Mercredi 20 décembre 2023

- Présidence de Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente -

La réunion est ouverte à 09 h 35.

Économie pastorale - Audition de MM. François Balique, maire de Le Vernet, représentant la Fédération nationale des communes pastorales (FNCP), Jean-Paul Celet, préfet référent pour la mise en oeuvre du plan national d'actions loup et activités d'élevage, Charles Dereix, ingénieur forestier honoraire, président de l'association Forêt méditerranéenne et Mme Brigitte Singla, secrétaire générale de la Fédération nationale ovine (FNO)

Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente. - Mes chers collègues, nous avons le plaisir de recevoir ce matin quatre invités aux approches complémentaires pour traiter d'une réalité elle-même plurielle, cardinale pour le dynamisme de nombreux territoires, je veux parler de l'économie pastorale.

L'objet de cette table ronde, vous l'aurez compris, est de ne pas réduire le pastoralisme à son seul face-à-face avec le loup, comme on le fait trop souvent, mais d'insister sur sa dimension économique et, plus généralement, sur les aménités du pastoralisme, ou plutôt des pastoralismes, pour nos territoires.

Le pastoralisme constitue une chance pour les Alpes, les Pyrénées, le Massif central et pour tout l'arc méditerranéen, mais il souffre de handicaps structurels, souvent liés d'ailleurs à ces mêmes territoires.

D'un côté, il y a la transhumance, tout juste reconnue au patrimoine culturel immatériel de l'humanité de l'Unesco, avec le potentiel touristique qui va avec, la production de viande, de fromages AOP que l'on nous envie dans le monde entier, le stock de carbone par le maintien de prairies ou encore la prévention du risque de feu de forêt, la sauvegarde de la biodiversité et l'entretien des paysages par l'ouverture des milieux.

De l'autre, force est de constater la très faible rentabilité économique liée à ces handicaps naturels, la décapitalisation qui n'a pas attendu les grands carnivores pour se manifester et, bien sûr, je le disais, la prédation, surtout celle du loup dans le quart sud-est du pays, mais aussi celle de l'ours dans les Pyrénées, dont un récent rapport nous dit que la population atteindrait 350 individus à l'horizon 2050, suscitant la protestation de la Fédération nationale ovine, ici représentée.

S'agissant du loup, après une relative stabilité entre 2019 et 2021, l'année 2022 a marqué un tournant avec près de 20 % de hausse de victimes, essentiellement ovines. Sur les neuf premiers mois de l'année 2023, dans le seul département des Alpes-Maritimes, on relève près de 600 constats d'attaques indemnisables ou en cours d'instruction pour plus de 1 500 bêtes victimes. Au total, plus de 50 départements sont aujourd'hui concernés par la prédation, dont certains où les mesures de protection ne sont pas ou n'étaient plus dans les habitudes.

Le Gouvernement a présenté au groupe national loup, dont je suis membre, un projet de plan national d'actions loup et activités d'élevage (PNA) 2024-2029, mis à la consultation depuis. Dans ce contexte, 15 000 contributions ont été adressées.

En juillet, les représentants de l'élevage avaient quitté la table des négociations à cause de la sous-estimation du nombre de loups, qui est finalement passé cet été, en l'espace de deux mois, de 906 à 1 104 loups répertoriés et comptabilisés. Depuis septembre, ce sont les associations de protection de la nature qui sont sorties des négociations.

Mesdames, messieurs, pourrez-vous nous présenter brièvement les principales évolutions contenues dans ce plan ainsi que ses sous-jacents politiques ?

Violence psychologique pour les éleveurs, la prédation suscite aussi l'émotion parce qu'elle compromet un équilibre économiquement fragile qui permet une valorisation exceptionnelle des produits agricoles.

Une zone difficilement protégeable (ZDP), assouplissant les protocoles de tirs, a été mise en place dans la région de production du Roquefort, l'Aveyron, le Tarn, la Lozère et l'Hérault, où sont concentrées un million de brebis, ce qui représente un enjeu économique considérable. Est-ce réplicable ailleurs ? À quelles conditions d'autres ZDP pourraient-elles être mises en place ?

Plus largement, des conflits d'usage existent ou se font jour entre pastoralisme, sylviculture et tourisme. On connaît la réserve traditionnelle des forestiers sur le pastoralisme, craignant la pression du pâturage sur la végétation arbustive. On observe également de plus en plus de difficultés pour les randonneurs, les vététistes, en lien avec les 7 000 chiens de protection des troupeaux financés dans le cadre du plan loup. Quels sont les verrous à lever pour renforcer la complémentarité de ces activités et prévenir au maximum les conflits d'usage, que les maires sont très souvent amenés à résoudre ? Des évolutions législatives ou réglementaires vous paraissent-elles souhaitables ou envisageables ?

Au-delà de la prédation et des conflits d'usage, je demanderai enfin à nos invités de nous fournir des pistes pour améliorer la visibilité des activités pastorales, dont l'équation financière repose en général sur une proportion d'aides publiques importantes. Peut-on par exemple imaginer mieux rémunérer les aménités positives du pastoralisme en optimisant des co-bénéfices mutuels avec le tourisme ou la sylviculture, voire par la mise en place de paiements pour services environnementaux (PSE) ?

Pour répondre à ces très vastes questions, dont je ne doute pas qu'elles seront complétées par l'ensemble des commissaires présents à cette audition, je souhaite la bienvenue à Mme Brigitte Singla, secrétaire générale de la Fédération nationale ovine et éleveuse dans l'Hérault, M. Jean-Paul Celet, préfet référent pour la mise en oeuvre du plan national d'actions loup et activités d'élevage, qui opère sous la coordination de la préfète de la région Auvergne-Rhône-Alpes, Mme Fabienne Buccio, et que nous avions déjà eu le plaisir de recevoir au sein d'un groupe de travail que je préside, propre au groupe LR, sur la prédation et sur le loup, et M. François Balique, maire du Vernet, représentant la Fédération nationale des communes pastorales, que je connais plus particulièrement puisqu'elle est présidée par une maire de mon département, Denise Leiboff, que je salue, et enfin M. Charles Dereix, ingénieur forestier honoraire, président de l'association Forêt méditerranéenne et spécialiste du sylvopastoralisme.

Madame la secrétaire générale, je vous laisse la parole.

Mme Brigitte Singla, secrétaire générale de la Fédération nationale ovine (FNO). - Je suis éleveuse de brebis laitières dans le département de l'Hérault. Nous fabriquons du lait pour la transformation en roquefort. Nous sommes dans une zone difficilement protégeable (ZDP) contre le loup, mais le sujet dépasse ici la thématique de la prédation, ainsi que vous l'avez très bien dit.

Il s'agit aujourd'hui de voir comment sauver le pastoralisme et d'identifier les difficultés qu'il peut rencontrer, ce qui peut paraître paradoxal quand on constate que c'est une pratique qui est complètement en phase avec les attentes sociétales et ce qu'on attend sur le plan environnemental. L'un des enjeux majeurs du pastoralisme repose en effet sur les aménités qu'il amène à travers l'entretien des paysages et des territoires, qui génère beaucoup de facilités pour le tourisme, qu'il soit blanc ou vert.

On voit également que l'ouverture des milieux est extrêmement favorable au maintien de la biodiversité. Cette activité ancestrale d'élevage extensif se caractérise par le fait que le berger, l'animal et l'environnement dans lequel on vit sont très en lien.

Bien souvent, on nous cantonne dans les aspects environnementaux et d'entretien de l'espace, mais, en tant qu'éleveuse, je voudrais insister sur le fait que notre métier est de produire des produits de qualité - AOP fromagères, mais également des labels en viande.

On trouve derrière tout cela une activité économique qui contribue au dynamisme économique de ces territoires ruraux, où l'élevage est parfois quasiment la seule activité économique.

On trouve surtout du tourisme blanc dans l'arc alpin et les Pyrénées, mais pastoralisme ne signifie pas que transhumance. Le pastoralisme peut être transhumant, mais aussi sédentaire. Par ailleurs, il peut être individuel ou collectif.

L'arc méditerranéen présente précisément ces différences. On y trouve à la fois des exploitations pastorales individuelles et sédentaires, qui ne transhument pas, et d'autres qui transhument. C'est particulièrement vrai dans les plaines du Bas-Languedoc.

Ces différences apportent de la vitalité sur les territoires et participent à l'économie. Au-delà, comment les éleveurs évoluent-il ? Les bergers vivent évidemment avec leur temps et se doivent d'être dans la modernité et l'innovation. On ne peut en effet demeurer comme au siècle dernier. Souvent, on a une vision du pastoralisme très bucolique, mais les choses évoluent et nos jeunes aussi. Ils souhaitent autre chose, et l'attractivité du métier nous préoccupe énormément. Il va falloir renouveler les générations. La transmission du savoir-faire n'est pas évidente. On ne l'enseigne pas forcément. Il faut donc le transmettre. C'est important pour faire perdurer l'activité. Il ne donc faut pas s'imaginer que le pastoralisme est à part des enjeux de l'élevage en général. Le renouvellement des générations est très important.

Aujourd'hui, pour que cette activité perdure, on a besoin de continuer à trouver des bergers et des éleveurs qui veuillent bien pratiquer ce métier, qui demande beaucoup de travail, génère bien des contraintes et ne peut se pratiquer qu'avec passion.

Parmi les freins que l'on peut rencontrer figure la préoccupation que l'on peut avoir par rapport à l'évolution des politiques publiques. Les éleveurs pastoraux sont comme les autres : ils ont besoin du soutien de la politique agricole commune (PAC) - peut-être même plus.

On a de plus en plus de difficultés à faire reconnaître nos surfaces pastorales en termes d'éligibilité dans le carcan de la PAC. À chaque réforme, on est obligé de se justifier. On ajoute des contraintes, des découpages territoriaux en créant des zones de densité homogène alors que l'on connaît l'hétérogénéité des territoires pastoraux. Il y a là un décalage entre la réforme qui s'écrit avec le stylo et la réalité des territoires. C'est préoccupant.

On a été obligé d'entrer dans des systèmes de rétropolation des surfaces et de proratisation. Aujourd'hui, la nouvelle réforme de la PAC a introduit un nouveau taux sur ces surfaces, en ciblant les surfaces ligneuses. On est sans cesse obligé de se justifier sur la qualité de la ressource et on ne raisonne souvent qu'à travers des ressources dites herbagères, alors que la spécificité du pastoralisme fait que nous fréquentons à la fois des prairies naturelles, mais également des surfaces constituées d'arbustes et de ligneux. Les troupeaux se nourrissent aussi de ressources arbustives et fruitières, ce qu'on a beaucoup de mal à quantifier et à faire comprendre. On ne va pas redistribuer des aides aux surfaces qui n'ont pas d'intérêt agricole, mais encore faut-il bien comprendre celui-ci. Or on ne peut comprendre ce qu'est une ressource pastorale que lorsqu'on connaît l'interaction entre l'éleveur, l'animal et le territoire. Cela nous préoccupe au plus haut point. On vient d'entamer une nouvelle réforme, mais je ne sais ce que cela va donner en 2027. C'est un point très important pour nous.

Je ne peux pas terminer sans parler de la prédation, qui est pour nous un problème incontournable. Cela met nombre d'éleveurs dans le désarroi. Des plans de protection des troupeaux sont mis en place, mais ce n'est pas satisfaisant. Même si cela limite peut-être un peu les dégâts - et encore -, comment faire comprendre à des éleveurs qu'il faut, dans l'urgence, passer par un carcan administratif impossible ? On n'arrive pas non plus à quantifier le stress que cela représente pour les éleveurs ni l'impact psychologique que cela peut avoir sur les familles.

