Mardi 12 décembre 2023

- Présidence de Mme Micheline Jacques -

Audition des auteurs de l'étude annuelle 2023 du Conseil d'État sur le « dernier kilomètre » de l'action publique

Mme Micheline Jacques, président. - Chers collègues, nous lançons aujourd'hui l'étude de la délégation sénatoriale aux outre-mer sur l'adaptation des modes d'action de l'État dans les outre-mer.

Philippe Bas, sénateur de la Manche, et Victorin Lurel, sénateur de la Guadeloupe, ont bien voulu en être les rapporteurs et je les en remercie vivement.

Pour notre première audition, nous avons convié les auteurs de la dernière étude annuelle du Conseil d'État, au titre explicite : « L'usager du premier au dernier kilomètre de l'action publique : un enjeu d'efficacité et une exigence démocratique ».

Ces auteurs, qui ont bien voulu répondre à notre invitation, sont :

- Martine de Boisdeffre, présidente de la section du rapport et des études ;

- Fabien Raynaud, président adjoint et rapporteur général de cette section ;

- et Mélanie Villiers, rapporteure générale adjointe.

Je vous laisse la parole, madame la présidente, pour votre propos introductif.

Nous poursuivrons par l'intervention des rapporteurs et les questions dans la salle.

Madame la présidente, Monsieur, Madame, nous vous remercions vivement pour votre présence.

Mme Martine de Boisdeffre, présidente de la section du rapport et des études du Conseil d'État. - Madame la présidente, Messieurs les rapporteurs, Mesdames et Messieurs les membres de la délégation, je voudrais tout d'abord en notre nom à tous les trois vous remercier de nous avoir invités à intervenir aujourd'hui dans le cadre de l'étude sur l'adaptation des modes d'action de l'État dans les outre-mer.

Je vous remercie aussi de l'intérêt que vous portez à l'étude annuelle du Conseil d'État de 2023. Nous accordons en effet beaucoup d'importance aux relations entretenues avec le Sénat. Les rencontres entre les parlementaires et les membres du Conseil d'État sont, à nos yeux, essentielles pour assurer la compréhension et, plus largement, la confiance entre nos institutions.

Vous nous avez envoyé au préalable un questionnaire. Je voudrais d'emblée préciser que nous exprimerons ici la position du Conseil d'État dans le cadre de l'étude sur le « dernier kilomètre ». Nous ne pourrons pas répondre à des questions qu'il n'a pas abordées ni vous faire part de nos opinions personnelles. Nous ne sommes devant vous que les porte-paroles du Conseil d'État et de sa collégialité.

Mon propos consistera à répondre aux quatre premières questions, dont l'ampleur nous semble répondre tant à l'état d'esprit qu'à la méthode de notre travail. Je les aborderai donc successivement.

Tout d'abord, comment décliner outre-mer le renouvellement des modes de conception, de mise en oeuvre et de fonctionnement de l'État que l'étude appelle de ses voeux ?

Le champ de notre étude est très vaste, car nous avons décidé d'adopter une vision transversale concernant les politiques publiques, les services publics et l'action publique en général sur l'ensemble du territoire français.

Nous nous sommes ainsi intéressés aux outre-mer. Nous avons réalisé de nombreuses auditions et entendu des acteurs du « dernier kilomètre » outre-mer : des élus ultramarins, comme Stéphane Artano, sénateur de Saint-Pierre-et-Miquelon ou Moetai Brotherson, député de la Polynésie française ; le préfet et la sous-préfète chargée de la cohésion sociale et de la jeunesse à La Réunion ; plusieurs directeurs d'administration, comme le directeur de l'Agence régionale de santé (ARS) de Mayotte, le directeur de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DEAL) et la secrétaire générale pour les affaires régionales de La Réunion.

Nous avons également adressé un questionnaire à tous les tribunaux administratifs, dont ceux des outre-mer, pour essayer de mesurer l'efficacité du « dernier kilomètre » de la juridiction administrative. À cet égard, nous avons auditionné les présidents des tribunaux administratifs de La Réunion et de Mayotte.

En central, nous avons entendu le secrétaire général du ministère de l'Intérieur et des Outre-mer, ainsi que la directrice et plusieurs collaborateurs de la direction générale des outre-mer (DGOM).

Cependant, je me dois d'insister sur un point. Le constat d'un fossé entre l'action publique et les usagers s'applique à l'ensemble du territoire. Il en va de même pour nos propositions. Elles concernent l'État - administrations centrales et déconcentrées - mais également les autres acteurs du « dernier kilomètre », comme les collectivités territoriales.

Pour répondre très précisément à la première question, l'étude n'émet pas de recommandations spécifiques aux outre-mer. Elle préconise un changement de méthode qui, pour nous, vaut sur l'ensemble du territoire.

Pour combler le fossé constaté entre les usagers et l'action publique, le Conseil d'État formule ainsi douze propositions, toutes tirées de bonnes pratiques recueillies lors des auditions et observées sur le terrain.

À partir de ces bonnes pratiques, l'enjeu consiste donc à « changer de braquet ». Ces douze propositions assument une ambition modeste : aucune n'est complètement originale, mais leur mise en oeuvre conjointe requerra un effort de tous les acteurs et des usagers eux-mêmes. Elles visent à renouer avec une culture du service en rendant chacun acteur du changement. Elles s'articulent autour de trois axes essentiels : un impératif de proximité, un besoin de pragmatisme et un maître-mot, la confiance.

De notre étude, il ressort qu'il faut penser à « l'atterrissage » de l'action publique, dès le départ et dans tous les endroits où elle se déploiera. Une question concrète doit se poser : comment atteindre l'usager ? Elle vaut particulièrement pour les outre-mer. En effet, les parlementaires ultramarins rencontrés nous ont indiqué qu'il leur arrivait souvent d'appeler l'attention du ou des gouvernement(s) sur la nécessité d'intégrer les outre-mer dans le processus d'élaboration des politiques publiques. Il faut donc penser le « dernier kilomètre » des usagers des outre-mer dès le « premier kilomètre » de la conception d'une politique publique, d'un dispositif ou d'un formulaire.

En nous intéressant à la crise Covid, nous avons également constaté l'existence d'une chaîne courte entre le ministère des Outre-mer et les acteurs ultramarins. Elle a sans doute constitué un atout pour la mise en oeuvre du « dernier kilomètre » de l'action publique, en générant davantage de fluidité et des allers-retours plus fréquents.

Deux exemples tirés de nos auditions illustrent bien certains aspects de nos propositions.

Le premier se rapporte à nos propositions 5 à 8, selon lesquelles il importe de concevoir les politiques publiques avec les usagers et les acteurs publics : nous avons mentionné le dispositif interactif mis en place par l'équipe pédagogique de l'école Louis Andréa de Baie-Mahault en Guadeloupe. Ce dispositif a été reconnu par les services académiques sous le nom d'« Ideas » : identifier, diagnostiquer, s'engager, accompagner et être accompagné, suivre des jalons.

De la même façon, certaines pratiques relevées dans les mairies polynésiennes illustrent notre proposition n° 11, relative à la coopération, qui préconise la logique des guichets uniques ou intégrés. En effet, la mairie constitue un lieu de vie pour les Polynésiens. Elle regroupe ainsi de nombreux services dans une logique de guichet intégré de proximité.

La situation montre aussi l'importance du rôle des élus locaux que nous soulignons de façon répétée depuis nos études de 2018 sur la citoyenneté ou de 2021 sur les états d'urgence.

En réponse à votre deuxième question, l'étude n'identifie pas, en tant que telles, de spécificités de l'action de l'État dans les outre-mer. Ce n'était pas notre objectif. Notre étude s'attache à analyser si telle action publique atteint les destinataires qu'elle a elle-même déterminés et pour quelles raisons.

Nous avons donc travaillé sans considération a priori du territoire de l'action publique concernée, même si nous sommes allés sur le terrain dans l'Hexagone.

Nous avons également pris en compte les spécificités, et parfois les fragilités, de certains territoires comme dans les zones rurales, les quartiers urbains sensibles, et nous nous sommes intéressés aux territoires ultramarins. À cet égard, nous avons relevé les initiatives de l'État pour lutter contre le sentiment de relégation de certains territoires. Concernant les outre-mer, je pense particulièrement à la loi de programmation relative à l'égalité réelle outre-mer de février 2017 dite loi EROM.

Pour mémoire, son objectif était de réduire les écarts de niveau de vie et de situation avec l'Hexagone, en matière de richesse par habitant, de prix, de taux de décrochage scolaire, de chômage et de pauvreté. La Guyane et Mayotte sont les plus durement touchées. De même, les conditions d'accès à certains services essentiels sont souvent insuffisantes.

Les plans de convergence établis en application de la loi EROM se fixent pour objectif de réduire ces écarts de développement à l'horizon de vingt ou trente ans tout en tenant compte des spécificités des territoires ultramarins.

Par ailleurs, l'État a développé une logique que nous proposons de généraliser : le « aller vers », voire le « aller chez », dans certains territoires des outre-mer. Nous citons par exemple les audiences foraines de justice en Polynésie française ou la pirogue du droit en Guyane.

Votre troisième question était la suivante : parmi les politiques publiques étudiées dans votre rapport, lesquelles ont été les moins bien déployées dans l'Hexagone et dans les outre-mer ? Quelles en sont les principales raisons ?

De façon générale, nous constatons - sans fard ni complaisance - que, malgré des progrès certains, l'action publique ne parvient pas, dans un certain nombre de cas, à atteindre effectivement le « dernier kilomètre » jusqu'au public visé, à savoir les « usagers » au sens générique du terme.

