politiques d'atténuation du changement climatique. En effet, des sols en bonne santé peuvent stocker une partie du carbone issu des activités humaines. En outre, des sols fonctionnels sont nécessaires pour participer à la régulation du cycle de l'eau. Les scientifiques que nous avons entendus lors de la table ronde sur la santé des sols, en décembre dernier, l'ont rappelé avec clarté. Ce texte constitue en somme un terreau fertile pour que se noue un dialogue ouvert et constructif sur les sols, au sein de notre commission.

Cette proposition de loi sénatoriale est inscrite à l'ordre du jour de nos travaux dans le cadre d'un espace réservé au groupe socialiste, écologiste et républicain, et je vous rappelle que le gentlemen's agreement s'applique dans l'objectif de préserver l'initiative sénatoriale. Les groupes minoritaires ou d'opposition ont droit à l'examen, jusqu'à leur terme, des textes dont ils sont les auteurs et qui sont inscrits dans leur espace réservé. Sauf accord du groupe à l'origine de la demande d'inscription à l'ordre du jour, la commission ne peut donc pas modifier le texte de la proposition de loi. En revanche, elle peut ne pas l'adopter et permettre ainsi son examen, article par article, en séance publique. En outre, la commission et les sénateurs s'abstiennent de déposer des motions.

Je vous rappelle que le délai limite pour le dépôt des amendements de séance a été fixé par la Conférence des présidents au lundi 12 février, à 12 heures, et que la commission se réunira pour examiner les amendements de séance, le mercredi 14 février, à 9 heures. L'examen en séance publique aura lieu le jeudi 15 février.

M. Michaël Weber, rapporteur. - J'ai l'honneur de vous présenter les grandes lignes de mon rapport législatif sur la proposition de loi visant à préserver des sols vivants, présentée par notre collègue Nicole Bonnefoy, qui a accompagné mes premiers pas de rapporteur et que je remercie pour son implication de tous les instants et sa détermination communicative.

Avec l'auteure du texte, nous avons entendu près d'une cinquantaine de personnes au cours de vingt-deux auditions, ouvertes à tous les commissaires. Je salue à cet égard notre collègue Jacques Fernique, qui s'est particulièrement impliqué sur ce texte et qui a enrichi les échanges par ses questions et ses remarques. Au cours de ce cycle d'auditions, nous avons soigneusement veillé à ce que l'ensemble des professions, des spécialistes et des organismes concernés par les sols soient entendus : les syndicats agricoles, les chambres d'agriculture, les gestionnaires forestiers publics et privés, les scientifiques, les juristes, un économiste, les associations de protection de l'environnement, l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe), le Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM), l'Office français de la biodiversité (OFB), le Haut Conseil pour le climat (HCC), sans oublier les agences de l'eau.

Soucieux d'être éclairé par l'ensemble des parties prenantes et dans un esprit d'ouverture à la critique et au dialogue avec ceux qui n'ont pas vu l'intérêt de ces modifications législatives, j'ai eu à coeur d'écouter et de comprendre, afin d'améliorer le texte lorsqu'il était perfectible. Deux boussoles m'ont guidé : promouvoir la santé des sols et ne pas créer de normes nouvelles qui ne soient dûment justifiées par le motif d'intérêt général d'améliorer la qualité et l'état des sols, qui profitent à tous. C'est d'ailleurs le sens des amendements que nous déposerons en séance publique.

Les auditions nous ont permis d'établir trois constats.

Premièrement, les sols ont une importance fondamentale, mais occupent une place trop réduite dans notre droit. Les outils manquent pour les protéger efficacement, car le législateur n'a jamais considéré les sols comme un milieu vivant et un écosystème à part entière. Au contraire, notre corpus normatif, lacunaire et éparpillé entre plusieurs codes, considère le sol comme un support pour le bâti, les infrastructures et les cultures, c'est-à-dire sous l'angle de sa valeur foncière. Il ne prend pas suffisamment en compte les fonctions écologiques et les services écosystémiques fournis par des sols fonctionnels, si ce n'est à l'aune de la gestion des risques, pour les sites et sols pollués.

Pourtant, comme l'ont montré les scientifiques lors de la table ronde du 13 décembre dernier, les sols rendent trois types de services écosystémiques fondamentaux : des services de fourniture ou d'approvisionnement, des services de régulation et des services culturels et récréatifs. Si l'on considère le sol comme support de la production alimentaire, 95 % des aliments en proviennent. Un scientifique nous a indiqué que si l'homme ne survit pas plus de trois minutes sans air et pas plus de trois jours sans eau, il ne survivrait probablement pas plus de quatre mois sans sol, soit une durée équivalente à celle des réserves alimentaires mondiales récoltées et stockées.

Deuxièmement, l'ensemble des acteurs sont conscients de l'importance vitale des sols. Les représentants de la Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles (FNSEA) que nous avons entendus ont indiqué être « particulièrement concernés et vigilants concernant la qualité des sols, qui représentent leur premier outil de travail en tant que support de cultures et de pâturage pour l'élevage ». L'ensemble des exploitants et gestionnaires reconnaissent « notre dépendance absolue à cette fine couche », selon les représentants du Centre national de la propriété forestière (CNPF), mais aussi « l'importance de la santé des sols pour la pérennité de notre système agricole et notre souveraineté alimentaire », selon les représentants des chambres d'agriculture, ainsi que la nécessité de « maintenir la fertilité des sols à long terme » pour citer ceux de la Confédération paysanne.

Quant aux scientifiques, ils évoquent les sols comme l'épiderme du vivant et mettent en évidence leur rôle majeur en matière de régulation du cycle de l'eau. Ils nous alertent aussi sur le fait que les sols sont des écosystèmes fragiles, menacés et non renouvelables à l'échelle du temps humain. Les sols constituent un capital naturel qui peut s'épuiser et qui, comme les autres biens communs, est insuffisamment reconnu pour son utilité sociale et les nombreuses externalités positives qu'il génère.

Cette proposition de loi pourrait faciliter la diffusion de ce diagnostic partagé : alors que le grand public connaît bien les enjeux relatifs à la qualité de l'eau et de l'air, ce n'est pas encore le cas pour celle des sols.

Troisièmement, ne pas légiférer pour améliorer la prise en compte des sols dans l'ensemble des politiques reviendrait à abandonner le débat aux institutions européennes, en contradiction avec le principe de subsidiarité cher au Sénat. Cette attitude priverait la France d'une position co-construite avec sa représentation nationale dans le cadre de l'examen de la proposition de directive relative à la surveillance et à la résilience des sols. Le présent texte pourrait en effet préfigurer la transposition que devra mettre en oeuvre l'État français, une fois la directive adoptée par le Parlement européen. Cela conduirait à une forme de procrastination juridique et de dessaisissement par anticipation, qui n'est pas, il me semble, la marque de fabrique du Sénat.

À la lueur de ces remarques liminaires et afin de combler les insuffisances juridiques du droit des sols qui font l'objet d'un large consensus, la présente proposition de loi s'est efforcée de créer une architecture normative cohérente et plus lisible pour la promotion des sols vivants. Les sols font l'objet d'une centralité accrue dans notre paysage juridique depuis l'élaboration de la stratégie relative au « zéro artificialisation nette » (ZAN), mais, étrangement, le législateur n'a pas jugé bon de s'intéresser à la qualité des sols. Notre droit est resté aveugle à la qualité des terres : au sens du ZAN, un hectare de terre fertile à haut potentiel agronomique est considéré comme ayant la même valeur qu'un hectare de terre pauvre, ce que déplorent les agriculteurs - et je ne peux qu'être d'accord avec eux.

L'examen de ce texte constitue donc une opportunité de corriger la myopie de notre droit en matière de sols et de solenniser leur rôle et leur importance au même titre que pour l'eau et l'air. Pour ce faire, il est proposé d'inscrire la qualité des sols au patrimoine commun de la Nation. Cette disposition, à valeur symbolique forte, consacrerait l'éminence de ce milieu fondamental à la vie, à notre souveraineté alimentaire et à la qualité de l'eau. Ce texte prévoit également de reconnaître que la protection des sols vise à préserver leur capacité à remplir des services écosystémiques, dans le cadre d'une approche fonctionnelle : les sols doivent être protégés en ce qu'ils apportent à l'homme et aux activités humaines de multiples bénéfices et parce que leur dégradation conduit à des surcoûts économiques, tant individuels que collectifs.

Tels sont les principes qui figuraient à l'article principiel et liminaire du code de l'environnement, au sein d'un chapitre dédié.

Le texte a en outre pour objet l'élaboration d'un document de planification et d'outils destinés à promouvoir la qualité des sols, dans le cadre d'une stratégie nationale pour la protection et la résilience des sols. Il prévoit également un schéma national de données sur les sols, afin de créer une banque de données publiques et un outil de pilotage et de conduite de cette politique publique.

Naturellement, il n'est pas d'action efficace sans connaissance préalable. C'est la raison pour laquelle le texte propose un diagnostic de performance écologique des sols. Ce diagnostic a été longuement débattu avec les acteurs que nous avons entendus. Il a suscité, à juste titre, des interrogations quant à son utilité et à sa finalité. Certains agriculteurs ont craint qu'il ne conduise à une fragilisation de leur relation avec le propriétaire des terres qu'ils exploitent et que la charge financière pour réaliser ce diagnostic ne les pénalise économiquement. J'ai entendu ces inquiétudes et je les partage. Il est du devoir du législateur d'être à l'écoute des destinataires de la norme qu'il élabore.

L'intention de ce texte n'est aucunement de stigmatiser qui que ce soit ou d'alourdir encore l'empilement des normes qui a été dénoncé avec vigueur ces dernières semaines. Son auteure est animée d'un esprit constructif et motivé par l'intérêt général, avec l'idée de poser la première pierre d'une meilleure prise en compte des sols par le droit. C'est pourquoi nous proposerons un amendement, en séance publique, pour faire évoluer le diagnostic de l'état des sols agricoles et forestiers, sans le rendre obligatoire au 1er janvier 2028.

Une telle obligation aurait créé une charge économique difficilement mesurable et le nombre d'organismes en mesure de procéder aux mesures, aux relevés et à leur interprétation n'aurait pas suffi à y répondre. Les auditions nous ont mis sur la voie d'une solution plus opérationnelle et économiquement plus rationnelle : la réalisation du diagnostic à l'occasion de la vente ou de la cession de tout immeuble non bâti à compter du 1er janvier 2027, sur l'ensemble du couvert pédologique, de la forêt au coeur de ville. Les scientifiques nous ont indiqué que les outils et les référentiels existaient pour analyser les différents types de sols et les usages des terres. Un décret précisera les indicateurs à mesurer, afin d'harmoniser les pratiques et de standardiser les résultats des diagnostics, quel que soit le bureau d'étude ou l'organisme certificateur qui le réalise.