C'est une souffrance terrible de retrouver ses bêtes éventrées, égorgées. On ne peut faire supporter cela à des éleveurs. La prédation est une menace, ce n'est pas la seule, mais elle pèse énormément, notamment sur le renouvellement des générations. Certains fils d'éleveurs sont passionnés, mais voyant leur père dans des difficultés énormes n'ont pas envie de vivre cela. Ceci risque de peser énormément et nous inquiète.

M. Jean-Paul Celet, préfet référent pour la mise en oeuvre du plan national d'actions loup et activités d'élevage. - Nous sommes dans une année où la prédation en termes d'attaques est quasiment stable par rapport à 2022. Toutefois, en termes de « victimes », même si le terme est toujours un peu baroque, nous en sommes sans doute à - 9 % de prédation, en lien avec une campagne de tirs sans équivalent : à cette date, nous avons tué 200 loups, pour 169 l'année dernière, ce qui était déjà un record.

Les moyens de protection se sont accrus de 13 % au cours de l'année, avec une augmentation des financements de 6 millions d'euros. Cet accroissement est constant : sur les trois dernières années, en moyenne, l'accroissement des moyens de protection a été de 8 %. Si l'on excepte l'année 2022, nous sommes depuis quatre ans sur une baisse constante du nombre de victimes, avec un ratio par attaque qui ne cesse de diminuer. Actuellement, il est en moyenne de 3, alors qu'il était beaucoup plus élevé les années précédentes.

Le nouveau plan national d'actions loup et activités d'élevage est nettement différent des précédents. Son premier axe porte sur la connaissance et la conservation de l'espèce. Pour la première fois va être posée la question d'une modification du statut de l'espèce à l'intérieur d'un PNA, ainsi que celle des méthodes de comptage.

Le deuxième axe concerne les moyens de protection et le protocole de tirs. Cela nous a conduits à modifier l'arrêté interministériel les définissant.

Troisième axe : le ministre de l'agriculture a souhaité, à juste titre, qu'un axe soit consacré aux activités pastorales et aux activités d'élevage. Il reste à l'écrire. C'est le ministère de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire qui doit le faire avec nous et les professionnels. Le but de cet axe sera de reconnaître l'impact des activités pastorales sur les écosystèmes et l'aménagement des territoires.

Le quatrième axe portera sur la gouvernance, qui se déclinera pour la première fois au-delà de l'Hexagone. Le préfet coordonnateur et moi-même, son délégué, allons organiser des rencontres avec l'ensemble des pays voisins pour échanger et engager une coopération opérationnelle. Actuellement, dans le Jura, nous partageons au moins deux meutes avec les Suisses - sans doute trois. Or nous les traitons complètement différemment et sans réelle concertation. Il ne s'agit pas encore d'une coopération européenne, mais nous allons échanger avec les Suisses, les Italiens, les Espagnols, les Allemands et les Autrichiens pour conduire une coopération opérationnelle.

Pour l'instant, les loups qui sont en France sont de souche italique. Nous partageons cette souche avec la Suisse et l'Italie, mais il est très probable que la connexion avec la souche hispanique va se faire prochainement ; de même que la connexion avec la souche dite germanique - on a en effet déjà un loup qui fait partie de cette dernière.

On nous demande de modifier la méthode d'évaluation des effectifs de telle sorte que ce qui s'est passé en 2023 ne se répète pas et afin que nous disposions d'un seul chiffre au cours d'une année. Pour moi qui gère le protocole de tirs, l'année 2023 a été une annus horribilis : il a fallu réformer complètement la gestion des tirs pour utiliser toutes nos capacités, qui ont été modifiées au 15 septembre.

Par ailleurs, le PNA nous demande d'étudier les possibilités, les avantages et les inconvénients d'une modification du statut du loup, c'est-à-dire de passer d'un statut strictement protégé à un statut d'espèce protégée. C'est ce qui a conduit les associations de protection de la nature à quitter la table.

D'autre part, le PNA demande au ministère de l'agriculture de proposer avec le préfet coordonnateur un statut pour le chien de protection, qui devrait être, malgré la résistance de nombre de directions ministérielles, de nature législative. Pourquoi ? Nous avions deux options : soit faire du « bricolage réglementaire », et cela n'aurait pas abouti à grand-chose, soit donner un véritable cadre juridique aux chiens de protection, qui deviendraient des chiens de travail. Cela pourrait régler des questions qui, aujourd'hui, empoisonnent toutes les communes, comme la divagation, l'ICPE, les chenils, les conflits avec les promeneurs ou à l'intérieur des villages, qui ne cessent d'augmenter.

Enfin, les juristes refusaient la modification du protocole de tirs et la fusion du tir de défense simple et de défense renforcée. Aujourd'hui, le tir de défense simple ne comporte qu'un tireur possible, alors que le tir de défense renforcé peut comporter jusqu'à dix tireurs. Demain, pour le tir de défense simple, il y aura deux tireurs possibles par lot, voire trois sous certaines conditions.

Nous avons aussi amélioré les conditions de tirs. Jusqu'à aujourd'hui, même les louvetiers devaient éclairer la cible avant de tirer. On a considéré que les louvetiers disposaient d'un armement suffisant pour éviter d'éclairer la cible et de rater le tir, ce qui était parfois le cas. En revanche, nous avons permis aux éleveurs et aux chasseurs de disposer d'un matériel d'observation nocturne, considérant que n'importe qui peut acheter une caméra thermique alors que, curieusement, les éleveurs et les chasseurs ne pouvaient s'en servir dans les opérations de tirs.

M. François Balique, maire du Vernet, représentant la Fédération nationale des communes pastorales (FNCP). - Je représente ici Mme Denise Leiboff, qui n'a malheureusement pu se présenter devant vous, maire d'une commune des Alpes-Maritimes et présidente de la Fédération des communes pastorales. Nous défendons des territoires communaux.

Le noyau de la fédération est animé essentiellement par des communes pastorales du Sud-Est, qui se sont ensuite étendues à la Corse, aux régions du Sud, aux Pyrénées et au Languedoc. Nous étendons progressivement notre action sur les communes des Vosges et dans les deux départements de Savoie.

Cette association est née dans les années 1980, avec l'arrivée des loups, qui a été pour nous un véritable coup de tonnerre dans nos zones pastorales. Cela a été à l'époque mal vécu, et je suis toujours convaincu que ces animaux ont été introduits artificiellement. Je peux vous apporter des témoignages précis à ce sujet, de choses que j'ai vues. Le retour du loup est d'autant moins accepté et a véritablement bouleversé notre mode de vie.

En tant qu'élu, j'ai vécu moins de 5 ans tranquille, de 1977 à 1982-1983, puis tout a changé depuis cette date. Je suis maire d'une petite commune pastorale qui accueille la transhumance depuis des temps anciens qui remontent, je pense, à l'Antiquité. Nous vivons en symbiose avec nos pâturages. Nous accueillons des troupeaux d'ovins et de bovins, ce qui commence à poser certains problèmes avec le loup.

Je suis un de ceux qui sont à l'origine de la création de notre fédération, qui était à l'origine une association régionale avant de devenir une fédération nationale. Bien entendu, la fédération s'occupe de sylvopastoralisme, des bergers, de la formation. Nous essayons également de travailler sur un statut de berger.

Appliquer le code du travail à un berger n'est pas simple. Il existe par exemple un problème avec les cabanes, qui sont essentielles. Il n'existe pas de bon berger sans une cabane confortable. Il faut donc aider les communes et les éleveurs privés à améliorer leurs cabanes et faire en sorte que les bergers vivent dans des conditions satisfaisantes. On a bien entendu des soucis pour les financer. On arrive néanmoins à 80 % de subventions régionales ou européennes, mais la liste d'attente en région PACA comporte 300 cabanes.

Le sylvopastoralisme est par ailleurs important pour nous. Des zones s'ensauvagent pour rien depuis 30 ans. Il faudrait sans doute faire évoluer la législation à ce sujet, car des zones sont perdues pour tout le monde, ces forêts ne présentant pas un intérêt forestier et demeurant fermées au pastoralisme.

On a demandé aux zones rurales, après la guerre, de nourrir la France, qui était détruite, mais également de travailler dans les usines. Cela s'est traduit par une désertification qu'il faut aujourd'hui compenser, et de nombreux jeunes éleveurs cherchent des pâturages.

Je suis convaincu qu'il existe des surfaces énormes pour reformer des zones pastorales. Nous pensons que la question du pastoralisme passe par l'éducation. La fédération a édité un ouvrage intitulé Zip, chien de berger, destiné aux enfants des écoles primaires, pour les sensibiliser à la vie pastorale, avec l'idée de susciter des vocations chez de futurs bergers.

Il faut que vous sachiez qu'il existe des zones pastorales complètement abandonnées par les bergers, le risque de prédation exercé par le loup étant trop fort. Par ailleurs, les conflits d'usage entre les chiens de protection et les touristes sont nombreux et quasiment insolubles. On finira par avoir des zones pastorales interdites aux promeneurs, ce qui est bien triste. On éloigne ainsi les éleveurs du reste de la population, alors que le tourisme pastoral était un moyen de mieux faire connaître l'activité aux urbains.

Énormément de maires se tournent vers nous pour savoir comment régler la question. J'ai 45 ans d'expérience d'administration communale et de pastoralisme. J'ai refusé de faire de ma commune une station de ski il y a une trentaine d'années pour privilégier le développement doux, le pastoralisme et le tourisme pastoral. Cela n'empêche que la commune dispose d'hôtels, d'un camping et de gîtes. Je suis prêt à rendre compte de cette expérience si cela vous intéresse.

Dans ma commune, j'ai réglé le problème du conflit d'usage en engageant des bergers comme agents communaux. Nous nous sommes toujours opposés à la présence d'un groupement pastoral, situation pourtant plus facile pour une commune, les éleveurs adorant cela : ils touchent les subventions et se débrouillent entre eux, cela fonctionne assez bien.

Nous sommes la seule commune de l'arc alpin à disposer d'agents communaux engagés en tant que bergers, ce qui peut servir d'exemple à d'autres. Ce n'est pas facile à gérer par rapport au code du travail et à la réglementation, mais nous le faisons. Pourquoi ? Ce n'est pas pour le plaisir. Le berger a une double mission : garder les troupeaux et accueillir les touristes. Si le berger est agent communal, cela règle le problème. Et je pense que si l'on transformait les agents des parcs régionaux ou nationaux en bergers, les choses changeraient. J'ai réglé le problème de cette manière. Cela peut se faire autrement, mais je serais ravi, si vous le souhaitez, de vous faire part de cette expérience qui fonctionne.

Aujourd'hui, on abandonne maintenant un pâturage le 8 août, alors qu'on l'abandonnait auparavant début septembre, à cause des louves qui apprennent à leurs louveteaux à chasser à la fin du mois d'août ou au début du mois de septembre. Or nous accueillons 300 bovins en pension, et les loups s'attaquent maintenant aux bovins. Auparavant, certains veaux disparaissaient après leur naissance. Aujourd'hui, les loups envoient les bovins dans les ravins. En montagne, les bovins ne marchent qu'à l'horizontale : quand ils descendent ou montent, ils le font pas à pas, comme un enfant d'un an. Une fois que la meute l'a découvert, ils l'enseignent aux louveteaux. Or nous prenons des bovins en estive à 100 euros tout compris. Certains éleveurs ne veulent plus nous envoyer leurs vaches. Comment fait-on ?

Nous soutenons énormément les louvetiers, qui sont d'un grand dévouement. Ils ont un problème de statut. Ce sont des bénévoles qui ne sont pas assez considérés, mais qui sont très efficaces. Lorsque des loups attaquent sur un pâturage, à partir du moment où le préfet nous a donné l'autorisation de tirs, on y envoie des louvetiers. Avec une lunette thermique, le loup n'a aucune chance. Le loup est un gibier : cela signifie qu'il passe toujours aux mêmes endroits et ne se méfie pas la nuit. Il est convaincu qu'il échappe à ce moment-là au contrôle de l'homme. À partir du moment où vous disposez d'une lunette thermique, c'est fini. C'est pour cela que les écologistes voulaient qu'on éclaire les cibles : en pleine lumière, on n'attrape jamais aucun loup, ce qui n'est pas le cas la nuit.