Nous nous sommes efforcés d'en identifier les causes, directes et indirectes, notamment dans les conditions de mise en oeuvre de l'action publique. Celle-ci demeure encore trop souvent caractérisée par sa verticalité, par le poids des normes, mais également par la complexité qui pèse sur les usagers. À cet égard, les 26 encarts de l'étude font pleinement saisir le degré d'efficacité d'une action publique quant à l'atteinte des usagers.

Nous avons ainsi pointé des réussites et des échecs à partir d'exemples communiqués lors de nos auditions et de nos déplacements sur le terrain.

Certains échecs se retrouvent partout : le chèque énergie auquel un cinquième des ayants droit ne recourt pas ; Parcoursup, ressenti comme une « boîte noire » pour les usagers ; la difficulté à remplir certains formulaires, parfois aggravée par la dématérialisation...

D'autres exemples concernent plus spécifiquement les outre-mer : la carte Vitale pour les étudiants venant de Polynésie française, qui doivent toujours cocher une case « étrangers de passage » sur le formulaire d'obtention de la carte, en dépit des multiples interventions des élus du territoire ; les limites de la rationalisation des administrations territoriales, illustrées par les effets collatéraux, sur les coutumes notamment, de la fermeture des maternités dans les atolls polynésiens ; enfin, le niveau d'appropriation très inégal du dispositif du pass Culture, malgré son succès global : 4 % des jeunes mahorais l'utilisent, contre 84 % des jeunes parisiens.

Des succès sont également manifestes sur l'ensemble du territoire, comme le prélèvement à la source.

Concernant les outre-mer, certains succès ont inspiré nos propositions. Tout d'abord, les maisons France services ont atteint leur objectif de 2 500 labellisations, dont 112 dans les départements et régions des outre-mer, ainsi qu'à Saint-Martin. 99 % des Français se trouvent ainsi à moins de trente minutes d'une maison France services et 90 % à moins de vingt minutes.

Je ne reviendrai pas sur les succès de « l'aller vers » déjà mentionnés. Sans remettre en cause la disposition constitutionnelle selon laquelle le français est la langue de la République, je citerai une initiative locale a priori étonnante : la communication en créole du préfet de La Réunion sur les réseaux sociaux pendant la crise sanitaire. Il s'agissait pour lui d'atteindre les habitants et de s'assurer que tous l'entendent. Cet exemple traduit une volonté d'adapter l'action et la communication publiques dans des circonstances exceptionnelles.

Votre quatrième question était : une nouvelle organisation déconcentrée de l'État est-elle une des clefs de la réussite du « dernier kilomètre » ? Quelle réforme serait prioritaire outre-mer ?

Nous avons raisonné à organisation et à moyens constants. En effet, nous avons considéré que nous n'étions pas légitimes pour préconiser une organisation territoriale de la France ou pour porter un jugement sur l'organisation actuelle.

Nous nous bornons à constater que les réformes de l'État et la rationalisation territoriale à partir de 2010 ont profondément changé le visage de l'État sur le terrain. Les préfectures et les sous-préfectures ne sont plus le lieu de contact de l'Administration avec les citoyens, la direction générale des finances publiques a profondément restructuré son réseau, etc.

Pour autant, il ne nous appartient pas de proposer une réforme de l'organisation déconcentrée de l'État ni de porter un jugement sur telle politique publique ou telle réforme de l'État, passée ou à venir.

En revanche, nous disons qu'il est important de penser, dès l'amont d'une réforme, aux moyens qui seront nécessaires pour la mener à bien. Il convient de penser à « l'atterrissage » d'une politique publique, d'un dispositif ou d'un formulaire. Dès le début, il faut intégrer dans la réflexion les moyens humains et budgétaires, comme les difficultés. Cela relève du bon sens, mais il nous semble qu'une logique de plus grande coopération et de subsidiarité produirait d'importantes améliorations. À notre sens, cette amélioration du « dernier kilomètre » de l'action publique renforce son efficacité et la confiance de nos concitoyens.

Pour conclure, nos propositions constituent un tout, applicable à l'ensemble des territoires, y compris ultramarins. Toutefois, si la méthode doit rester la même, les réponses concrètes peuvent être différentes.

Comme nous avons coutume de le dire, nous tenons une sorte de discours de la méthode. Cependant, nous considérons que la mise en oeuvre réelle de nos propositions induirait un changement profond. Elle permettrait de redonner la parole aux acteurs publics de terrain, mais également aux usagers. Cela repose sur la confiance.

Je ne peux donc indiquer quelle réforme serait prioritaire dans les outre-mer. Nous proposons plutôt de mettre en oeuvre ensemble les propositions formulées et, surtout, de penser le « dernier kilomètre » dans les outre-mer dès le « premier kilomètre » de la conception d'une politique publique, de la réflexion sur un dispositif ou même de l'élaboration d'un formulaire.

Je vous remercie.

Mme Micheline Jacques, président. - Merci, Madame la Présidente, pour ce propos liminaire très riche.

Je laisse la parole à nos deux rapporteurs, Philippe Bas puis Victorin Lurel.

M. Philippe Bas. - Merci pour cet exposé très éclairant.

Il serait intéressant que le Conseil d'État se penche un jour explicitement sur le champ des adaptations possibles de la législation aux exigences de l'action de l'État outre-mer.

Le Conseil d'État nous a bien aidés ces dernières années, notamment lors de son examen de la proposition de loi déposée par notre collègue Thani Mohamed Soilihi pour adapter le Code de la nationalité aux spécificités de la situation de Mayotte. Alors que nous doutions de sa compatibilité avec l'article 73 de la Constitution, vous aviez trouvé une solution avec ses auteurs. Ainsi, la collaboration entre le Parlement et le Conseil d'État sur les propositions de loi peut s'avérer très féconde.

De fait, il nous arrive de sous-estimer l'ampleur des possibilités d'adaptation que la Constitution nous permet d'explorer. Il est vrai que notre action est aussi encadrée par la jurisprudence du Conseil constitutionnel, mais l'efficacité de l'action de l'État se heurte à beaucoup d'obstacles juridiques.

Sans être spécialiste de ceux-ci, je me souviens de plusieurs situations révélées à l'occasion d'un déplacement de la commission des Lois en Guyane. Je citerai la situation d'une institutrice de la forêt amazonienne, sanctionnée pour avoir préparé - avec succès - un élève au baccalauréat sans disposer des qualifications requises. De même, les dispositions nationales sont inadaptées à la lutte contre les orpailleurs ou contre les reconnaissances frauduleuses de paternité. De tels exemples seraient nombreux.

Pour autant, nous demeurons très prudents quant au traitement législatif de ce type de situations. Par conséquent, seriez-vous prêts à ouvrir le moment venu une réflexion d'ensemble pour nous aider ? À défaut, vous seriez certainement ouverts à un travail avec nous préalablement au dépôt d'une proposition de loi couvrant de nombreux domaines : procédure pénale, éducation nationale, droit civil... Nous devrions rester dans le champ de l'article 73. Nous réfléchissons par ailleurs à des évolutions constitutionnelles, mais nous savons combien il est difficile de les faire aboutir.

M. Victorin Lurel. - J'ai bien compris le sens de vos propositions et de l'engagement pris par le Conseil d'État, notamment sur les études d'impact et les évaluations dites préalables.

Vous avez placé vos propositions sous un triptyque - proximité, pragmatisme et confiance - mais comment être proche quand on est éloigné de plusieurs milliers de kilomètres ? Comment décliner aujourd'hui de manière décentralisée, déconcentrée, voire différenciée, une politique publique unique et qui se voudrait uniforme, sans pour autant mettre en cause l'unité de la norme ?

Or, les outre-mer sont oubliés dès la conception. Souvent, ils ne figurent pas dans les études d'impact, dont le contenu est parfois même un peu léger. Lorsque l'État s'aperçoit que le projet n'a pas pris en compte les outre-mer, il indique procéder par ordonnance, quand il n'opère pas de distinctions parfois spécieuses entre législatif et réglementaire.

Dans ces conditions, le « premier et le dernier kilomètres » sont définis par les administrations centrales, tandis que l'exécution est déléguée aux préfets et aux services déconcentrés de l'État.

J'ai cru comprendre que le sujet du « premier et du dernier kilomètres » était inspiré du management des organisations privées. Dès lors, comment l'envisager dans la sphère publique ? Comment s'assurer de la présence de toutes les parties prenantes pour que l'État remplisse sa mission en restant le plus proche possible de l'usager ? Comment envisager une déclinaison pour les outre-mer, quand la réflexion est menée ici et qu'interviennent des acteurs intermédiaires, si bien qu'il est difficile de voir l'utilisateur final ? Comment donc envisager à cadre constant une meilleure prise en compte des outre-mer, sans pour autant remettre en cause l'unicité de la norme ?

Mme Martine de Boisdeffre. - Pour vous répondre, je resterai extrêmement prudente. En effet, le choix des thèmes d'étude ne relève pas de ma compétence. Dans le cadre de l'étude annuelle, les trois personnes ici présentes proposent d'abord une dizaine de sujets à la section du rapport et des études. La section en sélectionne quatre ou cinq, et parfois les hiérarchise. Sur la base de ces propositions, le Bureau du Conseil d'État choisit le thème. Les autres études nous sont commandées par le Premier ministre. Je ne peux donc m'engager.