La proposition de loi confie également le soin de piloter la stratégie en faveur des sols à un haut-commissaire à la protection et à la résilience des sols. La création d'une instance administrative nouvelle peut être source de complexité et de dilution de l'action publique, au regard notamment du dialogue interministériel qui n'est pas toujours aisé. L'auteure du texte avait imaginé cette structure ad hoc, à défaut de savoir à quel établissement la confier. Les auditions et un échange avec l'ensemble des acteurs ont permis de déterminer le portage administratif le plus adéquat. Il est apparu que ce pourrait être les agences de l'eau, qui interviennent déjà sur les sols, dans la mesure où ces derniers sont des éléments indissociables du grand cycle de l'eau. L'audition organisée avec les représentants des agences de l'eau a mis en évidence leur envie de s'investir sur ce sujet essentiel pour leur mission de gestion durable de l'eau en quantité et en qualité, à condition toutefois de leur en donner les moyens budgétaires et humains. Nous vous proposerons un amendement en ce sens, en séance publique.

Enfin, ce texte vise à mieux prendre en compte la qualité des sols dans les documents de planification et d'urbanisme, pour parfaire l'édifice normatif élaboré dans le cadre de la stratégie de lutte contre l'artificialisation des sols. Cette mise en cohérence des stratégies et des politiques publiques me paraît essentielle à la qualité de la législation et à l'efficacité de l'action publique.

Tels sont les principaux éléments de mon rapport que je voulais porter à votre connaissance. Je sais que certains d'entre vous sont tentés de ne pas voter ce texte, au motif que le contexte sociétal n'est pas propice et que ce texte serait l'archétype de ce qu'a dénoncé le monde agricole dans sa colère légitime. Ce serait, à mon avis, une erreur, car toutes les études scientifiques pointent une diminution sensible des rendements des terres sous l'effet du changement climatique et une dégradation des sols en Europe de l'ordre de 60 % à 70 %. Comme le sait, au premier chef, le monde agricole, nous devons prendre soin des sols, non pas par idéalisme écologique, mais en raison de notre intérêt économique le mieux compris. Les sols mettent des siècles à se régénérer et le génie pédologique de remédiation et de reconstitution des sols pollués ne fera jamais aussi bien que la nature.

N'oublions pas non plus que l'accroissement de la capacité de nos sols à stocker du carbone est nécessaire pour compenser les émissions résiduelles de gaz à effet de serre émises par nos sociétés, même une fois notre transition énergétique réussie. Sans sols vivants, la transition environnementale à laquelle nous consacrons bon nombre de nos travaux et pour laquelle l'État et les collectivités locales font des investissements massifs, restera une chimère. Ne laissons pas échapper cette opportunité de faire du droit un terreau propice à la préservation des sols. Ne laissons pas l'Union européenne décider seule de ce que doit être notre politique de reconquête de la qualité des sols. Voyons les opportunités du « réarmement pédologique », pour reprendre une métaphore dans l'air du temps.

C'est la raison pour laquelle je vous propose d'adopter ce texte, qui s'inscrit dans la lignée de l'histoire rurale dont peut s'enorgueillir notre Nation. Dans les âges passés, la France a tiré la grandeur et la richesse qui sont les siennes de ses sols. Aujourd'hui, les sols sont menacés par l'artificialisation, par l'étalement urbain ou par des facteurs bioclimatiques. Utilisons cette arme puissante qu'est le droit pour mieux les protéger, pour accompagner les agriculteurs et pour donner aux sols la place qu'ils méritent, car ils sont le fondement de tout.

Mme Nicole Bonnefoy, auteure de la proposition de loi. - La proposition de loi qui vous est présentée porte une haute ambition pour la santé des sols. Le 13 décembre dernier, nous avions reçu des scientifiques et des juristes dans le cadre d'une table ronde consacrée à ce sujet, qui avaient démontré la nécessité d'apporter aux sols une reconnaissance juridique pleine et entière, afin de mieux les préserver, sans pour autant accabler les agriculteurs et les forestiers en leur imposant de nouvelles normes. Ainsi se résume l'enjeu de ce texte de loi.

Nous le constatons tous, les fonctions du sol se dégradent. Il s'agit, par exemple, de la fonction d'éponge naturelle du sol et de son rôle de filtration de l'eau, comme nous avons pu le constater encore hier soir, lors de la projection du film Paysans du ciel à la terre, tourné dans le Pas-de-Calais. Mais cela concerne aussi la production de biomasse et la captation de carbone qui s'érodent. Chaque année, en France, le sol perd en moyenne 1,5 tonne de terre par hectare en raison du ruissellement des eaux et de l'érosion sous l'effet du vent. Chaque seconde, 26 mètres carrés de terre arable disparaissent en France, soit 90 0000 hectares à l'année. Ces dégradations entraînent inexorablement une chute de la biodiversité des sols, donc de leur fertilité, avec les conséquences qui s'ensuivent pour le rendement agricole. Prendre soin des sols, c'est donc aussi assurer leur productivité.

La qualité des sols constitue un enjeu majeur en matière d'environnement et de préservation du potentiel agronomique et économique des exploitations agricoles. Les études les plus récentes démontrent que l'investissement dans la qualité des sols fait partie d'une stratégie optimale de l'agriculteur qui, face à l'augmentation du prix des engrais et de l'énergie, exploite les fonctionnalités écosystémiques de son sol. Le but est que la vie des sols redevienne un élément de compétitivité par une fertilité retrouvée et surtout pérennisée.

Ce texte plaide pour une agriculture qui permettra à l'exploitant de connaître le microbiote du sol, d'en préserver les fonctions et d'en optimiser les services. Les représentants des chambres d'agriculture nous ont dit être parfaitement conscients de l'évolution inquiétante de l'état des sols. Ils tentent d'y faire face à leur échelle, mais ils ont besoin de soutien pour parvenir à rétablir le capital naturel et le potentiel productif des sols, afin de garantir leur rendement.

Les scientifiques rejoignent les agriculteurs sur ce point. Le sol constitue une double clé : d'une part, il permettra d'enrayer le phénomène d'affaiblissement des rendements, et, d'autre part, il servira de socle à la stratégie d'adaptation au changement climatique.

De plus, la France dispose de laboratoires de recherche et d'une expertise pédologique remarquables qui lui offrent l'opportunité unique d'avoir un temps d'avance pour protéger les sols et l'outil de travail des agriculteurs.

Dans la transition climatique à venir, le sol comme puits de carbone est une solution qu'il ne faut pas négliger. Le Haut Conseil pour le climat nous l'a confirmé : le stockage de carbone dans les sols peut absorber massivement une partie de nos émissions de gaz à effet de serre.

En outre, à l'heure du reporting généralisé des données environnementales, sociales et liées à la gouvernance (ESG) prescrit par la directive sur la publication d'informations en matière de durabilité par les entreprises (CSRD), applicable au 1er janvier 2024, l'ensemble du tissu économique est déjà concerné par la durabilité des sols, le risque étant désormais clairement identifié.

Certes, une directive européenne est en cours qui sera examinée en avril prochain par le Parlement européen. Mais quelle garantie avons-nous de son adoption ? Ce texte tombe à pic pour définir un socle juridique minimal pour les sols, précisant ainsi une position française cohérente et respectueuse de notre souveraineté alimentaire.

Le premier objectif de cette proposition de loi est symbolique. Il porte sur la reconnaissance des sols dans le patrimoine commun de la Nation, sur le modèle de ce qui existe pour l'air et l'eau. Cette reconnaissance s'étend aux services écosystémiques rendus par les sols. Qui pourrait s'y opposer ?

Le deuxième objectif est pratique. Il s'agit de forger une stratégie nationale de promotion des sols et d'offrir aux travailleurs du sol - les agriculteurs et les forestiers - la possibilité d'accéder à la connaissance par le biais d'un diagnostic donnant lieu à des recommandations, ainsi qu'à un accompagnement grâce auquel ils pourront améliorer les qualités du sol en modifiant certaines pratiques culturales.

Le troisième objectif est la mise en cohérence institutionnelle. Il s'agit de créer une instance unique et interministérielle chargée des sols.

Ainsi, la proposition de loi vise surtout à créer des passerelles entre l'expertise pédologique française et le secteur agricole qui, l'un comme l'autre, les réclament. Elle ne prévoit aucune contrainte si ce n'est de parfaire la connaissance du sol et de développer une vision de long terme.

Toutefois, compte tenu des auditions, je souhaiterais apporter certaines modifications au texte initial afin de lever les inquiétudes qui s'expriment dans le contexte que nous connaissons.

Je souhaite que le diagnostic ne soit plus obligatoire, mais réalisé au moment des cessions ou ventes de parcelles.

Par ailleurs, plutôt que de créer une nouvelle instance, les auditions ont montré que les agences de l'eau étaient certainement les acteurs idoines pour la préservation des sols. Celles-ci ont exprimé un fort intérêt, car elles sont déjà engagées dans des démarches de paiement pour services environnementaux qui sont favorables à l'amélioration du revenu agricole.

J'espère donc que nous pourrons nous retrouver en séance pour procéder ensemble à ces améliorations qui créeront un cercle vertueux. Les sols rassemblent comme nous le disaient encore, hier soir, certains agriculteurs. Espérons que nous saurons entendre les campagnes.

M. Guillaume Chevrollier. - Je suis heureux de pouvoir à nouveau échanger sur le sujet important qu'est le sol, après l'instructive table ronde du mois de décembre dernier. Je vous prie d'excuser l'absence de Philippe Tabarot, qui m'a chargé d'exprimer la position du groupe Les Républicains sur ce texte, dont l'objectif affiché est d'ouvrir la voie à des politiques structurelles en matière de protection des sols.

Notre groupe est réticent à l'égard des mesures proposées. En effet, nous disposons déjà d'un cadre juridique pour la protection des sols, inscrit à l'article L. 110-1 du code de l'environnement qui dispose que « les espaces, ressources et milieux naturels terrestres et marins, les sons et odeurs qui les caractérisent, les sites, les paysages diurnes et nocturnes, la qualité de l'air, la qualité de l'eau, les êtres vivants et la biodiversité font partie du patrimoine commun de la nation. Ce patrimoine génère des services écosystémiques et les valeurs d'usage. Les processus biologiques, les sols et la géodiversité concourent à la constitution de ce patrimoine ».

Notre pays souffre déjà d'une inflation normative et organisationnelle. Or, cette proposition de loi, loin d'alléger l'empilement, vise à créer un énième plan quinquennal, centré cette fois-ci sur les sols, qui aura pour objectif d'élaborer une énième stratégie nationale avec un nouveau haut-commissaire chargé de la protection et de la résilience des sols. Je considère que les missions de ce haut-commissariat pourraient être prises en charge par des instances existantes, comme les agences de l'eau et le BRGM. Il convient d'assurer la protection des sols de manière efficace et pragmatique.

Je tiens à rappeler que nous souscrivons à l'objectif global de protéger les sols et la biodiversité, mais nous devons également écouter nos concitoyens. Les agriculteurs manifestent depuis des semaines, à juste titre, contre l'excès de normes et de contraintes. Or, cette proposition de loi vise les agriculteurs et les forestiers dans leurs usages des sols, en leur imposant un nouveau diagnostic de performance écologique pour les immeubles à usage agricole et pour les bois et forêts.