On ne sait pas comment faire pour les bovins. Pour les ovins, on arrive à peu près à s'en sortir avec de bons bergers, même si cela devient de plus en plus difficile. Un vieux berger qui s'occupe bien de son troupeau y arrive avec des chiens de protection, mais ce n'est pas la même chose pour les bovins. Même s'il y a eu une baisse du nombre de victimes ovines, comme le disait M. le préfet référent, j'aimerais voir comment les choses vont se passer pour les bovins. On ne peut pas mettre un patou derrière chaque vache.

Selon nous, certaines zones pastorales sont incompatibles avec la présence du loup. Tant qu'on ne prendra pas les mesures qui conviennent, le pastoralisme sera perdant, il ne peut en être autrement.

M. Charles Dereix, ingénieur forestier honoraire, président de l'association Forêt méditerranéenne. - J'aimerais vous apporter un peu de la beauté et de l'oxygène de nos forêts en parlant de cette pratique ancestrale qu'est le troupeau en forêt, qu'il s'agit aujourd'hui de moderniser.

Je voudrais vous faire partager ma conviction que le sylvopastoralisme est un outil puissant d'entretien, de protection et de valorisation des espaces forestiers méditerranéens et au-delà. Qu'est-ce que le sylvopastoralisme ? C'est une combinaison de pratiques de gestion forestière et d'élevage extensif. Durant les deux ans pendant lesquels nous avons travaillé sur ce sujet, l'association Forêt méditerranéenne a confirmé que cette combinaison de pratiques est bénéfique pour la forêt, le troupeau, la biodiversité et le territoire.

Pour la forêt ce n'était pas évident : les forestiers sont dubitatifs et pensent que les troupeaux vont manger tous les petits plants d'avenir. Or le troupeau peut être un atout pour la forêt, notamment dans les phases de jeune peuplement, où le passage des animaux, bien conduit par un bon berger, va permettre de réduire la densité des jeunes plants et semis.

En Corse, on utilise cette pratique dans la régénération du pin laricio : le troupeau passe au début de la régénération et consomme les hêtres ou les chênes verts qui ne constituent pas les essences d'avenir. Les petits pins ne s'en développent que beaucoup mieux.

On peut ainsi trouver des exemples où, bien conduit, le troupeau va aider le forestier dans sa tâche de restauration et de régénération de la forêt. Bien sûr - et cela ne souffre pas débat -, tout le monde convient que le troupeau est un allié pour la défense de la forêt contre l'incendie en maintenant des parcelles débroussaillées. Cela fonctionne dès lors qu'on ajoute à la bande débroussaillée une zone de renfort qui va permettre aux animaux de trouver toute la diversité et la quantité d'alimentation dont ils ont besoin.

Avantage pour la forêt, mais avantage aussi pour le troupeau, je n'ai pas besoin de m'y attarder longtemps : en été, notamment, c'est sous les arbres que les animaux vont trouver ombre et fraîcheur. C'est sous les arbres que l'herbe est plus verte, et c'est aussi dans la forêt que les animaux vont disposer d'une ressource ligneuse, les grosses bouchées de feuillage complétant alors leur alimentation.

En matière de biodiversité, la réponse est aussi positive par la diversité des formations forestières plus ou moins boisées, la conservation d'arbres morts ou des points d'eau. Cette mosaïque de paysages est favorable à la biodiversité. Pour le territoire, la forêt est mieux protégée, animée, l'activité économique et la vie sont rétablies dans des lieux abandonnés depuis des dizaines d'années, souvent à la suite de la déprise agricole et pastorale. Il s'agit donc d'un bilan très positif. Développons-le !

Pourquoi cela coince-t-il ? On n'a pas tellement d'opérations à succès à montrer. Des travaux d'ordre technique ont été menés pour définir le plan pastoral, mais on ne s'est pas préoccupé du principal.

Nous avons identifié un certain nombre de propositions. Je n'en citerai que trois. La première, c'est celle du projet de territoire. Comme tout ce qui touche à la forêt, il faut privilégier l'action au niveau d'un territoire de projet, piloté par les élus, le maire ou le président de l'intercommunalité, rassemblant l'ensemble des acteurs, qui vont partager un constat, un état des lieux et bâtir ensemble un programme d'actions. Les chartes forestières de territoire, que Mme la sénatrice Loisier connaît bien, sont un modèle, une façon de faire.

Intégrons dans ce projet de territoire, auquel on espère que tous les acteurs vont adhérer, un ou des projets sylvopastoraux localisés, qui vivront en combinaison les uns avec les autres et, parce qu'ils seront plus nombreux, pourront contribuer à la mise en place d'une filière de valorisation des produits qui permettra de rémunérer le travail des éleveurs.

On a vu cet exemple dans une commune de l'Hérault, Lunas, où un très intéressant travail a été fait par un éleveur qui s'est regroupé avec d'autres pour mettre en place une boucherie-charcuterie où sont vendus tous les produits transformés. On l'a constaté aussi dans le Larzac, où une action collective très importante donne de bons résultats. Les élus ont un rôle moteur à jouer dans le projet de territoire.

Le deuxième axe, c'est celui du collectif. Il faut que les acteurs se regroupent pour travailler ensemble. Dans le Larzac, à la suite du combat mené durant les années 1970, les acteurs impliqués sont restés unis pour vivre ensemble et valoriser les ressources du pays. Ils ont mis toute une série d'outils collectifs en place pour répondre aux questions ordinaires, celles de la vente des produits pour essayer d'obtenir un meilleur prix, qu'une grande structure agricole bien connue du côté de Roquefort avait tendance à réduire, ou pour traiter les questions de soin aux animaux, etc. C'est un travail exemplaire, très intéressant.

Selon nous, une partie des subventions versées par l'État, la région et l'Europe, qui sont indispensables, faute de quoi l'affaire s'effondre, pourrait être versée à ce collectif pour l'aider à mettre ces outils en place. Bien sûr, il reste des subventions individuelles, mais les subventions collectives seraient aussi une façon de pousser en ce sens.

Le troisième axe de progrès, c'est celui de l'accompagnement. On est face à des questions délicates, qui mettent en présence des acteurs de culture très différente. Il faut un accompagnement au niveau des structures intercommunales qui vont porter les projets auprès de l'élu, des animateurs avec des connaissances techniques sur l'ensemble des sujets qui, sans être spécialistes, connaissent aussi les techniques d'animation et de communication, etc., pour travailler ensemble. C'est un point très important.

S'agissant des organismes techniques, on a cité l'Office national des forêts (ONF), les centres régionaux de la propriété forestière (CRPF), les organismes techniques pastoraux, comme le Centre d'études et de réalisation pastorale des Alpes-Méditerranée (Cerpam) en Provence-Alpes-Côte d'Azur ou la chambre régionale d'agriculture en Occitanie. Il faut, là aussi, que des spécialistes du sujet puissent aider les éleveurs à évoluer et à monter leurs projets.

Enfin, le fonctionnaire à la retraite que je suis le constate avec tristesse : dans nos directions départementales des territoires et de la mer (DDTM), nos directions régionales de l'alimentation, de l'agriculture et de la forêt (Draaf), nos directions régionales de l'environnement, de l'aménagement et du logement (Dreal), on n'a plus les personnels compétents pour accompagner ces actions : il faut que l'on développe la capacité d'ingénierie et d'assistance à l'innovation auprès de tous ces acteurs.

Voici les quelques points de progrès sur lesquels il nous faut travailler.

Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente. - La parole est aux commissaires.

Mme Sylviane Noël. - Merci, madame et messieurs, pour vos témoignages et vos propos sur ce sujet de la prédation et de son impact sur notre agriculture pastorale qui, au-delà de son rôle nourricier, joue un rôle majeur dans l'entretien et le façonnage de nos territoires de montagne.

Vous l'avez rappelé, le plafond des loups à prélever dépend du nombre de loups comptabilisés. Le nouveau plan loup simplifie le régime des tirs, notamment les tirs de défense simple, et c'est heureux. Néanmoins, nous rencontrons concrètement des difficultés dans la gestion de ces prélèvements, qui sont complexifiées par le décalage de la période d'estive, très différente d'un massif à l'autre. Dans les Alpes-Maritimes, elle s'ouvre très tôt dans la saison, alors qu'en Savoie et Haute-Savoie, il faut souvent attendre souvent la fonte des neiges, fin mai ou début juin.

Au début de l'année 2023, le plafond de prélèvement était fixé à 174 loups au début de la saison, le premier comptage ayant dénombré 900 loups. Au début de l'été, monsieur le préfet référent, vous vous êtes inquiété du nombre de loups prélevés, qui était assez élevé. Vous avez apparemment demandé au préfet de ralentir le niveau du prélèvement. Un deuxième comptage a alors relevé le nombre de loups. Vous avez demandé d'accélérer les choses, à un moment où on n'en avait malheureusement plus vraiment besoin. Ce stop and go est très difficile à gérer sur le terrain et assez néfaste pour maîtriser la prédation.

Ne pensez pas qu'il serait nécessaire de territorialiser et de déconcentrer davantage ces prélèvements en fixant un plafond pour l'année, avec des prélèvements différents d'une zone à l'autre, ce qui permettrait plus de souplesse et une meilleure prise en compte de la réalité des territoires ?

Mme Martine Berthet. - Le pastoralisme en Savoie représente, comme cela a été dit, de la viande, des fromages, de nombreuses appellations d'origine protégée (AOP) et indications géographiques protégées (IGP). Tout cela fait vivre une économie et des gens sur place, au pays.

Ceci représente de l'emploi et permet également l'entretien des pistes de ski pour le tourisme d'hiver. Le pastoralisme est indispensable à notre économie, et nous souhaitons vraiment pouvoir le protéger. 500 constats d'attaques ont été établis en 2023, soit 300 dossiers pour 3,3 millions d'euros d'indemnisations, plus 840 forfaits d'entretien de chiens de protection. Cela représente des coûts très importants, avec des subventions qui pourraient être utilisées de façon différente par nos agriculteurs, qui en ont bien besoin pour développer leurs activités.

En Savoie, nous sommes certes confrontés à de très nombreuses attaques d'ovins, mais celles sur les bovins s'intensifient. Or nos AOP concernent surtout des fromages au lait de vache. C'est très grave pour notre économie. Des expérimentations ont été mises en place dans notre département, avec des tirs de défense simples sans attaque préalable, des colliers d'effarouchement du loup pour les ovins comme pour les bovins et des chiens de protection pour les bovins. Ces expérimentations vont-elles se généraliser et passer du stade expérimental au stade opérationnel ?

Deuxièmement, quelles sont les démarches qui vont être engagées par la France pour le classement du loup, et dans quel délai ? Des choses sont-elles déjà en route ?

Enfin, une anecdote pour illustrer la nécessité d'encourager les jeunes éleveurs à reprendre des exploitations ou à poursuivre dans la ligne de leurs parents : ce matin, je voyais un reportage sur la nouvelle Miss France agricole, qui est une jeune fille qui élève des brebis. J'ai trouvé cela formidable : elle était enthousiasmée par ce qu'elle faisait : j'aimerais que l'on puisse encourager ces jeunes encore plus.