Cela étant, vous avez ouvert une autre voie. Je me souviens très bien du travail que nous avions mené ensemble sur la nationalité à Mayotte. Cette formule de présentation d'une proposition de loi au Conseil d'État, autorisée par la Constitution depuis 2008, me paraît très utile.

Je me bornerai à cette réponse, espérant que vous excuserez cette prudence.

Le sénateur Victorin Lurel a évoqué avec raison l'éloignement géographique.

Nous avons constaté qu'un fossé s'était creusé entre les usagers et les acteurs publics. Les usagers ont le sentiment que l'action publique n'est plus aussi efficace et n'arrive pas jusqu'à eux.

À l'éloignement géographique s'ajoute en effet une distance de la compréhension, car le discours comme les formulaires sont trop complexes. Les normes sont également trop nombreuses. Depuis trente ans, nous travaillons d'ailleurs sur ce sujet, en lien avec d'autres délégations sénatoriales. Une distance de considération, d'ordre psychologique, est également ressentie, car les décisions semblent parfois déjà prises au moment des concertations.

Afin de remédier à cette distance, nous formulons des propositions sur la proximité et sur le pragmatisme. Il faut penser ce « dernier kilomètre » dès le premier. La direction générale des outre-mer a mis en place des outils, dont un guichet qui doit être un réflexe pour les autres administrations centrales. Pourtant, ce réflexe se révèle parfois tardif. Par conséquent, il faut penser « atterrissage » dès le début, en outre-mer comme partout.

Comment faire ?

J'émettrai quelques nuances par rapport à une inspiration tirée du secteur privé. L'expression « dernier kilomètre » provient certes de la logistique, donc du secteur privé. Pour autant, nous avons expliqué qu'elle s'est développée dans la logistique urbaine ou l'aide au développement. Ici, nous l'appliquons à l'action publique. Nous mettons en avant du bon sens.

Nous disons simplement qu'un service destiné à nos concitoyens doit se penser avec les acteurs de terrain : les préfets, les associations, les corps intermédiaires et les usagers eux-mêmes lorsque cela est possible. À mon avis, la méthode vaut pour les outre-mer comme pour l'Hexagone. Elle doit s'appuyer sur les mêmes « relais privilégiés ».

Enfin, concernant la norme, plusieurs lois, dont une loi organique, ont suivi notre étude sur les expérimentations. Elles vont assez loin dans la différenciation. Nous considérons qu'un équilibre doit être tenu entre le principe d'égalité et les nécessités de la différenciation. Leur articulation fait d'ailleurs l'objet d'une analyse de notre centre de recherche et de diffusion juridique qui est intégrée dans l'étude.

Des possibilités existent donc, cela d'autant plus que tout ne sera pas écrit dans les normes, que des marges de manoeuvre seront laissées et que des adaptations sur le terrain seront permises, y compris dans les outre-mer.

Je laisse le soin à Fabien Raynaud et à Mélanie Villiers de compléter mes propos.

M. Fabien Raynaud, président adjoint et rapporteur général de la section du rapport et des études du Conseil d'État. - Je soulignerai deux points.

Concernant tout d'abord l'« atterrissage », il nous semble important de développer un volet de faisabilité pratique dans les études d'impact. Il conviendrait ainsi de préciser quelle administration serait en charge. Cela permettrait de mesurer dès le « premier kilomètre » comment fonctionnera effectivement le dispositif mis en place et d'identifier les situations dans lesquelles les outre-mer n'ont pas été pris en compte, ou l'ont été insuffisamment tôt.

En second lieu, nous avons été frappés de constater que les pouvoirs de dérogation donnés aux préfets par le décret de 2020 sont utilisés avec beaucoup de prudence, voire avec une certaine réticence. Les raisons en sont compréhensibles : crainte du contentieux, peur de ne pas être suivi par l'administration centrale, difficulté politique liée à l'articulation entre différenciation et principe d'égalité... Cette prudence s'applique peut-être aussi à la problématique de l'article 73 de la Constitution. À cadre constitutionnel constant, il peut exister plus de marge que nous le pensons. À cet égard, les outre-mer peuvent se situer en pointe, compte tenu des possibilités constitutionnelles de différenciation et des besoins des territoires concernés.

Mme Martine de Boisdeffre. - J'ajouterai que la présence d'indicateurs et d'éléments concrets dans les études d'impact permet l'évaluation. Il est fondamental d'évaluer les politiques publiques, au-delà des expérimentations, afin de pouvoir les ajuster, les poursuivre ou les arrêter.

Mme Mélanie Villiers, rapporteure générale adjointe de la section du rapport et des études du Conseil d'État. - Je mentionnerai un dernier élément de notre constat : la prise en compte du temps, tout particulièrement dans les territoires ultramarins. Il est nécessaire de prendre le temps de l'écoute, du contact avec les acteurs de terrain, des allers-retours... Or, ce temps-là est souvent concentré. Nous nous en rendons compte quand les textes sont présentés en section consultative du Conseil d'État. La concentration du temps a quelque peu gâché la capacité de préparation. Par conséquent, notre étude conclut à la nécessité de prendre le temps de construire l'action publique.

Mme Micheline Jacques, président. - Merci. Je laisse la parole à nos collègues.

M. Saïd Omar Oili. - Je formulerai quelques remarques sur ce rapport très intéressant.

Le rapport de la Chambre régionale des comptes de juin 2022 présente une analyse complète de la situation à Mayotte. Je voudrais souligner qu'il n'y a pas un seul outre-mer, mais des outre-mer. Une politique ultramarine unique n'est pas possible.

Par ailleurs, les réseaux sociaux impactent les politiques publiques. Aujourd'hui, nous savons immédiatement ce qui se passe dans l'Hexagone et nous comparons les situations. Par exemple, les écoles mahoraises surchargées ne donnent cours que par demi-journée, avec une rotation des élèves, ce qui pose la question de l'égalité des chances. À Mayotte, le « premier kilomètre » n'est même pas engagé. Le niveau des violences y est aujourd'hui intolérable, mais le maintien de l'ordre ne s'exerce pas dans les mêmes conditions que dans l'Hexagone. Ainsi, les grenades lacrymogènes destinées à disperser les jeunes affectent toute la population, compte tenu du mode d'habitat.

Par conséquent, chaque territoire des outre-mer doit être vu différemment, car les réalités n'y sont pas les mêmes.

Ainsi, la population de Mayotte continue d'augmenter de 4 % chaque année, alors que la diminution de la population constituait l'objectif de la loi sur la nationalité évoquée précédemment. Je demande donc une évaluation des politiques publiques. Les plans se succèdent à Mayotte, mais les difficultés semblent s'aggraver. Il m'apparaîtrait utile de faire une pause pour établir un bilan des actions et inventorier les échecs. Il en va ainsi des dispositifs de lutte contre l'immigration clandestine.

M. Jean-Gérard Paumier. - J'ai beaucoup appris de votre exposé. J'ai particulièrement apprécié le triptyque proximité, pragmatisme et confiance.

Je crois cependant que l'usager du « premier au dernier kilomètre » n'est pas une spécificité des outre-mer. Dans l'Hexagone, l'accueil en préfecture ou en sous-préfecture a disparu. Les préfets et les sous-préfets sont très affaiblis. Ainsi, le traitement de la crise sanitaire dépendait des Agences régionales de Santé (ARS), les problèmes scolaires relèvent du rectorat et les questions culturelles de la Direction régionale des affaires culturelles (DRAC)... Personnellement, je plaide pour une déconcentration accrue, car j'y vois un bon équilibre local avec les collectivités.

Vous avez souligné le succès des maisons France services. Les collectivités y ont une part majeure.

Enfin, sans connaître précisément la situation des outre-mer, je pense que l'État est ressenti comme trop vertical. À titre d'illustration, j'évoquerai la Zéro artificialisation nette (ZAN), la loi Gemapi concernant les milieux aquatiques et la prévention des inondations, la gestion des déchets... L'État est perçu comme censeur plutôt que facilitateur. Je pense que la plupart des collègues des territoires attendent que l'État leur dise, non ce qu'il ne faut pas faire, mais comment le faire.

Mme Viviane Artigalas. - Merci beaucoup pour votre exposé et votre présence.

Les questions de différenciation et de territorialisation sont prégnantes, tout particulièrement dans les outre-mer. Elles nécessitent des politiques ascendantes, adaptées aux besoins des territoires et ensuite évaluées. Le Sénat est particulièrement attaché à cette notion d'évaluation, qui s'avère de moins en moins réalisée.

Dans ces conditions, je souhaite vous demander ce que vous pensez des appels à projets. Ils relèvent à mon sens d'une politique descendante. En effet, ils concernent des projets dont les territoires n'ont pas nécessairement besoin. Ceux-ci y répondent, souvent avec retard, pour bénéficier de financements.

Il apparaît ainsi que les politiques publiques intègrent de plus en plus des appels à projets et ne répondent pas aux besoins des territoires. Ces pratiques vont à l'encontre de la co-construction des politiques dont ont besoin les territoires, particulièrement outre-mer.

M. Akli Mellouli. - J'abonderai dans le même sens. Le « premier kilomètre » n'est pas préparé. De plus, des schémas descendants, parfois condescendants, sont mis en oeuvre. Or, nous vivons une nouvelle phase de décentralisation, dans laquelle les territoires des outre-mer pourraient constituer un espace d'expérimentation et nous permettre d'évoluer dans l'Hexagone.

Mme Solanges Nadille. - Merci pour votre exposé.