Ici, dans la chambre des territoires, nous avons tous salué et défendu les agriculteurs, qui contribuent à l'entretien de la biodiversité et des paysages. Comment pourrions-nous donc voter de nouvelles contraintes sans nous montrer incohérents ?

En outre, il convient de réfléchir aux outils que nous pourrions utiliser pour protéger les sols sans accabler les acteurs du secteur en leur imposant de nouvelles normes contraignantes et changeantes. Certes, la biodiversité est chère à notre commission, mais nous devons pouvoir la protéger sans imposer aux agriculteurs et aux forestiers de nouvelles complications administratives.

Enfin, le texte vise à anticiper une directive européenne. Alors que la tendance actuelle est à la dé-surtransposition, il nous paraît peu opportun d'opérer une pré-transposition.

Pour toutes ces raisons, les membres du groupe Les Républicains s'opposeront à cette proposition de loi, tout en indiquant leur intérêt marqué pour la qualité des sols.

M. Jacques Fernique. - C'est un beau débat que celui que nous avons. Certains disent que ce n'est pas le moment et qu'il ne faut pas en rajouter. Or, je reste persuadé que c'est d'autant plus le moment de voter ce texte.

En effet, le contexte de tension dans lequel nous nous trouvons nous offre l'opportunité de mieux équilibrer les politiques que nous menons. Les réactions de court terme ne doivent pas l'emporter, au détriment de la planification de la transition écologique. Au contraire, les mesures doivent être mieux conduites et davantage accompagnées. La présidente du Haut Conseil pour le climat nous rappelait ainsi, lors de sa récente audition, que, dans le contexte actuel, il s'agissait non pas « de détricoter les politiques environnementales, mais de faciliter leur mise en oeuvre ».

Cette proposition de loi est, à mon sens, très opportune. Une directive européenne est en effet en préparation, après une tentative avortée en 2006. Si notre pays veut être moteur, nous devons faire en sorte que notre droit intègre le sol pour ce qu'il est, à savoir un écosystème vital et pas une simple surface où l'on construit ou bien un support pour les cultures. À la différence de la planète Mars ou de la lune, la Terre nous offre un sol vivant qui est un patrimoine commun et dont la dégradation doit être reconnue comme un processus à stopper. Tel est le sens de l'article 1er.

Quant à l'article 2, il est au coeur du dispositif, puisqu'il prévoit un diagnostic de performance écologique du sol, sous la forme d'une sorte d'état des lieux, qui servira de base à la mise en oeuvre de bonnes pratiques : on pourra ainsi éviter d'artificialiser les sols qui sont les plus favorables au vivant. Il faudra, bien évidemment, veiller à ce que les exploitants trouvent leur intérêt à faire ce diagnostic. Pour cela, ils devront être bien accompagnés. L'élargissement des politiques environnementales ne pourra réussir que dans une démarche gagnant-gagnant. Dans cette perspective, il serait bon que l'examen de cette proposition de loi nous permette d'avancer, plutôt que de procrastiner encore.

Mme Nicole Bonnefoy. - Monsieur Chevrollier, vous considérez que le cadre juridique actuel est suffisant. Pourquoi alors les scientifiques que nous avons entendus lors de la récente table ronde réclament-ils l'inscription des sols dans le code de l'environnement au même titre que l'air et l'eau ?

En outre, le texte ne vise pas à mettre en place une norme supplémentaire.

Lors des auditions, les représentants des agences de l'eau, qui travaillent déjà sur la gestion des sols dans le cadre de la politique de l'eau, ont manifesté leur souhait de s'emparer de cette compétence nouvelle. Nous déposerons un amendement en séance pour que les agences puissent porter cette politique.

Vous souscrivez à l'objectif de préservation de la biodiversité et des sols : alors, allons-y !

Les agriculteurs ont des positions qui peuvent varier en fonction de leur situation. Nous avons tous écouté toutes les organisations syndicales, sans parti pris.

Concernant les diagnostics, il y en a pléthore et certains sont un peu farfelus. Nous souhaitons aboutir à un diagnostic unique, scientifiquement approuvé et labellisé, accessible à tous, de manière démocratique et sans barrière tarifaire. En effet, certains agriculteurs, qui en ont les moyens, parviennent à se payer les services de bureaux d'études privés pour des diagnostics qui coûtent une fortune. Nous souhaitons que tous les agriculteurs, y compris les plus modestes, puissent bénéficier d'un diagnostic de qualité.

Enfin, sur la directive européenne, les auditions ont montré que notre travail en amont pouvait participer à l'élaboration d'une position française cohérente sur le sujet.

M. Ronan Dantec. - Cette proposition de loi me semble de bon sens et de bonne foi. La préservation de la qualité des sols est un enjeu majeur compte tenu des multiples services rendus.

Dire qu'il ne faut pas ajouter des normes aux normes est un argument un peu court. Certes, on peut discuter du système intégrateur à trouver, mais comment pourrait-on refuser tout changement alors que le système ne fonctionne plus ? D'autant que la dégradation des sols produit une inflation des normes pour y faire face : il suffit de citer le durcissement des normes sur les inondations ou sur la qualité de l'eau.

M. Hervé Gillé. - L'approche conjoncturelle du sujet pose question. Devons-nous légiférer en fonction de la conjoncture ? Je n'en suis pas persuadé.

En outre, le manque de dialogue et de reconnaissance explique la cristallisation de la crise des agriculteurs, celle-ci n'ayant pas été suffisamment traitée en amont. Nous devons désormais faire face à un mouvement de contestation et de révolte qui a pour conséquence la remise en question de certaines avancées, lesquelles avaient pourtant été travaillées en concertation avec les agriculteurs.

Les stratégies dont il est question dans ce texte sont à moyen et long termes, ce qui est un point essentiel.

La mission d'information sur la gestion durable de l'eau a montré que la préservation de la qualité des sols était la meilleure manière de retenir l'eau. Plus un sol est riche en matière, mieux il retient l'eau et plus il la restitue. Tous les programmes d'intervention suivent cette stratégie qui est aussi celle que mettent en oeuvre les agences de l'eau via les comités de bassin. Les avantages sont aussi dans le rapport entre le coût et le bénéfice et dans le gain de productivité.

Faut-il donc reculer et attendre un moment plus propice pour proposer ce type de loi ? Je ne le crois pas. N'ayons pas peur du dialogue et ouvrons-le, au contraire. Les représentants de la FNSEA ont montré que les agriculteurs n'étaient pas si fermés que cela sur le sujet.

M. Alain Duffourg. - Ce sujet pourrait tout à fait être discuté de manière apaisée, et nous pourrions aboutir à un consensus.

Néanmoins, comme notre collègue Guillaume Chevrollier l'a indiqué, l'article L. 110-1 du code de l'environnement intègre déjà les sols au sein du patrimoine commun de la nation. Il ne paraît pas opportun d'imposer de nouvelles normes aux agriculteurs, dans le contexte que nous connaissons, d'autant que les agences de l'eau sont là pour traiter le sujet.

Le groupe Union Centriste s'opposera par conséquence à cette proposition de loi.

Mme Kristina Pluchet. - Nous avons eu l'occasion d'assister, hier soir, à la projection d'un très beau film dont le sujet portait sur l'agriculture de conservation et sur l'agriculture biologique. Or, l'agriculture de conservation est hyperdépendante au glyphosate. Cela montre bien qu'il n'y a pas d'agriculture plus vertueuse qu'une autre. Plusieurs modèles coexistent et il faut rappeler que l'agriculture française reste la plus propre au monde.

Les agriculteurs font déjà un diagnostic de l'état de leurs sols, tous les ans. Il n'est donc pas besoin d'une surenchère normative. Croyez-vous qu'un agriculteur aurait envie de détruire son outil de travail ? Je ne le crois pas.

Par conséquent, laissons les Français entreprendre et faisons-leur confiance. Je le redis, notre modèle agricole est l'un des meilleurs au monde.

Mme Marie-Claude Varaillas. - Je ne pense pas que l'on aille à l'encontre de l'intérêt des agriculteurs en s'emparant du sujet de la qualité des sols. Ils savent qu'ils seront incontestablement les acteurs essentiels de la transition écologique. Mais ils demandent à être mieux accompagnés. Par exemple, il faudrait des crédits de recherche pour les aider à trouver des produits de substitution quand on leur en interdit certains. Dans le contexte particulier que nous vivons, les agriculteurs attendent avec impatience que les promesses qu'on leur a faites soient tenues.

Nous ne pouvons pas nous défiler, car la protection des sols est une nécessité. Les sols ont une fonction primordiale, à la fois parce qu'ils servent à nous nourrir et qu'ils contribuent à préserver la qualité de la biodiversité.

Nous voterons ce texte, même s'il intervient dans un contexte particulier. Les agriculteurs que je rencontre dans mon département comprennent parfaitement ce que nous tentons de faire.

Puisque les agriculteurs entretiennent nos paysages et nous nourrissent, pourquoi ne pas les rémunérer à ce titre, c'est-à-dire en tant qu'acteurs de la transition écologique ?

M. Michaël Weber, rapporteur. - Ce qui m'a frappé lors des auditions, c'est que tous les agriculteurs, quel que soit le type d'exploitation, sont attachés à leurs sols. À l'inverse, tous les agriculteurs qui s'installent veulent connaître la qualité des sols dont ils assureront l'exploitation. L'une des vertus de ce texte est de rendre cela possible.

De plus, nous sommes dans la chambre des territoires, et nous avons tous des terres agricoles dans nos circonscriptions. Dans la mienne, en Moselle, il y a 725 communes et les agriculteurs sont nombreux. Le monopole de l'agriculture n'appartient à personne et nous voulons tous accompagner ceux qui font la richesse de notre pays. La crise est réelle et nous devons l'entendre.

Certains ont dit que les agriculteurs faisaient déjà du diagnostic et qu'il n'y avait pas besoin de normes supplémentaires. Toutefois, lors des auditions, des représentants de bureaux d'études nous ont dit qu'ils demandaient à leurs clients agriculteurs que leurs terres fassent l'objet d'un diagnostic. La reconnaissance de la qualité des sols est un critère qui se développera inévitablement dans les années à venir.

Pour ce qui est de la directive européenne, très souvent, quand il y a transposition, on se plaint de ne pas avoir réagi suffisamment en amont. Quant à notre tendance à la surtransposition, elle est également souvent dénoncée. Pourquoi ne pas considérer que, en faisant de la pré-transposition, nous contribuerons au débat à l'échelle européenne ?

Le sujet réapparaîtra inévitablement. Des textes sont en discussion à l'Assemblée nationale et la directive européenne sera bientôt examinée au Parlement européen. En outre, le rendement lié à la qualité des sols n'est pas seulement le fait d'intrants, mais aussi de modes productifs. Je suis certain que nous aurons l'occasion d'avoir un débat plus apaisé sur le sujet.