M. Jean-Paul Celet. - La question de la différenciation est récurrente. L'année 2023 n'est pas une année exemplaire, c'est même loin d'être le cas. Vous l'avez rappelé, il a fallu gérer deux évaluations d'effectifs, avec des écarts très importants, ce qui m'a conduit, en début d'année, à ralentir le rythme des tirs, qui devenait très conséquent au regard du plafond d'alors, qui était à 162. Le rythme des tirs se concentrait par ailleurs sur deux ou trois départements. Or mon rôle est aussi de garantir la protection à tous les départements au cours de l'année. Comme vous l'avez rappelé à juste titre, il existe des décalages. Il est aussi de mon rôle de préserver les équilibres entre les départements.

Néanmoins, attribuer des quotas à tel ou tel territoire reviendrait à figer le système. Actuellement, il existe des départements qui utilisent des capacités de tirs que d'autres n'ont pas pu ou pas eu besoin d'utiliser. Par exemple, dans les Alpes-Maritimes, le Var, les Alpes de Haute-Provence, on continue à abattre des loups parce qu'il y a des attaques et parce que c'est nécessaire.

Si on avait fixé des quotas au regard de la prédation, au moins deux départements ne pourraient plus tirer, d'où la doctrine qui prévaut : on maintient un plafond national, mais avec une instance régulatrice - moi en l'occurrence - pour qu'on puisse maintenir des capacités de tirs tout au long de l'année et servir les plus attaqués, en dialogue constant avec les préfets.

Durant les quatre derniers mois, j'ai réuni les directions départementales des territoires toutes les semaines. Je pense que nous allons passer à un rythme de réunions mensuel. Il faut en effet un dialogue constant avec les DDT et les préfets, voire les louvetiers si c'est possible.

S'agissant des expérimentations sur les bovins, le PNA prévoit qu'il est possible d'attribuer, sur des territoires spécifiques, là où la prédation est forte, dans le Doubs et d'autres départements, des autorisations de tirs dérogatoires sans attaque préalable ni mise en oeuvre de moyens de protection.

Soyons clairs : cela passe ou cela casse. Juridiquement, on est dans une zone grise. Pour l'instant, les associations ne nous ont pas attaqués, sans doute parce qu'elles ne se sentaient pas assez fortes et qu'elles reconnaissaient la nécessité d'intervenir sur ces territoires. Cela étant, la relation avec les associations est aujourd'hui différente. Je ne sais ce que dira le juge s'il est interrogé. Il y a actuellement un débat à l'intérieur du Gouvernement qui voudrait que nous allions plus loin, c'est-à-dire que cela ne concerne pas simplement des territoires spécifiques, mais tous les élevages bovins, bien évidemment dans une zone faisant l'objet d'un risque de prédation.

Le problème est là aussi juridique. Si nous sommes attaqués et si la circulaire tombe, on reviendra à mon avis à la position ex ante, c'est-à-dire sans rien concernant les bovins. Il faut donc bien mesurer le risque juridique. Pour l'instant, il ne s'agit plus d'expérimentations. On va l'étendre, mais uniquement sur des zones où la prédation est très forte. Il faut également veiller au risque juridique, qui pourrait vraiment nous handicaper.

M. Bernard Buis. - Merci à nos intervenants pour la clarté de leurs propos et leur engagement en faveur du pastoralisme dans nos montagnes. Le berger employé communal, si j'ai bien compris, est un fonctionnaire territorial embauché à l'année. Que fait-il l'hiver ?

Par ailleurs, le cours de la viande ovine a fortement augmenté chez moi au cours des deux ou trois dernières années, ce qui n'était pas le cas précédemment. C'est donc plutôt encourageant. Constatez-vous au niveau français une stagnation de la consommation de viande ovine ou une augmentation ? On importe toujours beaucoup d'ovins. En manque-t-on vraiment ?

Une question concernant les abattoirs, dont les territoires ont besoin. Il semblerait qu'une des solutions pourrait venir des abattoirs ambulants, avec un gros problème concernant leur mise en place et les normes. Comment les choses évoluent-elles ? C'est très difficile à implanter et assez compliqué à suivre.

Enfin, je tenais à remercier M. le préfet pour sa présentation du PNA. Vous avez conduit cet exercice lundi dans la Drôme devant le comité loup. Cela a été très apprécié par toutes les parties prenantes. Je crois que les avancées que vous avez rappelées aujourd'hui vont dans le bon sens et semblent répondre à un besoin.

Il faudra insister sur la transparence, vous l'avez évoqué avec le nombre de loups et les méthodes de comptage. Celle-ci doit être partagée et validée par tous pour qu'on respecte les engagements que l'on a pris. Je crois vous l'avoir déjà dit lundi, mais c'est aujourd'hui une grosse attente des territoires. On le voit avec les difficultés et les prélèvements qui sont remontés par les uns et les autres.

On a évoqué tout à l'heure la date des comptages et ce que cela engage. Je crois qu'il faut vraiment anticiper et travailler ensemble pour pouvoir avancer sereinement.

M. Olivier Rietmann. - Merci pour les propos que vous avez tenus, qui éclaircissent un certain nombre de points. Je ne peux qu'appuyer les propos qui ont été tenus au sujet de l'importance du pastoralisme et de la protection de nos forêts. J'ai commis, avec Anne-Catherine Loisier, ici présente, un rapport sur la limitation de l'extension et de l'intensification des feux de forêt. Nous avons rapporté la loi adoptée au mois de juillet, dans laquelle nous insistions sur l'importance capitale de protéger nos forêts.

Je voudrais évoquer ici la protection contre des attaques de loups solitaires dans des territoires de plaines qui ne comptent pas de meute, comme la Franche-Comté, la Haute-Saône et le Jura. On a régulièrement, notamment en hiver, des passages furtifs de loups solitaires qui font d'énormes dégâts. Ils traversent le département et, au fur à mesure de leur avancée, attaquent des troupeaux, principalement ovins. Ces attaques ne sont pas destinées à se nourrir, mais correspondent plus à des « jeux », qui laissent des brebis gravement blessées et des agneaux tués. Quand cela arrive sur la neige, cela fait peur quand on s'en aperçoit le matin.

Les décisions sont très lentes à être prises. Les systèmes de protection mis en place dans les zones de pastoralisme ne fonctionnent pas, car il s'agit d'une diversité de pâturages, avec de petites parties de troupeaux dans des endroits différents. Il est impossible d'enfermer les troupeaux le soir dans les enclos, et on ne peut mettre un chien derrière chaque troupeau. Il peut y avoir quinze à vingt troupeaux différents répartis sur le parcellaire.

Or les décisions d'abattage sont très longues à être prises. Lorsqu'elles arrivent, le loup est déjà loin. On fait des prélèvements de poils et des relevés de traces. On sait qu'il s'agit de canidés, mais on n'est pas sûr qu'il s'agisse d'un loup. Au bout de six mois, on apprend que c'était bien un loup, alors que des preuves photographiques le démontraient déjà.

En attendant, l'indemnisation des exploitants est très difficile à mettre en oeuvre faute de mesures de protection spécifiques, puisque nous ne sommes pas dans une zone où évolue le loup.

Une attention particulière est-elle portée à ce genre de territoires ? Cela arrive de plus en plus, notamment en hiver, et nous n'avons aucune solution pour régler ce problème de plus en plus prégnant et qui cause de plus en plus de dégâts économiques et psychologiques aux agriculteurs.

Mme Anne Chain-Larché. - On assiste à l'opposition entre une idéologie et une réalité économique, entre la biodiversité et une tradition ancestrale.

Si on veut que les choses fonctionnent, il faut qu'elles reposent sur la transparence et la confiance. Aujourd'hui, à vous entendre, monsieur le préfet, l'État redoute le contentieux. Cette idéologie que l'on connaît bien est défendue par des associations, dont le financement reste une question sur laquelle il faudra peut-être que le Sénat se penche un jour. Ces associations sont puissantes et exercent un fort lobbying.

Je ne sais si l'opinion publique se satisferait de voir en permanence des images d'animaux totalement dévastés par des attaques de loups. On ne supporte pas de savoir qu'un loup a été tué, mais supporterait-on de voir des élevages de bovins ou d'ovins sanguinolents, bons à abattre - lorsqu'ils ne sont pas déjà morts ?

Le comptage, qui a été bien entendu contesté depuis des années, devrait être transparent et fiable. Y a-t-il aujourd'hui une véritable volonté à ce sujet ? Existe-t-il sur le terrain les effectifs nécessaires ? L'Office français de biodiversité (OFB) est-il présent dans les territoires ?

Vous avez évoqué la DDT. Je pense que nous avons déjà les réponses au Sénat, mais on aimerait bien savoir si la volonté de l'État existe. À partir du moment où l'on connaîtra exactement l'ampleur de la situation, peut-être mettra-t-on en place des solutions.

Mme Brigitte Singla. - Monsieur Buis, le cours de l'agneau se porte bien depuis déjà deux ou trois ans. Cela nous satisfait, mais ceci est dû à plusieurs problèmes conjoncturels comme le Brexit et la faiblesse des importations néo-zélandaises liée à une sécheresse sans précédent. Tout cela a fait monter le prix de l'agneau français - et c'est tant mieux.

Ce n'est pas pour autant que nous ne sommes pas soucieux des accords de libre-échange, particulièrement celui qui vient d'être conclu avec la Nouvelle-Zélande. On sait très bien que les contingents ne sont aujourd'hui pas remplis, mais il n'empêche que la Nouvelle-Zélande a des possibilités de réactivité que nous n'avons pas et des prix deux fois et demie moins chers que l'agneau français. Cela a tout de suite un impact sur les cours.

Les éleveurs sont inquiets d'autant qu'on a l'impression d'être dans un autre monde. On ne comprend pas que l'Union européenne affiche une décroissance pour l'élevage à hauteur de 30 % pour les années à venir et qu'on importe davantage de viande ! Où est la cohérence ? Est-ce qu'on demande aux Français de ne plus produire pour importer davantage ? C'est difficile à comprendre pour les éleveurs que nous sommes. On se demande à quoi on joue ! C'est un gros souci, mais, pour l'instant, le cours de l'agneau se maintient fort heureusement.

Vous avez posé une question sur les abattoirs. Bon nombre ont souvent des difficultés de rentabilité économique. Leur modèle n'est pas bon et cela les place dans des situations difficiles. Dans le cas des abattoirs publics, les collectivités nous aident pour essayer de conserver ces outils qui sont absolument indispensables.

Mettre en place des abattoirs ambulants pose cependant question. Nous sommes très dubitatifs. Nous préférerions mettre l'accent sur les outils et maintenir les petits abattoirs de proximité qui existent plutôt que de les plomber en faisant un abattage ambulant à la ferme, qui va nécessiter la présence d'agents de la direction départementale de la protection des populations (DDPP) pour réaliser les observations ante mortem et post mortem. Je doute qu'il y ait des ressources humaines suffisantes pour assurer ce service dans les meilleures conditions.

Nous sommes donc favorables au maintien des abattoirs de proximité, même des plus petits, qui ont beaucoup de mal à subsister. Ce n'est pas la peine de se disperser : essayons de sauver ce qui existe.

M. François Balique. - J'ai pour ce qui me concerne une expérience au niveau des petits abattoirs, avec cent cinquante tonnes par an. J'ai rouvert un abattoir - je crois que c'est le seul qui l'ait été en France dans les années 2000. Je l'ai géré durant 20 ans. À mon avis, dans les zones dans lesquelles le privé n'arrive pas à faire fonctionner les abattoirs, y compris par l'intermédiaire de coopératives, le modèle le plus simple reste l'équipement public. L'investissement est financé par le public, les éleveurs finançant le fonctionnement grâce à la redevance qu'ils paient à l'abattoir.

On ne laisse pas entrer un éleveur ni un professionnel dans l'abattoir. Ce sont des conseils qui m'ont été donnés par tout le monde. Lorsque vous entrez dans un hôpital, vous n'avez pas à vous mêler ce qui se passe dans l'hôpital. On voit déjà les problèmes que cela pose dans les écoles en mêlant les parents aux enseignants. Là, c'est pareil. Je vous garantis que cela fonctionne.