Lorsqu'elle évoque le « dernier kilomètre », votre étude intègre-t-elle les autres îles de notre archipel comme Marie-Galante, La Désirade et les Saintes ? En effet, ce qui est possible à Pointe-à-Pitre ou aux Abymes ne l'est pas nécessairement dans ces îles.

Par ailleurs, des propositions ont été faites à cadre constitutionnel constant. Ainsi le Comité interministériel des outre-mer (CIOM) a été créé à la suite de l'Appel de Fort-de-France et ses propositions donnent lieu à discussion avec le Gouvernement.

Enfin, je soulignerai une difficulté liée aux services déconcentrés de l'État, comme l'ARS, qui agissent comme un État dans l'État. Il est impossible de discuter avec leurs agents, qui viennent souvent de Paris, ne connaissent pas le territoire et refusent toute discussion. Des propositions sont faites, mais il n'en est pas tenu compte. La volonté est descendante. Personnellement, je cesse de l'accepter.

M. Teva Rohfritsch. - Merci d'avoir beaucoup cité la Polynésie française, je sais que beaucoup de contributions ont été apportées.

Sans revenir sur tout ce qui a été dit, je m'interroge sur la notion d'adaptation des modes d'action de l'État dans les collectivités visées par l'article 74 de la Constitution. Grâce à mon expérience au sein du Gouvernement de la Polynésie française, je peux témoigner de la méconnaissance de l'État lui-même, à quelques exceptions près, quant à la manière d'aborder nos collectivités largement autonomes.

Lorsque l'on discute avec le Gouvernement de la République ou avec le Haut-Commissaire de compétences aujourd'hui confiées à la Polynésie française, plusieurs réponses sont possibles. Elles peuvent relever du refus d'intervenir - « vous êtes compétents, débrouillez-vous » - ou au contraire de décisions contraires à l'autonomie, comme pendant la crise Covid. Certaines décisions du Haut-Commissaire, prises alors au nom de la liberté de circulation, ont ainsi empiété sur la compétence « santé » de la collectivité en méconnaissant totalement les institutions locales.

Il ne s'agit pas de faire le procès de la période Covid qui a été particulièrement éprouvante pour tous, mais de reconnaître des frottements qui n'ont pas été identifiés et sont difficiles à écrire dans des textes organiques. Ils peuvent conduire à une nouvelle réflexion sur la manière dont l'État peut accompagner cette autonomie sans se situer en opposition.

Même si les représentants de l'État font oeuvre de pragmatisme et de bienveillance sans condescendance, il demeure un vide significatif quant à sa pratique de ces statuts autonomes. Celle-ci demeure dépendante de la manière dont les hauts fonctionnaires appréhendent l'autonomie. Il me semble que la réflexion sur l'action de l'État doit prendre en compte cette dimension.

À titre d'exemple, la célébration de l'autonomie polynésienne, le 29 juin, est parfois vécue à Paris comme une agression ou une volonté de distinction de la République, alors que la Polynésie française fête la République en fêtant l'autonomie. Cela nous distingue des indépendantistes.

Dès lors, comment améliorer un dialogue qui, selon les interlocuteurs, n'a pas lieu ou provoque des frictions ? Un exemple concret en témoigne. Les décisions sanitaires prises à Paris lors de la crise Covid (le confinement, la campagne de vaccination...) devaient être financées par la collectivité en vertu de sa compétence en matière de santé.

Pour citer un autre exemple, la protection des zones de pêche ou le développement de la pêche relèvent de la compétence polynésienne. Cependant, certains sujets comme la formation maritime ou les diplômes relèvent de l'État. La situation conduit aujourd'hui à un manque de capitaines polynésiens pour les bateaux de pêche.

Puisque nous partageons tous, y compris les autonomistes polynésiens, le même idéal républicain, il convient de se mettre d'accord sur l'essentiel. L'autonomie ne doit pas constituer un frein à la conception et la mise en oeuvre des politiques publiques.

Mme Micheline Jacques, président. - Vous avez parlé fort justement de distance de compréhension et de considération. Peut-on cependant affirmer l'inexistence d'une culture ultramarine dans les administrations ?

En outre, comment repenser la relation entre l'État et ces territoires ? L'évolution institutionnelle et la révision constitutionnelle ont été évoquées. Des statuts sur mesure pourraient-ils constituer une solution à ces problématiques d'efficience des politiques publiques ?

M. Victorin Lurel. - Je rappelle qu'il est bien question des outre-mer, non de l'outre-mer. Par ailleurs, l'article 73 de la Constitution ne mentionne pas d'intérêts propres... au sein de la République, à la différence de l'article 74.

Pour mémoire, lorsque j'étais ministre, j'avais fait nommer des conseillers dans tous les ministères. Cela permettait de connaître en amont des décisions l'impact sur les outre-mer. La question du maintien d'un ministère dédié s'est posée depuis plusieurs années et ses moyens se sont réduits : il n'existe plus qu'une direction générale, contre deux auparavant, et les effectifs sont passés d'environ 300 personnes à moins de 130 aujourd'hui. Il y a manifestement un problème de ressources humaines.

À titre d'exemple, dans le cadre de la récente réforme des retraites, l'État a insuffisamment pensé la situation des agriculteurs ultramarins. Il a été demandé au Parlement de déléguer ce pouvoir au Gouvernement pour qu'il procède par ordonnances. Le sujet est certes complexe et les délais nécessaires auraient conduit à reporter une réforme structurelle. Toutefois, ce cas révèle l'absence d'études préalables outre-mer (Insee, INED...). Les parlementaires ne disposent pas des armes de politique économique, des éléments de décision...

Mme Martine de Boisdeffre. - Certaines des questions sont d'ordre politique et sortent du champ de l'étude. Je m'abstiendrai donc de réagir sur ces points.

Notre étude parle bien des outre-mer, au pluriel. De fait, nous avons bien conscience des différences entre les situations.

Vous avez évoqué aussi les différences de situation dans l'Hexagone. À cet égard, nous avons écouté des élus venant de territoires très divers, urbains, périurbains, ruraux et ultramarins. Nous avons constaté des inégalités selon les endroits. Nous sommes également conscients du rôle des collectivités dans les maisons France services. En tout état de cause, nous considérons que ce dispositif est positif dans le contexte actuel, non seulement dans les territoires ruraux et ultramarins, mais également en territoire urbain.

Plusieurs remarques portaient sur la co-construction en évoquant un État censeur, des schémas descendants, voire condescendants... Je ne peux qu'adhérer. Nous avons beaucoup insisté sur la nécessité de ne pas agir solitairement. Les administrations centrales doivent écouter leurs représentants sur le terrain, les élus, les associations et, quand elles le peuvent, les usagers, y compris sur les îles plus éloignées, comme les îles des Saintes en Guadeloupe.

Cette démarche prend du temps et appelle également une certaine culture. Notre triptyque - proximité, pragmatisme et confiance -- semble de bon sens. Il doit cependant se généraliser. De bonnes pratiques existent, mais elles doivent « changer de braquet ». Une autre culture doit se mettre en place, en formant partout les acteurs de l'État, notamment aux problématiques des outre-mer. Auparavant, des référents outre-mer étaient présents dans toutes les administrations et, dans le processus interministériel d'élaboration de projets de loi ou de dispositifs, le ministère porteur d'un texte avait déjà intégré lui-même la question ultramarine. Outre la formation, cette culture passe par la connaissance du terrain. Une culture territoriale fait défaut, dont celle des outre-mer.

Enfin, je rejoins complètement les propos de plusieurs d'entre vous quant à la nécessité de l'évaluation. La démarche peut prendre du temps, mais elle permet d'agir en connaissance de cause et d'expliquer les choix. Nous insistons sur cette redevabilité de l'action publique depuis une étude de 2018 sur la citoyenneté.

M. Fabien Raynaud. - Je réagis aux observations relatives à l'article 74. Nous avons réfléchi à cadre constitutionnel constant. Toutefois, les marges sont plus importantes dans le cadre de l'article 74 que de l'article 73.

En tout état de cause, il me semble que la difficulté que vous soulignez concerne la mise en pratique, le pragmatisme et la confiance. De ce fait, il apparaît nécessaire d'élaborer ensemble des politiques co-construites, prévisibles et durables. La clef nous semble se trouver davantage de ce côté que de l'obstacle juridique lié aux articles 73 et 74.

Mme Évelyne Perrot. - Je ne sais si vous avez rencontré des élus et des habitants de parcs naturels régionaux, mais j'y retrouve la même logique. J'ai l'impression que ces parcs, aussi bien dans l'Hexagone que dans les outre-mer, constituent des laboratoires d'idées. Les habitants gèrent leur territoire en s'impliquant et montrent une grande confiance dans ce qui est réalisé.

Mme Mélanie Villiers. - Je ne me souviens pas que nous ayons rencontré d'acteurs des parcs naturels, mais la méthode a été illustrée dans de nombreuses auditions. En matière de confiance, l'une de nos principales propositions consiste à associer à l'élaboration d'une politique publique ceux qui la mettront en oeuvre.

Cela est particulièrement vrai dans le champ des compétences décentralisées, où les acteurs locaux demeurent souvent sollicités sur des réformes presque arbitrées. Dans un univers qui assume la décentralisation, nous estimons qu'il importe de commencer par construire des agendas communs avec les acteurs locaux. Nous l'illustrons avec deux politiques publiques qui nous semblent majeures dans les années à venir : la transition écologique et le vieillissement. Une telle démarche représente une petite révolution.