En application du vade-mecum sur l'application des irrecevabilités au titre de l'article 45 de la Constitution, je propose que le périmètre de recevabilité des amendements inclue des dispositions relatives à l'inscription des sols au sein du patrimoine commun de la Nation ; aux fonctions écologiques et aux services écosystémiques rendus par les sols ; au contenu, au pilotage administratif et ministériel et aux modalités de mise en oeuvre de la stratégie nationale pour la protection et la résilience des sols et au schéma national des données sur les sols qu'elle prévoit ; aux modalités d'évaluation et de diagnostic des sols, aux organismes chargés des relevés, des mesures et de leur interprétation et à la transmission et l'utilisation des résultats par les organismes publics ; à la définition d'objectifs en matière de protection et d'amélioration de la qualité des sols au sein des documents de planification et d'urbanisme et à leur respect.

Il en est ainsi décidé.

EXAMEN DES ARTICLES

Articles 1er, 2, 3 et 4

Les articles 1er, 2, 3 et 4 ne sont pas adoptés.

La proposition de loi n'est pas adoptée.

Conformément au premier alinéa de l'article 42 de la Constitution, la discussion en séance portera en conséquence sur le texte initial de la proposition de loi déposée sur le Bureau du Sénat.

- Présidence de M. Didier Mandelli, vice-président de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable, et de M. Jean Sol, vice-président de la commission des affaires sociales. -

La réunion est ouverte à 10 h 30.

L'éco-anxiété - Audition du docteur Célie Massini, psychiatre, GHU Paris psychiatrie et neurosciences, du professeur Antoine Pelissolo, psychiatre, professeur des universités - GHU Henri-Mondor, de M. Pierre-Éric Sutter, psychologue du travail, et de Mme Manuela Santa Marina, psychologue clinicienne et psychothérapeute

M. Didier Mandelli, vice-président de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable. - Mes chers collègues, les présidents Mouiller et Longeot étant retenus par la cérémonie d'hommages aux victimes françaises des attentats du Hamas du 7 octobre dernier, j'ai le privilège d'introduire cette table ronde consacrée à l'éco-anxiété, organisée conjointement avec la commission des affaires sociales. Je remercie les présidents de nos deux commissions d'avoir bien voulu co-organiser cette audition permettant de croiser nos expertises et nos approches au sujet d'un phénomène qui relève à la fois de la santé et du suivi des politiques publiques en matière climatique et environnementale.

C'est à ma demande que cette réunion est organisée : en lisant il y a un peu plus d'un an un ouvrage de l'une de vos consoeurs, que mes enfants m'avaient offert - je le dis en passant, mais cela a son importance -, j'ai découvert ce qu'était l'éco-anxiété. Il m'a semblé nécessaire d'évoquer ce sujet au sein de nos commissions. Aujourd'hui, plus d'un tiers des femmes en âge de procréer ne souhaitent pas avoir d'enfants, pour des raisons multiples, dont celles que nous évoquerons. Ces phénomènes d'éco-anxiété, amplifiés par la covid-19, ont accru de plus de 25 % les besoins de prise en charge des jeunes en matière de soins et de suivi psychiatriques, comme je l'ai constaté en me rendant dans des établissements de santé. Il me semble important de porter, en tant que législateurs, un regard lucide sur ces questions.

À ma connaissance, c'est la première fois qu'une assemblée parlementaire organise une table ronde d'experts et de praticiens sur l'éco-anxiété, dans le but d'assurer l'information du Sénat et du public à propos d'un concept relativement neuf, mais déjà bien présent dans le débat public. Cette notion est en effet entrée dans le dictionnaire en 2023 : la définition qu'en donne Le Robert renvoie assez laconiquement à l'« anxiété provoquée par les menaces environnementales qui pèsent sur notre planète ».

En 2021, selon une étude de la revue The Lancet établie à partir des réponses de 10 000 jeunes de 16 à 25 ans originaires d'une dizaine de pays, près de la moitié d'entre eux déclarent que le changement climatique les rend tristes, anxieux, en colère, impuissants et coupables. Un pic est atteint par les jeunes Philippins, qui à 92 % jugent que l'avenir est effrayant ; en France, ce taux s'élève à 74 %.

Dans son rapport annuel sur l'état de la France en 2023, le Conseil économique, social et environnemental (Cese) dresse un bilan des inquiétudes des Français. Elles concernent en priorité la hausse des inégalités sociales et la baisse du pouvoir d'achat, mais également le sentiment d'anxiété face aux dérèglements climatiques. Une enquête menée par Ipsos à la demande du Cese indique ainsi que « si les Français sont plutôt optimistes quand ils pensent à leur propre avenir, ils sont au contraire plutôt pessimistes quand ils pensent à l'avenir de leurs enfants, et le sont encore davantage quand ils pensent à l'avenir de la France ou de la planète ».

Face à ces constats préoccupants, il nous a semblé opportun d'organiser une table ronde pour faire le point sur la réalité de ce phénomène, avec lucidité et espérance. Notre but est de définir et de délimiter la notion d'éco-anxiété, avant éventuellement d'envisager les réponses publiques pouvant y être apportées afin de circonscrire sa progression et de répondre à cet enjeu croissant, à la fois en matière d'information du public, de prévention, de santé publique et de prise en charge.

Afin d'explorer ces questions, nous avons le plaisir d'accueillir ce matin Mme Célie Massini, psychiatre au groupe hospitalier universitaire (GHU) Paris psychiatrie & neurosciences, ainsi que M. Antoine Pelissolo, psychiatre, professeur des universités au GHU Henri-Mondor, tous deux auteurs de l'ouvrage Les émotions du dérèglement climatique. Nous accueillons également Mme Manuela Santa Marina, psychologue clinicienne et psychothérapeute, et M. Pierre-Éric Sutter, psychologue du travail.

Dans le but de permettre à chaque intervenant de présenter ses travaux et les constats qu'il a pu tirer de sa pratique et de son expérience, je commencerai par quelques questions avant de laisser la parole à Jean Sol pour amorcer le dialogue entre nos deux commissions.

Quelles réalités recouvre la notion d'éco-anxiété ? Fait-elle l'objet d'un consensus scientifique ou faut-il lui préférer une autre qualification ? Comment la diagnostiquer et quels en sont les symptômes les plus fréquents ? Quelles sont les catégories de population les plus susceptibles d'être concernées ? Quelles sont, selon vous, l'ampleur et la dynamique du phénomène ? Les pouvoirs publics ont-ils déjà pris en compte les problématiques soulevées par cette question nouvelle ?

M. Jean Sol, vice-président de la commission des affaires sociales. - Mes chers collègues, au nom du président Philippe Mouiller, qui regrette de ne pouvoir être présent du fait de la cérémonie d'hommage tenue aux Invalides, je tiens tout d'abord à remercier le président Longeot de l'organisation de cette table ronde. Je remercie également ses participants, Mme Célie Massini, M. Antoine Pelissolo, M. Pierre-Éric Sutter et Mme Manuela Santa Marina.

J'espère que nos échanges permettront de mieux éclairer les membres de nos commissions respectives sur un phénomène émergent, dont on peine à prendre la pleine mesure.

Je ne dirai que quelques mots pour compléter le propos introductif de M. Mandelli. J'aimerais simplement que vous précisiez en quoi l'éco-anxiété se distingue, si tel est bien le cas, d'autres sources d'anxiété ayant affecté les générations précédentes, comme la guerre nucléaire. L'éco-anxiété pose-t-elle, par sa nature, par la quantité des personnes touchées ou par les troubles qui la caractérisent, des problèmes spécifiques ?

Mme Célie Massini, psychiatre, GHU Paris psychiatrie & neurosciences. -Mesdames, Messieurs les sénateurs, j'exerce actuellement en tant que psychiatre de l'hôpital public à Saint-Anne, dans le quatorzième arrondissement de Paris, au sein d'un service spécialisé dans la prise en charge des troubles du comportement alimentaire.

J'ai une expérience théorique de la question de l'éco-anxiété en raison des revues de la littérature scientifique que j'ai réalisées d'abord pour ma thèse de médecine, puis pour mon mémoire de fin d'études, travaux tous deux dirigés par le professeur Antoine Pelissolo ici présent. Mon mémoire posait l'une des questions que vous avez déjà soulevées : l'éco-anxiété constitue-t-elle une nouvelle entité clinique ? Dans ma thèse, je m'intéressais à l'ensemble des impacts du dérèglement climatique sur la santé mentale des populations, dont l'éco-anxiété est l'une des manifestations.

Au-delà de la question de l'éco-anxiété, le dérèglement climatique affecte déjà la santé mentale de tous lors des épisodes de canicule, de sécheresse ou à chaque confrontation avec des événements climatiques extrêmes, pour ne citer que ces trois exemples. Notre territoire a été frappé par de nombreuses catastrophes naturelles au cours des dernières années. Les études montrent que, dans de telles circonstances, il y a davantage de blessés psychiques que de blessés physiques. Par exemple, 15 % des victimes de catastrophe naturelle développeront un état de stress post-traumatique après avoir été confrontées à ces événements.

Pourtant, les dispositifs mis en place ne reflètent pas cette répartition entre blessés psychiques et blessés physiques ; nous en avions déjà fait l'expérience lors de la pandémie de covid-19, alors que de nombreuses structures psychiatriques avaient été fermées. Nous continuons de prendre en charge des patients dont la santé mentale a été fortement ébranlée lors de la pandémie. Ce point soulève une question de taille : les conséquences psychiques des événements peuvent nous affecter durant des années et nécessitent parfois des prises en charge longues, bien que d'intensités variables. Aussi, les pistes de réponse que nous ébaucherons aujourd'hui devront relever le défi du temps long pour être efficientes.

Poser la question de la prise en charge de l'éco-anxiété, c'est poser la question plus large de la prise en charge psychiatrique de toutes les personnes qui en ont besoin. Aujourd'hui, en France, le système de santé n'arrive plus à répondre aux besoins en santé mentale de la population. De nombreuses personnes, toutes détresses psychiques confondues, n'ont pas accès aux soins nécessaires. Les délais d'attente de toutes les structures publiques s'allongent de façon démesurée pour atteindre plusieurs mois, voire plus d'une année, notamment en pédopsychiatrie, alors que les adolescents et les jeunes adultes figurent parmi les populations les plus vulnérables à l'éco-anxiété. La fréquentation des urgences psychiatriques atteint des sommets, mais de nombreux services ferment, parce que les soignants ne sont pas assez nombreux.

La situation de pénurie impose de prioriser les prises en charge à partir de critères de sévérité et d'urgence. Elle concerne tout particulièrement la réflexion autour de l'éco-anxiété, puisque cette dernière ne constitue pas à ce jour un diagnostic psychiatrique à proprement parler, bien qu'elle puisse être à l'origine d'une douleur psychique invalidante et un facteur précipitant d'autres troubles mentaux.