En général, les régions et les départements poussent vers ce genre de solution. Les éleveurs, comme je leur ai toujours dit, sont des usagers : ils amènent une bête sur pied, on leur donne une carcasse. L'important est que la carcasse soit belle et qu'elle leur coûte le moins cher possible, et cela fonctionne.

Les groupements d'éleveurs qui s'occupent de la gestion des abattoirs font l'inverse de ce qu'il faut faire. Le monde des éleveurs est compliqué à gérer collectivement. Leur métier est d'élever des moutons et des vaches, non de gérer des abattoirs. C'est une autre activité. Un service public offre une qualité et un rapport de prix correct. Les moyens financiers existent.

Pour répondre à votre question à propos du statut des bergers employés par ma commune, il ne s'agit pas d'agents territoriaux, mais de contractuels. Juridiquement, la convention collective des employés agricoles prévoit des contrats de plus d'un an. Cela dit, il faut une journée de repos, des conditions d'hébergement correctes - et Dieu sait si on est contrôlé. C'est contractuel. Nous payons les bergers 2 500 euros nets par mois. On trouve sur le marché des gens qui sont bergers et qui se placent pour l'estive. Ils aiment bien travailler pour une collectivité, parce qu'ils sont sûrs d'être payés et bien traités.

Le métier de berger est difficile. La première chose qu'ils regardent - notamment les bergères, ce qui est normal - c'est le logement. Ils veulent disposer d'une douche. On n'en est pas encore à la télévision, parce que cela ne les intéresse pas, mais ils veulent du confort.

M. Jean-Paul Celet. - L'OFB doit nous rendre compte de la collecte des indices. Or cela fait un an que j'attends, et je commence à perdre patience.

L'OFB a jusqu'à présent eu tendance à répartir ses effectifs sans se soucier du loup. Les choses sont en train de changer. On ne rétablira pas la confiance sans cela. Lorsque je reviendrai vers vous, j'espère pouvoir vous dire que la question est réglée.

S'agissant des loups solitaires, en 2022 l'accroissement de 20 % du nombre de victimes en plaine leur était imputable à 60 %, dans des départements de colonisation. Cette année encore, si on ne tenait compte que des départements historiques, on serait à 15 % de baisse de la prédation, mais il y a eu le Lot, l'Aveyron, la Saône-et-Loire et la Côte-d'Or. La Saône-et-Loire compte près de 300 victimes depuis le début de l'année. On a réussi à y abattre deux loups. Comment a-t-on fait ? Quelle est la difficulté ?

Tout d'abord, il faut que le loup soit bien repéré. C'est mon travail. Pour ce qui est de l'indemnisation, il n'est pas normal qu'il y ait eu des difficultés. Un protocole existe. Les personnels de l'OFB viennent faire les constats. Le doute, à supposer qu'il existe, doit profiter à l'éleveur. C'est le droit. S'il n'y a aucun élément - une carcasse sans boucle, les vautours ayant fait le travail -, mais qu'il y a eu tout autour des attaques de loups avérées, le doute doit profiter à l'éleveur. J'insiste auprès des DDT, qui n'appliquent pas toujours immédiatement ce type de règle.

N'hésitez pas à me faire part des cas dont vous auriez connaissance pour que je puisse régler le problème. L'indemnisation doit désormais se faire en moins de 125 jours. Cela figure dans le PNA.

Lorsqu'un loup solitaire arrive, les élevages découvrent la prédation et ne sont pas protégés. Dès lors, on n'a pas la possibilité de donner les autorisations de tirs nécessaires. On a doublé les crédits d'urgence pour être notamment en capacité de financer les clôtures électrifiées. Cela permet d'obtenir des autorisations de tirs. C'est ainsi qu'on a réussi en Saône-et-Loire. Les autorisations de tirs nous permettent de mailler le territoire. Si le loup divague autour d'un territoire, plus on a de points de surveillance, mieux on peut l'abattre. C'est le cas le plus difficile. On a mis dix-huit mois à abattre la louve du Lot. On l'a eue en démultipliant les autorisations de tirs et en envoyant les louvetiers, ainsi que la brigade.

Nous rappelons à l'ensemble de nos collègues, dès lors qu'il y a une attaque et qu'on a décidé de mettre en oeuvre les moyens de protection, qu'il faut aller très vite. L'autorisation de tir doit être délivrée selon le PNA dans les 48 heures - j'aurais tendance à dire dans les 24 heures. Il faut, dès lors qu'il y a une attaque le matin, que les louvetiers soient en mesure d'agir le soir.

Nous n'avons par ailleurs pas peur des contentieux, car nous les gagnons pour le moment. Quant aux associations de protection de la nature, il faut voir quels sont leurs moyens. Lorsque je suis allé devant le Conseil d'État, en 2020, pour défendre l'arrêté interministériel, je me suis retrouvé devant une association qui avait six avocats. J'aurais préféré percevoir ce jour-là leur rémunération plutôt que la mienne. On était en référé-suspension.

Ils disposent de moyens importants et, pourtant, les arrêtés d'autorisation de tirs dérogatoires ne sont pas annulés, même sur des tirs de prélèvement. Ces tirs sont systématiquement attaqués. L'année dernière, quatre tirs de prélèvement ont été autorisés, avec quatre contentieux et quatre succès pour l'État.

Pour ce qui est du comptage, il convient de rétablir la confiance et la transparence. Je suis très impatient de savoir ce qu'il advient des indices que l'on fournit et à quoi ils servent. Il faut aussi avoir une méthode éprouvée. La nôtre ne répond plus exactement aux exigences. L'écart est de plus en plus grand entre le chiffre qui arrive au mois de juin, qui est basé sur la collecte d'indices, et le chiffre consolidé par les analyses génétiques.

J'aurai, en janvier, deux groupes de travail avec les organisations professionnelles pour constater qu'on ne peut continuer ainsi. Le PNA nous demande un seul chiffre. Il faut que la méthode soit partagée et le chiffre fondé scientifiquement.

Il me semble que la génétique pourrait nous donner une assise scientifique plus solide, à condition d'avoir des analyses intégrales. Aujourd'hui, seule une partie des indices biologiques font l'objet d'analyses génétiques. Il faut qu'elles soient exhaustives. J'ai eu un débat avec le laboratoire d'analyses de l'OFB : ce n'est pas si cher. J'ai demandé à l'OFB de consolider ses équipes de telle sorte qu'on puisse suivre ces analyses génétiques de manière plus attentive.

Une nouvelle unité de l'OFB a été créée à Rodez au mois de juin. Elle va être dédiée à un territoire. L'unité de Gap sera spécialement affectée à l'arc alpin. Cette nouvelle unité va être spécialement affectée aux zones Auvergne et Pyrénées. J'aurais aimé plus de personnels, mais on a là deux équipes constituées. Elles vont abattre le loup là où les conditions sont particulières et difficiles, et collecter les indices. Cela va permettre un meilleur maillage sur le territoire. J'ai souhaité - et l'OFB l'a accepté - que l'on modifie les méthodes de collecte. Ce n'est pas la peine de collecter dix indices dans le même jardin. Il vaut mieux en collecter un ou deux là où on ne fait pas d'exploration aujourd'hui. On aura sans doute une meilleure idée de la présence du loup et une meilleure évaluation des effectifs.

M. Daniel Salmon. - On a abordé tout à l'heure la question des traités de libre-échange et des importations de Nouvelle-Zélande. Depuis les années 1980 et le début de l'ouverture au marché, le cheptel français a perdu un tiers de sa population. On a à nouveau accordé aujourd'hui 38 tonnes à la Nouvelle-Zélande. C'est l'équivalent de plusieurs millions de moutons qui sont importés tous les ans en Europe, et particulièrement en France, où on ne produit plus que la moitié de notre consommation. Il y a à un vrai sujet. C'est de la concurrence déloyale, puisqu'on sait que les conditions d'élevage ne sont pas les mêmes qu'en France, la Nouvelle-Zélande recourant par exemple à certains insecticides ici interdits. Je pense qu'il faudrait s'attaquer à cela avant d'ouvrir de nouvelles possibilités, car cette importation a un impact considérable sur notre élevage.

J'aurais bien voulu également vous entendre au sujet des problématiques de réchauffement climatique et de sécheresse, qui provoquent des difficultés dans les pâturages.

Que pensez-vous par ailleurs de l'agrivoltaïsme, qui est aujourd'hui en lien avec l'élevage ovin et peut, dans certaines conditions, améliorer la production d'herbe grâce à l'ombre qu'il permet ?

Enfin, en tant qu'écologiste, je ne veux pas me défausser à propos du loup. Je ne suis pas là pour nier les problématiques et les difficultés engendrées par le loup. La France est très attachée à l'élevage. On en a besoin. Il a façonné nos imaginaires, nos paysages, et on se doit de le conserver. Tout est une question d'équilibre. Le loup est revenu en France. Le dernier avait été tué en Bretagne en 1913, un peu plus tard qu'en Haute-Saône. C'est vieux, mais ce n'était pas le Moyen-Âge.

Or on a vécu très longtemps avec le loup. Des équilibres sont certainement à trouver. Anne Chain-Larché a évoqué la souffrance des animaux. Tous les animaux souffrent, y compris lorsqu'ils vont à l'abattoir. C'est la question de la prédation qu'on soulève ici, la prédation dans le milieu naturel. Il y a indéniablement de la souffrance, mais à partir du moment où on est dans le cycle de la vie, on ne peut estimer qu'une souffrance est légitime et l'autre non.

En France, les chats sont à l'origine de la disparition de 20 millions d'oiseaux par an. Là aussi, il y a de la souffrance. Attention à ce que l'on met derrière le mot « souffrance », parce qu'il n'existe pas de petites souffrances et de grandes souffrances.

M. Lucien Stanzione. - Je suis élu du département du Vaucluse. Il y a trois mois, la cinquième meute de loups a été identifiée dans le petit Luberon, un périmètre compris entre Cavaillon, Beaulieu et Lourmarin, zone touristique par essence. Deux autres meutes sont situées dans le Ventoux, une sur le grand Luberon, une sur le plateau d'Albion.

Les syndicats agricoles nous disent que le nombre de loups progresse. Vous en avez identifié 1 104, après rectification. En 2009, douze départements étaient concernés, contre 40 en 2019 et 44 en 2021. Dans mon département, 65 communes sur 150 sont concernées, soit quasiment la moitié du territoire. En 2023, nous avons constaté 30 attaques, dont 20 ont été indemnisées. Pour compléter le tableau, les sociétés de chasse, comme un peu partout, se plaignent de la baisse de la présence du gros gibier - je pense en particulier aux mouflons du Ventoux, cerfs, chevreuils et sangliers.

Le statut européen du loup dont vous avez parlé détermine les conditions de gestion du cheptel. Pensez-vous engager une action efficace ? J'ai déjà posé la question au ministre, qui ne répond pas clairement.

Pourquoi ne pas créer des zones de protection renforcées où le tir à lunette thermique nocturne serait autorisé, avec des zones de protection à disposition des préfets de région pour éviter la sclérose du zonage ?

Enfin, comme vous le savez, le loup parcourt entre dix et quinze kilomètres par jour sur un territoire immense : attendre 48 heures pour donner l'autorisation de l'abattre n'est pas opérant. Il faut que la décision soit prise dans les deux heures.

M. Jean-Marc Boyer. - Le Puy-de-Dôme et la chaîne des Puys constituent un espace naturel protégé classé par l'Unesco où l'on retrouve un fort pastoralisme. La présidente de la FNO, Mme Michèle Boudoin, est particulièrement à la pointe sur ce sujet. Les relations entre le parc naturel régional des volcans, les éleveurs, les bergers et l'ensemble de la protection de l'espace sont très suivies.