Mme Martine de Boisdeffre. - Je n'ai pas répondu sur les appels à projets. Nous nous retrouvons dans vos propos. Les appels à projets sont souvent élaborés au niveau national, sans tenir compte des spécificités locales. De plus, ils mettent les acteurs en concurrence, au lieu de les réunir. Il serait préférable d'utiliser d'autres voies, comme l'appel à manifestation d'intérêt. Les appels à projets partaient d'une intention louable de rationalisation des pratiques, mais la plupart des auditionnés se sont montrés sceptiques.

M. Victorin Lurel. - J'aimerais revenir sur les propos de Teva Rohfritsch. Il me semble comprendre que la conception de l'autonomie est différente ici et en Polynésie française. L'autonomie est moindre dans la conception française que dans la conception anglaise, les dotations sont également moindres. En cas d'urgence, l'État se substitue, comme il l'a fait pendant la crise sanitaire. Il empiète, sans toujours financer.

Par conséquent, comment réfléchir sur le « premier et le dernier kilomètres » si la conception du périmètre de l'autonomie n'est pas la même ? Il s'agit d'ailleurs d'un frein pour l'évolution statutaire ou institutionnelle chez nous.

Mme Martine de Boisdeffre. - Je ne m'engagerai pas sur un terrain potentiellement politique. Il me semble qu'il convient d'abord de partager des constats, de porter des diagnostics communs et d'unifier le langage. Sur la base de diagnostics partagés, il faut ensuite se donner le temps de l'écoute réciproque et de la confiance à tous les niveaux.

Mme Micheline Jacques, président. - Nous clôturons l'audition sur ces propos. Je pense que nous partageons le sentiment d'avoir été enfin entendus et compris. Cela est de bon augure pour la suite de ce travail. Je vous remercie tous pour ces échanges.

Mme Martine de Boisdeffre. - Madame la Présidente, vous ne pouviez pas nous faire un meilleur compliment. À mon tour de vous remercier pour votre attention et vos questions.

La séance est levée à 19 heures 45.

Jeudi 14 décembre 2023

- Présidence de Mme Micheline Jacques -

Audition de Jean-Paul Guihaumé, ambassadeur, délégué pour l'action extérieure des collectivités territoriales, ministère de l'Europe et des Affaires étrangères

Mme Micheline Jacques, président. - Chers collègues, après l'adaptation des modes d'action de l'État outre-mer mardi, nous lançons ce matin nos travaux sur la coopération régionale des outre-mer pour laquelle nous avons nommé un rapporteur coordonnateur, Christian Cambon, ancien président de la commission des Affaires étrangères, de la Défense et des Forces armées, et trois binômes de rapporteurs, soit un binôme par bassin :

- pour le bassin Pacifique : Evelyne Corbière Naminzo, sénatrice de La Réunion et Rachid Temal, sénateur du Val-d'Oise ;

- pour le bassin Atlantique : Teva Rohfritsch, sénateur de la Polynésie française et Jacqueline Eustache-Brinio, sénatrice du Val-d'Oise ;

- pour le bassin Indien : Georges Patient, sénateur de Guyane et Stéphane Demilly, sénateur de la Somme.

Pour cette première audition, nous recevons Son Excellence Jean-Paul Guihaumé, ambassadeur, délégué pour l'action extérieure des collectivités territoriales, auprès du ministère de l'Europe et des Affaires étrangères.

Monsieur l'ambassadeur, nous vous remercions pour votre présence qui va nous permettre d'amorcer notre panorama de l'action extérieure des collectivités d'outre-mer.

Concernant le déroulé de cette réunion, je laisse la parole à notre rapporteur coordonnateur, puis aux rapporteurs par bassin.

Puis vous présenterez, Monsieur l'ambassadeur, votre propos liminaire en vous inspirant de la trame qui vous a été adressée.

M. Christian Cambon, rapporteur. - En qualité de rapporteur coordonnateur, je souhaite rappeler rapidement les raisons du choix de ce thème d'étude et esquisser quelques axes de réflexion ou de perspectives. En effet, face à un sujet aussi vaste, il faut prendre garde à ne pas se disperser.

Pourquoi avons-nous retenu ce difficile sujet de l'action extérieure des collectivités territoriales ?

Je ne suis pas un spécialiste des outre-mer, mais l'expérience que j'ai acquise en tant que président de la commission des Affaires étrangères, de la Défense et des Forces armées me donne le sentiment que les territoires ultramarins français sont encore trop faiblement insérés dans leur environnement régional, sans doute à cause des relations historiques avec la « métropole ». J'utilise à dessein ce terme car c'est bien cette relation de dépendance par rapport à un centre qui est critiquée.

Cette situation est considérée comme un frein au développement économique et est une des causes de la cherté de la vie. Elle peut aussi étouffer le rayonnement culturel, universitaire ou scientifique des territoires ultramarins dans leurs bassins de vie.

La coopération régionale présente un intérêt réciproque :

- du point de vue des territoires, elle doit favoriser leur insertion régionale et leur développement endogène dans le respect de leur identité ;

- du point de vue de la France, des outre-mer intégrés participent à l'accroissement de son influence. Il en va de même pour l'Union européenne, à travers les régions ultrapériphériques (RUP) en particulier, mais également les pays et territoires d'outre-mer (PTOM).

La coopération doit aussi être un facteur de stabilisation et de sécurité. De plus en plus, les outre-mer sont exposés à des risques environnementaux, mais aussi à des risques géostratégiques. Dans le jeu des relations internationales, ces territoires peuvent être la cible de tentatives de déstabilisation et de jeux d'influences. Les enjeux de police et de sécurité sont aussi croissants face à des réseaux criminels puissants.

Ce tableau nous invite à faire un état des lieux de la coopération régionale, à interroger les raisons des limites actuelles de cette stratégie et à proposer des pistes de réponse.

À côté d'enjeux transversaux, nous avons décidé d'opter pour une approche par bassin, tout le défi étant de développer la coopération en l'appuyant sur les atouts et les caractéristiques de chaque territoire.

Enfin, deux ou trois objectifs de la coopération régionale doivent être explorés plus avant :

- l'objectif de sécurité et de stabilisation des territoires ;

- l'objectif du développement économique, qui est au coeur de la coopération des outre-mer ;

- enfin celui de la transition écologique et énergétique, qui est étroitement lié au précédent. Nous nous souvenons des conséquences dramatiques d'un ouragan à Saint-Martin qui a déstabilisé une bonne partie de son économie.

Votre audition, Monsieur l'ambassadeur, permettra d'éclairer une partie de ces thèmes. Les collectivités ultramarines sont demandeuses de plus d'actions de coopération régionale. Certaines déploient déjà des actions extérieures, nombreuses. Nous souhaitons avoir votre regard sur l'intensité de ces actions, leur orientation, le soutien que l'État leur apporte, et sur vos services en particulier. Au-delà, nous souhaiterions savoir si ces actions permettent de dessiner une stratégie de coopération régionale, en appui ou en complément de la diplomatie française.

Voici quelques interrogations non exhaustives que les rapporteurs par bassin enrichiront à la suite de votre exposé liminaire.

M. Jean-Paul Guihaumé, ambassadeur, délégué pour l'action extérieure des collectivités territoriales, ministère de l'Europe et des Affaires étrangères. - Je vous remercie de me donner l'occasion de venir à votre rencontre. Pour éviter tout malentendu et toute dispersion, je tiens à apporter quelques précisions sur le rôle de la délégation pour l'action extérieure des collectivités territoriales (DAECT) du ministère de l'Europe et des Affaires étrangères.

Le poste que j'occupe depuis un peu plus de deux ans sera prochainement supprimé et son activité de soutien aux collectivités territoriales hexagonales et ultramarines sera confiée à un bureau au sein d'une plus grande délégation en charge de l'interface avec les collectivités territoriales mais aussi la société civile et les organisations de solidarité internationale.

La DAECT a été créée comme délégation auprès du Premier ministre. Elle a ensuite été rattachée au Secrétaire général du Quai d'Orsay, puis au Directeur général de la mondialisation.

Par ailleurs, la DAECT n'a jamais été compétente pour le bassin Pacifique. En effet, au moment de sa création il y a plus de 20 ans, les territoires français du Pacifique jouissaient déjà d'un statut particulier dans la conduite de leurs relations avec des États étrangers. Les collectivités des bassins Atlantique et Indien étaient dotées des mêmes compétences que les collectivités métropolitaines, ce qui n'est plus le cas aujourd'hui.

L'action extérieure des collectivités territoriales a des dimensions très variées. La plus ancienne et la plus connue est la solidarité internationale, qui a souvent une dimension diasporique. Par ailleurs, des collectivités ont des liens historiques avec certains territoires. Les conseils régionaux sont aussi beaucoup plus préoccupés aujourd'hui par l'attractivité et par l'accompagnement des entreprises.

Le législateur n'a pas délimité les compétences internationales des collectivités territoriales. Rien n'empêche un conseil départemental de mener sur un territoire étranger un projet de coopération décentralisée dans le domaine économique alors que celui-ci ne relève plus de sa compétence sur son propre territoire. De la même manière, un conseil régional peut se lancer dans des projets en lien avec des sujets, comme la petite enfance, qui sont de la compétence des conseils départementaux.

Tous les acteurs qui viennent en soutien de l'action extérieure des collectivités territoriales, la DAECT mais aussi l'Agence Française de Développement (AFD), doivent respecter les choix des élus, même si les thématiques des projets engagés ne figurent pas dans les compétences de leur collectivité sur le plan national.