Aujourd'hui, la littérature scientifique définit l'éco-anxiété comme « la peur chronique des désastres écologiques à venir ». À partir d'études descriptives et qualitatives, nous en connaissons certains symptômes et nous disposons d'indices sur sa prévalence dans les populations qui y seraient les plus vulnérables. Des échelles ont été construites afin de permettre le développement de la recherche et d'assurer la possibilité de comparer les résultats, mais à ce jour les connaissances restent limitées. Ces manifestations ne sont pas reconnues comme une pathologie psychiatrique et aucun critère diagnostique ne permet d'unifier nos pratiques. Les échelles d'évaluation qui existent n'ont pas été traduites et validées en français. Les études permettant de circonscrire ce phénomène et de mieux définir sa prise en charge thérapeutique n'ont pas encore été menées ou, si elles existent, leurs résultats n'ont pas encore été publiés.

Il y a donc un double chantier à mener : celui de la caractérisation du trouble de l'éco-anxiété et celui de la mise en place d'actions de prévention et de prise en charge adaptées.

En résumé, mon propos comporte trois points clés. Premièrement, l'éco-anxiété est l'une des conséquences sur la santé mentale du dérèglement climatique et nous devons nous attendre à une augmentation des besoins de soins psychologiques et psychiatriques du fait du dérèglement climatique. Deuxièmement, la psychiatrie publique n'est pas aujourd'hui en mesure de répondre aux besoins déjà existants de la population. Troisièmement, l'éco-anxiété est encore insuffisamment définie. Pour concevoir des politiques de santé efficaces sur ce sujet, des travaux de recherche doivent être entrepris pour définir des critères diagnostiques, traduire et valider les échelles existantes en français, comprendre comment s'articulent l'éco-anxiété et les autres troubles psychiatriques déjà décrits, et définir des stratégies thérapeutiques efficientes.

M. Antoine Pelissolo, psychiatre, professeur des universités au GHU Henri-Mondor. - Mesdames, Messieurs les sénateurs, je suis chef du service de psychiatrie à l'hôpital Henri-Mondor de Créteil. Je précise par souci de transparence que je suis engagé politiquement en tant que premier adjoint au maire de Créteil et secrétaire national du Parti socialiste. Il n'y a pas de conflit d'intérêts, mais cela pourra expliquer certaines de mes approches.

Je vous remercie de l'organisation de cette table ronde, qui permet d'insister sur les croisements entre les problématiques de santé mentale et les enjeux du changement climatique et environnemental. Je travaille depuis plus de vingt ans sur les troubles anxieux, sur les phobies et les troubles obsessionnels compulsifs (TOC), qui concernent de nombreuses personnes et sont parfois très invalidants. Peu à peu, à l'occasion de travaux menés par mon équipe autour du sujet de l'environnement, j'ai vu arriver de plus en plus de patients, souvent jeunes, qui exprimaient vis-à-vis du climat une plainte dépassant la simple inquiétude. En effet, l'inquiétude sur le climat est partagée : même si les sondages sont souvent imprécis, plus de la moitié de la population s'inquiéterait à ce sujet. Il s'agit dans ce cas non pas d'une pathologie en soi, mais plutôt d'un élément sain et utile pour l'action à mener en faveur de la transformation écologique ; on peut en tout cas l'espérer. Même si cette inquiétude ne devient pas nécessairement une souffrance, le non-désir d'enfants évoqué par le sénateur Didier Mandelli peut également refléter l'importance de ce sujet.

Au sein de cette proportion significative de personnes conscientes des enjeux climatiques, nous avons assisté à l'émergence du concept d'éco-anxiété. Nous sommes soumis à cet égard à un biais, car nous travaillons sur ces questions et de plus en plus de personnes nous consultent en raison de ces troubles. Nous ne sommes donc pas représentatifs et nous ne disposons pas de chiffres d'épidémiologie.

Selon la seule étude récente et consistante sur la prévalence de ces troubles, définis selon des critères encore assez fragiles - le sujet est récent, et il ne faut pas « psychiatriser » toute la société -, on estime qu'environ 3 % de la population répond à des critères de pathologie, c'est-à-dire à une anxiété excessive et envahissante ou obsédante, avec des comportements de vérification souvent proches des compulsions observées dans les TOC. En particulier, certaines personnes espèrent se rassurer en regardant les informations et se documentent parfois de manière obsédante en consultant par exemple les rapports du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (Giec), ce qui entraîne parfois des troubles du sommeil, de l'appétit ou de l'équilibre de vie. C'est à partir de ce type de retentissement sur la personne que nous intervenons en tant que soignants.

La prise en charge est aujourd'hui relativement consensuelle parmi les spécialistes : nous aidons assez efficacement ces personnes à l'aide d'outils de psychothérapie reposant sur l'accompagnement et l'écoute. La première chose que demandent ces personnes, c'est une écoute leur permettant de légitimer et de partager leur inquiétude. Si nous identifions à l'aide de nos outils diagnostiques une pathologie de troubles anxieux, d'anxiété généralisée ou de dépression, nous proposons des soins plus spécifiques à l'aide de certaines formes de thérapies comportementales et cognitives. Enfin, nous recommandons d'accompagner ces personnes vers une mise en action et un engagement correspondant à leurs valeurs personnelles, qu'il s'agisse de se rapprocher de la nature de manière générale, ce qui a des effets bénéfiques pour la santé psychique, ou de s'engager de manière civique, associative ou militante, afin de se réaliser et de sortir de la culpabilité.

La différence entre l'éco-anxiété et les autres formes d'anxiété ne fait pas encore consensus et nous restons prudents à ce sujet, mais il semble y avoir matière à définir un syndrome ou un sous-type de troubles anxieux. Vous évoquiez les craintes liées à la guerre nucléaire, mais la différence entre ces craintes et l'éco-anxiété, c'est que cette guerre n'a pas eu lieu. Je fais partie des baby-boomers ; durant la guerre froide, nous avions l'espoir d'éviter la guerre nucléaire et jusqu'à présent nous avons pu l'éviter. Le regard que les personnes souffrant de ces troubles portent sur l'avenir peut se résumer ainsi : la fin est irrémédiable, l'on ne pourra rien y faire et, même si l'on parvient à dévier la trajectoire, on va y passer. Le vécu est différent : il y a un mélange d'émotions, faisant intervenir de la peur, de la frustration, du désespoir, du ressentiment et de la colère, notamment envers ceux - récemment encore, un journaliste invité sur de nombreuses chaînes de télévision affirmait que la France n'avait pas à se soucier du changement climatique -, qui restent sceptiques quant aux effets du réchauffement climatique.

Une piste qui nous tient à coeur réside dans le travail multidisciplinaire, car cette question concerne non seulement les médecins et les psychologues, mais également des sociologues, des philosophes et les acteurs politiques. Les comportements individuels que j'évoquais s'appliquent au niveau collectif : il faut porter la parole, écouter et partager ces préoccupations, en identifiant parmi elles celles qui doivent être légitimées, car même si le scénario catastrophe ne se réalisera pas forcément, il existe dans la tête de certains. Des espaces de parole sont nécessaires et il est primordial de disposer des lieux d'échange autour de ces questions.

Par ailleurs, conduire des politiques en faveur de la transformation climatique est la meilleure manière de rassurer ces personnes inquiètes face à l'idée que l'on ne fait rien. Il faut également mieux connaître ce phénomène. Je propose de créer des centres de référence spécialisés, travaillant sur les soins à apporter, sur la connaissance scientifique et théorique, ainsi que sur la formation des professionnels de santé. La connaissance de ces questions fait parfois défaut chez des professionnels non spécialisés. Il est important d'en parler, afin que ces professionnels sachent que cette problématique est réelle, qu'il ne faut pas la prendre de haut.

Mme Manuela Santa Marina, psychologue clinicienne et psychothérapeute. - Je suis psychologue clinicienne et psychothérapeute. Je ne suis pas chercheuse, je travaille en cabinet et pour une fondation.

Je vais prendre un moment pour expliquer d'où je parle. Je suis tout à fait en accord avec ce que mes collègues ont indiqué. Je suis spécialisée en psychotrauma. Je me suis intéressée à titre personnel à la question de la situation écologique et à ses conséquences psychologiques en 2017. J'ai alors constaté que très peu de travaux existaient en lien avec cette thématique. En revanche, de nombreux accompagnements étaient proposés, mais par des non-professionnels de la santé mentale, comme si la question de l'éco-anxiété ne représentait pas alors un intérêt pour la psychiatrie. J'ai souhaité adopter un regard clinique de terrain et j'ai rejoint des mouvements citoyens écologistes, auprès desquels je suis restée pendant trois ans. J'ai rencontré d'autres thérapeutes intéressés par cette question, en cofondant le Réseau des professionnels de l'accompagnement face à l'urgence écologique, notamment avec Charline Schmerber, et je suis également membre du groupe d'intérêt et d'étude de l'Association française des thérapies cognitives et comportementales. Je suis présente à cette réunion pour vous faire part des retours de cabinet, car aujourd'hui environ un tiers de mes patients est touché par la question de l'éco-anxiété, même s'il y a bien évidemment, comme M. Pelissolo l'indiquait, un biais de sélection en raison de ma labellisation en tant que psychothérapeute écosensible. Un autre aspect intéressant de notre réunion est celui de la sensibilisation. Je suis formatrice à l'accompagnement des émotions pour les personnes qui effectuent des opérations de sensibilisation, notamment à l'occasion des formations de la Fresque du climat, qui nécessitent un accompagnement émotionnel pour ne pas provoquer l'effondrement des personnes.

Le premier retour du terrain que je peux vous proposer, c'est que l'éco-anxiété n'est pas une maladie. Selon l'Association américaine de psychologie (APA) et la Climate Psychology Alliance en Angleterre, on ne peut pas aujourd'hui parler d'une maladie ou d'une pathologie spécifique pour qualifier l'éco-anxiété. C'est un peu comme lors d'un deuil : une personne vivant un deuil va indéniablement souffrir. De même, avec l'éco-anxiété, la souffrance est évidente à partir du moment où la prise de conscience de l'urgence écologique a lieu, mais elle ne prend pas nécessairement un tour pathologique. En revanche, certains deuils deviennent parfois pathologiques : une transformation aura lieu, suscitant une paralysie, empêchant le fonctionnement des personnes. Mais ce n'est pas parce que l'éco-anxiété n'est pas en soi une pathologie qu'on ne peut pas l'écouter en séance : il est possible de souffrir d'éco-anxiété sans que cela prenne un tour pathologique.

Personnellement, je trouve le terme d'éco-anxiété assez malheureux, car il ne provient pas d'une réflexion clinique, d'une étude de symptômes ou d'une réflexion sur la manière de nommer cette souffrance. Comme l'indiquait le professeur Pelissolo, nous ne sommes pas uniquement face à une plainte ou à une anxiété, mais face à une palette d'émotions complexes. Utiliser ce terme présente l'inconvénient d'associer ces souffrances à des troubles anxieux, alors que cela n'est pas nécessairement pertinent.