C'est surtout le problème de la conciliation des usages qui se pose aujourd'hui entre le pastoralisme, les activités sportives - randonnées, parapente, 4x4 et chasse. Une brigade verte a été mise en place sur l'ensemble du site, ainsi qu'une brigade de gendarmerie supplémentaire. Ne va-t-il pas falloir envisager des créneaux d'utilisation de l'espace dans le temps de manière que chacun trouve sa place ? On va connaître de plus en plus d'incidents malgré la présence de la gendarmerie, qui est relativement importante. Faudra-t-il prévoir la chasse le matin et les activités sportives l'après-midi ? Il faudra, à un moment donné, trouver des solutions, faute de quoi on risque de connaître des problèmes relativement importants.

Par ailleurs, les professionnels de l'élevage affirmaient il y a quelques années qu'il n'y avait pas de place pour le loup. La semaine dernière, lors d'une réunion en préfecture, j'ai senti une certaine acceptation de la cohabitation entre le loup et les bergers. L'éradication du loup n'est plus le sujet. J'ai été assez surpris. Quelle est votre position, monsieur le maire, madame la présidente ?

Enfin, la révision du statut du loup est-elle dans les tuyaux ? Y réfléchit-on ? La directive habitats et la convention de Berne protègent aujourd'hui le loup. En discute-t-on ou non ? C'est à mon avis là que réside le noeud du problème. Peut-être faudra-t-il évoluer par rapport à cela.

Mme Brigitte Singla. - Pour ce qui est des accords de libre-échange, je pense avoir été très clair sur notre position et avoir exprimé notre incompréhension. La perte du cheptel ovin date de l'époque du Rainbow Warrior. On voit ces contingents arriver depuis les années 1985. Nous avons été une variable d'ajustement et continuons apparemment à l'être.

Il faut également être vigilant vis-à-vis de l'Australie et de ses velléités commerciales. On risque là aussi de jouer le rôle de variable d'ajustement, ce qui mettrait la filière à genoux.

Le problème du réchauffement climatique nous préoccupe évidemment au plus haut point. Lorsqu'on est en prise directe avec la pousse naturelle de l'herbe, on se rend bien compte que les sécheresses successives impactent fortement le potentiel alimentaire des troupeaux.

On entend dire que les mouvements de transhumance des troupeaux évoluent et que les descentes d'estive se font plus tôt, ou que c'est souhaitable par rapport au fait que les louves apprennent à leurs petits à chasser en août. De fait, on a plutôt tendance à monter plus tôt en estive et à redescendre plus tard face à l'impact de la sécheresse dans les plaines, et on va en montagne l'été, lorsqu'il n'y a plus de ressources dans les plaines. Cette évolution est donc extrêmement problématique. Économiquement parlant, ce n'est pas compatible : perdre les ressources alimentaires que l'on trouve en montagne sans pouvoir les remplacer suppose des achats de fourrage, des coûts de production qui augmentent, etc.

Le réchauffement climatique, pour ce qui concerne l'élevage, n'offre pas beaucoup de solutions. Autant on essaie d'avoir des connaissances scientifiques en matière de prairies temporaires grâce à l'herbe que l'on sème, autant on a très peu de retours sur le comportement des espaces naturels et leur résilience par rapport au changement climatique.

Sur les causses, que je connais particulièrement bien, l'impact de la sécheresse et des canicules que l'on subit fait que les parcours ne se régénèrent pas. C'est un problème qui nous préoccupe au plus haut point. On a très peu de retours des scientifiques et très peu de manifestations d'intérêt sur le sujet. On essaie de les susciter, mais ce n'est pas évident.

Vous avez abordé le problème de l'agrivoltaïsme. Nous ne sommes évidemment pas contre les énergies renouvelables. Pour nous, l'agrivoltaïsme porte prioritairement sur les bâtiments d'élevage, sur tout ce qui est artificialisé et non sur les terres à fort potentiel. Il n'empêche qu'on a été amené à établir une charte, les éleveurs propriétaires de leur foncier n'admettant pas de ne pas pouvoir disposer de celui-ci à leur guise. Or nous ne voulions pas que le fait de placer des ovins sous des panneaux solaires constitue un alibi. Il est pour nous extrêmement important de vérifier que la production et l'activité agricole restent prioritaires et que le revenu principal de l'exploitation provient de l'agriculture et non des panneaux.

Le problème juridique n'est pas réglé pour autant. C'est relativement simple lorsque le propriétaire est utilisateur de l'espace agricole, mais lorsqu'un fermier avec un bail emphytéotique se superpose à un bail à ferme, on ne trouve pas la solution par rapport à la sécurisation foncière de l'usage qui en est fait. Nous sommes donc extrêmement vigilants.

J'ai relevé votre attachement à l'élevage. Quand vous êtes éleveur, vous aimez vos bêtes. Contrairement aux images et aux clichés, l'acte d'élevage finit toujours par un acte d'abattage. C'est la finalité. On ne mange pas une côtelette comme on arrache une carotte, il faut bien le comprendre.

Je crois qu'il ne faut pas associer l'acte d'abattage à la souffrance des bêtes que l'on retrouve égorgées ou éventrées sur les territoires. On a vu des bêtes gestantes se retrouver avec l'agneau sorti. Pour un éleveur, c'est insoutenable. Il ne faut pas assimiler cela au même degré de souffrance qui existe dans les abattoirs. Si on a mis les abattoirs aux normes, c'est justement pour éviter la souffrance de l'animal, contrairement à ce que l'on dit. Le cycle de vie est quelque chose de naturel, mais ce n'est pas pour autant qu'on doit assimiler l'acte de prédation à un acte d'abattage dans un abattoir agréé. Cela n'a rien à voir !

Pour ce qui est de la conciliation des usages, la problématique est encore plus prégnante dans les parcs. Je voudrais témoigner d'une difficulté que l'on rencontre, qui est un effet collatéral de la prédation : aujourd'hui, nous avons des remontées d'éleveurs ovins qui se voient refuser le renouvellement des conventions de pâturage parce qu'on a tendance à ne louer le foncier qu'aux propriétaires de bovins, qui génèrent moins de prédations et ne soulèvent pas la problématique des chiens de protection. Pour nous, c'est très préoccupant : si le foncier se ferme à l'élevage ovin à cause de la présence de chiens de protection et qu'il faut concilier avec le multi-usage, cela pose problème.

J'ai eu moi-même à traiter le problème d'une éleveuse qui était tout à fait d'accord pour signer un bail à ferme proposé par le propriétaire à condition qu'il existe dans son bail une clause stipulant qu'elle s'interdisait de mettre des chiens de protection. On en est là. Il faut comprendre la difficulté dans laquelle se trouvent les éleveurs.

On sait fort bien ce que génère la conciliation des usages sur les territoires. Je pense qu'il faut déployer toute une pédagogie pour « éduquer » les gens qui ne savent pas ce qu'est un troupeau et ne connaissent pas le comportement à adopter vis-à-vis des troupeaux et des chiens de protection. C'est un souci supplémentaire.

Quant à la position de la profession sur le loup, on ne peut pas dire qu'elle l'accepte. Ce n'est évidemment pas acceptable. On le subit, et on voit depuis des années à quel point on est obligé de se protéger. On adhère aux différents plans qu'on nous impose parce qu'on ne peut pas faire autrement.

Je ne parle pas non plus d'éradication. Si le loup n'attaque pas les troupeaux, cela ne nous pose pas de difficultés majeures. Il faut lui apprendre à ne pas s'approcher. On parle de véganisme : pourquoi n'apprendrait-on pas au loup à être vegan ? Cela ne nous poserait aucun souci ! On ne peut accepter les dégâts sur les troupeaux.

M. François Balique. - J'ai été choqué de vous entendre dire qu'on avait supporté des loups depuis le Moyen-Âge. On a également supporté la peste. À notre niveau, c'est la même chose ! Ce n'est donc pas un argument.

Deuxièmement, en ce qui concerne la Nouvelle-Zélande, il faudrait rapprocher du prix des agneaux qui viennent de ce pays le coût carbone que cela représente. Les agneaux de chez nous ont un bilan carbone zéro !

S'agissant du partage de l'usage, que je qualifie pour ma part de conflit d'usage, il n'y a pas d'autre solution qu'un partage temporel. Il ne peut pas y avoir de loup en présence du troupeau. Le troupeau monte en estive vers le 15 juin et redescend début octobre : il faudrait, monsieur le préfet, une autorisation de tirs systématique. Un loup se pointe : il dégage ou il attend le mois d'octobre pour venir faire ce qu'il veut dans les pâturages. C'est pareil pour les sportifs : au moins, on partage ! On laisse le loup faire ce qu'il veut, mais on lui fait comprendre. C'est vraisemblablement un animal très intelligent. Il comprendra vite qu'il faut attendre le 15 octobre pour pouvoir aller dans certains pâturages. Ce peut être une piste, sans être absolutiste. Il n'y a pas d'autre solution que le partage temporel.

Je pense qu'au Sénat, la parole est libre. Vous êtes une commission économique. La meute, dans ma commune, est estimée entre dix et trente loups. Elle vit dans un endroit qui, au Moyen-Âge, puisqu'il en est question ici, était occupé par des brigands. Le seul moyen qu'on ait eu pour se débarrasser des brigands, c'est d'y mettre le feu, avec des conséquences au niveau géologique - mais c'est autre chose. Le lieu se prête donc à la présence de meutes.

Voilà le raisonnement qui est tenu par certains de mes administrés - ils ont beau être des ruraux, ils sont aussi intelligents que les loups. Vous me corrigerez si je me trompe : de manière globale, directe ou indirecte, le plan loup, depuis 20 ans a coûté 34 millions d'euros par an aux finances publiques. Combien cela représente-t-il par loup ? Une meute de dix loups coûte 540 000 euros d'argent public par an, et on n'est pas capable de nous donner la même somme pour réparer une cabane pastorale ! Il y a là un problème d'acceptabilité, même si on n'en parle pas trop. Il va falloir, à un moment donné, prendre des décisions claires. Or on n'aborde jamais ce point financier. Les gens sont capables de le comprendre.

Quant au fait que les éleveurs ne demandent plus l'éradication du loup, ce n'est pas le sentiment que j'ai, surtout avec les vaches. Les éleveurs bovins ne l'acceptent pas.

Nous avons chez nous des propriétaires de très grands troupeaux. On appelle cela des herbassiers. Il peut y avoir 3 000 ou 4 000 brebis qui partent dans les alpages, souvent du côté d'Arles, en Crau. Il en revient 2 950, soit 50 morts. En face, il y a une indemnité. Un éleveur qui a 300 brebis et qui en perd cinquante est ruiné. Ils n'ont pas la même approche de la problématique du loup.

Lorsque vous perdez un bovin, vous ne perdez pas 100 euros. On a surtout des éleveurs qui ont des races, qui utilisent la génétique, etc. Nous, nous comparons le loup à la peste et nous disons à l'État : « Vous avez laissé venir le loup. C'est à vous de nous en débarrasser ! ».

On parlait du délai d'intervention. Cet été, dix vaches ont été tuées au cours de trois attaques. Il a fallu douze jours pour décider de l'abattage. Le préfet dit qu'il fait ce qu'il peut, mais vous rendez-vous compte de ce que supportent les élus ? On doit agir dans le cadre légal, attendre l'autorisation. On prend les éleveurs pour des imbéciles !

Jusqu'en 2000, le code des communes prévoyait que le maire avait le pouvoir, sous le contrôle du préfet, d'obvier les dangers produits par les sangliers et les loups. Mme Voynet, en juin 2000, a fait supprimer le terme de « loup ». À l'époque, il existait une jurisprudence du Conseil d'État. Le meilleur échelon pour régler le problème du loup, notamment dans les plaines, c'est le maire ! Le maire est au courant de tout, y compris de ce qui ne se passe pas. C'est lui qui serait à même de prendre la mesure.