J'ai bien compris que l'objet de votre étude portait sur la coopération régionale des outre-mer mais je m'en voudrais de ne pas mentionner un sujet qui suscite toujours l'intérêt des élus ultramarins, la coopération décentralisée avec l'Afrique de l'Ouest autour des questions mémorielles. De nombreux projets, en particulier aux Antilles, sont montés, parfois avec beaucoup de difficultés, avec des partenaires d'Afrique de l'Ouest. Il n'y a donc pas qu'une seule dimension à l'action extérieure des collectivités ultramarines consistant à les intégrer dans leur environnement immédiat.

De la même manière, certains partenaires, notamment les collectivités territoriales du Québec, sont très présents aux Antilles. C'est un sujet qui suscite de l'inquiétude car le Québec affiche clairement comme priorité le recrutement de jeunes des territoires français des Antilles pour pallier le manque de main-d'oeuvre bien formée. Il y a un effet d'attraction du Québec sur les Antilles qu'il ne faut pas négliger.

La DAECT regroupe une douzaine d'agents. Certains sont mis à sa disposition par le ministère de l'Intérieur et des Outre-mer. À certains moments, des agents étaient détachés des ministères de la Transition écologique ou de l'Agriculture.

En 2023, son budget était de 13 millions d'euros, ce qui correspond à son rôle de soutien aux collectivités territoriales, et nous travaillons en très bonne intelligence avec l'AFD qui prend souvent le relais de la DAECT pour soutenir des projets nécessitant des budgets importants, notamment sur l'eau et l'assainissement.

La DAECT assure le secrétariat général de la Commission nationale de la coopération décentralisée (CNCD). Cette commission, présidée par la Première ministre, se réunit dans différents formats, dont deux sessions plénières par an. La Première ministre peut déléguer la présidence de cette commission à la ministre de l'Europe et des Affaires étrangères. Les trois dernières sessions plénières ont été présidées par Chrysoula Zacharopoulou, la secrétaire d'État auprès de la ministre de l'Europe et des Affaires étrangères, chargée du développement, de la francophonie et des partenariats internationaux.

Cette commission réunit des élus désignés par les grandes associations faîtières (Régions de France, Départements de France, l'Association des maires de France) et par des associations spécialisées comme l'Association Française du Conseil des Communes et Régions d'Europe (AFCCRE), Cités Unies France, France Urbaine, l'Association internationale des Maires francophones (AIMF) ou encore l'Association internationale des Régions Francophones (AIRF), mais aussi des représentants des différents ministères. Le ministère des Outre-mer participe activement aux travaux de cette commission. L'intérêt de soutenir les actions de coopération des collectivités ultramarines est toujours réaffirmé, que ce soit lors des sessions plénières ou dans les groupes de travail.

La DAECT participe à la promotion de la coopération décentralisée et à l'internationalisation des territoires par des séminaires et des actions de sensibilisation en lien avec l'AFD et différents ministères, comme celui de l'Éducation nationale pour l'éducation à la citoyenneté et à la solidarité internationale.

Notre soutien peut prendre plusieurs formes. Nous lançons chaque année des appels à projets généralistes ou thématiques. Ces appels à projets thématiques nous permettent de refléter les priorités de la diplomatie française, par exemple dans le domaine du sport, de la jeunesse, mais aussi plus récemment sur l'égalité entre les femmes et les hommes, sur le numérique responsable et inclusif, sur la sécurité alimentaire ou le soutien aux finances locales. Les appels à projets généralistes nous permettent de signaler aux collectivités territoriales que nous examinerons tous les projets suffisamment aboutis et qui ne sont pas contraires aux engagements internationaux de la France.

Nous partageons aussi des dispositifs avec de grands partenaires comme le Liban, le Sénégal ou le Maroc. Ces pays peuvent signaler des priorités à la direction des collectivités territoriales du ministère de l'Intérieur.

Enfin, nous avons récemment lancé un appel à manifestation d'intérêt dans la perspective du sommet de la Francophonie fin 2024 à Villers-Cotterêts et à Paris. Nous souhaitons à cette occasion valoriser l'action internationale des collectivités territoriales sur le thème de la francophonie.

D'autres programmes sont en cours d'élaboration, notamment pour le soutien aux dix villes françaises qui font partie du réseau des villes créatives de l'Unesco.

Nous sommes attachés à l'engagement politique des collectivités. La coopération décentralisée n'est pas une coopération technique comme les autres. L'engagement politique doit se matérialiser par la signature d'un élu français et d'un élu partenaire. En effet, la coopération décentralisée doit se caractériser par des échanges entre élus et pas uniquement entre services techniques.

Les projets peuvent durer d'un à trois ans et être renouvelés. Nous aidons les collectivités à les ajuster, notamment dans des pays particulièrement troublés comme le Liban ou les Territoires Palestiniens.

Nous apportons notre soutien sous forme de cofinancement, qui peut aller jusqu'à 80 % du montant du projet, mais nous ne menons pas le projet à la place de la collectivité. Elle est à l'origine du projet, du choix des partenaires et peut être accompagnée par des opérateurs régionaux.

Nous avons aussi la mission de soutenir les collectivités territoriales dans les grandes enceintes internationales. La voix de la France est de plus en plus faible dans les conférences d'associations de collectivités territoriales. Il n'est pas rare que la France et l'Europe soient mises en difficulté par des prises de position lors de ces grandes réunions.

Nous faisons également entendre la voix des collectivités territoriales dans les grands rendez-vous internationaux comme les Conférences des Parties (COP). Nous savons qu'une bonne partie des objectifs de développement durable ne seront atteints que grâce à l'action des collectivités territoriales, à leur territorialisation.

La DAECT s'appuie le réseau des conseillers diplomatiques placés auprès des préfets de région (CDPR) pour les conseiller dans la conduite des relations avec les partenaires étrangers. De nombreux ambassadeurs en poste à Paris ont compris que tout ne se passait pas à Paris et l'importance de se rendre dans les territoires. Ces conseillers sont aussi sollicités quand une collectivité territoriale adopte une motion ou prend position sur une question internationale. Le ministère de l'Intérieur assure le contrôle de légalité mais quand les décisions des collectivités portent sur des sujets internationaux, nous travaillons en bonne intelligence avec eux.

Quatre conseillers diplomatiques sont basés en outre-mer, à La Réunion, à Mayotte, en Guyane et en Guadeloupe. Il n'y a pas de CDPR dans le Pacifique mais des diplomates peuvent conseiller les services déconcentrés de l'État.

Même si la priorité ultramarine est réaffirmée à chaque réunion plénière de la CNCD, c'est avec ces collectivités que nous avons le plus de difficultés à soutenir des projets de coopération décentralisée. Nous n'avons pas d'action spécifique qu'il faudrait peut-être développer comme le fait l'AFD. Nous avons conscience de l'enjeu mais je dois reconnaître que nous n'en avons sans doute pas fait suffisamment. Il y a une forte appétence pour la coopération décentralisée des élus ultramarins mais peu de résultats concrets.

Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteur. - Je vous remercie, Monsieur l'ambassadeur, pour ces informations. Vous avez parlé des appels à projets soutenus par différents ministères. Combien de projets la DAECT a-t-elle soutenus en 2022 ? Quel est le budget alloué à ces projets ? Quels sont les domaines concernés ? Enfin, avez-vous défini des priorités ?

M. Jean-Paul Guihaumé. - Notre budget était cette année de 13 millions d'euros et celui de 2024 sera de 15 millions d'euros.

Pour les bassins Atlantique et Indien, entre 2020 et 2023, nous avons soutenu à hauteur de 1,7 million d'euros des projets d'une valeur d'environ 4 millions d'euros. Les projets durent parfois 36 mois, nous les examinons en début d'année, ils démarrent généralement en septembre et la première année n'est pas une année de fort décaissement.

Ce sont des projets modestes portant sur le sport, avec une dimension inclusive et éducative, la coopération culturelle et linguistique, l'apprentissage linguistique étant indispensable à la formation des jeunes, et sur les cultures agricoles, vivrières ou urbaines.

La DAECT souhaiterait soutenir plus de projets dans le domaine de la préservation de la biodiversité. La biodiversité de la France doit en effet beaucoup aux outre-mer. Nous avons par exemple soutenu des projets portés par la Fédération nationale des parcs naturels régionaux.

Si nous intervenons directement auprès des collectivités territoriales, nous soutenons également des projets à l'international portés par des associations de collectivités territoriales qui conjuguent leurs actions sur des thèmes aussi variés que le patrimoine naturel, le patrimoine historique, etc.

Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteur. - Y a-t-il une coordination officielle entre les communes, les départements et les régions ?

M. Jean-Paul Guihaumé. - Il n'y a pas de coordination. Aucune collectivité territoriale n'a l'obligation de mettre en place un programme de coopération internationale. Seule une centaine de collectivités ont mis en place de tels programmes et dix ont une action significative. Il n'y a aucune collectivité ultramarine parmi ces dix principaux acteurs de l'action extérieure des collectivités territoriales.

M. Rachid Temal, rapporteur. - Je suis rapporteur, sous l'autorité du président Christian Cambon, pour le bassin Pacifique. Votre budget est-il dédié au financement de vos actions ou comprend-il une part de fonctionnement ? Pouvez-vous préciser le rôle des conseilleurs diplomatiques auprès des préfets de région et la manière dont ils peuvent aider les collectivités à développer leurs relations extérieures ? Pourquoi la DAECT n'est-elle pas présente dans le Pacifique ?

Parmi vos missions figure l'élaboration des textes juridiques sur les coopérations transfrontalières. Pouvez-vous nous donner des exemples de coopération en outre-mer au cours des 4 ou 5 dernières années et évoquer la coopération entre Saint-Martin et la partie néerlandaise de l'île ?