Dans une étude qualitative portant sur 1 066 personnes en France, Charline Schmerber utilise le terme d'« éco-anxiété systémique », pour souligner le fait que les personnes ne redoutent pas principalement les conséquences du réchauffement climatique, mais expriment d'abord des inquiétudes relatives à la perte de la biodiversité et aux pénuries d'eau ; le réchauffement climatique n'intervient qu'en troisième lieu. L'inquiétude n'est donc pas seulement liée au réchauffement du climat, elle concerne toutes les sphères de la vie. Les risques perçus sont d'abord la guerre, puis les pénuries, puis les violences qu'une situation de pénurie pourrait provoquer, ainsi que la peur d'un krach boursier ou de risques sanitaires.

Par ailleurs, si ces troubles peuvent toucher tout le monde, les jeunes sont concernés au premier chef. L'étude précitée de la revue The Lancet de 2021 met en évidence une forte corrélation entre la manière dont les jeunes perçoivent les actions politiques et l'éco-anxiété : plus les actions politiques sont perçues comme n'étant pas à la hauteur des enjeux, plus l'éco-anxiété est forte. On retrouve cette corrélation dans une étude de la fondation Jean-Jaurès, qui établit que l'éco-anxiété correspond au sentiment d'abandon d'une génération qui a l'impression de ne pas être entendue par ses aînés, les jeunes ressentant comme une violence le fait que la vie continue comme si de rien n'était alors que des actions majeures devraient être menées. Laelia Benoit, pédopsychiatre à l'université de Yale, a étudié l'importance de ces sentiments chez les jeunes de 7 à 18 ans. Elle met en évidence le fait que la souffrance ne tient pas uniquement au réchauffement climatique, mais bien à la réponse des sociétés, des gouvernements et des entreprises. Un des leviers majeurs de soulagement ou d'apaisement de cette inquiétude est de sentir que la génération antérieure, celle de ses parents, s'empare de ces sujets et agit.

Nous pourrons dans la suite de notre échange évoquer davantage la forme que peut prendre la réponse des pouvoirs publics. D'une part, il faut promouvoir une écoute importante de la part des thérapeutes, surtout face à la défiance ou à la méfiance croissantes envers les lieux thérapeutiques, en raison du sentiment que les thérapeutes ne sont pas éco-sensibilisés ou formés à la question. Il est important de communiquer, pour donner l'impression d'une compétence et montrer que les pouvoirs publics agissent. Un programme australien a récemment fait une proposition de premiers secours en santé mentale, ce qui peut sembler important étant donné l'ampleur du phénomène. Les jeunes comme les adultes doivent être formés pour assurer les premiers temps d'écoute ; les enjeux d'éco-anxiété pourraient être ajoutés à ces formations. D'autre part, lors des campagnes de sensibilisation, il convient de sensibiliser les formateurs à l'écoute : ce type d'information ne peut pas être transmis sans intelligence humaine et psychologique, car elles peuvent provoquer l'effondrement des auditeurs, notamment des plus jeunes, qui éprouvent un sentiment d'impuissance.

M. Pierre-Éric Sutter, psychologue du travail. - Je suis psychologue du travail depuis une trentaine d'années, mais je suis également psychologue clinicien, psychothérapeute, enseignant-chercheur et président de l'association La maison des éco-anxieux. Je dirige l'Observatoire de l'éco-anxiété, premier observatoire à mesurer le niveau d'éco-anxiété en France, avec une équipe de chercheurs et de professeurs des universités. J'ai repris des études au Conservatoire national des arts et métiers (Cnam) pour creuser ce sillon. En 2016, je ne suis pas venu à l'éco-anxiété, c'est elle qui est venue à moi. Mesdames, messieurs les sénateurs, vous verrez que l'éco-anxiété viendra à vous au travers de vos proches ou des citoyens, comme cela a été le cas pour le sénateur Didier Mandelli.

Je partagerai mon expérience. La première patiente à m'avoir parlé d'éco-anxiété est venue consulter dans mon cabinet en 2016, initialement pour un burn-out. Ignorant du sujet, j'ai alors consulté la dernière version de la classification internationale des maladies (CIM), gérée par l'Organisation mondiale de la santé (OMS), mais je n'ai rien trouvé à ce sujet, aucune définition officielle ne permettant d'encadrer ce phénomène.

Avec les chercheurs de l'Observatoire de la vie au travail, que j'avais créé, nous avons fait une revue d'études. Le terme d'éco-anxiété apparaît en 1997, mais il n'apparaît pas de manière récurrente dans les médias avant 2018, année où les mentions explosent, avec une augmentation des références de 600 %, cette croissance se poursuivant dans les années suivantes. Le sujet vient à nous via les médias...

Ma première patiente me disait qu'en plus de son effondrement intérieur, lié à son burn-out, elle devait subir l'effondrement du monde extérieur. Elle m'a fait lire le livre de Pablo Servigne, chef de file de la collapsologie, intitulé Comment tout peut s'effondrer. La collapsologie a beaucoup été décriée, même si elle s'appuie sur des écrits scientifiques. Cela m'a interpellé. En 2018, j'ai créé l'Observatoire des vécus du collapse, qui semblait traumatiser des gens, même si je n'étais pas traumatisé personnellement. En me documentant, en consultant les écrits du Giec, j'ai pris la mesure de ce qui est en train de se passer. Tout est une question de lunettes : lorsque Pasteur a découvert les microbes, les médecins lui ont d'abord rétorqué qu'ils n'allaient tout de même pas se laver les mains pour faire accoucher des femmes, mais ils ont changé d'avis en utilisant un microscope. De même, les collapsologues m'ont fourni des lunettes, même si certains exagèrent et relèvent du nihilisme ; la sociologie de la collapsologie est par ailleurs intéressante.

Je suis un psychologue clinicien, et il me fallait trouver les moyens de soigner cette patiente éco-anxieuse. Je me suis donc renseigné, j'ai constaté que la science évoluait, et j'ai pris conscience du fait que l'éco-anxiété n'était pas une maladie. En santé mentale, on distingue trois possibilités : la santé mentale positive d'un côté du spectre, les psychopathologies de l'autre, et au milieu du continuum entre ces deux extrêmes se trouve un état intermédiaire, que l'on nomme « détresse psychologique ». Des chercheurs néo-zélandais proposent de définir l'éco-anxiété comme une détresse psychologique face aux enjeux environnementaux. Cette définition a le mérite de la simplicité, parce qu'elle illustre le phénomène de dégradation de l'état mental. Quelqu'un en bonne santé mentale peut éprouver une détresse psychologique devant l'effondrement du monde et le fait qu'un million d'espèces vivantes sur les 11 millions répertoriées sont menacées d'extinction massive. Cet état de détresse psychologique est vécu par les patients dans leur for intérieur, dans leur rapport au monde, et prend une dimension existentielle : les patients se projettent dans un monde fait de dérèglements climatiques, de sécheresses, de pénuries, vers un effondrement. La covid-19 est en partie venue valider ces thèses. Nos enfants s'inquiètent du monde et de l'avenir devant eux.

Empiriquement, j'ai constaté que ma patientèle est composée autant de jeunes que d'adultes ou de quinquagénaires. L'Observatoire de l'éco-anxiété est créé sur la base de la définition simple de l'éco-anxiété fournie par les travaux de recherche de Hogg et alii, cette équipe australo-néo-zélandaise proposant également un référentiel de symptômes cliniques qui permet d'évaluer l'éco-anxiété. Ce référentiel est assorti d'outils de diagnostic fiables, qu'une équipe lilloise a récemment validés scientifiquement. Nous disposons donc d'un outil diagnostique robuste, qui permet d'avoir des mesures, mais nous ne disposons pas encore de l'étalonnage de celles-ci. L'éco-anxiété, c'est comme la fièvre : c'est lorsqu'elle devient intense et chronique qu'elle devient une pathologie, les psychiatres devant alors intervenir pour prendre en charge les patients que les psychologues ne peuvent plus traiter. La science progresse par falsifications successives, et ce tableau proposé n'est pas exhaustif, mais il permet d'identifier l'éco-anxiété et de faire un diagnostic différentiel des éco-anxieux. Ce n'est pas parce qu'on dit qu'on est éco-anxieux qu'on l'est vraiment : je me méfie des études qui se fondent sur des sondages, notamment celle de Mme Hickman, de la faculté de Bath, citée auparavant, qui se centre uniquement sur les jeunes et non sur l'ensemble de la population, et qui repose seulement sur un sondage. À l'inverse, l'équipe de Hogg et alii propose un outil diagnostic d'auscultation du mental des individus. Nous avons suggéré une première proposition d'étalonnage dans une publication scientifique intermédiaire pour mesurer le degré d'éco-anxiété et identifier le basculement de l'éco-anxiété vers des problématiques de psychopathologie menaçant la santé mentale.

J'ai été assailli par les éco-anxieux, qui sont devenus ma patientèle principale. La moitié de mes patients me disent avoir été confrontés à l'incompréhension d'un autre psychologue. Tant qu'on ne prend pas la mesure du phénomène à l'aide de la documentation scientifique, on ne peut pas traiter ces questions. Les scientifiques évoquaient déjà en 1972 les problèmes du réchauffement climatique. Dans les médias américains, on parlait dès les années 1950 des gaz à effet de serre. Ce que l'on a négligé nous revient comme un boomerang. Pour moi, les éco-anxieux ne sont pas des personnes qui souffrent d'une pathologie : ce sont des personnes qui s'inquiètent pour le présent et pour l'avenir, et qui nous alertent. Ils sont les éco-ambassadeurs de la transition écologique : clairvoyants, ils perçoivent ce qu'il faudrait changer dans le monde pour éviter qu'il ne se dégrade et continuer à bien vivre.

M. Didier Mandelli, vice-président de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable. - Lors de mon propos introductif, j'avais parlé de lucidité et d'espérance. Médias ou élus, nous avons tous un rôle à jouer sur ce sujet.

M. Ronan Dantec. - Je vous remercie de l'organisation de cette table ronde, qui nous permet d'étudier un sujet que nous n'avons jusqu'alors jamais approfondi. Le point clé me semble être que l'éco-anxiété est non pas une pathologie, mais un rapport au monde, une lecture du monde. Il est important de le rappeler, même si ce rapport au monde peut alimenter des névroses préexistantes.

Comment analyser l'éco-anxiété avant le passage de ce rapport au monde à une pathologie ? Quelles sont les différences entre cette pathologie avec d'autres anxiétés liées au contexte politique, notamment lors de la Seconde Guerre mondiale ou de la guerre d'Algérie ? Des sondages ou une étude quantitative nous permettraient-ils de mesurer les conséquences en matière de comportements sociaux et économiques de cette montée de l'éco-anxiété ? Vous n'avez pas tellement parlé des conséquences de l'éco-anxiété sur un phénomène dont on parle beaucoup en ce moment, la baisse de la natalité. Nous avons beau être des baby-boomers, nous voyons bien en discutant avec les jeunes que cette éco-anxiété se traduit par une baisse du désir d'enfants. Chaque fois que la société perçoit un retour en arrière sur les questions environnementales, il y a des conséquences en matière de natalité.