Pour le comptage, on diffuse des hurlements de loups. Les adultes ne répondent pas. Ce sont les louveteaux qui répondent, avant de se faire gronder par les adultes. On en déduit un nombre. Il faut arrêter cette fumisterie ! Le seul moyen, ce sont les battues - en tout cas chez nous. Autorisez-moi à faire des battues, je vous dirai combien j'ai de loups.

Est-ce possible pour un maire de ne pas savoir si dix à trente loups vivent à proximité ? Le loup est très imprévisible. Il va passer devant un troupeau pendant trois ans sans y toucher et un jour, sans qu'on sache pourquoi, il fait un massacre.

M. Charles Dereix. - On a parlé de beaucoup de choses. Évidemment, les forêts sont aussi victimes du réchauffement climatique. Des travaux sont menés pour mieux cerner tous les déterminants de ce phénomène et essayer de trouver des réponses en sylviculture ou pour introduire de nouvelles espèces. Je note ce que dit Mme Singla sur le non-renouvellement des parcours : il faut l'intégrer dans les travaux de recherche.

Concernant la conciliation des usages, j'ai connu cela tout au long de ma carrière de forestier. Je ne pense pas qu'il faille imaginer une gestion nationale. En revanche, j'en reviens à mon projet de territoire : je crois que c'est là qu'il faut analyser les choses pour voir comment concilier concrètement les souhaits des uns et des autres.

Je comprends évidemment qu'on parle beaucoup de la prédation. C'est un problème majeur qui s'ajoute à tous les autres que connaît le pastoralisme, mais, comme le disait le sénateur Salmon tout à l'heure, il faut conserver cet élevage et ce pastoralisme. Regardons d'autres handicaps indépendants de la prédation. Je veux faire ici deux ou trois propositions.

Les associations foncières pastorales sont un outil extrêmement performant pour organiser l'activité d'élevage extensif. Une disposition vis-à-vis des terrains boisés ou à boiser dit qu'ils ne doivent être qu'accessoires. Or, dans des régions comme la Corse ou en basse montagne, ces terres forestières sont présentes et les limiter à un statut d'accessoire est pénalisant. Je crois qu'il faudrait revenir là-dessus.

De même, il existe une disposition selon laquelle il faudrait au maximum exclure les terrains relevant du régime forestier. Non ! Pourquoi ? Laissons les élus décider de la composition de l'association foncière pastorale qu'ils souhaitent mettre en place.

Mon deuxième point porte sur la chèvre. On n'a pas cité cet animal. Notre pauvre chèvre nous fait pourtant des produits de grande qualité. En forêt, c'est le diable absolu, elle est interdite. Je suggère que l'on revienne sur le statut de la chèvre et que, comme pour le mouton, le cheval, la vache, etc., on inscrive sa présence dans un plan local qui sera réfléchi et qui lui permettra d'apporter ce qu'elle peut apporter.

Deux autres choses encore : l'inscription de la destination pastorale dans les PLU et PLUi : voilà qui pourrait contribuer à mettre en place des équipements d'aide à l'activité pastorale qui ne seraient pas interdits par un classement en zone naturelle. L'idée était d'imaginer des zones pastorales comme il existe des zones agricoles ou des zones naturelles. À réfléchir.

Enfin, l'idée d'une servitude territoriale de passage, de broutage et d'équipement pastoral serait à envisager. Sur certains parcours, un propriétaire peut bloquer le passage. C'est malheureux, car cela risque de compromettre un sentier de transhumance ou l'exercice d'un parcours pastoral. Peut-on imaginer une servitude permettant de lever cette interdiction ?

J'ai cité tout à l'heure l'idée des subventions données à un collectif. Ce qui me perturbe beaucoup, c'est la faiblesse des moyens de l'administration au niveau départemental ou régional. Cela pourrait quand même beaucoup aider !

M. Jean-Paul Celet. - Où en sommes-nous du statut d'espèce strictement protégée ? Pour la première fois, je l'ai dit, le PNA évoque son éventuelle modification et nous demande d'en examiner les possibilités, les avantages et les inconvénients. Il y a d'ailleurs parallèlement actuellement à l'Assemblée nationale une mission, au sein de la commission des affaires économiques, me semble-t-il, qui a pour objet également d'étudier les possibilités et la faisabilité de la modification du statut.

La volonté du ministre de l'agriculture, notamment, est de porter le débat au sein de la Commission en s'appuyant sur les études réalisées et sur ce que va faire la mission d'information.

On doit modifier deux textes, la convention de Berne et la directive habitats. Modifier une directive suppose l'unanimité des 27 États membres. Pour modifier la convention de Berne, il faut une majorité qualifiée des deux tiers. Cela ne veut pas dire que c'est impossible, mais c'est dire tout le parcours qui doit être poursuivi. Les choses sont pour la première fois officiellement en cours. Je pense que le débat même sera intéressant. Qu'il soit porté au sein de la Commission le sera encore plus.

La présidente de la Commission s'est prononcée dernièrement sur la modification du statut et le danger de la démultiplication des loups sur le territoire. L'ambition du Gouvernement est bien d'aller devant la Commission, celle-ci devant ensuite interpeller les chefs d'État sur ce sujet.

J'insiste sur le fait que, pour la première fois, ce débat n'est pas tabou. On nous demande concrètement de présenter des propositions de modifications, la modification n'étant peut-être pas la seule voie à emprunter concernant le loup. Il existe aussi une voix simple, qui relève de la seule souveraineté nationale, s'agissant de la fixation du taux de prélèvement. Le parcours est plus simple. Encore faut-il convaincre l'ensemble des juges, et notamment le Conseil d'État, qu'on peut effectivement augmenter le taux de prélèvement sans mettre à mal le bon état de conservation de l'espèce.

M. Pierre Médevielle. - On a beaucoup parlé des Alpes, mais il faut aussi parler des Pyrénées. J'ai réalisé une enquête lors des dernières élections : nous avons perdu, au cours des 30 dernières années, quasiment 50 % de nos surfaces de pâturage et d'estive. Je pense donc qu'il est aujourd'hui urgent d'agir. On est face à un problème d'aménagement du territoire avec développement de taillis qui flamberont avec le réchauffement climatique, et cela va affecter des activités comme le tourisme.

Un plan national est une bonne chose. On avance un peu, trop doucement à mon goût. Je pense qu'il faudrait un plan de coordination, notamment dans notre massif, qui a le triste privilège de cumuler tous les actes de prédation : en plus du loup, qui arrive d'Espagne et des Cantabriques, nous avons aussi l'ours, avec quasiment 60 animaux concentrés sur les mêmes zones, entre l'Ariège, les Pyrénées aveyronnaises et les Hautes-Pyrénées, plus les vautours. Les vautours, qui ne sont plus nourris en Espagne, s'attaquent aux troupeaux de moutons.

L'écoeurement des responsables des filières ovines est total dans tous nos départements. Les plans sont insuffisants, souvent attaqués. On a vu les limites des mesures de protection. On a aussi parlé de l'intérêt des cabanes pour protéger les bergers.

Heureusement que beaucoup d'intoxications anonymes ne sont pas décomptées, sans quoi on ne sait ce que cela donnerait. À quand un plan vraiment réaliste qui puisse résoudre ce problème ? Je pense qu'on ne peut continuer ainsi, sauf à aller vers une disparition du pastoralisme.

Mme Viviane Artigalas. - Je rappelle que les Hautes-Pyrénées sont le deuxième département pastoral de France : 1 038 exploitations, 190 exploitants extérieurs en transhumance, 261 unités pastorales de 5 à 3 500 hectares, comprises entre 500 mètres et plus de 3 000 mètres d'altitude. 95 % des surfaces relèvent de la propriété communale.

J'ai été moi-même maire d'une commune de montagne transhumante avec 10 000 hectares de terrain et beaucoup d'estives, un gardien embauché avec une semaine pour faire toutes les estives de la commune, réparties jusqu'à l'Espagne, sans possibilité d'augmenter les estives gérées en régie ni les moyens de la commune pour les surveiller.

L'économie pastorale, dans les Hautes-Pyrénées et les Pyrénées, repose sur de petites exploitations qui rendent de nombreux services : entretien des paysages, agrotourisme, lutte contre l'embroussaillement, l'incendie et la fermeture des milieux.

Cette économie est très diverse et très différente par rapport à d'autres économies pastorales en France. Elle est très particulière, mais aussi très fragile. Comme l'a dit Pierre Médevielle, ce sont la plupart du temps des estives communales qui subissent la prédation de l'ours, du loup et du vautour.

Ce sont aussi des estives où les troupeaux sont en liberté sur de grandes surfaces, donc très difficiles à surveiller. C'est là notre histoire patrimoniale. C'est aussi une montagne très accessible, où on retrouve beaucoup de touristes qui ne connaissent pas du tout le pastoralisme, entraînant des conflits d'usage.

Comment mieux territorialiser les mesures et les dispositifs pour répondre aux besoins particuliers de chaque territoire pastoral ? Au-delà des mesures agroenvironnementales et climatiques (Maec), dont on s'empare, comment mieux reconnaître les services rendus au pastoralisme ?

Vous l'avez dit, madame Singla, il faut se battre tous les ans pour que l'indemnité compensatoire de handicaps naturels (ICHN) soit intégrée dans la PAC et que celles-ci prennent en compte cette montagne. C'est à chaque fois une bataille. Comment faire pour que ces services soient mieux reconnus ?

M. Laurent Duplomb. - Quand j'étais président de chambre d'agriculture, il y a quelques années, je disais, après avoir subi des attaques de loups dans mon département, qu'au-delà du problème économique, qui repousse les agriculteurs hors de certains territoires, il existait un problème psychologique. Ce problème, les éleveurs ne peuvent accepter de le vivre.

C'est comme si le loup venait manger votre animal domestique dans votre maison. On a attendu dix à quinze ans avant de s'en rendre compte officiellement. Il a fallu que le poney de Mme von der Leyen se fasse totalement dévorer pour que la présidente de la Commission européenne dise que la concentration de meutes de loups dans certaines régions d'Europe est devenue un véritable danger pour le bétail et, potentiellement, pour l'homme.

Montesquieu disait : « J'aime les paysans, ils ne sont pas assez savants pour raisonner de travers ». Je me dis quant à moi, lorsque mon pays dépense 34 millions d'euros pour la protection et l'indemnisation, qu'il a besoin d'un préfet, plus haut niveau de la représentation de l'État, pour traiter un problème qui ne devrait pas exister, qu'on marche sur la tête !

On a vu les agriculteurs retourner les panneaux, mais je pense que la réalité est celle-ci : plus on voit disparaître d'agriculteurs, plus on voit des territoires se fermer, plus on a une augmentation d'attaques de loups et moins on comprend que la réalité du problème consiste en plusieurs éléments qu'il faudra activer - et vite !

Il est évident qu'il faut augmenter le nombre de prélèvements et arrêter de se voiler la face avec une naïveté coupable qui consiste à ne pas compter les loups. Vous l'avez dit, monsieur le maire : il existe plein de méthodes pour les dénombrer. Quand on les compte en les écoutant hurler, par définition, c'est qu'on ne veut pas savoir combien ils sont. Ni considérer les 34 millions d'euros de dégâts causés à l'État et aux contribuables.

Il faut augmenter les prélèvements de façon drastique, monsieur le préfet. Un ministre de l'agriculture qui ne le comprend pas se fait le fossoyeur de l'agriculture française et de l'élevage ovin sur certains territoires.