Enfin, j'étais co-rapporteur du texte de loi sur l'aide publique au développement et je ne comprends toujours pas comment l'AFD peut intervenir sur les territoires français. L'AFD est un outil de la solidarité internationale et on ne peut pas mettre sur le même plan les territoires français. Je rappelle que la loi donne la liste de 19 pays prioritaires, notamment au Sahel, de l'aide publique au développement. Si l'AFD est une banque, on peut imaginer d'autres acteurs comme la Caisse des dépôts et consignations (CDC) pour financer des projets en outre-mer.

Mme Vivette Lopez. - Vous avez dit que compte tenu de son budget modeste, la DAECT ne soutenait que des projets modestes. Vous avez également indiqué que peu de projets aboutissaient. Quelles en sont les raisons ? La DAECT intervient-elle sur des projets liés aux Jeux olympiques ? Enfin sur l'environnement, soutenez-vous des projets dans le domaine maritime comme les aires marines  protégées?

M. Jean-Paul Guihaumé. - Le mandat de l'AFD n'entre pas dans le champ de compétence de la DAECT. Je prends note de vos remarques que j'ai déjà entendues de la part d'élus ultramarins mais je ne peux pas vous apporter de réponse.

Vous avez indiqué qu'il existait une liste de pays prioritaires pour l'aide publique au développement. Depuis le Conseil présidentiel du développement qui s'est réuni le 5 mai, il n'y a plus de liste prioritaire mais une incitation à soutenir les pays les moins avancés tels que les pays du Sahel, le Cambodge, le Népal, etc. Cette décision ne bouleverse pas fondamentalement la géographie de l'aide publique au développement. Lors de la dernière réunion de la CNCD, Chrysoula Zacharopoulou a indiqué que le Gouvernement souhaitait encourager des projets avec d'autres partenaires comme le Nigeria ou le Kenya.

Concernant les Jeux olympiques, aucun projet ne nous a pour l'instant été soumis. Nous avons encouragé les collectivités territoriales à profiter de la présence de fédérations sportives étrangères sur leur territoire pendant les Jeux. Par exemple, Miramas et le Conseil départemental des Bouches-du-Rhône souhaitent profiter de la présence de la fédération kényane d'athlétisme pour mener un projet. Le ministère de l'Europe et des Affaires étrangères a également lancé dans les ambassades une labellisation « Terre de Jeux 2024 » pour encourager les actions dans ce domaine. Enfin, nous avons un partenariat privilégié en matière de sport avec le Sénégal puisque Dakar accueillera en 2026 les Jeux Olympiques de la Jeunesse (JOJ Dakar 2026).

Sur l'environnement, rien ne nous empêche d'intervenir sur les aires marines protégées mais nous ne le ferons que si une collectivité nous soumet un projet. Ce n'est pas la petite équipe de la DAECT qui va construire un projet, elle n'en a pas toujours les compétences. Je sais que des collectivités travaillent sur le recul du trait de côte avec des partenaires étrangers. Certaines collectivités normandes collaborent, malgré le Brexit, avec des collectivités britanniques.

Notre budget est un budget d'intervention, notre fonctionnement étant fondu dans le budget du ministère. Ce budget doit nous permettre de remplir les objectifs fixés par le président de la République en matière de soutien à l'action extérieure des collectivités territoriales mais il n'est pas facile de le dépenser si nous voulons rester exigeants sur la qualité des projets et sur leur faisabilité. Dans certaines régions qui attiraient de beaux projets, comme la Russie ou les pays du Sahel, les dossiers sont aujourd'hui à l'arrêt pour une durée indéterminée.

Notre budget est donc assez ambitieux, d'autant plus que nous ne finançons pas de grosses infrastructures mais des expertises, des études ou de toutes petites infrastructures qui ont une vertu pédagogique ou sont des prototypes.

C'est un budget dont je ne me plains pas, je me réjouis de son augmentation, il est à la hauteur des modalités d'action actuelles. En revanche, si on nous demandait demain de construire des projets, nous aurions besoin de compétences et de moyens supplémentaires.

Face à cette difficulté d'amorçage des projets, nous allons à la rencontre de collectivités territoriales et nous leur proposons de contractualiser notre soutien sous forme de convention triennale, avec des avenants fixant chaque année le montant de la subvention. Cette démarche nous permet d'avoir une meilleure visibilité sur les projets à venir. En outre-mer, la collectivité territoriale de Martinique a défini une stratégie d'intégration régionale et de rayonnement international. Son président Serge Letchimy et sa vice-présidente Patricia Telle, qui participent aux travaux de la CNCD au titre de Régions de France, ont la vision la plus claire et élaborée, de ce que peut être une stratégie en matière d'action extérieure. Il y a aussi un potentiel du côté de La Réunion mais je n'ai pas commencé à négocier ce type de texte avec le Conseil régional.

Des négociations sont en cours avec les Hauts-de-France ou les villes de Paris et de Nancy.

Sans cette démarche, nous n'arriverions pas à mobiliser suffisamment de collectivités avec nos seuls appels à projets.

M. Jean-Gérard Paumier. - Je vous remercie, Monsieur l'ambassadeur, pour votre exposé très intéressant.

En appui et en cohérence avec la diplomatie française, je suis convaincu qu'il y a une place pour une diplomatie parlementaire, comme l'a montré le Président Gérard Larcher en accueillant hier une délégation du Congo, mais aussi une place pour une forme de diplomatie territoriale, au-delà de la coopération décentralisée.

Comme président de département pendant 7 ans, j'ai ressenti une prudence, une frilosité, voire une méfiance du Quai d'Orsay par rapport à ces initiatives. Or, je pense que des signaux faibles méritent d'être entendus.

Une ville de 15 000 habitants en Indre-et-Loire, Saint-Cyr-sur-Loire, coopère depuis 25 ans avec Koussanar au Sénégal, notamment parce que Léopold Sédar Senghor a été professeur de lettres à Tours. Quand le centre social financé par Saint-Cyr-sur-Loire a été inauguré, le maire a dû se battre pour qu'il y ait un drapeau français à côté du drapeau sénégalais. Cela ne manque pas de nous inquiéter dans une région où la France perd son influence.

La suppression de votre poste inquiète les collectivités pour leurs projets de coopération décentralisée. Par ailleurs, alors que ma région ne compte que six départements, je n'ai vu qu'une fois en 7 ans le conseiller diplomatique auprès du préfet de région.

Connaissez-vous le budget que consacrent les collectivités locales à la coopération décentralisée ?

Enfin, je suis gêné par le côté descendant, certains disent même condescendant, des appels à projets. Existe-t-il un atlas des différentes actions des collectivités, de leur contenu et de leur montant ?

M. Jean-Paul Guihaumé. - Le président de la République semble avoir anticipé votre question puisqu'à l'issue de la rencontre de Saint-Denis le 30 août, il a annoncé la tenue prochaine d'Assises de la diplomatie parlementaire et de la coopération décentralisée, sans doute à la fin du mois de janvier ou au début du mois de février. J'aurais préféré qu'il usât de l'expression « diplomatie des territoires » à laquelle je crois beaucoup. Cette démarche est très importante pour les parlementaires mais aussi pour les élus locaux qui ont besoin de sentir qu'ils sont traités non pas d'égal à égal mais de la même manière que les parlementaires. Ils s'inquiétaient en effet d'être noyés dans la masse de la société civile. Or, être titulaire d'un mandat électoral, exercer des responsabilités conférées par le suffrage universel, n'est pas de la même nature qu'exercer une activité au sein d'une association.

Nous préparons ces Assises sur le volet de la coopération décentralisée. Ce sera un rendez-vous très important, qui devrait se répéter chaque année.

J'entends ce que vous dites sur le caractère descendant voire condescendant des appels à projets. J'y suis particulièrement attentif depuis que j'ai pris mes fonctions à la DAECT. Je suis en effet doublement suspect aux yeux des élus locaux, à la fois comme fonctionnaire d'État et comme parisien.

Nous discutions de nos appels à projets au sein de la CNCD parce qu'il est difficile de s'adresser aux 35 500 communes de France. Ce sont elles qui ont l'initiative et il est très difficile de les convaincre d'engager une action de coopération. Vous savez combien l'action extérieure n'est pas toujours bien perçue, c'est un peu la variable d'ajustement. Beaucoup d'élus m'ont récemment expliqué qu'il était difficile de parler de coopération décentralisée après avoir baissé la température de l'eau de la piscine de 2°C.

Nous partageons cette volonté de co-construire avec les 10 villes membres du réseau des villes créatives de l'Unesco. Nous interrogeons les maires de ces 10 villes pour savoir comment nous pouvons les aider à rayonner à l'international.

Beaucoup de progrès ont été réalisés sur le travail des CDPR grâce à la direction des affaires européennes et internationales du ministère de l'Intérieur, mais aussi grâce à l'engagement de plusieurs collègues du ministère de l'Europe et des Affaires étrangères. Ces postes ne sont pas encore bien connus et des collègues n'ont pas complètement identifié leur rôle. Nous avons élaboré un vade-mecum et nous communiquons en interne. Tant que les CDPR ne seront pas connus par tous les rédacteurs géographiques du Quai d'Orsay, il n'y aura pas de circulation suffisante de l'information entre les services centraux du ministère et le réseau des CDPR. Il y a aujourd'hui une réunion présidée par le directeur des affaires européennes et internationales du ministère de l'Intérieur pour rendre compte de l'état des dossiers justice-affaires intérieures. Il est en effet indispensable que les CDPR disposent d'un niveau d'information suffisant pour conseiller le préfet et les élus qui se tournent vers eux.