Cette question me semble centrale : quels principaux changements comportementaux devons-nous considérer, en tant que législateurs ? Par ailleurs, la collapsologie et les études du Giec ne me semblent pas de même nature, notamment en raison de la place donnée par les collapsologues à la crise énergétique. Dans quelle mesure la collapsologie influence-t-elle l'éco-anxiété ?

Mme Corinne Imbert. - Dans la mesure où vous nous expliquez que l'éco-anxiété n'est pas une pathologie, en quoi notre système de santé pourrait-il alors contribuer à répondre à cette détresse psychologique, pour reprendre vos termes ?

Monsieur Sutter, vous affirmez que l'éco-anxiété vient à nous par l'intermédiaire des médias. Quelle est à cet égard votre appréciation sur l'information en continu, qui aggrave visiblement l'éco-anxiété ?

Mme Marta de Cidrac. - L'anxiété de la jeunesse a déjà existé par le passé : le courant hippie manifestait déjà une forme d'inquiétude par rapport à la guerre ou à l'avenir. Vous nous dites que vous accueillez, en tant que thérapeutes cliniciens, de nombreux jeunes, sur lesquels vous posez des diagnostics. Mais êtes-vous vous-mêmes éco-anxieux ? La question peut sembler provocatrice, mais votre propre positionnement par rapport à ce phénomène n'influencerait-il pas votre thérapie ? M. Pelissolo indiquait qu'il orientait parfois ses patients vers un militantisme écologique. Mais lorsque quelqu'un vient consulter pour des faits de violence, on ne lui conseille pas de mettre des gants de boxe ! Quel est votre positionnement éthique par rapport à l'éco-anxiété ? Enfin, que peut faire le législateur par rapport aux constats que vous dressez dans votre pratique professionnelle ?

Mme Célie Massini. - Si l'éco-anxiété n'est pas une pathologie psychiatrique, c'est parce qu'on ne la connaît pas encore suffisamment. Je suis persuadée que l'on disposera bientôt de critères diagnostiques et d'échelles permettant d'authentifier les symptômes. Ce qui nous manque actuellement, c'est effectivement un étalonnage pour savoir à partir de quand apparaît un trouble. Un trouble psychiatrique est défini par l'impact sur le quotidien, par le fait qu'un individu est empêché de fonctionner comme il le souhaiterait. Chez certaines personnes, cette préoccupation politique n'entraînera pas de souffrance invalidante, mais pour d'autres, il pourrait s'agir d'un facteur précipitant vers d'autres troubles psychiatriques comme des troubles anxieux ou de la dépression. L'éco-anxiété constitue-t-elle en elle-même un sous-type parmi les troubles psychiatriques déjà caractérisés ? On ne peut pas encore répondre à cette question, mais à ce jour, on ne peut pas non plus dire que l'éco-anxiété n'est pas du tout une pathologie.

Je parle en tant que psychiatre. Nous occupons la place du thérapeute, mais nous ne pouvons pas répondre à toutes les questions soulevées par l'éco-anxiété. Nous pouvons accueillir la parole et la souffrance, proposer à nos patients des solutions de traitement, mais d'un point de vue éthique nous ne pouvons pas avoir une opinion quant à ce qu'ils devraient mettre en oeuvre dans le cadre d'un engagement militant. À l'inverse, certains patients souffrant d'éco-anxiété ont indiqué que le fait de mettre leurs actions en cohérence avec leurs convictions provoque une diminution de leur inquiétude et produit des effets positifs sur leur santé mentale. Mais ce n'est pas aux thérapeutes de conseiller aux patients de s'engager. Il y a une scission nécessaire entre notre rôle de thérapeute et notre positionnement en tant que citoyen.

M. Antoine Pelissolo. - Il s'agit toujours de la même question, celle du normal et de l'excessif. Des études de psychologie sociale tentent d'établir si les personnes déclarant souffrir d'une telle anxiété changent leurs comportements, afin de voir comment mieux adapter les comportements collectifs aux exigences écologiques. L'anxiété aide-t-elle à adopter des comportements plus vertueux du point de vue environnemental ? Les études montrent que deux cas de figure se produisent : certaines personnes adopteront des comportements plus favorables à l'environnement, mais pour d'autres un effet de repli et de sidération se produit. Cela correspond aux observations générales : l'anxiété pousse certains à agir pour se protéger, et d'autres à se replier, à franchir un cap excessif dans la sidération et à perdre leur liberté d'action. Le renoncement à la parentalité est une décision très intime que l'on peut interpréter de mille manières, mais la pire de ces interprétations, du point de vue de l'espèce humaine, est celle d'un renoncement vis-à-vis de la transmission. Il faut démêler l'anxiété positive de celle qui obsède et qui empêche. De manière analogue, il est bon de se soucier de sa santé, mais devenir obsédé par sa santé et hypocondriaque peut s'avérer invalidant.

Nous intervenons au stade de la décompensation. Pour le système de santé, il vaut mieux prévenir que guérir, et agir avant que la décompensation n'ait lieu. La formation et l'information des professionnels sont importantes. La proposition de Manuela Santa Marina sur les premiers secours en santé mentale me semble très pertinente, car chacun doit pouvoir aider les personnes autour de soi. Le sujet doit être mieux connu pour que chacun sache comment mieux préserver sa santé mentale. Il n'est pas toujours nécessaire d'aller consulter : parfois, se reposer et se déconnecter des flots d'information suffit. Il ne faut certes pas fermer les yeux sur les catastrophes climatiques, mais il ne faut pas non plus être inondé d'informations récurrentes et spectaculaires. Des moments de déconnexion font partie de ce que nous préconisons. Nous recevons de nombreux professionnels du climat, des chercheurs qui s'engagent au quotidien dans ces problématiques qui constituent leur vie et leur travail. Nous leur conseillons de trouver des moments de relâchement, de se préserver, avant qu'une décompensation n'ait lieu.

En ce qui concerne mon engagement personnel, je pense être un éco-anxieux positif : j'en tiens compte dans mon mode de vie, et j'ai la chance d'être protégé vis-à-vis d'une décompensation. Je me suis mal exprimé tout à l'heure : nous ne prescrivons pas des comportements, mais nous donnons aux personnes la possibilité de retrouver leur liberté d'action. Ce sont nos patients qui veulent s'engager, changer les choses. Ces actions ne sont pas que militantes : il s'agit parfois de promouvoir la biodiversité autour de chez soi, de changer de lieu d'habitation ou de travail pour se sentir en accord avec soi-même. Les personnes réfléchissent à leur vie et déculpabilisent : une grande partie de la souffrance éco-anxieuse est en lien avec une forme d'hyper-responsabilité, comme si chacun devait porter le poids des catastrophes à venir sur ses épaules. Nous invitons les patients à relativiser, à se sentir utiles et non passifs, car la passivité crée le plus souvent la détresse.

Mme Manuela Santa Marina. - Pour ce qui touche aux conséquences de l'éco-anxiété sur les comportements, la question de la natalité est très fréquemment abordée par mes patients, au même titre que celle du rapport au travail. Des souffrances très fortes sont provoquées par les conflits entre le travail et les valeurs internes de la personne, avec des abandons très soudains, des situations de précarité ou des décisions parfois spectaculaires prises très rapidement.

Je remarque également une certaine défiance à l'encontre du système de santé. La prévention est essentielle pour éviter toutes sortes de complications et de difficultés, d'autant plus que notre système de santé arrive à saturation. Les psychologues cliniciens sont justement censés faire de la prévention et non recevoir des personnes pour les guérir. Nos patients se situent dans la fenêtre de la détresse psychologique et nous devons éviter que, en entrant en décompensation, ils ne doivent consulter des psychiatres, voire prendre des médicaments.

Pour cette raison, il est nécessaire de former les thérapeutes à l'écoute. Cela concerne la question de l'éthique. À titre personnel, je peux dire que je suis éco-anxieuse, même si je n'aime pas du tout ce terme ; j'ai souffert de la question des enjeux écologiques, mais je suis aujourd'hui apaisée parce que je me sens alignée avec ma vie, ce que je souhaite à mes patients. Cette question est d'autant plus importante que durant la période de la covid-19 les soignants ont beaucoup souffert. Il est essentiel que nous soyons formés et sensibilisés à ces questions, que nous soyons préparés psychologiquement, solides et en bonne santé pour recevoir nos patients.

Concernant les effets de la collapsologie et du flux médiatique sur l'éco-anxiété, l'impact délétère des discours uniquement négatifs est établi. Certains accompagnements proposent ainsi de réfléchir à des récits d'un avenir souhaitable et non dystopique, les effets sur les patients étant très positifs. Les thérapies cognitives et comportementales peuvent parfois inviter à certains comportements, avec l'idée que des actions en accord avec les valeurs internes de la personne peuvent dissoudre l'anxiété et la paralysie du patient. Laelia Benoit a montré que l'engagement dans des actions collectives, ne serait-ce qu'au niveau du quartier, et non seulement dans un cadre militant, a une importance décisive. La notion de collectif est importante : le patient se rend compte qu'il n'est pas seul responsable de la question.

M. Pierre-Éric Sutter. - La science le démontre, la régulation par l'action est plus puissante que la régulation émotionnelle. Il faut réguler les émotions négatives qui surgissent de la prise de conscience que le monde s'abîme, mais les enjeux sont parfois énormes. Que peut faire un individu par rapport à la fonte de la banquise ? Une patiente qui s'émerveillait devant une multitude de poissons multicolores en plongeant dans les Calanques il y a quinze ans me dit qu'elle n'y voit désormais plus aucun poisson.

M. Alain Milon. - Ce n'est pas vrai...

M. Pierre-Éric Sutter. - C'est son vécu, je le respecte, conformément à l'éthique du psychologue. Les scientifiques documentent de manière certaine des effondrements du monde, même si vous jugez peut-être que ce n'est pas vrai. Les patients perçoivent l'écho de ces effondrements et se trouvent empêchés d'agir. Que peut-on faire par rapport à la fonte de la banquise ? L'action individuelle est impossible et des recherches d'actions collectives ont donc lieu, notamment au travers d'associations. Mais on se rend compte que ces actions ne sont pas suffisantes, et que même si les États le souhaitaient tous, ils ne pourraient pas empêcher la fonte des glaces. Il y a une désespérance face à cela.

L'éco-anxiété se ressent également dans les entreprises, qui commencent à me consulter car leurs responsables se rendent compte que certaines de leurs pratiques provoquent des troubles chez leurs collaborateurs. Une patiente, responsable des transports dans un grand groupe, me disait être horrifiée par sa complicité dans l'émission de gaz à effet de serre, parce qu'elle ne pouvait pas imposer aux gens de prendre le train et non l'avion. Je vous rappelle ce qui s'est passé en 2022 lors de la visite de Patrick Pouyanné à l'école Polytechnique, pendant laquelle un tiers des étudiants lui a tourné le dos. Certaines entreprises qui ont un fort impact sur l'environnement sont concernées par des problèmes de recrutement, de fidélisation et de renouvellement des équipes dirigeantes.