En second lieu, il faut modifier la convention de Berne. Nous ne pouvons plus continuer à protéger et même surprotéger une espèce qui devient potentiellement dangereuse pour l'homme. On nous parle souvent, en France, de surtransposition des normes européennes. Si le loup devient un problème environnemental pour des territoires entiers, qui seront fermés et pourront connaître des risques d'incendie plus élevés, est-ce que la « surtransposition positive » ne serait pas d'éliminer celui qui empêche les moutons de garder ces territoires ouverts ? Les coûts seront pour nous encore plus grands et les communes deviendront totalement inhabitables.

Je le dis très clairement : regardons la réalité en face, arrêtons d'afficher cette naïveté coupable qui consiste à ignorer les réalités du terrain. Au moins une fois, prenons les choses en main et n'écoutons pas tous ceux qui nous racontent des fables.

M. Henri Cabanel. - Je remercie les intervenants et plus particulièrement Brigitte Singla, éleveuse dans ce magnifique département de l'Hérault, dans lequel je travaille souvent avec elle.

Merci de nous avoir donné votre point de vue sur l'activité économique du pastoralisme, l'activité touristique, mais aussi la lutte contre la fermeture des milieux et l'incendie.

Madame la présidente, dans votre intervention liminaire, vous avez évoqué les paiements pour services environnementaux. Vous savez combien je tiens à cet outil. Je voudrais savoir ce que vous en pensez et si vous avez des pistes pour arriver à les mettre en place.

Au sujet des chiens de protection, j'ai posé une question au ministre, lors du débat sur le PLF, mais il ne m'a pas répondu parce qu'il était en pleine réflexion. Avez-vous des pistes, monsieur le préfet ? Vous avez dit qu'il faudrait légiférer, mais il faut à un moment donné une proposition de loi.

M. Serge Mérillou. - Je profite de ma prise de parole pour apporter mon soutien à la filière de l'élevage en général et à la filière ovine en particulier. Nous sommes proches du causse du Lot. Il y a aussi chez nous des activités pastorales, dont nous ne vivons heureusement pas, sans présence du loup. Je me demande comment vous faites, vous, éleveurs, pour arriver à subsister.

Le fait pour des éleveurs de ne pouvoir vivre du fruit de leur travail doit être désespérant, sans compter les contraintes liées à la présence du loup ou autres animaux, auxquelles vient s'ajouter la concurrence déloyale de pays lointains. Bravo pour ce que vous faites !

Mme Anne-Catherine Loisier. - Je voudrais revenir sur le déploiement des loups isolés en plaine et dans toutes ces zones assez pauvres où l'élevage est devenu l'unique activité agricole. La menace est lourde en termes d'aménagement du territoire. Que va-t-il rester ? Je pense que nos éleveurs ne sont pas forcément des éleveurs de patous.

Quel est votre avis sur la capacité qu'on va avoir à faire évoluer le statut du loup ? On le sait, les meutes produisent chaque année un certain nombre de louveteaux qui vont aller faire leur vie ailleurs. Même en maintenant leur nombre à celui qui existe actuellement, on va avoir sans cesse des loups qui vont partir faire leur vie, étendre leur territoire. Un loup a besoin d'un périmètre de chasse. Rester dans la situation actuelle, c'est entretenir des problèmes grandissants pour l'avenir. Au-delà du poney de Mme von der Leyen, les éleveurs de chevaux peuvent aussi en pâtir. De plus en plus de poulains sont en effet attaqués. A-t-on conscience de tout cela ?

Mme Brigitte Singla. - Pour ce qui est des services rendus par l'élevage en général et par le pastoralisme en particulier, nous avions jusqu'à maintenant l'habitude de réaliser ce qu'on appelle des mesures agroenvironnementales et climatiques (Maec), avec des documents de gestion pastorale pour préserver la biodiversité et prendre en compte le milieu. Force est de constater que les budgets n'y sont plus du tout. Toutes les Maec comportent un cahier des charges avec des contraintes pour les éleveurs alors que le financement a fondu et n'est plus du tout ce qu'il était.

Même à ce niveau-là, cela ne va plus. Certes, il faut encourager les paiements pour services environnementaux (PSE), mais de préférence en dehors de la PAC. Il ne faut pas oublier que le budget alloué aux mesures de protection est pris sur le budget agricole, alors qu'il devait être consacré au développement agricole et rural. Sur le terrain, on ne comprend pas très bien qu'on puisse engager des mesures de protection et favoriser en même temps la prédation. Cela pèse lourd dans le budget, et cet argent serait mieux utilisé différemment.

Je tiens à souligner - parce qu'on l'oublie souvent - que 20 % restent à la charge des éleveurs. Une étude menée par le lycée de Carmejane montre les surcoûts engendrés par la mise en place des moyens de protection. C'est bien beau de regrouper les bêtes la nuit dans un parc, mais qui va les chercher dans de tels milieux ? Cela prend un temps important matin et soir. Quant aux chiens de protection, il faut les nourrir, les entretenir. Qui s'en occupe si ce n'est l'éleveur ? Quand le berger salarié prend ses congés, qui le remplace ? Tout cela reste à la charge des éleveurs.

Sauf pour les communes qui ont leurs propres bergers salariés, la conditionnalité sociale fait partie de la conditionnalité globale des aides de la PAC. Là aussi, la responsabilité de l'éleveur est accrue. Tout cela vient donc s'ajouter.

Les services que l'on rend ne sont effectivement pas assez pris en compte. Essayer de voir comment construire des prestations de service environnemental serait donc un juste retour des choses.

Je suis très attachée aux causses et aux Cévennes, classées au patrimoine culturel et immatériel de l'humanité. Sur le plan touristique, on recense tout un bâti vernaculaire construit par nos ancêtres. C'est une formidable reconnaissance pour eux - il était temps, car cela a été l'objet d'un dur labeur -, mais tout cela n'a jamais été pris en compte. On a toujours contribué à apporter des externalités positives qu'on n'arrive pas à monnayer ni à faire prendre en considération.

Le PSE doit donc venir en plus et ne doit pas servir d'excuse pour diminuer les aides de la PAC ou ne plus tenir compte de l'éligibilité des surfaces. Il faut conserver cet équilibre. Nous sommes dans le collimateur, on le sait. Rendre éligibles des espaces naturels n'est pas forcément dans l'air du temps. Il y a derrière des notions de productivité qui nous échappent un peu, parce que la spécificité de ces traditions pastorales fait qu'on ne peut rivaliser avec d'autres systèmes.

Prenons garde ! Je suis très favorable aux PSE, mais il ne faudrait pas en contrepartie nous priver des politiques publiques en général.

M. François Balique. - Vous avez tous conscience - vous êtes sénateurs - de l'importance que jouent les communes pastorales dans la défense du pastoralisme. Nous sommes en première ligne, nous sommes au front.

Si c'est possible, je vous invite à réfléchir à une dotation globale de fonctionnement (DGF) spécifique aux communes pastorales, comme il y a eu une DGF touristique. Le critère était d'avoir un certain nombre de lits banalisés pour être automatiquement éligible. C'était un plus. On pourrait peut-être faire pareil pour le pastoralisme. Cela permettrait de laisser aux élus le pouvoir, territoire par territoire, commune par commune, d'employer des moyens pour défendre le pastoralisme.

M. Charles Dereix. - J'adhère totalement à ce qu'a dit Mme Singla sur les PSE. L'éleveur doit vivre d'abord de son travail et des produits qu'il façonne et met en vente.

Concernant les aides européennes, je suggère l'idée d'une Maec sylvopastorale. L'apport du sylvopastoralisme n'est pas reconnu. Or une Maec sylvopastorale pourrait être un moyen d'éviter toutes les chicayas dont vous parliez à propos de la proratisation des surfaces, etc., qui constituent un handicap.

Quant aux PSE, il faut bien entendu progresser en ce sens.

M. Jean-Paul Celet. - Deux réponses très brèves sur la territorialisation : oui, madame la sénatrice, on peut territorialiser. Le PNA le prévoit. On peut adapter nos moyens de protection aux territoires, à condition de pouvoir l'étudier.

Or nous avons pour la première fois obtenu un million d'euros par an pour financer des expérimentations ou des mesures nouvelles. Cela permettra de répondre à la demande de territorialisation, me semble-t-il.

S'agissant du statut du chien de protection, nous avions élaboré un projet. Je pense que le ministre a été prudent, ce projet n'ayant pas rencontré un grand enthousiasme dans les directions ministérielles. Cela étant, ceci figure dans le PNA. Il faut donc avancer. Le projet est sur la table. On peut le modifier.

Par ailleurs, madame la sénatrice, je pense que le PNA pose pour la première fois la question de la maîtrise de la population et requiert d'évoquer cette question tant à un échelon hexagonal qu'à un échelon européen. Il existe des seuils de viabilité démographique, mais aussi un seuil de viabilité génétique.

Le bon état de conservation suppose une extension dans l'ensemble des habitats naturels de l'espèce. On va avoir, en 2025, une rencontre avec la Commission pour savoir où en est ce bon état de conservation de l'espèce. Les questions se poseront de manière concrète à ce moment-là.

Peut-on continuer à avoir une augmentation exponentielle de l'espèce, malgré les 19 % de prélèvement, ce qui est assez extraordinaire pour une population sauvage ? Avec 19 % de prélèvement, 15 % de mortalité naturelle ou accidentelle, le taux de survie est de 66 %. Pour une population sauvage, c'est la limite. Cela représente une augmentation de près de 12 % par an. C'est la première fois qu'on se préoccupe de savoir jusqu'où l'on va. On aurait pu fixer une limite - mais on ne l'a pas fait, car les choses n'ont pas été simples entre les membres du Gouvernement -, même si le PNA prévoit qu'on le fasse avant 2025, de manière détournée.

Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente. - Merci. Très belles fêtes de Noël et bonne fin d'année.

Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.

Groupe de suivi de la mise en oeuvre du volet relatif à l'artificialisation des sols de la loi Climat-résilience et de la loi « ZAN » du 20 juillet 2023 - Désignation des membres

Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente. - Mes chers collègues, il nous revient, pour terminer, de procéder à plusieurs désignations.

Tout d'abord, comme vous le savez, à la demande du groupe centriste, un groupe transpartisan chargé de suivre la mise en oeuvre du volet relatif à l'artificialisation des sols de la loi Climat-résilience et de la loi « ZAN » du 20 juillet 2023 va être mis en place. Ce groupe de suivi, commun à la commission des affaires économiques, à la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable et à la commission des finances, sera composé de 17 membres et devra assurer une représentation équilibrée des groupes politiques en son sein. Seront membres, au titre de la commission des affaires économiques :

- Pour le groupe LR : Jean-Marc Boyer et moi-même ;

- Pour le groupe Union centriste : Guislain Cambier ;

- Pour le groupe socialiste : Christian Redon-Sarrazy ;

- Pour le groupe RDSE : Philippe Grosvalet ;

- Et pour le groupe RDPI : Bernard Buis.

Les autres groupes minoritaires seront représentés au sein des deux autres commissions impliquées. Je vous informe par ailleurs que Françoise Gatel sera membre du groupe de suivi au titre de la délégation aux collectivités territoriales.

Questions diverses

Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente. - Enfin, en ce qui concerne les prochaines missions de contrôle qui seront menées par notre commission, je vous propose que Sophie Primas et Fabien Gay conduisent les travaux de la mission d'information sur Atos, conjointement avec deux autres collègues de la commission des affaires étrangères. Les travaux de la mission sur la performance agronomique des sols seront menés par Laurent Duplomb, Franck Menonville, Jean-Claude Tissot et Henri Cabanel.

Enfin, la mission sur le dispositif « Territoires d'industrie » sera conduite par Martine Berthet, Anne-Catherine Loisier et Rémi Cardon.

Il n'y a pas d'opposition ?

Je vous remercie.

La réunion est close à 12 h 10.