Dans de nombreux domaines, par exemple dans les relations avec la Chine qui sont toujours compliquées, mais aussi dans les relations avec les pays du Sahel, les CDPR sont de plus en plus souvent consultés par les élus locaux qui ont compris qu'ils pouvaient compter sur eux.

J'ajoute que si tous les postes de CDPR ne sont pas pourvus et s'il est difficile d'envisager de créer ce type de poste au niveau départemental, je n'ai jamais refusé un déplacement à l'invitation d'un élu local.

M. Stéphane Fouassin. - Le Comité interministériel des outre-mer (CIOM) a pris des mesures nous permettant de travailler avec des pays de la zone pour les matériaux et leur mise aux normes.

Avez-vous des projets dans le cadre du développement économique ? Disposez-vous d'un fascicule expliquant la manière dont les collectivités peuvent travailler avec la DAECT pour que nous puissions le distribuer dans nos circonscriptions ?

M. Jean-Paul Guihaumé. - D'autres services ou opérateurs de l'État sont plus spécialisés dans le soutien économique que la DAECT mais le champ économique n'est pas exclu de la coopération décentralisée. C'est l'existence d'un lien politique entre les parties qui est pour nous essentielle. Nous travaillons avec le Conseil régional du Grand Est sur une plateforme liée à la transition écologique avec l'ensemble de l'Allemagne, et pas uniquement avec les Länder frontaliers. C'est un projet doté d'une forte dimension économique. Nous intervenons au moment de l'amorçage des projets qui seront ensuite soutenus par d'autres acteurs.

J'ai pris mes fonctions pendant la crise sanitaire, ce n'était donc pas le moment le plus propice pour sillonner la France métropolitaine et ultramarine dans le but de faire connaître notre action. Nous nous appuyons sur les associations de collectivités territoriales et sur les réseaux régionaux multi-acteurs (RRMA). Ils n'ont pas tous la même forme juridique. Dans la région Auvergne-Rhône-Alpes, c'est un Groupement d'intérêt public (GIP), en Île-de-France, une structure associative. Les RRMA réunissent des représentants des collectivités territoriales et des partenaires essentiels comme les instituts de recherche, les associations de solidarité internationale, les lycées agricoles, les chambres des métiers, etc. et connaissent nos appels à projets.

La vraie difficulté réside dans la compétence à monter des projets. Même si nos appels à projets sont plus simples que les appels à projets européens, nous devons rendre compte de l'utilisation de fonds publics et nous avons besoin d'un minimum d'informations. Beaucoup de collectivités territoriales ne disposent pas d'agents formés pour monter des projets de cette nature. Par ailleurs, il ne s'agit pas uniquement de convaincre l'élu en charge de la coopération décentralisée mais aussi ceux qui sont en charge des espaces verts, de la gestion de l'eau, de participer à un projet international. Pourquoi travailleraient-ils sur un projet lointain alors qu'ils manquent de temps pour gérer les dossiers dont ils sont responsables à l'échelle locale ?

Nous disposons de fascicules, je participe à toutes les grandes réunions de collectivités territoriales et me rends le plus possible dans les territoires.

Nous travaillons avec l'AFD au renforcement des équipes autour des élus locaux pour qu'elles puissent monter ces projets, notamment en outre-mer.

Enfin, les projets ultramarins sont souvent pénalisés car les comités de sélection considèrent qu'une part excessive des dépenses est affectée aux billets d'avion. Aller d'une île à l'autre aux Antilles coûte souvent plus cher que de se rendre de Paris à Dakar. C'est particulièrement vrai pour les projets structurants liés au sport.

Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteur. - Je suis étonnée que vous n'ayez mentionné aucun projet portant sur la formation et sur l'emploi alors que ce sont des sujets importants dans les territoires ultramarins dont la population est généralement jeune, et que vous avez fait état de l'attractivité du Québec pour les populations antillaises. Vous n'avez pas non plus évoqué les problèmes de sécurité et de délinquance. Ce sont pour moi des thématiques prioritaires sur lesquelles il faudrait susciter une réflexion.

M. Jean-Paul Guihaumé. - Nous avons regroupé plusieurs dimensions dans le thème jeunesse, dont la dimension formation. Je ne sais pas s'il aurait fallu la distinguer mais il est plus simple pour la DAECT de gérer une quinzaine d'appels à projets sous le vocable général « jeunesse » que de réunir plusieurs comités de sélection.

Nous avons des projets liés à la formation, par exemple un projet de mobilité des apprentis boulangers et pâtissiers de La Réunion dans la zone de l'océan Indien, avec le Conseil départemental. Nos jeunes formés dans les métiers de bouche et de services sont prisés et ont besoin de gagner en expérience à l'étranger, notamment pour améliorer leurs compétences linguistiques.

Je partage votre préoccupation, il n'y a pas assez de projets de cette nature. Il faudrait peut-être que nous nous rapprochions des organismes de formation professionnelle, non pas pour les soutenir directement, mais pour qu'ils sollicitent les élus locaux.

Dans le domaine de la sécurité, nous n'avons pas mené d'action particulière pour encourager les collectivités à monter des projets.

M. Mikaele Kulimoetoke. - Les territoires du Pacifique sont très bien placés au sein de la région Indo-Pacifique et l'État s'inquiète de la présence de la Chine dans la région.

Il est très important de faire le lien entre l'État et la région Pacifique car il y a en Polynésie française et en Nouvelle-Calédonie des gouvernements indépendantistes. Il faut que l'État se penche sur les difficultés des communautés du Pacifique pour comprendre l'origine de ces réactions. J'ai également suggéré au ministère de l'Intérieur et des Outre-mer d'approfondir une réflexion sur la mise en place d'une région Pacifique pour répondre aux problèmes de l'axe Indo-Pacifique.

Dans le cadre des questions au Gouvernement, je me suis étonné que les îles de Wallis-et-Futuna soient inscrites sur la liste de l'OCDE, comme si nous étions un pays sous-développé étranger.

M. Jean-Paul Guihaumé. - Je suis rentré au Quai d'Orsay dans la section Extrême-Orient Pacifique et j'ai eu la chance de me rendre à Wallis-et-Futuna. J'en ai gardé un excellent souvenir.

Je ne peux pas répondre à vos questions car, comme je l'ai mentionné dans mon propos liminaire, la DAECT n'est pas compétente pour le Pacifique.

Je peux simplement rappeler que, parmi les réformes mises en place au Quai d'Orsay à la suite des États généraux de la diplomatie, il y a la constitution d'une académie diplomatique ouverte aux fonctionnaires territoriaux. Il est très important que les collectivités territoriales du Pacifique y envoient leurs agents pour se former et débattre. Ils auront ainsi une meilleure compréhension des enjeux globaux qui touchent les territoires français du Pacifique dans le cadre général de la politique extérieure de la Chine ou de l'Inde.

Mme Micheline Jacques, président. - Vous avez évoqué la Martinique, qui est très en avance en termes de stratégie régionale de développement. Est-ce que le manque de formation et de connaissance des élus et du personnel administratif explique que les autres territoires soient moins avancés ? Que pensez-vous de la création de postes fléchés sur la coopération régionale ?

Vous avez par ailleurs mentionné le prix des billets d'avion. Je pense qu'il y a une méconnaissance, dans les instances nationales, de la situation des territoires. Parmi les aberrations, pour se rendre de Guadeloupe à Cuba, il faut passer par Paris !

M. Jean-Paul Guihaumé. - Je ne veux pas terminer cette audition sans mentionner le travail de mes collègues ambassadeurs délégués à la coopération régionale dans la zone de l'océan Indien et dans la zone Atlantique. Ils sont à pied d'oeuvre pour renforcer la coopération régionale de nos territoires.

Je ne veux juger une collectivité par rapport à une autre mais je constate, pour la Martinique, qu'il est plus commode de n'avoir qu'un seul interlocuteur pour l'échelon régional et l'échelon départemental. J'ajoute que le président de la collectivité territoriale est très engagé dans la coopération territoriale, il y a même une loi qui porte son nom en matière d'action extérieure. Nous n'avons pas encore mentionné Mayotte. Ce département est confronté à une difficulté supplémentaire par rapport aux autres collectivités ultramarines. En effet, ses relations avec son voisin immédiat, les Comores, sont difficiles. Des projets qui auraient eu du sens ont parfois avorté en raison des tensions entre les deux entités. Mayotte est soumise à toutes sortes de difficultés pour participer à des événements sportifs régionaux. C'est d'autant plus dommageable que Mayotte aurait encore plus besoin que d'autres collectivités de s'insérer dans son environnement immédiat. J'admire l'engagement des élus de Mayotte qui s'efforcent de développer des relations avec Djibouti ou Madagascar.

Mme Micheline Jacques, président. - Je vous remercie pour la qualité des informations que vous nous avez apportées.

Je note que le bassin Pacifique n'entre pas dans le champ de compétence de la DAECT et que les collectivités ultramarines participent peu aux appels à projets. Il me semble important de comprendre pourquoi et d'interroger celles qui ont mis en place des stratégies d'intégration régionale comme la Martinique, ou des projets innovants sur la formation comme La Réunion.

Nous sommes ravis d'avoir pu bénéficier de votre expertise et vous nous avez donné des éléments pour poursuivre nos travaux.

M. Jean-Paul Guihaumé. - Je reste à la disposition des rapporteurs.

La séance est levée à 11 heures.