Une association de jeunes diplômés de grandes écoles a été fondée en 2018 autour de l'idée que ces étudiants ne travailleront jamais dans une entreprise qui ne montre pas des gages de respect de l'environnement. De nombreuses personnes refusent de devenir complices d'un système qui menace, de manière avérée, l'environnement. De plus en plus, les entreprises prennent conscience de ces enjeux. Les conséquences socio-économiques se font déjà sentir. J'interviens également auprès de cols bleus, qui travaillent dans des entrepôts à plus de 33 degrés : le droit de retrait leur permet de cesser le travail et, s'il n'y a plus de bras, il n'y a plus de production.

Mme Laurence Rossignol. - Je retiens de ces échanges que l'éco-anxiété - le mot n'est pas adéquat, mais continuons de l'utiliser par commodité - est non une pathologie mais une souffrance, qu'elle n'est pas davantage une phobie, qu'elle peut être invalidante et aboutir à des décompensations. Il faut aider ceux qui souffrent et accompagner ceux qui ont atteint un stade supérieur.

Nous essayons d'accorder plus de crédits à la psychiatrie et à la reconnaissance de votre statut, mais, en tant que législateurs, que pouvons-nous faire d'autre ? J'ai le sentiment que ces individus, souvent jeunes, sont atteints d'une forme d'hyperlucidité. Cela n'arrive pas pour la première fois dans l'histoire, comme le faisaient remarquer mes collègues : Stefan Zweig a été atteint d'hyperlucidité sur l'état de l'Europe pendant la montée du nazisme, et sa vision lucide, mais non partagée, du monde l'a poussé au suicide, parce qu'il ressentait une immense solitude.

Comment pouvons-nous intervenir ? J'ai l'impression que les décideurs politiques ont une responsabilité, car ils peuvent accroître ou prévenir cette hypersensibilité. L'annonce d'une pause dans la réduction de l'usage des pesticides a probablement accru en un instant les troubles d'éco-anxiété. La manière dont nous prenons en compte la réalité de l'état du monde a une importance considérable pour faire comprendre à la population, et non aux seuls éco-anxieux, qu'ils ne sont pas en marge du monde. Nous avons une lourde responsabilité dans la prévention du développement de l'éco-anxiété et nous n'en sommes qu'au début de l'histoire. Avez-vous observé une corrélation entre l'hypersensibilité émotionnelle et l'éco-anxiété ?

Mme Patricia Demas. - Toutes les parties du monde sont-elles concernées de la même manière par ce phénomène ou ces interrogations sont-elles propres aux sociétés occidentales ? Ces interrogations sont-elles culturelles ou sociétales ? Toutes les parties du monde et toutes les générations sont-elles concernées de la même manière ? Quelles actions de prévention peut-on mener pour renforcer la résilience dans nos sociétés ?

M. Michaël Weber. - Ce débat est en phase avec la société : nous sommes tous confrontés à des personnes qui se disent éco-anxieux ou qui le sont sans s'en rendre compte. Quel est le périmètre de l'éco-anxiété ? Nos concitoyens victimes des inondations et craignant les inondations à venir ou ceux qui ont peur des mégafeux entrent-ils par exemple dans cette catégorie de personnes ?

Si les craintes quant à l'évolution du monde ne trouvent de réponse que dans des formes d'action, le risque devient celui d'une éco-radicalité qui dessert la cause qu'elle croit défendre. Nous pouvons nous engager dans des actions écologiques, mais l'éco-radicalité n'est-elle pas une forme de réponse, peut-être pathologique, à l'éco-anxiété ?

Mme Célie Massini. - Les responsables politiques ont un rôle à jouer : les prises de position des pouvoirs publics qui amoindrissent les conséquences du dérèglement climatique, en allant dans le sens des décisions votées lors des accords de Paris par exemple, provoquent une diminution de l'inquiétude générale. Au contraire, l'un des pourvoyeurs de l'éco-anxiété est l'inaction globale, qui renforce le sentiment d'impuissance face à l'immensité des enjeux.

L'éco-anxiété est un phénomène de société décrit dans les pays du Nord économique, où les gens ont les moyens d'intervenir et sont encore indirectement protégés des effets du dérèglement écologique. Dans les pays du Sud ou en Australie, où le dérèglement climatique provoque des phénomènes dramatiques, nous observons une prévalence des décompensations psychiatriques en lien avec la confrontation directe avec des événements extrêmes. En France, certaines personnes confrontées à des tornades, à des inondations ou à des glissements de terrain vont faire l'objet de traumas ou de troubles anxieux liés non à la projection vers l'avenir, mais à un événement passé. Certaines vont éprouver des problématiques relatives au deuil, et entrer dans des problématiques relevant du registre dépressif. D'autres de nos patients n'ont pas été directement affectés par le dérèglement climatique, mais éprouvent une inquiétude en raison des informations dont ils disposent.

En réalité, nous avons tous fait l'expérience du dérèglement climatique lors des épisodes caniculaires. Pendant ces périodes, la fréquentation des services d'urgences psychiatriques est multipliée par sept. Les décompensations sont plus fréquentes parmi nos patients, dont les symptômes augmentent et nécessitent des prises en charge, et pour lesquels le risque de mortalité est alors multiplié par trois. Ce sujet a été documenté : nous avons en France les deux types de patients. Dans d'autres pays, les populations ont été directement projetées dans des épisodes climatiques extrêmes, confrontées à la précarisation des ressources en eau et en nourriture ou au fait que les conditions de survie de base ne sont plus assurées, et doivent se déplacer pour assurer leur survie. Ces questions ont donc en effet une part culturelle, et si nous pouvons nous les poser, c'est parce que nous sommes relativement préservés ; mais ce constat devient de plus en plus discutable et précaire.

Mme Manuela Santa Marina. - Aucune étude ne permet de faire le lien entre hypersensibilité et éco-anxiété. Je peux uniquement vous proposer un retour du terrain. Le professeur et psychiatre Christophe André prend l'exemple des canaris dans les mines, dont l'arrêt du chant annonçait les coups de grisou. Les hypersensibles sont peut-être plus rapidement affectés par ces questions et pourraient alors être rapprochés de ces canaris, comme des lanceurs d'alerte d'un phénomène nous concernant tous.

La résilience est le point principal à retenir par rapport aux décisions pouvant être proposées. Nous serons indéniablement confrontés à des événements aux conséquences de plus en plus visibles et à des situations de plus en plus difficiles psychologiquement. Il est important de travailler à des campagnes de prévention, menées par des praticiens spécialisés dans l'accompagnement émotionnel et non seulement par des jeunes : dire à ces derniers qu'ils constituent la génération qui s'occupera de ces problèmes risquerait de complètement les écraser sous cette responsabilité.

Au sujet de l'éco-radicalité et de la possibilité qu'elle constitue une forme de réponse pathologique, j'éprouvais, en me préparant à cette table ronde, une appréhension par rapport à une approche exclusivement sanitaire de l'éco-anxiété. La réponse doit être double : il faut de la prévention pour s'assurer que les personnes puissent faire preuve de résilience face aux événements, mais il faut aussi de réelles actions et une communication claire et franche pour faire en sorte que les personnes n'en viennent pas à une forme de radicalité. Nous n'arriverons pas à résoudre ces questions en traitant uniquement des cas individuels dans nos cabinets.

M. Daniel Chasseing. - Le dérèglement climatique entraîne des phénomènes comme des tornades, des canicules ou des feux ; ces événements provoquent de l'éco-anxiété. Malgré les accords de Paris, certains pays comme la Chine polluent et représentent le tiers des émissions mondiales, tandis que la France pèse pour 1 % de ces émissions mondiales et l'Europe pour 5 %. Il semble plutôt rassurant de constater que les émissions de gaz à effet de serre baissent en Europe. Les personnes concernées par l'éco-anxiété perçoivent-elles ces éléments positifs, malgré la difficulté d'influer sur les gros pollueurs mondiaux ?

En Europe, nous avons besoin de nos entreprises pour conserver nos acquis sociaux. Vous le savez, les déficits de la sécurité sociale augmentent, mais nous souhaitons tous conserver et même augmenter nos acquis sociaux. Pour faire de la prévention, nous devons développer les énergies décarbonées, notamment le nucléaire. Les actions menées en ce sens ne sont-elles pas également rassurantes ?

M. Pierre-Éric Sutter. - Ces informations, que l'on pourrait qualifier de « positives », sont importantes. Tout l'enjeu du travail thérapeutique consiste à faire en sorte que les éco-anxieux arrêtent de se focaliser sur les informations négatives. Des études établissent qu'on est 2,7 fois plus aimanté par des informations négatives que par des informations positives. Face aux enjeux climatiques sur lesquels nous n'avons pas directement de prise, d'autres ressources cognitives doivent être mobilisées. Dans mon ouvrage Bien vivre son éco-anxiété, co-écrit avec Sylvie Chamberlin, je recommande de faire une liste des bonnes nouvelles, afin de contrebalancer les mauvaises nouvelles diffusées par les médias. Peut-être pourriez-vous d'ailleurs faire en sorte que les médias diffusent davantage de bonnes nouvelles... Ces dernières sont importantes, car l'homéostasie interne de notre psyché exige de contrebalancer les sollicitations négatives par des sollicitations positives. Ces listes permettent d'identifier des éco-témoins ayant fait des choses positives pour la planète, auxquels les éco-anxieux peuvent s'identifier.

En voici un exemple : Felix Finkbeiner est un jeune Allemand d'une vingtaine d'années. À l'âge de 9 ans, effrayé par la déforestation amazonienne, il a commencé à dire que, lorsqu'il serait grand, il planterait un milliard d'arbres. Avec l'aide de ses professeurs et de ses parents, qui sont entrepreneurs, il a fondé sa première ONG. À 13 ans, il demande à la tribune de l'ONU des subsides pour son ONG. Aujourd'hui, il a déjà planté 14 milliards d'arbres sur terre. Son ambition est devenue de planter 100 milliards d'arbres, afin de compenser une partie des 300 milliards d'arbres qui ont été coupés depuis la révolution industrielle. À l'impossible nul n'est tenu, mais on peut faire des choses en nous appuyant sur le collectif et sur les États, en alignant l'individuel, le collectif et le sociétal. Nous arriverons à faire des choses, avec les énergies renouvelables et à court terme avec les énergies nucléaires, en vue de remporter la victoire et d'opérer la transition des énergies fossiles à des énergies non polluantes et non dangereuses pour l'humanité.

M. Didier Mandelli, vice-président de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable. - Nous terminerons par ce message porteur d'espoir en direction du collectif, vers un accompagnement de cette transition énergétique, afin que nos concitoyens se portent mieux.

M. Jean Sol, vice-président de la commission des affaires sociales. - Nous vous remercions de la qualité de ces échanges et des éclairages que vous nous avez apportés.

Cette audition a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.

La réunion est close à 12 h 00.